la normalisation du controle interne :
Embed Size (px)
TRANSCRIPT
-
LA NORMALISATION DU
CONTROLE INTERNE :
ESQUISSE DES CONSEQUENCES
ORGANISATIONNELLES DE LA
LOI DE SECURITE FINANCIERE
Laurent CAPPELLETTI
Matre de Confrences
IAE de Lyon, Universit Jean Moulin Lyon 3
ISEOR, 15 Chemin du Petit Bois, 69130 ECULLY
Tl : 04 78 33 09 66 fax : 04 78 33 16 61
Rsum La Loi de Scurit Financire du 1er aot 2003, qui sinscrit dans la continuit de loi amricaine Sarbanes-Oxley, a pour objectif de rtablir la confiance des investisseurs dans la fiabilit et la transparence de linformation financire. Larticle tudie les consquences organisationnelles prvisibles de cette loi sur le contrle interne, et la normalisation de son valuation et de sa documentation. Pour cela, larticle mobilise un cadre thorique et une tude de terrain consistant en 17 missions dvaluation du contrle interne. Mots Cls : Contrle interne, audit, normes, management du contrle interne, changement organisationnel
Abstract The Law of Financial Security of august 2003 stems from the US Sarbanes-Oxley Act of july 2002. It aims at restoring the trust of investors on financial statements. The paper analyses the expected consequences of this law for internal control and its standardization. It presents the results stemming from both an academic literature review and the empirical data extracted by seventeen internal control auditing missions. Keywords : internal control, audit, standards, internal control management, organizational change
-
Introduction
La Loi de Scurit Financire (LSF) du 1er aot 2003, qui sapplique pour les exercices
ouverts compter du 1er janvier 2003, sinscrit pour rtablir la confiance des investisseurs
dans la transparence de linformation financire. Cette loi est dans la continuit de la loi
amricaine Sarbanes-Oxley (LSO) du 30 juillet 2002 avec laquelle elle prsente des
similitudes, mais galement des diffrences. La LSF introduit de nouvelles obligations
dinformation des actionnaires et du march sur les procdures de contrle interne mises en
place dans les socits anonymes. Ces obligations vont concerner le prsident de la socit et
ses commissaires aux comptes. Une analyse de cette loi montre quelle repose sur trois
hypothses principales. En premier lieu, lhypothse que linformation financire ne peut tre
fiable, que si elle est issue dun processus dlaboration (et donc de contrle interne) lui-
mme fiable. En second lieu, lhypothse de la capacit de linformation comptable et
financire reflter fidlement la performance dune entreprise. Enfin, lhypothse
prescriptive quune normalisation du contrle interne, de son valuation et de sa
documentation, contribue la qualit du contrle interne, sans prciser les rfrentiels
utiliser. Larticle propose un travail de recherche de confrontation des hypothses poses par
la LSF avec la littrature, et dtude des difficults organisationnelles prvisibles poses par
lapplication de cette loi. Les enjeux de cette loi, de rtablissement de la confiance des
investisseurs la suite des scandales Enron, Worldcom, et maintenant Parmalat, sont en effet
dimportance, et les travaux portant sur lapplication de cette loi, encore peu nombreux.
Les travaux de recherche sur linformation comptable (Gensse, 1995), (Bucki et Pesqueux,
1995), (Colasse, 2000) et sur le contrle interne, dans le cadre de missions daudit interne
(Lemant, 1989), (Renard, 2002), ou externe (Pig, 2001), (Grand et Verdalle, 2002),
pondrent les hypothses de la LSF. Ces travaux montrent que les rfrentiels existent pour
normaliser trs prochainement le contrle interne, son valuation et sa documentation. Ils
montrent que le lien entre la qualit du contrle interne et la fiabilit de linformation
comptable et financire, existe mais est contingent. Ils tablissent que linformation
comptable et financire, nonobstant sa fiabilit, nclaire quune partie de la performance, et
na pas de caractre prdictif sur les rsultats futurs de lentreprise. La plupart de ces travaux
de recherche portent plus gnralement sur les enjeux du contrle interne en termes
dinformation et moins sur ses enjeux en termes dorganisation. Dans une optique
2
-
organisationnelle, ce travail de recherche exploite galement les rsultats de recherches-
interventions conduites de 1993 1997, qui consistaient en missions dvaluation du contrle
interne, ralises dans un cabinet daudit externe. Ces recherches-interventions ont t
retraites en matriaux de terrain et utilises dans une recherche en audit et contrle de
gestion1 (Cappelletti, 1998, 2004). Lexploitation rtrospective de ces rsultats, selon le
concept de retrospective management action science de Gummesson (2000), pour les
confronter avec la LSF, permet de poser des premires hypothses sur les consquences
organisationnelles prvisibles de la normalisation du contrle interne. Ces hypothses
montrent que lapplication de la LSF pourrait conduire un changement organisationnel dans
le management du contrle interne. En particulier, lapplication de la loi pourrait conduire
lanimation dune fonction contrle interne dans lentreprise, pour assurer une permanence
dans le pilotage, la synchronisation et le toilettage2 des dispositifs, outils et mthodes du
contrle interne, de son valuation et de sa documentation.
1. Lanalyse de la Loi de Scurit Financire (LSF) du 1er
aot 2003
Les affaires Enron et Worldcom ont fortement branl la confiance des investisseurs dans la
transparence de linformation financire publie dans les entreprises. Aux Etats-Unis, la loi
Sarbanes-Oxley (LSO) du 30 juillet 2002 a pour principal objectif de pallier les dfaillances
apparues dans ces affaires concernant les dirigeants, les auditeurs externes, les cabinets
davocats et les analystes financiers (Moeller, 2004). Dans le mme esprit la LSF du 1er aot
2003 (Journal Officiel, 02/08/2003) a t promulgue pour rpondre la crise de confiance
ne Outre-Atlantique et relaye en France par des Affaires comme Vivendi. Les deux lois se
rejoignent sur la ncessit damlioration de la transparence de linformation financire. Elles
reposent sur le constat que la fiabilit de cette information dpend de la fiabilit du contrle
interne. La responsabilit des dirigeants et des auditeurs externes sur le thme du contrle
interne va donc stendre. Les deux lois prsentent des tats desprit similaires et des
diffrences notables (Colatrella, 2003).
1 A titre indicatif, la mthodologie de cette recherche et les hypothses dveloppes sont dcrites in Savall H. et Zardet V. (2004), Recherche en Sciences de Gestion : Approche Qualimtrique, Economica, pp. 180-181 2 Toilettage : action de maintenance ou de remise en tat de fonctionnement des objets matriels et immatriels qui subissent des dgradations au fil du temps en raison de lentropie croissante (Savall et Zardet, 1995)
3
-
1.1. Les similitudes des lois Sarbanes-Oxley et de Scurit Financire
La volont des deux lgislateurs est double : une information plus complte destination des
investisseurs et une plus grande appropriation du processus darrt des comptes par les
dirigeants. A cet effet, la LSO prvoit une valuation du contrle interne signe par le
prsident et le directeur financier (CEO et CFO) jointe au rapport annuel de toute socit
cote sur un march financier amricain. Ce rapport sur le contrle interne devra tre
accompagn dune opinion de lauditeur externe. Ces rapports sont dposs sous serment
auprs de la SEC. Des dispositions trs proches se retrouvent dans la LSF. Le prsident devra,
dans un rapport joint au rapport de gestion sur les comptes sociaux et les comptes consolids,
rendre compte des procdures de contrle interne mises en place dans la socit. Les
commissaires aux comptes devront, dans un rapport joint leur rapport gnral, prsenter
leurs observations sur les procdures de contrle interne dcrites par le prsident, pour celles
relatives llaboration et au traitement de linformation comptable et financire.
Lvaluation du contrle interne requise par la LSF est diffrente de celle requise dans le cas
dune certification des comptes par des auditeurs externes. Cette diffrence provient
essentiellement dune diffrence dobjectif. Pour lauditeur externe, lanalyse du contrle
interne nest quune procdure daudit parmi dautres, qui se fait sur les contrles cls. Dans
lesprit de la LSF, la revue du contrle interne a pour but dexprimer une opinion sur
lefficacit du contrle interne sur le reporting financier mis en uvre au cours de la priode
considre. Son champ dapplication est donc plus vaste, puisque toutes les transactions
routinires, non routinires, et estimations financires, sont concernes. Lexistence et la
documentation du contrle interne dans un rapport nest pas une ide nouvelle en France. Par
exemple le Plan Comptable Gnral prescrit aux entreprises dtablir et de mettre jour un
document dcrivant leurs procdures et leurs organisations comptables. Toutefois, ce rapport
nest pas destin au public. Pour les deux textes, enfin, lapprciation du contrle interne
seffectue sur une base consolide (et sociale pour la LSF).
1.2. Les diffrences entre la LSO et la LSF
La LSO concerne toutes les entreprises faisant appel public lpargne. La LSF ne concerne
que les seules socits anonymes, cotes ou non. La date dapplication de la LSO a t fixe
en 2005, alors que la LSF est applicable pour les exercices ouverts compter du 1er janvier
2003. La LSO dfinit le contrle interne comme un dispositif conu ou supervis par les
principaux dirigeants de lorgane excutif dune entreprise ainsi que le directeur financier,
4
-
entrin par le conseil dadministration. Le but du contrle interne est de fournir lassurance
raisonnable vis--vis du public, quant la fiabilit du reporting financier et la prparation des
tats financiers. Le dispositif de contrle interne doit permettre le maintien dune piste daudit
refltant les transactions lies aux actifs de la socit de manire prcise et fidle. Il doit
fournir une assurance raisonnable sur la correcte comptabilisation des transactions dans les
tats financiers, et sur la dtection temps de toute acquisition, utilisation ou vente dactifs
non autorises par la socit et pouvant avoir un impact significatif sur les comptes. La LSF,
en revanche, ne donne aucune dfinition du contrle interne. La LSO prescrit des sanctions
civiles et pnales pour les dirigeants, alors que dans la LSF la pnalisation est indirecte,
reposant sur la diffusion de fausses informations. Dans ce cas les sanctions peuvent aller
jusqu 2 ans demprisonnement et 1,5 millions deuros damende. La LSO ne porte que sur
les dispositifs lis la prparation et ltablissement des tats financiers. Ne sont concerns
que les contrles significatifs, cest--dire ceux ayant un impact significatif sur les comptes,
ce qui pose la question du seuil de matrialit. Pour la LSF, il semble que toutes les
procdures, significatives ou non, entrent dans son champ dapplication, puisquelle prcise
que le prsident rend compte des procdures de contrle interne mises en place par la
socit (Colatrella, 2003).
1.3. Les hypothses poses par la LSF
Lanalyse de la Loi de Scurit Financire montre quelle repose plus ou moins explicitement
sur trois hypothses principales, pour rpondre la problmatique du lien entre la qualit du
contrle interne et la fiabilit et la transparence de linformation comptable et financire, pour
rtablir la confiance des investisseurs (schma 1). Pour identifier les hypothses poses par la
LSF, nous avons adopt la mthode dexplicitation des hypothses dune dmonstration de
Savall et Zardet (2004). Selon eux, toute hypothse a une formulation tantt descriptive,
tantt explicative, tantt prescriptive, et sagence de faon logique dans une modlisation
descripive-explicative-prescriptive. Les hypothses descriptives formulent des assertions
vrifiables par lobservation sur le terrain ; elles explicitent donc des variables et leurs valeurs
associes. Les hypothses explicatives fournissent une interprtation ou explicitation des
phnomnes observs tels que formuls dans les hypothses descriptives. Les hypothses
prescriptives, ou prdictives, ou normatives constituent un essai de prdiction. Il existe des
liens croiss entre les hypothses, et un certain tlscopage entre hypothses descriptives et
hypothses explicatives. Le choix dans la typologie description/explication/prescription se fait
en pratique en fonction de lobjet de la dmonstration. La distinction entre les trois niveaux
5
-
dhypothses est une tentative de formulation plus rigoureuse dune hypothse. Un dcryptage
de la LSF travers le prisme de ce modle nous a sembl utile pour mieux saisir les
hypothses sous-jacentes de cette loi. Schma 1 : Les hypothses descriptives, explicatives et prescriptives de la LSF
Une information comptable et financire fiable et transparente assure une image fidle de la performance
Explication possible
Observation constat
Si lon veut bien adopter cette grille de
indique que la problmatique soulev
transparence de linformation comptabl
sous cet angle, la LSF repose, selon
contrle interne assure la fiabilit et la
Il sagit du constat de dpart des init
lhypothse explicative quune inform
rassure les investisseurs, en donnan
lentreprise. Enfin, la LSF pose lhyp
interne, de son valuation, et de sa docu
interne (et donc de fiabiliser linformati
2. Le positionnement de l
La LSF et les hypothses qui la sous-te
sur le contrle interne et la fiabilit d
contrle interne, ses parties prenantes e
La qualit du contrle interneassure la fiabilit et la transparence de linformationcomptable et financireProblmatique de la fiabilit et de la transparence de linformation comptableet financire pour rassurer les investisseursIl convient de normaliser le contrle interne, son valuation et sa documentation (en laissant le choix des modles)
lecture, lanalyse de la LSF (cf par
e par cette loi est celle de la
e et financire, pour rassurer les in
nous, sur lhypothse descriptive
transparence de linformation com
iateurs de la loi. En explication p
ation comptable et financire, fia
t une reprsentation fidle de
othse prescriptive quune norma
mentation permettra damliorer la
on financire, ce qui rassurera les i
a recherche
ndent, sinscrivent dans le cadre d
e linformation financire. Ces tra
t son impact sur la fiabilit de linf
6
Scnario possible de solutions agraphes 1.1 et 1.2)
fiabilit et de la
vestisseurs. Etudier
que la qualit du
ptable et financire.
ossible, la loi pose
ble et transparente,
la performance de
lisation du contrle
qualit du contrle
nvestisseurs).
es travaux conduits
vaux dfinissent le
ormation comptable
-
et financire. Ces travaux soulignent la dimension informationnelle, et galement
organisationnelle, de la conception et la mise en uvre du contrle interne dans une
entreprise.
2.1 Le contrle interne, tat et processus.
Dans son acceptation gnrale, le contrle interne dune entreprise est un systme de contrle
tabli par les dirigeants pour conduire lactivit de lentreprise dune manire ordonne, pour
assurer le maintien de lactivit et lintgrit des actifs, et fiabiliser les flux dinformation
(Pig, 2001), (Grand et Verdalle, 2002). Le contrle interne est la fois un tat et un
processus qui inclut les matires financires et comptables, mais galement les contrles
destins amliorer lefficience oprationnelle et renforcer ladhsion la politique
stratgique de lentreprise. Il a un triple rle : sassurer que les dcisions prises sont
correctement appliques, cest laspect transmission des informations. Il garantit la qualit des
prestations et des produits, cest laspect contrle directe ou indirecte des produits. Il dcle
les anomalies de fonctionnement qui ont un cot, visible ou cach. Le contrle interne est
avant tout un systme dorganisation, qui concerne les managers dans son application (Mikol,
1991) (Renard, 2002). Le contrle interne doit donc tre adapt la structure
organisationnelle dune entreprise et son activit. Il prsente donc une universalit
dobjectifs, mais une relativit dapplication.
Le contrle interne reprend les deux sens du mot contrle : il a le sens de vrification (on
contrle quelque chose), et de matrise (on a le contrle de quelque chose) (Bouquin, 1997).
Le contrle, au sens de matrise, est lensemble des dispositifs qui orientent les actions. Le
contrle interne est trs influenc par cette notion de matrise. Ainsi pour Bndict et Kravel
(1990), le contrle interne consiste en tout ce qui va permettre aux dirigeants de conduire
efficacement leur entreprise. Pour Beninger (1986), le processus de contrle interne consiste
exercer une influence volontaire pour contribuer la ralisation dun objectif prtabli. Cette
dfinition englobe deux conceptions troitement lies :
- pour exercer un contrle, il est ncessaire de disposer dobjectifs prtablis : sans objectif, le
contrle na pas de sens ;
- exercer un contrle, signifie, implicitement, influencer quelquun ou quelque chose, tels que
le personnel de lorganisation, dune unit, ou lensemble de lentreprise, en vue de progresser
vers la ralisation dobjectifs.
7
-
2.2. Le lien entre le contrle interne et linformation comptable et financire
Bndict et Kravel (1990) montrent que ds 1948, Fain et Faure, dans leur ouvrage intitul
La rvision comptable , dfinissaient le contrle interne comme ce qui consiste en une
organisation rationnelle de la comptabilit et du service comptable visant prvenir, tout au
moins dcouvrir sans retard, les erreurs et les fraudes . Cette dfinition restreint le contrle
interne la comptabilit et fait une allusion implicite lintervention humaine. En 1962,
louvrage de lOrdre des experts-comptables et des comptables agrs intitul Le
commissaire aux comptes dans les socits franaises , prcise que contrle interne
comptable rsulte du choix et de la mise en oeuvre de mthodes, de moyens humains et
matriels adapts lentreprise et propres prvenir, ou, tout au moins rvler sans retard
les erreurs et les fraudes. Cette dfinition intgre de faon plus explicite lintervention
humaine mais restreint le contrle interne la comptabilit. En 1977, louvrage de lOrdre des
experts-comptables et des comptables agrs intitul Le contrle interne indique que le
contrle interne est lensemble des scurits contribuant la matrise de lentreprise. Il a pour
but dun ct dassurer la protection, la sauvegarde du patrimoine et la qualit de
linformation, de lautre, lapplication des instructions de la direction et de favoriser
lamlioration des performances. Il se manifeste par lorganisation des mthodes et
procdures de chacune des activits de lentreprise pour maintenir la prennit de celle-ci. Le
contrle interne dans cette dfinition des scurits touchant linformation et la gestion
sloigne dune stricte dfinition comptable. En 1978, lIIA dfinissait quatre objectifs
permanents du contrle interne, trs proches de la dfinition de lOrdre des Experts-
Comptables : la scurit des actifs, la qualit des informations, le respect des directives,
loptimisation des ressources. En 1987, le commentaire des normes de la Compagnie
Nationale des Commissaires aux Comptes relatives lapprciation du contrle interne,
prcise que le contrle interne doit permettre dobtenir lassurance raisonnable que :
- les oprations sont excutes conformment aux dcisions de la Direction ;
- les oprations sont enregistres de telle faon que les comptes annuels qui en dcoulent sont
rguliers et sincres et donnent une image fidle du rsultat des oprations, de la situation
financire et du patrimoine de lentreprise ;
- les actifs de lentreprise sont sauvegards par des procdures de sparation des tches, des
contrles physiques sur les actifs, les travaux dun service daudit interne, etc.
8
-
2.3 Les parties prenantes du contrle interne
Le PDG est responsable du contrle interne devant ses actionnaires, sa conception et son
pilotage sont assures par la direction de lentreprise et les cadres. Le contrle interne est la
finalit de laudit interne, dont les travaux alimentent le comit daudit, lorsquil existe. Selon
lInstitute of Internal Auditors (1989), cest laudit interne qui dans lentreprise a en charge
lvaluation du contrle interne. Laudit interne sassure que les produits gnrs dans
lentreprise sont conformes aux objectifs, que le contrle interne est dfini, pratiqu et
efficient. Le contrle interne est efficient lorsquil permet de dtecter les anomalies de
fonctionnements et quil favorise leur correction. Les auditeurs externes sont indpendants de
lentreprise, et contrlent le contrle interne en se limitant aux procdures dinformation
comptable et financire. Le contrle interne est donc un objectif pour les auditeurs internes,
alors quil est un moyen pour les auditeurs externes.
3. Ltude thorique des hypothses de la LSF
Ltude des travaux de recherche portant sur linformation comptable et financire et le
contrle interne apporte une pondration aux hypothses de la LSF. Ces travaux soulignent la
contingence du lien entre la qualit du contrle interne et la fiabilit et la transparence de
linformation comptable et financire. Ils montrent galement les limites de linformation
comptable et financire reflter fidlement la performance de lentreprise. Enfin ces travaux
montrent quune normalisation du contrle interne, de son valuation et de sa documentation
peut se faire trs prochainement, dun point de vue informationnel, compte tenu des
rfrentiels dj existant ou en cours dlaboration. Ils soulignent galement la dimension
organisationnelle du contrle interne, qui nest pas aborde par la loi.
3.1 La contingence du lien entre la qualit du contrle interne et la qualit de
linformation comptable
Les travaux de recherche montrent quun contrle interne de qualit ne garantit pas
ncessairement une information comptable fiable et transparente, pour deux raisons
essentielles : la comptabilit est influence par une politique et une stratgie comptable, et elle
rsulte dun jeu social. Le lien contrle interne et information comptable nest pas rgi par un
phnomne automatique et passif de rgulation, mais par un phnomne actif dquilibration,
dans le sens de Piaget (1975). Lquilibration englobe et transcende la rgulation en se
9
-
fondant sur lide quun systme est anim de projets et de stratgies. Il en rsulte quen tant
que pratique sociale, le chiffrage comptable est donc hautement controversable (Colasse,
2001).
Ainsi les donnes comptables, quelle que soit la qualit du contrle interne, sloignent dune
mesure conomique fiable de la performance effective de lentreprise, lorsque lentreprise se
livre la comptabilit crative ou imaginative (Stolowy, 2000). Par exemple, en fin
dexercice, pour laborer le compte de rsultats, le comptable est amen procder des
enregistrements complmentaires de charges et de produits qui appellent de sa part et de celle
du chef dentreprise des estimations et des choix, voire mme des anticipations. Ces
estimations, choix ou anticipations peuvent, en dpit des contraintes juridiques et fiscales,
permettre une rgulation du rsultat en fonction de la politique conomique et financire de
lentreprise (Colasse, 2001). La reprsentation comptable procde peu ou prou de la mise en
oeuvre dune politique comptable, par son propre sujet, pour influencer et convaincre le
lecteur des comptes, tout en contrlant, techniquement et dans la mesure du possible, ses
rsultats comptables. Il sensuit que la notion de rsultat prend un caractre trs relatif et que
lon peut parler de rsultat apparent pour dsigner le rsultat comptable (Colasse, 2001). Les
techniques lgales pour matriser les rsultats sont bien identifies dans la littrature. Par
exemple, les provisions, les amortissements, les charges rpartir, qui expliquent la
diffrence entre le rsultat net comptable et les cash-flows de la firme, sont des oprations qui
peuvent modifier dans le temps la planification des rsultats publis et permettre aux
dirigeants de transfrer des rsultats entre les diffrentes priodes (Chalayer, 1995).
3.2 Les limites de linformation comptable reprsenter fidlement la performance
De nombreux travaux de recherche soulignent les limites de linformation comptable et
financire, mme doue de fiabilit et de transparence, reflter fidlement la performance de
lentreprise. Pour Dupuy (1995), cela rsulte de la conception mme du systme
dinformation comptable. Il note quil existe une sorte disomorphisme entre le tableau
emplois-ressources comptable et le schma extrants-intrants du modle systmique. Construit
sur ce modle de reprsentation, linformation comptable ne rvle pas les lments
explicatifs de lactivit. Le systme comptable apparat comme un systme opaque pour le
gestionnaire qui cherchera agir sur le fonctionnement de son entreprise. Savall (1979) parle
ainsi de bote noire comptabilit , et un certain nombre dauteurs concluent en une
impossibilit dune modification du fonctionnement global de lentreprise, partir dune
10
-
simple approche comptable et financire (Claveranne et Larrasquet, 1995). Les thoriciens de
la comptabilit et du contrle dentreprise saccordent dire que le systme dinformation
comptable fait implicitement rfrence au paradigme classique de la firme, celui de la
concurrence pure et parfaite et de ltat stationnaire (Teller, 1995). Dans ce cadre, le systme
dinformation comptable nie la gestion comme le paradigme classique, celui de lquilibre
walrasso-partien, nie lorganisation (Gensse, 1995). Son objectif est dclairer la cration de
profit, et de servir doutil la thorie noclassique de la firme de recherche de maximisation
du profit pour les actionnaires (Caby et Hirigoyen, 1997). En raison de sa conception,
linformation comptable et financire masque les potentialits de la performance, qui
intressent pourtant les investisseurs (Cappelletti, 1998). En particulier, la valeur
organisationnelle dune entreprise, cest--dire la qualit de son management et de son
fonctionnement, est masque par linformation comptable et financire, nonobstant la
transparence et la fiabilit de celle-ci (Cappelletti et Khouatra, 2002). Cela conduit Savall
proposer un modle extra-comptable pour valuer de faon qualitative, quantitative et
financire la performance socio-conomique, et valuer ses potentialits (Savall, 1975)
(Savall et Zardet, 1987, 2003). Cela explique galement le foisonnement des travaux portant
sur la valorisation des actifs immatriels et du capital humain (Rashad Abdel-Khalik, 2003)
(Fincham et Roslender, 2003).
3.3 La normalisation du contrle interne, de son valuation et de sa documentation dun
point de vue informationnel
Dun point de vue informationnel, la LSF ne donne pas de modle du contrle interne. Les
travaux de recherche sur le contrle interne montrent que des rfrentiels existent, et que la
problmatique du rfrentiel nest finalement quune question de choix, et de temps (voir
schma 2). Schma 2 : Les modles possibles de normalisation du contrle interne, de son valuation et de sa
documentation
Systme de contrle interne
Documentation externe : modle CNCC dfinir
Documentation interne : modle AMF dfinir
Conception interne : modle COSO par exemple
Evaluation interne : par auditeur interne selon norme 2120 de lIIA par exemple
Evaluation externe : par auditeur externe selon modle COSO par exemple
11
-
Par exemple, le lgislateur amricain fait souvent rfrence la dfinition du contrle interne
donne par le COSO (Committee of Sponsoring Organization) en 1994 (Renard, 2002). A
partir des bonnes pratiques identifies sur le sujet, le COSO dcrit de faon thorique les
composantes essentielles retrouver dans un dispositif de contrle interne. Le contrle interne
est ainsi modlis travers cinq lments : lenvironnement de contrle, lvaluation des
risques, les activits de contrle, linformation et la communication et le pilotage du systme
de contrle interne. La LSF ne prcise galement ni la forme ni le contenu des rapports faire
par les dirigeants. Ces nouveaux rapports sadressent aux investisseurs qui nont pas la
possibilit dapprcier lefficacit du contrle interne. Il est donc primordial que ces
dispositifs ne soient pas uniquement descriptif, mais quils attestent la bonne application et
lefficacit des procdures dcrites. Les travaux portant sur le contrle interne montrent que la
normalisation de ce rapport devrait se faire dans un avenir assez proche (Colatrella, 2003). En
effet, la LSF dsigne la nouvelle Autorit des Marchs Financiers (AMF) comme seule
responsable pour fixer le contenu des rapports. Un groupe de travail incluant lAMF, le
MEDEF et lIFACI a t constitu pour dfinir les modalits dapplication de la LSF dans les
socits cotes. LInstitut of Internal Auditors (IIA) propose des normes de fonctionnement et
des normes de mise en uvre associes qui concernent les activits du service daudit interne
et ses critres de qualit. Elles se composent de sept articles principaux, eux-mmes dclins
en plusieurs articles subsidiaires (Renard, 2002). Parmi ceux-ci la norme 2100, et son article
2120, fixent des modalits pratiques traitant successivement du plan daudit, de lvaluation
du processus de contrle et du rapport annuel la DG et au comit daudit. Enfin, une norme
de travail est en cours dlaboration par la CNCC, pour prciser la porte de la revue et la
nature du rapport fournir par les commissaires aux comptes.
4. Les consquences organisationnelles prvisibles de la LSF
Les travaux portant sur la normalisation du contrle interne, de son valuation et de sa
documentation portent gnralement sur les consquences informationnelles de cette
normalisation, et peu sur les consquences organisationnelles de la loi. Afin de poser des
premires hypothses sur les consquences organisationnelles prvisibles de la loi, larticle
exploite les rsultats de recherches-interventions conduites de 1993 1997 qui consistaient en
17 missions dvaluation du contrle interne, dans le cadre de missions daudit externe des
comptes. Les rsultats de cette tude soulignent la dimension organisationnelle du contrle
12
-
interne. Une exploitation rtrospective de ces rsultats, mis en perspective avec les termes de
la LSF, permet de poser des premires hypothses sur les consquences organisationnelles
prvisibles de la normalisation du contrle interne. Ces hypothses montrent que lapplication
de la LSF pourrait demander aux entreprises danimer le contrle interne comme une
fonction. Si cest le cas, il sagirait dun changement organisationnel significatif dans le
management du contrle interne, demandant une adaptation importante aux entreprises,
compte tenu des contraintes pesant sur tout changement organisationnel (Autissier, 2001).
4.1 Le processus de la recherche de terrain
Le processus de recherche mobilis dans larticle sinscrit dans un cadre de recherche-
intervention. Il est fond sur la transcendance de linduction et de la dduction, en alternant
les recherches sur le terrain (phase dimmersion en entreprise) avec des phases de recul et
danalyse (phase de distanciation). Les phases dimmersion donnent naissance, par induction,
des interprtations. Dans un deuxime temps, les phases de distanciation permettent, par
dduction, de formuler des hypothses de recherche, valides ou non par une nouvelle phase
dimmersion (Savall et Zardet, 1995). Le contraste des deux phases favorise la cration de
connaissances (Wacheux, 1996). Lors des phases dimmersion, un dispositif intgr
dobservation permet de valider et renseigner les hypothses de la recherche. Le processus de
la recherche est galement fond sur linteraction cognitive entre le chercheur et les acteurs
dentreprise. Le chercheur utilise laction quil pilote afin de produire des connaissances, et
les acteurs contribuent la construction mme du processus de recherche (Plane, 2000). Le
terrain a t exploit selon une mthodologie qualitative. La participation 17 missions
dvaluation du contrle interne de 1994 1997 a permis dvaluer les cinq lments du
contrle interne selon le modle COSO (voir tableau 1). Ces missions ont t retraites en
tudes de cas (Yin,1984), formalises sous la forme dune synthse prsentant les contrles
cls identifis, leurs forces, leurs faiblesses, les difficults organisationnelles releves et des
recommandations damlioration. La synthse a pour objectif de comprendre les procdures
de contrle interne, et de dcider sil convient de mettre en uvre une approche systme pour
les transactions routinires dans le cadre de laudit externe. Ces tudes de cas ont t utilises
pour mener une recherche en audit et contrle de gestion portant sur le concept daudit
dactivit et la production dintelligence socio-conomique sur la performance (Cappelletti,
1998, 2004). Les rsultats de cette tude soulignent la dimension organisationnelle du
contrle interne. Cest pourquoi, ces rsultats indiquent que des nouvelles contraintes pesant
13
-
sur le contrle interne, comme celles induites par la LSF, pourraient avoir des consquences
organisationnelles sur le management du contrle interne. Tableau 1 : Les missions de ltude de terrain
Nom de lentreprise
Secteur dactivit Taille Chiffre daffaires
Missions Interaction avec les acteurs
A1 Cosmtique 280 personnes
38 M 3 valuations du contrle interne
17 acteurs
A2 Haute technologie mdicale
110 personnes
22 M 3 valuations du contrle interne
9 acteurs
A3 Transport 600 personnes
106 M 1 valuation du contrle interne
15 acteurs
A4 Cartonnerie 300 personnes
45 M 3 valuations du contrle interne
16 acteurs
A5 Fabrication dampoules lectriques
90 personnes
27 M 2 valuations du contrle interne
5 acteurs
A6 Fabrication de rasoir lectrique
110 personnes
18 M 2 valuations du contrle interne
4 acteurs
A7 Centrale dachat 1200 personnes
300 M 3 valuations du contrle interne
18 acteurs
7 entreprises
tout secteur 90 2600 personnes
18 M 300 M
17 missions 84 acteurs impliqus
Afin dexploiter les rsultats de ces recherches-interventions pour tracer une premire
esquisse des consquences organisationnelles de la LSF, nous avons procd une analyse
rtrospective des ces recherches-interventions. Gummesson (2000) dfinit le concept de
retrospective management action science quil estime complmentaire des dmarches
intervenantes en temps rel. Il sagit dexploiter a posteriori lexprience accumule lors de la
conduite dun processus, en confrontant les observations faites lors de cette exprience avec la
problmatique de la recherche. Notre propos est donc danalyser les rsultats des observations
faites entre 1993 et 1997 sur la dimension organisationnelle du contrle, laune des termes
de la LSF, pour proposer des hypothses sur les consquences organisationnelles de la LSF.
Lobjectif est de contribuer au dbat sur la LSF, en anticipant sur ses possibles difficults de
mise en uvre, compte tenu des changements organisationnels quelle ncessite. Cette tude
rtrospective soulve des questions pistmologiques, qui rejoignent plus largement la
question de la transformation dune exprience passe en savoirs actionnables en sciences de
gestion (Avenier, 2004). Le propos de cet article nest pas de rpondre ces questions
fondamentales en quelques lignes, mais de tracer modestement les limites principales de ce
travail. Celles-ci reposent sur le fait que les observations de terrain ralises sur le contrle
interne entre 1993 et 1997 nont pas de valeur statistique, et ne concernent que lchantillon
tudi. Dautre part, le fait dutiliser des observations ralises entre 1993 et 1997 pour
sinterroger sur une problmatique de 2003, pose la question de la validit actuelle des
observations faites. En termes qualitatifs, il nous a sembl que les observations faites cette
14
-
priode restaient valides, en raison de la dure de ltude (4 ans) et par rapport aux
observations que nous avons ralises depuis 1997 sur plusieurs entreprises (voir en
particulier Cappelletti, 2003). Malgr ces limites, il nous a sembl intressant de procder
ainsi, pour apporter un dbut de rflexion prospectif sur les consquences organisationnelles
de la LSF. Il conviendra de tester ces hypothses dans les prochains mois sur des terrains
constitus dentreprises mettant en uvre la LSF.
4.2 La dimension organisationnelle des lments du contrle interne
Les rsultats de ltude de terrain mene de 1993 1997 confirment la dimension
organisationnelle de chaque lment du contrle interne. Nous prsentons ces rsultats pour
chaque lment du modle COSO.
4.2.1 Lenvironnement de contrle
Les rsultats indiquent que lenvironnement de contrle est un lment qui sapparente la
culture dune entreprise et dtermine le niveau de sensibilisation du personnel au besoin de
contrle. Cet environnement constitue le fondement de tous les autres lments du contrle
interne puisque de celui-ci dcoulent la discipline et lorganisation de lentreprise. Ltude
souligne que parmi les facteurs ayant un impact sur lenvironnement de contrle, il y a
lintgrit, lthique et la comptence du personnel, la philosophie des dirigeants et le style de
management, la politique de dlgation des responsabilits, dorganisation et de formation.
4.2.2 Lvaluation des risques
Dans leur environnement de contrle, les entreprises sont confrontes un ensemble de
risques externes et internes qui doivent tre valus, comme les risques de recouvrement des
crances clients ou de rupture de livraison dun fournisseur essentiel lactivit. Ltude
montre que lvaluation des risques consiste en lidentification et lanalyse des facteurs
susceptibles daffecter la ralisation des objectifs ; il sagit dun processus qui permet de
dterminer comment ces risques devraient tre grs. Compte tenu de lvolution permanente
de lenvironnement micro- et macro-conomique, du contexte rglementaire et des conditions
dexploitation, lvaluation des risques consiste en lensemble des mthodes permettant
didentifier et de matriser les risques spcifiques lis au changement.
4.2.3 Les activits de contrle
Les normes et procdures de contrle sont gnralement labores dans une entreprise pour
sassurer que les mesures, identifies par le management comme ncessaires la ralisation
15
-
des objectifs et la rduction des risques pesant sur ces objectifs, sont correctement ralises.
Les activits de contrle peuvent se dfinir comme les normes et procdures qui contribuent
garantir la mise en oeuvre des orientations manant du management. Ces oprations
permettent de sassurer que les mesures ncessaires sont prises en vue de matriser les risques
susceptibles daffecter la ralisation des objectifs de lentreprise. Ltude montre que les
activits de contrle sont gnralement menes tous les niveaux hirarchiques et
fonctionnels dune unit et comprennent des actions aussi varies quapprouver et autoriser,
vrifier et rapprocher, apprcier les performances oprationnelles, la scurit des actifs ou la
sparation des fonctions. En rsum, les activits de contrle vont de la double signature des
chques ou ordres de virement jusqu des vrifications concrtes, de la part de laudit interne
ou des managers concerns par lapplication effective de procdures.
4.2.4 Les systmes dinformation et de pilotage
Ltude confirme que les systmes dinformation et de communication sarticulent autour des
quatre autres dimensions du contrle interne. Lobjectif dun systme dinformation et de
communication efficace est de permettre au personnel de recueillir et dchanger les
informations ncessaires la conduite, la gestion et au contrle des oprations. En outre,
linformation pertinente doit tre identifie, recueillie et diffuse sous une forme et dans des
dlais qui permettent chacun dassumer ses responsabilits. Les systmes dinformation
produisent des donnes oprationnelles, financires, ou encore lies au respect des obligations
lgales et rglementaires, qui permettent de grer et contrler lactivit. En outre, ces
systmes traitent non seulement des donnes produites par lentreprise mais galement celles
qui, lies lenvironnement externe, sont ncessaires la prise de dcisions pertinentes
comme au reporting externe. Il apparat que lensemble du processus de contrle interne, pour
devenir un phnomne actif, doit faire lobjet dun suivi et de modifications le cas chant : le
processus de contrle interne doit ainsi pouvoir ragir rapidement en fonction du contexte. Ce
processus doit faire lobjet de contrles priodiques pour en mesurer la performance, cest le
rle de laudit interne, et dun pilotage permanent pour lanimer : sans cette activit de
pilotage, le processus de contrle interne devient inerte.
4.3 Lvolution du management du contrle interne
Les observations faites dans ltude ralise de 1993 1997 montrent que le contrle interne
nest pas organis comme une fonction de lentreprise. Il dpend principalement des fonctions
audit interne et contrle de gestion, et des outils et dispositifs du systme de management et
16
-
qualit. Dans son management traditionnel, le contrle interne apparat comme le rsultat
dautres fonctions et dautres systmes dont il dpend. Au regard de ces observations,
lapplication de la LSF semble ncessiter le passage un management du contrle interne,
actif et permanent, et non plus subi et ponctuel. Pour cela, lanimation du contrle interne
pourrait voluer vers lanimation dune fonction, cest--dire avec des dispositifs, des outils et
des mthodes de synchronisation, de pilotage et de toilettage permanents. Cette volution
devrait saccompagner par la mise en place dun systme dinformation adapt au pilotage du
contrle interne, et sa documentation. Si elles sont confirmes dans de prochains travaux,
ces hypothses soulignent limportance des changements organisationnels prvisibles qui
pourraient accompagner la mise en uvre de la LSF.
4.3.1 Les fonctions et les systmes contributifs au contrle interne
Les observations faites dans ltude montrent que le contrle interne dpend en premier lieu
des outils, des dispositifs et des mthodes des fonctions contrle de gestion et audit interne.
Le contrle interne subit en quelque sorte la qualit de lanimation de ces fonctions, mais
nest pas lui-mme anim comme une fonction. Il nest pas, en permanence, pilot par la
direction et port par les managers, travers des dispositifs, des outils et des mthodes de
synchronisation et de toilettage. Il na pas galement un systme dinformation qui lui est
propre. La contribution de la fonction audit interne au contrle interne seffectue travers les
missions ponctuelles dvaluation du contrle interne. La fonction contrle de gestion
contribue la qualit du contrle interne, travers ses outils et dispositifs de rgulation des
comportements. En impliquant trs fortement les ressources humaines dans la mobilisation
des hommes en vue de raliser ses objectifs, elle contribue raliser galement les objectifs
du contrle interne. Son voisinage avec la fonction organisation, puisquelle touche au
dcoupage de lentreprise, et avec la fonction de direction gnrale et de ses stratgies,
accentue cette contribution.
Ltude montre galement que les outils et les dispositifs des systmes de management et
qualit jouent un rle important dans la qualit du contrle interne. Pig (2001) explique du
reste, que le contrle interne peut tre dfini formellement dans un manuel de procdures, ou
quil peut rsulter des us et coutumes de lentreprise. Un manuel de procdures peut concerner
par exemple les flux, les procdures, les responsabilits. Le systme qualit permet
damliorer le contrle interne, puisquil incite chaque responsable mettre en uvre des
dispositifs qui vont lui permettre de mieux matriser ses activits. Le systme de management,
17
-
qui assure la matrise de linadquation permanente entre le fonctionnement prescrit et le
fonctionnement ralis (Joras,1996), contribue galement la qualit du contrle interne. Le
systme de management consiste en lexplication dun cart entre le prsent et le souhaitable,
le choix dun mode daction appropri pour rduire cet cart, la mise en oeuvre et le contrle
des mesures correctrices dcides Morin (1996). Ltude montre que le rle des managers
dans la qualit du contrle interne est consquent, puisquils assurent la convergence, de tous
les instants, entre le fonctionnement rel et le fonctionnement dsir, entre le normatif et la
ralit observe.
La contribution de la fonction contrle de gestion et du systme de management au contrle
interne que rvle ltude, sexplique plus fondamentalement par leur rattachement commun
au modle cyberntique. Ce modle permet une description formelle des processus de
contrle dans une perspective de rgulation globale (Lebraty et Teller, 1994). Morin (1996)
montre que, sur bien des points, le cycle de base du management correspond la boucle
cyberntique dans le cas de laction collective finalise. Burlaud et Simon (1997) expliquent
que le modle cyberntique est sous-jacent au modle du contrle de gestion. Celui-ci procde
par ajustements successifs selon une dmarche en boucles, consistant faire des prvisions,
comparer ces prvisions aux ralisations, puis prendre des mesures correctrices pour ajuster
laction aux objectifs.
4.3.2 Lanimation de la fonction contrle interne
Lanalyse rtrospective de ltude de terrain, laune des termes de la LSF, indique que la
normalisation du contrle interne, de son valuation et de sa documentation devrait conduire
une synchronisation, un pilotage, un toilettage, et un systme dinformation adapt au contrle
interne. Savall et Zardet (1987, 2003) montrent en effet, partir des rsultats de leurs
recherches-interventions, que les causes racines du management dune fonction dpendent de
la qualit de synchronisation, de toilettage, et de pilotage de la fonction, et de la qualit du
systme dinformation qui lui est ddi. Il sagit de faire voluer le management traditionnel
du contrle interne, ponctuel et subi, pour lanimer comme une fonction part entire, et le
rendre permanent et actif (voir schma 3). Lapplication de la loi et de ses hypothses semble
ncessiter une permanence dans le management du contrle interne, pour adapter rapidement
ses dispositifs et ses outils en cas de dtection de faiblesses. Cette permanence demande une
permanence de dispositifs de synchronisation, de toilettage et de pilotage. La normalisation de
lvaluation du contrle interne et de sa documentation devrait conduire galement la mise
18
-
en place dun systme dinformation appropri la revue permanente du contrle interne, sa
traabilit et sa documentation. Schma 3 : Lanimation de la fonction contrle interne
Contrle interne
Systme dinformationToilettage
Pilotage Synchronisation
Fonction audit interne
Fonction contrle de gestion
Systme de contrle de gestion
Systme qualit
Si elle est confirme, cette volution du management du contrle interne, dun tat et dun
processus ponctuel et dpendant, vers une fonction, pourrait marquer une rupture avec le
management traditionnel du contrle interne, tel que le dcrit par exemple Renard (2002). Il
sagit dun changement organisationnel majeur. En tant que tel, il implique des adaptations
environnementales, des ramnagements des relations contractuelles entre les agents, une
reconfiguration des valeurs, et des modes daction diffrents (Autissier, 2001).
Conclusion
Ce travail de recherche sinscrit comme une contribution la rflexion sur les consquences
organisationnelles de la Loi de Scurit Financire du 1er aot 2003. Il a mobilis un cadre
thorique, et il a exploit de faon rtrospective une tude de terrain, ayant permis dobserver
lorganisation du contrle interne de 7 entreprises sur plusieurs annes. Ltude de la
littrature montre, dune part, que le lien entre la qualit du contrle interne et la fiabilit des
informations comptables et financires, est contingent. Dautre part, elle montre que
linformation comptable et financire, mme fiable et transparente, nclaire quune partie de
la performance, et laisse dans lombre les potentialits de lentreprise. Ltude montre
galement que les rfrentiels existent pour normaliser trs prochainement le contrle interne,
son valuation et sa documentation, la fois dans le cadre de missions daudit externe et
interne. Ltude souligne donc que lapplication de la LSF ne devrait pas poser de
problmatiques informationnelles aux entreprises. Les rsultats de ltude de terrain
permettent desquisser les consquences organisationnelles prvisibles de lapplication de la
LSF. Lapplication de cette loi devrait conduire les entreprises animer le contrle interne
19
-
comme une fonction. La normalisation du contrle interne, de son valuation et de sa
documentation devrait demander un management plus permanent et actif, et non plus ponctuel
et subi, du contrle interne. Celui-ci pourrait impliquer la mise en place de dispositifs, doutils
et de mthodes de synchronisation, de toilettage, de pilotage et un systme dinformation
adapt, pour valuer en continue le contrle interne, ladapter et le documenter. Si ces
hypothses sont confirmes, il sagirait dun changement organisationnel important avec le
management traditionnel du contrle interne. Ltude de terrain a montr, en effet, que
traditionnellement le contrle interne nest pas une fonction, mais un tat et un processus,
dilu dans les fonctions contrle de gestion et audit interne, et dans les systmes de
management et qualit de lentreprise. Ces rsultats pondrent les hypothses qui sous-tendent
la LSF et exposent les consquences organisationnelles prvisibles de son application, en
sorte de ne pas les ngliger. Ils devront tre confirms par des observations de terrain portant
sur la mise en uvre de la LSF dans les entreprises.
Bibliographie
Autissier D. (2001), Nature des changements produits par une mission daudit interne , Comptabilit-Contrle-Audit, Tome 7, Vol 2, pp. 87-103.
Avenier M.J. (2004), Transformer lexprience en savoirs actionnables lgitims en sciences de gestion considres comme des sciences de conception , actes de la Confrence de la Division Mthode de Recherche de lAcademy Of Management (USA), Traverse des frontires entre mthodes de recherche qualitatives et quantitatives, Lyon, pp. 801-822.
Bndict G. et Kravel R. (1990), Evaluation du contrle interne dans la mission daudit, Editions Comptables Malesherbes, 95 p.
Beninger JR. (1986), The Control Revolution, Cambridge, MA, Harvard University Press.
Bouquin H.(1997), Comptabilit de Gestion, Editions Sirey, 2me dition.
Bucki J. et Pesqueux Y. (1995), Modliser la complexit : les relations entre information, finalit et modle de lorganisation in Modles comptables et modles dorganisation , Actes du 16me Congrs de lAFC, vol 1, pp. 315 334.
Burlaud A. et Simon C. (1997), Le contrle de gestion, La Dcouverte.
Caby J. et Hirigoyen G. (1997), La cration de valeur de lentreprise, Economica.
Cappelletti L. (1998), Lingnierie daudit dactivit dune entreprise : la production dintelligence socio-conomique , Thse pour le doctorat de sciences de gestion, Universit Lumire Lyon 2, 1998.
Cappelletti L. (2003), Lintelligence socio-conomique du processus de cration de valeur : concepts et cas dvaluation , Colloque ESC Amiens Picardie, retenue pour publication dans la revue Observer pour agir.
Cappelletti L. (2004), Mthodologie de recherche qualitative fonde sur une exprience professionnelle : cas dune recherche en audit et contrle de gestion , actes de la Confrence de la Division Mthode de Recherche
20
-
de lAcademy Of Management (USA), Traverse des frontires entre mthodes de recherche qualitatives et quantitatives, Lyon, pp.1315-1337.
Cappelletti L. et Khouatra D. (2002), La mesure de la cration de valeur organisationnelle : le cas dune entreprise du secteur de la gestion de patrimoine , actes du colloque de lAFC, 23 p.
Chalayer S. (1995), La manipulation des variables comptables des fins de lissage des rsultats , in AFC, Modles comptables et modles dorganisation , Actes du 16me Congrs de lAFC, Volume 2., pp 1208-1222.
Claveranne JP., Larrasquet JM., Jayaratna N. (sous la direction de) (1996), Projectique, la recherche du sens perdu, prface dAlain dIribarne, postface de Jol de Rosnay, Economica.
Colasse B. (2002), Comptabilit gnrale, Paris, Economica, (7me dition).
Colatrella T. (2003), Loi de Scurit Financire : les enjeux de lvaluation du contrle interne , Lettre dinformation technique KPMG, n3, pp.6-9.
Coopers & Lybrand (1994), La nouvelle pratique du contrle interne, en collaboration avec lIFACI, Les Editions dorganisation.
Dupuy Y. (1995), Lapproche par les flux comme pdagogie de la modlisation comptable, Mlanges en lhonneur du Professeur Claude Prochon, Foucher.
Fincham R. et Roslender R. (2003), Intellectual capital accounting as management fashion : a review and critique , European Accounting Review, 12 :4, pp.781-795.
Gensse P. (1995), Linvention comptable de la ralit : entre la rgle et le mythe, Mlanges en lhonneur du Professeur Claude Prochon, Foucher.
Gummesson E. (2000), Qualitative Methods in Management Research, Forward by John Van Maanen, Second Edition, Sage Publications, Thousand Oaks, London, New Dehli.
Grand B. et Verdalle B. (2002), Audit comptable et financier, Economica.
Joras M. (1996), Les fondamentaux de laudit, Edition Prventique, Collection synthse.
Lebraty J. et Teller R. (1994), Diagnostic global dentreprise, aspects comptables et financiers, Editions Liaison..
Lemant O. (1989), La conduite dune mission daudit interne, IFACI.
Mikol M. (1991), Principes gnraux du contrle interne , Revue Franaise de Comptabilit, janvier 1991.
Moeller RR. (2004), Sarbanes-Oxley and the new internal auditing rules, IAA Editions.
Morin P. (1997), LArt du Manager, de Babylone lInternet, Les Editions dOrganisation.
Pesqueux Y. (1990), La comptabilit et les problmes mthodologiques de sa prtention tre une science , Economies et Socits, Srie Sciences de Gestion, n16, novembre 1990.
Piaget J. (1975), Lquilibration des structures cognitives, problme central du dveloppement, Presses Universitaires de France.
Pig B. (2001), Audit et Contrle interne, Editions Management et Socit, 2me dition.
Plane JM (2000), Mthodes de recherche-intervention en management, Prface de R. Prez, LHarmattan.
21
-
22
Rashad Abdel-Khalik (2003), Self-sorting, incentive compensation and human-capital assets , European Accounting Review, 12 :4, pp.661-697.
Renard J., Thorie et pratique de laudit interne, Prface de Gallois L., Les Editions dorganisation, 4me dition..
Savall H. et Zardet V. (1995), LIngnierie stratgique du roseau, souple et enracine, prface de Serge Pasquier, Economica, 1995.
Savall H. et Zardet V. (2003), Matriser les cots et les performances cachs. Le contrat dactivit priodiquement ngociable, prface de Lanselle MA., avant-propos de Doublet JM., Economica, 1re dition 1987, 4me dition 2003.
Savall H. et Zardet V. (2004), Recherche en Sciences de Gestion : Approche Qualimtrique. Observer lobjet complexe, prface du Pr David Boje (Etats-Unis), Economica.
Savall H. (1979), Reconstruire lentreprise. Analyse socio-conomique des conditions de travail, prface de Perroux F., Dunod, 1979, 2me dition 1981.
Savall H. (1975), Enrichir le travail humain, lvaluation conomique, thse Universit Paris IX Dauphine, 1974, publie avec prfaces de Delors J. et Bienaym A., Dunod, 1re dition 1975, 2me dition 1979, 3me dition, Economica, 1989.
Stolowy H. (2000), Comptabilit crative , Encyclopdie de comptabilit, contrle de gestion et audit, sous la Direction de B. Colasse, Economica, pp. 157-178.
The Institute of Internal Auditors (1989), Codifications of standards for the professional practice of internal Auditing, Altamonte Springs, FL, IIA.
The Institute of Internal Auditors (1991), Systems Auditability and Control (SAC Report), Altamonte, Springs, FL, IIA Research Foundation.
Yin R. (1984), Case Study Research, Design and Methods, Sage pubications.
Wacheux F. (1996), Mthodes qualitatives et recherche en gestion, prface de Jacques Rojot, Economica.
IntroductionSchma 3: Lanimation de la fonction contrle
Conclusion