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© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit. MOVE WITH AFRICA L’IMMERSION JOHANNA DE TESSIERES Supplément gratuit à La Libre Belgique du 16 mai 2014

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Supplément LLB du 16 mai 2014

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© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

MOVEWITHAFRICA

L’IMMERSION

JOHANNA DE TESSIERES

Supplément gratuit à La Libre Belgique du 16 mai 2014

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Commentaire

Devenir des multiplicateurs d’opinionsPar Gilles Milecan

Certains jours comptent plus que d’autres. Embellis parune rencontre, éclairés par une découverte, marqués parune expérience, ils façonnent ceux qui les vivent.La centaine de jeunes qui s’est impliquée dansMoveWith Africa a, à coup sûr, changé de regard sur le monde.Sur celui qui était le leur et qui a, à leur retour d’Afrique,soudain une autre allure.Sur celui qui est désormais aussi le leur, parce que cequ’ils y ont accompli a du sens. Ils n’oublieront pas lesjours passés aux côtés de Rwandais, de Burkinabés, deBéninois, de Burundais ou de Sénégalais. Les mains dansla terre et les copeaux de bois. Les pieds dans les champs.Les yeux dans les yeux.Parce que se sentir utile est fondateur de tout engage­ment.Parce que se sentir l’égal de quelqu’un dont on se pen­sait éloigné conduit à l’humilité.Parce que travailler, c’est se construire soi­même.Parce que collaborer, c’est construire ensemble.

Parce que se rendre sur place, c’est prendre conscienced’une réalité.Cet engagement, cette conscience, cette solidarité sontprécisément les raisons pour lesquelles l’opérationMoveWith Africa a étémise sur pied.Pour permettre à des (bientôt) adultes d’acquérir lamaturité qui naît lorsque l’on s’aventure en dehors de sapropre zone de confort.Ces jeunes racontent ici les journées qui ont été si inten­ses, si productives.Leurs motsmontrent à quel point leurs regards sonttransformés.Leurs récits nous disent combien le chemin est longpour que chaque homme bénéficie desmêmes droits.Il leur reste une tâche à accomplir, la plus naturelle maissans doute une des plus importantes : jouer leur rôle demultiplicateur d’opinion.Leur expérience est trop belle pour que leur entouragen’en profite pas.

Semer et faire germer des graines de citoyenneté ; voila ce qu’ambitionne le projet Move with Africa.

Scannez le QR code et retrouvez tousles articles, photos et vidéos de Movewith Africa !

Retrouvez sur Lalibre.be

Récits de rapatriésLe Burundi a été le théâtre d’unedécennie de conflits, poussantune grande partie de sa popula-tion à l’exil. Comment ces rapa-triés se réinsèrent-ils dans lasociété ? Deux d’entre eux, ren-trés au pays, racontent.Portraits et témoignages.Cellule de développementL’exploitation familiale occupeun rôle central dans la luttecontre la faim et la pauvreté.Appuyées par le secteur associa-tif, les populations vulnérablesvivant en milieu rural deviennentdes modèles pour leur commu-nauté. Reportage.Idéal humanitaireQuelque quatre cent mille volon-taires se mobilisent quotidienne-ment pour la Croix-Rouge duBurundi. Les implications sontnombreuses, notamment auprèsde la population de réfugiés.Témoignages et reportage dans lecamp de Bwagizira.Vidéos Les participants revien-nent sur leur séjour. Découvrezleurs impressions en vidéos.Photos Retrouvez les séjours desjeunes en images dans les gale-ries photos de Lalibre.be

JOHA

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Move With Africa. Supplément gratuit à La Libre Belgique. Coordination rédactionnelle : Gilles Milecanet Valentine Van Vyve. Conception graphique : Jean-Pierre Lambert. Réalisation : IPM Press Print. Ad-ministrateur-délégué – éditeur responsable : François le Hodey. Rédacteur en chef : Francis Van de

Woestyne. Rédacteurs en chef adjoints : Xavier Ducarme, Pierre-François Lovens et Gilles Milecan.

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“Unehumanitéquirassemble”

n Une vingtaine de jeunesenvahissent mes sièges avecla soif de découvrir ce paysque j’ai tant sillonné. Quellesera leur vision ? Auront­ilsmon admiration pour cesmille collines et leur peuplehumble et digne ? Je vibresous leurs chants, leurs rires,leurs cris de joie. “Vuba !Vuba !” Plusieurs étapesponctuent notre parcours. Àchaque moment, ils s’émer­veillent, débattent, se remet­tent en question. Je suis sub­juguée par leur honnêteté etleur enthousiasme. Je les ob­serve : ils semblent tellementdifférents des personnes quiles accueillent et pourtant siproches. Tous sont heureuxde se rencontrer dans unehumanité brute. C’est finale­ment elle qui les rassembleautour de ses valeurs fonda­mentales.Regards d’une camionnette

Les occasions d’échanger entre les élèves belges en Agent d’éducation et la jeu-nesse rwandaise ont été nombreuses.

ÉLOD

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Les coopératives organisent une fois par semaine une “journée de solidarité”lors de laquelle leurs membres se prêtent assistance.

JOHA

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“Cette ouvertureest essentiellepour développerl’esprit critique”Cécile Verbeeren, Professeur

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Vastine Nyirabutoragurwa, comme de nombreuses femmes, occupe un rôle primordial dans sa communauté. Renforcée par le soutiendu réseau associatif, elle sort de la précarité économique et sociale. “La plupart des femmes étaient complètement exclues, ne sor-taient plus ni n’osaient se joindre au reste du village”, explique Judith, éducatrice sociale.

Épinglé

Coopératives Malgré desévolutions positives, près de lamoitié des Rwandais viventsous le seuil de pauvreté. Legouvernement et le secteurassociatif s’appliquent donc àles sortir de la précarité. Ils sevoient octroyer des crédits debétails, point de départ du rôleactif qu’ils joueront dans leurfoyer et au sein de leur com-munauté. “Par le renforcementde leurs capacités de produc-tion, nous visons à les fairesortir de l’extrême pauvretémais aussi à leur redonner uneplace active dans la société, àvaloriser leurs compétences, àleur rendre leur dignité, à leurfaire prendre conscience deleurs droits”, explique CyprienUgirumurera, responsable deprojet pour l’associationAprojumap. Le regroupementde vulnérables en coopérati-ves est un “tissu social”,vecteur de lien entre despersonnes jusque-là isolées.C’est lors d’une “activité desolidarité” organisée par lacoopérative “Les amis d’ATD”que les jeunes de l’InstitutEmile Gryzon ont pu appréhen-der ces réalités.

6e Technique de l’Institut Emile Gryzon avec Entraide et Fraternité au Rwanda au Rwanda

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En visite dans une coopérative, les jeunes Belges apprennent à décortiquer lemaïs. Les coopératives améliorent la productivité agricole des vulnérables.

ÉLOD

IESTRO

OBAN

T

La camionnette se montre parfois capricieuse. A sa décharge, les pistes de terrene sont pas toujours évidentes à dompter !

ÉLOD

IESTRO

OBAN

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“L’entraide et lafraternité n’auraientpu être apprises aussibien que par ce voyage”.Ibrahim

“Échange, rencontre,partage. L’expériencea été extraordinaire”Dolorès Fourneau,Entraide et Fraternité

Séraphine Mutumurinka : “Ma force,je la puise dans le groupe”h Veuve depuis le génocide, Séraphine sort de l’isolement

Séraphine Mutumurinka attend droiteet silencieuse dans la cour du terrainqu’elle partage avec sa mère depuis legénocide de 1994. Elle y perdit sonmari et ses cinq enfants et fut con­trainte de revenir sur la parcelle fami­liale. Derrière elle, quatre murs et untoit abritent le bétail quelui a crédité Aprojumap,une association locale.Lapins et chèvres ontsonné le début de la finde sa précarité. Séra­phine saisit l’un deslapins. Son prix n’est passeulement celui auquelcette dame de 63 ans levendra sur le marché. Ilest celui de “l’autonomie,de la responsabilité, de ladignité” retrouvées.Ce bétail est le point dedépart d’une spiralepositive : il lui donne dulait et produit le fumier indispensable àla culture de l’amarante plantée dansson “jardin potager”.Vendu, il lui permet d’assumer les coûtsde ses besoins essentiels; éducation,soins de santé, vêtements.Mais sa plus grande fierté, Séraphine latire de la maison qu’elle a pu cons­

truire, avec l’aide de la communauténotamment. C’est d’ailleurs dans cegroupe qu’elle “puise sa force”Ecarté le rideau faisant office de porte,des tapis de paillote recouvrent sols etplafonds des quatre pièces de la maison.Il y fait frais malgré la chaleur qui règne

au dehors des épaismurs. Sur l’un de ceux­ciest accrochée une affi­che des dix commande­ments. Sur un autre, unereproduction du Christsur la croix. Le reste dela demeure est dénué detout objet. Dans la pé­nombre d’une piècesans fenêtre, elle confieque sa maison, c’est “unrêve, un accomplisse­ment”, une preuvequ’elle “peut arriver àquelque chose : habiterseule”, murmure­t­elle.

Aujourd’hui, elle se “sent bien” et “tra­vaille avec le moral”, glisse­t­elle. Un pasen avant en entraînant un autre, elles’est fixé un nouveau défi : augmenterles revenus qu’elle tire de son bétailpour développer son petit commerce debière de sorgho.Valentine Van Vyve

Vastine Nyirabutoragurwa :“Les gens se renforcent”h Elle assume un rôle central dans la communauté

La terre brûle. Les pas de VastineNyirabutoragurwa sont mesurés.Son dos courbé. De la maindroite, elle dépose des graines demaïs dans les trous que vient decreuser Augustin. De la gauche,elle y fait tomber les boulesblanches de pesticide. Lorsqu’elleprête main­forteaux membres desa coopérative,Vastine Nyirabu­toragurwa estappliquée etconcentrée surson travail. C’estelle qui dirige lestroupes.Lorsqu’elles’exprime enpublic, sous lesregards rieursdes femmes de lacommunauté,elle se fait dis­crète, gênéed’être ainsi mise sous le feu desprojecteurs. À 48 ans, Vastine estla présidente de la coopérative“Les amis d’ATD”, un groupe­ment de cent vingt personnes.“Les gens se renforcent. On n’est

plus seul ni dans le travail ni dansles problèmes que l’on rencontrechez nous. C’est une chance quin’est pas donnée à tout le monde”,explique celle qui, depuis ledécès de son mari, élève seule sestrois enfants.Evariste Hategikimama, 47 ans,

lui fait échos. Siaujourd’hui il sedit “épanoui”, c’estparce qu’il est“sorti de l’isolementet de la pauvreté”.Cela grâce à laforce du groupealors que les for­mations à la réso­lution de conflitslui ont permis de“vivre en harmonieet dans la paix”“Dans une sociétépost­génocidaire, ilest primordial detravailler à la

reconstruction et à la sauvegardede la paix, en soi et autour de soi”,commente Eugène Niyigena,coordinateur des projets d’Apro­jumap.Valentine Van Vyve

JOHA

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TESSIERE

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Vastine, présidente de la coo-pérative

Séraphine et sa mère

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Bellevue en revientà l’“essentiel”

n Le Rwanda : le soleil, lapauvreté, les huttes, la pous­sière, la sécheresse ? Non ! Dumoins, ce n’est pas ce quenous en avons retenu. Là­bas,nous avons eu un véritableéchange avec la population.Nous avons découvert la gé­nérosité et l’accueil qui la ca­ractérisent. Avec l’aide de Vé­térinaires Sans Frontières,nous avons mis la main à lapâte en participant à diversesactivités auprès des bénéfi­ciaires. Nous avons vécu uneexpérience incroyable quirestera à jamais gravée dansnos mémoires.Collège de Bellevue de Dinant

Lors d’une journée d’échange avec les élèves de l’école agro-vétérinaire de Bu-tare, les Belges participent à un cours de pathologie animale.

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“Ces dix jours nousont certainement faitbeaucoup grandir”Alexandra

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Le “four amélioré” fait partie du large panel d’assistance de VSF aux plus vulnérables. Il permettra à Rose de diminuer sa consommation de bois de chauffage; un avantage économi-que qui, de surcroît, combat la déforestation.

5e général du Collège de Bellevue de Dinant avec VSF au Rwanda

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Visite chez Félicien, vétérinaire rwandais partenairede VSF-Belgique.

JONA

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Les élèves ont participé à une séance de déparasitage groupé de vaches.La santé du cheptel est au coeur de la sécurité alimentaire des ménages.

JONA

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Alexandra s’est rendue chez Rose, soutenue par Vétérinaires Sans Frontières.Elle et ses camarades y ont construit un jardin potager, central pour accéderdurablement à une alimentation équilibrée.

JOHA

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TESSIERE

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“Une telle expérience,ça change quelqu’un…”Marcellin

“Ca fait du biende remettre des priorités,de revenir à de vraiesrelations humaines”Anne Beauraind, Professeur

À actions mineures, effets majeurs

h Les jeunes de Bellevue dans la spirale positive de Vétérinaires Sans Frontières

Les pieds nus, Maya et Valentine frappent du talon l’argile étendue sur unebâche. Puisée dans le fond du marais à quelques dizaines de mètres de cetteminuscule parcelle, la terre brune et humide doit être mélangée de la sorteà de très fins copeaux de bois afin de donner une consistance suffisammenthomogène à ce qui servira de matière première à un “four amélioré”. Il estdestiné à Rose, une femme seule vivant dans l’extrême pauvreté et bénéfi­ciant à ce titre de l’appui de Vétérinaires Sans Frontières (VSF). Ce four luipermettra de diminuer sa consommation de bois de chauffage; un avantageéconomique conséquent qui, de surcroît, combat la déforestation croissantedans ce pays de la région des Grands Lacs.En principe, des bénéficiaires eux­mêmes formés par VSF sont chargés deprêter main­forte aux plus vulnérables. Ce jour­là cependant, ce sont lesDinantais qui, guidés par un technicien, apportent leur petite pierre à unédifice pluriel. La veille, les élèves avaient participé à la construction d’un“jardin potager”. Implanté au Rwanda, ce modèle s’exporte en dehors desfrontières du pays des mille collines. Et pour cause, il constitue une alterna­tive au manque d’espace cultivable dont souffre une grande partie de lapopulation; ceux qui ne possèdent aucune terre ou seulement une petiteparcelle et qui, dès lors, peuvent tout juste subvenir à leurs besoins alimen­taires de base. Cet élément est primordial pour combattre tant l’extrêmepauvreté des zones rurales (le Programme des Nations Unies pour le Déve­loppement l’estime à 45 %) que la malnutrition chronique de ces popula­tions.Rose compte parmi celles­ci. Elle occupe actuellement une maison cons­

truite par l’État. Depuis quelques années en effet, les autorités rassemblentmassivement les populations isolées. L’“Imidugudu” ou la “villagisation”entend améliorer les services aux populations et favoriser la réconciliation(après le génocide des Tustis en 1994, NdlR). En conséquence, nombreuxsont ceux qui ont été contraints de s’installer dans des villages caractériséspar la plus grande proximité des habitations.Si ces actions peuvent sembler minimes, leur impact est considérable : lejardin potager rend les bénéficiaires autosuffisants. Les chèvres et les lapinsreçus par le secteur associatif produisent le fumier indispensable à la pro­duction agricole et servent de monnaie d’échange pour assumer les coûtsliés à l’éducation ou aux soins de santé par exemple.Ces interdépendances, les élèves de Dinant semblent les avoir bien compri­ses. C’est dès lors avec entrain qu’ils partagent durant quelques heures lequotidien de ces populations. “Leur accueil est surprenant”, réagit Valentinealors que Maya court après les nombreux enfants venus assister à l’événe­ment. “C’est un moment de bonheur intense”, commente la jeune fille. Elleétait partie sans ne s’attendre à quoique ce soit, parce qu’elle souhaitaitavoir un regard neuf sur ce qu’elle découvrirait.Après plusieurs jours de rencontres avec la population rwandaise, d’élèvesde son âge et de familles vivant dans l’extrême pauvreté, après avoir vu leRwanda citadin et le Rwanda rural, Maya résume son séjour en une seulephrase : il est “un retour à l’essentiel”. Marcellin ramènera quant à lui enBelgique l’“image d’une autre société, chaleureuse et accueillante”.Valentine Van Vyve

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Faire germerles grainesde citoyenneté

n Notre aventure au pays desvertes collines débuta au dé­but du mois d’avril. Nous fû­mes fort agréablement sur­pris par l’accueil que l’équipede la Croix­Rouge du Bu­rundi nous avait réservé.Cela en disait déjà long surl’hospitalité du pays. Ellenous proposa un planningd’activités lors desquellesnous pûmes partager avec lesjeunes volontaires nos expé­riences de vie. Ces échangesfurent très enrichissants et laréalité de leur quotidienchangea indéniablement no­tre état d’esprit. Outre nosdifférences de cultures, uneréelle complicité s’est instal­lée entre nous. Cette expé­rience de vie a définitive­ment fait de nous des ci­toyens munis de valeursnouvelles, acquises à l’autrebout de la Terre.Athénée Royal d’Herstal

“Ces sourires, cet accueil, cette joie de vivre, ce désir d’aller vers l’autre malgréles différences,…Une expérience humaine hors du commun” Caroline.

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“Ils ont vécu des chosestrès fortes.Que vont-ils en fairemaintenant ?”Chantal Depaifve, Professeur

“Ce séjour a donné desingrédients pour fairegermer la graine decitoyen qui est en eux”Céline Landuyt,Croix­Rouge de Belgique

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Les 400000 bénévoles Croix-Rouge, dont de nombreux jeunes, ont un rôle de première ligne au sein de leur communauté. Formés, ils ont notamment la responsabilité d’essaimerles bonnes pratiques en matière de soins de santé, de contrôle des naissances, d’hygiène, de résolution pacifique des conflits ou encore d’agriculture.

6e général de l’Athénée Royal d’Herstal avec la Croix-Rouge au Burundi

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“Rencontre d’un nouveau moi à Gitega. Cette journée m’a fortement marqué.J’ai apprécié l’accueil musical plus que fort en émotions”, Nadir.

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Sur chaque colline, les Belges sont accompagnés par la Croix-Rouge Jeu-nesse. “Le séjour avait notamment comme objectif l’échange. Il est at-teint !”, commente Céline Landuyt, membre de la Croix-Rouge Belgique.

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“J’ai enlevé mes lunettesd’Européenne et ai pris consciencede réalités sur lesquelles j’avaistendance à fermer les yeux”Florence

Herstal à la rencontre du Burundi, dans un élaneffréné de solidaritéh Les Liégeois se sont fondus dans un groupe de volontaires.

Il pleut à verse sur la colline de Guitaba, dans laprovince de Ruyigi, à l’est du Burundi. Antoinetteattend, stoïque, sur le pas de la porte de la maison deterre qu’elle occupe avec son petit­fils et sa famille.Tout juste protégée des gouttes qui ruissellent lelong de la paille du toit, elle observe discrètementmais d’un regard insistant la délégation venue poserles fondations de l’abri qui lui est destiné. À la tren­taine de volontaires de la Croix­Rouge se sont mêlésquinze jeunes belges de l’Athénée Royal de Herstal etleurs trois professeurs. Comme tant d’autres avantelle, trop faibles ou sans ressource pour subvenirseuls à leurs besoins primaires, cette veuve a étérépertoriée comme l’une des plus vulnérables de sacolline. À ce titre, elle bénéficie ce jour­là de l’aidedes bénévoles de la Croix­Rouge locale. Les Belgess’intègrent ainsi dans ce mouvement solidaire lancéil y a sept ans sur chacune des 2 900 collines du pays(lire ci­contre).

Gilbert, long gaillard à la casquette blanche, distilleordres et conseils. Capuches fixées sur la tête, lesvolontaires d’un jour hachent fébrilement les troncs

d’arbres, manquant régulièrement l’entaille déjàformée. John est de tous les coups alors que, abritéssous les feuilles de bananiers, Sultane et Nadir ré­pondent avec amusement aux questions de Diane.Membre de la Croix­Rouge jeunesse, elle accompa­gne systématiquement les Belges dans leurs activi­tés.Les “unités collinaires” constituent le moteur del’action de l’organisation. “Sans elles, nous ne pour­rions toucher les communautés en leur cœur. Elles ysont intégrées puisqu’elles en sont issues”, expliqueGilbert Nshimiriman, secrétaire provincial de laCroix­Rouge à Ruyigi et instigateur de cet appui deproximité.Après avoir persévéré pendant plus d’une heure, lesLiégeois déposent machettes et troncs de bananiers.La pluie aura quelque peu freiné leurs ardeurs. “Nousn’avons pas été très efficaces”, commente avec hu­mour Chantal Depaifve, enseignante. Qu’à cela netienne, les volontaires, plus rodés à ce genre delabeur, assuraient que la maison d’Antoinette seraitconstruite avant la tombée de la nuit.Valentine Van Vyve

“Le meilleurbienfaiteurest ton voisin”h Les unités collinaires, moteursdes communautés

“Qui de plus influent qu’un ami, qu’unmem­bre de la famille ? Le meilleur bienfaiteur estton voisin”, entame Tarcisse Ndimurwanko.C’est ainsi que le Point Focal pour la Croix­Rouge du Luxembourg au Burundi résumela stratégie de proximité qu’a mise au pointl’antenne burundaise; celle des “unitéscollinaires”, réseau de bénévoles existantsur chaque colline du pays. Gilbert Nshimi­riman, Secrétaire Provincial de Ruyigi, enest la tête pensante. Si le projet semblaitdémesuré a priori, il s’est avéré répondreaux besoins d’une population meurtrie parune décennie de conflits. Au lendemain dela guerre (1993­2003), le pays cherchait à“reconstruire le tissu social”, explique Cé­line Landuyt, de la Croix­Rouge de Belgi­que. “Les débuts ont été laborieux. Certainspensaient que l’on avait des visées politiques.D’autres que l’on venait distribuer des bienset de la nourriture. Or, nous ne nous inscri­vons pas dans la logique de la main tendue”,se souvient Gilbert Nshimiriman.Aujourd’hui les unités collinaires sont lanorme sur le territoire entier.Le réseau de 400000 bénévoles s’appliqueà “prévenir et alléger les souffrances humai­nes par la mobilisation et l’assistance de lacommunauté”. Ils sont donc les interve­nants de première ligne; ceux qui prodi­guent les premiers soins, sensibilisent auxrègles de santé, gèrent la communauté encas de catastrophe. Formés, ils ont la res­ponsabilité d’ancrer les bonnes pratiquesdans leur communauté. “La sensibilisationamène le changement des mentalités et descomportements”, appuie Laurent de Ruyt,responsable de la Croix­Rouge francophoneau Burundi. Dans une logique de prised’autonomie, chaque unité collinaire estvouée à répondre elle­même à ses besoinsfinanciers. Les “activités génératrices derevenus” (artisanat, vannerie, art,…) leurpermettent de poursuivre leurs actions enfaveur des plus démunis, alors que 80 % dela population burundaise vit avec moinsd’un dollar par jour.Valentine Van Vyve

“Aucune barrière, pas même la langue, ne nous a empêchés de vivredes moments d’échange”, Sarah.

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MICHE

LEWILLEM

Les “Agribassadeurs” offrent une vacheà l’école de Cibitoke : leur choix s’arrête surMuco.En croisant cette Ankolé avec une laitièrebelge Holstein, il est possible d’améliorer laproduction de lait des races locales.

Prendre conscience etconfiance

n Quelque quatorze jeunespleins de bon sens, avecl’énergie qui les caractérise,se sont investis pendant sixmois pour mettre sur pieddes projets concrets, utiles etréalistes, en collaborationavec les jeunes du Centred’enseignement des métiersde Cibitoke : confection defromage, de yaourt, cons­truction d’une étable et d’uncompost, atelier insémina­tion,…

Tous sont revenus plus ri­ches humainement, piquéspar l’optimisme. Ce qu’ils re­tiendront par­dessus tout,c’est qu’ils peuvent croire eneux, qu’ils sont capables deporter des projets. Ils se di­sent confiants, prêts à essai­mer cette découverte !Michèle Willem, Professeur

Aurélien veille à la bonne température du lait, première étape de la confectionde yaourt. Quelque 60 kg seront distribués aux commerces locaux.

VALENT

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10/11“Le fait de voirtout ça, c’estbouleversant”Aurélien

Yaourt et maquée se feront­ils une place sur le marché de Cibitoke ?h Echanges de pratiques et de savoirs au Centre des métiers de Karurama à Cibitoke.

Les journées sont remplies et rythmées au Centred’Enseignement des Métiers de Karurama à Cibi­toke (CEM). Dans un joyeux désordre apparent, les“apprenants” burundais et les élèves belges del’École Provinciale d’Agronomie et des Sciences deCiney (EPASC) vaquent aux tâches auxquelles ilsont été affectés. Julien peaufine le tressage de labergerie alors que Loïc et Pierre veillent à ce toutsoit prêt pour la confection du compost qu’ils s’ap­prêtent à construire avec Audace, professeur demaçonnerie au CEM. Pendant ce temps, le laitfraîchement acheté à quelques pas de l’écolechauffe sur un feu de bois. Aurélien veille au bondéroulement de cette première étape de la confec­tion de yaourt, se fiant au thermomètre qu’il nequitte pas des yeux. Sauf quand il s’en va vérifierl’état d’avancement de la maquée. La veille, lesélèves avaient entamé la confection de ce fromagedu terroir wallon.

À l’intérieur du bâtiment, sous le toit de taule rete­nant la chaleur épaisse des mois humides, les vingt­quatre élèves en transformation agro­alimentraireet leur professeur appliquent ce qu’ils ont vu théo­riquement quelques jours plus tôt, sous l’œil bien­veillant de Guillaume. Suivant les consignes dansleur syllabus et s’appuyant sur les lignes du tempsclouées aux murs, Ferdinand, André et les autres se

lèvent à tour de rôle pour réaliser chacun une étapedu travail. L’apprentissage est ici réciproque. Aloiset ses élèves prennent ensuite place au centre de lasalle. Pendant près de deux heures, ils enseignentaux quinze Belges la confection de sirop d’ananas.

Ouvrir des portesQuelques heures plus tard, le yaourt agrémenté dusirop est bon à être consommé. “Notre yaourt, leursirop; j’aime la symbolique”, glisse Michèle Willem,professeur à l’EPASC. On dépasse en réalité la sym­bolique ou l’anecdotique. Quelques dizaines delitres de yaourt et de maquée ont été distribués auxcommerces de la ville. Le yaourt au sirop ou auxfruits et le fromage à pâte fraîche pourrait­il s’im­planter sur le marché local ? Si tel est le cas et que“le programme scolaire officiel le prévoit, ce modulesera ajouté au cursus. Ce cours a ouvert de nouvellesperspectives pour les étudiants comme pour l’établis­sement”, se réjouit Alois. “Nous viserons une petiteproduction afin d’assurer un revenu à l’école”, expli­que Jésus Marie Mpallenimana, directeur de l’éta­blissement.

La Belgique est un acteur majeur dans la réhabilita­tion de ce CEM comme de trois autres à travers lepays. L’appui à l’éducation compte pour plus de20 % de l’aide belge. En un an, les bâtiments ont été

reconstruits, des unités de production ajoutées, dumatériel y est régulièrement acheminé. L’écoleaccueille désormais 158 étudiants alors qu’il n’y enavait que… 23 il y a un an. “La venue des Belges joueen faveur de la bonne réputation de l’école”, com­mente le directeur qui souhaite “renouveler lepartenariat”. Alois ne pense pas autrement : “Nousavons pu échanger sur nos pratiques respectives et çaa été très enrichissant. Mais les élèves seraient déçusque ça s’arrête là.”

En attendant une potentielle future visite, bien deschoses marqueront la trace du passage des Cina­ciens; “Muco” occupe dès à présent l’étable. Cettevache Ankolé, qui sera inséminée avec une Holstein,devrait dans quelques mois mettre bas. Correcte­ment alimenté, le veau pourrait donner deux à cinqfois plus de lait que sa mère. Et ainsi fournir lamatière première au fromage et au yaourt. “Nousnous engageons à tirer le maximum de ce cadeau”,commente d’ailleurs André. Les copeaux de sciuredes menuisiers seront par ailleurs réutilisés dans labergerie suite à quoi ils alimenteront le compost. Lefumier ainsi produit servira d’engrais aux cultures.Le Centre des Métiers dément ainsi la maxime deLavoisier puisque si “rien ne se perd”, ici, tout secrée et se transforme.Valentine Van Vyve

5e Techniques agricoles de l’EPASC avec la CTB au Burundi

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Après avoir suivi des cours avec des formateurs du pôle fromager wallon, lesAgribassadeurs enseignent aux Burundais les recettes de fromage et de yaourt.

MICHE

LEWILLEM

Pour que Muco soit bien traitée, les élèves lui construisent une étable.Un partenariat est négocié avec la section menuiserie afin de récupérerles sciures pour permettre à notre protégée d’avoir une litière confortable.

MICHE

LEWILLEM

“Malgré certainesdifficultésde communication,on y est arrivés !”Judygaël

“Ils sont changés,plus sûrs d’eux, enrichis.L’échange est une réussite !”MichèleWillem, Professeur

VALENT

INEVA

NVY

VE

Loïc et Pierre travaillent avec la section menuiserie du CEM. L’objectif de ce module est de construire un compost. Jeunes belges et burundais ont ainsi collaboré sur une série demodule de cours et ont pu partager leurs pratiques respectives en terme d’agriculture, d’élevage et de transformations agro-alimentaire.

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“Magnifiqueet déroutant !”

n Durant six jours, nousavons découvert le Burundi,ses habitants chaleureux etaccueillants ainsi que sespaysages magnifiques et par­fois déroutants. Grâce à Cari­tas International qui nous afait visiter ses projets surplace, nous avons rencontréles agriculteurs des collineset partagé un peu de leurquotidien. Nous avons goûtéà la vie fourmillante de Bu­jumbura et nous sommes ex­tasiés devant les richesses duTanganyika. Dépaysement,rencontres et remises enquestion ont ponctué unvoyage inoubliable.Institut Notre Dame d’Arlon

Partout où nous sommes passés, nous avons été accueillis chaleureusement,toujours avec le sourire. La photo souvenir s’imposait !

MELOD

YGO

FFIN

Arrivés avec un ballon, les Belges improvisent une partiede football avec les habitants de la colline.

12/13

“J’ai ouvert une nouvelleporte. Un monde s’ouvreet je me doisde le découvrir”Hippolyte

Travailler ensemble pour mieux“comprendre la mécanique”h L’INDA est parti à la découverte des exploitations familiales

Assis à l’arrière du pick­up, Jonathan,Manon et Emilie profitent de la vuesublime sur les collines verdoyantes dela province de Muyinga, au nord est duBurundi. Secoués par les pistes irréguliè­res, les trois élèves de l’Institut NotreDame d’Arlon (INDA) n’en conserventpas moins leur sourire, à l’instar desdizaines de villageois qui se précipitentaux abords de la route pour les saluerd’un bref signe de la main. Comme leurscamarades, ils se rendent chez un béné­ficiaire du projet PIADSA (Projet Intégréd’Amélioration durable de la SécuritéAlimentaire via l’Autopromotion despopulations) que mène Caritas Interna­tional dans cette partie du pays.La journée de la veille avait permis de“toucher un peu à tout et de comprendrela mécanique, les interconnexions entreles activités : jardin potager, compostière,conseils d’agriculture et d’élevage, prêt debétails, plantation d’arbres fruitiers”,résume Stéphanie Terlinden, accompa­gnatrice du projet pour Caritas Belgique.Hippolyte n’en avait d’ailleurs rienmanqué. “J’en ai noté sept pages. Ce sontdes enseignements que je ramènerai”,disait alors le jeune homme. C’est doncavec une énergie débordante que lesArlonais et leurs deux professeurs s’ap­prêtent à mettre la main à la pâte. Le dos

courbé, les trois agriculteurs en herbesuivent minutieusement les directivesque leur donnent Isaac et Adélaïde.Après plus d’une heure, ils déposentcependant les houes, fatigués tant parl’effort physique que par le soleil tapantsur ce flanc de colline. En aval, les pay­sans récoltent les premiers grains de rizde la saison. Suivant le pas décidé d’Adé­laïde, ils remontent le sentier qui ser­pente dans la dense bananeraie. Cap surla parcelle de Gérard. Là, ils participent àl’entretien des courbes de niveaux. “C’estimportant pour la lutte contre l’érosion”,explique Jonathan, très au fait de l’utilitéde son travail. À quelques centaines demètres de là, Antoine, dont la chevelurerousse étonne, donne un dernier coupde rein au compost. “C’est l’élémentcentral, explique­t­il, puisque le fumieraméliorera la production agricole”. Ilajoute, ravi : “On travaille avec les bénéfi­ciaires, on blague, on s’échange nos vies”.“Même s’ils ne parlent pas la même lan­gue, l’échange peut se faire d’une autremanière”, appuie Stéphanie Terlinden. Àl’issue de ces rencontres, Hippolyteponctuait : “Je me rends compte que j’aiouvert une porte, qu’unmonde s’ouvredevant moi et que je me dois de le décou­vrir.”Valentine Van Vyve

Être le sujet de son propredéveloppementh L’exploitation familiale y occupe un rôle central

Mwakiro était considérée commel’une des communes les pluspauvres de la province deMuyinga. Il y a quelques années,la famine y sévissait à grandeéchelle, raison pour laquelle,depuis 2006, Caritas Internatio­nal y mène le projet PIADSA. Les5500 ménages vulnérablesconcernés “sortent de l’ornière”,note Patient Burume, Assistanttechnique. Par extension, envi­ron 30000 personnes bénéficientde cet appui alors que 80% de lapopulation de ce pays de la ré­gion des Grands Lacs vit avecmoins d’un dollar par jour, selonles derniers chiffres communi­qués par le Programme desNations Unies pour le développe­ment (PNUD). C’est le cas notam­ment d’Isaac et Adélaïde. Lechemin qu’ils ont parcouru ensept années est de taille et celagrâce notamment à l’intégrationsimultanée d’une série de bonnespratiques : agricoles, lutte contrela déforestation et l’érosion,construction et entretien depotagers de cuisine et de com­postières. Complétés dans unsecond temps par les volets

hygiène et élevage.Isaac et Adélaïde sont ainsi deve­nus des modèles au sein de leurcommunauté et sont désormaisresponsables d’y essaimer cequ’ils ont eux­mêmes intégré.Les bénéficiaires sont “les sujetsde leur propre développement”,aime à répéter BonaventureNshimirimana. Cette méthodes’inscrit d’ailleurs dans les politi­ques nationales de développe­ment rural, complète ce respon­sable des programmes.Le couple est aujourd’hui auto­nome. Il vend les surplus derécoltes sur le marché local, demême que la bière qu’il confec­tionne. Après avoir fécondé desdizaines de vaches, le taureaudonné par Caritas International aété revendu au profit de la mai­son que le couple occupe en bordde chaussée. Fort de ces pas enavant, Isaac vise maintenant la“prospérité agricole”. Il se voitalors acheter une voiture. Pouraller où ? “Muyinga, Bujumbura,Ngozi.” Quitter les collines, l’es­pace d’un court instant. Et voirdu pays.Valentine Van Vyve

6e général de l’Institut Notre Dame d’Arlon avec Caritas International au Burundi

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VALENT

INEVA

NVY

VE

Quand nous avons visité le projet PIADSA, nous avons notamment appris com-ment créer un compost et avons amené les éléments utiles aux couches successi-ves de cet engrais naturel qui sera utilisé dans les plantations.

INDA

Les cultivateurs de riz ont bénéficié de l’aide de Caritas Internationalpour irriguer une rizière.

INDA

“Dans une société belgeoù tout est accessible,même et surtoutl’accessoire, nous repensonssouvent aux Burundais quenous avons rencontrés”Mélody Goffin, Professeur

“Nous avons vécudes moments fortset rencontré despersonnes formidables”Antoine

Les rencontres avec la population sont nombreuses; qu’elles aient été prévues ou qu’elles soient impromptues. À chaque visite, lors de chaque activité, les jeunes Arlonais échangentet partagent. “Nous repensons souvent aux Burundais que nous avons rencontrés et à leur conception plus vraie et essentielle de la vie”, commente Mélody Goffin, professeur.

VALENT

INEVA

NVY

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“Défi BelgiqueAfrique, quel défi !”

n Le défi ? Aller à la rencon­tre d’une autre culture grâceà des immersions qui per­mettent une véritable appro­che de la vie quotidienne auBénin. Une rencontre quisuscite des questions, maisqui est empreinte d’un res­pect mutuel malgré des dif­férences flagrantes. C’estaussi le soutien d’une ONGlocale et le partage de mo­ments forts avec les corres­pondants. Enfin, ce voyagedonne l’envie de s’engagerau Nord pour mieux respec­ter le Sud. Peut­être est­cecela le vrai défi DBA !Collège Saint-Roch Theux

Les cérémonies d’accueil, une tradition respectée à la lettre par les Béninois.

VALENT

INDA

UCHO

T

Après la visite de la ferme-école,on plante du riz !

14/15

“Élèves et professeursont vécu uneexpériencehors du commun”Gaëlle Degive, Professeur

CÉLINE

NISELLI

Animation d’enfants dans un centre de revalidation à Abomey (CAORF).

5e général de l’Athénée Saint-Roch Theux avec DBA au Bénin

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CÉLINE

NISELLI

Immersion économique : Emma, apprentie couturière. “Nous sommes chanceuxd’avoir toute la technologie en Europe mais que ce n’est pas cela qui comptepour vivre pleinement sa vie !”

CÉLINE

NISELLI

Jeux avec les correspondants pendant le temps de midi.

CELINE

NISELLI

“Ce fut un enrichissementdont nous ne nous sommespas rendu comptedirectement”Lindsay

“Alors qu’il nous fauttout à portée de mainset dans l’instant, eux ontplus de patience et depersévérance que nous”Lindsay

Deux jours au cœur de la brousse avec les jeunes de Theuxh Avant de faire du “jardinage”, les étudiants de Saint­Roch ont passé deux jours dans un village au coeur du pays.

Quatre heures dans une petite camionnette serréscomme des sardines ! La première mâtinée passéeen Afrique démarre fort et plonge immédiatementles jeunes de Theux dans la réalité du terrain :routes interminables, chaleur moite et poussièrede terre rouge impossible à tenir à l’écart. Unepremière douche au seau avait lancé la phased’adaptation dès le petit matin, que les nuages defumée noire crachés tout au long du trajet par lesvieilles bagnoles envoyées d’Europe se sont char­gés de clôturer.Bienvenue en Afrique de l’Ouest, la vraie ! Celledes capitales surpeuplées, des petits villages isolés,des marchés foisonnants, et des paysages luxu­riants. Au Bénin du Sud baigné par un climatéquatorial, les champs sont fertiles et les forêtsverdoyantes. Plus on monte vers le Burkina Faso,plus le climat est désertique et plus les sols sontdesséchés. Brillante initiative des trois “Madame”qui accompagnent le groupe : iPhone, iPod, appa­reils photos et autres joyeusetés high­tech ont étéformellement interdites pendant le voyage, mêmesi certains ont bien entendu “oublié par mégarde”de les retirer de leur sac. Les yeux n’ont plus qu’àse focaliser sur les paysages et les premiers com­mentaires commencent à arriver. Vainqueurincontestable de cette première journée : la cha­leur, qui semble accaparer les esprits autant queles lézards et les innombrables pagnes colorés desfemmes dans un pays particulièrement attachéaux traditions vestimentaires. Viennent ensuiteles enfants, adorable bannière de l’Afrique dontl’omniprésence dans les villages est alimentée parun taux de natalité explosif de 5,2 enfants parfemme. Dans un pays où la polygamie n’est pasrare, cela peut donner des familles de 15 ou 16rejetons dont le passe­temps favori consiste àhurler “Yovo” dès que des “blancs” entrent dans

leurs champs de vision, avant de les poursuivresans relâche pour attraper leur main. Quand ungroupe de 22 personnes arrive dans le petit villaged’Allahé, l’accueil est donc à la hauteur de l’événe­ment.Passé l’“assaut” des enfants africains, il est tempsde célébrer officiellement l’arrivée des jeunes.Comprenez, rassembler tous les responsables duvillage, les familles d’accueil et les acteurs desONG, pour souhaiter la bienvenue aux nouveauxarrivants. Au Bénin, on danse, on chante et onfestoie pour célébrer les nouveaux venus sansoublier les discours de chaque intervenant. Et celase produit tellement souvent que même les pluscoincés finissent par secouer leur fessier. C’esttoute la beauté de cette convivialité. Ce qui pour­rait passer pour un effroyable cliché se transformerapidement en authentique expérience de vie etferait presque oublier aux jeunes qu’ils sont là…pour travailler.La bonne humeur ambiante ne doit pas obstruerles enjeux quotidiens d’un pays très pauvre où lelong et difficile travail de la terre, l’esprit de fa­mille et le rôle crucial des femmes permettent àune bonne partie de la population d’échapper à lafaim. Ici on cultive traditionnellement du manioc,du maïs ou du niébé pour sa consommation per­sonnelle, et du coton, des arachides ou de l’huilede palme pour l’exportation. “Mais ces cultures deplateau sont extrêmement dépendantes de la pluie”,explique Mathieu, agronome béninois engagé parl’ONG locale Aldipe, partenaire de DBA, pourformer les agriculteurs locaux à d’autres techni­ques. “Depuis quelques années, la quantité d’eau depluie diminue, les saisons sont de plus aléatoires, lessécheresses de plus en plus fréquentes, et la césure –période qui s’étend de la fin des réserves de nourri­ture et l’arrivée des nouvelles récoltes – est de plus

en plus longue”. Conséquence, la faim gagne duterrain, les hommes quittent le village pour allertravailler ailleurs, et les campagnes se vident. “Ilexiste pourtant des terres inutilisées au beau milieudu village qui sont extrêmement riches et très bienirriguées”, se désole Mathieu. Des terres dites de“bas­fonds”, où la quantité naturelle d’eau permetde produire plusieurs récoltes de riz par an et desproduits maraîchers en quantité. “Nous sommesvenus à Allahé pour développer ces terres et appren­dre à la population à les cultiver. Depuis qu’ils ontréalisé ce qu’ils pouvaient en tirer, les gens revien­nent dans le village et le taux de pauvreté diminue”.

Assez disciplinés, manifestement heureux d’êtresur place, les jeunes de Saint­Roch commencent àéchanger leurs premières impressions. “Ces genssont fiers de nous présenter leur village, leur pays etleur culture”. “J’ai l’impression d’être un touriste,d’être observé, de devoir leur donner quelquechose”. “Moi ils me font peur, parce que nos diffé­rences sont trop importantes”. Autant d’interroga­tions légitimes qui évolueront dans les jours quiviennent, alors que les clichés s’évaporent rapide­ment. Les Africains sont­ils tristes ? Affamés ?Fainéants ? Deux heures de travail aux champs àla pioche sous 35 °C comme les habitants d’Allahéle font tous les jours pendant plus de neuf heures,suffisent à remettre rapidement les choses à leurplace. Les voyages de jeunes en Afrique ne sauve­ront pas le continent, mais en plaçant ces jeunesdans un contexte qui n’est pas le leur et en leurdonnant accès à une culture qu’ils ne connais­saient pas, ils leur fournissent les outils nécessai­res pour mieux comprendre l’autre, les sociétésqui les entourent, et les multiples conceptions dela vie.Valentin Dauchot

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La “richessede l’expérience”

n L’effervescence grandissaitau fur et à mesure que le dé­part approchait, mais l’exci­tation fut à son apogée lorsde notre arrivée à Cotonou.Nos yeux ne faisaient qu’unebouchée de tout ce qu’ilsvoyaient : des paysages ma­gnifiques, une agitation per­manente, des enfants qui ac­courent vers nous, lesodeurs, les couleurs. À Nati­tingou, nous sommes ac­cueillis pour une semainepar nos correspondants. Cesmoments sont gravés à ja­mais au sein de notre groupeanimé d’une vraie complicitédès le lancement du projet.Centre Éducatif Saint-Pierre Voyager en Afrique implique forcément de passer de longues heures sur la

route. De Porto Novo à Natitingou, il faut compter huit heures de déplacements.

MAR

IEVA

NDER

CAMMEN

Moment de recueillement devant LesPortes du non-retour en hommageaux esclaves déportés vers le Nou-veau Continent.

16/17

“Pour nous la Belgique,c’est le pays où il neige.Mais on veut en savoirplus”Priska, élève béninoise

De Leuze à Natitingou pour découvrir la vie localeh Quand une vingtaine de jeunes vont vivre chez leurs correspondants africains, les clichés s’écroulent rapidement.

D’abord, il y a la fascination. Pour la totalité des jeunes du Centre éducatif Saint­Pierre de Leuze, c’est la première expérience en Afrique subsaharienne et lamagie du continent s’empare du groupe assez facilement. Qu’ils s’agissent despetits détails amusants comme ce gigantesque cochon attaché tant bien que malsur une petite moto, ou d’observations plus culturelles comme la présence demosquées à côté des églises ou l’agitation commerciale à chaque carrefour tra­versé. Puis vient la méfiance, généralement liée à l’alimentation. Une bouteilled’eau dotée de “microparticules suspectes”, un petit­déjeuner que l’on remplacevolontiers par du Nutella ou la couleur étrange des aliments vendus le long de laroute.

Des carbonnades flamandes à NatitingouLe périlleux trajet vers le nord dure près de 8 heures et offre une magnifiqueoccasion d’observer la diversité naturelle du Bénin. Au fur et à mesure que l’ons’approche de la ville de Natitingou, les montagnes remplacent les plaines, laterre prend le pas sur la verdure, et le coton s’entasse le long de la route.Mais l’intérêt est ailleurs, le soir même, les jeunes de Leuze rencontreront leurscorrespondants. Après trois mois d’échanges plus ou moins fructueux par inter­net, ils vont enfin pouvoir discuter de visu.Passée l’obscurité d’une cour d’école, voilà donc que retentissent des chants debienvenue et de chaleureuses marques d’accueil. “Bonne arrivée ! Bonne arri­vée !”, crient en cœur nos hôtes de la soirée réunis devant leur salle de classe. Lesjeunes de Natitingou sont manifestement ravis et viennent directement saluerleurs invités un peu plus réservés. La chaleur de l’accueil efface la fatigue dutrajet, et un grand plat de spécialités locales vient rassasier les estomacs. Levéritable échange, lui, a lieu le lendemain. Après une journée de visite en com­mun, Belges et Béninois préparent chacun des spécialités locales pour concréti­ser dans le palais le partage de leurs cultures respectives. Les jeunes de “Nati”vont avoir le privilège de goûter des carbonnades flamandes cuisinées au feu debois, dont les préparatifs sont violemment perturbés par une averse aux propor­tions bibliques. Curieusement, ce sont surtout les Belges, habitués aux fortespluies, qui courent dans tous les sens pour échapper aux grêlons. Les Béninoispoursuivent leurs activités sous la drache, habitués à cuisiner à l’extérieur et àgérer les aléas climatiques. “Nous avions déjà eu des correspondants espagnols”,

explique Priska, 16 ans. “Pour nous la Belgique, c’est le pays où il neige. Mais onveut en savoir plus, connaître leur mode de vie. Le plus important, ici au Bénin, c’estd’évoluer pour pouvoir aider nos petits frères et nos petites sœurs à grandir. Alorstous les matins, je me lève à 5 heures, je révise mes cours et je fais mes exercices avecmamaman. À 7 heures, je balaie la chambre et je fais la vaisselle, avant d’aller àl’école. À 19 heures, je vais directement rejoindre mamaman à l’hôpital où elletravaille pour rentrer ensemble à la maison et commencer à cuisiner, et à 21 heu­res, je suis au lit”.De l’autre côté de la table, Emeline compare avec son propre emploi du temps.“Pour nous c’est lever à 7 heures, école à 8 heures jusque 16 h 30, et puis soupervers 19 h 30. C’est mamaman qui fait la cuisine et je vais au lit vers 22 heuresaprès avoir passé un peu de temps sur l’ordinateur”.

Pas du tout comme dans KirikouLes langues commencent à se délier, les idées à s’échanger et même les profes­seurs s’étonnent de certaines réalités. “Aujourd’hui, j’ai vu un prof de mathsdonner 3 heures de cours sans pause dans un calme plat”, s’étonne M. Auquier,professeur d’histoire et de sciences humaines. “C’est impressionnant ! D’autantplus qu’ils ont parfois 70 élèves dans une seule classe” De quoi déconstruire certai­nes idées préconçues et faire découvrir de nouvelles choses, comme à Flavie, quis’attendait davantage à se retrouver “dans la brousse et des villages perdus, un peucomme dans Kirikou”. “J’avais un peu l’image d’un petit africain qui pleure, maisc’est tout à fait différent. Les gens vivent au jour le jour, ils travaillent beaucoupmais ils ont l’air beaucoup plus tranquilles que chez nous !”. Acclimatés, les jeunespourront ensuite découvrir le terrain. Travailler aux champs, dormir dans unvillage, et visiter quelques­uns des chantiers supervisés par Îles de paix qui aorganisé leur séjour en Afrique. Un grand barrage cofinancé par l’ONG illustreles enjeux liés à l’eau et le manque d’infrastructures de la région. Un champ decultures adaptées à la saison sèche, l’importance d’améliorer l’alimentation et lesrevenus des agriculteurs Béninois tout au long de l’année. Sans parler de labonne gouvernance, de la participation de tous les citoyens, et du rôle des fem­mes. Autant d’enjeux cruciaux pour l’avenir de nombreux pays d’Afrique, donton ne peut réellement prendre conscience qu’en venant y vivre quelques jours.Valentin Dauchot

5e et 6e général, technique et professionnel du Centre éducatif Saint-Pierre Leuze-en-Hainaut avec Îles de paix au Bénin

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CENT

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Emilie aide à la fabrication du beurre de Karité.

CENT

RESA

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Une journée auprès d’un professionnel. Julie se perfectionne en couture.

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“Notre implication intimedans le quotidien desBéninois était le meilleurmoyen de comprendreet de s’approprieréphémèrement leur culture”Bruno Colin, Professeur

“Aujourd’hui, j’ai vu unprof de maths donner 3hde cours sans pause dansun calme plat”Monsieur Auquier, Professeur d’histoire.

CENT

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UCAT

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Après à peine 24 heures vécues au sein de la famille de son correspondant,tout le monde est déjà ravi de cette expérience inédite !

5e et 6e général, technique et professionnel du Centre éducatif Saint-Pierre Leuze-en-Hainaut avec Îles de paix au Bénin

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Un voyage,une “évidence”

n Découvrir l’inconnu. Ré­fléchir différemment et dé­couvrir une autre réalité. Sedépasser, aller au­delà desclichés et des craintes. Cer­taines choses ne s’expliquentpas, il faut les vivre et allerau­delà des émotions. Nousnous sentons concernés parle sort de ces personnes.“Naître égal aux autres en di­gnité et en droits”, cela est uneévidence éphémère et nousen sommes davantage per­suadés. Ce voyage restera àjamais gravé dans nos espritset n’est que le début d’uneaventure.Athénée Royal de Vielsalm-Manhay

Premier contact entre les élèves de Vielsalm et leurs correspondants à FadaN’Gourma.

MAR

CELVIRO

UX

Après avoir séjourné à FadaN’Gourma (est), les élèves se sontrendus à Bobo-Dioulasso (sud-ouest), puis à la cascade de Banfora.

18/19

“Des rencontresformidables”Louise retiendra les rencontres avecles correspondants burkinabés ainsiqu’avec les accompagnateurs, AllPeace Sarambe et Marietou Traoré.

LAUR

ENTLAMBR

ECHT

Poignée de main hésitante pour la première rencontre physique entre les jeunes belges et burkinabés. La soirée passée à la colline du roi permettra de très rapidement briser laglace.

4e et 5e de l’Athénée Royal de Vielsalm-Manhay avec les Îles de paix au Burkina Faso

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MAR

CELVIRO

UX

Les élèves de l’Athénée avaient récolté en Belgique une valise remplie de médi-caments et destinée l’hôpital de Fada.

MAR

CELVIRO

UX

Les élèves viennent d’atterrir à l’aéroport d’Ouagadougou sous une chaleurécrasante.

LAUR

ENTLAMBR

ECHT

“Bouger, y retourner ? Un rêve, le nôtre !”Marcel Viroux, Professeur

“On se rend mieuxcompte de la chanceque nous avons”Laure a été marquée par la pauvretédans laquelle vivent les Burkinabés.

La sécheresse exerce une grossepression sur les rendements agricolesh Avec 4 mois de pluie par an, il n’est pas évident de cultiver.

Environ 80 % de la population burkinabévit de l’agriculture et de l’élevage. Maisavec une période de pluie de seulementquatre mois par an, le climat n’est paspropice à l’agriculture. “La populationdoit tenir une année complète avec lesrécoltes dumois d’octobre”, expliqueAbdoulaye Traoré, chargé de programmeaux Îles de Paix. À cause de ce climatdifficile, le pays n’est pas autosuffisantau niveau alimentaire et doit notam­ment importer du riz. La pénurie d’eaufait aussi pression sur le rendement desautres cultures. “Par exemple, les culturesde maïs ne génèrent enmoyenne que 2tonnes à l’hectare, précise AbdoulayeTraoré. En Belgique, une productioninférieure à 3 tonnes par hectare estconsidérée comme catastrophique”.Présente dans l’est du Burkina Fasodepuis 2002, l’ONG Îles de paix a déve­loppé des projets de production de riz.Avec le concours des villageois de Yambaet de Diapangou, l’association a construitdes centaines de diguettes de rétentiond’eau pour fertiliser le sol. Ces projets

nécessitent la mobilisation de tout levillage : hommes et femmes doiventdéterrer et rassembler une grande quan­tité de pierres qui sont ensuite transpor­tées par camion sur le lieu de la futurerizière. Les diguettes sont formées par unassemblage de terre compactée et decailloux. Dans ces rizières, le rendementagricole est de l’ordre de 4 tonnes l’hec­tare, le double des cultures traditionnel­les. “Même si les Burkinabés consommentmoins de riz que les autres céréales, il estimportant d’en produire, commenteAbdoulaye Traoré. Cela évite à la popula­tion de devoir en acheter pour les fêtes.Certains petits producteurs peuvent mêmerevendre une partie de leur production”.Au Burkina Faso, le riz est considérécomme un plat de luxe pour les fêtes etles cérémonies. La nourriture tradition­nelle est plutôt composée de mil, desorgho et de maïs. Au total, depuis ledémarrage du projet, 198 hectares deterres non fertiles ont été convertis à lariziculture au profit de 2 600 familles.L.Lam.

Deux semaines pourdécouvrir un mondedifférenth Au Burkina, on ne regarde pas Harry Potter.

Quinze élèves de quatrième etcinquième années de l’Athénéeroyal de Vielsalm­Manhay ontrejoint Fada N’Gourma, uneville de l’est du Burkina Fasooù est présente l’ONG Îles depaix. Trois professeurs et deuxaccompagnateurs de l’ONG ontencadré ces jeunes âgés de 16 à18 ans. Le but du projet :l’échange culturel, l’ouverturesur le monde et la découverted’un mode de vie complète­ment différent.Avant le départ, chaque jeune aété associé à un correspondantburkinabé. Le premier contactphysique, à la descente du busà Fada N’Gourma, est néan­moins emprunt de timidité.Les élèves ne savent pas com­ment saluer leur correspon­dant : ici la bise est proscrite,même les filles se saluent en seserrant la main. Les retrou­vailles, le soir à la colline duroi, avant une nuit sous tente,ou à la belle étoile pour lesBurkinabés, permettent debriser la glace.Après une période de rodage,les jeunes belges et burkinabéséchangent sans retenue surleurs modes de vie respectifs.Avec des remarques parfoisamusantes. “Tu connais HarryPotter ?”, lance la sympathiqueVictoria à Edith, sa correspon­dante burkinabé. En réalité, lesBurkinabés regardent peu defilms occidentaux et privilé­gient les productions locales.Malgré le breafing d’avantdépart, pas mal de chosesétonnent les élèves belges.Notamment la polygamie, très

présente au Burkina. “Ce quime surprend le plus, c’est que lepapa de Fatimata vit avec sesquatre femmes. Chacune a sapropre maison au sein d’unemême cour”, explique Lorinne.Dans l’autre sens, Fatimata estétonnée par la façon de vivrede la maman de Lorinne quiexerce deux métiers. En revan­che, Belges et Burkinabés ontquelques points communs.“Tout commemoi, mon corres­pondant aime jouer à Fifa”,s’étonne Jean­François. “Al’école, nous avons beaucoup decours communs”, ajoutentLorinne et Fatimata.La journée passée dans lafamille des correspondantsrestera assurément comme unmoment fort du voyage. “J’aipassé une très belle journée dansla famille de Chantal, déclareAlice.Quand j’ai ouvert laporte, son petit­cousin pas plushaut que trois pommes m’asauté dessus et m’a fait un câlin,c’était émouvant”.Après une quinzaine de jourspassés au Burkina, les élèvesreviendront transformés,notamment en raison ducontact avec cette pauvretéextrême. “Les gens ne viventpas, ils survivent, expliqueAlice. Je vais beaucoupmoinsrâler au sujet de la nourriture etje ferai beaucoup plus attentionà l’eau dorénavant”. “C’estsurtout la pauvreté qui m’amarqué, confirme Louise.Maisce voyage est inoubliable, j’aifait des rencontres magnifi­ques”.L.Lam.

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L’échange danstoutes les langues

n Quelque neuf jeunessourds et trois accompagna­teurs ont décollé en direc­tion du Burkina Faso, pleind’entrain mais aussi d’appré­hension. Les différents pro­jets définis en partenariatavec l’école des jeunes sourdsde Bobo Dioulasso avaientcomme objectif la rencontreet les échanges par le biais dedifférentes activités : ateliersd’impro, jeux de groupes,chantier de peinture,… Joie,partage, rencontre et amitié,voici ce qui peut au mieux sedire du séjour que nous vou­drions encore partager avecle lecteur, comme avec nosnouveaux amis du BurkinaFaso.Centre Comprendre et Parler

Les Belges ont récolté vêtements, matériel scolaire et jeux éducatifs qu’ils ontremis à René, le directeur adjoint de l’Institut des jeunes sourds du Faso.

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20/21“Malgré la pauvreté, lespersonnes rencontréeslaissent place à uneincroyable joie de vivre,faite de spontanéitéet de simplicité”Les élèves belges

“Lors de la fêted’adieu, les jeunesont trouvé une placenouvelle d’acteurs,mis en lumière avecfierté et admiration”Anne Dubocquet, Assistante sociale

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La soirée d’adieu à l’école des jeunes sourds du Faso s’est terminée par une danse traditionnelle. Ensuite, l’émotion sera palpable lors de l’échange des cadeaux entre les élèvesbelges et burkinabés.

4e, 5e et 6e de Wallonie et Bruxelles, avec le Centre comprendre et parler et Sensorial Handicap Cooperation au Burkina-Faso

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Partage et joie après le match d’impro. “Nous retiendrons l’accueil indescripti-ble et la complicité au-delà des différences de langues.”

Les Burkinabés ont participé à un quizz sur la Belgique que leur avaient préparéles jeunes Belges.

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Initiation à un jeu traditionnel.

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“La surdité, autre chosequ’une seule fatalité,est aussi une ouverture,une originalité qui seprête à une certaineforme d’amitié”Anne Dubocquet, Assistante sociale

Le handicap est encore très mal vuau Burkina Fasoh Les choses s’améliorent grâce à la sensibilisation.

Le Burkina Faso fait partie des dixnations les moins développées dumonde. Un handicap comme lasurdité ou la cécité y est d’autant plusdifficile à surmonter. En raison dumanque d’accès aux soins de santé, lenombre de sourds y serait très im­portant. “Il y a dix ans, une vague deméningite a frappé le pays, expliqueSalam Ouedraogo, président del’association des sourds. En l’absencede soins, de nombreux cas de méningi­tes ont provoqué une perte totale oupartielle de l’audition. En outre, denombreux Burkinabés se font soignerpar des praticiens traditionnels quiempirent la situation en leur adminis­trant de la poudre noire dans lesoreilles”.A ce manque de moyens vient s’ajou­ter un problème de considération dessourds et malentendants. “Au BurkinaFaso, la personne handicapée est trèsmal vue, explique Salam Ouedraogo.Elle est souvent cachée car on consi­dère qu’elle est victime d’une malédic­tion”. Résultat, de nombreux jeunessourds n’ont pas accès à l’éducation.Sur l’ensemble du Burkina, il n’existed’ailleurs que quatre écoles publi­ques spécialisées dans la prise encharge des élèves sourds et malen­

tendants.Pour recevoir l’encadrement adéquat,les parents doivent donc souvent setourner vers le privé, avec le pro­blème du coût que cela suppose.“Pour un enfant normal, une annéescolaire coûte environ 7000 FrancsCFA (NdlR : 10 euros), explique RenéYameogo, directeur adjoint de l’insti­tut des jeunes sourds du Faso. Cheznous, une année coûte 40000 francsCFA (NdlR : 70 euros). Avec l’internat,on monte à 200000 francs CFA (NdlR :305 euros). Comme les parents nepeuvent souvent pas payer, nous dé­pendons du financement des ONG”.Présente sur place depuis plusieursannées, l’ONG Sensorial HandicapCooperation (SHC) apporte sonsoutien à la formation de professeursspécialisés via son propre centreauditif. SHC soutient par diversesactions les 19 écoles membres de laFédération des sourds. Malgré cetteaide précieuse, une infime partie dessourds et malentendants du BurkinaFaso sont scolarisés dans une écolespécialisée. En effet, à l’échelle dupays, seuls 1060 élèves fréquententune école faisant partie de la fédéra­tion des sourds.L.Lam.

Match d’impro, peinture…les jeunes n’ont pas chôméh Chacun est venu avec une valise remplie de matériel.

C’est par une haie d’honneur que lesneuf élèves sourds et malentendantsen provenance d’écoles de Bruxelleset de Wallonie ont été accueillis àBobo­Dioulasso. Ces jeunes se sontdémenés pour ne pas arriver lesmains vides. Chaque élève disposaitd’une valise de 23 kilos remplie dematériel scolaire, de jeux éducatifs etde vêtements pour l’Institut desjeunes sourds du Faso. Grâce à diver­ses activités comme la vente dechaussettes et d’œufs de Pâques, lesjeunes ont pu récolter un peu moinsde 2000 euros pour financer unepartie du voyage.Sur place, les élèves ont beaucoupéchangé avec leurs correspondantsburkinabés. Ils ont aussi mis la mainà la pâte, notamment en repeignantles locaux de l’école. Au programmeégalement, des matches d’improorganisés par Michel, l’animateursourd qui accompagnait le groupe.Dans un premier temps, la commu­nication n’était pas si évidente quecela entre Belges et Burkinabés. “J’aimis deux ou trois jours àm’adapter àla langue des signes”, explique Bran­don. “Les sourds du Burkina Fasoutilisent une langue des signes in­fluencée par la langue des signes

américaine, explique Anne Duboc­quet, assistante sociale au Centrecomprendre et parler. Chez nous, onutilise la langue des signes franco­phone de Belgique”. Certains, commeAnnick, mettront une seule journéepour s’adapter à la langue des signeslocale. En général, les sourds pro­fonds ont tendance à maîtriser plusfinement la langue ses signes que lesmalentendants.A voir l’émotion qui régnait lors dela cérémonie d’adieu, on peut affir­mer que cette expérience aura mar­qué les élèves. “C’est mon plus beauvoyage, confie Brandon. J’ai étéfrappé par l’amitié profonde quiexiste entre les gens. Il y a beaucoupplus de respect ici”. “La pauvreté esténorme, explique Adam.Malgré cela,les gens ont l’air heureux”.Cette expérience devrait égalementpermette aux élèves belges d’avoirune vue différente sur leurs propresdifficultés. “Contrairement à nous,nos correspondants burkinabés ontbesoin de très peu de chose pourvivre”, déclare Julie. “A l’école, lesBurkinabés ne disposent pas d’unencadrement aussi favorable que lenôtre”, ajoute Adam.L.Lam.

4e, 5e et 6e de Wallonie et Bruxelles, avec le Centre comprendre et parler et Sensorial Handicap Cooperation au Burkina-Faso

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Échanges etcoopération :“C’est du concret”

n Un gros chantier nous at­tendait à Daral Peulh, petitvillage du Sénégal : cons­truire un mur d’enceinteautour de l’école dont le butest non seulement d’offrir unespace sécurisé aux enfants,mais aussi de pouvoir y créerune plantation de maïs, fu­ture source de revenus pourl’école. Pendant deux semai­nes, nous avons travaillé avecnos correspondants sénéga­lais dans des conditions sou­vent difficiles et avons par­tagé de nombreux momentsfestifs. Inutile de dire à quelpoint les liens d’amitiés sesont créés et renforcés !Athénée Royal d’Ixelles

Échanges culturels et coopération au développement : ces deux thèmes propresà “Move With Africa” ont pour nous pris une tournure réellement concrète.

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Pendant deux semaines, nous avonsconstruit un mur d’enceinte autourde l’école de Daral Peulh.

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“Cette opérationa été un véritablesuccès, la magiea à nouveau opérésur nos élèves”Thierry Lardinois, Professeur

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Grâce à Action Jeunesse et Environnement, ONG locale partenaire d’Asmae, nous avons construit ensemble cet immense mur. Nous sommes aussi partis à la découverte du pays : l’îlede Gorée, point de départ historique des esclaves vers les Amériques, la région touristique de Sally, les plages idylliques ou encore le chaud et trépidant marché de Dakar.

6e Technique de l’Athénée Royal d’Ixelles avec Asmae au Sénégal

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Un des objectifs de ce mur est d’y installer un potager pédagogique à l’abri destroupeaux de bétails. Il servira de modèle aux parents et enfants afin qu’ils ap-prennent à cultiver leur propre lopin de terre et à améliorer de cette façon leurquotidien alimentaire.

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L’inauguration officielle du mur s’est faite en présence des autorités, de lapresse locales, de l’imam,…

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“Move with Africanous a ouvert des voies auxquellesnous n’aurions jamais pu avoir accèsautrement.Ce projet a suscité chez certainsdes perspectives pour l’avenir”Les élèves de l’ARI

“L’esprit Move WithAfrica d’échangeet de collaborations’est naturellementimmédiatement installé”Les élèves de l’ARI

Le village des Peuls et la “frustration”d’être écarté de la modernitéh A Daral Peuhl, il n’y a ni eau ni électricité. Et pourtant…

De la lumière à l’obscurité. L’arrivée dansle petit village de Daral Peuhl offre uncontraste assez interpellant. Les illumina­tions de Thiès, 2e ville du Sénégal aprèsDakar, sont visibles à l’œil nu. Car Thiès,ses boutiques et son impressionnantmarché, ne sont qu’à quelques kilomè­tres, via une piste incertaine. Mais à DaralPeuhl, l’obscurité est la plus totale. Levillage ne possède ni électricité ni eaucourante.De l’aveu même de son chef, les habitantsde Daral Peulh vivent dans une frustra­tion permanente : celle de voir la moder­nité à portée de main, sans pouvoir béné­ficier de ses avantages. Car même si àDaral Peuhl, on revendique son style devie traditionnel ­les habitants sont quasi­ment tous des éleveurs­ de l’eau couranteet de l’électricité seraient les bienvenus.D’autant que les installations sont là. Lespoteaux électriques ont été amenés il y aplusieurs années par les autorités sénéga­laises, sans jamais avoir été installés. Leréseau d’eau n’est, lui, éloigné que de 400mètres du village. “Il est là, nous montrele chef de la localité, assis sous un énormebaobab.Mais, contrairement à la plupartdes villages des alentours, personne nevient nous relier à ce réseau.Selon lui, son village est victime d’une“discrimination ethnique” : les habitantssont des Peuls, le peuple des pasteurs de

l’étendue sahélo­saharienne. Or, ici, larégion est essentiellement peuplée deWolofs, l’ethnie dominante au Sénégal..“Dites en Belgique, que c’est un scandale,lance le chef, le doigt levé. Le gouvernentse fout de nous, dit­il en pointant lespoteaux gisant à terre. Les autorités neviennent ici que quand il y a des élections,pour le reste nous n’existons pas sur lacarte.” Le chef de Darah Peuhl n’en restepas moins patriote. Il monte chaque jourle drapeau aux couleurs sénégalaisesau­dessus de son habitation. Un drapeaujauni par le vent et le sable. Car à DarahPeuhl, il fait chaud et très sec. La questionde l’accès à l’eau est d’ailleurs crucialepour une population, vivant des revenusde l’élevage.Le chef avait ainsi demandé à l’AthénéeRoyal d’Ixelles de creuser un nouveaupuits dans le village. Un projet “technique­ment difficile”, d’après Thierry Lardinois,professeur de marketing à l’Athénée.“Nous avons discuté avec lui. Finalement,nous avons convenu qu’il serait plus inté­ressant de construire un rempart autourde l’école”. Le but de ce vaste mur de plusde 400 mètres de long est multiple :consolider l’école, protéger les enfants dubétail, mais aussi créer un vaste champ,éducatif pour les élèves et lucratif pour leshabitants du village.Raphaël Meulders

Un mur construit pour unirh Les Ixellois sortent renforcés de leur expérience.

Ils s’appellent Feycal, Dogan,Lucas ou Yassine. Elles s’appellentSisa, Awa ou Laurentine. Toutes ettous viennent de l’Athénée Royald’Ixelles et ont passé deux semai­nes loin de leur confort, dans lepetit village de Daral Peuhl (voirci­contre). “Ici, onmange par terre,à six dans unemême assiette et iln’y pas d’éléctrcitié ni d’eau cou­rante”, sourit une élève à notrearrivée. L’Athénée est une école àdiscrimination positive. Dramesfamiliaux, démêlés avec la justice,renvoi… La vie des jeunes Ixelloisn’a pas toujours été rose. Ils ontété pourtant très nombreux àposer leur candidature pour ceprojet. “Nous avons eu 80 candi­dats pour 15 élus”, explique leprofesseur Thierry Lardinois.La sélection fut difficile, d’autantque les élèves se sont démenésafin d’ obtenir les fonds pourpouvoir partir, (vente de frites,organisation de défilés,…)”. Letaux d’absentéisme, assez élevé àl’Athénée a ainsi chuté à l’appro­che du départ vers le Sénégal.Après avoir construit les latrinesde l’école du village l’année der­nière, les élèves se sont attaquéscette fois à son enceinte. Et sisouvent les murs ont séparé lespeuples à travers l’histoire, ils lesont cette fois réuni, tant l’ententeavec les jeunes Sénégalais del’ONG locale coulait de source.

Pour l’un d’entre eux, le mur futaussi celui des révélations : Ilias adécidé de travailler pour l’ONGAsmae, partenaire du projet. “Onparle souvent de citoyenneté dumonde, mais ici c’est du concret.Cette tolérance aux autres estpresque naturelle pourmes élèves”,poursuit M. Lardinois.Parmi les élèves présents, il y avaitainsi dix nationalités et troisreligions différentes. Trois d’entreeux parlaient le Pular, la languelocale, tandis que l’imam duvillage a accueilli à bras ouverts lesélèves ixellois venu prier à samosquée. Les élèves iront aussijouer les figurants dans un clip dugroupe de rap d’un des partici­pants sénégalais au chantier. Lesoir, les débats autour du feuauront été animés. Les leçonsnombreuses, comme celle d’un“grand frère” sénégalais expli­quant à un élève comment gérersa colère. “Nous ne venons pas icipour faire de l’assistanat, maispour collaborer, c’est­à­dire tra­vailler ensemble”, poursuit M.Lardinois qui s’attend à un impactpositif “incalculable” pour sesélèves. Les participants ont étévalorisés pour leur travail, maiscela touche aussi les autres restés àBruxelles. Il existe désormais unefierté d’appartenir à cet Athénée. Etçà, c’est nouveau.”R.Meu.

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l Reportage l Burundi l Développement

Les pavés de la reconstructionéconomique et sociale

h Des travauxd’infrastructure pour lareconstruction économiqueet sociale. Un instrument deréconciliation.

n Les rues ne se ressemblent pas à Cibi­toke, commune urbaine en périphérienord de Bujumbura. Celle­ci, relique dupassé, est une piste difforme qu’aucunvéhicule, motorisé ou non, n’emprunte­rait sans engager sa sécurité. Le con­traste est surprenant lorsque l’on foulela rue perpendiculaire, la CI09. Ungroupe de femmes, bêche à la main,étale les cailloux rougis par la terre ocre.Les têtes apparaissent au­dessus des ca­nalisations que construisent des dizai­nes d’ouvriers. Plus loin, d’autres posentconsciencieusement sur une couche desable les premiers pavés, tout droit des­cendus des clairières des collines. La 6eavenue donne à voir la forme aboutie dece travail manuel et harassant. De partet d’autre des canalisations, les devantu­res des petits commerces ont ouvert.Voici le résultat du “Projet Pavage”,mené en partenariat par l’Agence belgeau développement (CTB) et le gouverne­ment burundais depuis 2010. Au total,trente­six kilomètres de routes serontpavés d’ici la fin de l’année à Cibitoke,Kamenge et Kinama, quartiers populai­res de la capitale. “Ces communes sont unterreau de main­d’œuvre”, explique Oli­vier Chanoine, Délégué à la cogestiondu projet pour la CTB. Cet élément estcentral dans l’essence même du pro­gramme puisqu’il vise à intégrer le plusgrand nombre d’habitants dans un pro­jet commun. C’est ce qu’il convientd’appeler la “méthode HIMO”, pourHaute Intensité de Main­d’Œuvre. “Lepavage dépasse les travaux d’infrastruc­ture. Il est un véhicule du développement,un moyen pour arriver à la finalité : celledu rehaussement du niveau de vie d’unepopulation déscolarisée, majoritairementau chômage et inscrite dans un systèmeprécaire”, résume Olivier Chanoine.Comprenez un instrument de réinser­tion économique mais aussi social.

“Construisez votre futur”La plupart des six cent ouvriers ne dis­

posent d’aucune formation. Cela ne leurferme pas la porte du “chantier école”pour autant. “L’accès est ouvert à tous,homme et femme, pourvu qu’ils soient rési­dents de ces communes et qu’ils aient entre18 et 45 ans. Il existe d’ailleurs une paritéhommes femmes”, précise Olivier Cha­noine. Les volontaires, tirés au sort afind’éviter tout favoritisme, entamentalors neuf mois de travail pour un sa­laire tout juste supérieur au seuil de

pauvreté. Cela afin de “ne pas créer unappel d’air” A terme, le projet devraitavoir permis de fournir des emplois àenviron 4 500 personnes touchant, parextension, 13 % de la population de cescommunes.

Formation et l’entreprenariatSuivant l’objectif d’une réinsertion so­

ciale et économique durable, ils ontl’opportunité de suivre une série de for­mations ainsi que de bénéficier d’unebourse d’installation qui leur permet­tront de lancer s’ils le souhaitent une ac­tivité générant un revenu. “Dès le pre­mier jour, on leur demande de réfléchir àleur projet de vie”, signale d’ailleurs Oli­vier Chanoine.

Prévoir l’exode rural croissantÀ la fin de la crise qu’a connue ce pays

de la région des Grands Lacs, un flux im­portant de personnes se sont dirigéesvers les villes pour des raisons économi­ques et de sécurité, exerçant par lamême occasion une pression sur les in­frastructures. Aujourd’hui, près de 11 %de la population vit en ville. “Il faut voirà plus long terme, lorsque la pression ur­baine sera encore plus forte”, tonne Oli­vier Chanoine. Il estime qu’il fauderaitpaver 60 % des routes pour permettreun développement satisfaisant. “On setrouve au milieu du gué. Le gouvernementbelge a décidé d’arrêter le financement duprojet sous prétexte qu’il fait partie du sec­teur des infrastructures. Or, il est multidis­ciplinaire”. Si elle pourrait ne pas être re­conduite dans le cadre du Projet Pavage,la méthode HIMO a déjà fait parlerd’elle, notamment en Tanzanie ou enRépublique Démocratique du Congo.Olivier Chanoine veille cependant augrain. “L’HIMO implique des normes detravail décent et de respect des droits del’homme et ne peut en aucun cas cacherl’exploitation humaine sous prétexte demettre les gens au travail”, prévient­il.Valentine Van Vyve

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Avec le “Projet pavage” et sa “haute intensité de main-d’œuvre”, cette habi-tante de Cibitoke a vu son niveau de vie augmenter.

Réconcilier une population diviséeh L’ancienne “zone de front” est désormais un lieu de rencontre

L’ambition du Projet Pavage dépassele cadre économique et touche à demultiples aspects sociaux. SelonOlivier Chanoine, “il a permis à unepopulation oisive d’échapper à laprédélinquance alors que la pauvretéet l’exclusion favorisent l’émergencede conflits”. Ces derniers, les popu­lations de ces communes entendentles mettre derrière elles. Lors de laguerre qui marqua le pays en­tre 1993 et 2004, elles constituaientune “zone de front”. En résulte une

population composite; en plus desdifférents groupes ethniques ycohabitent ex­combattants, victi­mes du conflit, déplacés, rapatriéset réfugiés.Le projet s’attache dès lors à “ren­forcer le processus de réconciliation”.“Le travail commun et les formationshumaines leur permettent de dépas­ser les clivages et de développer uneidentité commune”, commenteOlivier Chanoine. “Ce qui est vrai­ment bien fait, c’est qu’il y a des

Hutus, des Tutsis. On travaille tousensemble et donc on apprend à seconnaître et à s’aimer”, expliqueEdith, ex­apprenante. Voila quivient corroborer le proverbe burun­dais “bapfana iki barutwa nicobamarariniye”, selon lequel lesintérêts partagés valent mieux quel’origine sociale. “Ce projet est vec­teur de cohésion sociale et de redyna­misation communautaire dont leshabitants sont les acteurs”, ponctuele responsable belge.

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“Jeunes de chez nous et de là-bas, ça a fait un duo extraordinaire. Même s’il y avait la barrière de la langue, ce n’était pas grave. Lorsqu’ils se mettaient tous à danser, l’échange étaitfort”, résume Dolorès Fourneau, accompagnatrice pour Entraide et Fraternité. C’est notamment ce qu’ont vécu les jeunes de l’Institut Emile Gryzon, reçus par des agro-éleveurs de Rusatira, dans le sud du Rwanda.

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Dans les centres de santé,la technique du collier pour

calculer les menstruationsest apprise aux femmes.

La limitation des naissancesest primordiale au Rwanda,

où la malnutrition est encorelargement répandue.

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À l’instar de ces ménages rwandais, les ménages vulnérables bénéficient de l’appui du secteur associatif.Si l’objectif est de les sortir de l’extrême pauvreté, l’enjeu est aussi de les sortir de l’isolement social. La communauté joue à cet égard un rôle primordial.

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L’accès à l’alimentation passe notammentpar le bétail. Il produit le fumier nécessaire

à la production agricole et constitueun capital important permettant d’élever

le niveau de vie.

Plongée dans l’inconnuh Immersion dans lecontinent africain. Boufféed’air et prise de conscience.

n Deux cents participants, élèves, pro­fesseurs et membres des ONG sont par­tis à la rencontre d’un pays d’Afrique etde sa population. Ces dix jours d’im­mersion leur ont permis de mieux com­prendre des réalités qui se trouvent auxantipodes ce qu’ils connaissent en Bel­gique. Ces séjours ont donné lieu à deséchanges d’expériences, de pratiques,de récits de vie. La communication s’estparfois accommodée d’un simple re­gard. D’un pas de danse. Si les repèresont été chamboulés, toutes les person­nes impliquées se sont retrouvées dansleur commune humanité.

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l Rencontre l Bénin l Analyse

Quels sont les enjeuxagricoles du Bénin ?

Le Bénin possède d’excellentes terres etde l’eau en suffisance mais manquecruellement de main­d’œuvre qualifiée.

n Le petit village d’Allahé qui a accueilli les étudiantsde Theux pendant leur phase d’acclimatation est unpetit bijou d’authenticité mais également l’un des villa­ges les plus pauvres du Bénin. “Et cette pauvreté a fatale­ment des répercussions négatives”, analyse Boras Behan­zin, directeur de l’ONG béninoise Aldipe qui mène desprojets agricoles dans la région. “Le trafic d’enfant vers leNigéria voisin, le mariage forcé et le Sida sont des réalités,tout comme la précarité alimentaire”.

Moins de deux repas par jour

Ici, hommes, femmes et enfants mangent moins dedeux repas par jour. À défaut de réel programme de for­mation agricole, les techniques utilisées sont les mê­mes depuis plusieurs générations, et l’usage accru d’en­grais appauvrit des sols de moins en moins fertiles.“Avec la forte pression démographique enregistrée dans lepays, il est en outre de plus en plus difficile d’étendre les zo­nes de culture pour augmenter ses revenus” poursuit Bo­ras Behanzin. “L’État n’a jamais fait la promotion des cul­tures vivrières et a élaboré toute sa politique agricole surbase de la production de coton. Ce qui a logiquement en­couragé le mise en place de grandes monocultures, limitéla diversification, et entraîné une grande dépendance despaysans aux marchés internationaux. Les choses ont com­mencé à changer il y a quelques années, mais avec la criseéconomique, la situation s’est encore aggravée”.

Des terres d’exception à l’abandon

Ces cinq dernières années, la vie est devenue pluschère et les dérèglements climatiques ont rallongé lapériode de soudure qui sépare la fin des réserves denourriture de l’arrivée des nouvelles récoltes.

Allahé possède pourtant des terres d’exception long­temps laissées à l’abandon. Des zones dites de “bas­fond” naturellement alimentées en eau 365 jours sur365 où du riz peut­être cultivé toute l’année, mais queles paysans ne savaient pas exploiter. “Les gens sont bienconscients du potentiel de ces terres mais nous disent tou­jours qu’ils n’ont pas l’expertise. D’où les programmes lan­cés dans le village depuis 2007 pour développer ces cultu­res des bas­fonds et des zones d’élevage en plus des culturestraditionnelles”.

Comment expliquer que les populations qui viventsur ces terres depuis des générations ne puissent pas lesexploiter correctement ? “La tradition, le manque d’édu­cation, d’outils adéquats, et l’absence de politique agri­cole”, répond le directeur de l’ONG. “Le pays a la chanced’avoir beaucoup d’eau mais ne dispose pas de microbar­rages. En Afrique, tout est politisé. Il suffit qu’un gouverne­ment mette en place une stratégie qui fonctionne pourqu’un autre annule tout et applique son propre plan. Aveccette instabilité, le développement en prend un coup et nosingénieurs partent à l’étranger. Il faut absolument con­vaincre nos cerveaux de rester et de créer des entreprisesdans le pays pour maintenir une certaine dynamique etfaire progresser lamaîtrise des nouvelles pratiques agrico­les”.Valentin Dauchot

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Une agricultrice venue travailler la terre dans un champ de produits maraîchers de la région de Natitingou, au Bénin.Longtemps, les zones très bien alimentées en eau ont été négligées par manque de connaissances.

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l Immersion | Le mot des ONG

Partir là­bas,agir icin Move with Africa a permis à plus de cent jeunesde poser le pied sur le sol africain et d’y serrer lamain d’autres jeunes qui y vivent. Nous sommesfières d’être partenaires de cette expérience. Il con­vient d’en expliquer la raison.

Les ONG, au nom de tous ceux qui les soutien­nent, se mobilisent sans relâche. Elles veulentqu’advienne un monde plus juste, dans lequel tousles êtres humains naissent libres et égaux en dignitéet en droits, dans lequel ils sont doués de raison etde conscience et agissent les uns envers les autresdans un esprit de fraternité, pour reprendre les ter­mes du premier article de la Déclaration universelledes droits de l’homme. Ce vœu pour le monde setraduit en engagements concrets d’une grande di­versité.

Une dimension éducativeCertaines ONG mènent à bien des actions à

l’étranger, notamment en Afrique. Il est égalementpossible d’intervenir en Belgique, même à titre in­dividuel. Le monde, de plus en plus globalisé, inter­connecté, nous en offre la possibilité. En effet, lesactes que nous posons, comme consommateur,comme épargnant, comme électeur, comme tra­vailleur, etc. ont un impact ailleurs. Aider chacun àcomprendre comment fonctionne le monde et àutiliser son pouvoir de façon solidaire, c’est aussiagir pour un monde plus juste.

Move with Africa s’inscrit exactement dans cetteperspective éducative. S’immerger en Afrique,même à peine quinze jours, c’est ressentir intensé­ment la taille du monde, c’est vivre avec ferveur larencontre de l’autre. C’est ancrer dans son exis­tence des convictions parfois un peu cérébrales.

Move with Africa ne sauvera pas le mondemais…

Il serait absurde de penser que ce dont l’Afrique ale plus cruellement besoin, c’est des bras de quel­ques jeunes Belges, ou même de leur compassion.Par contre, Move with Africa permet à ces jeunes derejoindre d’autres consciences. Alors qu’Internetnous permet d’être amis avec n’importe qui, ce pro­jet offre le luxe d’une vraie rencontre, sur place avecdes vrais gens qui ont des vies si différentes ! C’estl’occasion de cultiver ce que l’Humanité a en com­mun. Ce projet est une invitation faite aux jeunes àse sentir concernés par la misère du monde, partout

et sous toutes ces formes. Le mot “misère” est dé­suet, mais ce qu’il dit est résolument moderne, ac­tuel. Ce sont toutes les atteintes à la dignité desgens, toutes les situations où leurs droits fonda­mentaux ne sont pas respectés. Se sentir concerné,c’est remplacer l’Africain lointain et “théorique”,aussi virtuel qu’un personnage de jeu vidéo, par unAfricain proche, par un être humain. En se rendantsur place, ils ont rencontré des hommes et des fem­mes de chair et d’os. Ils ont partagé du temps et créédes liens. Ils ont pu ressentir combien chaque cons­cience est un miracle, combien chaque destin est ceque l’Humanité a de plus précieux.

Se sentir concerné, c’est reconnaître sa responsa­bilité, identifier ce qu’on peut faire de réellementutile et puis agir. Bien sûr, cette misère n’existe paspar leur faute. Ils n’en sont pas les auteurs, mais ilsont compris qu’ils le deviendront s’ils ne font rien.Et vous, lecteur, vous sentez­vous concerné ?Les ONG partenaires de Move with Africa

JOHA

NNADE

TESSIERE

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S’immerger en Afrique, c’est ressentirintensément la taille du monde,c’est vivre avec ferveur la rencontrede l’autre.

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l Reportage l Burundi l Inondations

Vivre l’urgence dans les campsde Bujumbura

h Les camps de Kinama I et IIaccueillent 3 000 sinistrés, victimesd’intempéries sans précédent

n 9 février 2014. Il est 20 heures Des pluies dilu­viennes s’abattent sur Bujumbura. Rapidement, lescanalisations suffoquent. L’eau inonde la capitale. Lecentre et les quartiers huppés sont quelque peuépargnés. Leurs routes, goudronnées, facilitentl’écoulement. Tel n’est pas le cas dans les communespauvres de la ville; celles­ci bénéficient d’infrastruc­tures autrement moins solides. Les pistes de terre segorgent d’eau et se montrent vite incapables d’ab­sorber l’intense flux tombé du ciel. Il en sera ainsijusque deux heures du matin. “On s’est directementrendu compte qu’il s’agissait de pluies extraordinai­res”, se souvient Jean­Marie Vianay. Lorsque cet as­sistant chargé de l’appel d’urgence pour la Croix­Rouge du Burundi arrive au nord de la ville, quar­tiers populaires les plus à risque, c’est la désolation.Le déluge a tout emporté. La population est “effrayéeet désespérée”. Le débordement de plusieurs coursd’eau a mis à terre un millier de maisons, trop fragi­les. Les nombreux petits commerces ont disparu, lescultures ont été emportées, les routes sont détrui­tes, les points d’eau submergés. Des cadavres jon­chent le sol. Alors qu’un groupe de la Croix­Rougeest envoyé sur le terrain pour collecter les corps (onen comptera septante­sept) et rassurer les survi­vants, un autre organise les sites d’urgence qui ac­cueilleront, trente­six heures plus tard, les sinistrés.Cette nuit­là, douze mille personnes se rassemblentdans les écoles. La moitié environ se mettra en routeà pied pour les camps.

La précarité de l’urgenceTrois mois après “la plus grave catastrophe naturelle

que la capitale ait connue”, ses traces sont encorebien visibles. La route qui monte vers les collines endirection de Gitega, toujours interdite aux camions,est en de nombreux endroits rongée par l’érosion.Celle­ci se poursuit d’ailleurs en aval, fragilisant da­vantage encore les infrastructures. Les quatre campsd’urgence abritent toujours environ six mille per­sonnes.

Alors qu’il tombe à nouveau des cordes sur Bu­jumbura, il est aisé d’imaginer comment la pluie adétruit des quartiers entiers. La nouvelle localité deCarama, par exemple, ne semble pas prête à faireface à un éventuel nouvel assaut. C’est aussi le cas àGatunguru (commune de Mutumbuzi), localité laplus sévèrement touchée. Quelque 1 500 ménages yont été affectés. Kelly, 27 ans, et Gorette, 20 ans, sontdu nombre. Ces deux jeunes mères de famille viventdans le camp de Kinama II. Quatre rangées de huitgrandes tentes, recouvrant presque l’entièreté de lasurface délimitée par de hauts pans de taules, ac­cueillent 1 238 personnes. La majorité sont des en­fants.

Être femme et jeunemèreKelly, Gorette et une vingtaine de femmes et d’en­

fants sont rassemblés dans le compartiment qu’ellespartagent. Leurs parcours depuis le 9 février se con­fondent. Enceintes, ces deux commerçantes don­naient naissance à leurs filles le même jour. Lucie etBurnella, lovées dans les bras de leurs mères, n’ont

connu que cette réalité­là. “Devoir faire dormir mafille sur le sol, voila ce qui est le plus pénible”, expliqueKelly, veuve depuis ce jour de février qui vit sonmari emporté par une coulée de boue. La difficultéd’être femme dans cet environnement hostile vientdu “manque de vêtement” et du logement qu’ellessont contraintes de partager avec de parfaites incon­nues, explique­t­elle encore. Les nombreuses fem­mes soudainement rassemblées autour d’elle opi­nent. “Dans l’urgence, nous ne recomposons pas lesménages. Les femmes et les enfants d’un côté, les hom­mes de l’autre”, précise Vincent, gestionnaire ducamp.

À quelques rues de là, une porte de taule s’ouvresur Kinama I. La pluie y a creusé de larges et dura­bles flaques. Dans la terre boueuse, soixante­septpetites tentes carrées sont plantées. Quatre mètressur quatre pour dix occupants. Marie­Claire, Julietteet Angélique tentent d’y garder un semblant de pro­preté alors que la pluie s’abat sans ménagement surleur abris. Ces trois femmes sont elles aussi mèresdepuis quelques semaines à peine. Angélique l’étaitaussi mais elle a perdu son enfant dans les inonda­tions. Diella est pour elle un “nouveau départ”.

Alors que Juliette nourrit Keita, Marie­Claire abien du mal à calmer Chrisabaldi. Imperturbable, lajeune femme énumère calmement les difficultésrencontrées au quotidien; s’occuper de son fils, lapromiscuité, le manque de nourriture, la rareté desvêtements. Étudiante en informatique, elle espèrereprendre le chemin de l’école mais elle y croit peu.Juliette embraye. D’une voix éteinte, proche dumurmure, cette paysanne se souvient de sa parcelle.Elle serait néanmoins “incapable de la reconnaître”,vu les dégâts causés par les intempéries. Malgrétout, elle souhaite rentrer à Gatunguru et y “recons­

truire sa vie”. Angélique, Kelly et Gorette, comme lagrande partie des commerçants relogés, font le vœud’être aidées pour remettre leur activité sur pied.“Ces gens ont tout perdu, commente Jean­Néponi­cène, la vie est difficile”, se contente d’ajouter le ges­tionnaire du camp, à court de mots pour décrire lesconditions des pensionnaires des lieux. Certains ontbien tenté de trouver un travail. “Seules quatre per­sonnes y sont parvenues. Mais ce sont des emplois pré­caires et de nuit”, explique­t­il. Si les enfants ont étéintégrés aux écoles de la commune et que les volon­taires de la Croix­Rouge s’attachent à les divertiravec le peu de moyens dont ils disposent, les adultessont contraints à l’oisiveté. Sans surprise, la moindreactivité venant perturber l’angoissante monotoniedu quotidien provoque un intérêt quasi généralisé.

Solution provisoireLes défis sont nombreux. “Comment s’assurer que

les sinistrés puissent reconstruire un foyer dans desconditions de sécurité, d’hygiène et de confort ? Com­ment assurer une aide à long terme aux victimes ?Combien de temps les sites resteront­ils ouverts ?”, s’in­terrogent les membres de la Croix­Rouge, à qui in­combe la gestion des camps. Initialement, il étaitprévu de fermer ces installations à la mi­juin. Maisles trois cents abris temporaires que construisent lesassociations sur les sites réhabilités ne permettrontpas de reloger tous les sinistrés. “Nous attendons unesolution du gouvernement”, répondent les gestion­naires des camps. “Si les infrastructures avaient étémeilleures, on aurait évité le pire”, regrette un obser­vateur averti. Les rues récemment pavées de cer­tains quartiers populaires (lire en page 24) y ont li­mité l’ampleur des dégâts. Mais les moyens pourétendre la réhabilitation des voiries sont inexistants,dit­on.Valentine Van Vvve

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Plus de mille sinistrésvivent depuis près de troismois dans le camp deKinama II. La majoritéd’entre eux sont des en-fants.

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