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© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit. Supplément réalisé par Christian Laporte LA GRANDE GUERRE À HAUTEUR D’HOMME Troisième partie : Bruxelles occupée, le Brabant wallon terrorisé.

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Supplément LLB du 22 mai 2014

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© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Supplément réalisé par Christian Laporte

LAGRANDEGUERRE

ÀHAUTEURD’HOMMETroisième partie : Bruxelles occupée,le Brabant wallon terrorisé.

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Un seul coup de feu : dix­huit millions de morts28 JUIN 1914 L’archiduc François­Ferdinand, héritier du trône d’Autriche, est assassiné à Sarajevo par un

idéaliste de 19 ans. L’attentat débouche sur un conflit mondial, aussi simplement que s’effondre un jeude château de cartes. Pour l’expliquer, il faut évoquer l’effritement du grand Empire ottoman au coursdu 19e siècle. La Grèce s’en est détachée pour proclamer son indépendance dès 1830. Puis la Bulgarie. Etla Serbie, capitale Belgrade. Ensuite, en 1909, l’Empire autrichien s’empare de la Bosnie, capitale Sara­jevo. Impuissant, le gouvernement de Constantinople laisse faire.Les Serbes sont furieux. Le professeur Tixhon, de l’Université de Namur : “Comme tous les États européensde l’époque, la Serbie développe un nationalisme extrême. On y rêve d’une Grande Serbie qui irait jusqu’auxfrontières de la Grèce. De plus, la Bosnie offrirait aux Serbes l’accès à laMéditerranée. Belgrade, en s’appuyantsur les nombreux Serbes vivant en Bosnie, alimente une espèce de terrorisme et développe l’agitation et un sen­timent anti­autrichien. L’assassinat de Sarajevo s’est déroulé dans ce contexte­là. L’auteur est un Serbe de Bos­nie, membre d’un groupe révolutionnaire. Les Autrichiens sont persuadés qu’il a été téléguidé par le gouverne­ment serbe.”Le professeur Balace, de l’Université de Liège : “L’arme du crime est un pistolet automatique BrowningF1903provenant d’un lot qui avait été livré par la FNdeHerstal à la Serbie deuxmois avant l’attentat. C’est cequi a fait penser que Belgrade avait organisé l’assassinat.” D’où l’exigence des Autrichiens : ils entendentaller eux­mêmes mener l’enquête à Belgrade. Les Serbes refusent au nom de l’intégrité nationale. Les Al­lemands incitent les Autrichiens à la plus grande fermeté.

23 JUILLET L’Autriche pose un ultimatum et, le 28, elle déclare la guerre à la Serbie. Le 29, la Russie, défen­deresse de la Serbie, déclare la guerre à l’Autriche.

28 JUILLET Il y a déjà des bombardements sur Belgrade. C’est le vrai début de la guerre.31 JUILLET À Paris, Jean Jaurès, prêcheur du pacifisme, est assassiné et, le lendemain, 1er août, l’Allemagne

déclare la guerre à la Russie; la France, alliée des tsars, décrète la mobilisation générale. La Belgique, paysneutre mais craignant l’invasion, le fait également.

2 AOÛT L’Allemagne envahit le Luxembourg et exige que la Belgique laisse passer ses troupes.3 AOÛT La Belgique refuse. L’Allemagne déclare la guerre à la France et à la Belgique.4AOÛT À l’aube, les Allemands pénètrent sur le sol belge. À 10 h, à Thimister, Antoine Fonck est le premier

soldat belge tué. À midi, discours du roi Albert devant le Parlement. Appel à l’aide des Britanniques, ga­rants de notre neutralité, et des Français. La Grande­Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne.

5 AOÛT Sur la route de Liège, l’armée belge oppose aux Allemands une résistance inattendue qui provo­que en retour une brutalité terrifiante des envahisseurs. Les maisons de Battice sont incendiées le 6 etcelles de Herve le 8.

6 AOÛT Les Allemands sont à Liège. Ils peuvent prendre à revers les 12 forts censés protéger la ville. Flé­malle et Hollogne tiendront jusqu’au 16. Les Allemands entreront dans Bruxelles le 19.Les armées belges se replient vers Anvers.

15 et 16 AOÛTÀ Dinant, l’armée française subit le baptême du feu.22AOÛTCette fois, la guerre éclate. Grandes batailles près de Virton : à Rossignol (plus de 15.000 morts), à

Éthe, mais aussi à Namur, à Charleroi et à Mons. Les Français perdront, ce jour­là, plus d’hommes qu’enhuit ans de guerre d’Algérie. Le 23, ça se bat à Dinant où 674 civils sont abattus. Il y aura d’autres tueries: à Andenne, à Seilles, à Tamines... Vaincus, les Français ont ordre de se replier vers la Marne.

25 AOÛT Première des trois sorties des troupes belges d’Anvers assiégée. Notre armée occupe ainsi150000 soldats allemands alors que se prépare la grande bataille de la Marne.

9 SEPTEMBRE Sur la Marne, les 150000 soldats allemands retenus en Belgique manquent cruellementaux envahisseurs. C’est la victoire française et la retraite générale de l’armée allemande pour qui l’objec­tif change : contourner Paris par le nord et prendre les ports de Dunkerque, de Boulogne et de Calais afinde contrarier les débarquements britanniques. On appellera cela la Course à la Mer. Ainsi, l’Yser et leNord de la France deviendront les principaux champs de bataille de 14­18.

9OCTOBRE L’armée belge quitte Anvers et se replie au­delà de l’Yser La Bataille de l’Yser débute le 19.7 MAI 1915 Depuis février, les Allemands ont lancé les premiers sous­marins. Ils torpillent tous les ba­

teaux qui font route vers l’Angleterre, y compris ceux des pays neutres. Ce 7 mai, le Lusitania, un pa­quebot transatlantique, est coulé : 1.200 morts dont 128 ressortissants américains. Ce fait tragique in­fluence l’entrée en guerre des États­Unis.

2 AVRIL 1917 Entrée en guerre des États­Unis. Les premiers corps militaires américains débarquent àNantes et La Rochelle à partir d’octobre 1917. Mais les troupes n’entrent pas tout de suite dans la ba­taille. On prend le temps de rassembler deux millions d’hommes.

6 JUILLET 1917 Lawrence d’Arabie entre dans Aqaba. Au début de la guerre, l’immense Empire ottomanhésitait. Plusieurs archéologues britanniques, occupés sur des chantiers en Turquie, servirent d’espionsafin de convaincre Constantinople de rejoindre les alliés. Thomas Lawrence était l’un d’eux. Les préten­tions françaises en Algérie et anglaises en Égypte, décidèrent le sultan à choisir l’Allemagne. Lawrence,promu colonel, fut envoyé dans les déserts arabes afin de retourner les tribus contre les Turcs. La vic­toire d’Aqaba précipitait la chute de l’Empire ottoman.

PRINTEMPS 1918 Sur la côte Atlantique, les Américains arrivent à raison de 200.000 hommes par mois.L’Empereur et le haut commandement allemand s’installent à Spa et préparent, avant que ne se metteen marche l’armée amércaine, une offensive de la dernière chance.

AVRIL 1918 La grande offensive américaine commence. Les Allemands comprennent très vite que laguerre est perdue. Mais l’Empereur sait que la défaite signifie son abdication. Il retarde sa signature.

11NOVEMBRE1918 Les Allemands signent un armistice avant que leur pays ne soit envahi. Bilan : le coupde feu du 28 juin 1914 à Sarajevo aura causé la mort de 18 millions de personnes. En Belgique, 42700militaires ou assimilés ont perdu la vie. On compte aussi 24.500 victimes civiles.

La Grande guerre à hauteur d’homme. Supplément gratuit à La Libre Belgique et à La Dernière Heure.Rédaction : Christian Laporte. Conception graphique : Jean-Pierre Lambert. Coordination rédactionnelle :Gilles Milecan. Infographie : Astrid ‘t Sterstevens, Didier Lorge et Etienne Scholasse.Réalisation : IPM Press Print. Administrateur délégué – éditeur responsable : François le Hodey.

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Un seul coup de feu : dix­huit millions de mortsTout le monde le sait : la Première Guerremondiale trouve ses origines à Sarajevo. Mais toutde suite, les armes se sont tournées vers la Belgique

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l Témoignage

“Mystérieux etfantomatique”Richard Harding Davis fut ungrand correspondant deguerre américain. Il a couvertle conflit hispano­américain,la Seconde Guerre des Boerset la Grande Guerre pour desgrandes publications améri­caines.

Il était à Bruxelles le 20 août1914 : “pendant deux heures, jeles regardai, et après, lassé parla monotonie de tout cela, jerentrai à l’hôtel. Après uneheure, sous ma fenêtre, je pou­vais toujours les entendre; uneheure encore passa, puis uneautre. Ils défilaient toujours.L’ennui faisait place à l’émer­veillement. La chose vous fasci­nait, contre votre propre vo­lonté, vous ramenait sur le trot­toir et vous tenait là, les yeuxouverts. Ce n’étaient plus desrégiments d’hommes défilant,mais quelque chose de trou­blant, d’inhumain, une force dela nature, commeunglissementde terrain, un raz­de­marée ouune coulée de lave. Ce n’étaitpas de cette planète, mais mys­térieux, fantomatique. Celaportait tout le mystère et lame­nace d’un brouillard s’étendantvers vous à travers la mer”.UExtrait : Bruxelles, lamémoire et la guerre (1914­2014), Renaissance du Livre

l Témoignage

“Fais ton devoir”Pour des milliers de soldats belges, le destin bascule dé­but août 14. Fin juillet, malgré la crainte d’une guerre,ils vaquent encore à leurs occupations mais les ordresde rejoindre leur régiment les ramènent à la réalité. Letémoignage du futur caporal Désiré Malet repris dans“Apocalypse en Belgique, récits de patriotes” (RTBF­Ra­cine) atteste de surprise puis d‘émotion lorsque le3 août, son père vient le saluer une dernière fois avec unpaquet de chaussettes et de linge essayant de l’encoura­ger. Les larmes aux yeux, il lui dit : “Fais ton devoir, ad­vienne que pourra”. Peu après le colonel ordonne le dé­part par la rue Brederode, la place du Trône et l’avenuede la Couronne. Son odyssée prit fin le 30 juillet 1916.

“Ce seraterrible!”CharlesWoesteMINISTRE D’ETATL’homme fort ducatholicisme politiquebelge dans le dernierquart du XIXe sièclerestait très influent à laveille de la GrandeGuerre. Lorsqu’éclatale conflit, il avait misen garde contre unetrop grande euphoriepatriotique.

Le 20 août 1914 Bruxelles

L’inévitable occupationh Adolphe Max avaittenté d’apaiser lecourroux allemand.

n Plus de deux semainesaprès l’invasion du pays, lapresse s’efforçait toujours deremonter le moral des Belges.

Mais les lecteurs n’étaientplus vraiment dupes : ils sa­vaient bien que la censure fai­sait son œuvre. Aussi fort quepeu d’entre eux prirent en­core pour argent comptant ceque leur rapportait “Le Soir”daté 20 août 1914.

A en croire le quotidien ves­péral, les troupes alliées fran­çaises et britanniques étaientquasiment à pied d’œuvre etl’armée allemande à deuxdoigts d’être vaincue.

Hélas, ce “wishful thinking”n’était plus de mise lorsque lejournal fut distribué : les trou­

pes allemandes faisaient leurentrée dans la capitale. Enréalité, les Bruxellois s’y at­tendaient, voyant affluernombre deréfugiés et deblessés.

D’emblée,la reine Elisa­beth eutl’idée detransformerune partie duPalais royalen hôpital dela Croix­Rouge. Deuxcents litsavaient été installés et on yavait aussi improvisé des sal­les d’opération et prévu desinstallations radiographiques.

Le bourgmestre AdolpheMax a lui aussi tenté de pren­dre les devants. Il avait été in­formé des massacres de civilsdepuis le 4 août et il ne pou­vait être question de laisser

les Allemands s’emparer del’administration.

Difficile cependant de résis­ter aux injonctions du général

von Bülowqui, dansune lettreaux autori­tés de laVille, met­tait la popu­lationbruxelloiseen garde :toute formede résis­tance “de lapart des

bourgeois” ne manquerait pasd’être immédiatement sanc­tionnée.

Plus directement encore,von Bülow mit en garde lesnotables de la Ville : si la po­pulation levait ne fût­cequ’un petit doigt contre sessoldats, cent autorités bruxel­loises seraient automatique­

ment prises en otage.Le même jour, le 19 août

1914, Adolphe Max s’efforçaaussi de montrer sa bonne vo­lonté à la plus haute autoritéde l’empire allemand. Dans untélégramme à l’Empereur, il luidemanda que les troupes neprennent possession que duPalais et du Parc du Cinquan­tenaire et cela “afin deménagerla possibilité dans l’avenir d’uneréconciliation du peuple alle­mand et du peuple belge”.

En témoignage de sa bonnevolonté, le premier magistratde la Capitale avait fait dispa­raître les tranchées creuséesdès les premiers jours du con­flit et aussi demandé à laGarde civique de disparaîtredu paysage urbain.

Dans d’autres villes et com­munes, les membres de cettedernière avaient été pris pourdes francs­tireurs ce qui sus­cita des réactions extrême­ment violentes à leur égard.

Une démonstration de force déterminée

Le 20 août 1914, peu aprèsmidi, l’occupant allemand afait son entrée dans la capi­tale “dans un silence pesant”car “la ville attendait l’inva­sion”, comme le rapporteSophie De Schaepdrijverdans son ouvrage toujoursunique à tous les égards sur“la Belgique dans la Pre­mière Guerre mondiale”,Cette fois, plus de flonflons.Depuis le début de la guerre,il régnait une drôle d’am­biance à Bruxelles. On n’yavait visiblement pas envied’entendre de mauvaisesnouvelles. Nombre de ci­toyens croyaient dur commefer que la guerre seraitcourte.Mais ces “bulletins de vic­toire” à répétition furentchaque fois rafraîchis par lesinformations qui venaientdu front.Plus rien de tel le 20 août.Les Allemands avaient faitleur entrée par l’est de laville et passèrent très sym­boliquement sous les arca­des du Cinquantenaire avantde descendre la rue de la Loi.Une vraie marée déferlantevert­de­gris. Le bruit desbottes sur les pavés de la

capitale allait se poursuivrependant72 heures non stop.A proximité du Palais de laNation, les envahisseursmirent le cap sur la place desPalais et sur la Grand’place.Pour Laurence van Ypersele,Emmanuel Debruyne etChantal Kesteloot, cet itiné­raire n’avait rien d’inno­cent : “il s’agissait d’autantde lieux symboliquementchargés pour les Bruxellois”.Et de préciser que “la dé­monstration de force fut

impressionnante, tant auplan visuel qu’au plan so­nore”.Qui plus est, ils entraient enuniformes de campagne,gardant, par exemple, lahousse de camouflage surleur casque à pointe pourprendre possession de lieuxidentitaires forts pour lesBruxellois.Les officiers supérieurs sedétachaient dans le cortègepar leurs tenues impression­nantes – culotte d’équitation

et cape – mais aussi par leurposition à cheval d’où ilstoisaient la population avechauteur voire à bord d’auto­mobiles noires…Autre contraste : “l’infante­rie, le pantalon dans lesbottes chantait à pleinspoumons le ‘Heil dir in Siege­rkranz” suivie par l’artillerielourde silencieuse et donc“menace muette”.D’après les témoins, toutcela était parfaitementorganisé : “les cuisines decampagnes roulaient tandisque les cuistots touillaient lasoupe”. Et “assis sur deschariots, des cordonniersréparaient des bottes”.Pour Sophie De Schaepdri­jver, “il ne manquait pas unbouton, pas une allumette,pas une ration de survie àl’équipement des soldats. Cesderniers disposaient en outrede téléphones de campagnes,d’appareils télégraphiques,d’hôpitaux roulants.Le journaliste américainRichard Harding Davis en fitle constat non sans une réelleappréhension : cette armée­làétait sans doute l’organisa­tion la plus efficace du mondemoderne”…

h La démonstration de “l’organisation la plus efficace du monde moderne”…

“Afin de ménager lapossibilité d’uneréconciliation”Adolphe MaxLe bourgmestre de Bruxellesvoulait amener l’occupant àaccepter de cantonner sestroupes au parc de Bruxelles.

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LLB

A Bruxelles, on n’avait visiblement pas envie d’entendre de mauvaises nouvelles. Nombre de citoyens croyaient dur comme fer que laguerre serait courte. En voyant les Allemands défiler dans les rues de la capitale, ils ont rapidement déchanté.

ARCH

IVES

LLB

l Patriotisme

Albert Ier se mueen Roi-Chevalier

n Le mardi 4 août, l’Allemagneavait déclaré la guerre à la Francemais pas encore à la Belgique.Reste que le discours voulu apai­sant à l’égard de notre pays nel’était plus tout à fait : après avoirmis notre pays en garde contreune invasion française et fait des“propositions bien intentionnées”pour le protéger, les Allemandsespéraient que la Belgique les lais­serait passer. Ce n’était pas l’in­tention du gouvernement et le roiAlbert avait écrit une lettre à son“cher cousin”, l’empereurGuillaume afin d’avoir l’assurancequ’il n’envahirait pas le pays.

Mais le 4 août, le statu quo n’enétait plus un : à 9 heures du matin,les Allemands avaient franchi lafrontière belge et se dirigeaientvers Liège. A Bruxelles, les cham­bres réunies allaient accueillir leroi Albert pour confirmer qu’iln’était pas question d’accepterl’ultimatum allemand. Le chef del’Etat se mue en Roi­Chevaliersuscitant le mythe qu’on sait.

Chauvinismemal placé ?n Le Roi entra dans l’hémicycle.Une longue ovation le salua. Le si­lence revint lorsqu’il prit la parolemais ce fut pour le saluer ensuiteavec encore davantage de déter­mination. Lorsque le souveraindemanda si les élus de la Nation etle peuple étaient prêts et “décidésinébranlablement à maintenir in­tact le patrimoine sacré de nos an­cêtres”, des “oui, oui” enthousias­tes fusèrent de tous les bancs.

Applaudissementsfrénétiquesn Après un moment de silence so­lennel, Albert Ier conclut en se di­sant confiant dans le sort de laBelgique. Car “un pays qui se dé­fend s’impose au respect de tous : cepays ne périt pas. Dieu sera avecnous dans cette juste cause ? Vive laBelgique indépendante !” Des ap­plaudissements frénétiques sa­luèrent son départ alors que lechef du Cabinet, Charles de Bro­queville confirmait que les autori­tés feront tout pour “repousser, partous lesmoyens en son pouvoir touteatteinte à son droit.”

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l Justice

Thémis a faitdes concessionsn La coexistence n’était pas évi­dente au Palais de Justice deBruxelles. Au propre comme au fi­guré. Dès le 4 septembre 1914, lestroupes allemandes s’y étaient ins­tallées dans l’aile nord­est mais, pa­rallèlement, l’autre partie du mas­todonte de Poelaert était toujoursoccupée par la magistrature belge.

Dans sa thèse de doctorat sur lamagistrature belge face à l’occu­pant allemand présentée à l’UCL,Mélanie Bost parle du “modus vi­vendi” entre la Justice belge et l’oc­cupant : une cohabitation physiquecomme dans l’agenda judiciaire.

Les Allemands n’entendaient pas,disaient­ils, nuire à l’indépendancede la justice chez nous, mais le Par­quet n’en dut pas moins s’incliner.

Les juges belges pouvaient conti­nuer à travailler mais ils ne pou­vaient statuer juridiquement quesur des faits qui ne pouvaient fairede l’ombre à l’administration alle­mande.

A la fin de la guerre, la magistra­ture bruxelloise se rebiffa toutefoiscontre ce contrôle lors de l’affaireBorms. Elle se mit en grève ame­nant le gouverneur général à subs­tituer les tribunaux allemands auxtribunaux belges…

“Ce n’est plus la guerre,pas plus qu’un assassinatn’est un duel, mais uneeffroyable accumulation decrimes de droit commun etd’atrocités sanglantes,complétée ,tout au longd’une occupation de 4interminables années, parla mise en œuvre d’unepolitique de terreur, derapine et de perfidie.”Henri Carton de Wiart

PREMIER MINISTREMais aussi écrivain, observateur de sonépoque.

l Organisation l Un régime d’exception

Un envahisseur sans foi ni loi(s)h La violence allemandefut vite qualifiée debarbarie.

n Si les troupes allemandes susci­tèrent tant d’hostilité voiremême de haine pendant et long­temps après la guerre en Belgi­que, c’est sans conteste en raisonde leur brutalité mais aussi deleur non­respect presque atavi­que de la vie et des biens des ci­toyens.

Un comble : sept ans avant ledébut du conflit une (seconde)Convention avait été signée àLa Haye sous le titre on ne peutplus explicite de “Lois et Coutu­mes de la guerre sur terre”.

Une première conférence deLa Haye également appelée Con­férence internationale de la Paixy avait été organisée en 1899 àl’initiative du tsar Nicolas II deRussie. Elle avait permis de faitconsidérablement avancer lacause du droit international hu­manitaire.

Il faut dire que les promoteursde la Conférence avaient mis l’ac­

cent sur le désarmement et laprévention de la guerre, créantaussi pour l’occasion la Cour per­manente d’arbitrage de La Haye.

Parmi les différents traitésadoptés par ls deux Conférences,la Convention concernant les loiset coutumes de la guerre sur terreavait comme objectif de “civili­ser” la guerre.

L’invasion des troupes de l’Em­pereur n’en tint en aucune ma­nière compte dès les premièresheures du 4 août 1914.

Ministre de la Justice dans legouvernement de guerre de

Charles de Broqueville, le comteHenry Carton de Wiart qui de­vait devenir un éphémère Pre­mier ministre au début des an­nées 1920 était aussi un écrivainprolixe.

Figurant parmi les tout pre­miers membres de l’Académieroyale de langue et de littératurefrançaises de Belgique, il avaitévoqué ces exactions allemandesdans “L’épopée belge dans laGrande Guerre”, sorti en 1922avec, excusez du peu, une préfacemanuscrite du roi Albert en per­sonne.

Une ville de soldats et de fonctionnaires allemands

Le régime de l’occupation allemanden’était pas identique sur l’ensemble duterritoire belge. Bien sûr, à partird’octobre 1914 et jusqu’à l’Armistice,un bout de terre belge resta nationalderrière l’Yser. Mais en dehors de cettepartie du Westhoek, nos compatriotesconnurent des sorts particulièrementéclectiques.L’occupant était conscient qu’il devaitfiger les zones dont il s’était emparé,afin de ne pasouvrir la voie àune résistancerecomposée etainsi ouvrir despoches d’incer­titude dans seslignes arrières.En mêmetemps, il fallaitrécupérer lesrichesses écono­miques desterritoires conquis au bénéfice del’Empire.C’est pourquoi les territoires occupésfurent divisés en plusieurs zones. Il yavait les “Etapes” soumises directe­ment aux armées allemandes : la IVe

avait la charge des Flandres, la Ve

s’occupait du sud­Luxembourg alorsque la VIe serait responsable du Hai­naut occidental à partir de 1916.Il y avait ensuite le territoire confié augouvernement général dirigé donc parun gouverneur général et, enfin, lazone du littoral qui dépendait, elle ,dela Marine allemande.Bruxelles dépendait donc du gouver­nement général mais aussi de la Zivil­verwaltung qui devait normalement

rendre des comp­tes au chancelierimpérial mais quidans la pratiquese retrouvait aussisous la houlettedu gouverneurgénéral.Bruxelles fut plusparticulièrementinvestie comme lesouligne SophieDe Schaepdrijver :

“dès les premiers jours de septembre,l’occupant instaura un ‘gouvernementallemand’pour le territoire occupé. Il sedégageait de ces mesures une inquié­tante impression de permanence. Lamachine d’occupation obéissait à la loide la dynamique bureaucratique en ceci

qu’un nombre croissant de nouvellesZentralen et Abteilungen (départe­ments) remplirent bientôt les ministèreset les bâtiments réquisitionnés”.Avec une répercussion directe sur lavie de certains quartiers : les nouveauxdirigeants et de nombreux fonction­naires devaient être logés conformé­ment à leur rang. Ce qui amena l’occu­pant à confisquer les hôtels de maîtredu côté de la Porte Louise. En 1915, sedoutant que la guerre pourrait êtrelongue, on leur permit d’y accueillirleurs épouses.Comme la méfiance était de rigueur,ces dirigeants ne recrutèrent pas depersonnel belge mais firent importerdes boy­scouts d’outre­Rhin pours’occuper de l’intendance.Les contribuables belges contribuèrentau paiement des salaires des agents del’Etat allemand.On puisa directement dans les impôtset dans les amendes. Et la Ville deBruxelles fut aussi très largementsollicitée pour “financer” plusieursstructures nouvelles dont la “Sittenpo­lizei”, la police des mœurs qui devaitjeter plus qu’un œil sur les distractionssexuelles des soldats allemands caser­nés ou de passage dans la capitale.

h L’occupation de Bruxelles a été largement financée, malgré eux, par les citoyens.

12-13 La Grande guerre à hauteur d’homme

Épinglé

Un extrait significatif qui reflète son temps : “A peine leurs arméeseurent-elles forcé notre territoire qu’elles se ruèrent au massacre et àl’incendie. Singées par les chefs militaires ou civils, leurs proclamationsérigèrent en systèmes d’atroces punitions collectives. Par milliers, desnon-combattants, et parmi eux des prêtres, des vieillards, des femmes etdes enfants ont été fusillés et torturés. Plus tard d’autres par milliersfurent emprisonnés”. Décrivant ensuite les bombardements ou les incen-dies des bâtiments publics ou de “sanctuaires célèbres” voire d’“établis-sements scientifiques ou charitables” ou de “merveilles d’art”, le ministre-écrivain en déduisait : “ce n’est plus la guerre, pas plus qu’un assassinatn’est un duel mais une effroyable accumulation de crimes de droit com-mun et d’atrocités sanglantes, complétée tout au long d’une occupation dequatre interminables années par la mise en oeuvre d’une politique deterreur, de rapine et de perfidie.”

“Il se dégageait de cesmesures une inquiétanteimpression depermanence.”Sophie De Schaepdrijver

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L’occupant s’est emparé progressivement des lieux de pouvoir dans la capitale. Des olsdats allema nds prennent position devant lesiège du gouvernement.

ARCH

IVES

DELA

VILLEDE

BRUX

ELLES

Les Bruxellois voient débarquer les troupes allemandes sur la Grand-Place. Une longue occupation allait bouleverser leur vie.

REPO

RTER

S

l Communautaire

La flamandisationscolaire malvenuen La question linguistique s’estaussi invitée pendant l’occupa­tion de Bruxelles. Comme l’Alle­magne avait clairement choisi desoutenir le séparatisme flamand– diviser pour régner eut aussicours bien sûr en 14­18 ­ lescommunes bruxelloises allaientêtre soumises à une politique deflamandisation tous azimuts quiheurta les bourgmestres.

Une “commission des affairesflamandes” lancée dès le débutde 1915 veilla à l’applicationstricte de la législation sur l’em­ploi des langues dans l’adminis­tration mais aussi dans l’ensei­gnement. Beaucoup de familles“mixtes” mettaient leurs enfantsdans l’enseignement franco­phone mais l’occupant voulaitimposer le principe que la languematernelle de l’enfant devaitaussi être celle de son enseigne­ment.

12-13 La Grande guerre à hauteur d’homme

Obstruction de la partdes édilesn Les édiles firent de l’obstruc­tion à la mise en œuvre de cesmesures. Ce qui a valu à l’échevinde l’Instruction publique de laVille, Emile Jacqmain d’être ar­rêté et déporté au printemps de1917. Pourquoi lui ? Il y avait destensions depuis longtemps entrele libéral et les autorités alleman­des et il était le fer de lance del’opposition à la politique alle­mande en matière scolaire. LesAllemands entendaient ainsi decalmer la classe politique bruxel­loise, comme ils l’espéraient déjàaprès l’arrestation d’AdolpheMax. En vain, car un rapport de1918 précise que “la résistancecontre l’introduction du flamanddans les écoles flamandes duGrand­Bruxelles s’est poursuivie”.Et ni la commission du ministèrede l’Instruction publique qui en­tendait imposer l’enseignementprimaire en néerlandais ni lescommissaires spéciaux quis’étaient substitués aux adminis­trations communales réfractairesn’ont pu changer cette situation.Il fallait éviter une confrontationouverte mais les Allemands nedésespéraient pas de ramener àl’ordre “les éléments fransquillonsrebelles” (sic).

Aux yeux des décideurs franco­phones bruxellois, le seul usagedu français était aussi une ma­nière d’affirmer son patriotisme.

Dans leur “Cinquante moisd’occupation allemande” paruaprès la guerre, Louis Gille, Al­phonse Ooms et Paul De­landsheere parlaient du “Moni­teur allemand” qui s’était substi­tué au vrai, le belge par sontrilinguisme mais aussi parce quele français était “rejeté avecméprisà la queue.”

Moritz von Bissing, le gouverneur militaire belge avait découvert l’oeuvre de Constantin Meunier pendant son séjour bruxellois.

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l La Libre Belgique

“Régulièrement irrégulièrement”

A partir de 1915, la presse clandestine est de moins en moins “internatio­nale”, de plus en plus belge. “La Libre Belgique” qui reprit clandestinementle travail du “Patriote” – on aura l’occasion d’y revenir ! – occupa là une placeexceptionnelle. En dépit de plusieurs vagues d’arrestations, le clandestin ca­tholique bruxellois publia 171 numéros de février 1915 à novembre 1918,dont certains à plus de 20000 exemplaires qui furent diffusés dans prati­quement tout le pays. La plupart des clandestins n’eurent qu’une existencebrève et une diffusion limitée. Des titres comme “L’Âme belge”, “La Revuede la Presse”, “De Vrije Stem” ou “De Vlaamsche Leeuw” se sont certesmaintenus mais leur diffusion fut moins étendue que celle de “La Libre Bel­gique”.

Résistance quotidienne

Une “distance patriotique”h Des petits gestesqui énervent l’occupantprié de rester coi.

n Au baromètre de la résistance, lesBruxelles n’étaient pas plus des hérosque les habitants des autres villes bel­ges qui avaient bien davantage subi lesassauts allemands au tout début duconflit.

Mais dans leur immense majorité –car la capitale comptait aussi ses traî­tres attirés par l’appât du gain ou, pireencore, croyant un peu trop naïve­ment aux sirènes allemandes qui leurpromettaient une indépendance cer­taine… sous tutelle – les Bruxellois s’ef­forcèrent également selon la belle ex­pression des historiens contempora­nistes de “garder une certaine distancepatriotique à l’égard de l’occupant”.

Ils apprécièrent à leur juste valeur larésistance de leurs élus locaux, à com­mencer par celle du bourgmestreAdolphe Max qui allait lourdementpayer son jusqu’au­boutisme de ne passe laisser dominer par les Allemands.

Le 19 août 1914, soit la veille de l’ar­

rivée des Allemands à Bruxelles touten essayant encore d’arrondir les an­gles, la grande personnalité libéraleavait été très claire : “aussi longtempsque je serai en vie et en liberté, je protége­rai de toutes mes forces les droits et la di­gnité de mes conci­toyens”.

Un très grand mon­sieur qui pratiqua à lafois le patriotisme,l’égalité dans la justiceet l’amour de la libertécomme le précisent desinscriptions latines surson mémorial installéen 1958 à l’ombre del’Atomium à Bruxelles…

Sans aller aussi loindans la bravoure, nom­bre de citoyens bruxel­lois ne cachaient pasleurs sympathies pourles couleurs nationalesqu’ils arboraient debien des manières partoutes sortes d’objets qu’on ne nom­mait pas encore des gadgets.

Le modèle de la résistance non pointactive – on l’évoquera ailleurs – maismorale était le primat de Belgique, le

cardinal Mercier.Même les non­catholiques purent se

rallier à ses messages très engagés.Telle cette première lettre pastorale“Patriotisme et endurance” du1er janvier 1915.

Le grand historienHenri Haag n’hésita pasà parler d’“une politi­que de résistance mo­rale ouverte”. Il y avaitselon lui un lien étroitentre patriotisme et re­ligion : un parfait pa­triote se devait d’êtrechrétien et inverse­ment. Après avoir évo­qué la barbarie de l’in­vasion, le prélat recom­mandait l’obéissanceextérieure au pouvoirde l’occupant mais “cepouvoir n’est pas uneautorité légitime”. Etdonc les catholiques nelui devaient “ni estime,

ni attachement, ni obéissance”.La population avait bien compris le

message : pas nécessaire d’entrer dansle maquis pour marquer son opposi­tion aux Allemands : il suffisait de po­

ser des actes symboliques qui les en­nuieraient bien davantage.

Comme, par exemple, ne pas fêter laBelgique le 21 juillet 1915 et lui subs­tituer “un jour de deuil des fêtes natio­nales”.

Succès assuré : les magasins restèrentfermés et les volets clos dans les mai­sons des particuliers. Mais en mêmetemps, un rassemblement silencieuxse déroula devant le monument desmartyrs de la révolution belge de1830, sur la place éponyme au cœurdu cœur de Bruxelles…

L’occupant pensait avoir trouvé laparade en imposant que tous les ma­gasins restent ouverts le 21 juillet sui­vant… Ouverts ? Tous verts… Cette foisles Bruxellois s’habillèrent de fait envert, faisant grincer les dents de leursencombrants occupants…

Les églises devinrent aussi des lieuxd’expression patriotique. En toutesimplicité, elles se remplissaient detous ceux qui savaient que là au moins,ils pourraient exprimer leur attache­ment au pays et à la monarchie. Et puisaussi que l’occupant n’oserait jamaisfranchir le seuil de la Maison de Dieupour y intervenir. Les temps ont bienchangé depuis.

Passeurs d’hommes et de nouvelles utiles

Les Belges et a fortiori les Bruxelloisn’aiment pas vraiment ceux quiviennent les occuper et brader oubrider leur(s) liberté(s) fondamenta­les…Gare toutefois à l’exaltation résisten­sialiste : pas plus que pendant laSeconde Guerre mondiale, tous noscompatriotes n’ont “combattu leBoche” en 14­18 mais la minorité quis’est engagée l’a fait avec détermina­tion et panache et souvent au sacri­fice de sa vie.Précision linguistique liminaire aussi :pendant la Première Guerre, on neparlait pas (encore) de résistants maisde patriotes…Des hommes et des femmes auxactivités très interchangeables réunisdans des réseaux dont la plupart necomprenaient pas plus de 20 person­nes et qui ne couvraient qu’une zonelimitée mais il y en eut aussi quis’étendirent jusqu’en France commecelui dont fit partie Edith Cavell.Il y avait donc des filières de passeursd’hommes et des traqueurs de rensei­gnements de tous ordres. Passeursd’hommes ? Oui pour leur permettrede gagner des terres encore libresd’où ils repartiraient au combat.Et puis aussi des auteurs et des trans­metteurs de la presse devenue clan­

destine après que l’occupant aitfinalement entraîné la fermeture desjournaux. Certains reparurent toute­fois mais sous strict contrôle alle­mand et subissaient donc la censure.L’occupant finit par en créer lui­même comme “La Belgique” ouencore “Le Bruxellois”. Mais très vite,l’aspiration à la liberté d’opinionentraîna le développement d’unepresse de l’ombre très éclectique.Beaucoup de nos compatriotesavaient envie de savoir ce qui se

passait réellement face à l’informa­tion tronquée ou aux rumeurs. Certesdes journaux des pays alliés parve­naient en Belgique mais c’était encontrebande et ils s’arrachaient à desprix d’or.D’où la volonté des “patriotes” d’avoirles leurs. Les premiers “clandestins”(ou encore “prohibés” virent très vitele jour dans cette perspective. Leurspromoteurs s’étaient assignés commemission première de reproduire lesarticles de la presse alliée.

“La Soupe” apparue à Bruxelles dèsseptembre 1914 se spécialisa dans cetype d’informations.En un an d’existence, elle a sorti plusde 500 numéros dont l’ossature étaitconstituée par la reproduction dedéclarations politiques.“La Revue hebdomadaire de la Pressefrançaise” ou “Revue de la Presse” àpartir de 1917 avait une forme plusélaborée. Créée à Louvain en fé­vrier 1915, elle proposait trois ouquatre 4 numéros par mois avec unesélection d’articles des grands titresde la presse française qu’elle complé­tait par des écrits de ses propresrédacteurs.Certains journaux eurent une exis­tence plus qu’éphémère – quelquesnuméros seulement… – mais restequ’il y avait là un courant de fondpuisqu’on dénombra pas moins de 76titres différents dont “La Libre Belgi­que”…“Cette presse clandestine reflétait aussila courbe dumoral des populationsdurant la guerre” explique Laurencevan Ypersele. “Il y eut un pic en 1915,une chute à partir de l’automne de1916 et on assiste à une remontée en1918. Cela dit, il est vrai que la presse,par nature, reflète autant l’opinionqu’elle la suscite”.

h La résistance à l’ennemi prit diverses formes dans la capitale.

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Le Musée de la Ville comparera les grandes villes allemandes à Bruxelles. Ici, la réalité d’une cantine pour enfants à Hambourg.

DEUT

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La pénurie alimentaire frappa durement les villes allemandes. Environ 750.000 civilsmoururent de faim et demalnutrition. Ici une filedevant un magasin d’alimentation à Berlin. L’image du Musée historique allemand de Berlin sera aussi visible fin août.

DEUT

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l Contre-espionnage

Répression sans merci

n Très sévères dès leur entrée enBelgique avec les populations lo­cales, accusées à tort d’aider desfranc­tireurs, les Allemands semontrent d’une rare intransi­geance avec les patriotes qui s’op­posaient à eux.

Ils mirent en place après la sta­bilisation du front un contre­es­pionnage, ce qui nécessitait lacollaboration d’indicateurs bel­ges. La police secrète de l’Empe­reur fit appel à des personnes fa­cilement malléables ou en état dedépendance : des gens modestesmais aussi des nécessiteux voiredes délinquants. Et, hélas, aussisans doute des patriotes quiavaient été arrêtés et qui ne pu­rent s’opposer à la pression vio­lente qui était exercé sur eux.

8-9 La Grande guerre à hauteur d’homme

Des collaborateurs ?

n Y avait­il des collaborateursplus idéologiques, comme cela sevit pendant la Seconde Guerremondiale ? La réponse est néga­tive, selon des travaux publiésvoici déjà dix ans. S’ils ont claire­ment tourné le dos à l’Etat belge,les activistes flamingants n’ontpas participé au démantèlementdes groupes de patriotes. On relè­vera aussi que contrairement à cequi s’est vu en 40­45, ils ne por­tèrent pas l’uniforme allemand.

Résistants

n En s’en prenant aux patriotes,il s’agissait pour l’occupant decouper l’élan de la résistance enarrêtant un plus grand nombred’opposants, que l’on exécuteraitaprès un procès sommaire.

Les prisonniers étaient amenésà la prison de Saint­Gilles d’où onles extrayait pour être jugés parun tribunal allemand installé auSénat. Afin que l’opinion s’enrende bien compte, les exécu­tions étaient largement annon­cées par voies d’affiches trilin­gues.

Ce désir de semer la terreur futcontre­productif : les patriotesfusillés devinrent des héros quiméritaient le respect, voire unecertaine vénération.

La répression allemande necessa vraiment qu’en 1917. Le bi­lan n’en fut pas moins terrible : sisur l’ensemble des territoires oc­cupés, on dénombrait 277 résis­tants fusillés, ils étaient 35 dansla capitale de la Belgique.

Parmi eux, trois noms émer­gent toujours un siècle après :Edith Cavell, Philippe Baucq etGabrielle Petit. Il est vrai que lamémoire collective a largementrelayé leurs exécutions.

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“Montrerl’expériencesingulière dela capitale belgeen 14-18 dansla perspectived’une histoirerésolumenteuropéennedu premierconflit mondial”GonzaguePluvinage

HISTORIENIl est le commissaire del’exposition “14­18Bruxelles à l’heure alle­mande” qui aura lieu auMusée de la Ville.

Vie quotidienne l Exposition

Une ville à l’heure allemandeh La capitale illustraque 14­18 fut uneguerre des peuples.

n Bruxelles n’a pas eu “sa”bataille en 14­18 mais la po­pulation locale n’en a pasmoins payé un lourd écot ensouffrant particulièrementde l’occupation allemandependant quelque 50 mois.“Loin du front, les Bruxellois

tentent de survivre et de résis­ter à un régime d’occupationoppressant et humiliant” ex­plique l’historien GonzaguePluvinage.“La paralysie de l’économie

les plonge dans la précaritémais en outre, ils vivent vrai­ment aussi à l’heure alle­mande. Entendez : avec une àdeux heures d’avance surl’heure belge selon les saisons.Mais les jours sont aussi ryth­més par les multiples ordresde l’occupant.”

Pour sa participation audébut des commémora­tions, le Musée de la Ville de

Bruxelles a opté pour unedémarche originale puis­qu’il permettra de faire unecomparaison avec ce que vé­curent au même momentles villes du Reich…“Dans les villes allemandes

on s’organise pour soutenirl’effort de guerre. L’heure est àla défense du pays qu’on aréussi à protéger de l’inva­sion” poursuit GonzaguePluvinage.“L’économie y est tout en­

tière dévouée aux besoins mi­litaires. Il faut remplacer leshommes qui sont partis com­battre. On vit ensuite dansl’attente de leurs lettres etl’angoisse de leur disparition.Rapidement, le blocus britan­nique et une crise de la distri­bution des vivres provoquentune grave pénurie”.

Si la Grande Guerre fut sy­nonyme d’une “boucherie”militaire jusque­là unique,on ne peut perdre de vuequ’en Europe, elle fut toutautant une guerre des peu­ples qu’une guerre des com­battants.“De fait, les populations civi­

les furent directement impli­quées dans le conflit qui de­vait profondément boulever­ser leur vie quotidienne. D’oùquelques grandes questionsqui ne cessèrent de les habi­ter… Comment faire face àcette situation exception­nelle ? Comment se nourrir, sevêtir ou se chauffer mais aussiservir sa patrie ? Voilà lesprincipales préoccupationsdes Bruxellois comme des ha­bitants des villes allemandestout au long de ces quatre an­nées qui se révéleront très tôtcomme une rupture majeuredans l’évolution des sociétéseuropéennes”.

A partir du 21 août pro­chain et jusqu’au 3 mai2015, cette facette nonmoins essentielle sera miseen exergue à partir des col­lections des Archives de laVille de Bruxelles, du Muséedu Costume et de la Den­telle de Bruxelles, mais aussidu Musée historique alle­mand de Berlin (Deutscheshistorisches Museum), desArchives de l’Etat de Ham­bourg (Staatsarchiv Ham­

burg) et d’archives privées,Objectif ? “Notre exposition

vise à montrer l’expériencesingulière de la capitale belgeen 14­18 mais dans la pers­pective d’une histoire résolu­ment européenne du premierconflit mondial” poursuitGonzague Pluvinage.

Si quelque 50 nationalitésseront finalement partiesprenantes d’une manière oud’une autre, conséquenced’alliances et de dépendan­ces diverses, on ne peut per­dre de vue que la Grandeguerre est avant tout celleque se font les sociétés euro­péennes. “En proposant decomparer la vie quotidiennedes Bruxellois avec celle deshabitants d’autres grandesvilles allemandes, le Musée dela Ville souhaite ne plus ré­duire l’ennemi au rôle uniqued’occupant mais bien plutôt,en utilisant l’exemple de la so­ciété allemande en guerre,d’éclairer les mentalités dudébut du siècle et les mécanis­mes à l’œuvre dans le déclen­chement du conflit ainsi queles raisons de sa longévité”.

L’esprit frondeur toujours bien là par les caricatures

De gré ou de force, les soldats rem­plissent leur mission avec des étatsd’âme très contrastés mais que diredes populations civiles ? Ont­ellesconsenti à la guerre ?Dans les traces de toute guerre con­temporaine, il y a – forcément – unepart importante d’objets, de pièces etd’archives militaires. Qui tournentautour des grands et petits faits dufront. Mais à l’arrière de celui­ci, leszones occupées ou non ont aussi unmessage à livrer.Ce sera l’originalité de l’exposition dela Ville de Bruxelles qui approcherales “cultures de guerre” que les histo­riens Antoine Prost et Jay Winterdéfinissaient voici 10 ans dans “Pen­ser la Grande Guerre. Un essai d’his­toriographie” comme “les représenta­tions, les sentiments, les émotions deshommes et des femmes pendant laguerre”.L’histoire culturelle parce qu’elle estune histoire de l’intime, au sein del’expérience la plus forte qui soitd’une collectivité nationale permetd’avancer ici que la Première Guerremondiale a été totale. D’où l’intérêtd’étudier également celle des sociétésde l’arrière.

Cela se fait à travers l’analyse denombreux documents (photogra­phies, journaux, affiches, tickets derationnement, etc.)et des objets insolitessouvent émouvants.Plus originale estl’approche de l’étatd’esprit de la popu­lation à partir descaricatures réaliséesà Bruxelles en­tre 1914 et 1918. Onconnaît certes l’es­prit frondeur bruxel­lois dont Manneken­Pis est l’icône la plusvisible. Mais l’hu­mour comme armede résistance fut detoutes les époques àBruxelles. Commel’expliquent les historiens de la Ville,“les artistes résistent par l’humour.Parce que rire de ses propres malheurspermet sans doute de mieux les vivre,leurs caricatures s’amusent des diffi­cultés vécues par la population : pénu­rie, problèmes de ravitaillement, chan­gement d’heure, réquisitions, etc”. Maisles artistes se font nettement politi­

ques : ils cultivent l’autodérision maisdésignent aussi les coupables… C’estl’occupant mais – hélas ! – aussi des

Bruxellois qui, àpetite ou grandeéchelle, tirent profitde l’occupation ettrahissent leurpatrie… Ces caricatu­res ont eu une vie ensoi : vendues pourpermettre à leursauteurs de (sur)vivre à de richesmécènes, elles ontatteint discrètementcertains groupes dela population ou ontété, ce fut plus rare…,publiées clandesti­nement.Nombre d’entre elles

ont été sauvées grâce à Eugène Keym,échevin à Watermael en août 1914.Ayant pris la charge de bourgmestreaprès la déportation de ce dernier, iladministra la commune jusqu’en1918 tout en s’efforçant comme sesautres collègues de résister à l’occu­pant. Malgré plusieurs arrestations, ilpersévéra, collaborant avec le Comité

national de Secours et d’Alimentation(CNSA) qui permet d’éviter au paysde connaître la famine et présidant“La Grande Famille” une oeuvre quiaida les familles des soldats belgestout en s’occupant des invalides etdes orphelins de guerre.Parallèlement à ses engagementssociaux et patriotiques, il collection­nait une multitude d’objets ayant unrapport avec la guerre et l’occupationde Bruxelles. Une partie de sa collec­tion fut montrée en juin 1919 auPalais d’Egmont. En 1929, son fils,l’architecte Maurice Keym, en faitdon aux Archives de la Ville.Ses caricatures allemandes et belgessouvent en couleurs et en excellentétat de conservation, bien que d’unegrande fragilité, décrivent de manièrehumoristique les contraintes del’occupation : le passage à l’heureallemande, le couvre­feu, les réquisi­tions, les difficultés de l’approvision­nement, les falsifications alimen­taires, la résistance passive, la joie dela libération, etc. Des visions décaléesde la vie quotidienne dans une villeoccupée et, on l’a déjà dit, le reflet del’état d’esprit des Bruxellois de ne pascourber l’échine…

h La résistance par l’humour permet aussi de saper le moral de l’occupant et de ses séides.

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“Les artistesrésistentpar l’humour.Parce que rire de sespropres malheurspermet sans doutede mieuxles vivre.”

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Les officiers allemands n’ont pas manqué de s’enliser dans les délices gastronomiques de Bruxelles. Il n’y a pas eu d’embargo pour eux

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l Héros

Un maïeur patriote

n Durant toute la PremièreGuerre mondiale, les bourgmes­tres des 16 communes qui for­maient l’agglomération bruxel­loise firent montre d’un patrio­tisme sans faille. Le Parlement seretrouvant au chômage forcéalors que le gouvernement étaiten exil, les “maïeurs” ne man­quaient jamais de prendre leursresponsabilités face à l’occupant.

Même l’imposition d’un“Grand Bruxelles” ne parvint pasà tempérer leurs ardeurs. Au con­traire, ils utilisèrent cette coupoleallemande pour parler d’uneseule voix tout en s’affirmant ausein de la Conférence des bourg­mestres créée dès 1874.

L’un des leurs allait leur servird’exemple : le bourgmestre deBruxelles, Adolphe Max, qui avaitceint l’écharpe tricolore le 6 dé­cembre 1909 suite à la mort inat­tendue d’Emile De Mot. Celui quideviendrait sans conteste lebourgmestre le plus populaire deBruxelles ignorait qu’il exerceraitce mandat pendant pas moins detrente années consécutives.

Il avait, selon la belle expressionde Joseph Tordeur, acquis aussiune stature de “héros national”dès le début de la Grande Guerre.En effet, au péril de sa vie, il avaitdécidé de continuer à assumerses fonctions sans accepter de semettre sous l’autorité du gouver­neur militaire de la ville deBruxelles. Il récidivait dans l’obs­truction : ayant déjà refusé certai­nes démarches administrativesallemandes ce qui lui valut d’êtrearrêté à différentes reprises, ils’opposa clairement au paiementd’une nouvelle contribution deguerre imposée à la Ville et allajusqu’à donner l’ordre aux ban­ques de ne pas honorer les bonsde caisse qui devaient servir à larégler.

10-11 La Grande guerre à hauteur d’homme

Déporté

n Pour l’occupant, c’en étaittrop : le 26 septembre 1914, ilavait été une nouvelle fois arrêtémais plus question cette fois delui donner une chance supplé­mentaire. Il fut déporté en Alle­magne et resterait pendant toutela durée de la guerre dans les geô­les d’outre­Rhin. Mais il regagnaquand même sa bonne ville etson pays tant aimé avant l’entréetriomphale d’Albert et Elisabeth.Le 13 novembre, il s’était en effetéchappé de la prison de Goslareet avec l’aide de ses amis avait re­joint Bruxelles quatre jours plustard. A peine revenu, il futnommé ministre d’Etat par le roiAlbert. Un an plus tard, c’est à luiqu’on dut l’instauration d’un jourde fête nationale le 11 novembre.

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l Week-end d’étoilés

Partie de chasse auchâteau de Vieusartn Ce n’est pas parce qu’onest en guerre qu’on n’a plusle droit de s’amuser, ni de seprendre un petit week­endde repos ! Le propos est iro­nique : en ce mois d’août 14,l’occupant a pris de sérieu­ses licences avec l’éthique etla morale.

Dans la matinée du 21,une centaine d’officiers alle­mands débarque au châteaude Vieusart, présenté parnotre confrère PhilippeFarcy comme “un sommetbelge de l’art romantique”. Ilporte la griffe de Jean­PierreCluysenaer, l’architecte aux200 projets qui ont, notam­ment, marqué le paysagebruxellois. On ignore si lesofficiers ont admiré son tra­vail mais il est certain qu’ilsen ont exploré le parc puis­qu’ils se sont livrés à unepartie de chasse !

Parmi les officiers, un hôtede marque : le 4e fils de l’Em­pereur. Ses exploits militai­res ont visiblement laissémoins de traces que son côtéNemrod. A Vieusart, on sesouvint surtout de la priseen otage du bourgmestre, ducuré et de 4 fermiers. Et desvols commis au départ desAllemands, qui avaient faitmain basse sur des calèches,des harnais, etc.

Bra bant wallon l L’invasion

Une litanie de violences gratuitesh L’est et le centredu Roman Païs souffrirenten août 14.

n Contrairement à d’autres régions, leBrabant wallon fut ­ relativement! ­épargné au début de la PremièreGuerre. Ce qui ne l’empêcha pas desubir elle aussi de plein fouet l’inva­sion allemande et son cortège de souf­frances.

Le petit village de Linsmeau fut ainsile plus sinistré en terme de pertes devies humaines. Ici comme en d’autresparties du pays, les quasi seules sour­ces officielles de ces tragiques événe­ments restent les comptes­rendus descommissions d’enquête mises enplace pendant et après le conflit. Desdonnées exploitées par les associa­tions d’Histoire locale comme le Cer­cle historique, archéologique généalo­gique de Wavre et du Brabant wallon

et des historiens régionaux passionnéscomme Joseph Tordoir.

Un point commun à tous les cantonsdu Roman Païs de Brabant: partout oùelles sont passées, les troupes alle­mandes ont commis des vols et despillages. Et lorsqu’elles procédèrent àdes réquisitions de bétail, de paille ouencore de vivres, ils n’en laissèrentguère de traces ne remettant, évidem­ment, pas de bons et ils ne s’engagè­rent pas davantage à rembourserd’une manière ou d’une autre leurs“emprunts”...

Dans un certain nombre de cas lespillages entraînèrent des pertes hu­maines. On évoque ainsi le cas d’unfermier de Thines retrouvé mort le 21août 1914 dans le champ où il étaitallé surveiller ses bêtes en pâture. Soncorps fut retrouvé juste après le pas­sage d’une patrouille allemande.

Dans le canton de Genappe, l’occu­pant frappa aussi aveuglément. A Lou­poigne Louis Godart, un père de 14enfants tombait sous les balles alle­

mandes. Là encore, rien ne justifiaitl’acte de la sentinelle allemande.

Dans le canton de Perwez, un fer­mier fut emmené par les Allemandsqui étaient à la recherche de soldatsfrançais. On n’appritson sort que deuxmois plus tard: il avaitété fusillé à Bouf­fioulx!

Autre technique: laprise d’otages retenusprisonniers lorsqu’onn’en faisait pas desboucliers humains.

Lorsqu’il y avait lemoindre doute, lessoldats allemandsexécutaient les ci­toyens sans somma­tion.

Ce fut le cas à Beauvechain où le gar­de­champêtre avait retrouvé des ar­mes abandonnées par des soldats bel­ges. Ayant été interceptés, le policierlocal et l’homme chez qui elles avaient

été retrouvées furent abattus entre lelieu de leur cachette et la maison com­munale...où le bourgmestre avait de­mandé de les ramener.

A Mélin, le bourgmestre Lambert Ja­mar fut abattu à la sor­tie de sa ferme alorsqu’il voulait aller serendre compte des in­cendies allumés parl’occupant. Des faits si­milaires se présentè­rent aussi dans le can­ton de Wavre. Unexemple de brutalitéextrême parmid’autres: à Chaumont­Gistoux, un civil étaitrentré se cacher danssa ferme. Finalementrepéré, il fut abattu par

deux coups de fusil à bout portant ettranspercé d’un coup de lance. Ils van­dalisèrent ensuite la maison non sansinsulter et brutaliser la maman trèsâgée du fermier...

Chemin creux fatal et frontal à Sart­Risbart

En Brabant wallon, il n’y eut, à vraidire, pas de bataille au début de laPremière Guerre mais un combatacharné le 16 août. Un combat decavalerie et d’artillerie qui se déployaentre Sart­Risbart, Chaumont etLongueville.Les connaisseurs des affrontementsmilitaires auraient sans contesteétabli un lien avec la bataille de Wa­terloo, 99 ans et deux mois aupara­vant.C’est l’histoire de plus d’une centainede cavaliers du 1er régiment de Chas­seurs à cheval belge qui se sont re­trouvés bloqués dans un chemincreux reliant Sart­Risbart à Chau­mont et au fond duquel leurs montu­res avaient été prises au piège. Enjuin 1815, la cavalerie française avaitété arrêtée dans un chemin creux àOhain.En ce 16 août 1914, les Chasseurs àcheval belge se sont retrouvés face au13e régiment de Uhlans, appuyé pardes hommes du 10e régiment d’artil­lerie et de la 7e unité de mitrailleuses.Comme le précise l’historien braban­çon, Joseph Tordoir “ce fut un terribleengagement au cours duquel six cava­liers belges furent tués alors qu’entre30 et 50 autres étaient blessés ou faitprisonniers par les troupes alleman­des”.“Dès le 2 août” poursuit Joseph Tor­doir “le régiment qui était en garnisonà Tournai avait été mis en observation

à la frontière française près de Tem­pleuve et de Rumignies. Après l’inva­sion du pays par les Allemands, lerégiment avait été transféré par le railà Ramillies pour prendre position dansla région jusqu’à Chaumont­Gistoux etGrez­Doiceau où ils’installa en cantonne­ment dès le 7août 1914.En tant qu’élément decavalerie de la 6e Divi­sion d’armée du géné­ral Lantonnois vanRode, le régiment de­vait retarder l’avancedes troupes allemandeset recueillir des infor­mations sur ses mouve­ments.”Selon le témoignage,publié en 1935, ducapitaine de cavalerieLaurent : “Sart­Risbartfut le premier engagement importantdes Chasseurs et aussi une terribleleçon.”Son analyse sur une confrontationqui a tout de même mis hors combatquelque 180 soldats allemands estsans pitié pour la classe politique : “lapolitique, la plus sale chose que jeconnaisse, s’était abattue sur l’arméepour la dépecer. Tous les crédits mili­taires demandés étaient âprementcritiqués, sabotés […] Les partis par­taient du principe qu’une Belgiqueindépendante et neutre n’avait pas

besoin de se payer le luxe de dépensesmilitaires”. Pourtant “voilà que leBoche sanguinaire submergeait déjà letiers de la Patrie, le couvrant de sang,de ruines et d’horreurs”.Une critique sévère qui visait tant

l’organisation quel’équipement : “lesChasseurs à chevaln’avaient qu’un sabreet une mauvaise cara­bine abusivementraccourcie et quelquescartouches”. Certes, ily avait eu 4 mi­trailleuses pour 10régiments lors de ladéclaration de guerre.Certes, les Chasseursà cheval avaient reçudeux de ces fusilsautomatiques, maison les lui reprit pour

les donner aux Guides.Le capitaine Laurent était aussi trèssévère à propos du recrutement,survenu très – trop ! – vite après levote sur le service militaire personnelmais il entendait surtout montrerque l’on avait trop improvisé audébut de la guerre, même si c’était demanière un peu contrainte et forcée.Mais le lyrique capitaine qui connais­sait forcément la fin du film ajoutaitque si “Sart­Risbart fut la leçon, l’Yserserait la grande offensive libératrice,la revanche et la gloire”.

h Un bilan négatif pour les Chasseurs à cheval imputable surtout à l’improvisation politique ?

12-13 La Grande guerre à hauteur d’homme

14ORPHELINSA Loupoigne Louis Go­dart,père de 14 enfants esttombé sous les ballesallemandes. Rien nejustifiait l’acte de lasentinelle allemande.

46000GARDE CIVIQUEEn 1913, à la veille de laPremière Guerre mondiale,la Garde civique comptait46000membres.A Ottignies, en août 14,ils provenaient de Mor­lanwelz ayant été misà la disposition du gouver­neur du Brabant.

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Le 12 octobre 1915, Edith Cavell - photo de dessus -était fusillé au Tir national à Schaerbeek. Un endroit hélasu négligé aujourd’hui.

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l Héros

Figure de proue de larésistance moralen Le Brabant wallon ne comptepas beaucoup d’icônes, de hérosde la Grande Guerre sur son terri­toire. Mais ils sont hors normes…

Avec d’abord, à tout seigneurtout honneur, le cardinal Désire­Joseph Mercier qui est né à Brai­ne­l’Alleud le 21 novembre 1851.Le prélat n’est pas allé sur le frontmais son influence sur les esprits,y compris non catholiques futtrès grande. Notamment par salettre pastorale “Patriotisme etEndurance” distribuée le jour deNoël1914,lueetpubliéele1er jan­vier suivant sous le manteau.

Une conviction forgé par cequ’il avait vu d’abord au Havre,de retour du conclave qui avaitchoisi Benoît XV où il avait dé­couvert l’ampleur des dégâts hu­mains puis aussi à Malines où ildécouvrit que 13 de ses prêtresavaient été tués… En l’absence dugouvernement et du Roi, le cardi­nal avait acquis une forte légiti­mité, s’imposant comme la figurede la résistance morale. Ce qui luivalut d’être arrêté un momentpour sa propagande. Il entra aussien collision frontale avec le gou­verneur allemand de la Belgiqueà propos des cultivateurs quiétaient envoyés dans des usinesallemandes.

l Héros

Un acte qui coûta lavie à Trésignies

n Jusqu’en 1963, Bierghes – prèsde Rebecq – faisait partie de l’ar­rondissement de Bruxelles. Lacommune ne fut intégrée danscelui de Nivelles que dans la fou­lée des lois linguistiques de l’épo­que. Le Roman Païs put dès lorsintégrer dans son panthéon le ca­poral Trésignies qui y était né en1886.

Trésignies perdit la vie lorsd’une contre­offensive belge àPont­Brûlé (Vilvorde), le 26 août1914. Un peloton du 2e régimentde Chasseurs à Pied – le sien –était chargé de marcher sur Pont­Brûlé pour y traverser le canal deWillebroek. Le peloton occupaune tranchée sur la berge du ca­nal. Le tablier du pont était re­levé. Il fallait traverser le canal,manœuvrer la roue pour abaisserle pont et ainsi permettre à l’ar­mée d’atteindre la rive occupéepar les Allemands. Léon Trési­gnies se porta volontaire et tra­versa le canal à la nage. Sur l’autrerive, il entama les manoeuvres dedescente du pont­levis mais futabattu par les Allemands. Le15 septembre 1914 il fut cité àl’Ordre de la Nation par Albert Ier

et nommé caporal à titre pos­thume.

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l Document

La réplique-orante-des Clarisses

n Les Pauvres Clarisses Cole­tinnes de Wavre avaient beauavancer leur statut religieux,elles n’en furent pas moinsdans le collimateur des Alle­mands. “Sous le prétexte quenous avions tiré sur eux, les Al­lemands tirèrent sur notre cou­vent, les vitres furent briséesdans lamaison de nos sœurs ex­ternes et les murs furent percésà plusieurs endroits”. Qu’à celane tienne “notre Mère Abbessemit sa confiance en Jésus­Hos­tie, elle réunit ses filles au chœuret là, serrées auprès du Taber­nacle, nous nous sentions cal­mes malgré tout. Inutile de direque pendant cette nuit commependant les jours qui précédè­rent et pendant tout le temps dela guerre, des prières ardentesmontèrent vers le Ciel pourcrier pardon et miséricorde.”

Il fut décidé de communier,peut­être une ultime fois.“Après nous être demandé

mutuellement pardon et nousêtre donné le baiser de paix quenous croyions être le dernier,chacune s’approcha pour pren­dre les saintes hosties”. Elles fu­rent sauvées même si “un mo­ment, la chapelle extérieurenous parut en feu mais enfintout se calma.”

“J’ai entendu unsergent ou uncaporal du 3e deligne dire au chefet aux soldats dela Garde civiquede Liège qu’ilvenait de tuer unofficier allemandà Linsmeau”.

Charles Colon

TÉMOINIl fit une déposition asser­mentée après les incidentsde Linsmeau.

Le 10 août 1914 Linsmeau

Un scénario déjà trop vuh La bonne volontédu maïeur n’arrêtapas les Allemands.

n Dans l’histoire de la Pre­mière Guerre, le Brabantwallon apparaît comme unezone moins marquée par lesévénements. Cela dit, lenombre de victimes civiles etmilitaires reste en tout étatde cause beaucoup tropélevé. On n’insistera pour­tant jamais assez sur le cou­rage des édiles locaux quis’exposèrent en première li­gne et furent eux­mêmesvictimes de la barbarie.

C’est vrai que le bourgmes­tre de Linsmeau d’alors, Vic­tor Minsart n’a pas pu empê­cher l’exécution de 18 ci­toyens pris au hasard nil’incendie de 7 maisons etpas davantage des pillages

mais ses actions préventivesont permis de limiter le bilannégatif. Lorsque le 10 août1914, une escarmouche op­posa les troupes allemandeset belges, le “maïeur” avaitdéjà pris ses précautions. Ilressort en effet de sa déposi­tion assermentée que troisjours auparavant, il avaitdonné des ordres pour quetoutes les armes soient remi­ses à la maison communale.“J’avais visité la population

et lui avais fait comprendrel’inutilité et le danger d’orga­niser la moindre résistance”.Victor Minsart se disait “cer­tain qu’il n’y avait plus d’ar­mes en possession des jeunesgens qui faisaient partie de laGarde civique”.

Le premier magistrat af­firma aussi avec certitudequ’“il n’y a pas eu la moindretentative de résistance de lapopulation civile contre les Al­lemands”.

Que s’était­il passé ? Ducôté d’Opheylissem, sur leterritoire de Linsmeau il yavait des soldats belges enpatrouille. Ce sont eux quefrôla un groupe de uhlans.C’est alors que leur chef futabattu. Il est exact qu’attiréspar ce qui venait de se passerdes civils se rendirent en­suite sur place pour décou­vrir le cadavre. Très vite, lescompagnons de l’uhlanabattu accusèrent les civilsavant d’en emmener un cer­tain nombre pour les exécu­ter. Des représailles visèrentaussi leurs biens : sept mai­sons avaient brûlé, plusieursautres habitations avaientété sérieusement endomma­gées.

Entretemps, le bourgmes­tre Minsart avait été lui­même capturé et retenu jus­qu’à 11 heures du soir.

Un certain Charles Colonqui avait assisté aux escar­

mouches vint confirmer quece n’étaient pas les villageoismais bien un des soldats bel­ges qui avait tué son vis­à­visallemand.“J’ai entendu un sergent ou

un caporal du 3e de ligne belgeraconter au chef et aux soldatsde la Garde civique de Liègequ’il venait de tuer un officierallemand sur le territoire deLinsmeau”. Et d’expliquerqu’il avait montré le brow­ning et les jumelles de l’offi­cier abattu.

Mais l’occupant n’avait luipas attendu un moindre dé­but d’enquête…

Des exactions similaires fu­rent commises dans d’autrescommunes qui n’avaientpourtant pas connu d’inci­dents semblables. Quelquesjours plus tard, le corps decavalerie français Sordet vinten renfort des troupes bel­ges. Jusqu’au 21 août, la ten­sion restait vive…

Une semaine de tensions à Wavre

Wavre fut sous tension pen­dant une semaine à la fin dumois d’août 1914. Dès lemoment où il avait été décidéde faire replier les troupesbelges sur Anvers, une voieimpériale s’ouvrait à l’enva­hisseur.Le 6 août, le roi Albert Ier étaitvenu se rendre compte de lapréparation mais surtout desmoyens dont disposeraientles unités belges sur place.D’après le rapport du généralGalet, ce fut loin d’être opti­mal et peu encourageantmais bon, la guerre étaitarrivée et il fallait faire face.Le chef de l’Etat avait été reçupar le bourgmestre ConstantDe Raedt dont la cote mon­tait dans les milieux officielscar il était parvenu à fédérerla majorité et l’oppositionpour le plus grand bien de lapopulation locale.La situation qu’il géra aprèsl’arrivée des Allemands futbien plus délicate.La 20 août, dès 7 heures dumatin, les troupes de l’Em­pire faisaient leur entrée maisplusieurs témoins pensaientd’abord sur base d’informa­tions empreintes d’un grand

“wishful thinking” qu’ils’agissait de l’armée française.Si la patrouille “inaugurale”stupéfia les Wavriens déstabi­lisés par la langue et l’alluredes envahisseurs, ils allaientêtre littéralement glacés au filde la progression des fantas­sins dans la cité.C’est que ces derniers n’hési­tèrent pas à entrer dans lesmaisons et à réclamer tout cequi pouvait être mangé oubu. Ils forçaient les habitantsà déposer sur les trottoirs desseaux et des cuvettes d’eaupour en boire eux­mêmes oupour donner à boire à leurschevaux. La méfiance absolueétait de mise : l’occupantcraignait en effet des empoi­sonnements.

Alors que la première journées’était passée dans un calmerelatif, le lendemain, et mal­gré qu’un couvre­feu avait étéinstauré à partir de 21 heu­res, des coups de feu furententendus vers ce moment unpeu partout dans la ville.Comme cela s’est vu ailleurs,les Allemands arrêtèrent lebourgmestre De Raedt,prétextant que des civils leuravaient tiré dessus.Afin de tenter de ramener lecalme, les Allemands deman­dèrent aux échevins de lessuivre et de demander à lapopulation de cesser les tirs.Un témoin évoque des per­sonnalités locales “ignomi­nieusement promenées partoute la ville et malmenées.”

Cela n’empêcha pas les Alle­mands de piller puis d’incen­dier 54 maisons. Ni de forcerde nombreux Wavriens àrester toute la nuit sur laplace de la ville.Le lendemain, le comman­dant allemand Willebrandtimposait à la ville une amen­de­contribution de guerre de100000 francs. Une sommetrop élevée que pour êtrerassemblée aussi vite. Ce quine calma pas les ardeursallemandes. Un avis officielmenaçait d’un incendie totalde la ville si les tirs n’arrê­taient pas. Un avertissementqui entraîna un autre avisofficiel, du bourgmestrecelui­là, demandant à sapopulation de cesser touterésistance.La tension demeura vivejusqu’au 27 août car plu­sieurs notables restaient sousle contrôle direct des troupesd’occupation à l’hôtel de ville.L’arrivée de nouvelles unitésraviva les craintes mais peu àpeu le calme, tout relatif,d’une ville occupée s’emparade ce qui est aujourd’hui lechef­lieu de la province duBrabant wallon.

h Les troupes allemandes étaient prêts à incendier la ville face à la résistance locale.

Incendie organisé

Comment les troupes allemandes procédèrent-elles pourincendier les maisons en guise de représailles ? Un témoi-gnage d’Arthur Everaerts de Céroux-Mousty éclaira cettequestion : “l’incendie se faisait par un corps organisé : cer-tains hommes jetaient des grenades, d’autres projetaient dupétrole ou du benzine au moyen de pompes”. D’autres témoinsoculaires parlent de pastilles ou de capsules incendiaires.Comme le souligne M.Grégoire “le modus operandi des incen-dies mériterait à lui seul une étude approfondie”.

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Dès les premiers jours de la guerre, les troupes allemandes firent de nombreux prisonniers civils.

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Les prisonniers civils furent affectés à bien des tâches dont le creusement de tranchées. Un grand nombre d’entre eux furent aussi dé-portés progressivement en Allemagne.

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l Nivelles

Un bourgmestrecourageux

n Pendant la Première Guerre,plusieurs bourgmestres furentdéportés pour insubordinationaux ordres de l’occupant. Si celuide Bruxelles, Adolphe Max, futarrêté très vite après l’arrivée desAllemands, celui de Nivelles, ledéputé­bourgmestre Emile deLalieux de la Rocq a été arrêté le6 avril 1915.

Ses fautes ? Il avait aidé en leurdonnant des vivres des ouvriersdu chemin de fer qui refusaientde travailler pour l’occupant etn’avait pas livré aux Allemands laliste des chômeurs de la ville.Émile de Lalieux fut emprisonnéquelques mois à Nivelles et futensuite déporté en Allemagnecomme “indésirable”. Il tombagravement malade et fut trans­féré en Suisse, à Ouchy­Lausanne,où il décéda le 7 septembre 1918.

La Première Guerre mondialel’avait profondément marquéaussi par la perte d’un enfant. Sonfils, Louis avait intégré le serviceinfirmier de Nivelles. Il s’engageacomme volontaire de guerre etfut blessé au front le 18 juillet1916. Après un mois d’hospitali­sation, il avait repris le combat.Hélas, un jour après sa premièreblessure, il fut mortellement tou­ché. Il est mort le 14 septembre1917, âgé à peine de 23 ans.

l Ces journées-là

Rue du Poilu

n S’il n’est pas rare de trouverdes rues “du Poilu” en France,c’est très rare chez nous. Il enexiste une à Bierges dans l’entitéde Wavre. Il s’agit d’un hommageaux soldats français qui ont com­battu aux côtés des soldats belgespendant la Première Guerre.

Mais pourquoi des “Poilus” ?Dans “L’Argot de la guerre,d’après une enquête auprès desofficiers et soldats” paru en1918, Albert Dauzat expliquaitqu’“avant d’être le soldat de laMarne, le poilu est le grognardd’Austerlitz, ce n’est pas l’homme àla barbe inculte, qui n’a pas letemps de se raser, ce serait trop pit­toresque, c’est beaucoup mieux :c’est l’homme qui a du poil au bonendroit, pas dans la main !” Bref,un symbole de virilité. Dans lesautres armées, les surnoms fleu­rirent aussi pour désigner les sol­dats… En Allemagne : les Michel’sou Landsers; en Angleterre : lesTommies; en Australie : les Dig­gers (ceux qui creusent); auxÉtats­Unis : les Doughboys ou lesSammies. Chez nous, on parlaitdes Jass… Le surnom qualifialongtemps l’équipe nationale defoot militaire.

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