management de la diversité des ressources humaines

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Management de la diversité des ressources humaines Études empiriques et cas d’entreprises Coordonné par Anne-Francoise Bender Alain Klarsfeld Christine Naschberger

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Management de la diversité des ressources humainesÉtudes empiriques et cas d’entreprises

Coordonné par Anne-Francoise BenderAlain KlarsfeldChristine Naschberger

Cet ouvrage contient les contributions de :

Jamila AlaktiffYvette AllanIsabelle BarthClara BaudelAnne-Françoise BenderMaria Giuseppina BrunaPénélope CodelloAnnie CornetMuriel de Saint-SauveurMilena DoytchevaManal El AbboubiGéraldine GalindoPhilippe JacquinotAlain KlarsfeldFlorimond LabulleMagali LarqueyLidwine MaizerayChristine NaschbergerArnaud Pellissier-TanonSarah RichardMarie José ScottoSabrina SemacheHédia Zannad

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Management de la diversité

des ressources humaines

Études empiriques et cas d’entreprises

Coordonné par

Anne-Francoise BenderAlain Klarsfeld

Christine Naschberger

Arrivée en France il y a un peu plus de dix ans, la gestion de la diversité, conçue ici comme un ensemble

d’actions visant à agir contre les discriminations et à promouvoir des cultures de travail inclusives, est passée du discours aux pratiques. Elle est principalement dévolue aux fonctions Ressources Humaines et à l’encadrement, mais ses enjeux et son application concernent tous les salarié.e.s.

Le présent ouvrage est destiné tant aux praticien.nes qu’aux étudiant.e.s et chercheur.e.s. Il comble un besoin de diffusion de recherches récentes sur la mise en œuvre concrète du management de la diversité en France. Il réunit des études empiriques réalisées par des membres du Groupe de Recherche Thématique (GRT) Diversité au sein de l’Association Francophone de Gestion des Ressources Humaines (AGRH). Ce groupe d’enseignants-chercheurs, créé en janvier 2007, vise à produire et à diffuser à un large public des savoirs liés à la thématique de la diversité et de la lutte contre les discriminations.

Les six premiers chapitres de l’ouvrage sont consacrés à des études de cas d’entreprises et tentent de répondre aux questions suivantes : quels sont les enjeux, les processus de conception et le contenu des politiques de diversité ? Quels freins, leviers et premiers effets peut-on observer ? Les six chapitres suivants portent sur des dimensions spé-cifiques de la diversité : égalité femmes-hommes, origine, handicap, orientation sexuelle et identité de genre. Le dernier chapitre propose une analyse des liens entre politiques de diversité et politiques de gestion de res-sources humaines. Les chapitres, tous écrits par des experts reconnus, s’achèvent sur deux tableaux récapitulant les principaux enseignements et les implications managériales.

Retrouvez tous les ouvrages Vuibert sur

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ISBN : 978-2-311-40557-6

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Management de la diversité des

ressources humainesÉtudes empiriques

et cas d’entreprises

Anne-Françoise Bender Alain Klarsfeld

Christine Naschberger

Risques psychociaux,

santé et sécurité au travail :

une perspective managériale

Coordonné par

Emmanuel Abord de Chatillon,Olivier Bachelard

et Stéphanie Carpentier

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ISBN : 978-2-311-40557-6

La loi du 11 mars 1957 n’autorisant aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et courtes citations dans un but d’exemple et d’ illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article 40).Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contre-façon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. Le « photocopillage », c’est l’usage abusif et collectif de la photocopie sans autorisation des auteurs et des éditeurs. Largement répandu dans les établissements d’enseignement, le « photocopillage » menace l’ave-nir du livre, car il met en danger son équilibre écono mique. Il prive les auteurs d’une juste rémunération. En dehors de l’usage privé du copiste, toute reproduction totale ou partielle de cet ouvrage est interdite. Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l’accord de l’ éditeur.S’adresser au centre français d’exploitation ou du droit de copie :20 rue des Grands-Augustins, F-75006 Paris. Tél. : 01 44 07 47 70

© Magnard-Vuibert, juin 2018 – 5, allée de la 2e DB, 75015 ParisSite internet : www.vuibert.fr

Derniers ouvrages parus dans la collection « Recherche AGRH »Le leadership. Recherches et pratiques, coordonné par Florence Noguera et Jean-Michel Plane, avril

2016.RH, RSE et territoires. Défis théoriques, réalisations pratiques, coordonné par Isabelle Bories-Azeau,

Christian Defélix, Anne Loubès, Odile Uzan, novembre 2015.La délégation managériale. Levier de compétences et de développement stratégique, Didier Retour,

avec la collaboration de Thierry Picq, Françoise Belle, Christian Defélix et Ewan Oiry, juin 2015.

Gérer les RH dans les PME. De la théorie à la pratique, Marc-André Vilette (coord.), janvier 2014.La gestion des carrières. Populations et contextes, Françoise Dany, Laetitia Pihel et Alain Roger

(coord.), février 2013.Risques psychosociaux, santé et sécurité au travail. Une perspective managériale, Emmanuel Abord de

Chatillon (coord.), février 2012.Pratiques de GRH dans les pays francophones. 48 études de cas, Françoise Chevalier (coord.),

novembre 2010.Temps de travail et GRH, Jean-Yves Duyck et Marc-André Vilette (coord.), août 2010.Gestion des compétences. Nouvelles dimensions, nouvelles relations, Didier Retour, Thierry Picq et

Christian Defélix (coord.), août 2009.En âge de travailler. Recherches sur les âges au travail, Stéphane Bellini (coord.), mars 2009.Le management des ressources humaines dans la grande distribution, Christophe Vignon, février

2009.La recherche-intervention peut-elle être socialement responsable ?, François Pichault, Olivier Lisein,

Giseline Rondeaux et Virginie Xhauflair (coord.), octobre 2008.Comportements et ressources humaines, Martine Brasseur et Ariel Mendez (coord.), août 2008.Restructurations d’entreprises. Des recherches pour l’action, Rachel Beaujolin-Bellet et Géraldine

Schmidt (coord.), avril 2008.Management et conduite de soi. Enquête sur les ascèses de la performance, Éric Pezet (coord.), juin

2007.Restructurations d’entreprises. Regards croisés, José Allouche et Janine Freiche (coord.), mars 2007.Nouveaux regards sur la gestion des compétences, Christian Defélix, Alain Klarsfeld et Ewan Oiry

(coord.), juin 2006.

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III

Sommaire

Présentation de l’AGRH VCharles-Henri Besseyre des Horts

Présentation de la collection « Recherche » de l’AGRH VIIOdile Uzan

Introduction générale. Management de la diversité des ressources humaines : études empiriques et cas d’entreprises, vue d’ensemble 1Anne-Françoise Bender, Alain Klarsfeld, Christine Naschberger

Chapitre 1. La diversité en action : Eau de Paris (EDP), entreprise pionnière de l’égalité femmes-hommes 17Marie José Scotto

Chapitre 2. Le portage de la politique diversité comme processus de changement organisationnel patronné. Le cas du groupe La Poste (2006-2013) 38Maria Giuseppina Bruna

Chapitre 3. D’une politique handicap vers une politique diversité ? Le cas « Au Bon Compte » 65Lidwine Maizeray

Chapitre 4. Les ambiguïtés des pratiques de GRH de diversité à destination des territoires en difficultés     86Florimond Labulle

Chapitre 5. Construction d’une politique d’égalité hommes-femmes au sein du conseil départemental du Val-de-Marne : retour sur une recherche-intervention 105Pénélope Codello

Chapitre 6. Diversité des équipes et performance : un lien évident ? 122Sabrina Semache

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Management de la diversité des ressources humaines

IV

Chapitre 7. Normation de la diversité en entreprise : qu’en est-il des discriminations ethnoraciales ? 145Jamila Alaktiff, Milena Doytcheva

Chapitre 8. Promouvoir une politique de diversité et d’inclusion au travail : l’exemple de la mise en place de la charte d’engagement LGBT dans les entreprises et structures pionnières 171Christine Naschberger, Clara Baudel

Chapitre 9. Attentes de carrière des femmes et des hommes : convergence ou divergence ? 194Alain Klarsfeld, Yvette Allan, Magali Larquey

Chapitre 10. Attitudes face au plafonnement de carrière lié aux diplômes et au genre dans deux grandes entreprises françaises 210Hédia Zannad, Géraldine Galindo

Chapitre 11. La dynamique de performance des travailleurs handicapés. Compte-rendu d’une recherche quantitative exploratoire 238Philippe Jacquinot, Arnaud Pellissier-Tanon

Chapitre 12. La révélation du handicap dans l’enseignement supérieur : freins et leviers perçus par les référents handicap 256Sarah Richard, Isabelle Barth

Chapitre 13. La gestion de la diversité : ruptures et innovations pour la GRH 273Manal El Abboubi, Muriel de Saint-Sauveur, Annie Cornet

Biographie des auteurs 293

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V

Présentation de l’AGRH

Charles-Henri Besseyre des Horts  Président de l’AGRH

L’Association francophone de Gestion des Ressources Humaines (AGRH), créée en 1989, rassemble plus de 1 200 enseignants-chercheurs francophones dans le champ de la Gestion des Ressources Humaines (GRH). Son objet est de promouvoir la recherche, la forma-tion en gestion et en développement des ressources humaines dans la communauté francophone, en particulier lors du congrès annuel de rencontres avec d’autres commu-nautés académiques et professionnelles, des travaux de recherches et des publications. 

Au travers de son Congrès annuel, sa revue @GRH,  les publications de ses membres dans de nombreuses revues académiques reconnues, dont la RGRH créée en 1991, ses ouvrages dans la collection « Recherche AGRH » aux Editions Vuibert présentée dans les pages suivantes, ses groupes de recherches thématiques (GRT), sa lettre d’ informa-tion, ses études de cas, ses ambassadeurs pays, son site internet et sa présence sur les réseaux sociaux, l’AGRH se positionne comme l’Association francophone de référence de la recherche et de l’enseignement en GRH.

L’AGRH veille à la fois au développement de sa reconnaissance académique et de celle de ses membres, de son rayonnement pour faire évoluer les pratiques managériales dans les organisations, de ses relations institutionnelles avec ses parties prenantes dans une perspective de responsabilité sociétale et de son développement à l’ international. Ce sont aujourd’hui ses quatre axes majeurs de réflexion, qui peuvent évoluer en fonction de nouveaux enjeux comme, par exemple, celui de la révolution digitale. 

1) La reconnaissance académique passe aujourd’hui par différents systèmes d’évalua-tion ; il est donc important pour la carrière de ses adhérents que l’AGRH soit une force de proposition dans différentes instances (Ministère, CNU, FNEGE, CNRS, HCERES, etc.), afin de défendre certaines positions et rappeler l’ importance des travaux de recherches menés dans cette spécialité majeure des Sciences de Gestion, notamment à l’heure de la révolution digitale.

2) De plus, la valorisation des travaux de recherche, au sens large du terme, au travers des revues, des ouvrages, des communications dans les congrès académiques ou les jour-nées de recherches thématiques organisées par les GRT, est une activité clef essentielle de l’AGRH qui œuvre pour la reconnaissance des travaux de chacun de ses membres et des équipes de recherche à leur juste valeur. Dans cette perspective la collection « Recherche AGRH » aux Editions Vuibert offre une opportunité exceptionnelle pour les cher-cheurs de diffuser les résultats de leurs travaux.

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3) La recherche en Gestion des Ressources Humaines étant, par nature, profondément ancrée dans l’environnement social et sociétal, l’AGRH contribue également à la lisibilité et l’appropriation des travaux de recherches de ses membres par les praticiens de la GRH et les autres acteurs du monde des affaires, dont les dirigeants d’entreprises sensibles à l’ importance stratégique du facteur humain. Les échanges se multiplient ainsi dans les deux sens : les chercheurs intervenant dans le cadre de leurs associations professionnelles telles que, par exemple, l’ANDRH en France ou l’ARFORGUE au Maroc, et les praticiens dans le cadre des enseignements dans des licences ou mastères RH.

4) Ces trois premiers axes de réflexions et d’actions s’ inscrivent aussi bien en France que dans l’espace de la francophonie (Europe, Afrique, Maghreb, Canada, etc.) − qu’ il convient de pérenniser − et plus globalement à l’ échelle internationale notamment dans des environnements non-francophones (Amériques du Nord et du Sud, Moyen-Orient, Asie, etc.). Chacun des membres de l’AGRH évolue en effet dans cet espace international qui conduit l’AGRH à faire de l’ internationalisation des recherches et des équipes de chercheurs un axe stratégique.

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VII

Présentation de la collection « Recherche » de l’AGRH

Odile Uzan Responsable de la collection « Recherche »

L’édition d’ouvrages est aujourd’hui une activité de plus en plus valorisée en sciences de gestion, comme en témoigne le « Prix du meilleur ouvrage de recherche en sciences de ges-tion » récemment mis en place par la FNEGE et l’EFMD, avec le concours de l’ensemble des associations académiques de la discipline. L’AGRH a su anticiper cette valorisation dès 2003, en créant une collection « Recherche » en partenariat avec les éditions Vuibert.

Cette collection, sous l’ impulsion des membres du Bureau de l’AGRH, encourage les chercheurs à publier les savoirs existants concernant les thématiques sur lesquelles ils tra-vaillent, au travers notamment des groupes de recherche thématiques (GRT), de façon à construire progressivement un référentiel de connaissances scientifiques en GRH. Les ouvrages de cette collection, proposés et coordonnés par des auteurs qui en garantissent le réel intérêt scientifique, peuvent ainsi prétendre au prix EFMD-FNEGE.

Les livres de la collection « Recherche AGRH », rédigés dans un style pédagogique, ont également pour ambition de contribuer au nécessaire dialogue entre les chercheurs et les professionnels utilisant les apports de la recherche pour interroger leurs pratiques et mieux faire face à la complexité de la GRH dans le monde des organisations.

Depuis sa création, la collection compte plus d’une vingtaine de titres portant sur des thématiques spécifiques (compétences, carrières, temps de travail, diversité, leadership), des questions transversales (territoires, mondialisation, restructuration), ou encore sur des mises en contexte liées à un secteur d’activité (PME, distribution) ou une région du monde (Maghreb).

La collection « Recherche » de l’AGRH permet à de nombreux membres de l’associa-tion de valoriser leurs travaux de recherche, tout en bénéficiant d’une diffusion et d’une lisibilité certaines, assurées par notre partenaire « Vuibert ».

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Introduction générale

Management de la diversité des ressources humaines : études empiriques

et cas d’entreprises, vue d’ensemble

Anne-Françoise Bender, Alain Klarsfeld, Christine Naschberger

Historique de la diversité en France et finalité poursuivie par cet ouvrageDepuis une quinzaine d’années, un débat national a vu le jour en France autour des notions de diversité et d’inclusion et, dans une certaine mesure, de la question de la diversité en tant que business case, basée sur l’argument économique. Alors que la question de l’égalité des chances et de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes était à l’ordre du jour depuis de nombreuses années, la diversité, et plus particulièrement la dimension de la diversité ethnique, n’a fait l’objet d’un débat public que ces dernières années. Il met en lumière les insuffisances liées au modèle français d’égalité et d’intégration des immigrés et de leurs descendants (Bender et al., 2010 ; Klarsfeld et al., 2010).

En effet, en France, contrairement aux États-Unis et au Royaume-Uni où elles occupent le devant de la scène depuis les années 1960, les questions d’égalité des chances et de diver-sité se sont développées beaucoup plus récemment, dans les années 2000, et à la suite d’une prise de conscience des difficultés du modèle français d’égalité fondé sur l’égalité des droits pour tous les citoyens. L’égalité formelle des droits, selon le modèle républicain, a été fondée à l’origine sur le déni de toute distinction entre les citoyens. Cette « non-reconnaissance » de la diversité des origines est censée garantir l’égalité de tous devant la loi (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789). La question centrale posée tant par la « société civile » que par les chercheurs a longtemps été la mise en œuvre de l’égalité entre les hommes et les femmes, qui trouve ses racines dans la Révolution française de 1789, et dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Cette dernière, tout en posant l’égalité comme un principe absolu, excluait les femmes des droits de citoyenneté accordés aux hommes (Fraisse, 1995).

Alors que la diversité ethnique était censée être résolue (et soluble) dans le modèle d’in-tégration de tous les citoyens de la République transcendant toutes leurs distinctions d’ori-gine, culturelles, religieuses et sociales, c’est la prise de conscience des multiples inégalités et discriminations qui frappent les minorités ethniques qui a récemment mis en exergue la

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thématique de la « diversité » dans le débat public (Weil, 2005). Ces réflexions ont abouti à l’adoption d’une charte de la diversité en 2004, sous l’impulsion de l’Institut Montaigne. La charte encourage les entreprises à refléter « la diversité de la société française et notam-ment sa diversité culturelle et ethnique ». À ce jour, 3 700 entreprises ont signé la charte de la diversité. En France, en l’absence de mesures contraignantes de la part des pouvoirs publics, les politiques de diversité créent essentiellement des dispositifs de soft law, tels que des chartes (charte parentalité, charte de la fonction publique, charte de la diversité, charte d’engagement LGBT) et des labels (label Diversité, label Égalité professionnelle, alliance label Diversité et label Égalité professionnelle). On peut donc observer l’émergence, à côté de la hard law, d’une soft law qui influence les pratiques des entreprises cotées notamment.

En France, le débat sur la diversité n’est donc pas, comme aux États-Unis, le résultat d’une critique d’un modèle préexistant d’affirmative action, qui n’existait de toute façon pas en tant que tel en France pour les minorités ethniques et raciales, même si on pouvait en apercevoir les prémices dans les lois relatives à l’emploi des travailleurs handicapés (1987 et 2005) ou encore à l’égalité femmes-hommes adoptées à partir des années 1980 en France et en Europe. Le débat français sur la diversité prend donc sa source dans la cri-tique du modèle français d’égalité formelle des droits, qui « ignorait » toutes les différences, qu’elles soient de sexe ou d’origine ethnique, et du même coup les discriminations pouvant se manifester à leur encontre. Cette importance du critère ethnoracial dans le développe-ment du discours sur la diversité en France est bien mise en évidence dans le chapitre de Jamila Alaktif et de Milena Doytcheva de cet ouvrage.

Ce débat a notamment amené chercheurs et praticiens à se demander si la France devrait adopter des politiques de discrimination positive dans le domaine de la diversité ethnique, à la façon dont cela avait été fait aux États-Unis dans les années 1970. En France, seuls le handicap et le genre bénéficient d’un quota imposé par la loi : la loi du 10 juillet 1987 impose un quota de travailleurs handicapés de 6 % aux entreprises de plus de 20 salariés et la loi Copé-Zimmerman de 2011 oblige les entreprises cotées d’avoir au moins 40 % de personnes du sexe le moins représenté (le plus souvent les femmes) dans leurs conseils d’administration et de surveillance. L’affirmative action ou « action positive », comme on l’appelle parfois, est considérée en France par beaucoup comme une stratégie risquée, qui privilégierait les « identités » et le repli sur soi de communautés vectrices de fragmenta-tion du corps social (Noiriel, 1998 ; 2001 ; 2006). Dans le présent ouvrage, Florimond Labulle, au travers d’une étude des discours de managers RH et opérationnels, évoque de telles difficultés et préoccupations sur le terrain.

De plus, alors qu’aux États-Unis il existe une longue tradition de dénombrement des catégories ethniques et religieuses, en France, un tel « comptage » de la diversité apparaît illégal (il est interdit par la CNIL mais il existe des dérogations dans des conditions très encadrées) et illégitime, en vertu du principe interdisant toute distinction entre catégories et entre individus sur la base de tels critères (Méron, 2009 ; Weil, 2005). Jamila Alaktif et Milena Doytcheva, ou encore Florimond Labulle, se font l’écho dans cet ouvrage de ces difficultés non seulement à compter la diversité ethnoraciale, mais également à formaliser une politique diversité sur ce critère dans les entreprises, malgré les intentions initiales des promoteurs du concept de diversité dans le débat public tels que l’Institut Montaigne ou le Club du xxie siècle.

Ce débat national émergent sur la diversité au cours des années 2000 est allé main dans la main avec le développement d’un cadre légal européen et français destiné à lutter

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Introduction générale

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contre les discriminations, notamment dans le domaine de l’emploi mais aussi de l’accès aux services et au logement dans les années 2000. La nouvelle prise de conscience d’une variété de discriminations possibles ainsi que le renforcement récent des lois contre les discriminations ont évolué parallèlement au débat sur la diversité. À ce jour, le Défenseur des droits reconnaît plus de 25 critères de discrimination.

Depuis quelques années, certaines notions de la diversité comme la diversité religieuse ou la population LGBT (lesbiennes, gays, bisexuel·les et transgenres) ont reçu davantage d’attention dans les entreprises françaises. Ainsi, le fait religieux, une préoccupation qui tend à prendre de l’importance au sein des organisations, et les revendications religieuses (individuelles ou collectives) se manifestent selon différentes formes : demande d’absence pour fêtes religieuses, aménagements d’horaires, port visible de signe religieux, etc. Ce sont souvent ces problématiques concrètes émanant du terrain, par exemple des compor-tements discriminatoires envers la population LGBT (Naschberger et Baudel), qui ont poussé les décideurs RH à réagir et à mettre en place une politique adaptée, par exemple des guides managériaux. L’entreprise est amenée à se positionner. La diversité LGBT et le fait religieux sont souvent considérés comme des notions compliquées et complexes. Cette timidité à intégrer ces notions s’explique aussi par la perception des décideurs qu’il s’agit de dimensions qui relèvent de la vie privée des salariés. Dans un contexte organisationnel, l’entreprise doit garantir la santé, la qualité de vie au travail (QVT) et le bien-être de tous ses salariés, et ainsi lutter contre toute forme de discrimination, de harcèlement ou de sexisme. Il s’agit d’un levier d’efficacité pour les organisations et d’un levier d’épanouisse-ment pour les salariés, qui permet de vivre et travailler mieux ensemble.

Si l’historique de l’émergence de la notion de diversité aux États-Unis et en France a fait l’objet de publications des deux côtés de l’Atlantique (Barth & Falcoz, 2007 ; Bender et al., 2010 ; Kelly & Dobbin, 1998 ; Klarsfeld, 2009 ; Thomas, 1990 ; Thomas & Ely, 1996), il nous apparaissait toutefois clairement qu’il manquait de travaux empiriques permettant de rendre compte de l’utilisation de la notion de diversité sur le terrain, en entreprise surtout, mais également dans l’enseignement supérieur (Naschberger & Guerfel-Henda, 2017). Le présent ouvrage vise à combler cette lacune au travers de travaux empiriques récents. Ces travaux ont tous été réalisés par des membres du Groupe de recherche thématique (GRT) Égalité, diversité et discrimination issu de l’Association francophone de gestion des res-sources humaines (AGRH), association sponsorisant cet ouvrage, et sans laquelle le groupe thématique n’existerait bien évidemment pas. Que l’AGRH en soit ici vivement remerciée. La section suivante est dédiée à une présentation succincte de l’ouvrage.

Présentation de l’ouvrageLe premier de nos souhaits, en tant que coordinateurs de cet ouvrage, était de proposer au lecteur francophone des recherches empiriques, trop rares encore, sur la mise en œuvre – et non les seules approches théoriques et/ou prescriptives – en matière de management de la diversité. Autant que faire se peut, les chapitres composant le présent ouvrage évoquent des enjeux, des processus de diffusion et des pratiques en matière de politiques de diversité, ainsi que certains résultats ou retours d’expérience. C’est particulièrement le cas dans la première partie de l’ouvrage, avec les chapitres de Marie José Scotto et Lidwine Maizeray, Florimond Labulle ou encore Pénélope Codello. Mesurer des résultats de politiques de ges-tion des ressources humaines est néanmoins, en matière de diversité comme pour d’autres sujets, une entreprise de recherche particulièrement ardue, et le recul manque encore, sauf

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pour certaines entreprises pionnières. Un des chapitres dédiés à ces « cas d’entreprises » est atypique en ce qu’il centre moins son propos sur les pratiques des entreprises que sur des analyses relatives au processus de déploiement de la politique diversité au sein d’une très grande entreprise, le groupe La Poste (Maria-Giuseppina Bruna).

Dans la seconde partie, dédiée aux recherches empiriques sur différentes dimensions de la diversité, les chapitres sont centrés davantage sur les personnes concernées par ces politiques, qu’elles soient des salariés ou des étudiants, que sur des pratiques d’entreprise (Galindo et Zannad ; Klarsfeld, Allan, Larquey), même si les répondants sont situés dans des organisations identifiables (respectivement deux grandes entreprises et une grande école de commerce). Deux chapitres sont consacrés à des institutions d’enseignement supérieur (Klarsfeld, Allan, Larquey ; Richard et Barth). Un chapitre vise des répondants ne se situant pas dans une organisation en particulier (Jacquinot et Pellissier-Tanon). Enfin, un dernier chapitre aborde les relations entre pratiques de GRH et management de la diversité (El Abboubi, Saint-Sauveur, Cornet).

Concernant les politiques diversité d’entreprise, qui sont au centre des préoccupations de la majorité des chapitres empiriques de cet ouvrage, on voit que les priorités diffèrent et que la diversité s’est construite différemment d’une entreprise à l’autre. L’accent peut avoir été mis en priorité sur le handicap (Maizeray) ou sur l’égalité femmes-hommes (Scotto ; Codello), qui sont des dimensions visées par des dispositifs légaux particuliers, mais jamais sur les autres aspects, qui ne sont abordés, s’ils le sont, que dans une étape ultérieure. Certaines dimensions apparaissent en effet comme des « parents pauvres » de la diversité, soit qu’elles ne soient pas traitées, soit que moins de moyens leur soient alloués quand elles font l’objet d’un traitement explicite. Une des dimensions les moins bien traitées dans les politiques de diversité est la dimension ethnoraciale (comme en témoignent les chapitres d’Alaktiff et Doytcheva, Labulle, Scotto). L’orientation sexuelle et l’identité de genre sont quant à elles quasi absentes des démarches étudiées et se trouvent être encore taboues, y compris dans les entreprises signataires de la charte LGBT (lesbiennes, gays, bisexuel·les et transgenres), pourtant pionnières dans sa prise en compte. Dans ces entreprises, elle suscite peu l’intérêt des partenaires sociaux (Naschberger et Baudel) quand ce n’est pas une franche indifférence ou hostilité.

Cette hiérarchisation des dimensions de la diversité, sous l’influence des dispositifs juri-diques, est reflétée également dans la place respective de ces dimensions dans les chapitres dédiés à telle ou telle « dimension de la diversité », que ce soit ou non dans le cadre d’une entreprise. Le genre et le handicap sont abordés dans deux chapitres, la diversité eth-noraciale et la dimension LGBT dans un seul. Aucun des chapitres du présent ouvrage n’aborde la question de la religion, ou encore de l’identité de genre, preuve des progrès restant à accomplir en matière de recherche.

Une observation transverse à plusieurs des recherches empiriques présentées dans cet ouvrage est l’inscription des démarches d’entreprises dans une logique RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises). Le plus souvent, ces démarches s’inscrivent également dans une logique de dialogue social (Bruna, Maizeray, Scotto). De ce point de vue, la dimension de l’orientation sexuelle (Naschberger et Baudel), où prédominent des démarches unilatérales de l’employeur suscitant peu d’intérêt de la part des partenaires sociaux, fait plutôt figure d’exception. Bien entendu, les constats transversaux évoqués ci-dessus demanderont à être étayés par d’autres recherches.

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Introduction générale

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Dans les deux sections qui suivent, nous présentons les chapitres dédiés aux cas d’entre-prises, puis les chapitres dédiés à des dimensions spécifiques de la diversité, qu’ils soient ou non centrés sur l’analyse d’une entreprise en particulier.

Présentation des chapitres : cas d’entreprisesDans le chapitre 1, Marie José Scotto présente l’évolution de la démarche diversité de la régie municipale Eau de Paris, depuis ses origines au début des années 2000 jusqu’en 2009/2010. L’entreprise avait engagé sa démarche depuis l’année 2001, ce qui a permis d’étudier le processus d’engagement dans une politique de diversité dans une perspective longitudinale et son appropriation par les salariées. Ce terrain a pu apporter de nombreuses informations sur les conditions de mise en œuvre d’une démarche d’égalité professionnelle ainsi que sur les résistances qu’elle a suscitées, au sein d’une entreprise à majorité mascu-line, appartenant à un secteur technique. La politique de diversité de l’entreprise est un axe fort de sa politique de responsabilité sociale et de développement durable. Elle s’appuie sur deux dimensions principales : le genre et l’âge. La démarche d’égalité professionnelle entre femmes et hommes a préparé les salariés à accepter l’ouverture de la politique diversité vers d’autres dimensions telles que la diversité ethnique, le handicap, l’emploi des seniors et la lutte contre l’homophobie. Pour la diversité des origines, la question de la mesure reste toutefois en suspens. Dans sa conclusion, l’auteure suggère qu’à ce jour, l’entreprise était encore un modèle de réussite dans la mise en place de politique d’égalité professionnelle et de diversité.

Maria-Giuseppina Bruna retrace dans le chapitre 2 le déploiement de la politique du groupe La Poste à partir de 2006. C’est dans un contexte de macrochangement marqué par un repositionnement stratégique, une redéfinition de son statut et une évolution profonde de ses métiers et de son business model, que La Poste a embrassé une démarche diversité. On peut apercevoir, derrière le lancement de celle-ci, une tentative d’amortir des politiques de changement laissant craindre une réduction des acquis sociaux des salariés. Destinés à intensifier la compétitivité de La Poste, en lui inoculant une culture de la rentabilité, ces changements se sont vus contrebalancés (au moins partiellement) par une démarche de diversité. Sont distinguées une étape des pionniers, une étape de l’appropriation, une étape d’institutionnalisation et une étape de stimulation de la réflexivité. La politique diversité du groupe La Poste s’adosse à la politique RSE et prolonge, tout en la transformant, une « mystique de l’égalité » traditionnellement présente au groupe La Poste.

Le chapitre 3 de Lidwine Maizeray présente la genèse d’une politique diversité au sein d’un groupe bancaire au travers d’une observation participante. L’entreprise a commencé par développer, dès les années 1990, une politique handicap, signant plusieurs accords handicap d’affilée, et faisant de ce fait figure de pionnière. Pour cette entreprise, l’avène-ment de la notion de diversité après 2010 a consisté à introduire, à côté de la dimension handicap déjà présente, trois nouvelles thématiques : le genre, la « mixité sociale » à des-tination des « quartiers prioritaires » et la diversité des âges. En fin de compte, ces deux dernières thématiques ont été fusionnées en une seule. Dans cette politique diversité éten-due, le handicap continue de mobiliser l’essentiel des moyens humains et financiers dédiés par l’entreprise. Puis vient l’égalité femmes-hommes, seule parmi les autres thématiques à bénéficier d’une déclinaison sur l’ensemble du groupe. Les thématiques mixité sociale et âge apparaissent quant à elles comme les parents pauvres. L’ensemble de la politique diversité est par ailleurs partie intégrante de la politique RSE du groupe.

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Dans le chapitre 4, Florimond Labulle met en évidence les ambiguïtés conceptuelles et contextuelles des pratiques de GRH de diversité des entreprises implantées à proximité des territoires en difficultés d’Aulnay-sous-Bois. Son chapitre constitue une partie des résultats d’un travail doctoral soutenu en novembre 2013 et portant sur l’étude des pratiques de GRH spécifiques aux territoires en difficultés. Les discours des managers et des acteurs RH de trois entreprises implantées à proximité de ces territoires invitent à interroger les pratiques de management de la diversité au regard du modèle républicain de la France. Ils montrent en effet des divergences sensibles entre groupes d’acteurs à propos de la notion de diversité. Ils soulignent également les ambiguïtés relatives à la définition et à l’explicitation du terme diversité dans les entreprises étudiées, qui peuvent contribuer à rendre moins efficaces les pratiques de gestion à destination des populations des territoires en difficultés.

Le chapitre  5 de Pénélope Codello propose une analyse des types de changements induits par les politiques d’égalité professionnelle. À travers une approche multidiscipli-naire et une étude terrain auprès d’une collectivité territoriale, l’auteure montre qu’un changement de «  niveau  1  » n’implique en fait pas de modification profonde. À titre d’exemple de changement de niveau 1, les politiques de conciliation des temps destinées aux femmes les maintiennent, voire les enferment, dans un rôle stéréotypiquement fémi-nin de mère et de membre du couple en charge des tâches domestiques. Seul le change-ment de « niveau 2 » permet de modifier le système des rapports de genre lui-même. Les actions pour des changements au niveau 2 englobent un questionnement des idées reçues quant aux rôles des hommes et des femmes dans notre société et au travail, ainsi que sur notre capacité à reproduire les schémas traditionnels. Ces actions s’inscrivent dans un temps long et Pénélope Codello relève qu’il est difficile, plusieurs années après leur mise en œuvre, d’en évaluer les effets.

Dans le chapitre 6, Sabrina Semache présente des actions de management de la diversité à l’hôpital, un contexte peu étudié s’agissant de cette thématique. Son analyse est focalisée sur les discours des managers et la façon dont ils assurent le lien entre la diversité de leurs équipes et la performance desdites équipes, autrement dit la façon dont ils perçoivent la diversité et dont ils en tirent parti tout en évitant les écueils qu’elle pourrait générer. Sa recherche aborde un grand nombre de dimensions de la diversité, à l’image des managers, pour qui la notion de diversité s’applique à un nombre potentiellement infini des dimen-sions. Sont présentes dans son analyse les dimensions traditionnelles de la diversité telles que l’âge, le genre, le handicap, l’ethnie, mais aussi d’autres dimensions telles que le statut, la personnalité, les valeurs, les qualifications, la formation suivie, l’ancienneté dans l’équipe et dans l’institution. Sabrina Semache approfondit la façon dont les managers perçoivent l’apport de ces différentes formes de diversité à la performance collective. Il en ressort que les managers sont attentifs à la diversité présente dans leurs équipes et poursuivent des stratégies délibérées visant à tirer parti de ces différences et à atténuer les possibles tensions qu’elles peuvent faire apparaître. Confirmant des travaux antérieurs, le management appa-raît donc comme une variable essentielle pour rendre effectif le lien présumé acquis entre diversité et performance.

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Présentation des chapitres : études sur certaines dimensions de la diversité

Dimension ethnoracialeSur la base de 80 entretiens qualitatifs et d’une analyse documentaire, Jamila Alaktiff et Milena Doytcheva rendent compte dans le chapitre 7 de la genèse de la notion de diversité et de l’utilisation qui en est faite en France. La diversité est une notion apparue en France au milieu des années 2000, sous l’influence de plusieurs associations et lobbies patronaux. Créée au départ pour mieux prendre en compte les publics discriminés du fait de leur origine ethnique et mieux les intégrer à l’entreprise et à la société dans son ensemble, à l’usage, elle s’avère principalement mise en œuvre pour les dimensions couvertes par la loi française, telles que l’égalité femmes-hommes, le handicap, l’âge. Paradoxalement, elle n’est pas utilisée, ou très marginalement, pour la dimension ethnoraciale qui avait motivé, pour de nombreux acteurs, son introduction.

LGBTChristine Naschberger et Clara Baudel se sont intéressées dans le chapitre 8 aux orga-nisations pionnières de par leur signature de la charte d’engagement LGBT de l’Autre Cercle : pourquoi s’engagent-elles dans ces démarches ; quels sont les résultats obtenus ? L’approche empirique est basée sur des entretiens qualitatifs avec dix DRH, responsables diversité et RSE dans dix organisations différentes. Les résultats montrent que les enga-gements des grandes entreprises se basent d’une part sur une conviction de l’intérêt de la lutte contre les discriminations à l’égard des LGBT, d’autre part sur le prolongement d’un investissement antérieur autour de la notion de diversité autour de thématiques autres, telles l’égalité femmes-hommes ou le handicap. La mise en place de la charte LGBT est basée sur une politique de communication interne et parfois sur l’influence extérieure à l’entreprise au travers de réseaux. Malgré l’avancée évidente que représente un tel enga-gement, le dialogue social dans les entreprises est peu impacté par la mise en place d’une politique LGBT. Les syndicats semblent peu intéressés par cette dimension de la diversité. Les résultats montrent en fin de compte que la question de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre reste, malgré les engagements formels pris, un tabou, y compris dans les grandes entreprises qui font figure de pionnières en la matière.

GenreLes attentes des étudiants vis-à-vis de leur carrière sont très peu étudiées en France. À  travers une revue de la littérature, Alain Klarsfeld, Yvette Allan et Magali Larquey tentent dans le chapitre 9 de répondre à la question d’une convergence ou d’une divergence entre femmes et hommes concernant ces attentes. La littérature récente montre des différences entre les attentes masculines et féminines, mais laisse entendre que ces différences tendraient à s’amoindrir, voire à disparaître ou s’inverser chez les jeunes. Une étude qualitative auprès de 34 étudiants d’une école de commerce française a permis d’identifier certaines conver-gences déjà relevées par la littérature, ainsi que des divergences. Les répondants hommes et femmes expriment une même attente d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. En revanche, seules les femmes se projettent dans leur future vie de mère/parente, et elles

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ont pour moitié d’entre elles intériorisé la nécessité de faire des sacrifices de carrière ou de réaliser des arbitrages pour arriver à concilier vie professionnelle et vie privée. Chez les hommes interrogés, la notion de renoncement ou d’arbitrage est totalement absente, et ils semblent confiants dans le fait qu’ils arriveront à concilier leur travail et leur vie person-nelle. Des implications pour les entreprises et les établissements d’enseignement supérieur sont proposées.

Genre et diplômesDans le chapitre 10, Hédia Zannad et Géraldine Galindo partent du constat de plafon-nement de l’objectif de carrière des femmes et des diplômés « de rang 2 » ou inférieur en France, pour analyser la perception subjective de personnels appartenant à ces deux catégories discriminées. Les auteures tirent leur analyse d’une recherche conduite auprès de deux entreprises dans lesquelles prévaut un contrat psychologique de nature « relation-nelle » (c’est-à-dire mettant l’accent sur des carrières organisationnelles internes dans une perspective de long terme plutôt que sur des contrats précaires). Dans une de ces entre-prises (France Télévision), ce sont les discours des femmes (en tant que discriminées par rapport aux hommes) qui sont analysés. Dans l’autre, ce sont les discours des diplômés de rang 2, en tant que discriminés par rapport aux diplômés de rang 1. Au terme d’une analyse transverse, les auteures mettent en évidence trois types de salariés : ceux qui nient qu’il y a une discrimination (les dénégatifs) ; ceux qui en perçoivent une mais l’acceptent (les résignés), en trouvant d’autres sources de satisfaction que la promotion – notamment dans le domaine extraprofessionnel ou dans le contenu de leur travail ; enfin, ceux qui per-çoivent le plafonnement comme l’opportunité de relever un challenge et de prouver leur compétence (les proactifs). Ces derniers s’appuient sur trois stratégies possibles  : accep-ter ou rechercher la mobilité géographique, conduire des projets innovants ou risqués, et construire/mobiliser un important capital social (matérialisé par un réseau interne ou externe).

HandicapPhilippe Jacquinot et Arnaud Pellissier-Tanon proposent dans le chapitre 11 une compa-raison de la performance des travailleurs handicapés avec celle des personnes non handi-capées. La performance telle qu’entendue par les auteurs est mesurée par les variables de citoyenneté organisationnelle et de performance dans le rôle. Comme antécédents de la performance, les auteurs retiennent les concepts de justice organisationnelle, de qualité des conditions de travail, d’implication organisationnelle et de soutien social. À l’aide d’une étude quantitative exploratoire auprès de 420 personnes handicapées et 462 personnes non handicapées, les auteurs montrent une dynamique de performance distinctive chez les personnes handicapées. Dans leur fonction comme dans l’esprit d’équipe qu’elles mani-festent, la performance des personnes handicapées est significativement supérieure à celle des personnes non handicapées. Cela en dépit du fait que leur perception quant aux anté-cédents de la performance est égale ou inférieure à celle des personnes non handicapées. Les auteurs observent enfin que le genre modère l’écart de performance entre personnes handicapées et personnes non handicapées.

Dans le chapitre 12, Sarah Richard et Isabelle Barth proposent une meilleure compré-hension du rôle des « référents handicap » dans l’enseignement supérieur, afin d’optimiser l’accompagnement des étudiants en situation de handicap ainsi que la révélation de leur

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handicap, étape délicate dans sa reconnaissance et sa prise en charge. Issue d’un travail doc-toral, une étude qualitative auprès de 20 référents handicap a permis d’identifier les freins et leviers perçus dans ce processus d’accompagnement. L’organisation, la structure de la mis-sion handicap ainsi que la relation interpersonnelle avec le référent handicap ont un impact sur la capacité à révéler le handicap. Un des enjeux majeurs est de convaincre les étudiants handicapés de révéler leur handicap. Les auteurs conseillent l’adoption d’une posture infor-mative adaptée, afin de gagner la confiance des étudiants en situation de handicap.

GRH et diversitéLe chapitre 13 de Manal El Abboubi, Muriel de Saint Sauveur et Annie Cornet propose différentes pistes de réflexion en tentant de mettre à plat en quoi les politiques de mana-gement de la diversité peuvent être des zones de rupture et d’innovation pour la gestion des ressources humaines (GRH). Pour ce faire, les auteurs décryptent le thème du mana-gement de la diversité dans des manuels de GRH en anglais et en français. Ensuite, ils analysent les processus RH (recrutement, emploi et gestion des carrières, classification de fonctions, évaluation, formation, gestion du temps de travail, gestion de santé et sécurité au travail, négociation collective), et suite à ce diagnostic, certains problèmes, comme par exemple l’influence de stéréotypes, sont identifiés. Les auteurs démontrent comment une politique diversité peut changer le regard des praticiens RH et donnent des pistes d’action concrètes ciblant les 3 niveaux : les individus (représentations, stéréotypes, com-portements), les processus organisationnels (procédures, outils, règles) et la société (lois, règlements, éducation).

Enseignements des recherches quant aux enjeux et processus des politiques de diversité

Définitions et enjeuxLe management de la diversité est loin d’être un concept stabilisé, en particulier au plan international, comme le montre l’analyse de manuels faite par El Abboubi, de Saint Sauveur et Cornet au chapitre 13. Les auteurs de ces manuels mentionnent une très grande variété de « différences  » pouvant donner lieu à discrimination et être prises en compte dans la gestion des ressources humaines. L’argumentation de tirer profit de la diversité des profils est délibérément ancrée dans le business case de la diversité, c’est-à-dire son argument éco-nomique. Cet accent mis aux États-Unis sur la performance comme caractère distinctif du management de la diversité s’explique par l’institutionnalisation dans ce pays, depuis plus de 30 ans et bien avant l’arrivée du management de la diversité, de pratiques RH visant l’égalité dans l’emploi, comme précisé au début de cette introduction. Depuis les années 1990, les responsables diversité nord-américains interviennent en complément de ces préoccupations RH et juridiques antidiscriminatoires, sur des enjeux de promotion d’une culture inclusive et de rétention des talents (El Abboubi, de Saint-Sauveur et Cornet).

Nous l’avons dit, en France, et plus généralement en Europe, la situation est très diffé-rente. Diversité, égalité et lutte contre les discriminations sont des préoccupations beau-coup plus récentes dans les entreprises et sont devenues des enjeux de gestion de manière concomitante (Bender et al., 2010 ; Klarsfeld, 2009). Concepts et pratiques orientés « éga-lité  » ou « diversité  » se recoupent largement, ainsi que l’illustre le label Diversité, qui

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indique les processus RH à adopter pour assurer l’égalité de traitement et la prévention de toutes les discriminations (Alaktif et Doytcheva), ce qui est une obligation légale. Les res-ponsables diversité sont alors bien souvent logés au sein des DRH (Bereni & Prudhomme, 2017), afin de déployer ces politiques revêtant un caractère plus ou moins obligatoire.

Dans tous les pays, quoi qu’il en soit, en matière de management de la diversité, il n’y a pas de norme régissant les caractéristiques concernées (seul le genre, du fait des lois internationales, semble être présent dans tous les pays), car il s’agit d’un concept mana-gérial et non d’un concept juridique. Au-delà des nombreux motifs de discrimination au travail sanctionnés par la loi, propres à chaque pays (25 en France en février 2018), les organisations peuvent travailler à l’inclusion et à la non-discrimination de popula-tions diverses, selon des critères qui leur semblent importants au regard de la performance de leurs équipes et des caractéristiques de leurs salariés (chapitres de Maizeray, Scotto, Semache, Zannad et Galindo). Un paradoxe, garde-fou nécessaire au demeurant, réside dans le fait que les actions positives qui viseraient l’égalité concrète (en rattrapage d’une discrimination systémique passée) sont nécessairement encadrées par la loi et les accords collectifs, sous peine de donner lieu à une discrimination illégale.

En ce domaine, les directions des ressources humaines ont donc tout d’abord été préoc-cupées par des actions rendues obligatoires par la loi, à savoir l’intégration de travailleurs en situation de handicap, l’égalité femmes-hommes, voire la gestion des âges (Maizeray, Semache). Ces actions ont souvent été initiées de manière cloisonnée, par des services différents, sans être intégrées dans une politique globale de lutte contre les discriminations au niveau de l’entreprise (chapitre de Bruna et Maizeray). Hormis chez les pionnières (chapitre de Scotto), ce n’est que depuis quelques années que certaines grandes entreprises les ont regroupées sous les vocables d’une politique « diversité et inclusion », qui va au-delà des accords obligatoires, en ambitionnant de lutter contre les stéréotypes et en incluant des dimensions non spécifiquement visées par la loi.

Les recherches montrent qu’une telle politique globale est délicate à mettre en œuvre, du fait du caractère privé de certaines dimensions (orientation sexuelle, opinions, religion, mœurs, etc., voir Naschberger et Baudel), d’une moindre pression des parties prenantes (Labulle) ou de difficultés d’opérationnalisation (Alaktif et Doytcheva, Labulle), même si les entreprises commencent à s’engager sur ces sujets grâce à l’impulsion donnée par le label Diversité, qui les guide dans une telle démarche (Alaktif et Doytcheva, Naschberger et Baudel, Scotto). Le management de la diversité peut en effet apparaître comme un concept trop englobant, difficile à cerner et à opérationnaliser (Maizeray), contrairement aux actions d’égalité prévues par des accords collectifs (égalité femmes-hommes, handi-cap, âge/intergénérationnel). Au début de sa mise en œuvre, si elle est insuffisamment expliquée et concrétisée dans des actions rendues visibles, cette gestion risque de rencon-trer l’incompréhension des salariés (Bruna, Maizeray). Enfin, quand elle vise la meilleure inclusion des personnes d’origine immigrée, ce qui est une des raisons premières de son adoption en France (Alaktif et Doytcheva), cette notion peut se révéler peu opérationnelle (Labulle) et socialement peu acceptée (Alaktif et Doytcheva, Labulle).

Trop générale, et non déclinée en dispositifs de gestion, la diversité ne permettrait pas, à elle seule, de mieux gérer les « nouvelles » populations qui arrivent dans les entre-prises, telles que les jeunes dont les familles sont originaires d’Afrique subsaharienne et qui ont développé des codes culturels métissés propres au territoire où ils ont grandi, codes face auxquels les managers peuvent se sentir démunis. Bien que former et sensibiliser à

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la diversité permette de poser le sujet dans l’entreprise et de ne plus nier l’existence de discriminations, la bonne inclusion de différentes « minorités » dans l’entreprise ne peut être assurée par la seule promulgation d’une philosophie de la diversité qui n’aborde pas explicitement les enjeux et leviers de l’inclusion des personnes issues de l’immigration (Alaktif et Doytcheva).

Néanmoins, au-delà de ces quelques limites et difficultés de mise en œuvre, les recherches mettent en lumière plusieurs intérêts du concept pour les organisations. Le management de la diversité, de par son objectif ambitieux de changement culturel, invite à une remise en question des cadres cognitifs et normatifs (stéréotypes et préjugés) sous-jacents aux discriminations. Seule une telle remise en question permettra un véritable changement de type 2 (Codello), en matière par exemple de stéréotypes affectant les femmes et les hommes ou de normes de parentalité, encore très genrées (Codello), y compris au sein des jeunes générations s’apprêtant à entrer sur le marché du travail (Klarsfeld, Allan et Larquey).

Les entreprises jouent un rôle important dans ces évolutions des normes, commençant à favoriser la parentalité des hommes et accompagnant mieux les femmes vers les fonctions managériales et de pouvoir (Codello, Maizeray, Scotto). Elles peuvent aussi contribuer à modifier le regard porté sur les personnes LGBT (Naschberger et Baudel) ou sur les per-sonnes en situation de handicap, en leur permettant de mieux révéler leurs compétences et leur performance (Jacquinot et Pellissier-Tanon, Richard et Barth).

En tant qu’élément central d’une politique de Responsabilité Sociale des Entreprises, scrutée par les parties prenantes externes dont les investisseurs et les clients, la politique diversité présente le grand intérêt de souligner les enjeux stratégiques de la lutte contre les discriminations et de mieux légitimer en interne les politiques d’égalité qui incluent des actions positives (Bruna, Maizeray, Scotto) ainsi que les sujets qui peuvent être jugés comme relevant du domaine privé, tels que l’orientation sexuelle ou l’identité de genre (Naschberger et Baudel). En outre, le fait qu’elle traite de plusieurs discriminations et que divers groupes de salariés se sentent concernés par les actions qu’elle impulse est un gage de meilleure acceptation en interne (Bruna, Scotto, Zannad et Galindo). Raisonner sur toutes les discriminations permet de promouvoir un discours inclusif, qui ne privilégie pas une ou deux catégories de salariés, contrairement aux accords collectifs spécifiques portant notamment sur le handicap et le genre (Maizeray).

Même si Alaktif et Doytcheva soulignent, à juste titre, qu’il existe, avec la notion de diversité, un risque de managérialisation du droit, dans un objectif d’atténuation des contraintes juridiques (comme en particulier aux États-Unis), en France, contrairement à ce dernier pays, le label Diversité est promu par l’État et fait constamment référence au droit dont il fournit une sorte de guide d’application. Il favorise une mobilisation des acteurs en interne autour de la lutte contre les discriminations et de l’égalité (Bruna). Rappelons enfin que c’est le concept de diversité qui a permis, avec la Charte de la diversité (Labulle) d’aborder pour la première fois dans les organisations, quand bien même avec réticence, l’enjeu des discriminations liées aux origines ou ethnoraciales, sujet longtemps tabou dans notre pays. Et ce même si, du fait du caractère sensible du recueil de données, c’est sur cette dimension que les entreprises sont, encore aujourd’hui, les moins engagées (Alaktif et Doytcheva).

Certes, concevoir et animer une politique diversité est un processus long et complexe, qui doit mobiliser toute une chaîne d’acteurs sur une longue durée avant de pouvoir

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s’institutionnaliser (Bruna). Du fait de moyens dédiés souvent insuffisants, les entreprises peuvent difficilement conduire de front plusieurs politiques d’égalité, sur des publics dif-férents et dans des temps courts, avec une même efficacité (Maizeray).

Les recherches réunies dans ce livre ne montrent néanmoins pas d’opposition ni de contradiction forte, en France, entre une philosophie « diversité » et des pratiques visant l’égalité, encadrées par la loi. Bender et Pigeyre (2010) ont avancé l’idée qu’égalité et diversité sont complémentaires et constituent, idéalement et pour autant que les politiques d’égalité soient activement poursuivies, deux faces d’une même pièce : − les organisations doivent décliner des politiques ciblées pour prévenir les discrimina-

tions et favoriser l’ égalité pour différentes populations, dont l’ inclusion des travailleurs handicapés, sans stigmatisation (Jacquinot et Pellissier-Tanon, Richard et Barth), ainsi que la mixité dans l’encadrement et les métiers (Codello, Zannad et Galindo), avec au besoin des actions positives encadrées par la loi ;

− une vision englobante et inclusive de type « diversité/RSE » permet une légitimation stratégique de ces actions et conduit à traiter d’autres dimensions moins mises en avant par la loi ou moins aisées à aborder (Bruna, Maizeray, Naschberger et Baudel, Scotto).

Quant aux enjeux de telles politiques pour les organisations, les recherches présentées dans cet ouvrage révèlent leur caractère double.

L’enjeu sociétal est le premier énoncé par les directions : il est évidemment très présent dans les collectivités territoriales (Codello), chez leurs prestataires (Scotto) et dans la fonc-tion publique hospitalière (Semache), ou encore dans l’enseignement supérieur (Klarsfeld, Allan et Larquey, Richard et Barth). Il est également à l’origine de démarches adoptées par de grandes entreprises du secteur mutualiste ou à capitaux publics (Bruna, Maizeray), car il entre en résonance avec les valeurs partagées dans ces structures (Bruna). Mais les entre-prises privées étudiées invoquent, elles aussi, les enjeux sociétaux, en particulier dans leurs relations avec les territoires (Labulle). Ainsi, les démarches diversité sont de plus en plus intégrées dans des politiques RSE globales : il s’agit de répondre aux attentes des diverses parties prenantes (État, clients, salariés, investisseurs) et d’institutionnaliser la politique de diversité dans les pratiques stratégiques de l’entreprise (Bruna, Scotto). On assiste sous son ombrelle à une intégration de diverses politiques ressources humaines orientées vers l’égalité professionnelle et la lutte contre les discriminations (Maizeray, Bruna), même si le choix de certaines actions et parties prenantes concernées demeure à la discrétion de la direction (Galindo et Zannad, Labulle, Naschberger et Baudel).

L’enjeu de performance organisationnelle, d’apparition plus récente dans les communi-cations institutionnelles, n’est naturellement pas absent des préoccupations des entreprises. Il participe d’une légitimation du changement promulgué, essentielle pour mobiliser la ligne managériale dans ce type d’actions (Bruna). L’encadrement est conscient des apports de profils divers et de compétences variées (Semache), mais il se trouve souvent démuni face à l’intégration dans les équipes de publics nouveaux, peu habitués aux codes des entreprises (Labulle). Dans des contextes qui deviennent pénuriques, les préoccupations liées au recrutement et à la marque-employeur sont réelles (Klarsfeld, Allan et Larquey, Naschberger et Baudel), de même que celles liées à l’optimisation des potentiels et à la rétention des talents. La recherche de Jacquinot et Pellissier-Tanon est intéressante à cet égard, car elle montre la forte implication des travailleurs en situation de handicap et leur sentiment d’être performants, plus élevé que ceux des travailleurs non handicapés.

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L’enjeu est également d’éviter les comportements de retrait de salariés qui s’estimeraient discriminés au regard de la carrière (Zannad et Galindo) ou de leurs conditions de travail (Jacquinot et Pellissier-Tanon).

Processus de mise en place des politiques diversitéPlusieurs recherches réunies dans cet ouvrage montrent que les politiques diversité se constituent par étapes, dans des démarches progressives, qui peuvent générer des résis-tances, rencontrer nombre d’inerties organisationnelles (Bruna) et connaître des succès limités au regard des moyens développés (Maizeray). Le cas de la société Eau de Paris offre un exemple de démarche pilotée par la direction générale et la direction des ressources humaines, sur plusieurs années et dans le cadre d’une stratégie d’entreprise affirmée, en accord avec les partenaires sociaux (Scotto). Dans ces circonstances, l’entreprise a pu rapi-dement mettre en place un ensemble cohérent de processus managériaux pour améliorer l’égalité femmes-hommes, la mixité, puis la prévention des discriminations liées à l’âge et aux origines.

Nous l’avons vu, le point de départ des politiques diversité est bien souvent juridique. Les entreprises travaillent sur les critères encadrés par la loi et les accords, qui présentent l’avantage d’être des enjeux plus pressants et de donner lieu à des méthodologies connues et à des résultats mesurables (Maizeray, Scotto). Traversant différentes phases, une poli-tique diversité débute typiquement par des actions visant une ou quelques dimensions, puis est élargie à d’autres dimensions (Bruna, Maizeray, Scotto, Naschberger et Baudel). Soulignons ici l’intérêt de la démarche d’Eau de Paris, dont la première initiative, à savoir une commission éthique, s’adresse à tous les salariés dans une approche non segmentée, à laquelle sont associés les partenaires sociaux (Scotto). Le soutien de ces derniers est un élément accélérateur ou, s’il fait défaut (car l’argument de la diversité peut rencontrer des résistances syndicales), un frein pour ces démarches (Bruna).

Les recherches montrent néanmoins que ces résultats concrets ne sont obtenus, pour chaque groupe visé (handicap, égalité femmes-hommes), qu’en raison de l’adoption de dispositifs particuliers, dotés de moyens et pilotés de manière volontariste, afin de contrer les résistances et les inerties fortes en ces domaines (Maizeray, Naschberger et Baudel, Scotto). Le passage de ces actions dédiées à une politique diversité incluse dans la RSE permet l’intégration d’autres critères dans les politiques de l’entreprise, tels que la lutte contre les discriminations envers les personnes LGBT (Naschberger et Baudel), mais il ne doit pas se faire au détriment des programmes spécifiques, toujours fragiles (Maizeray, Zannad et Galindo). Seul un accompagnement dédié des managers et des salariés sur la question des discriminations raciales et de l’intégration de certaines populations d’origine immigrée pourrait remédier à la quasi-absence de progrès en ce domaine dans les organi-sations (Alaktif et Doytcheva, Labulle).

Les recherches confirment que les démarches diversité doivent être pilotées au sommet des organisations, avec une forte impulsion donnée par la direction générale (Naschberger et Baudel, Scotto) et des objectifs de résultats fixés aux directions centrales (Bruna, Scotto). Elles nécessitent de mobiliser un nombre important d’acteurs et de moyens (Bruna), car elles impactent tous les processus ressources humaines tels que recrutement, formation, gestion de carrière (Maizeray, Scotto), mais aussi l’organisation du travail (Codello). L’adhésion des partenaires sociaux est un levier important (Scotto). Elle est certes contin-gente à l’état du dialogue social dans l’organisation, et semble plus aisée à obtenir sur les

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sujets encadrés par la loi (Bruna) que sur des sujets relevant de la diversité au sens plus large, intégrant l’orientation sexuelle ou l’ethnicité (Alaktif et Doytcheva, Naschberger et Baudel).

La mobilisation de la ligne managériale est l’enjeu ultime (Alaktif et Doytcheva , Bruna, Labulle). Elle nécessite que les actions soient portées par des sponsors internes influents (Bruna) et diffusées dans des programmes de formation conséquents et institutionnalisés (Scotto). À cet égard, le processus de labellisation permet de mettre en mouvement l’entre-prise autour d’un objectif collectif. Il rend le sujet impératif, tout en étant plus aisé dans les entreprises déjà habituées aux normalisations (Naschberger et Baudel, Scotto). Enfin, la labellisation facilite la mobilisation de l’encadrement (Scotto) et la mise en place d’outils très utiles tels que les cellules d’écoute (Naschberger et Baudel).

Les recherches soulignent enfin l’impact de la compétence des personnes en charge de ces sujets (Richard et Barth, Bruna) et la nécessité qu’elles interagissent davantage avec les managers (Labulle). La communication doit être multicanal (Bruna), pour expliciter et réexpliciter les enjeux et favoriser des processus d’apprentissage. Il est impératif de rendre visibles des actions souvent éparpillées dans divers processus ressources humaines (recrute-ment par simulation, quartiers, seniors, aidants), qui sont moins visibles qu’une politique handicap ou d’égalité professionnelle (Maizeray).

Les politiques de diversité dans les RH s’inscrivent dans le temps long du change-ment des représentations (Codello) et des statuts relatifs des groupes concernés (Zannad et Galindo). Quelques années sont nécessaires pour que s’opèrent des phénomènes d’ap-prentissage et d’adhésion dans les organisations étudiées (Bruna, Maizeray, Scotto). Un enjeu important des politiques diversité, qui s’inscrit dans le long terme, est de mieux accompagner les carrières (Klarsfeld, Allan et Larquey) et d’augmenter le capital social des personnes qui en sont le plus démunies (Zannad et Galindo).

Conclusion : défis et opportunités pour la fonction ressources humainesAu travers des cas d’entreprises étudiés, la fonction ressources humaines est au cœur de la démarche de management de la diversité,  sous peine que celle-ci ne soit qu’une coquille vide. La politique de diversité est le plus souvent structurée par une politique d’égalité des chances et de lutte contre les discriminations, portée par toutes les activités de la  fonction ressources humaines : recrutement et intégration, rémunération, sensibilisa-tion, formation, gestion de carrières et des compétences, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, communication interne, conditions de travail. Il s’agit d’adopter une approche transversale à tous les processus RH. Pour réussir, cette démarche ne peut faire l’économie d’une collaboration étroite avec la direction générale, la ligne managériale, les partenaires sociaux, et les réseaux internes et externes. La mise en place de cette politique diversité et égalité est une opportunité pour la fonction ressources humaines d’enrichir ses relations avec ces acteurs et d’être ainsi davantage centrale dans l’entreprise.

Les cas d’entreprises nous montrent l’importance de l’engagement des directions sur la question. Il s’agit souvent de sujets sensibles qui nécessitent un comportement exemplaire de la part des directions et des managers. À travers les expériences d’entreprises, on peut constater que dans certains cas, il y a des formes de résistance contre une impulsion de la diversité et de l’égalité. Certaines problématiques sont ainsi considérées comme des

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Introduction générale

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non-sujets, or la fonction RH est amenée à aborder ces thèmes sans tabou. Il s’agit de démystifier pour mieux gérer le changement dans les organisations. Par ailleurs, certaines politiques d’égalité et de diversité peuvent avoir pour conséquence le renforcement de sté-réotypes et la perpétuation des inégalités qui en découlent. En reconnaissant les fractures existant au sein du corps social, que la fonction ressources humaines a pour mission de gérer, ces pratiques ne doivent toutefois pas contribuer à renforcer des résistances, d’où l’enjeu d’une démarche globale, qui vise à faire évoluer les mentalités des individus et les cultures organisationnelles dans une perspective plus inclusive.

Après les premières actions, un défi à relever est de continuer à faire vivre ces politiques et de convaincre les décideurs en interne de leurs bénéfices. Pour ce faire, il faudra mettre en place des plans d’action avec des indicateurs pertinents et mesurables et des critères tan-gibles. Même quand les indicateurs sont bons, il faudra toujours être vigilant. S’il est dif-ficile d’évaluer les effets directs des politiques diversité à la lecture des chapitres du présent ouvrage, le chapitre de Sabrina Semache sur la perception par les managers des effets de la diversité au sein de leurs équipes met en avant une somme d’effets positifs, mais aussi des risques de tensions demandant à être gérés par l’encadrement intermédiaire. La fonction ressources humaines a un rôle essentiel à jouer : celui de soutien et d’accompagnement, tant des managers que de leurs équipes. Elle doit veiller à maintenir des actions de sen-sibilisation et d’éducation contre les stéréotypes, car les chiffres montrent que les évolu-tions sont lentes et que les progrès ne sont jamais acquis (Alaktif et Doytcheva, Codello, Maizeray).

Pour conclure, une forte implication des directions des ressources humaines dans les politiques de diversité est une opportunité, pour la fonction, de se repositionner sur des sujets de son « cœur de métier », qui sont certes mis en avant mais souvent peu déve-loppés dans les entreprises, tels que l’engagement des collaborateurs, le développement des compétences et la gestion des carrières, la reconnaissance, la santé et le bien-être au travail, le sens du travail et l’épanouissement, etc. Dobbin (2009) montre bien en quoi les fonctions ressources humaines ont pris de l’importance aux États-Unis, notamment dans les domaines de l’évaluation des compétences et de la performance, dans un contexte de montée en puissance des législations anti-discriminations. Enfin, la notion englobante de « qualité de vie au travail », qui prend de l’importance compte tenu des lois récentes en matière de négociation sociale, représente une opportunité d’articulation de sujets abordés jusque-là de façon séparée ou « saucissonnée » (parentalité, équilibre vie professionnelle vie privée, prévention des risques psychosociaux, organisation du travail et télétravail, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, gestion des âges, égalité professionnelle femmes-hommes, insertion des jeunes, etc.), pour autant qu’ils soient intégrés dans une politique globale d’inclusion de toutes et tous dans l’organisation.

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Chapitre 1

La diversité en action : Eau de Paris (EDP), entreprise pionnière

de l’égalité femmes-hommes

Marie José Scotto

RésuméDans ce chapitre, nous présentons le cas de l’entreprise Eau de Paris (EDP), producteur et fournisseur de l’eau dans la ville de Paris. Cette entreprise est considérée comme pionnière en France pour le développement de l’égalité professionnelle femmes-hommes, dans un secteur considéré comme masculin et technique. L’entreprise a engagé une réflexion et des actions structurées, pérennes et labellisées permettant la féminisation de ses effectifs à tous les niveaux de la hiérarchie et dans les différents postes de travail, rompant avec les sté-réotypes de la ségrégation verticale et horizontale des métiers. Malgré les résistances inhé-rentes à tout changement organisationnel, l’expérience EDP témoigne de l’importance du soutien des salariés envers la démarche et de la confiance réciproque entre ces derniers, le management et les partenaires sociaux. Il s’agit d’un modèle exemplaire d’entreprise inclusive, montrant que les démarches d’égalité professionnelle et plus largement de diver-sité (car l’entreprise a développé sa démarche vers différentes dimensions de la diversité) contribuent à la performance de l’entreprise. Comme tout modèle, EDP peut fournir des clés de réflexion pour convaincre d’autres entreprises de l’efficacité du business case de la diversité.

Mots clés : égalité femmes-hommes, changement organisationnel, diversité, business case

IntroductionCe chapitre présente le cas de l’entreprise Eau de Paris (EDP) et décrit la démarche pion-nière en France de cette organisation en matière d’égalité professionnelle et de féminisa-tion des effectifs. Il présente également les outils d’évaluation et de pilotage de ce processus entamé à partir de l’année  2001. Le cas EDP illustre les effets de la féminisation des effectifs en ce qui concerne les modes d’organisation de l’entreprise. Dans cette entre-prise technicienne à prédominance masculine, la démographie de la force de travail a été modifiée avec l’intégration des femmes dans différents postes de travail où elles n’étaient pas attendues. Cette modification n’a pas été sans générer des phénomènes de résistance

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et de doutes ; cependant, cette démarche a été perçue de manière positive par les collabo-rateurs, ce qui a contribué à sa réussite. À partir des années 2006, la démarche d’égalité professionnelle et de féminisation des métiers d’EDP a commencé à être particulièrement médiatisée et citée en exemple dans de nombreux articles de publications professionnelles. Cette entreprise a été considérée comme « pionnière » en obtenant parmi les toutes pre-mières le label Égalité. Elle a facilité les travaux de recherche de plusieurs universitaires et invité plusieurs chercheurs au cours de l’année 2007 dans le cadre de la formation et de la sensibilisation des salarié∙e∙s aux processus d’égalité professionnelle et de diversité. Son directeur des ressources humaines, membre de l’ANDRH (Association des directeurs en ressources humaines) a fait partie du groupe d’experts chargés de la réflexion sur le label Égalité mais également promouvant le label Diversité.

L’entreprise a engagé sa démarche depuis l’année 2001, ce qui a permis d’étudier le processus dans une perspective longitudinale et d’observer son appropriation par les sala-riées dans la cadre d’une thèse de doctorat (Scotto, 2008). Cette démarche de recherche a recueilli un écho particulièrement favorable auprès de la direction de l’entreprise en 2006, et un accord a été obtenu d’emblée. Des contacts ont été pris avec le directeur des ressources humaines et la chargée des relations sociales et du droit du travail. Le projet a pu se concrétiser à partir de février 2007, pour les premiers entretiens, avec le soutien entier des services de gestion de ressources humaines de l’entreprise. Ce terrain a pu apporter de nombreuses informations sur les conditions de mise en œuvre d’une démarche d’égalité professionnelle au sein d’une entreprise appartenant à un secteur technique et se trouvant dans un contexte de changement organisationnel avec des enjeux forts. Ce cas a égale-ment permis de mettre en lumière des logiques importantes d’apprentissage et de transfert d’expérience à l’œuvre dans les processus d’égalité professionnelle et de féminisation. Cette recherche ne peut pas être qualifiée d’« observation participante ». Elle s’inscrit plutôt dans la lignée de la recherche-action, car l’entreprise a été particulièrement attentive au travail de recherche qui lui a été transmis. EDP représente également un cas emblématique de par la volonté et la ténacité avec laquelle la démarche d’égalité professionnelle a été déci-dée et mise en œuvre, dans un secteur technique où les femmes sont peu représentées, mais où des logiques de féminisation sont en cours. Notre chapitre présente l’évolution de la démarche d’EDP, jusqu’en 2009/2010. La conclusion montrera que l’entreprise a su garder sa démarche pionnière et reste un modèle dans la mise en place d’une politique d’égalité professionnelle et de diversité.

1. Quelques éléments contextuels : où en est l’égalité professionnelle femmes-hommes en France ?

1.1. Une législation toujours renforcéeLa législation française au sujet de l’égalité professionnelle femmes-hommes est abon-dante. Depuis 1972, la loi a rappelé le principe de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. La loi Roudy de 1983 s’était attachée à renforcer l’égalité femmes-hommes dans l’entreprise en matière de formation, d’embauche, et de promotion. Ce socle a été renforcé par les textes de la loi Génisson de 2001, imposant une négociation tous les trois ans aux partenaires sociaux sur le thème de l’égalité professionnelle femmes-hommes, et forçant ainsi les syndicats employés et employeurs à débattre a minima, ce

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qui a abouti à l’accord national interprofessionnel de 2004 sur l’égalité professionnelle. Cependant, malgré le renforcement en 2006 de la loi sur l’égalité salariale, selon les don-nées de l’étude APEC (2015), l’écart de salaire en 2015 était toujours estimé à 8,5 % en défaveur des femmes à caractéristiques communes, c’est-à-dire à niveau et compétences égales. La différence est encore plus notable au niveau des cadres. L’analyse des salaires bruts des cadres montre un écart moyen de 18,6 % et un écart médian de 15,7 % (APEC, 2015). Ce n’est qu’en 2011 que la France, suivant la Norvège et quelques autres pays européens dont l’Espagne, instaure par la loi Copé-Zimmerman un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises cotées en 2017. Avec succès. En 2016, les administratrices représentent 34 % des membres des conseils d’administra-tion des entreprises du CAC 40. En 2006, selon les données de l’étude European PWN Monitor, elles n’étaient que 7,6 %. La loi de 2014 a renforcé les obligations de négocia-tions au sein des entreprises en introduisant la notion d’objectifs d’égalité professionnelle ainsi que des éléments relatifs aux congés parentaux et au développement de l’implication des pères. Plusieurs lois depuis 1992 ont renforcé l’arsenal législatif pour lutter contre le sexisme en entreprise (2015, 2016), obligeant les entreprises à intégrer l’interdiction des agissements sexistes dans leur règlement intérieur. Tous ces éléments ont abouti au premier Plan interministériel en faveur de l’égalité professionnelle femmes-hommes 2016-2020 (PIEP). Pour autant, cet arsenal législatif ne semble pas avoir répondu complètement aux espoirs des législateurs.

1.2. Quelques chiffres significatifs des avancées et des résistancesSelon le rapport 2017 du ministère des Familles, de l’Enfance, et des Droits des femmes1 « Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes », les femmes restent confrontées en France à de nombreux obstacles liés à une discrimination non ouvertement déclarée mais qui se vérifie dans les statistiques présentées par ce rapport. Le document parle d’un « sexisme omniprésent dans la sphère professionnelle comme dans la sphère privée ». Le terme sexisme renvoie, selon la définition du Larousse 2017, à une attitude discrimina-toire fondée sur le sexe. Selon l’étude CSA « Perceptions de l’égalité entre les femmes et les hommes en France : regards croisés » de septembre 2016, citée dans le rapport Égalité réelle (2017), en France, 40 % des femmes ont considéré avoir été confrontées à des atti-tudes sexistes. Dans la sphère professionnelle, cette perception se renforce. L’étude CSEP2 de 2013 « Relations de travail entre les femmes et les hommes » annonce que 80 % des femmes considèrent avoir été régulièrement confrontées sur leurs lieux de travail à des atti-tudes ou des décisions sexistes. Un chiffre particulièrement élevé et étonnant compte tenu de l’importance de la main-d’œuvre féminine dans l’économie française.

1.2.1. Une forte intégration économique de la main-d’œuvre féminineLes chiffres de l’INSEE (2016) montrent qu’en 2015, les femmes représentaient 48 % de la population active (taux assez stable, car le chiffre de l’INSEE en 2007 était de 47 %), avec un taux d’activité moyen de 67,6 %, taux qui grimpe à 88,2 % pour la tranche d’âge

1. En soi, le titre de ce ministère montre tout le poids des représentations et des multiples injonctions pesant sur les femmes en termes de famille, d’enfants et de force de travail.2. Conseil supérieur de l’ égalité professionnelle, créé en 1983 par la loi Roudy. Il représente une instance consul-tative qui participe à la définition, à la mise en œuvre et au suivi de la politique menée en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

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25-49 ans. Selon ces statistiques, la France est actuellement le pays de la zone euro où les femmes sont le plus actives (67,6 % contre 66,9 %), le plus en emploi (61,1 % contre 59,5 %) et le moins au chômage, avec un taux de 9,9 %, alors que le chômage des femmes en Europe monte à 11 % (DGSE : rapport Égalité réelle, 2017, reprenant les statistiques Eurostat 2015). Cependant, les femmes représentent plus d’un tiers (30,4 %) des emplois à temps partiel et 9,1 % des femmes sont en temps partiel « subi »3 ou en sous-emploi.

1.2.2. Des phénomènes récurrents de ségrégations verticales et horizontalesL’analyse structurelle du travail des femmes montre la permanence des phénomènes de ségrégations verticales et horizontales. Les femmes restent concentrées dans la caté-gorie « employées »4 et ne représentent que 14,5 % des cadres et des professions intel-lectuelles supérieures (DGSE, 2017). Elles ne sont également que 3,7 % des artisan∙e∙s, commerçant∙e∙s et chef∙fe∙s d’entreprises, contre 8,8 % pour les hommes. Le « plafond de verre » bien connu, qui se définit comme l’ensemble des obstacles qui freinent le parcours des femmes dans les entreprises, reste encore bien solide. En effet, toujours selon le rapport Égalité réelle de la DGSE (2017), s’appuyant sur les résultats de l’enquête INSEE Emploi 2016, les femmes ne sont que 3 % des PDG, 15 % des membres exécutifs des entreprises « listées publiquement » et 44 % des membres non exécutifs. La sous-représentation des femmes s’amplifie donc avec le niveau hiérarchique. Cependant, la politique de quotas instaurée par la loi Copé-Zimmerman a eu un réel impact, comme nous l’avons montré antérieurement, et pose avec une nouvelle acuité la question des quotas. La philosophe Geneviève Fraisse déclarait « des siècles d’histoire l’ont prouvé : l’égalité [entre les femmes et les hommes] n’est pas un phénomène naturel. Seule la loi, la contrainte, permet de l’instaurer » (2003, p. 21).

Il est intéressant de rappeler qu’en janvier 2006, une loi proposait déjà d’ouvrir les ins-tances de gouvernance des entreprises plus largement aux femmes en imposant un quota de 20 % de femmes. Cette loi, tentative volontariste et novatrice inspirée de l’exemple nor-végien, avait été annulée dans une indifférence générale à l’époque par le Conseil consti-tutionnel au nom du principe d’égalité (égalité formelle sans aucun doute) inscrit dans la constitution française (Scotto & Boyer, 2006). En 2011, les mentalités avaient évolué, et la loi Copé-Zimmerman a pu être adoptée avec des résultats encourageants (Dang, Bender & Scotto, 2014, 2016).

Mais la ségrégation horizontale de l’emploi des femmes reste forte. On retrouve cette concentration des métiers et des fonctions liés aux secteurs traditionnels de l’activité fémi-nine démontrée par Fortino (2002). Ainsi que l’indiquait Daune-Richard (1998, p. 51), « ce ne sont pas seulement les métiers qui ont un sexe. Le sexe de celui qui occupe tel ou tel type de poste représente un marqueur durable de la représentation de l’emploi ». La féminisation de l’emploi représente certes une tendance lourde de l’évolution des métiers en France sur les 30 dernières années, avec plus de 3,2 millions d’emplois supplémentaires depuis 1980, pour atteindre le niveau de 48 % des emplois totaux (Ministère du Travail, 2017). Cette croissance de la part des femmes dans les métiers provient surtout du développe-ment de leur représentation dans les métiers du tertiaire, des cadres et des professions

3. Le sous-emploi comprend les personnes actives travaillant à temps partiel et souhaitant travailler davantage, ou travaillant à temps partiel ou complet, mais qui ont travaillé moins que d’habitude pendant une semaine de référence, en raison de chômage partiel.4. 44,4 % sont des employées et 8,3 % des ouvrières. La proportion s’ inverse chez les hommes : 13 % sont des employés et 31,7 % des ouvriers.

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intermédiaires. Cela montre un double mouvement : non seulement un développement plus rapide des métiers les plus féminisés, mais aussi une présence plus grande des femmes dans tous les métiers. Cependant, même si les métiers mixtes (un métier est considéré comme mixte si 40 à 60 % de femmes l’exercent) ont progressé depuis 30 ans, passant de 11 à 18 sur les 86 familles de métiers répertoriés, cela ne représente que 17 % des métiers (Ministère du Travail, 2017). Certains métiers « masculins »5 se sont féminisés dans les 30 dernières années. C’est le cas des ingénieurs et cadres de l’industrie (25 %), du bâti-ment et des travaux publics (19 %) ainsi que des métiers de l’armée, de la police et des pompiers (14 %). Les deux tiers de l’emploi féminin se concentrent toujours sur quelques secteurs d’activité, et la part des femmes atteint 95 % dans huit métiers qui restent quasi-ment féminins. Il s’agit principalement des métiers de service aux particuliers : assistantes maternelles, employé∙e∙s de maison, aides à domicile et aides ménagères, et les métiers de secrétaires, secrétaires de direction, esthéticiennes, infirmières. Les constatations de Meda et Perivier (2007, p. 15) restent toujours valables : « La surexposition au risque d’occuper un emploi non qualifié pour les femmes se double donc de la surexposition au risque d’y rester. » Il apparaît que la sphère marchande reproduit le schéma de partage que l’on trouve dans la sphère privée. Au final, le rapprochement des taux d’activités masculins et féminins n’entraîne pas une réelle modification dans la répartition des emplois, notamment pour les femmes les moins instruites, qui subissent majoritairement les contraintes d’un temps partiel, imposé et fragmenté.

1.2.3. Des choix de formation sexués : les effets du genre dans les parcours de l’enseignement supérieur

Si les filles représentent 53,5 % des étudiant∙e∙s de l’enseignement supérieur en France (OVE, 2016), les chiffres montrent que les choix des filières et des formations opérés par les filles et les garçons dans l’enseignement supérieur construisent en amont les ségréga-tions qui se retrouveront sur le marché du travail. Les résultats scolaires des filles s’avèrent meilleurs que ceux des garçons en français et en sciences (DGSE, 2017). Cependant les parcours des filles et des garçons dans les différentes filières de l’enseignement supé-rieur restent très différenciés. Les filles se concentrent dans les filières lettres et sciences humaines (70 %) et dans les formations paramédicales et sociales (84 %), et ne sont que 37,5 % dans les formations scientifiques. Seules les écoles de commerce et les formations en gestion et comptabilité atteignent la parité filles/garçons. Les filières scientifiques ainsi que les formations de l’enseignement technologique et professionnel demeurent forte-ment masculines et ne peuvent ainsi alimenter un accroissement important des viviers de recrutement. Les filles ne choisissent pas le « meilleur ticket d’entrée » dans l’enseigne-ment supérieur  ; elles choisissent des types d’études moins prestigieux et restent encore minoritaires (45 %) en 3e cycle (Belghiti et al., 2017). Mais comme le soulignent Couppié et Epiphane (2006), l’inégale répartition des femmes et des hommes dans les métiers ne peut se résoudre uniquement par la diversification de l’orientation scolaire des filles. Il est nécessaire de questionner également les mécanismes du marché du travail au travers des politiques de recrutement des entreprises et des choix de répartition des individus au sein des différents métiers.

5. Nous parlons de métiers « masculins » pour caractériser les métiers exercés de manière prédominante par les hommes. De même, nous qualifions de métiers « féminins », des métiers majoritairement exercés par des femmes.

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Il est donc particulièrement intéressant d’analyser la démarche d’une entreprise telle qu’EDP, appartenant au secteur industriel, opérant dans un secteur perçu globalement comme masculin mais également engagé depuis plusieurs années dans une démarche de féminisation des effectifs et d’égalité professionnelle.

2. L’expérience EDP : une démarche militanteÀ l’époque de l’étude, le marché de l’eau en France se présentait comme un secteur par-ticulièrement concentré, dominé par trois groupes importants : Véolia Eau6, Lyonnaise des eaux7 et Saur8. Ces trois acteurs se partageaient l’essentiel du marché de la « gestion déléguée » de l’eau en France9, représentant 55 % des communes et 75 % de la popu-lation française. EDP faisait partie à l’époque des rares opérateurs publics. Les prix de l’eau en France restent de la compétence des communes et sont fixés par délibération du Conseil municipal. Dans un contexte oligopolistique, un mouvement de retour vers le système des régies publiques s’est développé, dans une logique de « remunicipalisation » de la gestion de l’eau en France. La Ville de Paris a été l’une des premières en France à initier ce mouvement, et EDP est devenue depuis 2009 une régie autonome dont la finalité est de produire et transporter l’eau potable pour Paris10. Cette extension de compétences s’est faite dans le cadre d’un appel d’offres public où EDP s’est trouvée en concurrence avec des entreprises privées, filiales des groupes Véolia et Suez, appel d’offres qu’elle a remporté en 2009. Depuis 2010, cette régie directe englobe dans ses activités la distribution. Elle devient à ce moment l’unique opérateur de production et de distribution d’eau à Paris, ayant remporté l’appel d’offres de la Ville de Paris. Son statut évolue. Elle devient une régie autonome, constituant un EPIC (établissement public industriel et commercial). Une nouvelle étape du développement de l’entreprise se prépare. EDP appartient à un secteur industriel dit « masculin », compte tenu du moindre pourcentage de femmes dans les effectifs, soit 30,8 % en 2009, sachant qu’en 2001, l’entreprise comptait 22 % de femmes.

Notre étude a permis de recueillir la parole et le ressenti des acteurs de cette démarche, car en France, EDP est une entreprise pionnière en matière de diversité. Outre les docu-ments légaux de l’entreprise (bilans dont bilans sociaux), ce sont des entretiens de type semi-directifs avec les dirigeants et des collaborateurs de l’entreprise qui ont permis de recueillir les données de notre étude. Nous avions identifié, dans le cadre de notre proto-cole de recherche, différentes catégories de personnes que nous souhaitions rencontrer et interviewer : des représentants de la direction des ressources humaines, la responsable du suivi de la mise en œuvre de la démarche, les dirigeants de l’entreprise, des représentants syndicaux et des collaborateurs de l’entreprise de tous niveaux (cadres, non cadres, admi-nistratifs, techniques) travaillant au siège ou sur des sites de production. Ces personnes ont pu être rencontrées, ce qui montre l’ouverture et l’intérêt des dirigeants et des salariés envers ce travail de recherche.

6. Véolia Eau (ex-Compagnie générale des eaux) est une filiale de Véolia Environnement. 7. La Lyonnaise des eaux était à l’ époque une filiale du groupe Suez. Elle est devenue Suez eau France SAS. 8. La Saur a fait partie du groupe Bouygues jusqu’en 2006. 9. La délégation permet que la gestion d’un service public soit confiée par une collectivité à une entreprise privée. 10. Jusqu’à 2009, l’entreprise était constituée en SEM (société d’économie mixte) et ne s’occupait que de la production de l’eau dans le cadre d’un contrat de délégation de service public.

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Au total, 30 entretiens ont été réalisés, 25 avec des collaborateurs et 5 avec des cadres dirigeants de l’entreprise dont la PDG de l’époque, Anne Le Strat. Ces entretiens ont été analysés en utilisant le logiciel Modalisa. Les entretiens avec les responsables de l’entreprise ont duré en moyenne 50 minutes, et ceux avec les collaborateurs 40 minutes. Parmi les collaborateurs, les femmes représentent 40 % des interviewés, en surreprésentation sur le taux de féminisation de l’époque (28 % en 2008). Un certain nombre de collaborateurs hommes pressentis ont refusé de s’exprimer lors de la recherche, surtout parmi les salariés les plus anciens et de statut public. Cette attitude sera à rapprocher des éléments que notre analyse a fait émerger sur les doutes et les résistances des salariés masculins, ainsi que les craintes, exprimées par ceux qui ont accepté de parler, concernant le risque de discrimination positive. Au contraire, les salariées femmes pressenties ont toutes accepté lors de la première demande. Les femmes de notre échantillon sont à 70 % des personnels techniques et à 30 % des personnels administratifs. Nous avions souhaité rencontrer des femmes dans les métiers techniques de l’entreprise, pour illustrer non seulement la fémini-sation des métiers, mais également la volonté d’EDP de favoriser la mobilité interne et la promotion des femmes. Il est important de noter que les représentants syndicaux, élus des quatre principaux syndicats de l’entreprise (trois hommes et une femme), se sont montrés particulièrement intéressés par la démarche de recherche et ont accepté de répondre aux questions sans réticence, ce qui n’a pas exclu des positions critiques. Les tableaux A1 et A2 en annexe en fin de chapitre présentent les deux échantillons de personnes ayant participé à cette étude.

Les premières actions de l’entreprise en matière de diversité remontent à 2001. L’entreprise respecte les engagements légaux et va même au-delà. La démarche d’EDP pré-sente un degré d’engagement exceptionnel dans l’égalité professionnelle et la diversité, qui ne reflète pas celui des autres grandes sociétés, arrivées plus tardivement à ces pratiques, mais qui est tout à fait cohérent avec l’approche militante de l’entreprise sur la question de l’égalité professionnelle. Ainsi que l’a exprimé la présidente à l’origine de la démarche, Anne Le Strat : « Pour moi, c’est une conviction forte qu’un progrès social […] doit s’accompa-gner d’une lutte contre toute forme de discrimination, la première étant celle du sexe. Ça, c’est une approche très personnelle […] oui, je dirais une conviction féministe et une conviction qu’il y va d’un intérêt général pour les femmes et pour les hommes. L’égalité envers les femmes, c’est, je le redis dans l’intérêt général. Je suis une politique, il y avait aussi la volonté, dans l’entreprise que je dirige, de concrétiser mes propres convictions. »

Pour EDP, les chiffres de féminisation des effectifs sont un témoignage de l’évolution de cette entreprise en matière de féminisation et d’égalité professionnelle. En 2009, l’entre-prise compte 609 salarié∙e∙s dont 188 femmes et 422 hommes. Le taux de féminisation est passé de 13,8 % en 1989 à 30,8 %, et le pourcentage de cadres féminins atteint 37,4 %. L’entreprise permet à 52 % de ses salarié∙e∙s de bénéficier d’actions de formation, et le rap-port de salaires entre les femmes et les hommes est de 83 % pour les cadres et de 90,3 % pour les non-cadres (EDP, 2009). Ces chiffres permettent de mesurer les premiers résultats de la démarche de féminisation des effectifs de l’entreprise, en les comparant aux données des années antérieures rassemblées dans le tableau ci-dessous. Le taux de féminisation des effectifs atteint 32 % en 2015. Le pourcentage de femmes cadres en 2015 est de 40,1 % (EDP, 2015, p. 23). L’effectif global de l’entreprise s’est maintenu entre 2009 et 2015. En 2015, EDP compte 626 salarié∙e∙s.

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L’entreprise a vu sa démarche validée par l’obtention des labels Diversité11 et Égalité. Sur la question de l’égalité femmes-hommes, l’entreprise fait partie des premières à avoir obtenu le label Égalité12. Ce label a été renouvelé en 2009, date à laquelle l’entreprise obtient également, parmi les premières en France, le label Diversité.

2.1. Le dispositif mis en place : étapes et mise en œuvre de la politique d’égalité hommes-femmesLa démarche diversité d’EDP s’est organisée en cinq phases, que nous présentons dans le tableau suivant. Nous en avons ajouté une sixième depuis 2008, que nous appelle-rons « globalisation », dans la mesure où cette démarche s’intègre dans le cadre de rela-tions sociales « très denses » avec les partenaires syndicaux13 (EDP, 2009). EDP, en tant qu’opérateur unique, doit intégrer des salariés de droit privé, alors que son modèle culturel s’appuie sur la culture du service public. En 2008, 68 % des salariés de l’entreprise rele-vaient du droit privé, contre 32 % de droit public, soit 171 salariés détachés des services municipaux de la Ville de Paris.

À l’origine : Une innovation sociale, avec la création de la Commission éthiqueEn 2001, cette démarche trouve son origine dans les convictions d’une présidence nou-velle qui rencontre la volonté des partenaires sociaux de lutter contre les discrimina-tions dans l’entreprise. La mise en place d’une Commission éthique peut être considérée comme l’élément fondateur de la prise de conscience et de la sensibilisation des salarié∙e∙s aux questions de discriminations : selon la chargée des relations sociales : « En 2001, cette commission a été créée et s’en est suivi une campagne de sensibilisation assez générale de tous les salariés, donc sensibilisation à la lutte à la fois contre le harcèlement moral et à la lutte contre toutes les formes de discrimination. Donc, on est vraiment partis par la problématique de la lutte contre les discriminations. Ensuite, on a développé ces sensibilisations pour faire une campagne de formation pour les managers, des formations à la lutte contre l’inégalité profes-sionnelle, à la lutte contre les discriminations et au management de la diversité. Il s’agissait de formations internes qui se passaient sous forme de cas pratiques où le manager était confronté à des questions discriminatoires, à des questions de harcèlement moral et de gestion de la diver-sité. Ensuite, on a un peu plus formalisé la démarche. Les sensibilisations et les formations diversité, nous les avons faites en interne avec la Commission éthique. »

Cette Commission éthique représente une véritable innovation sociale. Ainsi que l’in-dique un des salariés, chef de mission technique et syndicaliste, on peut considérer que « Cela a lancé tout le processus et là aussi, nous avons fait figure de précurseur en mettant en place cette instance, alors que la loi ne nous l’imposait pas. Nous avons toujours été au-delà des obligations légales. On a été cités plusieurs fois en exemple pour la Commission éthique. Il y a encore très peu d’entreprises qui ont cette instance. »

Cette commission est issue de la négociation annuelle obligatoire (NAO) en 2001. Elle se compose de 4 membres du comité d’entreprise, 3 membres de chaque organisation

11. EDP fait partie des 7 premières entreprises françaises à avoir obtenu le label Diversité, sur plus de 500 can-didats, en 2009. Le label Égalité a été obtenu dès 2005.12. Le label a été obtenu en 2005. Seules 5 entreprises françaises ont obtenu le label à l’ époque de sa création.13. Quinze organisations syndicales regroupent les salarié.e.s de l’entreprise élargie (intégration des personnels de distribution anciennement Véolia et Force-La Parisienne des eaux).

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syndicale (CGT, CGC, FO et CFDT14) et 3  membres de la direction des ressources humaines. Ses missions sont de lutter contre toute forme de discrimination et de har-cèlement, et de développer l’égalité professionnelle femmes-hommes et la diversité. La Commission éthique a pour objectif l’organisation et la coordination des actions de pré-vention, de formation, de conseil et d’évaluation en lien avec les 9 CHSCT15 de l’entre-prise, mais également le suivi et la veille quant à l’application de la législation, l’information et la sensibilisation à la législation, ainsi que le traitement des cas de discrimination qui lui sont soumis (Scotto, 2008). Une des premières actions de la commission a été de mettre en place des formations sous forme d’improvisations théâtrales pour favoriser la prise de conscience des salariés et de l’encadrement.

À partir de 2004, on constate la formalisation des processus ressources humaines. Par exemple, les processus d’évaluation et de promotion intègrent des épreuves de manage-ment éthique ainsi que la traçabilité des recrutements, dans la mesure où l’entreprise s’en-gage dans un processus de féminisation, toujours appuyé par la logique des compétences et des habiletés. Cependant, l’entreprise se trouve confrontée à l’étroitesse des viviers de recrutement en ce qui concerne les candidatures féminines, ainsi que l’indique la respon-sable projet RH d’EDP : « Nous, on a essentiellement besoin de personnel technique, d’où la difficulté de diversifier la répartition femmes-hommes de notre effectif. On a des métiers, on a beau passer des annonces partout, il n’y a que des hommes qui répondent. Par exemple, électri-cité, automatisme, maintenance, là c’est très difficile, même quand on appelle les écoles. » Un des chefs de services ingénieurs confirme lors de son interview cette difficulté des stéréo-types qui président aux choix d’orientation entre les filles et les garçons, et la désaffection des filles pour les filières techniques : « Malheureusement, certains postes ont des difficultés à être pourvus par des femmes. Le vivier est faible de toute façon. Maintenant, cela change un peu, on a pas mal de femmes au niveau de la direction, au niveau des labos, mais au niveau technique… on est tombé sur Colette, mais au niveau des agents… on n’a eu aucune candida-ture de femmes, mais vraiment aucune. »

La troisième phase, que nous qualifierons de phase d’engagement, se déploie entre 2004 et 2008 et au-delà. Elle se concrétise par la signature de différentes chartes et accords : Charte pour la diversité (2004), accord Égalité professionnelle et diversité (2004), ainsi que la préparation de la phase de certification avec l’obtention du label Égalité. Selon le directeur des ressources humaines : « Le label nous a apporté de la rigueur. Parce que le label, pour l’avoir, il faut d’abord négocier un accord avec les partenaires sociaux, donc ça nous a apporté une obligation de concertation, de dialogue, de parler ensemble des réticences, parce que tout le monde n’est pas forcément pour l’égalité femmes-hommes. C’est une obligation de suivi, de concret et de précision, et ça, c’est très important. »

Elle correspond à la phase de certification 2005-2008, caractérisée par l’obtention du label Égalité lors de sa création (mars 2005) et son renouvellement en 2007/2008.

Trois types d’actions ont été développés dans le cadre de l’accord d’entreprise 2004/2007 : le développement d’une culture d’entreprise promouvant l’égalité profession-nelle, des engagements concrets en matière de recrutement, d’évolution professionnelle et de formation, l’équilibre vie familiale et vie professionnelle.

14. La CFDT est rentrée dans la Commission éthique en 2006.15. CHSCT : Comité hygiène, santé, conditions de travail.

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L’évolution d’une culture d’entreprise propice à l’égalité professionnelle a été favorisée par les travaux de la Commission éthique évoquée précédemment, mais également par des actions de formations éthiques systématiques pour tous les nouveaux encadrants, permet-tant de les sensibiliser aux enjeux juridiques et managériaux de l’égalité femmes-hommes et de la prévention de discrimination. Plusieurs actions d’information et de sensibilisation sont également organisées (forums éthiques, veille juridique mensuelle sur l’évolution de la législation en matière d’égalité professionnelle et de diversité). Un des articles du règle-ment intérieur de l’entreprise affirme le principe de l’égalité professionnelle, ce qui n’est pas courant. Le baromètre de motivation consacre un chapitre à l’égalité professionnelle et à la prévention des discriminations, et les groupes de travail sur les grandes orientations de l’entreprise et l’actualisation des procédures sont mixtes.

C’est justement au niveau des procédures RH (recrutement, évolution professionnelle, promotion, formation) que se manifestent concrètement les engagements de l’entre-prise. En ce qui concerne le recrutement, l’entreprise met en œuvre le CV anonyme et la méthode des habiletés, et s’engage à ce que le pourcentage d’embauche féminine soit au moins égal au pourcentage des candidatures féminines à compétences égales16. Les moda-lités d’évolution professionnelle et de promotion sont revues et les jurys d’examen d’évo-lution professionnelle sont mixtes et paritaires. L’épreuve de management éthique permet aux managers d’être sensibilisés aux enjeux de l’égalité professionnelle et de la diversité, surtout grâce à la formation nécessaire à la préparation de cette épreuve. La part de pro-motion pour les femmes est en cohérence avec le nombre de femmes dans chaque métier. La mise en place de la démarche gestion prévisionnelle des métiers et des compétences a permis de réévaluer la grille de rémunérations en fonction de critères de compétences, ancienneté, niveau de poste et conditions de travail. Il s’est ensuivi un rattrapage salarial et une progression des qualifications des femmes dans l’entreprise. Pour le directeur des ressources humaines, il s’agit de mesures de rattrapage : « Ici, nous faisons du rattrapage de retard ancien. Pour rattraper le retard, si vous courez à la même vitesse que le peloton, vous le ne rattrapez jamais, donc, il faut accélérer, cela me paraît évident. Donc une partie rattrapage et une partie de promotion, de hausse de qualification féminine. »

En ce qui concerne la formation, les actions de formation (stagiaires, jours et frais) doivent être proportionnelles au pourcentage de population féminine par catégorie et par métier. Les principales actions concernent des formations aux métiers « masculins », des tutorats, des cursus de management avec module éthique et égalité professionnelle pour tous les nouveaux encadrants. Cela a permis une progression régulière des effectifs fémi-nins en formation. En 2007, 27 % des jours de formation et 29 % des coûts pédagogiques concernaient les femmes d’EDP. Le taux de féminisation de l’entreprise en 2007 était de 27 %.

Le dernier volet des engagements de l’entreprise s’attache à faciliter l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle, en conformité avec les engagements de l’entreprise et ceux du label Égalité. Sept mesures phares ont constitué la clé de voûte de cet engagement :

16. Cependant, l’entreprise se heurte à des viviers de recrutement féminin réduits, notamment dans les profils de techniciens. Ainsi que l’ indique la responsable RH : « les ingénieurs, par contre, même études et travaux, à ce niveau-là, on commence à trouver des femmes. Chez les ingénieurs, on va trouver des femmes dans les métiers techniques, mais chez les techniciens, là, c’est vraiment difficile. Les filles continuent de privilégier des métiers de type tertiaire, oui, c’est tout à fait ça, elles n’ont pas envie d’aller dans le technique. »

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la parentalité (maternité et corollaire, adoption ou congé parental d’éducation, congé paternité), la garde des enfants et l’aménagement du temps de travail. Une des mesures les plus marquantes demeure les actions encadrant les congés maternité et permettant d’en neutraliser les effets négatifs sur la carrière des femmes dans l’entreprise.

La démarche diversité a été initiée par le biais d’une action en faveur de l’égalité profession nelle entre femmes et hommes associée à une démarche volontariste de fémini-sation de la force de travail. Nous avons souligné précédemment l’évolution de la démo-graphie de la force de travail entre 1989 et 2015. Ainsi que les travaux de thèse (Scotto, 2008) l’ont souligné, l’évolution de cette démarche a généré un effet «  transfert  » aux autres dimensions de la diversité et un effet de globalisation. L’accord «  égalité  » s’est complété par un volet intergénérationnel sur le maintien des seniors dans l’emploi et la valorisation de leur expérience. Les données chiffrées montrent l’effort de formation pour les salariés de plus de 45 ans. L’entreprise consacre un budget de 3,2 % de sa masse salariale pour la formation de son personnel17. Dans la catégorie plus de 45 ans, 43,4 % des salariés ont bénéficié d’une formation, dont 75 % d’hommes et 25 % de femmes. Ainsi que le sou-ligne le rapport annuel (p. 56), « la proportion de femmes dans cette catégorie d’âge (seniors : plus de 45 ans) est la plus faible, du fait de leur plus grande jeunesse ». Dans le même accord, une mesure symbolique accorde le congé paternité18 à tout conjoint, qu’il soit homme ou femme, et la prise en compte et le respect de l’orientation sexuelle « qu’il s’agisse d’hétéro- ou d’homoparentalité ». À partir de 2010, l’entreprise signe les accords d’entreprise relatifs à l’insertion des nouveaux personnels de distribution ainsi que ceux relatifs à la diversité des origines professionnelles et statutaires.

2.2. Entrée par l’égalité professionnelle femmes-hommes, puis ouverture aux autres dimensionsNous avons souligné la démarche « militante » d’EDP en ce qui concerne la féminisation de métiers dits « masculins » dans l’optique de « faire bouger les lignes ». Les évolutions des processus ressources humaines ont soutenu cette démarche. Les processus de recrutement et de promotion ont évolué : l’entreprise a mis en place des procédures d’anonymisation des CV afin de diminuer les risques de discrimination à l’embauche liés notamment au genre. Une des cheffes de centre, ayant une forte ancienneté dans l’entreprise (18 ans), illustre l’impact de cette mesure : « Il fallait recruter une personne (magasinier). Le respon-sable de l’équipe a dit : il va falloir recruter un agent, ou une… On ne sait pas. Il y en a un dans le groupe qui a dit, si on recrute une femme, eh bien, il ne manquerait plus que ça ! En janvier 2007. Enfin. On a reçu des CV. Et on a les CV anonymes. Avec la RH locale, nous avons retenu 8 ou 10 CV. Ensuite, on a passé les entretiens et il se trouve que c’est une fille qui a été retenue. Je vous dirais que s’il n’y avait pas le CV anonyme, il y a peut-être dix ans, ils auraient pris la liste et la femme serait passée à la trappe. Alors qu’honnêtement, là, sur le CV, rien qu’à voir son CV, elle avait la compétence. Si ça avait été une femme, avant, on ne l’aurait peut-être pas regardé. »

Les modalités de promotion (passage au statut cadre) ont intégré des épreuves de management éthique. Ces épreuves sous forme de mini-cas permettent de répondre en 1 heure à des problématiques diverses de discriminations potentielles et de compétences

17. Le minimum légal était de 1,6 % de la masse salariale.18. EDP a institué le congé paternité dès 2001.

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managériales. Elles ont permis de sensibiliser la ligne managériale en s’appuyant sur les actions de formation développées pour la préparation de cette épreuve.

La mise en place d’une démarche GPMC (gestion prévisionnelle des métiers et des com-pétences) a permis d’ouvrir des opportunités de promotion et de rattrapage salarial chez les cadres et non-cadres féminins : Selon un des responsables techniques (entretien 21) : « La mise en place de la GPMC a permis un rééquilibrage. De la clarté et de la transparence dans les critères d’évolution. Je dirais que cela a permis de rationaliser les critères d’évolution professionnelle au sein de la société. Une personne qui arrive sait clairement quels seront sa catégorie, son échelon et son déroulement de carrière potentiel, sauf évolution plus rapide, si on lui propose de passer des examens. »

Ces évolutions se sont inscrites dans une démarche structurante d’obtention de labels qui a été du ressort de la direction des ressources humaines : « Cela nous a obligé à nous astreindre à faire un état des lieux très précis, à améliorer nos indicateurs, notamment en terme de promotion, de recrutement et à avoir une démarche d’amélioration plus structurée » (res-ponsable projet RH).

2.2.1. Le rôle des partenaires sociauxChez EDP, la démarche diversité s’est construite à partir d’une démarche militante, « fémi-niste », impulsée par une présidente, associée à une participation active des partenaires sociaux, sensibilisés à la lutte contre la discrimination, et ce dès l’origine. Un des délégués syndicaux de l’entreprise, chargé de mission technique, témoigne  : «  on (la direction) a décidé d’une politique orientée vers l’embauche des femmes et la féminisation des métiers. Et là, les syndicats ont été d’accord. Ce qui est plutôt pas mal… Cela a été bien amené par la direction et les syndicats ont adhéré. »

Cela doit être souligné, dans la mesure où on retrouve un caractère d’exemplarité, les partenaires sociaux (les syndicats) étant restés longtemps en France en retrait sur ces ques-tions. Ils prennent rarement l’initiative de l’ouverture de ce type de négociations, qui restent souvent impulsées par les directions des ressources humaines (Silvéra, 2006). Chez EDP, les syndicats ont été partie prenante dès l’origine de la démarche : « Je dirais  : les partenaires sociaux surtout, parce qu’ils font partie de la commission éthique. Ils ont été investis très rapidement par ce biais-là et puis petit à petit, aussi dans les négociations » (responsable projet RH) ; « Oui, oui, les partenaires sociaux se sont très largement investis. La CGT, FO, UNECT » (DRH).

Il est intéressant de noter que le rôle des organisations syndicales en 2008 était pourtant peu reconnu par les salariés. Cependant, le dialogue social est toujours particulièrement actif au sein de l’entreprise. En témoigne l’accord de 2010 sur les dispositifs de gestion sociale qui a été élaboré à l’issue de plus de 60 réunions de travail. Il a été signé par 13 des 15  organisations syndicales, et porte sur 5  thèmes majeurs  : le positionnement et l’évolution professionnelle, la rémunération, les niveaux de qualification, les primes et indemnités liées aux métiers et à la formation  ; la durée et l’organisation du temps de travail, les congés et les astreintes, les conditions de travail, l’hygiène et la sécurité ; la cou-verture santé, la prévoyance et la retraite, l’intéressement et l’épargne salariale ; l’exercice du dialogue social, le droit syndical, la diversité, l’égalité femmes hommes dans l’entreprise (EDP, 2009).

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2.2.2. Des actions inscrites dans le cadre de la responsabilité sociale et du développement durableLa démarche d’EDP montre une évolution vers l’intégration de la diversité dans une approche plus globale de responsabilité sociale. La démarche diversité s’appuie sur deux dimensions principales que sont le genre (égalité professionnelle femmes-hommes)  et l’âge19, dans un cadre global de non-discrimination, selon des logiques d’actions que nous pensons relever de la responsabilité sociale et de l’efficience, pour reprendre la typologie développée par Cornet, Delhaye & Crunenberg (2005). Cette logique sociale « vise moins à éviter les attaques éventuelles au titre de la discrimination qu’à développer une logique sociale proactive  » (Scotto, 2008). Cette logique s’inscrit dans une approche de responsabilité sociale et de développement durable. EDP, en concurrence pour la position d’opérateur unique de production et de distribution de l’eau à Paris, a su se différencier de ses concur-rents sur un modèle de double performance technique et sociale, validé par des normes et des labels, relatifs aux performances environnementales, économiques mais également sociales.

L’étude de la démarche égalité professionnelle d’EDP montre l’importance accordée à la communication interne et la certitude que le succès d’une démarche diversité passe par elle. EDP a mis en place des actions de monitoring des salariés qui permettent d’identifier leurs ressentis au regard des orientations de l’entreprise. Il est à noter qu’EDP, lors de cette période 2001-2009, fait partie des entreprises engagées depuis plusieurs années dans un processus de changement global impactant leurs marchés, leurs structures et leurs valeurs. La structure de l’entreprise se modifie avec le passage du statut de SEM20 à celui de régie autonome et l’intégration de plusieurs centaines de salariés, suite à la reprise des activités de distribution et de commercialisation de l’eau. Chaque année, EDP envoie à ses salariés un questionnaire dit « baromètre de motivation », afin de recueillir leurs avis sur les orien-tations de l’entreprise. La démarche diversité fait l’objet d’un chapitre spécifique. À titre d’exemple, le baromètre de motivation de l’année 2007 portait sur 7 thèmes : la démarche d’EDP demain, la réorganisation, la situation professionnelle de la personne, les relations de travail, les conditions de travail, l’égalité femmes-hommes et la diversité. Le taux de réponse du baromètre de motivation 2007 a été de 30 % (Scotto, 2008). Notre analyse des pratiques de cette entreprise révèle une démarche diversité s’appuyant sur deux dimensions principales  : historiquement, le genre, avec les actions en faveur de l’égalité profession-nelle et l’âge, toutes deux inscrites dans le cadre normatif volontaire de la labellisation. La démarche égalité professionnelle d’EDP, outre les actions de promotions, cible également la féminisation des postes de travail dits « masculins ». Pour la diversité des origines, les données ethniques n’ayant pas droit de cité en France, la question de la mesure reste en suspens chez EDP.

2.2.3. Freins et réticencesPour autant, l’implantation et le déploiement de la démarche d’EDP n’ont pas été sans créer des résistances, inhérentes à toute démarche de changement. Les salariés (femmes et hommes) ont exprimé des craintes et des doutes. L’épreuve de management éthique dans

19. Ce qui n’exclut pas d’autres dimensions. Cependant, genre et âge permettent des mesures objectives, autori-sées par la loi, ce qui n’est pas le cas pour d’autres dimensions (ethnie, orientation sexuelle).

20. Société d’économie mixte.

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Management de la diversité des ressources humainesÉtudes empiriques et cas d’entreprises

Coordonné par Anne-Francoise BenderAlain KlarsfeldChristine Naschberger

Cet ouvrage contient les contributions de :

Jamila AlaktiffYvette AllanIsabelle BarthClara BaudelAnne-Françoise BenderMaria Giuseppina BrunaPénélope CodelloAnnie CornetMuriel de Saint-SauveurMilena DoytchevaManal El AbboubiGéraldine GalindoPhilippe JacquinotAlain KlarsfeldFlorimond LabulleMagali LarqueyLidwine MaizerayChristine NaschbergerArnaud Pellissier-TanonSarah RichardMarie José ScottoSabrina SemacheHédia Zannad

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Management de la diversité

des ressources humaines

Études empiriques et cas d’entreprises

Coordonné par

Anne-Francoise BenderAlain Klarsfeld

Christine Naschberger

Arrivée en France il y a un peu plus de dix ans, la gestion de la diversité, conçue ici comme un ensemble

d’actions visant à agir contre les discriminations et à promouvoir des cultures de travail inclusives, est passée du discours aux pratiques. Elle est principalement dévolue aux fonctions Ressources Humaines et à l’encadrement, mais ses enjeux et son application concernent tous les salarié.e.s.

Le présent ouvrage est destiné tant aux praticien.nes qu’aux étudiant.e.s et chercheur.e.s. Il comble un besoin de diffusion de recherches récentes sur la mise en œuvre concrète du management de la diversité en France. Il réunit des études empiriques réalisées par des membres du Groupe de Recherche Thématique (GRT) Diversité au sein de l’Association Francophone de Gestion des Ressources Humaines (AGRH). Ce groupe d’enseignants-chercheurs, créé en janvier 2007, vise à produire et à diffuser à un large public des savoirs liés à la thématique de la diversité et de la lutte contre les discriminations.

Les six premiers chapitres de l’ouvrage sont consacrés à des études de cas d’entreprises et tentent de répondre aux questions suivantes : quels sont les enjeux, les processus de conception et le contenu des politiques de diversité ? Quels freins, leviers et premiers effets peut-on observer ? Les six chapitres suivants portent sur des dimensions spé-cifiques de la diversité : égalité femmes-hommes, origine, handicap, orientation sexuelle et identité de genre. Le dernier chapitre propose une analyse des liens entre politiques de diversité et politiques de gestion de res-sources humaines. Les chapitres, tous écrits par des experts reconnus, s’achèvent sur deux tableaux récapitulant les principaux enseignements et les implications managériales.

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9 782311 405576

ISBN : 978-2-311-40557-6

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