vih/sida et confidentialité des renseignements médicaux · vih/sida, l’élément le plus...

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L’impact de la divulgation non autorisée sur les personnes qui vivent avec le VIH/sida Les personnes qui vivent avec le VIH/sida ainsi que des chercheurs en santé publique, des avocats et des organismes communautaires de services liés au sida ont souligné l’importance de la pro- tection de la confidentialité des renseignements médicaux, particulièrement pour les personnes qui vivent avec le VIH/sida. Des personnes vivant avec le VIH/sida se heurtent à la discrimination, par suite de la divulgation non autorisée de leur séropositivité. Certaines ont perdu leur logement ou leur emploi, et leurs relations sociales ont été mises en péril, à la suite de la divulgation de leurs renseignements médicaux à des tiers sans leur consentement. Il est fondamental que les personnes qui vivent avec le VIH/sida contrôlent l’accès aux ren- seignements personnels qui ont trait à leur santé. Les personnes qui vivent avec le VIH/sida ont les droits suivants : le droit de décider comment, quand, à qui et dans quelle mesure elles souhaitent faire part de renseignements relatifs à leur santé; un droit de regard sur l’utilisation et la divul- gation de renseignements relatifs à leur santé, et sur ceux qui y ont accès; le droit de savoir comment leurs renseigne- ments personnels seront utilisés et protégés. La vie privée est un droit de la personne Les Directives internationales sur le VIH/sida et les droits de la personne reconnaissent que le droit à la vie privée des personnes qui vivent avec le VIH comprend le respect de la confidentialité de tous les renseignements liés à leur état sérologique au VIH. Du point de vue des droits de la personne, les gens ont le droit de bénéficier des conditions qui leur permettront de réaliser leur santé et leur bien-être. Par conséquent, en vertu du droit international, les gouvernements sont tenus de respecter, de protéger et d’appliquer les droits des personnes – y compris leur droit à la vie privée. La protection du droit à la vie privée et l’exécution de l’obligation de garder le secret professionnel des renseignements médicaux sont fondamentales pour le traitement des personnes avec autonomie, dignité et respect. L’importance de la confidentialité des renseignements médicaux pour les personnes qui vivent avec le VIH/sida Ce feuillet explique pourquoi il est important de protéger le droit des personnes qui vivent avec le VIH/sida à ce que leurs renseignements médicaux demeurent confidentiels. Il explique aussi comment le droit à la vie privée peut imposer à certaines personnes qui possèdent des renseignements médicaux de quelqu’un l’obligation juridique de les garder confidentiels. D’autres feuillets de la présente série expliquent en détail comment le droit canadien protège la confidentialité des renseignements médicaux, et les limites de cette protection. Ce feuillet fait partie d’une série de sept sur le VIH/sida et la confidentialité des renseignements médicaux. 1. L’importance de la confidentialité des renseignements médicaux pour les personnes qui vivent avec le VIH/sida 2.Vie privée, secret professionnel et privilège : des concepts juridiques apparentés 3. La protection juridique de la vie privée et de la confidentialité en droit canadien 4. Principes de la vie privée 5. Les limites de la vie privée et de la confidentialité des renseignements médicaux 6. Le secret professionnel à l’égard du patient et la protection des tiers 7. La protection de la vie privée en droit québécois VIH/sida et confidentialité des renseignements médicaux 1

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Page 1: VIH/sida et confidentialité des renseignements médicaux · VIH/sida, l’élément le plus important est l’obliga-tion imposée à certaines personnes de respecter la confidentialité

L’impact de la divulgation non autorisée sur les personnes qui vivent avec le VIH/sidaLes personnes qui vivent avec le VIH/sida ainsique des chercheurs en santé publique, des avocatset des organismes communautaires de servicesliés au sida ont souligné l’importance de la pro-tection de la confidentialité des renseignementsmédicaux, particulièrement pour les personnesqui vivent avec le VIH/sida. Des personnes vivantavec le VIH/sida se heurtent à la discrimination,par suite de la divulgation non autorisée de leurséropositivité. Certaines ont perdu leur logementou leur emploi, et leurs relations sociales ont étémises en péril, à la suite de la divulgation de leursrenseignements médicaux à des tiers sans leurconsentement.

Il est fondamental que les personnes qui viventavec le VIH/sida contrôlent l’accès aux ren-seignements personnels qui ont trait à leur santé.Les personnes qui vivent avec le VIH/sida ont lesdroits suivants :• le droit de décider comment, quand, à qui et

dans quelle mesure elles souhaitent faire partde renseignements relatifs à leur santé;

• un droit de regard sur l’utilisation et la divul-gation de renseignements relatifs à leur santé,et sur ceux qui y ont accès;

• le droit de savoir comment leurs renseigne-ments personnels seront utilisés et protégés.

La vie privée est un droit de la personneLes Directives internationales sur le VIH/sida etles droits de la personne reconnaissent que le droità la vie privée des personnes qui vivent avec leVIH comprend le respect de la confidentialité detous les renseignements liés à leur étatsérologique au VIH. Du point de vue des droits dela personne, les gens ont le droit de bénéficier desconditions qui leur permettront de réaliser leursanté et leur bien-être. Par conséquent, en vertu dudroit international, les gouvernements sont tenusde respecter, de protéger et d’appliquer les droitsdes personnes – y compris leur droit à la vieprivée. La protection du droit à la vie privée etl’exécution de l’obligation de garder le secretprofessionnel des renseignements médicaux sontfondamentales pour le traitement des personnesavec autonomie, dignité et respect.

L’importance de laconfidentialité desrenseignements

médicaux pour lespersonnes qui vivent

avec le VIH/sidaCe feuillet explique pourquoi il est important de protéger le droit despersonnes qui vivent avec le VIH/sida à ce que leurs renseignementsmédicaux demeurent confidentiels. Il explique aussi comment le droità la vie privée peut imposer à certaines personnes qui possèdent desrenseignements médicaux de quelqu’un l’obligation juridique de les

garder confidentiels. D’autres feuillets de la présente série expliquenten détail comment le droit canadien protège la confidentialité des

renseignements médicaux, et les limites de cette protection.

Ce feuillet fait partie d’une série de sept sur le VIH/sida et la confidentialité des renseignements médicaux.

1. L’importance de la confidentialité des renseignements médicaux pour les personnes qui vivent avec le VIH/sida

2.Vie privée, secret professionnel et privilège :des concepts juridiques apparentés

3. La protection juridique de la vie privée et de la confidentialité en droit canadien

4. Principes de la vie privée

5. Les limites de la vie privée et de la confidentialité des renseignements médicaux

6. Le secret professionnel à l’égard du patient et la protection des tiers

7. La protection de la vie privée en droit québécois

VIH/sida etconfidentialité

des renseignements

médicaux

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Sans promotion et protection du droit à la vieprivée des personnes vivant avec le VIH/sida, l’im-pact de l’épidémie sur les individus et les collectivi-tés est aggravé. La violation du droit au respect de lavie privée entraîne souvent la violation d’autresdroits de la personne, comme le droit à la vie, à laliberté et à la sécurité de la personne, le droit detravailler et de choisir librement son emploi, et lesdroits au logement et à des soins médicaux adéquats.

La protection de la vie privée favorise la santé et le bien-êtreDans le contexte de l’épidémie du VIH/sida, il y a unlien fondamental entre les droits de la personne et lasanté. La promotion et la protection des droits de lapersonne protègent la dignité des personnes touchéespar le VIH/sida et contribuent à l’atteinte des objec-tifs de santé publique de réduire la transmission duVIH et d’atténuer l’effet du VIH/sida sur les person-nes et les collectivités. Lorsque la confidentialité desrenseignements confidentiels est compromise, notrecapacité de réduire les risques pour la santé, d’assu-rer la détection précoce des maladies et de faire ensorte que les patients reçoivent des traitements médi-caux adéquats est affaiblie.

Les gens seront réticents à subir un test de VIH ouà consulter, s’ils croient que leur séropositivité seradivulguée sans leur consentement à un employeur, àdes sociétés d’assurance, au gouvernement ou à des

parents. Si moins de personnes séropositives appren-nent leur état au moyen de tests (accompagnés decounselling adéquat avant et après le test), le risquede transmission subséquente du VIH est augmenté.

Certaines personnes vivant avec le VIH/sida peu-vent décider de s’abstenir de se faire soigner, parcrainte que des renseignements personnels sur leursanté soient communiqués sans leur consentement.Cette crainte est particulièrement aigue pour les per-sonnes qui vivent avec le VIH/sida dans des petitescollectivités géographiques ou ethnoculturelles. Lespersonnes vivant avec le VIH/sida communiquentavec des médecins, pharmaciens et praticiens demédecine parallèle, de même que des organismesgouvernementaux, y compris des fournisseurs desoins à domicile et des services de soutien du revenu.Il est vital qu’une relation de confiance, fondée surl’obligation de garder le secret professionnel, existeentre toute personne qui vit avec le VIH/sida et lespersonnes qui lui fournissent des services de santé etdes services sociaux. Sans cette confiance, les per-sonnes qui vivent avec le VIH/sida ne pourraient pasexercer pleinement leur droit d’accès à des servicesde santé et des services sociaux.

En l’absence de protections adéquates de la vieprivée, les personnes qui vivent avec le VIH/sidapeuvent hésiter à participer aux projets de recherchequi visent à améliorer les traitements, et en bout deligne, à découvrir un remède contre le VIH/sida.

Cette série de feuillets est tirée du document La protection de la vie privée et la communication de renseignements personnels sur la santé : Questions juridiques pour les personnesvivant avec le VIH/sida au Canada, préparé par le Réseau juridique canadien VIH/sida. Le document et les feuillets sont téléchargeables à www.aidslaw.ca et disponibles auprèsdu Centre canadien d’information sur le VIH/sida (courriel : [email protected]). On peut en faire des copies, à condition de ne pas les vendre et de préciser que la source del’information est le Réseau juridique canadien VIH/sida. Pour information : [email protected]. This info sheet is also available in English.

Financé par Santé Canada, dans le cadre de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida. Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pasnécessairement les opinions ou politiques du ministre de la Santé. © Réseau juridique canadien VIH/sida, 2002-2004.

L’IMPORTANCE DE LA CONFIDENTIALITÉ DES RENSEIGNEMENTS MÉDICAUX

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Le droit à la vie privée

La vie privée est un droit fondamental reconnu endroit international en matière de droits de la per-sonne et en vertu de la Constitution du Canada.Les gouvernements doivent respecter le droit à lavie privéedes individus en n’y portant pas atteinte.Les gouvernements peuvent être tenus responsa-bles s’ils ne respectent pas ce droit, à moins qu’ilsn’aient des motifs valables de le limiter ou d’ypasser outre.

Les gouvernements doivent également prendredes mesures pour protéger ce droit contre lesatteintes par d’autres. Par conséquent, ilsimposent des obligations juridiques à certainespersonnes, relativement à la collecte, à l’utilisa-tion et à la communication des renseignementspersonnels. Au delà de ces obligations juridiques,le droit reconnaît également que, dans certainscas, une personne devrait avoir le droit d’empê-cher quelqu’un de divulguer des renseignementssans son consentement.

Le secret professionnel

Le secret professionnelest un moyen par lequeldes lois protègent le droit d’une personne degarder privés ses renseignements personnels. Dupoint de vue des personnes qui vivent avec leVIH/sida, l’élément le plus important est l’obliga-tion imposée à certaines personnes de respecter laconfidentialité des renseignements médicaux per-sonnels, à l’exception de circonstances exception-nelles et de conditions précises. Les obligationsrelatives au respect de la confidentialité sont à lafois d’ordre juridique et déontologique. AuCanada, l’obligation déontologiqueen ce qui atrait au respect de la confidentialité est reconnuecomme une obligation juridique pour les profes-sionnels de la santé.

La règle du privilège

La règle du privilègeest une règle de preuve. Elleempêche la divulgation de renseignements confi-dentiels, dans une poursuite judiciaire, pour desmotifs d’ordre public. Lorsque la règle s’applique,la personne qui possède des renseignements confi-dentiels concernant une autre personne ne peut êtreforcée à les divulguer, ni contrainte à témoigner àpropos de ces information dans une poursuite judi-ciaire. Elle ne peut non plus être contrainte à pro-duire des communications écrites (ou d’autres ren-seignements consignés qu’elle a en sa possession)à titre d’élément de preuve dans l’instance.

Le Québec, où s’applique le Code civil plutôtque la common law, est la seule province qui acréé par texte de loi un privilège relatif aux

Vie privée,secretprofessionnel et

privilège :des conceptsjuridiques apparentés

Ce feuillet explique la relation entre le droit fondamental à la vieprivée, le secret professionnel et la règle juridique du privilège, puis il

examine comment ces concepts juridiques peuvent s’appliquerensemble pour protéger la confidentialité des renseignements

médicaux.

Ce feuillet fait partie d’une série de sept sur le VIH/sida et la confidentialité des renseignements médicaux.

1. L’importance de la confidentialité des renseignements médicaux pour les personnes qui vivent avec le VIH/sida

2.Vie privée, secret professionnel et privilège :des concepts juridiques apparentés

3. La protection juridique de la vie privée et de la confidentialité en droit canadien

4. Principes de la vie privée

5. Les limites de la vie privée et de la confidentialité des renseignements médicaux

6. Le secret professionnel à l’égard du patient et la protection des tiers

7. La protection de la vie privée en droit québécois

VIH/sida etconfidentialité

des renseignements

médicaux

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Page 4: VIH/sida et confidentialité des renseignements médicaux · VIH/sida, l’élément le plus important est l’obliga-tion imposée à certaines personnes de respecter la confidentialité

communications entre le médecin et son patient.Dans tous les autres ressorts, le tribunal doit déter-miner dans chaque cas si les renseignements confi-dentiels que partage un patient avec son médecin (ouautre professionnel de la santé) sont privilégiés. LaCour suprême a affirmé que, pour que le privilèges’applique dans un cas donné, quatre conditionsdoivent être remplies :

• le patient a communiqué les renseignements àtitre confidentiel avec l’assurance qu’ils neseraient pas divulgués;

• le caractère confidentiel est un élément essentielau maintien des rapports entre les parties;

• les rapports sont de la nature de ceux qui, selonl’opinion de la collectivité, doivent être protégéset entretenus;

• la divulgation des renseignements serait préjudi-ciable aux rapports, à un degré qui dépasseraitl’avantage obtenu à rendre une juste décision ense fondant sur plus de renseignements.

Les communications entre une personne qui vit avecle VIH/sida et son pharmacien, son médecin, sontravailleur social, son conseiller ou son psychologuene seront privilégiées que si ces quatre critères sontrespectés. Toutefois, au moment où quelqu’un

consulte son professionnel de la santé, il n’a aucunmoyen de savoir avec certitude si un tribunal jugeraque ce que la personne a dit au professionnel est privi-légié.

Divers concepts juridiques entrent enjeu pour protéger la vie privée

Pour contrôler la divulgation de renseignementsmédicaux à son sujet, une personne qui vit avec leVIH/sida peut invoquer son droit à la vie privée, lesecret professionnel imposé à certaines autres person-nes et la règle juridique du privilège. Chacun de ceséléments peut contribuer à réaliser l’objectif defaçons différentes, mais mutuellement complémen-taires. Le droit à la vie privée peut être invoquédirectement pour empêcher le gouvernement, ou cer-taines autres parties, d’avoir accès aux renseigne-ments médicaux personnels, ou pour les tenirjuridiquement responsables s’ils y ont accédé sans enavoir le droit. Le secret professionnel protège le droitd’une personne à ce que ses renseignements soienttenus personnels. La règle du privilège peut faire ensorte qu’une personne tenue au secret professionnelne puisse pas être contrainte de divulguer desrenseignements médicaux sur une personne sans leconsentement de cette dernière.

Cette série de feuillets est tirée du document La protection de la vie privée et la communication de renseignements personnels sur la santé : Questions juridiques pour les personnesvivant avec le VIH/sida au Canada, préparé par le Réseau juridique canadien VIH/sida. Le document et les feuillets sont téléchargeables à www.aidslaw.ca et disponibles auprèsdu Centre canadien d’information sur le VIH/sida (courriel : [email protected]). On peut en faire des copies, à condition de ne pas les vendre et de préciser que la source del’information est le Réseau juridique canadien VIH/sida. Pour information : [email protected]. This info sheet is also available in English.

Financé par Santé Canada, dans le cadre de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida. Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pasnécessairement les opinions ou politiques du ministre de la Santé. © Réseau juridique canadien VIH/sida, 2002-2004.

VIE PRIVÉE, SECRET PROFESSIONNEL ET PRIVILÈGE : CONCEPTS JURIDIQUES APPARENTÉS

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Un ensemble de règles disparates

On a qualifié les lois canadiennes qui protègent laconfidentialité des renseignements médicaux de« disparates », de « ramassis », de « relativementsous-développées » et de « trop compliquées ».Ces lois comprennent :

• la Charte canadienne des droits et libertés;• la Charte québécoise des droits et libertés de la

personne;• la common law et le Code civil du Québec;• les lois régissant les professionnels de la santé

et les établissements de santé;• les lois sur la vie privée;• les lois sur la confidentialité des renseigne-

ments médicaux; • les lois générales sur la protection des ren-

seignements personnels.

La Charte canadienne des droits et libertés

La source prééminente de protection des droits dela personne, au Canada, est la Charte canadiennedes droits et libertés. Dans les causes civiles et cri-minelles, les juges canadiens ont accordé unegrande valeur à la notion de vie privée, et l’ontconsacrée droit constitutionnel selon la Charte. Leterme « vie privée » n’apparaît pas dans la Charte,mais la Cour suprême a affirmé que le respect dela dignité, qui sous-tend la Charte, se traduit dansles droits fondamentaux comme la vie privée,l’égalité et la protection contre la contrainte del’État. Les personnes qui vivent avec le VIH/sidapeuvent se prévaloir de la Charte pour empêcherque le gouvernement ne prenne des mesuresinconstitutionnelles qui violeraient leur vie privée.

L’article 7 de la Charte affirme que chacun adroit à la « liberté » et à la « sécurité de sa per-sonne », et qu’il ne peut être porté atteinte à cesdroits qu’« en conformité avec les principes dejustice fondamentale ». Ces droits constitution-nels protègent la vie privée d’un individu, jusqu’àun certain degré. Dans l’affaire Morgentaler(dans laquelle on contestait les restrictionsimposées à l’accès des femmes à des servicesd’avortement), un juge de la Cour suprême aaffirmé que « le droit à la liberté prend racinedans les concepts fondamentaux de la dignitéhumaine, de l’autonomie personnelle, de la vieprivée et du choix des décisions concernant l’êtrefondamental de l’individu ».

L’article 8 de la Charte affirme que chacun adroit « à la protection contre les fouilles, lesperquisitions ou les saisies abusives ». La Coursuprême a affirmé que cet article protège « l’at-tente raisonnable en matière de protection de la

La protectionjuridique de la vie privée et de la confidentialité en droit canadien

Ce feuillet explique quelques-unes des lois au Canada qui protègent lavie privée et qui imposent des obligations à certaines personnes dene pas violer la confidentialité d’autrui. Il explique aussi les recours

juridiques possibles en cas de violation de la vie privée ou demanquement à l’obligation de respecter le secret professionnel.

Ce feuillet fait partie d’une série de sept sur le VIH/sida et la confidentialité des renseignements médicaux.

1. L’importance de la confidentialité des renseignements médicaux pour les personnes qui vivent avec le VIH/sida

2.Vie privée, secret professionnel et privilège :des concepts juridiques apparentés

3. La protection juridique de la vie privée et de la confidentialité en droit canadien

4. Principes de la vie privée

5. Les limites de la vie privée et de la confidentialité des renseignements médicaux

6. Le secret professionnel à l’égard du patient et la protection des tiers

7. La protection de la vie privée en droit québécois

VIH/sida etconfidentialité

des renseignements

médicaux

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Page 6: VIH/sida et confidentialité des renseignements médicaux · VIH/sida, l’élément le plus important est l’obliga-tion imposée à certaines personnes de respecter la confidentialité

vie privée ». Les renseignements médicaux se voientaccorder un degré élevé de protection constitution-nelle en vertu de l’article 8 de la Charte. Dans l’af-faire R c. Plant (1993), la Cour suprême a écrit :

Étant donné les valeurs sous-jacentes de digni-té, d’intégrité et d’autonomie qu’il consacre, ilest normal que l’art. 8 de la Charte protège unensemble de renseignements biographiquesd’ordre personnel que les particuliers pour-raient, dans une société libre et démocratique,vouloir constituer et soustraire à la connais-sance de l’État. Il pourrait notamment s’agir derenseignements tendant à révéler des détailsintimes sur le mode de vie et les choix person-nels de l’individu.

La common law

La « common law » est un ensemble de droit qui aété élaboré au fil du temps par les décisions judici-aires. Elle se distingue du « droit législatif », quidésigne les lois adoptées par les législatures et lesrèglements pris par le pouvoir exécutif sous lerégime de ces lois. La common law reconnaît divers« délits ». Un « délit » est une faute civile (autrequ’une rupture de contrat) qui peut fonder une pour-suite en dommages-intérêts (par exemple la « négli-gence »). La mesure dans laquelle la common law areconnu les poursuites fondées sur des délits, commefaçon d’indemniser l’atteinte à la confidentialité desrenseignements médicaux, est limitée.

La common law ne s’applique pas au Québec,puisque le Québec a un code civil. Pour des ren-seignements particuliers sur la protection de la vieprivée au Québec, voir le feuillet 7, « La protectionde la vie privée en droit québécois ».Le délit d’« atteinte à la vie privée »Un « délit » est une faute civile (autre qu’une rupturede contrat) qui peut fonder une poursuite en dom-mages-intérêts. Ni la Cour suprême du Canada, niaucune cour d’appel provinciale n’a encore reconnuun délit d’« atteinte à la vie privée ». Bien qu’un cer-tain nombre de tribunaux inférieurs aient reconnu ledélit d’atteinte à la vie privée, les poursuivants ne sesont fait adjuger que des dommages-intérêts symbo-liques ou modestes. Au Canada, pour indemniser lespersonnes victimes d’atteinte à la vie privée, lesjuges ont eu tendance à s’appuyer sur les délits exis-tants, comme les délits de négligence, de nuisance,de violation de propriété, ou de diffamation.

L’obligation fiduciaire de confidentialité des professionnels de la santéLes professionnels de la santé ont à l’égard de leurspatients l’obligation « fiduciaire » de respecter lesecret de leurs confidences. Le droit impose uneobligation fiduciaire lorsqu’une personne (p. ex. lemédecin) doit agir au mieux des intérêts d’une autrepersonne (p. ex. le patient) en raison de la relationentre elles. Le droit exige que le fiduciaire respectedes normes strictes de conduite.

Dans l’affaire McInerneyc. MacDonald(1992), laCour suprême a statué qu’une caractéristique fonda-mentale de la relation médecin-patient est sa naturefiduciaire, qui amène le patient à accorder sa confi-ance au médecin. Le médecin a l’obligation d’agiravec la plus entière bonne foi, en toute loyauté, et derespecter la nature confidentielle des renseignementsqu’il a reçus du patient ou sur lui. D’autres profes-sionnels de la santé (par exemple les infirmières, lespsychologues et les dentistes) peuvent avoir uneobligation fiduciaire envers leurs patients dans cer-taines situations.

Lorsqu’un médecin viole son obligation fiduciaireen trompant la confiance d’un patient, le patient peutle poursuivre. Pour prouver qu’il y a eu abus deconfiance, le patient doit établir : (1) que les ren-seignements communiqués étaient confidentiels;(2) qu’ils avaient été confiés à titre confidentiel;(3) que le médecin les a utilisés à des fins abusives.

Le droit de poursuivre selon la législation provinciale :lois générales concernant la protection de la vie privée

Quatre provinces de common law (Colombie-Britan-nique, Manitoba, Saskatchewan et Terre-Neuve) ontadopté des lois générales concernant la protection dela vie privée qui accordent un droit de poursuivre pourdes violations du droit à la vie privée. Habituellement,les lois prévoient que « constitue un délit, qui donneouverture à des poursuites sans la preuve d’un préju-dice, le fait, pour une personne, délibérément et sansprétendre à un droit, de violer la vie privée d’uneautre ». Peu de poursuites judiciaires ont été engagéesselon ces lois provinciales. Lorsque des poursuitesont été entreprises, les demandeurs ont perdu dansenviron trois cas sur quatre. Lorsque le demandeur agagné, le montant des dommages-intérêts n’a été quesymbolique, ou modeste.

LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE ET DE LA CONFIDENTIALITÉ EN DROIT CANADIEN

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Cette série de feuillets est tirée du document La protection de la vie privée et la communication de renseignements personnels sur la santé : Questions juridiques pour les personnesvivant avec le VIH/sida au Canada, préparé par le Réseau juridique canadien VIH/sida. Le document et les feuillets sont téléchargeables à www.aidslaw.ca et disponibles auprèsdu Centre canadien d’information sur le VIH/sida (courriel : [email protected]). On peut en faire des copies, à condition de ne pas les vendre et de préciser que la source del’information est le Réseau juridique canadien VIH/sida. Pour information : [email protected]. This info sheet is also available in English.

Financé par Santé Canada, dans le cadre de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida. Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pasnécessairement les opinions ou politiques du ministre de la Santé. © Réseau juridique canadien VIH/sida, 2002-2004.

Les lois qui régissent en particulier les professionnels de la santé et les établissements de santé

Certaines lois provinciales qui régissent les profes-sions et établissements de la santé leur imposentl’obligation de respecter le secret des renseignementsconcernant les patients ou les personnes qui séjour-nent dans ces établissements. Ces lois s’appliquentnotamment aux médecins, infirmières, dentistes,hôpitaux et centres de soins. En général, ces loisreconnaissent aussi des exceptions à l’obligation desecret professionnel, permettant au professionnel ouà l’établissement de divulguer les renseignementsconfidentiels sur les patients dans certaines situa-tions.

Lorsqu’un professionnel de la santé viole l’obliga-tion envers le patient de respecter le secret profes-sionnel, le patient peut déposer une plainte auprès del’organisme de réglementation du professionnel. Lesorganismes de réglementation des professions n’ontpas le pouvoir d’accorder des dommages-intérêts àun patient. Ils ont le pouvoir d’imposer des mesuresdisciplinaires à des professionnels de la santé dansles cas d’incompétence ou d’inconduite, et ils peu-vent imposer des sanctions, comme la révocation, lasuspension, l’assujettissement du permis d’exerciceau respect de conditions, la réprimande ou uneamende.

Les lois provinciales sur la protectiondes renseignements personnels

Quatre provinces (l’Alberta, la Colombie-Britan-nique, le Manitoba et la Saskatchewan) ont adoptédes lois qui protègent les renseignements médicaux.Ces lois sont examinées de façon plus détaillée dansle feuillet 5, « Les limites de la vie privée et de laconfidentialité des renseignements médicaux ».

La Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE)

L’objet de la LPRPDE est de réglementer la collecte,l’utilisation et la communication de renseignementspersonnels par des organisations qui poursuivent desactivités commerciales. C’est la première loi fédéraled’application générale qui réglemente les pratiquesdes entreprises privées en ce qui a trait à la protectiondes renseignements et du droit à la vie privée. Les arti-cles de la LPRPDE qui s’appliquent aux renseigne-ments médicaux sont entrées en vigueur le 1er janvier2002. À compter du 1er janvier 2004, la LPRPDEs’applique aux activités commerciales qui relèvent dela compétence provinciale et territoriale, sauf si laprovince ou le territoire a adopté une loi « essentielle-ment similaire » à la LPRPDE et a été exempté del’application de la LPRPDE par un décret du cabinetfédéral. Jusqu’à maintenant, seul le Québec a étéexempté.

Il n’est pas certain que la LPRPDE soit applicableau secteur de la santé financé par l’État (c’est-à-direaux renseignements personnels médicaux en la pos-session d’hôpitaux publics) et aux professionnels dela santé qui exercent en cabinet privé.

LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE ET DE LA CONFIDENTIALITÉ EN DROIT CANADIEN

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Le Code type de la CSA sur la protection des renseignements personnels

L’Association canadienne de normalisation (CSA) estun organisme sans but lucratif constitué de membres.Elle œuvre au Canada et dans le monde, à élaborer desnormes qui répondent à des besoins tels l’améliorationde la santé et de la sécurité publiques. Elle tente d’ac-croître la qualité de vie des gens, de contribuer à la pro-tection de l’environnement et de faciliter les échangescommerciaux. En 1996, elle a publié le Code type sur laprotection des renseignements personnels, dont les dixprincipes fondamentaux s’appliquent aux organismesqui recueillent des renseignements personnels.1. Responsabilité

Un organisme est responsable des renseignementspersonnels dont il a la gestion et doit désigner despersonnes qui devront veiller à ce qu’il respecte lesprincipes.

2. Fins de la collecteUne personne doit être informée des fins auxquellesdes renseignements à son sujet sont recueillis et ce,avant la collecte de ceux-ci.

3. Consentement Un organisme ne peut recueillir, utiliser ou commu-niquer de renseignements personnels sans la con-naissance et le consentement de la personne à qui lesrenseignements se rapportent, sauf lorsqu’il estimpossible, irréalisable ou inapproprié d’obtenir sonconsentement.

4. Limitation de la collecteUn organisme ne peut recueillir que les renseigne-ments personnels qui sont nécessaires à la réalisationdes fins déterminées par l’organisme. Les renseigne-ments doivent être recueillis par des moyens hon-nêtes et licites.

5. Limitation de l’utilisation, de la communicationet de la conservationUn organisme ne peut utiliser ou communiquer desrenseignements personnels pour des fins autres quecelles auxquelles ils ont été recueillis, à moins que lapersonne concernée y consente ou que la loi l’exige.On ne doit conserver les renseignements personnelsqu’aussi longtemps que nécessaire pour la réalisa-tion des fins déterminées.

6. ExactitudeLes renseignements personnels doivent être aussiexacts, complets et à jour que l’exigent les fins aux-quelles ils sont destinés.

7. Mesures de sécuritéLes renseignements personnels doivent être protégésau moyen de mesures de sécurité correspondant àleur degré de sensibilité.

Principes de la vie privée

Ce feuillet examine les principes généraux qui devraient sous-tendrela législation qui protège le droit à la vie privée, relativement aux ren-seignements personnels, y compris les renseignements médicaux. Il

explique la portée que ces principes devraient avoir dans la législationqui protège la vie privée des personnes vivant avec le VIH/sida.

Ce feuillet fait partie d’une série de sept sur le VIH/sida et la confidentialité des renseignements médicaux.

1. L’importance de la confidentialité des renseignements médicaux pour les personnes qui vivent avec le VIH/sida

2.Vie privée, secret professionnel et privilège :des concepts juridiques apparentés

3. La protection juridique de la vie privée et de la confidentialité en droit canadien

4. Principes de la vie privée

5. Les limites de la vie privée et de la confidentialité des renseignements médicaux

6. Le secret professionnel à l’égard du patient et la protection des tiers

7. La protection de la vie privée en droit québécois

VIH/sida etconfidentialité

des renseignements

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8. TransparenceUn organisme doit faire en sorte que desrenseignements précis sur ses politiques et sespratiques concernant la manière dont il gère lesrenseignements personnels soient facilementaccessibles à toute personne.

9. Accès aux renseignements personnelsSur demande, une personne doit être informée del’existence de renseignements personnels qui laconcernent, de l’usage qui en est fait et du fait, lecas échéant, qu’ils ont été communiqués à destiers. Elle doit pouvoir consulter ces renseigne-ments et elle a le droit de contester l’exactitude etl’intégralité des renseignements et d’y faireapporter les corrections appropriées.

10. Possibilité de porter plainte Une personne a le droit de contester le non-respect de ces principes par l’organisme en por-tant plainte à la personne responsable de fairerespecter ces principes par l’organisme.

Les dix principes dans la législationLa Loi fédérale sur la protection des renseigne-ments personnels et les documents électroniques(LPRPDE) comprend des protections de la vie privéefondées sur le Code type de la CSA. Les dix princi-pes sont compris dans une annexe à la LPRPDE. Deplus, certaines provinces ont incorporé des principesdu Code type dans des lois sur la confidentialité desrenseignements médicaux.

L’application des principes aux personnes qui vivent avec le VIH/sida :comment la loi devrait-elle traiter la divulgation non autorisée? Une personne a le droit de savoir qui recueille desrenseignements personnels à son sujet, quand cesrenseignements sont recueillis, comment ils serontutilisés et conservés, quand et comment ils serontcommuniqués et comment y avoir accès.

Dans certaines situations, il est peut-être impossi-ble, irréalisable ou non approprié qu’un organismeobtienne le consentement d’une personne avant decommuniquer des renseignements médicaux à sonsujet. Par exemple, dans certaines situations, la loiautoriseune personne ou un organisme – ou l’oblige

– à communiquer des renseignements sur cette per-sonne sans son consentement. Dans ces situationsexceptionnelles, la personne ou l’organisme qui pos-sède ces renseignements doit prendre des mesurespour empêcher, autant que possible, tout préjudicepossible de cette communication non autorisée.

Le Code type de la CSA peut servir de guide pourlimiter la possibilité que les personnes qui viventavec le VIH/sida subissent un préjudice à la suite dela divulgation de leurs renseignements médicaux. Àcette effet, les principes qui devraient guider toutedivulgation non autorisée mais permise par la loi sontles suivants :

Premièrement, en règle générale, la personne oul’organisme qui possède les renseignements doitaviser la personne qui vit avec le VIH/sida de ladivulgation prévue. Cela donne à cette dernière lapossibilité de s’opposer formellement à la divulga-tion avant qu’elle n’ait lieu.

Deuxièmement, avant que les renseignements nesoient communiqués, la personne qui les possèdedoit faire de son mieux pour qu’ils soient complets,exacts et non trompeurs. Les renseignements doiventêtre fournis à la personne qui vit avec le VIH/sidapour qu’elle puisse les vérifier et les rectifier, sinécessaire.

Troisièmement, la divulgation doit être limitée à laquantité de renseignements nécessaires pour réaliserles fins pour lesquelles elle a lieu.

Quatrièmement, si possible, les communicationssans le consentement de l’intéressé doivent se limiteraux renseignements qui serviront à la fin pertinente,sans identifier la personne qui vit avec le VIH/sida.

Cinquièmement, le dépositaire doit avoir l’obliga-tion de tenir un registre de toutes ses communica-tions de renseignements médicaux à des tiers.

Sixièmement, la législation qui permet à certainespersonnes de divulguer des renseignements person-nels sans consentement doit être exhaustive. Les pro-fessionnels de la santé, administrateurs d’hôpitaux etautres personnes qui possèdent des renseignementsmédicaux personnels ne doivent pas se faire donnerle pouvoir de divulguer les renseignements sans con-sentement dans d’autres situations que celles qui ontété prévues par le législateur.

Le septièmeet dernier principe est que les loisdoivent prévoir les plus solides mécanismes de pro-tection des renseignements médicaux personnels despersonnes qui vivent avec le VIH/sida.

PRINCIPES DE LA VIE PRIVÉE

Pour plus renseignements sur le Code type de la CSA :www.csa.ca/standards/privacy/Default.asp?language=French

Cette série de feuillets est tirée du document La protection de la vie privée et la communication de renseignements personnels sur la santé : Questions juridiques pour les personnesvivant avec le VIH/sida au Canada, préparé par le Réseau juridique canadien VIH/sida. Le document et les feuillets sont téléchargeables à www.aidslaw.ca et disponibles auprèsdu Centre canadien d’information sur le VIH/sida (courriel : [email protected]). On peut en faire des copies, à condition de ne pas les vendre et de préciser que la source del’information est le Réseau juridique canadien VIH/sida. Pour information : [email protected]. This info sheet is also available in English.

Financé par Santé Canada, dans le cadre de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida. Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pasnécessairement les opinions ou politiques du ministre de la Santé. © Réseau juridique canadien VIH/sida, 2002-2004.

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Des intérêts sociaux et communautaires concurrents

Le droit à la vie privée et l’obligation de respecterle secret professionnel ne sont pas absolus.D’autres valeurs et intérêts sociaux et communau-taires peuvent faire échec au droit des personnes àla vie privée et à l’obligation correspondante derespecter le secret professionnel. Par exemple, onpeut considérer que l’objectif de freiner la trans-mission du VIH, ou la recherche de traitementsplus efficaces du VIH/sida sont des objectifs plusimportants que la protection absolue de la confi-dentialité des renseignements médicaux des per-sonnes qui vivent avec le VIH/sida. Un conseillerou un professionnel de la santé pourrait divulguerla séropositivité d’un client pour empêcher qu’untiers subisse un préjudice. La recherche de la véritédans des enquêtes criminelles, et dans des pour-suites judiciaires criminelles et civiles, peut néces-siter la divulgation de renseignements sur l’état desanté d’une personne, y compris sa séropositivitéau VIH. La loi reconnaît ces objectifs concurrentset exige ou autorise la divulgation de renseigne-ments médicaux sans consentement, dans certainescirconstances.

La divulgation obligatoire dans le cadre d’enquêtes et de poursuites judiciaires

Les enquêtes et les poursuites judiciaires sont unemenace potentielle pour la confidentialité des ren-seignements médicaux de personnes qui viventavec le VIH/sida. Dans les enquêtes et les pour-suites judiciaires, les tribunaux peuvent ordonnerla divulgation de renseignements médicaux per-sonnels sans le consentement de la personneintéressée. La loi peut également donner auxenquêteurs de l’administration, aux décideurs etaux tribunaux administratifs le pouvoir d’ordonnerune telle divulgation. Les enquêtes et la présenta-tion d’éléments de preuve dans les poursuitesjudiciaires (criminelles, civiles et réglementaires)peuvent donner lieu à la divulgation de renseigne-ments médicaux confidentiels sur des personnesqui vivent avec le VIH/sida.

Le Code criminel, les lois concernant la santépublique et d’autres lois autorisent la police oud’autres représentants de l’État à perquisitionneret à saisir des renseignements de nature privéesans le consentement de la personne à laquelle ilsse rapportent. Le fait qu’une personne soitengagée dans une procédure judiciaire ne luidonne pas droit à plus de protections en ce qui atrait à la vie privée. Au contraire, les subpoenas etles assignations à comparaître décernés dans lesprocédures civiles et criminelles obligent les

Les limites de la vie privée et de

la confidentialité desrenseignements

médicauxCe feuillet identifie les autres valeurs qui sont en concurrence avec ledroit à la vie privée et comment il arrive que la loi exige ou autorisela communication de renseignements médicaux confidentiels d’unepersonne sans son consentement. Il recommande que les lois qui

créent un pouvoir discrétionnaire de communiquer les renseignementsmédicaux sans le consentement de l’intéressé soient limitées demanière à bien protéger le droit fondamental à la vie privée.

Ce feuillet fait partie d’une série de sept sur le VIH/sida et la confidentialité des renseignements médicaux.

1. L’importance de la confidentialité des renseignements médicaux pour les personnes qui vivent avec le VIH/sida

2.Vie privée, secret professionnel et privilège :des concepts juridiques apparentés

3. La protection juridique de la vie privée et de la confidentialité en droit canadien

4. Principes de la vie privée

5. Les limites de la vie privée et de la confidentialité des renseignements médicaux

6. Le secret professionnel à l’égard du patient et la protection des tiers

7. La protection de la vie privée en droit québécois

VIH/sida etconfidentialité

des renseignements

médicaux

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personnes concernées à se présenter au tribunal pourtémoigner ou produire des documents. Par consé-quent, des renseignements par ailleurs confidentielspeuvent entrer dans le domaine public et être ainsiexposés à un risque important de diffusion, parexemple dans les médias. Dans certaines situations,il peut être possible de faire en sorte qu’un tribunaljudiciaire ou administratif ordonne la non-publica-tion de certains renseignements afin de protéger lesdroits légitimes d’une personne à la vie privée.

Clauses de divulgation discrétionnaire

Quatre provinces (Alberta, Colombie-Britannique,Manitoba et Saskatchewan) ont adopté des lois quiprotègent la confidentialité des renseignementsmédicaux. La Health Information Act de l’Alberta etla Loi sur les renseignements médicaux personnelsdu Manitoba s’appliquent aux renseignements médi-caux en particulier. La Personal Information PrivacyAct de la Colombie-Britannique s’applique à tous lesrenseignements personnels. La Health InformationProtection Act de la Saskatchewan ne s’appliquequ’aux renseignements médicaux, mais elle n’est pasencore en vigueur.

Ces lois réglementent la collecte, l’utilisation et lacommunication des renseignements médicaux per-sonnels. Elles renferment des dispositions de« divulgation discrétionnaire ». Ces dispositionspermettent aux personnes qui possèdent des ren-seignements médicaux de les divulguer, dans cer-taines situations, sans le consentement de la person-ne à laquelle ils se rapportent :

1. pour contacter les parents ou les amis d’une per-sonne blessée ou malade;

2. à toute personne, si la divulgation permettrad’éviter ou de diminuer un danger imminentpour la santé ou la sécurité d’une personne;

3. lorsque la divulgation est nécessaire pourcontrôler, empêcher ou dénoncer l’utilisationfrauduleuse, abusive ou dangereuse de servicesde santé subventionnés par l’État;

4. pour déterminer ou vérifier l’admissibilité d’unepersonne à des soins ou avantages liés à la santéselon une loi provinciale ou fédérale;

5. pour tenir des enquêtes, audiences disciplinaires,examens ou inspections concernant des mem-bres d’une profession de la santé ou d’une disci-pline de la santé;

6. pour la surveillance de la santé publique, la ges-tion du système de santé, l’élaboration de poli-tiques de santé, la planification, et l’allocationdes ressources;

7. pour les fins de la recherche;8. à une prison, un pénitencier ou un autre éta-

blissement où une personne est légitimementdétenue, lorsque la divulgation vise à favoriserson accès à des services de santé;

9. dans le contexte de procédures judiciaires ouadministratives où la personne qui possède lesrenseignements est directement impliquée;

10. à un service de police municipal ou provincialdans le but de mener une enquête sur une infrac-tion commise en vertu d’une loi du Canada, d’uneprovince ou d’un territoire.

Recommandations de réforme

Plusieurs de ces dispositions de divulgation discré-tionnaire portent atteinte aux droits à la vie privée depersonnes qui vivent avec le VIH/sida ou sapentl’obligation de garder le secret professionnel à l’égardde ces personnes. Dans certains cas, les lois relativesaux renseignements médicaux protègent moins bien lavie privée et le secret professionnel que les tribunauxl’ont fait dans des situations similaires. En outre, denombreuses dispositions de divulgation discrétion-naire ne respectent pas des principes de vie privécouramment admis.

Les gouvernements provinciaux et territoriauxdevraient modifier (ou édicter) des lois de manière àlimiter les dispositions de divulgation discrétionnaire.Quiconque possède des renseignements médicaux surquelqu’un ne devrait avoir le droit de les divulguersans son consentement exprès et éclairé que dans dessituations exceptionnelles et bien circonscrites. Leslois applicables aux renseignements médicaux per-sonnels devraient accorder au moins les protectionsque garantissent la Charte canadienne et la commonlaw actuelle (ou, au Québec, la Charte des droits etlibertés de la personne et le Code civil).

Les recommandations particulières suivantes sontfaites relativement aux clause de divulgation discré-tionnaire dans les lois sur la confidentialité des ren-seignements médicaux :

• les lois devraient comprendre des dispositions dedéclaration d’objet, des principes directeurs et desprocédures concernant la divulgation, relativementaux dispositions de divulgation discrétionnaire;

• les professions de la santé doivent renseigner leursmembres sur leurs obligations juridiques et déon-tologiques relatives au respect de la vie privée etau secret professionnel; les clauses autorisant ladivulgation dans les enquêtes et les poursuitesjudiciaires devraient être supprimées;

LIMITES DE LA VIE PRIVÉE ET DE LA CONFIDENTIALITÉ DES RENSEIGNEMENTS MÉDICAUX

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Cette série de feuillets est tirée du document La protection de la vie privée et la communication de renseignements personnels sur la santé : Questions juridiques pour les personnesvivant avec le VIH/sida au Canada, préparé par le Réseau juridique canadien VIH/sida. Le document et les feuillets sont téléchargeables à www.aidslaw.ca et disponibles auprèsdu Centre canadien d’information sur le VIH/sida (courriel : [email protected]). On peut en faire des copies, à condition de ne pas les vendre et de préciser que la source del’information est le Réseau juridique canadien VIH/sida. Pour information : [email protected]. This info sheet is also available in English.

Financé par Santé Canada, dans le cadre de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida. Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pasnécessairement les opinions ou politiques du ministre de la Santé. © Réseau juridique canadien VIH/sida, 2002-2004.

• les dispositions qui permettent la divulgationpour empêcher qu’un préjudice soit causé à destiers doivent respecter les principes énoncés par laCour suprême du Canada dans l’arrêt Smith c.Jones[décrits dans le feuillet 6, « Le secret pro-fessionnel à l’égard du patient et la protection destiers »];

• les audits et les examens d’assurance de la qualitédoivent être réalisés sans renseignements nomina-tifs de patients ou de clients;

• seuls les renseignements médicaux personnels nonnominatifs doivent être communiqués entre lesadministrations fédérales/provinciales/territorialespour des objectifs d’ordre public;

• il devrait être interdit aux gardiens de la santé dedivulguer des renseignements médicaux à lafamille et aux amis d’un patient sans le consente-ment d’une personne compétente, sauf dans les casoù la personne est autorisée par la loi à prendre desdécisions à la place de l’autre.

LIMITES DE LA VIE PRIVÉE ET DE LA CONFIDENTIALITÉ DES RENSEIGNEMENTS MÉDICAUX

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L’obligation déontologique de garder le secret professionnel

Les professionnels de la santé ont l’obligationdéontologique de garder le secret professionnel àl’égard de leurs patients. En vertu des codes dedéontologie des diverses professions de la santé,l’obligation de garder le secret professionnelenvers le patient est sacrée. Lorsqu’une personnedevient médecin, elle prononce le sermentd’Hippocrate, qui comprend l’obligation suivante :

Tout ce que je verrai ou entendrai autour demoi, dans l’exercice de mon art ou hors demon ministère, et qui ne devra pas être divul-gué, je le tairai et le considérerai comme unsecret.

Le Code de déontologie de l’Association médicalecanadienne impose l’obligation suivante auxmédecins :

Respecter le droit du patient à la confidenti-alité, sauf lorsque ce droit entre en conflit avecvotre responsabilité devant la loiou lorsque lemaintien de la confidentialité risquerait decauser un préjudice graveà des tiers ou à unpatient inapte. Il faut alors prendre toutes lesmesures raisonnables pour prévenir le patientdu bris de la confidentialité. [italiques ajoutés]

Dans les deux situations mentionnées (responsabi-lité devant la loi et risque de préjudice grave), leCode de déontologie de l’AMC exige que lemédecin prenne toutes les mesures raisonnablespour aviser le patient que l’obligation de garder lesecret professionnel sera violée.

L’obligation juridique de garder le secret professionnel

Au Canada, les médecins ont une obligationjuridique de garder le secret professionnel àl’égard de leurs patients. Cette obligation a étéreconnue en common law par les tribunaux et elleest également énoncée dans des lois provinciales.

Dans l’affaire McInerney c. MacDonald(1992),la Cour suprême du Canada a affirmé que la carac-téristique fondamentale de la relation médecin-patient est sa nature fiduciaire, qui amène lepatient à accorder sa confiance au médecin. Lemédecin a l’obligation d’agir avec la plus entièrebonne foi et en toute loyauté, et de respecter lanature confidentielle des renseignements qu’il areçus du patient ou à son sujet. L’obligation fidu-ciaire décrite dans l’affaire McInerneyétait limi-tée à la relation médecin-patient. Toutefois, il n’ya en principe pas de raison qu’elle ne s’appliquepas aux autres professionnels de la santé comme

Le secret professionnel à l’égard

du patient et la protection des tiers

Ce feuillet décrit l’obligation déontologique et juridique qui incombeaux professionnels de la santé de garder confidentiels les renseigne-ments des patients, et comment cette obligation peut parfois entrer

en conflit avec des obligations envers d’autres personnes.

Ce feuillet fait partie d’une série de sept sur le VIH/sida et la confidentialité des renseignements médicaux.

1. L’importance de la confidentialité des renseignements médicaux pour les personnes qui vivent avec le VIH/sida

2.Vie privée, secret professionnel et privilège :des concepts juridiques apparentés

3. La protection juridique de la vie privée et de la confidentialité en droit canadien

4. Principes de la vie privée

5. Les limites de la vie privée et de la confidentialité des renseignements médicaux

6. Le secret professionnel à l’égard du patient et la protection des tiers

7. La protection de la vie privée en droit québécois

VIH/sida etconfidentialité

des renseignements

médicaux

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les infirmières, les psychologues et les dentistes.En vertu des lois provinciales, les médecins, infir-

mières, dentistes et psychologues sont membres deprofessions auto-réglementées. D’autres profession-nels de la santé peuvent être auto-réglementés. Lesorganes directeurs de professions auto-réglementéesse voient conférer le pouvoir d’établir des normesprofessionnelles et d’accorder à leurs membres despermis d’exercice. Dans la plupart des provinces,l’obligation des professionnels de la santé de garderle secret professionnel à l’égard des patients estprévue par la loi. Par exemple, selon la Loi de 1991sur les médecins de l’Ontario, ce qui suit constitueune faute professionnelle :

Le fait de donner des renseignements sur l’étatd’un patient, ou sur n’importe quel servicerendu au patient, à une autre personne que lepatient ou son représentant autorisé, sauf avecle consentement du patient ou de son représen-tant autorisé ou lorsque la loi l’y oblige.

Au Québec, où s’applique le droit civil, le secret pro-fessionnel est protégé en vertu du Code civil, de laCharte québécoise des droits et libertés de la person-ne et de la Loi médicale.

Un professionnel de la santé qui viole le secret pro-fessionnel peut faire l’objet de sanctions disci-plinaires, en plus d’une poursuite par le patient.

Le secret professionnel et l’« excep-tion relative à la sécurité publique »

L’obligation des professionnels de la santé de garderle secret professionnel n’est pas absolue. Dans l’af-faire Smith c. Jones (1999), la Cour suprême duCanada a conclu que l’obligation du médecin degarder le secret professionnel faisait l’objet d’une« exception relative à la sécurité publique ». Lemédecin (ou conseiller, ou autre professionnel de lasanté) peut violer le secret professionnel auquel il esttenu envers un client ou un patient, lorsque :

1. une personne ou un groupe de personnes identifi-ables est clairement exposé à un danger;

2. le danger en est un de préjudice corporel grave oude mort;

3. le danger est imminent; et4. la divulgation envisagée est celle qui portera le

moins atteinte au droit à la vie privée de la per-sonne en cause.

Toutefois, le médecin n’est pas obligé par la loidevioler le secret professionnel même si ces quatrecritères sont remplis. Plutôt, on lui permetde le faire.

Au Québec, une exception relative à la sécuritépublique a été incorporée dans la loi.

La divulgation de renseignements confidentiels ausujet d’une personne pour atténuer ou prévenir unpréjudice à une autre est souvent appelée « obligationde mise en garde ». Utilisée de cette manière, laqualification d’« obligation de mise en garde » esttrompeuse. Il est plus juste de parler d’obligation deprendre des mesures raisonnables pour prévenirqu’un tiers subisse un préjudice. Le professionnel dela santé à qui un patient communique des renseigne-ments confidentiels peut être en mesure d’empêcherqu’un tiers connu subisse un préjudice en « mettanten garde » (autrement dit, en lui divulguant des ren-seignements directement) la personne qui risque desubir un préjudice. Toutefois, dans la plupart des cas,le professionnel de la santé peut empêcher le préju-dice, et ainsi s’acquitter de l’obligation qui peut luiincomber, en communiquant des renseignementsconfidentiels à quelqu’un d’autre que la personne quirisque de subir un préjudice.

Actuellement, il n’incombe aux professionnels de lasanté aucune obligation juridique claire de violer lesecret professionnel pour empêcher qu’un tierssubisse un préjudice. En outre, la jurisprudence cana-dienne ne fait état d’aucun cas où un professionnel dela santé a été condamné à payer des dommages-intérêts dans une poursuite intentée parce qu’il auraitomis de le faire. Toutefois, l’état du droit n’est pasfixé sur cette question. Il ressort de divers jugementsque dans certaines situations, un tribunal pourraitstatuer que le professionnel de la santé était juridique-ment tenu de violer le secret professionnel pourempêcher qu’un tiers subisse un préjudice.

La prévention de la transmission duVIH et le secret professionnelL’obligation juridique et déontologique de garder lesecret professionnel peut entrer en conflit avecl’obligation déontologique de prendre des mesurespour empêcher un préjudice. Pour un professionnel dela santé qui prend soin d’une personne qui vit avec leVIH/sida, le conflit peut survenir lorsque cette per-sonne a des comportements qui risquent de transmet-tre le VIH à une autre personne (p. ex. en ayant desrelations sexuelles anales ou vaginales non protégées,ou en partageant du matériel pour l’injection dedrogue). Si le professionnel de la santé prend desmesures pour avertir un partenaire sexuel ou un parte-naire d’injection, il viole le secret professionnel. Si lapersonne qui vit avec le VIH/sida met fin à la relationavec cet intervenant parce qu’il a violé le secret

LE SECRET PROFESSIONNEL À L’ÉGARD DU PATIENT ET LA PROTECTION DES TIERS

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Cette série de feuillets est tirée du document La protection de la vie privée et la communication de renseignements personnels sur la santé : Questions juridiques pour les personnesvivant avec le VIH/sida au Canada, préparé par le Réseau juridique canadien VIH/sida. Le document et les feuillets sont téléchargeables à www.aidslaw.ca et disponibles auprèsdu Centre canadien d’information sur le VIH/sida (courriel : [email protected]). On peut en faire des copies, à condition de ne pas les vendre et de préciser que la source del’information est le Réseau juridique canadien VIH/sida. Pour information : [email protected]. This info sheet is also available in English.

Financé par Santé Canada, dans le cadre de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida. Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pasnécessairement les opinions ou politiques du ministre de la Santé. © Réseau juridique canadien VIH/sida, 2002-2004.

professionnel, il est probable que sa santé soit com-promise. De plus, le professionnel de la santé ne seraplus en mesure d’aider son patient à changer soncomportement et ainsi empêcher ou réduire le risquede transmission du VIH.

Les professionnels de la santé devraient envisagerl’élaboration de politiques et de lignes directrices surle counselling des personnes séropositives et la

confidentialité des renseignements médicaux. Cespolitiques et lignes directrices devraient clairementénoncer les sources, la portée et les limites de l’obli-gation de garder le secret professionnel qui incombeau professionnel de la santé. Ces lignes directricesdevraient être fournies aux personnes qui vivent avecle VIH/sida dès le début de la relation entre le profes-sionnel de la santé et le patient.

LE SECRET PROFESSIONNEL À L’ÉGARD DU PATIENT ET LA PROTECTION DES TIERS

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La Charte canadienne des droits et libertés, quiprotège le droit à la vie privée, s’applique auQuébec. Comme les autres provinces et territoires,le Québec a édicté des protections de la vie privéedans des lois qui régissent des professionnels de lasanté et des établissements de santé en particulier.Pour plus de renseignements sur la Charte canadi-enne et les lois qui régissent les professionnels etétablissements de santé en particulier, voir le feuil-let 3, « La protection juridique de la vie privée etde la confidentialité en droit canadien ». Toutefois,le Québec a également adopté d’autres lois quiprotègent le droit à la vie privée des gens, y com-pris leurs renseignements médicaux.

Le Code civil du Québec

La common law (y compris les délits de commonlaw concernant l’atteinte à la vie privée et l’abus deconfiance) ne s’applique pas au Québec. LeQuébec est la seule province de droit civil auCanada, régi par le Code civil du Québec. Le Codecivil s’applique aux personnes et aux biens. C’estle fondement de toutes les autres lois adoptées parl’assemblée législative du Québec, bien qued’autres lois peuvent le compléter ou y apporterdes exceptions.

Le Code civil comprend un chapitre sur lerespect de la réputation et de la vie privée, quicommence ainsi : « Personne ne peut porteratteinte à la vie privée d’une personne sans le con-sentement de cette personne ou sans que la loi l’yautorise ». L’utilisation de la correspondance, desmanuscrits, ou d’autres documents personnelsd’une personne sans son consentement est consi-dérée comme une atteinte à la vie privée. Le Codecivil accorde aux gens le droit de consulter, decopier et de rectifier les dossiers qui contiennentdes renseignements à leur sujet. Il accorde un droitde poursuite au civil qui équivaut à l’action fondéesur le délit de négligence de la common law. LeCode civil renferme également une règle depreuve qui protège les renseignements soumis ausecret professionnel contre leur utilisation enpreuve dans une instance judiciaire.

La Charte québécoise des droits etlibertés de la personne

La Charte québécoise des droits et libertés de lapersonne, comme les codes et lois sur les droits dela personne des autres provinces, revêt un caractère« quasi-constitutionnel ». Cela veut dire qu’elle estplus importante que les lois ordinaires adoptées parla législature. Une loi ne peut porter atteinte auxdroits et libertés garantis dans la Charte des droits

La protection de la vie privée

en droit québécois

Le droit québécois offre des protections uniques et importantes dudroit à la vie privée. Le Québec est la seule province à s’être dotéed’une loi applicable au secteur privé comme au secteur public, qui

protège les renseignements personnels, y compris les renseignementsmédicaux. Ce feuillet explique quelques-unes des caractéristiques

particulières des lois québécoises qui protègent la vie privée.

Ce feuillet fait partie d’une série de sept sur le VIH/sida et la confidentialité des renseignements médicaux.

1. L’importance de la confidentialité des renseignements médicaux pour les personnes qui vivent avec le VIH/sida

2.Vie privée, secret professionnel et privilège :des concepts juridiques apparentés

3. La protection juridique de la vie privée et de la confidentialité en droit canadien

4. Principes de la vie privée

5. Les limites de la vie privée et de la confidentialité des renseignements médicaux

6. Le secret professionnel à l’égard du patient et la protection des tiers

7. La protection de la vie privée en droit québécois

VIH/sida etconfidentialité

des renseignements

médicaux

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et libertés de la personne, à moins que la législaturen’affirme expressément que la loi s’applique malgréla Charte. [Remarque : La Charte québécoise est dis-tincte de la Charte canadienne (qui s’appliquepartout au pays et fait partie de la constitution duCanada) et elle ne la remplace pas.]

La Charte québécoise se distingue des codesprovinciaux et des lois canadiennes concernant lesdroits de la personne, car elle protège explicitementle droit à la vie privée. L’article 5 stipule : « Toutepersonne a droit au respect de sa vie privée »; l’arti-cle 9 : « Chacun a droit au respect du secret profes-sionnel ». L’article 9 établit également une obliga-tion de garder le secret professionnel en ce qui a traitaux renseignements donnés aux professionnels, cequi doit comprendre les professionnels de la santé :

Toute personne tenue par la loi au secret pro-fessionnel et tout prêtre ou autre ministre duculte ne peuvent, même en justice, divulguer lesrenseignements confidentiels qui leur ont étérévélés en raison de leur état ou profession, àmoins qu’ils n’y soient autorisés par celui quileur a fait ces confidences ou par une disposi-tion expresse de la loi. Le tribunal doit, d’office,assurer le respect du secret professionnel.

La Commission des droits de la personne et desdroits de la jeunesse du Québec se voit conférer lepouvoir d’enquêter sur les violations de la vie privéeet de favoriser le règlement des plaintes. En l’ab-sence de règlement, un tribunal peut tenir une audi-ence et ordonner la cessation de la violation du droità la vie privée. Le tribunal peut également accorderune indemnisation pour le préjudice moral etmatériel subi. De plus, le tribunal peut accorder desdommages-intérêts exemplaires dans les cas d’at-teinte illégale et délibérée.

Les tribunaux du Québec ont considéré que lesecret professionnel était un privilège relatif et nonabsolu, et ils ont utilisé leur discrétion pour ordon-ner la divulgation de communications entremédecins et clients, dans l’intérêt de la justice. Il estimportant de noter que la protection du secret pro-fessionnel entre le médecin et son client, reconnueen droit québécois, ne s’applique pas dans les pour-suites criminelles. Au Canada, le droit criminel estun domaine de compétence fédérale et le droit cri-minel fédéral ne reconnaît pas le privilège de la rela-tion entre le médecin et son patient. En fin decompte, le droit québécois régissant le secret profes-sionnel entre le médecin et son client n’est pas trèsdifférent de celui des autres provinces du Canada.

La protection de la vie privée et le secteur public

Comme son titre l’indique, la Loi sur l’accès auxdocuments des organismes publics et sur la protectiondes renseignements personnels s’applique aux orga-nismes publics québécois, y compris aux établisse-ments de santé et de services sociaux régis par untexte de loi et aux établissements privés régis demanière similaire et dont les activités sont financéespar l’État. La Loi régit l’accès aux documents quepossèdent les organismes publics ainsi que la collecte,la conservation et l’utilisation des renseignements per-sonnels. Elle confère aussi des pouvoirs à une com-mission chargée d’administrer les dispositions de laLoi concernant l’accès à l’information et la protectionde la confidentialité.

Le système de protection des renseignements per-sonnels définit l’expression « renseignements nomi-natifs » comme des renseignements qui ne sont paspublics et qui permettent d’identifier la personne. Enrègle générale, un organisme public ne peut commu-niquer de renseignements nominatifs sans le consen-tement de la personne concernée. Toutefois, la Loireconnaît des exceptions à cette règle, où des ren-seignements nominatifs peuvent être communiqués àun organisme public sans le consentement de l’in-téressé.

La protection de la vie privée et le secteur privé

Les obligations du secteur privé de protéger la confi-dentialité des renseignements personnels sont énon-cées dans la Loi sur la protection des renseignementspersonnels dans le secteur privé. Cette loi établit desrègles concernant les renseignements personnelsqu’une personne recueille, conserve, utilise, ou com-munique à des tiers dans l’exploitation des affairesd’une entreprise. L’entreprise désigne l’exercice d’uneactivité économique, y compris les entreprises quifournissent des services de santé. La loi a pour but degarantir aux personnes les droits à la vie privée prévusaux articles 35 à 41 du Code civil.

Toute personne qui exploite une entreprise quirecueille, détient, utilise ou communique des ren-seignements personnels sur d’autres personnes doitprendre et appliquer des mesures de sécurité propresà assurer le caractère confidentiel des renseigne-ments. En général, l’utilisation de renseignementscontenus dans le dossier d’une personne n’est per-mise que pour les fins pertinentes à l’objet du dossier,ou avec le consentement de la personne. Toutefois, la

LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE EN DROIT QUÉBÉCOIS

Page 18: VIH/sida et confidentialité des renseignements médicaux · VIH/sida, l’élément le plus important est l’obliga-tion imposée à certaines personnes de respecter la confidentialité

Cette série de feuillets est tirée du document La protection de la vie privée et la communication de renseignements personnels sur la santé : Questions juridiques pour les personnesvivant avec le VIH/sida au Canada, préparé par le Réseau juridique canadien VIH/sida. Le document et les feuillets sont téléchargeables à www.aidslaw.ca et disponibles auprèsdu Centre canadien d’information sur le VIH/sida (courriel : [email protected]). On peut en faire des copies, à condition de ne pas les vendre et de préciser que la source del’information est le Réseau juridique canadien VIH/sida. Pour information : [email protected]. This info sheet is also available in English.

Financé par Santé Canada, dans le cadre de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida. Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pasnécessairement les opinions ou politiques du ministre de la Santé. © Réseau juridique canadien VIH/sida, 2002-2004.

loi reconnaît des exceptions à cette règle et énoncecertaines situations où une personne qui exploite uneentreprise peut, dans certaines circonstances, com-muniquer des renseignements contenus dans ledossier d’une personne sans son consentement. LaLoi contient également des protections concernantles listes nominatives (contenant les noms, adresses,ou numéros de téléphone de personnes physiques)utilisées à des fins commerciales ou philanthro-piques.

Les dispositions de divulgation discrétionnaireLes dispositions de divulgation discrétionnaire quel’on trouve dans la législation permettent aux person-nes qui possèdent des renseignements médicaux deles communiquer sans le consentement de l’intéressédans une vaste gamme de situations. Les lois québé-coises sur la protection des renseignements person-nels établissent un régime de clauses de divulgationdiscrétionnaire qui se distingue des autres loisprovinciales. Les lois québécoises contiennent moinsd’exceptions à la règle générale selon laquelle leconsentement est nécessaire à la divulgation; toute-fois, les exceptions sont rédigées en termes pluslarges. Dans certaines situations, des conditions

préalables doivent être remplies avant que des ren-seignements personnels puissent être communiqués.Dans d’autres situations, une commission doitapprouver une entente écrite avant la communicationdes renseignements. De plus, toutes les communica-tions de renseignements personnels par des orga-nismes publics doivent être consignées.

Parmi les lois provinciales actuelles et projetées quis’appliquent aux renseignements médicaux, ce sontles lois québécoises qui incorporent le mieux lesprincipes de la vie privée du Code type de la CSA etqui limitent dans la plus grande mesure la divulga-tion non autorisée des renseignements médicaux.Néanmoins, il y a encore place à l’amélioration de lalégislation québécoise pour qu’elle fournisse uneprotection complète de la confidentialité des ren-seignements médicaux des personnes qui vivent avecle VIH/sida.

Pour plus de renseignements sur les principes duCode type de la CSA, voir le feuillet 4, « Principesde la vie privée ». Pour plus de renseignements surles clauses de divulgation discrétionnaire, les pro-blèmes qu’elles posent et des recommandations deréforme, voir le feuillet 5, « Les limites de la vieprivée et de la confidentialité des renseignementsmédicaux ».

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