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LE PORT DE TANGER – MED
Un tournant dans les dynamiques de restructuration
des littoraux au Maroc
Le Maroc qui a renforcé ses structures portuaires héritées de l’époque coloniale,
par l’édification de nouveaux ports et l’extension d’autres, amorce une nouvelle étape
dans la restructuration des ses littoraux avec l’édification de nouvelles installations
portuaires à Tanger.
Le projet Tanger – Med qui consacre la tendance des ports marocains à se décrocher
des villes, pour une plus grande intégration dans les circuits ascendants du commerce
international, consacre, par la même occasion, le tournant amorcé depuis les années
70, en matière de repositionnement des installations portuaires dans la configuration
régionale et économique du pays.
Cette communication vise à examiner les principales dynamiques et logiques qui
président à cette évolution et qui sont à la base des processus de restructuration des
littoraux dans leur globalité et de leurs positionnements dans leurs environnements à
l’échelle régionale et nationale. Cette évolution qui s’opère dans un contexte fortement
marqué par la mondialisation, érige le projet Tanger – Med au rang d’un véritable
tournant dans la restructuration territoriale du Maroc et de ses liaisons extérieures.
1 - Tanger – Med : un tournant dans la conception des installations portuaires au Maroc
Par sa conception de plate forme portuaire de la dernière génération, le projet
Tanger – Med se présente en tant que choix du Maroc d’une plus grande intégration
internationale.
1 – 1 Un choix stratégique
Le projet Tanger - Med est une infrastructure fonctionnellement intégrée, et
stratégiquement positionnée sur le détroit de Gibraltar, à la croisée des plus grandes
routes maritimes et aux portes de l’Europe. C’est un projet d’envergure internationale
tablant sur un immense marché comprenant l’Europe de l’Ouest, l’Afrique de l’Ouest,
l’Afrique du Nord , ainsi que l’Amérique du Nord. Fig. n° 1 : La situation de Tanger – Med à l’échelle mondiale

De par sa conception, il se positionne comme une plate forme de dimension
internationale pour les activités de transbordement des conteneurs, qui ne cessent de se
développer, à travers le monde et plus particulièrement en Méditerranée. Ce choix se
justifie par le développement accru du commerce mondial, de la conteneurisation, de la taille
des navires , et la forte hausse du trafic mondial de conteneurs qui s’est faite au rythme
de 18 % par an entre 2000 et 2004.
Conçu pour accueillir les navires de la dernière génération, il est appelé à
fonctionner en tant que « hub » relié aux flux logistiques régionaux et mondiaux. , à
générer un trafic, à l’horizon 2020, de 3 millions d’EVP (conteneurs équivalent vingt pieds), à
drainer 1 milliard d’Euro d’investissements privés et de créer 145.000 emplois.
D’autre part, ce port constitue le point focal d’un grand projet de développement
du nord-ouest du Maroc autour duquel seront créées des zones franches de logistique,
industrielle et commerciale reliées par des infrastructures de connexion très variées :
�� 53 Km d’autoroute, reliant le port à l’autoroute Casablanca - Tanger ;
�� 45 Km de chemin de fer, reliant le port au réseau national par Tanger ;
�� Dédoublement de la route nationale RN16 entre le port et Fnideq sur une longueur
de 18 km ;
�� Dédoublement de la route nationale RN2 entre Tanger et Tétouan.
�� Le projet de liaison fixe entre le Maroc et l’Espagne est de nature à assurer la
connexion avec les réseaux de communication terrestres européens.
Fig. n° 2 : La situation de Tanger – Med à l’échelle régionale
Ainsi, le port Tanger – Med se présente – t – il sous la forme d’un complexe où
l’activité portuaire est, à la fois, intégrée aux circuits internationaux tels qu’ils sont
articulés par la mondialisation, et à l’ensemble d’une région du Maroc où la mer n’a
jamais constitué une frontière avec l’Europe. La péninsule tingitane qui a, depuis
toujours, servie de zone de contact avec le continent européen et que l’occupation
espagnole du préside de Ceuta a consacré comme plate forme du trafic de la
contrebande et des stupéfiants, est en passe de changer de vocation avec la création
d’un immense marché de travail, associant l’industrie, le commerce, et les services.
C’est donc, une nouvelle conception des installations portuaires qui se met en place,
au Maroc, avec ce projet, comme c’est l’expression d’un choix voulu stratégique sur
le plan national et international. .

1 – 2 Un projet économiquement et territorialement intégré
Le port de Tanger – Med est un complexe portuaire en eaux profondes, offrant
un tirant d’eau de 16 m, permettant de recevoir les plus grands porte – conteneurs qui
circulent dans le monde. Il a une situation privilégiée, sur le site marocain le plus
proche de l’Europe.
Fig. n° 3 : Le site de Tanger - Med
Il s’articule autour de trois grandes composantes, à savoir le port, les zones
franches et les infrastructures de connexion :
�� Un complexe de type « hub » relié aux flux logistiques régionaux et mondiaux
�� Un potentiel humain au coût compétitif
�� Multiples accords de libre-échange ;
�� Statut de zone franche
Les principales composantes du port sont :
- Une jetée principale de 2.056 ml, avec des profondeurs atteignant -31mzh ;
- Une digue secondaire de 582 ml, avec des profondeurs de -16mzh ;
- Un plan d’eau de 100ha ;
- Un chenal d’accès de 300 mètres de large et 17 mètres de profondeur ;
- Un cercle d’évitage de 600 mètres de diamètre
L’une des composantes majeures du projet est la création de zones franches qui
auront un impact certain sur le plan régional, en termes économiques, et à travers
l’émergence de nouveaux pôles d’activités. Il s’agit de :
• Une Zone Franche Logistique (ZFL) :
��� Attenante au port avec une surface totale de 118 ha
��� Une Zone Douanière unique entre le port et la ZFL. ��� Site exclusivement dédié aux activités logistiques et de post-transformation ;
�� Zones Franches Industrielles (ZFI)
��� Zones d’une superficie de 600 ha, situées à 25 km du Port
��� Destinées aux industries légères orientées vers l’export
��� En synergie commerciale avec Tanger Free Zone (TFZ)

�� Une Zone Franche Commerciale (ZFC):
D’une superficie de 200 ha, à proximité de Fnidq, et à 18 km du port sur la côte
méditerranéenne ;
�� Un port de passagers :
Une capacité de 7 millions de passagers et de 700.000 camions TIR.
Une Gare maritime et une aire de stationnement RoRo / TIR ;
Une Gare ferroviaire reliée à la gare maritime.
�� Un port de conteneurs :
�� Un terminal à hydrocarbures
Des installations réservées à la manutention et au stockage des produits raffinés.
Les activités prévues incluent le commerce et les services « Business to Business » en
liaison avec la Zone Franche. L’implantation de centres commerciaux en duty free pour les
voyageurs en transit, et les touristes visitant la côte Fnidq – M’Diq.
Fig. n° 4 : Les principales composantes du complexe portuaire
1. Digue principale a talus 5. Terminal passager et TIR 2. Digue principale à caisson 6. Terminal céréalier et vraquier divers 3. Digue secondaire 7.Terminal pétrolier 4. Terminal à conteneur 8.Quai de servitude
Tel qu’il se présente, le projet Tanger – Med a l’allure d’un complexe portuaire
qui tanche totalement avec la conception classique des ports intégrés aux espaces
urbains. Par la multiplication de ses connexions régionales, il ne constitue pas une
simple plate forme de transit coupée de son arrière-pays. Il s’agit, certes, d’une
installation portuaire associée à des zones franches, mais tout en étant intégrée sur le
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PLAN DE MASSE

plan régional. S’il est conçu pour fonctionner en tant que relais sur les grandes routes
maritimes internationales, il est également voulu comme un outil d’intégration interne
et externe de la péninsule tingitane. Une intégration à l’aune de la mondialisation,
évidemment.
1 - 3 Des objectifs où interfèrent le régional, le national et l’international
Le changement de la localisation de ce complexe, de la côte atlantique à celle du
détroit, exprime la volonté de faire de lui un moyen de redynamisation, et même de
requalification socio-économique, de l’ensemble de la péninsule tingitane qui est
demeurée très longtemps tributaire des trafics engendrés par Ceuta, et par conséquent
des échanges maroco–espagnols. Aussi, l’impact attendu n’est – il plus en rapport avec
la seule vocation de hub du complexe portuaire. L’intégration recherchée sur le plan
régional pour ces installations est dictée, entre autres, par la volonté d’éviter une forte
dépendance d’activités comportant de grands risques de fluctuations inhérentes aux
changements fréquents de la conjoncture internationale.
Pour ce, le port a été, également, conçu pour être intégré aux réseaux de liaisons
que le Maroc cherche à développer avec l’Europe, en vue de répondre à la croissance
soutenue du trafic de passagers, de véhicules et de marchandises entre les deux rives
du détroit.
Tableau n° 1
Prévisions du trafic portuaire entre les deux rives du détroit
Trafic Quantité
Voitures 1 000 000
Camions 700 000
Passagers 7 000 000
Comme il est fait pour limiter l’emprise exercée par l’Espagne sur ce trafic, et sur
l’activité touristique de la côte méditerranéenne du Maroc. L’effet d’entraînement que
peut engendrer le port et les zones annexes, n’est pas non plus négligeable,
notamment en matière de l’emploi.
Tableau n° 2
Prévisions en matière d’emploi
L’impact attendu sur le plan économique n’est pas non plus des moindres, étant
donné que le trafic des marchandises est prévu à hauteur de 85% de transbordement,
et à 15 % d’import – export. Ce qui consacre sa fonction de nouvelle porte de la
région et de l’ensemble du Maroc sur l’Europe.
Emploi Port Zones Franches
Total
Emplois directs 20000 80000 100000
Emplois indirects et induits 5000 40000 45000
Total emplois (à terme) 25 000 120000 145000

Dans ce sens, la gare de voyageurs est conçue pour drainer une bonne partie des
passagers et notamment les touristes dont les flux sont actuellement fortement
contrôlés par les structures d’accueil espagnoles, et drainés pour l’essentiel vers Ceuta.
La connexion de ce complexe à l’espace touristique méditerranéen est à mettre en
rapport avec l’importance des structures d’accueil touristiques de la zone Fnideq –
Tétouan. La prévision d’une zone franche commerciale à Fnideq intégrant des
magasins en duty free pour les voyageurs en transit voulue comme un complément de
l’activité touristique vise également à offrir une alternative au commerce de transit que
monopolise Ceuta.
La multiplication des dimensions et des fonctions de ce complexe, et de ses
ramifications internationales, nationales et régionales, incite à croire que l’adage
soutenant que « la bataille des ports se gagne à terre » n’est pas démuni de sens. Le
projet d’extension de ce complexe portuaire par la création de Tanger – Med 2, qui
impressionne par sa taille, laisse penser que cette bataille a toute les chances d’être
gagnée. Les accords de libres échanges conclus entre le Maroc , l’Union Européenne,
les USA, les Etats Arabes, et la Turquie qui ont précédé la réalisation de ce
complexe sont à même de faire de lui un espace de partenariat beaucoup plus qu’un
objet d’une quelconque bataille.
Un projet dont la localisation a été transplantée de la côte atlantique à celle du
détroit pour combiner ses dimensions internationales et régionales, qui a été
accompagné de la réalisation d’infrastructures à l’échelle de toute une région, qui a
été conçu sous la forme d’un complexe économique s’étalant sur une Zone Spéciale
de Développement de 500 km², et qui fait l’objet d’une extension considérable avant
l’arrivée à termes des travaux de sa réalisation, ne peut être sans conséquences sur la
configuration territoriale de l’ensemble du pays.
2 - Les tendances lourdes de l’évolution des installations portuaires au Maroc
Le Maroc qui a hérité de l’époque coloniale, une dizaine de port modernes, dont
seulement quatre sont multifonctionnels et voués au commerce international (Tanger,
Casablanca, Safi, et Agadir ) a plus que doublé ses installations portuaires, en un demi
siècle. Et ce sont les ports associant la desserte régionale à l’ouverture internationale
qui ont été privilégiés.
Depuis la décennie 70 qui a vu la mise en œuvre du premier découpage régional du
Maroc indépendant, les ports créés ou redimensionnés relèvent d’espaces régionaux qui
ont manifesté un certain dynamisme économique ( Souss , Oriental, Doukkala, provinces
sahariennes...) . Cette évolution constitue un tournant, dans la mesure où elle a mis fin
à la concentration de la fonction de capitale économique et de principale porte sur
l’étranger à Casablanca. Certes, Casablanca a gardé sa position de centre de gravité
du pays, mais tout en perdant son monopole.
2 – 1 Les principaux aspects de l’évolution des installations portuaires
Les générations des ports marocains postérieures aux années 70, diffèrent, sur
beaucoup de plans des installations mises en services sous la colonisation. Trois
aspects majeurs cristallisent cette évolution.
- Des installations portuaires de plus en plus grandes et plurifonctionnelles : Par
comparaison aux ports de la première moitié du 20ème , les ports construits à près
l’accession à l’indépendance ont des tailles plus grandes et assurent des fonctions

assez variées. C’est le cas du port de Nador qui a été conçu pour associer l’import –
export, la pêche, le stockage des carburants, l’exportation des minerais, et le trafic de
passagers. Le port de Jorf Lasfar dont la création a été dictée par l’exportation des
phosphates et leurs dérivés chimiques, fonctionne également en tant que grand port
céréalier, et de pêche. Les ports de Tarfaya, Tant-Tan, Layoune, et Dakhla qui
figurent parmi les dernières réalisations et dont l’activité s’est focalisée au départ sur la
pêche, ont été prévu pour assurer d’autres fonctions, notamment, l’import – export,
l’exportation des minerais, le trafic des passagers ...
Cette évolution dictée par celle de l’économie du pays qui s’est faite dans le sens
d’une diversification accrue des activités économiques et des ressources nécessaires à
l’équilibre de la balance commerciale, a dictée également l’extension d’anciens ports à
fin d’accroître leurs potentialités et diversifier leurs activités. C’est le cas des ports de
Safi, Agadir, Tanger, Kenitra, Al Hoceima... qui ont connu des extensions spatiales et
fonctionnelles.
- Une association de plus en plus accentuée à des zones d’activités : L’importance
grandissante des débouchés étrangers pour l’essentiel des secteurs de l’économie
marocaine, s’est traduite au cours des trois dernières décennies du 20ème siècle par la
connexion de nombreux ports à des zones industrielles. Le port de Nador localisé
pour des raisons stratégiques à proximité de celui de Melilla, a été connecté à la
zone industrielle par une voie rapide. C’est également le cas de celui de Safi qui a
été relié au quartier industriel par une rocade ( Boulevard C ), Celui de Tanger a même
servi pour la localisation d’une zone industrielle franche à l’intérieur de son enceinte.
Celui de Jorf Lasfar est né intégré à des complexes chimiques. Celui d’Agadir a fait
l’objet d’une extension vers le nord, en direction de la zone industrielle. Ceux de
Tarfaya, Tan-Tan , Layoune, et Dakhla ont été conçus dès le départ avec des zones
industrielles intégrées.
- Une plus grande implication dans les processus d’intégration régionale : Le
processus de régionalisation inauguré par le découpage régional de 1971, a accordé
une grande place aux littoraux comme facteur de régionalisation. Dans ce sens, 6 des
7 régions créées ont eu des ouvertures sur le mer, et par conséquent des ports comme
expression de cette ouverture. Lors du dernier découpage régional de 1997, sur les 16
nouvelles régions créées 13 ont eu droit à des portions du littoral. Il est à signaler
que les régions qui n’ont pas bénéficié d’un accès au littoral ont provoqué des débats
très passionnés au sein du parlement.
Cette conception de la régionalisation repose sur le rôle que le littoral est à
même de jouer, à travers les ports, en matière de développement économique régional.
De même que cette conception n’était pas sans conséquences sur le développement de
l’infrastructure portuaire, puisque chaque région avait à promouvoir son port régional.
De ce fait, les ports ont acquis la fonction de vecteur de taille, en matière
d’intégration régionale. Les opérations d’agrandissement des ports et de diversification
de leurs activités puisent leur justification dans la dimension régionale acquise par
chacun d’entre eux. Ainsi, le littoral qui était, autrefois, redouté par les régions
traditionnelles, en tant qu’entités tribales, a été érigé par les nouveaux découpages en
objet de convoitise régionale. Autrement dit, les installations portuaires modernes sont
à l’origine d’une certaine revalorisation des littoraux.
Les dynamiques qui se profilent à travers ces quelques aspects de l’évolution des
installations portuaires, expriment une intégration croissante du littoral dans le
fonctionnement, et la structuration du territoire marocain, dans ses différentes
composantes et dans sa globalité. Cette intégration qui a commencé sous la
colonisation, par la polarisation de l’ensemble du territoire marocain autour d’une

seule ouverture littorale que constituait Casablanca, a évolué vers une multiplication
des ouvertures, et par conséquent une plus grande association du littoral à la
configuration de ce territoire. Ce qui incite à questionner cette évolution sur les
logiques qui la sous-tendent.
2 – 2 Logiques et enjeux de l’évolution du positionnement du littoral au Maroc
Depuis toujours, le littoral marocain a fait l’objet de changements assez fréquents
de son positionnement au sein de l’équilibre des forces qui sous-tend la maîtrise et la
gestion du territoire. L’étendue de ce dernier même a changé, à maintes reprises,
parallèlement à l’évolution de la maîtrise du littoral par le pouvoir en place, à tel
point que ce sont toujours les centres de pouvoir qui ont dominé le maximum de
littoraux qui ont édifié les états les plus puissants de l’histoire du pays. Aussi, le
littoral a – t – il acquis le positionnement d’un outil et un objet de pouvoir, dont la
logique de gestion change en fonction du changement de la conjoncture. C’est ce qui
ressort de la schématisation suivante relative à l’évolution récente du littoral.
- Les logiques : on reprend les mêmes et on recommence Si le littoral constitue, partout, un des principaux foyers d’ancrage territorial de
l’exercice du pouvoir politique, c’est essentiellement en raison de son poids
économique. Dans ce sens, l’essentiel du territoire marocain n’a pas été conquis par la
France, à partir de l’Algérie où elle a concentré les forces nécessaires à cette conquête,
mais d’abord à travers l’occupation de Casablanca et des plaines voisines qui
constituaient l’espace économique le plus en vue du pays. Et ce n’est pas un hasard,
non plus , si cette conquête a commencé par l’occupation du premier port du Maroc
de l’époque. La logique économique qui sous-tendait toute l’aventure coloniale a été
également derrière l’édification dans cette ville du premier port moderne du pays, et
qui a été amené à se développer comme la plus grande porte du Maroc sur
l’extérieur.
Le littoral qui a été instrumenté comme support de la modernité à travers
l’édification d’un grand port international et d’une métropole nationale, est
actuellement politiquement sollicité pour bâtir une autre modernité plus profonde,
multidimensionnelle en concernant le plus de régions marocaines, et plus ouverte sur
la scène internationale. C’est dans ce sens, qu’il est, également, de plus en plus
convoité, notamment pour ses aptitudes à créer un environnement favorable à
l’attraction de plus d’investissement étranger. Les aménagements du territoire prévus
en rapport avec le projet Tanger – Med mettent en évidence l’ampleur des mutations
spatiales qui peuvent être sous-tendues par ces installations portuaires.
Ainsi, la logique politique, dans ses dimensions régionales, nationales, et
internationales est, depuis trois décennies, instrumentée à fond par les pouvoirs publics,
les aménageurs et les élus locaux, en vue de propulser, de nouveau, le littoral à la
tête des intérêts du pays. Les effets de cette logique ont pris une grande ampleur
quand ils se sont conjugués à ceux de la mondialisation.

L’intensification des enjeux économiques qui est pour beaucoup dans la
multiplication des enjeux sociaux est également derrière l’ampleur prise par le littoral
en tant qu’enjeu politique. De ce fait, les dynamiques en présence dans ces espaces
obéissent à des logiques d’horizons divers. Si les logiques de la littoralisation en tant
vecteur de la concentration capitaliste concourent dans le même sens que celles
d’ouverture sur l’extérieur, il n’est pas certain qu’elles soient conformes avec les
logiques prônées en matière d’aménagement du territoire. La conjugaison des
dynamiques qui président au devenir de ces espaces avec celles relatives à
l’urbanisation, la métropolisation et l’intensification du peuplement est de nature à
démultiplier ces logiques.
- Les enjeux : toujours les mêmes mais avec des colorations conjoncturelles différentes Les ports, par leur fonction de moyen de cristallisation des enjeux économiques
sur des sites des plus convoités sur le plan politique, sont de nature à accentuer la
vocation géostratégique des littoraux. En effet, la profondeur atlantique du Maroc qui
est devenue prééminente sur ses profondeurs méditerranéennes et sahariennes, avec
l’importance prise par les activités maritimes à travers l’océan atlantique, a acquis une
dimension stratégique avec la colonisation, qui a beaucoup misé sur l’ouverture du
Maroc sur l’étranger dans sa politique de transformation de la société et du territoire
marocains.
Le Maroc qui vit depuis trois décennies à l’heure du surdimensionnement de sa
profondeur saharienne s’est de nouveau tourné vers le littoral pour opérer l’équilibrage
géostratégique que nécessite son intégration dans les nouvelles connexions
internationales dictées par la mondialisation. Le transfert de la localisation du
complexe portuaire tangérois, de la façade atlantique à celle du détroit, matérialise ce
tournant. Le nouveau site de ces installations portuaires, qui est censé jouer un grand
rôle dans le rééquilibrage du positionnement du Maroc à l’échelle mondiale, révèle son
caractère stratégique à travers la recherche de la connexion optimale au continent
européen, et l’exploitation maximale du détroit comme porte de la Méditerranée.

Si le complexe Tanger – Med constitue un véritable tournant dans la conception et les
dimensions des installations portuaires au Maroc, et dans leur adaptation à la
conjoncture sécrétée par la mondialisation, il l’est également par la nouvelle mise en
scène des littoraux, dans la politique interne et externe du pays.
Ainsi le centre de gravité du Maroc qui a été transféré par la colonisation de
l’intérieur du pays vers le littoral atlantique connaît depuis trois décennies un
processus de restructuration qui est en passe de donner lieu à des pôles relais
également littoraux, à même de contribuer à une nouvelle configuration de l’ensemble
du territoire marocain. Autrement dit, le littoral ne cesse de renforcer sa position
d’élément structurant du Maroc, et de ses connexions internationales. Ce qui révèle
que ce sont toujours les mêmes enjeux qui président à l’intégration du littoral dans
l’articulation et la gestion du territoire, mais tout en s’adaptant aux exigences de la
conjoncture.
La nouvelle articulation des littoraux au Maroc
Pôle principal Pôle relais

Conclusion
Les installations portuaires au Maroc ont beaucoup évolué au cours du 20ème
siècle, que ce soit sur le plan de leur nombre, leur conception, leur répartition
spatiale, ou de leur articulation au reste du territoire et entre eux. Le port de
Tanger - Med qui constitue le dernier né de ces installations, inaugure une nouvelle
ère, non seulement par son appartenance à une génération différente, mais surtout par
son rôle en matière de repositionnement géostratégique du Maroc et de restructuration
territoriale et fonctionnelle du pays.
Ainsi, les ports qui n’ont cessé d’accroître leurs effets sur le Maroc, sur le plan
structurel, économique et politique, ne cessent également de reproduire la place
acquise par les littoraux dans l’équilibre interne du pays et dans sa position régionale
et internationale. Le littoral dont la fonction principale résidait dans son rôle de
tremplin en matière de contact avec l’étranger a accédé à celle de moyen de
redynamisation de l’économie du pays et de moteur du développement régional.
Cependant, la fonction la plus déterminante pour le pays est celle acquise sous la
colonisation et qui consiste à reproduire l’ouverture du Maroc sur l’extérieur. Ce qui
se traduit par la consécration du passage du littoral de la fonction d’espaces
d’affrontement avec l’étranger à celle de lieux d’ouverture sur l’extérieur, et par la
consécration du processus de littoralisation du pays qui s’est traduit par le
remplacement des anciens équilibres axés sur la prééminence des intérêts des espaces
intérieurs, par celle des intérêts extérieurs. S’il ne s’agit pas de raviver le vieux rêve
du développement introverti pour des espaces dont la vocation extravertie ne cesse de
s’affirmer jour a près jour, il ne s’agit pas non plus, de verser totalement dans
l’appréciation unidimensionnelle l’évolution en cours.
Vues d’un angle historique, les mutations qui affectent le littoral ne constituent
pas une véritable innovation, mais un simple tournant. La seule nouveauté, s’il y en a
une, réside dans leur caractère structurant qui est en passe de faire de la littoralisation
du pays un processus irréversible en s’inscrivant dans la durée. De ce fait, les
rapports entre les zones continentales et le littoral qui ont été renversés par la
colonisation tendent depuis lors à se structurer sur de nouvelles bases. Dans ce sens, le passage du modèle de polarisation littorale basé sur la connexion des
ports aux villes à celui axé sur les plate formes multimodales internationales inauguré
par le complexe portuaire Tanger – Med ne peut que renforcer une tendance déjà
amorcée par le décrochage des villes des ports. Ce qui en dit long sur le devenir du
littoral, ses nouvelles formes de valorisation, et son impact sur l’ensemble du pays.

Bibliographie
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Communication au collogue: Dynamiques littorales et frontières maritimes: Les littoraux: charnières ou frontières des territoires? Université Paris 8, 20-21 mars 2008,
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