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WERTHER
MASSENET
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DIMANCHE 19 MARS A 14h30
MARDI 21 MARS A 20h00
DUREE DU SPECTACLE : 2H45 AVEC ENTRACTE
CHANTE EN FRANÇAIS SURTITRE
SPECTACLE CONSEILLE POUR LES LYCEENS
Lorsque Goethe publia ses Souffrances du jeune Werther, le roman connut un succès
tel qu’il provoqua ce que l’on appela la « fièvre werthérienne », causant les suicides de jeunes
gens prêts à tout pour imiter les héros romanesques.
Plus d’un siècle plus tard, en plein romantisme français, Jules Massenet s’inspire de cette
histoire d’amour impossible pour composer un drame lyrique bouleversant. Fidèle à son
modèle littéraire, le compositeur saisit à merveille la ferveur exaltée des sentiments et laisse
libre cours à ses inventions harmoniques et mélodiques pour atteindre une intensité musicale
rare. La partition offre de magnifiques duos entre Werther et Charlotte, déchirés entre leur
aspiration au bonheur et le respect implacable des conventions sociales et familiales que la
jeune femme ne pourra dépasser.
Dans une mise en scène inspirée, Paul-Emile Fourny rend toute sa force à cet ouvrage dont le
héros tourmenté cherche dans la mort une réponse à ses souffrances. Sous un Clair de lune
pudique, l’orchestre bruisse de l’entente muette de deux êtres qui se cherchent et se fuient
sans cesse. Jusqu’à ce que dans un élan fébrile, les larmes de Charlotte laissent couler le
lyrisme éperdu d’un amour à l’issue inéluctable…
WERTHER
MASSENET
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SOMMAIRE
CHAMPS COMPOSITIONNELS ET STRUCTURELS DE L’OPERA
SYNOPSIS PAGE 5
JULES MASSENET PAGE 8
FICHE IDENTITE DE L’ŒUVRE PAGE 9
L’ŒUVRE ET SA GENESE PAGE 10
L’ŒUVRE ET SA RECEPTION PAGE 11
LES PISTES D’EXPLOITATIONS PEDAGOGIQUES
UN ROMAN EPISTOLAIRE COMME SOURCE DE L’OPERA PAGE 12
QUELQUES PISTES D’ECOUTES PAGE 15
WERTHER A L’OPERA DE REIMS PAGE 25
LA PRODUCTION PAGE 25
ZOOM SUR LE METTEUR EN SCENE PAGE 26
REGARDS SUR LA MISE EN SCENE
ANNEXE
PAGE 27
LA PRESSE EN PARLE : LE MENESTREL, 28 FEVRIER 1892 PAGE 29
WERTHER
MASSENET
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CHAMPS COMPOSITIONNELS ET
STRUCTURELS DE L’OPERA
SYNOPSIS
L’action se passe aux environs de Francfort, de juillet à décembre 178…
ACTE 1- LA MAISON DU BAILLI
uillet 178… Le Bailli fait répéter à ses six plus jeunes enfants un cantique de Noël
que les petits chantent d’abord très fort et sans nuances. Se fâchant, leur père leur
fait observer qu’ils ne chantent jamais aussi mal en présence de Charlotte, l’aînée de
la famille. Arrivent alors deux amis du Bailli, Schmidt et Johann, qui félicitent les enfants et
taquinent le bailli.
Entre Sophie la cadette ; elle évoque avec les deux compères le bal que l’on donne à Wetzlar le
soir même, auquel Charlotte est invitée. Passant en revue quelques-uns des invités, Schmidt
s’arrête sur Werther, jeune homme dont le Bailli ne pense que du bien, à la différence de Johann
et Schmidt qui le trouvent trop rêveur et mélancolique, tout le contraire d’Albert, par exemple, qui
à les entendre sera un mari idéal pour Charlotte. Schmidt et Johann s’éloignent, les enfants et
leur père rentrent à la maison.
Werther paraît, Bailli l’ayant chargé d’accompagner Charlotte au bal. Il s’émerveille de l’harmonie
que la nature fait régner dans ces lieux. Il s’exalte, invoque le soleil, lorsque des bribes du
cantique chanté par les enfants lui parviennent du côté de la maison, le plongeant dans une
mélancolie douloureuse.
J
DECOR DE L'ACTE I DE WERTHER, OPERA-COMIQUE, 1903 (LE THEATRE N°109,
JUILLET 1903)
WERTHER
MASSENET
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Charlotte entre, en toilette de bal, fêtée par les enfants qui se précipitent vers elle, et
complimentée par son père. En attendant l’arrivée des invités au bal, elle donne le goûter aux
enfants. Apercevant Werther qui se tient un peu à l’écart, le Bailli le salue et lui présente
Charlotte, non sans évoquer d’emblée les soins tout maternels qu’elle prodigue à ses jeunes
frères et sœurs depuis la mort de leur mère.
Les invités du bal arrivent dans la cour ; parmi eux, deux tourtereaux roucoulent, indifférents au
reste du monde, Brühlmann et Käthchen. Avant de partir, Charlotte confie les enfants à Sophie et
les embrasse, sous le regard extasié d’un Werther définitivement conquis par la femme.
Tous les invités s’éloignent, tandis que Bailli se laisse gentiment persuader par Sophie de la
laisser seule avec les enfants et d’aller retrouver Schmidt et Johann au « Raison d’or ».
La nuit commence à tomber, quand Albert, le fiancé de Charlotte, arrive à l’improviste, de retour
au pays après six mois d’absence. Sophie l’accueille avec joie, déplore l’absence exceptionnelle
de sa sœur, et évoque avec le jeune homme son prochain mariage avec Charlotte, dont on s’est
occupé depuis six mois. Elle prend congé de son futur beau-frère, le laissant seul et tout ému de
savoir qu’on ne l’a pas oublié. Albert s’est éloigné. La nuit est venue et la lune éclaire la maison.
Charlotte et Werther paraissent à la porte du jardin, se tenant par le bras. Werther dit son amour
à Charlotte qui proteste, confuse et souriante, avant de s’attendrir à la pensée de sa mère morte
et de « ses » enfants, ce qui plonge Werther dans une nouvelle extase. Au moment où Charlotte,
troublée, tente de briser le charme et se dirige vers la maison, résonne l’appel fatidique de son
père : « Charlotte, Charlotte, Albert est de retour ! ». En un éclair, la jeune femme se rappelle le
serment fait à sa mère mourante d’épouser Albert. Dans un effort désespéré, Werther l’adjure de
tenir sa promesse ; quant à lui, il sait qu’il mourra de la savoir mariée à un autre.
ACTE II – LES TILLEULS
eptembre. Une place à wetzlar, ombragée de tilleuls, devant le presbytère et le
temple où l’orgue résonne. Attablés à une taverne, Johann et Schmidt rendent
grâce à Bacchus tout en regardant passer les gens qui viennent célébrer au temple
les cinquante ans de mariage du pasteur.
Entrent Albert et Charlotte. Ils sont mariés depuis trois mois, leur bonheur semble parfait. Ils se
dirigent vers le temple, bavardent avec des connaissances. Mais Werther a paru et contemple de
loin leur intimité, avec un tourment visible.
Tandis que Werther reste prostré sur un banc, Johann et Schmidt tentent de consoler Brühlmann,
abandonné par Käthchen après sept ans de fiançailles. Les trois compères sortent à moitié ivres.
Albert aperçoit Werther et se dirige vers lui. Comme en témoignent ses paroles affectueuses,
Albert n’ignore pas l’amour que Werther porte à Charlotte. Werther répond à la magnanimité de
son rival en protestant de son amitié, non sans abnégation.
Sophie accourt, un bouquet de fleurs à la main, pleine d’une gaieté bruyante. En la regardant
s’éloigner, Albert parle à Werther du bonheur qui passe peut-être « en nos chemins, un sourire à
la lèvre et des fleurs à la main ». Albert rejoint Sophie dans le presbytère, laissant Werther
désemparé et décidé à s’éloigner, lorsqu’il voit Charlotte sortir du temple. Tandis qu’elle se dirige
à son tour vers le presbytère, Werther s’approche d’elle et lui redit sa flamme. Elle lui répond
froidement : « Albert m’aime et je suis sa femme ! ». Se radoucissant un moment, elle lui parle du
devoir, lui demande de s’éloigner pour toujours et de l’oublier. Puis voyant le désarroi de Werther,
elle lui dit avec douceur de revenir à Noël.
Resté seul, Werther appelle de ses vœux le repos de la mort, implorant pour lui-même le pardon
de Dieu.
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WERTHER
MASSENET
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Il va s’éloigner, lorsque Sophie l’appelle, le conviant gaiement à rejoindre le cortège des invités
du pasteur. Mais Werther lui annonce son départ et s’enfuit comme un fou. Désemparée, Sophie
fond en larmes. Le cortège de la Cinquantaine paraît. Charlotte court après sa sœur, s’enquiert
de son chagrin. Sophie lui dit que Werther est parti « pour toujours ». Charlotte est frappée par la
nouvelle. Son trouble n’échappe pas à Albert qui se rembrunit et murmure en petto : « Il l’aime ! »
ACTE III – CHARLOTTE ET WERTHER
e 24 décembre, 5 heures du soir. Le salon de la maison d’Albert. Seule et
découragée, Charlotte relit les lettres que Werther lui a écrites et qu’elle ne peut se
résoudre à détruire ; le dernier billet, qui parle de suicide à mots couverts, l’effraie
particulièrement.
Sophie entre vivement, les bras chargés de jouets et le cœur en gaieté. Elle s’inquiète : Albert est
absent et cependant Charlotte reste seule, négligeant sa famille. Sophie tâche d’égayer sa sœur,
mais en vain. Croyant comprendre, elle évoque la fuite de Werther qui a laissé sans nouvelles
« ceux qui lui sont restés fidèles ». Au nom de Werther, Charlotte perd contenance, laissant voir à
sa sœur effrayée toute sa détresse. Sophie lui fait promettre de venir fêter Noël en famille, et la
laisse seule. En proie au désespoir, Charlotte demande à Dieu de venir au secours de sa
faiblesse. C’est Werther qui fait irruption, pâle, presque défaillant.
Il avait pourtant formulé le vœu de ne plus la revoir, mais il n’a pu s’empêcher de venir au rendez-
vous qu’elle lui a donné en juillet : « A la Noël ! ». Cherchant à paraître indifférente, Charlotte lui
reproche doucement d’avoir songé à partir pour toujours : tout le monde l’attendait ici, il le savait
bien, et d’ailleurs rien n’a changé dans la maison. « Rien… que les cœurs », dit Werther, « toute
chose est encore à la place connue », poursuit-il en regardant le clavecin, les livres, et cette boîte
aux pistolets qui le fascine depuis longtemps.
Charlotte lui tend un manuscrit, quelques vers d’Ossian qu’il avait commencés de traduire. Il les
redit tristement. Son chant, tout de désespoir et de deuil, achève de troubler Charlotte. Werther
s’en aperçoit et se jette aux pieds de la jeune femme, lui répétant dans une exaltation
grandissante : « Tu m’aimes !.... Tu m’aimes !... » Charlotte tente de repousser cet amour, ce
vertige, mais quand Werther dans un dernier élan lui redit son amour, « l’amour, le mot divin »,
elle se laisse aller contre lui.
Affolée de se voir dans les bras de Werther, elle se dégage brusquement et court s’enfermer dans
sa chambre, non sans lancer au jeune homme qui tente de la retenir : « C’est vous, vous que je
fuis l’âme désespérée ! ».
En le laissant seul, Charlotte a dicté l’arrêt de mort de Werther : il obéit et s’enfuit, une dernière
invocation désespérée à la nature.
La scène reste vide quelques instants lorsque paraît Albert, préoccupé et sombre, car il vient
d’apprendre le retour de Werther. Il s’étonne : personne ne vient à sa rencontre, une porte est
restée ouverte sur la rue. Il appelle Charlotte qui semble terrifiée à la vue de son mari.
Sèchement, Albert la questionne : qu’a-t-elle donc, pourquoi ce trouble, qui était là à l’instant ?
Elle ne peut que balbutier.
A ce moment, un domestique apporte un billet de Werther. Il demande à Albert de lui prêter ses
pistolets car il part pour « un lointain voyage ». Albert lit la lettre à haute voix sans perdre de vue
Charlotte, que le trouble envahit. Lorsque son mari lui ordonne de remettre au domestique la
boîte aux pistolets, elle obéit, épouvantée et fascinée par le regard d’Albert.
Une fois seule, Charlotte se saisit d’une mante et se précipite au-dehors, à la poursuite de
Werther, avec un cri : « Dieu ! Tu ne voudras pas que j’arrive trop tard ! »
L
WERTHER
MASSENET
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ACTE IV
PREMIER TABLEAU – LA NUIT DE NOËL
nterlude symphonique. On aperçoit la petite ville de Wetzlar, vue à vol d’oiseau, la nuit
de Noël. La lune jette une grande clarté sur les arbres et les toits, couverts de neige.
Nuit dans la salle. La musique continue jusqu’au changement de décor.
SECOND TABLEAU – LA MORT DE WERTHER
e cabinet de travail de Werther. Par la fenêtre ouverte sur un clair de lune d’hiver,
on aperçoit la maison du Bailli, tout éclairée. Seul, au premier plan, Werther est
étendu, inanimé, mortellement frappé.
Charlotte entre brusquement. Elle se jette sur Werther et recule aussitôt, horrifiée à la vue du
sang. Lorsqu’elle le prend dans ses bras, le mourant revient à lui, la reconnaît et lui demande
pardon. Elle proteste : c’est elle qui l’a mené à cette extrémité, c’est elle qui l’a frappé par sa
sévérité. Mais Werther la bénit : elle est restée innocente ; quant à lui, la mort lui épargne le
remords de l’avoir détournée du devoir. Le voyant faiblir, Charlotte veut appeler secours mais il la
retient en souriant : « Je n’ai pas besoin d’autre aide que la tienne ! Et puis,… il ne faut pas qu’on
vienne encore ici nous séparer !... »
Alors, avec élan, Charlotte lui avoue enfin son amour et l’embrasse passionnément.
A ce moment retentissent au loin, dans la maison du Bailli, les voix des enfants qui chantent leur
cantique de Noël. Pour Werther, qui s’est levé, halluciné, c’est l’hymne du pardon. Lorsque le
chant enjoué de Sophie se joint au cantique des enfants ; Werther se laisse tomber, épuisé. Dans
un long soupir, il confie à Charlotte ses dernières volontés. Suicidé, il se sait maudit, mais, il en
est sûr, une femme viendra, « à la dérobée, visiter le banni », et « le pauvre mort se sentira béni ».
Il meurt.
Charlotte tombe évanouie à ses pieds, alors que résonnent les rires et les cris des joyeux enfants.
D’après PATRICK GILLIS, AVANT SCENE OPERA, “WERTHER”, PP. 6, 7.
I
L
MAQUETTE DU SPECTACLE
WERTHER
MASSENET
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JULES MASSENET (1842-1912)
ELEMENTS BIOGRAPHIQUES
Jules Massenet est né près de Saint-Etienne, le 12 mai 1842. Issu
d’une famille nombreuse, il fut initié à la musique par sa mère,
femme cultivée, ancienne protégée de la duchesse d’Angoulême. Il
entre en classe de piano au Conservatoire de Paris à l’âge de onze
ans. En 1859, il reçoit le Premier Prix de piano et commence
l’étude de l’harmonie et de la composition auprès d’Ambroise
Thomas. Il obtient le prix de Rome en 1863 avec la cantate David
Rizzio et part vivre à la villa Médicis où il rencontre Liszt. Il
entreprend son premier opéra en 1866, La Grand’ Tante, qu’il fait
représenter l’année suivante à l’Opéra-comique. Il poursuit sa
carrière lyrique avec Don César de Bazan (1872), Le Roi Lahore
(1877) - son premier grand succès - et Hérodiade (1881).
C’est avec Manon (1884), Werther (1892) et Thaïs (1894) qu’il fait preuve de sa
parfaite maîtrise de la scène.
En 1878, Massenet est nommé professeur de composition au Conservatoire, poste qu’il occupa
jusqu’en 1896 et dans lequel il témoigna de ses grands talents de pédagogue. Il su, en effet,
développer le talent de ses élèves, sans imposer sa propre personnalité. Parmi eux, citons
Reynaldo Hahn, Charles Koechlin, Florent Schmitt, Ernest Chausson ou encore Gabriel Pierné.
« A-t-on entendu dire des jeunes modistes qu’elles fredonnaient La Passion
selon Saint Mathieu ? Je ne le crois pas. Tandis que tout le monde sait qu’elles
s’éveillent le matin en chantant Manon ou Werther. Qu’on ne s’y trompe pas,
c’est là une gloire charmante qu’envieront secrètement plus d’un de ces
grands puristes qui n’ont pour réchauffer leur cœur que le respect un peu
laborieux des cénacles. Ses confrères lui pardonnèrent mal ce pouvoir de plaire
qui est proprement un don. »
Debussy, Le Matin, rubrique nécrologie, 1912
WERTHER
MASSENET
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FICHE IDENTITE DE L’ŒUVRE
Werther, drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux composé par Jules Massenet
(1842-1912), sur un livret d’Edouard Blau, Paul Millet et Georges Hartmann, d'après Les
Souffrances du jeune Werther de Goethe. L’œuvre est créée à l’Opéra Impérial de Vienne le 16
février 1892, en allemand.
L’ARGUMENT EN BREF
Dès leur première rencontre, Werther et Charlotte tombent amoureux mais seul Werther déclare
sa flamme. Charlotte, devenue la femme d’Albert qu’elle a épousé par devoir, aime Werther sans
se l’avouer. Inflexible, elle repousse les avances du jeune homme jusqu’à le mener au suicide et
ne lui avoue son amour que lorsqu’il est trop tard.
A NOTER : le rôle important dévolu au cor anglais, instrument de la mélancolie amoureuse et
la présence du saxophone alto dont la chaleur du timbre permet d’assurer la liaison entre bois et
cuivres. Les cornets à pistons, aux graves imposants, sont préférés aux trompettes.
RÔLES ET VOIX
WERTHER, jeune homme de 23 ans, amoureux
de Charlotte, ténor
CHARLOTTE, fille aînée du Bailli, 20 ans, promise
d’Albert, mezzo-soprano
SOPHIE, sœur de Charlotte, 15 ans, soprano
ALBERT, jeune homme de 25 ans, futur époux de
Charlotte, baryton
LE BAILLI, veuf de 50 ans, père de Charlotte et
de Sophie, baryton
SCHMIDT, ami du Bailli, ténor
JOHANN, ami du Bailli, baryton
LES ENFANTS, frères et soeurs de Charlotte et de
Sophie : Fritz, Max, Hans, Karl, Gretel, Clara,
soprani
BRÜHLMANN, jeune homme, coryphée
(personnage qui s'extrait du choeur pour prendre la
parole seul)
KÄTCHEN, jeune fille, coryphée
Un petit paysan, un domestique, personnages
muets
Habitants du bourg de Wetzlar, invités,
ménétriers, figurants
Au dernier tableau, dans les coulisses choristes
femmes avec les voix d’enfants
L’ORCHESTRE
2 flûtes dont un piccolo,
2 hautbois dont un cor anglais
2 clarinettes en si bémol
1 saxophone alto
2 bassons
4 cors en fa,
2 cornets à pistons
3 trombones
1 tuba
Timbales, grosse caisse triangle,
cloches, tambourin
1 harpe
Cordes
Sur scène : un grand tam-tam et
une machine à vent
En coulisse : un orgue et un clavier
de timbres
WERTHER
MASSENET
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L’ŒUVRE ET SA GENESE
La genèse de l’œuvre la plus populaire de Massenet s’étale sur sept ans, de 1880 à 1887.
1880 : le projet est amorcé. Massenet écrit à Paul Lacombe le 25 septembre 1880 :
« De mon côté, j’ai terminé Hérodiade, orchestre, partition réduite piano et
chant, etc. et je corrige les épreuves – voilà pour mon travail. (…) Je me repose
et je prends de nouvelles forces pour écrire Werther, un drame lyrique en
quatre tableaux – cet ouvrage tout spécial est destiné à me satisfaire,
d’abord. »
1885 : Massenet esquisse la partition à Etretat.
1886 : pèlerinage sentimental à Wetzlar, maison où Goethe avait conçu son Werther, un
stimulant pour le compositeur…
« Le dimanche 1er août 1886, nous étions, Hartmann1 et moi, allés entendre
Parsifal au Théâtre Wagner, à Bayreuth. [... ] Après avoir parcouru ensuite
quelques villes de l'Allemagne, visité différents théâtres, Hartmann, qui avait son
idée, me mena à Wetzlar. Nous visitâmes la maison où Goethe avait conçu son
immortel roman, Les Souffrances du jeune Werther. Je connaissais les lettres de
Werther, j'en avais gardé le souvenir le plus ému. Me voir dans cette même
maison, que Goethe avait rendue célèbre en faisant vivre d'amour son héros,
m'impressionna profondément. »
Massenet, in Mes Souvenirs, p. 173.
1887 : le compositeur orchestre l’œuvre du 15 mars au 2 juillet.
Suivent alors cinq années d’attente et de refus, avant sa création à Vienne en 1892, dans une
traduction allemande…….
1 Georges Hartmann est éditeur de la musique de Massenet depuis 1868.
CARTE POSTALE ENVOYEE DE WETZLAR A
MASSENET PAR ALBERT CARRE, DIRECTEUR DE
L’OPERA-COMIQUE EN 1903, AU MOMENT DE
LA REPRISE DE WERTHER A PARIS.
WERTHER
MASSENET
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L’ŒUVRE ET SA RECEPTION
Lors de sa création à Vienne le 16 février 1892, l’œuvre reçut un accueil très favorable.
Pendant les répétitions auxquelles Massenet assista et s’attacha à superviser, le compositeur se
montra très satisfait et s’exclama avec enchantement :
« Est-ce possible ? C’est trop beau ! Est-ce bien moi qui ai écrit cela ? »
murmurais-je en un naïf attendrissement, du fauteuil où j’étais blotti, dans un
coin de la salle obscure et immense. Ces mots étaient à peine sortis de mes
lèvres qu’une artiste du théâtre, assise non loin de moi, y répondit par cette
exclamation d’une conviction si touchante qu’elle m’alla au plus profond du
cœur : « Ja ! Göttlicher Mann ! » (Oui, homme aimé de Dieu !), »
Jules Massenet, in Mes Souvenirs, p. 180.
Ce chef-d’œuvre de l’art lyrique français fut donc paradoxalement créé en langue allemande !
Ce n’est qu’après le succès remporté à Vienne
que Léon Carvalho, alors directeur de l’Opéra-
Comique, pria Massenet de bien vouloir lui
confier la création française de l'œuvre, ce qu’il
avait quelques années auparavant refusé,
jugeant son sujet trop « triste »……. Onze mois
plus tard, jour pour jour, le 16 janvier 1893,
Werther est ainsi créé en français à l'Opéra-
Comique. L’accueil fut cette-fois plus mitigé. Il
faudra attendre sa reprise en avril 1903 pour
voir l’œuvre s’imposer comme un pilier du
répertoire de l’Opéra-Comique, aux côtés de
Carmen ou Manon.
AFFICHE DE LA CREATION FRANÇAISE DE
WERTHER, OPERA-COMIQUE, 1893.
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LES PISTES D’EXPLOITATIONS PEDAGOGIQUES
UN ROMAN EPISTOLAIRE
COMME SOURCE DE L’OPERA
’opéra prend appui sur une œuvre littéraire majeure : Die Leiden des jungen
Werther « Les souffrances du jeune Werther » de Goethe, roman épistolaire qui fut
d’abord publié anonymement à l'occasion de la foire du livre de Leipzig en
1774. Premier roman d’un auteur de vingt-cinq ans presque inconnu, l’ouvrage, en partie
autobiographique, décrit les affres de la passion amoureuse qui conduiront le héros au suicide.
GOETHE (1749-1832) EN QUELQUES MOTS….
Né à francfort en 1749, Goethe est issu d’un milieu bourgeois
fortuné. Il fait des études de droit et devient avocat à la Cour
Impériale. Il se dirige vers sa passion pour la littérature et rédige une
œuvre immense composée de pièces de théâtre, de poèmes et de
romans. Génie protéiforme, passionné de musique, il rencontre
Mozart et Beethoven. Les sciences retiennent également son intérêt
et il fait paraitre un traité sur les couleurs et des ouvrages sur
l’histoire naturelle. Ses deux chefs-d’œuvre, Faust (1808-1832), Les
Souffrances du jeune Werther (1774) sont universellement connus.
Le roman apporta à son auteur ses lettres de
noblesse et une renommée considérable en
Allemagne mais aussi dans toute l'Europe. Aucun
autre livre de Goethe ne fut autant lu par ses
contemporains. Traduit en français dès 1775, les
jeunes gens découvraient alors en France un
nouveau Jean-Jacques Rousseau plus lyrique et
plus dramatique que l’auteur de La Nouvelle
Héloïse et des Rêveries d’un promeneur solitaire.
La génération romantique s’enthousiasma pour
une œuvre qui la devançait de cinquante ans.
Mme de Staël voyait en lui « le livre par
excellence » et déclarait « Werther a fait époque
dans ma vie ».
« Sa vie durant Goethe est resté dans l’esprit de ses contemporains l’auteur du
Werther. Le succès immédiat et d’une ampleur inégalée du roman, la célébrité
L
PAGE DE GARDE ET PAGE DE TITRE DE L'EDITION
ORIGINALE DE 1774
WERTHER
MASSENET
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internationale qu’il conféra à son auteur — il fut très vite traduit en français, en
danois et en anglais — firent de Goethe la première star européenne de la
littérature allemande. Lui-même a plus tard, non sans ironie et scepticisme,
évoqué dans une des épigrammes vénitiennes l’extraordinaire vogue
internationale du roman : « L’Allemagne m’imita et la France prit goût à me lire
/ Angleterre ! tu accueillis amicalement l’hôte à l’âme troublée. / Mais que me
rapporte à moi que même le Chinois / D’une main délicate peigne Werther et
Lotte sur le verre ?2 » ROLAND KREPS, « Les Souffrances du jeune Werther lues par
Goethe », Revue germanique internationale3
Malgré tout, si le roman fit sensation, il inquiéta les moralistes qui voyaient, dans la mort de
Werther, une apologie du suicide au point que Friedrich Nicolaï publia au début de 1775
une caricature satirique intitulée Les Joies du jeune Werther.
« Werther a causé plus de suicides que la plus belle femme du monde »,
Mme de Staël, De L’Allemagne, p. 85.
La « fièvre de Werther » fit fureur en Allemagne, mais aussi partout dans l'Europe. Chaque femme
se retrouvait en Charlotte, chaque homme en Werther, et la mode vestimentaire elle-même s'en
trouva transformée : les hommes s'habillaient de costumes jaunes et bleus, comme la tenue de
bal de Werther, et les femmes portaient des robes roses et blanches, comme Charlotte ...
L’identification (romantique) au personnage était lancée.
EN CLASSE
LETTRES
A partir du roman de Goethe…
PRESENTER le roman épistolaire.
Le roman par lettres est une des formes romanesques les plus fréquentes au 18ème siècle.
L’engouement suscité, en 1782, par la parution des Liaisons dangereuses de Choderlos de
Laclos (1741-1803) en témoigne.
Le roman de Goethe ne donne pratiquement la parole qu’au personnage principal : le jeune
Werther, renforçant ainsi la valorisation de la subjectivité et de l’espace privé qu’on trouve dans
le genre épistolaire.
Le lecteur perçoit l’histoire intérieure des personnages, leur caractère, leur évolution, par le biais
du point de vue interne nécessairement adopté par ce genre de texte. Une lettre forme alors le
portrait de l’âme.
« La lettre se prête aussi bien au récit que le roman et aussi bien à l’explosion
lyrique que la poésie ; certaines lettres sont d’ailleurs de véritables poèmes en
prose. Elle n’est pas liée au temps de la narration épique, qui est le passé, ou
au présent qui est celui du lyrisme. Elle peut parler également de choses
passées ou présentes, comme aussi des événements personnels et étrangers.
Elle n’a pas pour condition la distance temporelle, qui s’impose dans une
chronique, ni l’absence de distance, qui permet l’expression poétique. Ce qui
2 Gedichte, Frankfurter Ausgabe, II, p. 216. 3 Article à consulter sur le site : https://rgi.revues.org/734
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MASSENET
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importe c’est une distance spatiale, l’éloignement de l’ami, qui crée entre les
deux correspondants une tension comparable à celle du théâtre ; l’ami fictif,
qui accepte de lire la lettre, est le confesseur dont on a besoin.
Goethe n’avait donc pas à changer son point de vue pour le lecteur devenu
confident ; qu’il voulût conter l’histoire de Werther et ses aventures ou exprimer
des idées personnelles, il employait le truchement de son héros. »
Jean-François Angelloz, Les Souffrances du jeune Werther, « préface », Garnier
Flammarion, 1988, pp. 36-37.
PROBLEMATISER : en quoi le choix de Goethe pour le roman épistolaire renforce-
t-il le caractère subjectif de l’œuvre ?
A partir du livret de l’opéra de Massenet…..
ETUDIER les signes annonciateurs du romantisme.
L’œuvre de Goethe appartient au courant du « Sturm und Drang » dont Goethe a été l’un
des imminents chefs de file. Il constitue le point de départ du romantisme dans une
Allemagne marquée par le rationalisme des Lumières.
1) MISE EN AVANT DE L’INDIVIDUALITE : le héros romantique ne se perçoit pas comme un
individu social. Au contraire, il tend, comme Werther, vers l’isolement et la solitude.
2) L’EXACERBATION DES SENTIMENTS : corrélative à la mise en avant de l’individualité des
êtres, ceux-ci sont essentiellement tournés vers eux-mêmes et leurs émotions. La
littérature romantique met l’accent sur l’intériorité propre à chaque homme, à travers des
héros qui expriment, de manière lyrique, tant leur enthousiasme que leur souffrance.
Werther épanche ses sentiments dans de longues lettres lyriques écrites à son ami
Wilhelm.
3) LA PLACE PRIVILEGIEE DE LA NATURE : SOURCE D’EMERVEILLEMENT ET MIROIR DES
SENTIMENTS Elle apparaît dans la littérature comme source d’inspiration pour les artistes et les
écrivains (chez Rousseau ou Lamartine, par exemple) ou comme prétexte pour le héros à
épancher sa sensibilité. Elle forme aussi un élément important et symbolique de la
narration : le cycle des saisons joue un rôle prédominant :
« La solitude de ces célestes campagnes est un baume pour mon cœur,
dont les frissons s’apaisent à la douce chaleur de cette saison où tout
renaît » Werther
La passion du héros pour Charlotte naît au printemps au moment de la nature renaissante
et se meurt en hiver, à Noël….
PROBLEMATISER : Dans quelle mesure le sens que l’on accorde traditionnellement à l’adjectif
« romantique » est-il approprié à l’œuvre de Goethe comme à l’opéra de
Massenet ?
Quel est le rôle de la nature dans le texte de Goethe et/ou dans le livret de
l’opéra ? Ne fait-elle que représenter un cadre pour l’action ?
POUR COMPLETER : écouter l’extrait tiré du 1er acte « alors c’est bien ici la
maison du Bailli » proposé en analyse dans ce dossier (p. 19) afin de montrer la
place privilégiée de la nature au sein de cet opéra.
WERTHER
MASSENET
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QUELQUES PISTES D’ECOUTES
Werther peut être écouté dans son intégralité sur Youtube :
https://www.youtube.com/watch?v=zRJ85twLsDQ
José Carrerras : Werther / Frederica von Strade : Charlotte /
orchestre du Covent Garden sous la direction de Sir David Collins.
PRELUDE
Ce prélude de Werther présente deux univers antagonistes : celui de la passion tragique
et celui de la béatitude amoureuse. Éminemment dramatique, cette grande page orchestrale
témoigne des sentiments bouillonnants du héros. Pour le compositeur, grand admirateur de
Wagner, l’orchestre doit se faire le révélateur des sentiments les plus intimes et des tourments les plus profonds.
La première partie, très tourmentée, fait retentir, dans la tonalité lugubre de ré mineur de sombres accords dans le registre grave avec une basse descendante très marquée. L’orchestre, très dense, fait entendre dans une nuance forte, cuivres et percussions. Le discours musical de la seconde partie, très apaisée dans la tonalité de ré majeur, est
confié aux cordes tandis que les arpèges de la harpe confèrent à l’ensemble sa plasticité
transparente. Nous entendons alors un thème, riche d’avenir, car repris tout au long de l’opéra :
celui du « calme de la nature » :
On remarquera le rôle privilégié accordé à un violon qui joue presqu’en solo.
EN CLASSE
CHANTER et MEMORISER le thème du calme de la nature qui joue, au sein de cet opéra,
un rôle structurel très important. Il revient, tel un leitmotiv, à des moments stratégiques
de l’œuvre (exemple p. 20 du présent dossier).
COMPARER les deux parties qui structurent ce prélude et faire le lien avec l’action
présentée dans le livret.
ANALYSER les jeux d’oppositions entre ces deux parties en utilisant un vocabulaire précis
pouvant toucher les domaines de la dynamique ainsi que de l’espace et du timbre.
WERTHER
MASSENET
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PREMIERE PAGE DU MANUSCRIT D'ORCHESTRE DE WERTHER, BNF OPERA, RES-542 (1-3)
WERTHER
MASSENET
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ACTE I, LE BAILLI / CHŒUR DES ENFANTS “ASSEZ ! ASSEZ !”
Début du premier acte : le rideau se lève sur un grand éclat de rire des enfants relayé à
l’orchestre sous forme de trilles. Nous découvrons alors le Bailli les faisant répéter un chant de
noël. Au début, l’apprentissage semble laborieux car la petite troupe est assez dissipée.
Après les remontrances du Bailli et une fois le nom de leur sœur Charlotte mentionné (« Oserez-
vous chanter de la sorte, quand votre sœur Charlotte est là ! »), ils exécutent finalement la
chanson avec sérieux.
Nous entendons donc deux versions de ce chant : l’une chantée à tue-tête, comme pour
s’amuser, l’autre exécutée avec une certaine gravité, conférant à l’ensemble un caractère doux et
serein.
EN CLASSE
VOIR la scène sur le site :
http://www.dailymotion.com/video/x1agqrj_werther-
repetition-du-chant-de-noel_creation
On regrettera que la vidéo ne présente pas la scène dans
son intégralité mais seulement au moment de la reprise du
chant par les enfants pressentant l’arrivée de leur sœur.
ECOUTER, COMPARER, CONSTRUIRE UNE CULTURE MUSICALE
Identifier par comparaison les différences et ressemblances dans l’interprétation de ce
chant de noël repris au dernier acte, au moment de la mort de Werther. Chanté
initialement en Ré majeur à l’unisson (1er acte), il est repris dans la tonalité lumineuse de
sol majeur en polyphonie à trois voix (4ème acte).
« C’est le chant de la délivrance,
C’est l’hymne de pardon
Redit par l’innocence ! », Werther, acte 4
Reprise du chant en
polyphonie
WERTHER
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REALISER DES PROJETS MUSICAUX
Interpréter ce chant ne présente pas de grandes difficultés. Il pourrait même être
envisagé dès le cycle 3 dans sa version monodique :
La version polyphonique à 3 voix ne présente pas non plus de très grandes difficultés, les lignes
vocales évoluant de façon souvent symétrique en privilégiant l’intervalle de tierce. Il nécessiterait
cependant une transposition en Fa majeur, c’est-à-dire un ton au-dessous de l’original, afin de
faciliter les aigus pour les collégiens !
WERTHER
MASSENET
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ACTE I, « ALORS , C’EST BIEN ICI LA MAISON DU BAILLI ? »
SITUATION DE L’EXTRAIT DANS L’OPERA
Première apparition de Werther qui, accompagné d’un paysan, s’avance dans la cour du Bailli et
contemple la nature qui environne la maison….
Cet air est baigné d’une grande sérénité et les timbres choisis par Massenet contribuent à
faire de cette maison du Bailli un lieu magique. Nous entendons d’abord le timbre chaud du
violoncelle sous les arpèges lumineux de la harpe. Sa ligne mélodique est ensuite reprise par le
violon et toujours agrémentée par un accompagnement de la harpe. L’intervention délicate de la
flûte achèvent avec poésie ce premier moment où Werther, tel un somnambule hypnotisé par la
nature qui l'environne, se demande avec hésitation si « c'est bien ici la maison du Bailli ? ».
DELICATES TENUES
DES VENTS SOUS LES
TRILLES
FREMISSANTS DES
TIMBALES
ARPEGES LUMINEUX
DE LA HARPE
VIOLON SOLO EN
RELAIS DU
VIOLONCELLE
MELODIE DU
VIOLONCELLE SOLO
WERTHER
MASSENET
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Cette première intervention est à peine achevée que retentit le thème du "calme de la nature"
déjà entendu dans le prélude. La réapparition du thème est directement à l'initiative des mots de
Werther qui débute ainsi son premier air : « Je ne sais si je veille, ou si je rêve encore... ».
EN CLASSE
EDUCATION MUSICALE
A ECOUTER dans l’interprétation :
- d’Alfredo Kraus : https://www.youtube.com/watch?v=USMcHDIJTl4
- de Roberto Alagna : https://www.youtube.com/watch?v=oyJkiqXFPkc
NOMMER les différents timbres de l’orchestre ainsi que les modes de jeux sollicités pour
faire de la nature une évocation enchanteresse.
Langage musical : domaine du timbre et de l’espace.
COMPARER cet air avec la seconde partie du prélude afin d’observer le rappel thématique
du « calme de la nature », conçu comme un leitmotiv.
Langage musical : domaine de la forme.
EDUCATION MUSICALE, CYCLE 4 : ECOUTER, COMPARER, CONSTRUIRE UNE CULTURE
MUSICALE ET ARTISTIQUE
Compétence : « analyser des œuvres musicales en utilisant un vocabulaire précis »
Compétence-cible : « mobiliser sa mémoire sur des objets musicaux longs et
complexes ».
WERTHER
MASSENET
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LETTRES
IDENTIFIEZ, à partir du texte ci-dessous, les différents thèmes romantiques.
RELEVER le champ lexical de la nature puis montrer en quoi elle apparaît comme
bienveillante et protectrice.
« Après un demi-siècle de rationalisme qui compte sur l’intellect pour sonder
l’humain et son environnement, on la considère volontiers comme un guide
d’autant plus estimé qu’il tire sa force du sentiment et qu’il livre ses secrets par
un langage poétique ». FRANÇOIS SABATIER, MIROIRS DE LA MUSIQUE, TOME 2,
CHAPITRE X « DE LA NATURE », P. 223.
CYCLE 4, NIVEAU 5ème : questionnement complémentaire « l’être humain est-il maître de
la nature ? »
Compétence ciblée : « interroger le rapport de l’être humain à la nature à partir de textes
et d’images empruntés aux représentations de la nature à diverses époques, en relation
avec l’histoire des arts, et saisir les retournements amorcés au XIXème siècle et
prolongés à notre époque. »
HISTOIRE DES ARTS Les évocations de la nature peuvent être abordées dans la thématique « De la belle
époque aux années folles : l’ère des avant-gardes (1870-1930) », en ayant pour objet
d’étude les « paysages du réel, paysages intérieurs ».
« Je ne sais si je veille ou si je rêve encore !
Tout ce qui m'environne a l'air d'un paradis ;
Le bois soupire ainsi qu'une harpe sonore,
Un monde se révèle à mes yeux éblouis !
O nature, pleine de grâce,
Reine du temps et de l'espace
Daigne accueillir celui qui passe et te salue,
Humble mortel !
Mystérieux silence !
O calme solennel !
Tout m'attire et me plaît !
Ce mur, et ce coin sombre...
Cette source limpide et la fraîcheur de l'ombre ;
Il n'est pas une haie, il n'est pas un buisson où n'éclose
Une fleur, où ne passe un frisson !
O nature! Enivre-moi de parfums,
Mère éternellement jeune, adorable et pure !
O nature !
Et toi, soleil, viens m'inonder de tes rayons ! »
WERTHER
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ACTE II, « Vivat Bacchus ! »
Le second acte prend des allures de fête s’ouvrant gaiement, formant ainsi un contraste
par rapport à la scène précédente. La chanson à boire est entendue d’abord à l’orchestre. Son
caractère vigoureux et tonique s’explique par plusieurs facteurs :
- Le saut de quart initial
- Le départ en levée
- Une rythmique
vigoureuse
- Ses notes accentuées
EN CLASSE
ECOUTER / COMPARER avec la chanson à boire « Brindisi », tirée du premier acte de
l’opéra Traviata de Verdi.
Cette chanson, emblématique du style festif de l’œuvre, invite à trinquer et célèbre
l’amour. Dans le croisement de regards, les premiers sentiments entre Violetta et Alfredo
éclosent. Dynamisme, grâce et légèreté sont les signes identitaires de cet air célèbre. Le
saut de sixte initial donne à la mélodie un rebond « félin » pouvant aussi évoquer la levée
de la coupe de champagne, tandis que de petites fioritures (appogiatures et broderies)
l’enjolivent. L’accompagnement prend le caractère d’une valse.
ECOUTER / COMPARER, avec la chanson à boire, interprétée par le Duc, tirée du 3ème acte
de Rigoletto de Verdi.
La ligne vocale, structurée par groupes de deux mesures, est habilement ciselée et
comprend de nombreuses indications de phrasé alternant notes piquées, accentuées,
liées, contribuant ainsi au dynamisme de l’ensemble :
L’orchestre soutient la ligne vocale par une formule simple d’accompagnement, d’allure
dansante, avec un premier temps confié aux cordes graves et les deux temps suivants aux
violons et altos dans un registre plus aigu.
EDUCATION MUSICALE, CYCLE 4 : ECOUTER, COMPARER, CONSTRUIRE UNE CULTURE MUSICALE
ET ARTISTIQUE
WERTHER
MASSENET
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Compétence ciblée : situer et comparer des musiques de styles proches ou éloignés dans
l’espace et /ou dans le temps pour construire des repères techniques et culturels.
ACTE III, CHARLOTTE « VA ! LAISSE COULER MES LARMES »
L’absence de Werther laissant sans nouvelles « ceux qui lui sont restés fidèles » pèse sur
Charlotte. Devant sa sœur Sophie, elle perd contenance et affiche toute sa détresse.
Il s’agit d’un des plus beaux airs de l’opéra, instant
magique dont seul Massenet a le savoir-faire.
Nous découvrons Charlotte avec sa voix de mezzo-
soprano, choix incongru à l’opéra car traditionnellement
l’héroïne, « l’amoureuse » est dotée d’une voix de soprano
à laquelle « l’amoureux » répond de sa voix de ténor. Le
compositeur met certainement ici en valeur la maturité
du personnage malgré son jeune âge. Charlotte n’a
certes que 20 ans mais est déjà marquée par la mort de
sa mère. Il lui revient l’intendance de la maison et la
charge de ses frères et sœurs.
Massenet réussit à créer une atmosphère intime et
pénétrante. Le tempo très lent laisse percevoir la
difficulté de Charlotte à s’exprimer tant sa douleur est grande. Le registre grave dans lequel est
confinée la voix donne un caractère sombre à l’ensemble qui revêt l’aspect d’un lamento. On
remarquera la présence du saxophone alto en tant qu’instrument soliste qui, de son timbre doux
et pénétrant, se fait le confident mélancolique et délicat de la voix.
EN CLASSE
REGARDER l’extrait de l’émission de J.F Zygel « La Boite à musique » consacrée à
« OPERA ». Le premier chapitre propose la découverte de la voix de mezzo-soprano. Cet air
est chanté par la cantatrice Nora Gubisch.
ECOUTER l’interprétation de Renata Scotto :
https://www.youtube.com/watch?v=DVfIFG2z2zQ
COMPARER avec l’air de Chimène « Pleurez mes yeux », tiré du 3ème acte du Cid de
Massenet. Ici, la clarinette alto et non le saxophone alto a un rôle de soliste.
A écouter dans l’interprétation de Maria Callas :
https://www.youtube.com/watch?v=mz63zMbVSQw
Faire CHANTER / MEMORISER l’élément mélodique qui revient à plusieurs reprises, tant
à la voix qu’au saxophone, donnant cohérence à l’ensemble :
CHARLOTTE
« Va ! laisse les couler !
Elles font du bien ma chérie !
Les larmes qu’on ne pleure pas
Dans notre âme retombent toutes,
Et de leurs patientes gouttes
Martèlent le cœur triste et las !
Sa résistance enfin s’épuise ;
Le cœur se creuse et s’affaiblit ;
Et trop fragile, tout le brise ! »
WERTHER
MASSENET
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POUR EN SAVOIR PLUS
BIBLIOGRAPHIE
GOETHE, Les souffrances du jeune Werther, Paris, Gallimard, 2006, 185 p.
Werther de Massenet, l’Avant Scène Opéra, n° 61, 1994, 146 p.
BESSAND-MASSENET, Pierre, Massenet, Paris, Julliard, 1979.
BRUNEAU, Alfred, Massenet, Paris, Delagrave, 1935.
CONDE, Gérard, Massenet mes souvenirs, Paris, éditions Plume, 1992.
OLIVIER, Brigitte, Jules Massenet, itinéraires pour un théâtre musical, Actes Sud, 1996.
SCHNEIDER, Louis, Massenet, Paris, Fasquelle, 1926.
WEBOGRAPHIE
http://www.jules-massenet.com/
Premier site français consacré au compositeur Jules Massenet et aux acteurs de la vie musicale
de son époque, sa vie, son œuvre, discographie CD, ...
http://www.musicologie.org/Biographies/m/massenet.html
Notice biographique de Jules Massenet (1842-1912) : catalogue des œuvres, bibliographie,
discographie, documents.
http://www.lectura.fr/expositions/massenet/
Exposition virtuelle avec dossier pédagogique.
http://www.dlib.indiana.edu/variations/scores/aby3341/large/index.html
Partition d’orchestre de Werther.
http://gallica.bnf.fr/
On y trouve au format pdf les mémoires de Jules Massenet, Mes souvenirs, 1848-1912, 1912,
Edition Lafitte. Les pages 163 à 172 du document pdf évoquent, de façon romancée, la création
de Werther.
WERTHER
MASSENET
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WERTHER
A L’OPERA DE REIMS
LA PRODUCTION
Direction musicale : DAVID T. HEUSEL
Mise en scène : PAUL-EMILE FOURNY
Décors : BENOIT DUGARDYN
Costumes : STELLA MARIS-MÜLLER
Lumières : PATRICK MEEUS
Chef de chant : BERTILLE MONSELLIER
Werther : SEBASTIEN GUEZE
Albert : ALEXANDRE DUHAMEL
Le Bailli : CHRISTIAN TREGUIER
Charlotte : MIREILLE LEBEL
Sophie : LEONIE RENAUD
Chœur d’enfants du Conservatoire de Reims
Chef de chœur : YVES WEEGER
Orchestre : OPERA DE REIMS
Coproduction : Opéra de Massy, Opéra-Théâtre de Metz Métropole, Opéra de Reims.
SEBASTIEN GUEZE MIREILLE LEBEL ALEXANDRE
DUHAMEL
CHRISTIAN
TREGUIER
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ZOOM SUR LE METTEUR EN SCENE
PAUL-EMILE FOURNY
Né à Liège, Paul-Emile Fourny étudie au
Conservatoire Royal de sa ville natale. Après
l’obtention d’un premier prix en 1981, il est
successivement comédien, professeur et metteur
en scène. En 1985, il rejoint l’équipe de Gérard
Mortier au Théâtre Royal de la Monnaie de
Bruxelles. Poursuivant sa carrière en France, il crée
le Festival des Soirées Lyriques de Gigondas,
travaille pour l’Opéra-Théâtre d’Avignon et des
Pays de Vaucluse, les Chorégies d’Orange et
l’Opéra de Nice dont il assure la direction générale
et artistique de 2001 à 2009. Professeur à
l’E.S.R.A. de Nice et homme de théâtre, il
développe sa carrière de metteur en scène en
France comme à l’étranger, parallèlement à la
gestion des structures culturelles qui lui sont
confiées. Il est notamment sollicité par le Teatro
Colon de Buenos Aires, le Teatro Argentino de La
Plata, l’Opéra de Tel Aviv, l’Opéra Royal de
Wallonie, le Festival de Savonlinna, le Festival
Puccini de Torre del Lago et par de nombreux
théâtres en Italie. En France, il signe de multiples
productions au Festival de Musique d’Antibes et à
Lacoste, ainsi qu’à Avignon, Nice, Saint-Etienne,
Toulon… Paul-Emile Fourny a reçu, en 2007, les
insignes de chevalier de la Légion d’Honneur. Au cours des deux dernières saisons, il a mis en
scène Tosca, A Midsummer Night’s Dream, La Vida Breve, Il Trittico, Les Contes d’Hoffmann, Aida,
Manon Lescaut, Faust… Il prend la direction de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole en avril 2011.
Il signe la mise en scène de La Traviata en 2013 pour l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole et Ballo
in Maschera pour le Biel Solotrhurn Theater (2013) puis l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole
(2015).
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REGARDS SUR LA MISE EN SCENE
WERTHER
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ANNEXE
LA PRESSE EN PARLE : LE MENESTREL
N° 3179, 58ème ANNEE, DIMANCHE 28 FEVRIER 1892 Devant l'importance d'un événement musical tel que celui de la représentation de Werther à
l'Opéra impérial de Vienne, où l'œuvre de M. Massenet vient d'être accueillie avec tant
d'enthousiasme, il nous a paru intéressant de donner ici l'opinion des principaux critiques de la
presse viennoise. Elle est la consécration réfléchie et raisonnée du succès.
Tout d'abord il convient de donner la parole à M. le Dr Ed. Hanslick, l'éminent professeur
d'histoire et d'esthétique musicales à l'Université de Vienne et l'érudit critique de la Nouvelle
Presse libre; après avoir relaté les diverses tentatives faites en France et en Allemagne pour
mettre à la scène le Werther de Goethe, M. Hanslick arrive à l'œuvre de Massenet et dit :
« ... Massenet a approfondi le sujet et il a réussi à maintenir dans sa partition une remarquable
unité. Dans l'intérêt même de cette unité, il a renoncé aux grands airs, aux duos, aux chœurs et
aux ensembles. Pour Werther, le compositeur français, habitué à briller par des effets d'ensemble
et par « l'éclat sensuel » (Sinnlicher Glanz), devait donc faire abnégation de ses préférences et, il
faut le dire à l'honneur de l'auteur du Cid et d'Esclarmonde, il a eu cette abnégation. »
Massenet, dans son enthousiasme de l'œuvre de Goethe, a écrit sa partition pour sa satisfaction
personnelle et, en effet, depuis huit ans qu'elle est terminée, il ne s'est nullement préoccupé de
la faire jouer. C'est seulement après l'incomparable interprétation viennoise de Manon que Van
Dyck et Maria Renard se sont révélés à lui comme son Werther et sa Charlotte futurs, et c'est
alors que Massenet s'est décidé à donner à l'Opéra de Vienne la primeur de sa partition. » Sauf le
Faust de Gounod, il n'existe point, dans la littérature musicale française contemporaine, une
œuvre qui se rapproche autant du caractère allemand que le Werther de Massenet. C'est qu'il y a
en effet, une goutte de sang germain non seulement dans la musique, mais aussi dans les veines
de Massenet. Il est le fils d'un Alsacien dont le père a fait les campagnes de l'Empire. Sa
prédilection pour Wagner le rapproche également de l'Allemagne. Déjà ses ouvrages antérieurs
trahissent ça et là l'influence du maître de Bayreuth. Dans Werther, Massenet adopte
complètement la méthode de Wagner, c'est-à-dire « la mélodie infinie » que l'orchestre confirme et
que la parole accompagne. Toutefois, ce n'est point-là, à tout prendre, l'invention de Wagner, car
nous retrouvons ce procédé sous une forme plus simple dans l'œuvre d'Herold, d'Halévy et
d'Auber... Wagner, lui, a érigé en principe ce mode d'accompagnement et il s'y est strictement
tenu. Or, pour le style parlé, tel qu'il prédomine dans Werther, cette méthode nous paraît
préférable au pathos héroïque des grands opéras. » Dans l'œuvre de Massenet, le travail
fondamental de l'orchestre n'est peut-être pas aussi artistique que chez Wagner, mais, par
contre, il est plus souple, plus naturel et plus intelligible. Il n'impose point à l'oreille ce dur labeur
de débrouiller continuellement les fils d'un épais tissu de mélodies dont les zigzags inextricables
se croisent et s'enchevêtrent sans cesse. Massenet traite ces sortes de passages avec infiniment
d'habileté. Il n'emploie l'arioso prolongé que très rarement, comme, par exemple, à l'entrée de
Werther, puis dans son ode à la Nature, ou au deuxième acte, dans la mélodie en la bémol
majeur, et enfin au troisième acte, pour la strophe sur Ossian. L'ariette de Sophie apporte un
rayon de soleil dans ce sombre tableau. Massenet prend le plus souvent, comme points de
repère, des mélodies prolongées qui reviennent ensuite comme autant d'appels au souvenir de
l'auditeur. Ainsi le solennel et mystique thème d'amour 12/8 au retour du bal, puis, au deuxième
acte, le fragment dans lequel Charlotte cherche à consoler Werther, et le désespoir de l'amant au
début de l'ouverture. Ces allusions musicales, dont Massenet ménage d'ailleurs l'emploi, se
gravent parfaitement dans la mémoire. »... Considéré au point de vue de l'invention mélodique, il
semble presque que Werther ait été intentionnellement traité avec une certaine parcimonie, afin
que la simple et naïve uniformité de ce tableau ne soit pas trop interrompue par d'indiscrets
attraits.
WERTHER
MASSENET
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L'expression dramatique rend bien l'intention de l'auteur. Les passages émus, comme les éclats
passionnés, exercent un effet irrésistiblement puissant. Peut-être pourrait-on trouver que
Werther, arrivé au paroxysme de l'exaltation, n'est pas exempt d'une certaine emphase théâtrale,
mais c'est là un des caractères propres au style français et même à la nature théâtrale du
français. »...
Massenet montre un talent tout particulier dans l'art de saisir et de maintenir l'effet musical d'une
situation donnée. De quel sentiment profond est empreint la scène du retour du bal, quand
Werther el Charlotte s'en reviennent bras dessus bras dessous ! Déjà le prélude, dans lequel
flottent et alternent les mesures dispersées d'une tyrolienne et d'un mystique chant d'amour,
dépeint l'épisode. Dans la conversation de Charlotte et de Sophie, au troisième acte, qui se
prolonge à l'orchestre sur une mélodie d'une douceur infinie, Massenet a trouvé des accents de
la plus émouvante intensité. L'apparition de Werther, au troisième acte, fige le sang, non pas
seulement celui de Charlotte, mais aussi celui des auditeurs. La strophe sur Ossian, en fa dièse
majeur, que termine un déchirant cri de douleur, nous impressionne par sa profonde mélancolie.
L'orchestre est traité d'une main magistrale ; bien différent en cela de l'instrumentation brillante,
mais souvent bruyante, que Massenet a employée dans ses œuvres précédentes. Ce roman si
simple, ou pour mieux dire cette idylle si bourgeoise, se reflète dans les sonorités discrètes de
l'orchestre. Avec les sourdines, quelques sons de harpe et un timide dessin de flûte ou de
clarinette, Massenet obtient ici ses meilleurs effets, c'est-à-dire ceux que réclame précisément la
situation. Les trombones se reposent longuement. Ce n'est qu'aux plus violents éclats de la
passion qu'ils retentissent avec leurs formidables accords, et alors, Massenet ne les ménage
pas... » Ainsi tout concourt pour faire de Werther une œuvre intéressante et dont le sentiment
élevé et tendre cherche bien moins à provoquer de bruyants applaudissements pour l'auteur,
qu'à toucher l'âme de l'auditeur. » ...Werther et Manon, qui, comme valeur musicale, sont à notre
avis supérieurs aux grands opéras tragiques de Massenet, caractérisent bien le style pour lequel
son talent est si heureusement organisé, savoir, l'opéra dialogué, tantôt gai, tantôt émouvant,
c'est-à-dire la musique intime.
Le Fremdenblatt, dans un compte rendu très détaillé, analyse le « drame lyrique » de Massenet,
et dit que dès le premier acte on se trouve en présence d'un chef-d’œuvre de la musique.
Le critique dépeint ensuite les divers épisodes qui précèdent la catastrophe et s'arrête à
l'intermezzo, que l'Opéra impérial a merveilleusement illustré par une mise en scène d'un effet
inconnu jusqu'ici. Pendant que l'orchestre gronde, que la nuit absolue règne dans la salle, la
neige tombe sur la ville endormie de Wetzlar, la tempête mugit, on entend hurler le vent, puis tout
s'apaise, le calme renaît et l'on distingue les maisons dont les fenêtres, successivement
éclairées, laissent voir les arbres de Noël joyeusement illuminés. Pour tout ce tableau, Massenet
a pris dans sa palette musicale de vigoureuses couleurs. Mais quand il laisse parler les harpes,
murmurer ou chuchoter les violons, ou causer les flûtes et les clarinettes, quand il s'agit de
charmer l'oreille par une douce et gracieuse harmonie, il est encore plus dans son élément. Le
premier acte de Werther est une véritable idylle. C'est de la poésie et de la musique de « clair de
lune ». Nos oreilles sont charmées par cette gracieuse peinture musicale pour laquelle le maître
n'a cependant employé que des moyens forts simples. En effet, nous avons là un opéra en trois
actes sans chœurs, à moins qu'on ne veuille qualifier de chœur le Noël des enfants au début de
l'ouvrage, et presque un opéra sans mélodie dans les voix. Peut-être y a-t-il quelque raffinement
dans cette simplicité, peut-être n'est-elle que recherchée. Soit, mais il faut avouer que le
musicien qui, avec des moyens aussi peu compliqués, produit sur l'auditeur un effet d'émotion
aussi intense, est un musicien d'un remarquable talent.
Au second acte, Massenet devient dramatique ; Les monologues de Werther révèlent une
exaltation croissante.
Au troisième acte, Charlotte également arrive au point culminant de la passion. Ici, la musique de
Massenet nous subjugue et nous touche profondément. Massenet a su tirer d'excellents effets
dramatiques de certaines situations, telles que la promenade dominicale, l'entrée à l'église aux
sons de l'orgue, le Noël des enfants pendant que s'accomplit la catastrophe finale. A ce sujet, le
critique viennois, parlant d'effets analogues qu'on a relevés dans des œuvres récentes,
notamment dans Cavalleria rusticana, rappelle que la partition de Werther date de 1886 et qu'à
cette époque Pietro Mascagni n'avait rien écrit encore. En terminant, le critique du Fremdenblatt
WERTHER
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dit que Massenet, ce maître de l'art d'instrumenter, n'aurait pu trouver nulle part de meilleurs
artistes que ceux qui interprètent son œuvre à Vienne et que conduit l'éminent M. Jahn, le
directeur de l'Opéra impérial, qui ne s'assoit au pupitre que lorsqu'un « grand événement musical
s'accomplit ». Dans le Nouveau Tagblatt, M. Frey assure que Massenet est devenu le favori des
Viennois, que le Cid pourtant les a laissés un peu froids, mais que Manon les a subjugués.
Parlant de Werther, M. Frey explique que M. Massenet a écrit, pour chacun des quatre tableaux
de son drame lyrique, un prélude ou une introduction qui donnent à l'ensemble un ''certain
caractère grave ». Ce sont des harmonies sans paroles dont on comprend immédiatement le
sens. La grande valeur de la partition est dans la couleur avec laquelle le compositeur français a
su peindre si éloquemment les pages sérieuses ou sombres de son livret. Werther apparaît pour
la première fois au foyer de ses amis, le soir est venu, un calme profond plane sur la nature et sur
la petite maison du Bailli. Avec quelle douce et pénétrante émotion Massenet fait parler les
harpes et les flûtes ! Les amis du bailli ont, eux, leur leitmotiv rustique. Le Noël vient se mêler à la
franche gaieté des enfants. Et quand Charlotte raconte la mort de sa mère, quel touchant tableau
! Pendant que la voix exhale lentement sa douleur, l'orchestre se lamente et pleure, comme en un
cantique funèbre. Et quelle gracieuse cordialité Massenet a mise dans les paroles d'Albert,
l'heureux époux de Charlotte ! Ces quelques mesures ont gagné les auditeurs. Puis arrivent les
contrastes. A l'immense douleur de Werther contenue dans ces mots : Un autre son époux !
succède bientôt la petite ariette de Sophie : du gai soleil. Sans cesse nous voyons ainsi alterner
les tableaux. Rien de trop gris ne nous offusque. Parfois le soleil envoie ses rayons, un oiseau ou
une voix d'enfant se font entendre. Le caractère propre du talent de Massenet, ou, pour mieux
dire, sa spécialité, dans laquelle nul autre compositeur ne l'égale, consiste en ceci, que l'auteur
de Werther sait toujours vivifier la parole par la mélodie et que ses harmonies sont constamment
pleines d'intérêt et d'esprit. Les combinaisons que trouve Massenet sont d'une merveilleuse
variété. Il a une manière à lui de créer de nouvelles formes et de donner à ses phrases une
tournure particulière, qui caractérise chaque scène et la présente sous d'autres couleurs. Quand
il a exprimé d'abord sa pensée, qu'il nous l'a offerte dans toute sa plastique et son
développement, Massenet la reprend ensuite, la tourne et la retourne pour la faire rayonner de
mille nuances nouvelles.
Mais cette mélodie, nous la connaissons déjà ? Pas du tout ; on écoute encore, et c'est autre
chose. Le Tagblatt rappelle que Werther a déjà servi de livret à divers compositeurs italiens dont
le nom est aujourd'hui entièrement oublié, qu'on a donné à Paris, en février 1792, — il y a juste
un siècle, — un vaudeville intitulé : Werther et Charlotte, que Napoléon 1er a lu sept fois le roman
de Goethe, qui ne le quittait même pas durant la campagne d'Egypte, que d'autres œuvres du
poète allemand ont inspiré Gounod, Thomas, Boito, et que Massenet, l'auteur tant choyé à Vienne
depuis le succès éclatant de Manon, devait à son tour s'inspirer du touchant roman de Werther.
Massenet, dit M. Richard Heuberger, « a écrit pour l'excellent livret de MM. Blau, Milliet et
Hartmann, une musique fine, spirituelle et qui touche l'âme. Elle témoigne derechef du sentiment
élevé, de l'énorme expérience scénique et de la science instrumentale de cet auteur. »
L'Extrablatt journal, quotidien illustré, commence ainsi : « Le succès de Werther, le nouvel opéra
de Massenet, est un succès sensationnel. Après chaque acte, le compositeur, ses interprètes, y
compris les enfants, le directeur, M. Jahn, ont été rappelés et acclamés je ne sais combien de
fois. A quels éléments est dû ce triomphe? En première ligne à la musique de Massenet. ... «
Cette musique doit prendre rang parmi ce que la littérature contemporaine a produit de meilleur.
Les thèmes sont préparés et travaillés avec un soin extrême, et l'orchestration est traitée avec
une délicatesse sans exemple. Souvent Massenet se contente d'effleurer par un léger coloris
instrumental les récitatifs du chant. La nuance la plus faible de la voix produit ainsi tout son effet,
et ce n'est que rarement, et seulement au paroxysme de la passion, que le compositeur provoque
avec son orchestre la pleine voix du chanteur. Si cette forme d'instrumentation doit faire école,
nous reviendrons au temps du bel canto, et la preuve que le bel canto ne contrariera nullement
l'expression dramatique, nous la trouvons dans presque toute la partie vocale de Werther. »