rapport de stage en responsabilité master meef philosophie

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Gilles Rosay Master 2 Philosophie Enseignement Année scolaire 2013-2014 RAPPORT DE STAGE EN PRATIQUE ACCOMPAGNEE Semestre 4, 2ème Période. Lycée Galilée, Franqueville Saint-Pierre (76) Du 20 Janvier 2014 au 15 Février 2014. Cadre réservé aux éventuelles observations : Tuteur de stage : M. Philippe Drieux Encadrement ESPE : Mme Nadia Lamm 1

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Gilles Rosay

Master 2 Philosophie EnseignementAnnée scolaire 2013-2014

RAPPORT DE STAGE EN PRATIQUE ACCOMPAGNEE

Semestre 4, 2ème Période.Lycée Galilée, Franqueville Saint-Pierre (76)

Du 20 Janvier 2014 au 15 Février 2014.

Cadre réservé aux éventuelles observations :

Tuteur de stage : M. Philippe DrieuxEncadrement ESPE : Mme Nadia Lamm

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier l'ensemble de l'équipe administrative et pédagogique du Lycée Galilée pour son accueil chaleureux et bienveillant, et plus particulièrement M. Philippe Drieux et Bénédicte

Delsinne, enseignants agrégés de philosophie, ainsi que Mme Nadia Lamm, enseignante à l'ESPE de Rouen et responsable de l'évaluation et de la coordination des stages, de m'avoir accompagné et

conseillé tout au long de cette période.

Par ailleurs, je remercie les élèves des classes de terminale dont l'intérêt et la pertinence des questions auront su confirmer ma vocation par le plaisir suscité et maintes fois renouvelé de

pratiquer la philosophie avec eux, ou simplement de les guider dans cet acte.

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INTRODUCTION

La difficulté pour un étudiant préparant les concours de titularisation à la fonction enseignante de réaliser un rapport de stage tient certainement en deux choses. D'une part, dans l'incohérence du moins apparente que ce travail revêt par rapport aux exigences des exercices habituels de dissertation et commentaires de texte en temps limités. D'autre part, car l'étudiant lui-même pense, certainement à tort, que ces multiples moments de pratiques de l'enseignement de sa discipline sont d'emblée, comme immédiatement, l'objet d'un retour réflexif avant même le recours à la forme synthétique du rapport de stage. Disons-le sans détour : il commettrait une grave erreur en se laissant aller à de telles considérations. La première de toute serait celle qui établirait une trop grande distance entre les exigences de sa préparation aux concours de l'éducation nationale et celles de la pratique de l'enseignement et de la réflexion qu'elle suscite, au travers de la participation à des stages de pratique accompagnée et de la réalisation d'un rapport.

Ainsi, en tant que futurs enseignants, le rapport de stage est l'occasion d'un retour synthétique sur nos pratiques et doit être le lieu d'une juste problématisation, dont le modèle philosophique s'avère à notre sens comme le type privilégié. En effet, par les tris et les choix qu'il suscite dans la multiplicité des moments d'observation, de préparation, de pratiques et de réflexion sur elles, le travail de rapport apparaît comme bien frustrant et réducteur. Cependant, à la manière dont un professeur de philosophie doit explorer avec ses élèves la multiplicité des problèmes et des thèses proposés par les grands noms de l'histoire de cette discipline tout en rendant compte l'unité du projet philosophique, l'élève, et professeur en devenir, que je suis ne saurait que prolonger ce geste. Cette multiplicité et les choix qu'elle occasionne pour le stagiaire dans son rapport et l'enseignant dans sa pratique ne sont-ils pas l'indice d'une forme de procès constitutif du travail de l'enseignant ?

La difficulté apparente d'analyser puis de synthétiser autant de moments singuliers de plaisir pris à enseigner mais aussi, il faut bien l'avouer, d'erreurs faites dans les différentes phases du stage citées plus haut doit laisser place à une démarche unifiée et unificatrice de recul interrogatif à l'endroit de notre démarche pédagogique et didactique. Et, à leur tour, ces interrogations sur la réception de mon enseignement par les élèves ainsi que de sa qualité formelle et substantielle, éléments dont il serait faux de croire qu'ils ne soient pas étroitement liés, culminent dans la considération du « bien » de l'élève, comme horizon de notre pratique.

Le présent rapport ne sera pas l'occasion d'une mise en avant du cadre d'exercice de mes fonctions lors de ce second stage. En effet, les cadres de l'établissement et des classes auront déjà fait l'objet dans mon précédent rapport de stage d'une élucidation, quoique la pratique de l'enseignement aura pu changer la teneur de ces constats. Ainsi, ce qui m'importera au plus haut point dans le présent exposé sera d'analyser la pratique de l'enseignement en elle-même, la mise en œuvre de moyens pédagogiques et didactiques à des fins d'acquisition de compétences pour les élèves comme pour le futur professeur de philosophie que je suis. Dans cette mesure, les référentiels de compétences mis à disposition par l'éducation nationale ont été et seront des outils privilégiés de mise en œuvre de ma démarche pédagogique, d'une part, autant que de critique réflexive à l'endroit des divers moments de mon stage, d'autre part. Nous verrons, dans un premier temps, comment s'est déroulé le stage chronologiquement afin de mettre en avant les diverses problématiques auxquelles je devais répondre dans la mise en œuvre de mes séances d'apprentissage. Cette partie sera le lieu privilégié d'une critique mesurée des constats dressés lors du premier stage d'observation de Novembre 2013. Elle sera aussi le lieu de la mise en avant d'allers-retours bénéfiques entre les périodes d'observation et de pratique. Ensuite, nous accentuerons notre propos sur la mise en oeuvre du versant pratique de ce stage au travers de l'étude d'une séquence pédagogique, des outils pour sa réalisation et de son

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contenu, formelle et substantiel. Enfin, nous verrons que ces problématiques d'enseignement qui ont toutes pour vocation de répondre à la question de la continuité, formelle et substantielle, des apprentissages pour les élèves, ont toutes pour centre de gravité la considération de leur « bien », concept qui devra être le lieu d'une définition précise en articulation avec les droits et devoirs des enseignants.

I/ Déroulement du stage   : de l'observation à la pratique.

Suite à un premier stage d'observation et après une première semaine qui consistait dans le même exercice, la pratique en elle-même se déroulera tout au long de la deuxième semaine du stage. Ces deux phases bien distinctes m'auront permis d'appréhender aussi bien les nécessités de M. Drieux que de mettre en œuvre un déroulement de séance dans la continuité de son propos, rappelant les acquis des semaines passées, les réinvestissant depuis un point de vue différent puisque j'aurais en charge une œuvre en lecture suivie sur le thème de la superstition, à savoir la lecture du premier appendice de L’Éthique de Spinoza.

1/ Constats et écueils de l'observation du premier stage.

a- les constats   :

Le premier stage a été l'occasion pour moi de réaliser une semaine d'observation auprès de M. Drieux, semaine durant laquelle il n'a pas apparu possible et souhaitable de me faire intervenir en accord avec Mme Lamm, formatrice à l'ESPE. Je n'ai pu, pour raisons médicales, assister qu'à la dernière semaine du stage qui se déroulait effectivement du 5 au 20 Novembre 2013 au Lycée Galilée à Franqueville Saint-Pierre (76).

Cette observation qualifiée par moi-même comme « extérieure » (voir page 4 du précédent rapport), aboutissait à la distinction de la forme et du contenu des séances proposées par M. Drieux à ses élèves ainsi qu'à la reconnaissance de types d'élèves et de classe. Les interventions de mon camarade, Paul Mallet, au sein des cours de notre tuteur, quant à elles, m'auront confronté à la double difficulté du stagiaire, qui se doit, d'une part, d'inscrire son action dans la continuité de celle développée par un enseignant d'expérience mais qui doit aussi, d'autre part, prendre part à l'activité d'un groupe « classe » déjà constitué. Depuis mon point de vue d'étudiant ne considérant pas l'imminence de la pratique à venir, cette démarche aura permis de distinguer à profit les exigences de la préparation aux concours et celles de notre future profession, ainsi que de définir pour moi-même un parcours estudiantin fait de va-et-viens entre savoir théorique et mise en oeuvre pratique, entre connaissances philosophiques et pédagogiques.

L'absence de connaissances didactiques et pédagogiques avait été repérée comme le lieu d'un nécessaire dépassement par l'acquisition de connaissances en ces matières, d'une part, et par la nécessité de m'approprier les savoirs philosophiques eux-mêmes dispensés par la faculté. Cette perspective permet de comprendre à nouveaux frais une réconciliation possible entre les exigences de la préparation aux concours de l'enseignement, celles des exercices philosophiques des concours eux-mêmes et la pratique de l'enseignement en Terminale, devant des élèves. En effet, maîtriser des savoirs, avoir acquis des compétences, semble tenir à la faculté de les réinvestir aussi bien devant un jury d'examen que devant une classe d'élèves, en sachant s'adapter à « son public ».

Mon interrogation était alors de savoir comment l'enseignant devait mener ses séances pour obtenir un réel investissement philosophique, que ce soit au sein du cours ou du travail à domicile, de la

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part des élèves plutôt que de les laisser « dans une attitude de conformité extérieure à ce qu'ils considèrent comme celle du bon élève » (Philosopher, Tous Capables, ouvrage collectif GFEN, 2005 p.122 article « Le colloque Descartes : je cherche donc je philosophe » par Hélène Degoy).

La grande complexité de ce qu'il y avait à voir dans ce stage d'observation a représenté un défi pour ma part, voire la reconnaissance de diverses tensions à l'oeuvre dans l'exercice de la profession. Ce défi aurait été rempli à mon sens si je disposais d'une formation en didactique et en pédagogie Toutefois,. s'il semble aller de soi que ces outils m'auraient permis une meilleure compréhension de la situation d'apprentissage, il n'en reste pas moins que lors de mon second stage, l'imminence de la pratique aura su me permettre de prendre du recul par rapport à ce premier stage d'observation. Ce changement de perspective, tout d'abord, tient à la prise de conscience du biais de mon observation par ignorance de la pédagogie certes, et plus avant certainement par un manque de confiance à l'endroit de mes connaissances dans la discipline elle-même ainsi qu'en dernier lieu par un manque de considération à l'endroit de la multiplicité des élèves en faveur de la seule considération de la forme et du contenu du cours.

b- les écueils   :

L'observation menée dans un premier temps paraît dès lors avoir fait preuve du même écueil auquel je ne souhaitais pourtant pas succomber dans la mise en œuvre à venir de mes séances. En effet, elle était elle-même extérieure, comme en conformité avec l'attitude du « bon stagiaire », observant le « bon » professeur et la « bonne » pratique, et ce bien que j'ai tenté autant que possible de mettre en question cette pratique. Libérer rapidement de cette autre image envahissante qu'est celle de l'enseignant « zéro défaut » (L'Accompagnement Professionnel des Jeunes Enseignants, Jean-Louis Lamaurelle, Hachette éducation, p.67) compte tenu de mon passé professionnel, il n'en reste pas moins que ma perception de la classe est restée ancrée dans une attitude extérieure, où l'élève n'avait que peu de place contre sa primauté dans « le triangle didactique », où il apparaît comme un acteur de premier plan si ce n'est l'acteur principal de sa propre formation. La considération du « bien » de l'élève se limitait alors à un regard posé sur la forme et le contenu de l'enseignement de mon tuteur, ainsi que de mon camarade de stage sans avoir assez d'égard à l'endroit de la réception de cet enseignement et de ses limites. Dans cette perception, très peu d'égard était attribué à la multiplicité des élèves, à leurs réactions par exemple en ce qu'elles sont souvent l'indice d'une compréhension du propos tenu, et ce, en faveur d'une « externalisation » (Ibid., p.80) par des étiquettes à l'endroit des classes. Les « littéraires » étaient alors jugés comme apathiques, les « scientifiques » dissipés et les « techniques » à la limite de l'impertinence. Par ailleurs, un tel biais donné à la perception implique de tenir presque systématiquement les élèves comme autant de spectateurs, plus ou moins passifs, de commentaires de textes philosophiques ou d'indications méthodologiques, cependant très riches, menés par M. Drieux et Paul Mallet.

Par le recours aux référentiels des attentes concernant les enseignants mis en place par l’Éducation Nationale, dont l'avantage est d'être décliné en de nombreuses compétences professionnelles, Je tentais d'établir cette norme en vue de mon second stage. Mais, la très grande abstraction de ce dernier m'engagea à tenir encore une entière continuité, formelle et substantielle, entre l'enseignement que je proposerais et celui de M. Drieux comme la meilleure option pour ne pas me mener à un « échec » cuisant et les élèves avec moi, élèves vis-à-vis desquels j'aurais des responsabilités que j'étais prêt à assumer. Cependant, mon observation centrée presque uniquement sur la figure de l'enseignant « modèle » en exercice aurait assurément eu pour effet une imitation des pratiques vues ou réévoquées au risque d'appauvrir une pratique, celle de M. Drieux, dont je n'apercevais alors que la surface, que ce soit par le temps très court de déroulement des stages que par une observation qui ne tenait pas alors compte de tous les acteurs de l'apprentissage.

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L'imminence de la pratique et ma volonté de m'approprier une sorte de norme du bon exercice de ma profession à venir m'auront forcé à apporter plus de considération pour les élèves, selon trois aspects qui feront l'objet dans notre dernière partie d'une thématisation. Ces trois aspects se résument par trois questions auxquelles je tenterais d'apporter une réponse tant par l'observation que par la pratique, mais surtout à la faveur d'un dialogue entre elles. Ainsi, je devais répondre en urgence (quoique cette urgence sera tempérée par la mise en œuvre de ma première séance avec les élèves) à la question de savoir ce qu'ils peuvent, d'une part, et d'autre part à celle de ce qu'ils veulent et, enfin, ce qu'ils doivent. Durant l'entre-deux-stages, les apports de mes lectures et de ma formation pédagogique au sein de l'ESPE, avant même le passage à la pratique accompagnée elle-même, m'ont invité à considérer la posture d'enseignant comme n'allant pas de soi. En effet, la posture d'enseignant que j'aurais bientôt à adopter se construira même, à la manière dont je devais dès le second stage réinvestir une attitude différente de stagiaire, appartenant au groupe qu'est celui que forme la classe, rejetée dans un premier geste vers l'extérieur. Je devais dès lors m'approprier peu à peu le rôle de l'enseignant qui serait le mien dans un second temps et ce, dès cette première semaine d'observation. 2/ Une observation réinvestie : de l'observation à la perception.

Enfin, il a apparu nécessaire de concevoir ma propre formation « dans une logique d'enseignement professionnel à visée transformatrice » (La Formation professionnelle des Enseignants, PUF, 1994, p. 76), transformation qui devra être opérée dans un regard neuf de ma part envers la classe toute entière. Mon observation a donc peu à peu tenté de répondre à cette nécessité d'être plus attentif envers les élèves, que ce soit de leurs diverses questions, réactions, même attentes aussi bien méthodologiques que pédagogiques. A cet effet, je me suis procuré un « trombinoscope » auprès de M. Drieux pour mémoriser les prénoms des élèves de la terminale L1 et procéder à des annotations suivies en classe dans leurs réactions en cas d'incompréhension ou même d'ennui. Cette observation plus accrue du comportement des élèves avait pour double objectif de faciliter mon accès au « rôle » d'enseignant en deuxième semaine et de m'inscrire dès le moment de l'observation comme un acteur de la vie de la classe, au même titre que M. Drieux et les élèves. Une telle connaissance des prénoms des élèves m'aura permis d'apparaître plus crédible et d'asseoir très rapidement mon autorité auprès des élèves. En effet, pour illustrer ce que j'avance, la première séance devait être la lieu d'une nomination par les élèves eux-mêmes d'un rapporteur au tableau pour une séance de travail de groupe. Voyant une élève discuter avec sa voisine, j'ai demandé à cette élève de nous faire profiter à la classe de son talent d'oratrice au tableau en la nommant par son prénom, et ce malgré son manque de participation. A une première réaction d'étonnement et de sourire de la classe entière, élève concernée y compris (je connaissais ses membres par leur prénom et leurs petits défauts !), succéda un moment d'attention particulière à l'endroit de l'introduction que j'allais donné au cours et, selon moi, pour l'explication que j'allais donné à cette situation. J'ai pu justifier cette situation en affirmant avoir mis à profit moi-même cette période d'observation pour apprendre à mieux connaître chacun des élèves, leurs défauts ainsi que leurs qualités respectives, soit en les observant durant la classe, soit en interrogeant leur professeur ou en lisant les devoirs rendus encore en la possession de M. Drieux. Je les invitais donc volontiers à discuter avec moi plutôt qu'avec leurs voisins respectifs en cas d'incompréhension ou même de me faire part de leur volonté de mener une autre activité si leur ennui était trop grand et les contraignait à déranger leurs camarades durant les heures de cours. Cette même connaissance de la classe et participation à sa vie a été l'occasion très rapidement de légitimer le travail de groupe qui allait suivre sur l'appendice de l'Ethique de Spinoza, comme tenant compte à la fois de leurs envies, de leurs capacités et de leurs contraintes. (Cette séquence composée de trois séances sera l'objet d'une analyse en II/ 2/).

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Ce regard neuf avait pour vocation de se confronter au problème de la multiplicité des élèves, de leurs niveaux autant que centres d'intérêt, et de l'unité de la classe elle-même à laquelle je devrais enseigner durant une semaine. Je ne savais pas alors que la pratique elle-même allait remettre en perspective ce regard à nouveaux frais comme dans un dialogue avec ma première attitude. En effet, l'accès à la pratique accompagnée représente un nouveau « poste d'observation » à l'endroit de la classe et de chacun des élèves où l'on comprend, par exemple, que les signes d'incompréhension des élèves au-delà de devoir être seulement reconnus doivent aussi être suscités par l'enseignant lui-même. Ainsi, une acuité à reconnaître des signes d'incompréhension ou d'ennui n'empêche pas de demander aux élèves si le propos est bien compris pour avancer plus rapidement dans l'exposé, faisant confiance en leur capacité de couper court à mon explication en cas de besoin. M. Drieux m'aura donc conseillé de varier les rythmes des explications, faisant honneur à leur capacité de comprendre à la manière dont ils font honneur par une écoute active et attentive quand je procède à l'explication d'un point précis de la doctrine spinoziste par exemple. Fort de ces constats et conseils, j'invitais le jeudi après-midi les élèves à ne pas prendre de notes en faveur d'une compréhension commune des notions de « fin de besoin » et de « fin d'assimilation » dans la continuité du travail réalisé le lundi précédent sur le début de l'appendice. Dans la mesure où ces notions étaient à l'origine d'incompréhensions visibles, j'ai choisi de demander aux élèves d'arrêter de prendre des notes pour favoriser une compréhension en commun, travail qui serait l'objet d'une reprise de ma part sous forme de document qui leur serait remis par mail le soir même.

Avant même le passage à la pratique de l'enseignement, mon observation, bien qu'évoluant peu à peu, m'engageait encore à être attentif au contenu du cours proposé aux terminales L1. Malgré ma volonté de définir « ma » pratique de l'enseignement, je restais responsable d'établir en collaboration avec M. Drieux une continuité dans nos propos respectifs sans que mon observation se concentre cette fois-ci sur le contenu ou la forme de son enseignement. Pour faire face à ces diverses tensions, nous avons donc aménagés des temps de réflexion sur l'angle adopté par M. Drieux concernant la religion et celui sous lequel je voulais abordé l'appendice de la première partie de L’Éthique de Spinoza en lecture suivie avec les élèves de la TL1. M.Drieux a bien compris ma volonté d'accorder moins de place au contenu du cours qu'il proposait à ces élèves lors de cette première semaine d'observation et, pour que je ne perde pas de vue sa problématisation du programme, il m'a remis les textes et synthèses qui allaient faire l'objet de ses cours à venir. Cette solution m'aura permis à la fois d'adopter un nouveau point de vue pendant mes phases d'observation tout en gardant la possibilité de travailler sur ce qui devait constituer le « bagage » des élèves dont j'aurais la charge ensuite. Pouvant alors prendre la mesure de la diversité des élèves à laquelle la diversité des approches de M. Drieux répondait, ce que je ne percevais pas encore clairement, mon observation s'est déplacée des élèves eux-mêmes à la considération de ce que mes lectures consécutives m'amènent à appeler le « triangle didactique » et la diversité des « contextes d'apprentissage ». Si la diversité de ces derniers contextes se perçoit assez aisément au travers des élucidations proposées par M. Drieux à ces élèves de Terminale L1 et S3, ce n'est que par le truchement de la pratique accompagnée et des lectures multiples postérieures au stage lui-même que leur lien au « triangle didactique » (concept développé par Yves Chevallard) m'est apparu plus distinctement. En effet, des exemples de « triangles didactiques » répondant à des problématiques différentes (JL Lamaurelle, opus cité, p. 109 et Être Professeur, « voyage au centre de la vocation scolaire » par Denis Dougé, p.48) m'ont permis de comprendre plus avant la diversité des choix didactiques de mon tuteur et leur implication pédagogique ainsi que la mise en place par lui-même d'une réflexion didactique double, l'une axée sur les savoirs, l'autre sur les apprentissages. Bien que n'ayant pas les outils diagnostiques nécessaires pour une approche comparative de ces deux exemples de figures de la « didactique », il m'apparaît plus pertinent de tenir la figure du professeur comme créant un lien par ces choix entre les diverses polarités des relations didactiques comme le suggère Denis Dougé plutôt que de tenir l'enseignant comme un terme du schéma à la manière de JL

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Lamaurelle dont le point de vue est celui du formateur vis-à-vis du professeur novice. En effet, M. Drieux opère des choix didactiques différents selon la filière visée, définissant une problématique globale du programme de Terminale L, celle de la connaissance, contre une problématique locale pour les programmes de Terminales S et STL. Ainsi, les cours de Terminale L de Janvier apparaissent pour le stagiaire que je suis dans la continuité, formelle et substantielle, du propos développé en Novembre au risque que les élèves se plaignent que l'approche n'est pas assez « notionnelle » en vue des épreuves du baccalauréat (discussion qui a eu lieu lors de mon dernier jour de stage entre M. Drieux et les élèves). Les cours des Terminales S et STL, quant à eux, sont problématisés par M. Drieux selon les notions abordées, au risque cette fois-ci d'un trop grand cloisonnement des notions et même de renvoyer aux élèves une impression de diversité irréconciliable des problèmes philosophiques.

Loin de juger de la validité ici des arguments de la terminale L1 en faveur d'une approche notionnelle et ce, contre une approche problématique globale du programme, ni de juger des choix didactiques et pédagogiques de M. Drieux (dont les résultats obtenus tendraient à prouver l'efficacité), j'ai tenu à prendre en compte cette demande des Terminales dans la réalisation d'un dossier sur l'appendice de la première partie de L'Ethique de Spinoza. Bien que ce dossier était d'ores et déjà réalisé, j'y ai adjoint dans les jours qui suivaient une page de définitions des concepts spinozistes et une autre concernant les différentes notions au programme de philosophie de terminale littéraire qui étaient en jeu dans le texte, voire même qui en étaient explicitement l'enjeu. Je souhaitais par la même occasion inviter les élèves à s'approprier personnellement les savoirs enseignés en classe et à reconnaître la nature de l'effort à fournir suite à la prise de notes et les commentaires de texte réalisés lors des séances. Cet effort pourrait, par exemple, se traduire par la réalisation de fiches notionnelles par eux-mêmes, soit seuls soit en groupe, où seraient consignées les références aux textes étudiés en cours, partant du constat qu'un texte philosophique ne se contente jamais de mettre en œuvre une seule et unique notion. La notion ne prend son sens véritable qu'à être articulée à d'autres notions au programme et tout cela en fonction du problème posé de manière originale par le philosophe.

Les choix pédagogiques de l'enseignant correspondent à la planification et à la mise en œuvre d'une stratégie pédagogique sous tendue explicitement ou implicitement par des choix didactiques dont la perception au travers de la seule observation paraît bien difficile, voire impossible pour les novices que nous sommes. Bien que les outils mis à notre disposition par nos formateurs soient précieux pour reconnaître ces choix, et faire les nôtres en connaissance de cause, la pratique accompagnée saura elle-même achever quoique asymptotiquement ce questionnement. En effet, la diversité des contextes d'apprentissage et celle des élèves ne contredit pas une approche unificatrice avec pour horizon la considération du « bien » des élèves : ce qu'ils veulent, ce qu'ils peuvent et ce qu'ils doivent. C'est le professeur qui est en premier lieu responsable de la juste prise en compte de la diversité, contextuelle et personnelle, de la classe et des élèves mais aussi de son dépassement grâce à ses choix didactiques et pédagogiques visant à concilier (parfois même réconcilier) ses trois pôles constitutifs de son cadre d'exercice: l'école, le savoir, l'élève. Il semble bien que l'idée d'un procès de l'enseignement à la manière dont Marx aborde le travail selon la forme du procès soit la clé de compréhension de notre future fonction dont il nous faudra plus avant comprendre la teneur.

II/ La pratique   : préparation et mise en œuvre.

La pratique accompagnée dans la classe de Terminale L1 n'a pas vu d'emblée naître pour ma part un questionnement sur les choix didactiques propres au métier d'enseignant. Ce n'est que par un retour réflexif à l'endroit des présupposés de mes choix pédagogiques que ce questionnement a pu naître,

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et se donner comme l'horizon nécessaire d'un parcours personnel d'accès à la profesionnalité. Dans cette mesure, si l'obtention du concours sanctionne l'accès à la profession et l'observation un premier moment nécessaire, ces étapes ne constituent que le début d'une « conversion identitaire » (M. Carbonneau, article en ligne), facilitée certes par un savoir sur le fonctionnement de la relation éducative et de l'institution elle-même mais qui apparaît encore comme un savoir externe, « périphérique de l'acte d'enseignement » (JL Lamaurelle, opus cité, p.72) que la pratique accompagnée permettra de réinvestir à son tour. C'est en effet dans un dialogue entre observation et pratique, observations éparses et presque désincarnées d'un premier moment que la pratique incarnera pour laisser place à l'appropriation, voire à la création, d'outils de « lecture » de la classe par le professeur. Toutefois, les choix des outils et méthodes pédagogiques ne se fondaient pas sur cette considération dans un premier temps, et reposaient volontiers sur une appréhension globale, floue et non structurée de la réalité de la classe, et ce malgré une tentative plutôt satisfaisante de changement de perspective dans ce second stage.

1- La définition de «   ma   » pratique et la reconnaissance du contexte d'apprentissage.

La réalisation de mon travail de préparation de séances s'est fondée sur une tentative de reconnaissance du contexte d'apprentissage dans lequel ma pratique devait s'inscrire. Admettant volontiers mes lacunes en matière pédagogique mais tentant d'y remédier au mieux, j'ai reconnu que ce stage « en responsabilité » devait être le lieu de la reconnaissance des diverses devoirs de l'enseignant à l'endroit de son administration, et a fortiori du stagiaire à l'endroit de son tuteur et de la classe qu'il aura en charge. Je souhaitais donc, dans un premier geste, inscrire le projet de ma pratique dans un cadre des projets de l’Éducation Nationale, d'établissement et de la classe. Une juste compréhension des diverses exigences de ce cadre devait passer par un travail sur le référentiel des compétences des enseignants au Bulletin Officiel du 25 juillet 2013 (plus particulièrement les compétences P1 à P5, communes aux professeurs), mais aussi sur le projet d'établissement (cf. rapport de stage du semestre 3) et le projet de la classe, défini lui-même par mon tuteur. Si l'inscription de notre pratique de stagiaire dans le cadre des obligations des fonctionnaires de l’État, et plus particulièrement des enseignants, fait l'objet de nombreux cours dispensés par l'ESPE, notamment avec les modules « Droits et Devoirs des enseignants » de M. Emery ou encore « Discriminations » de M. Pottin, définir le projet de la classe paraît moins évident tant les choix didactiques et pédagogiques du professeur influent sur ce dernier, sans compter la prise en considération de la multiplicité des élèves.

Il a donc fallu pour cela comme dit plus haut aménager des temps de réflexion sur ledit projet de classe avec M. Drieux qui s'est volontiers prêté au jeu. Sans entrer dans le détail de nos discussions doctrinales concernant les textes proposés pour l'introduction de la deuxième œuvre suivie du programme, il nous paraissait important à tout deux de respecter à la fois une continuité formelle et substantielle définissant le cadre de la liberté dont je disposerais pour pratiquer. La problématique du cours de terminale L1 ayant été définie depuis le début de l'année en vue d'une approche unitaire de la diversité des notions au programme de philosophie, il s'avérait impossible de déroger à ce choix didactique de M. Drieux. En effet, pareille discontinuité aurait pu être un élément d'incompréhension des élèves en ce qui concernait mes séances pédagogiques ou de l'unité finale de l'interrogation philosophique. Par ailleurs, établir une continuité mesurée entre nos propos nous permettait de contrôler l'acquisition par les élèves des connaissances à mesure des séances que je réaliserai, par des vas-et-viens entre le présent cours et les savoirs enseignés lors des séances précédentes. En contrepartie de cette reconnaissance de ma part des nécessités d'apprentissage des TL1, il m'assurait la possibilité de prendre en charge la totalité du cours (et non pas seulement un temps limité dans le cours ce fut le cas au premier semestre) ainsi qu'une liberté entière d'un point de vue pédagogique. Cette prise en charge complète, quoique ne s'étendant que peu aux

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responsabilités de professeur principal de la TL1 de M. Drieux, passerait par l'accueil des élèves dans la classe, l'appel, les contrôles des acquis des séances précédentes par leur réappropriation en situation ou encore l'appel à un élève pour résumer la séance précédente. A ce qui apparaît ici comme une première négociation entre M. Drieux et moi-même succéda une seconde négociation, dont je ne savais pas encore qu'elle se prolongerait toute cette semaine en responsabilité et à plus forte raison jusqu'à la rédaction d'une dissertation et du présent rapport de stage, qui n'y mettra sûrement pas encore un terme.Cette seconde négociation « entre » moi et moi-même consistait dans la difficulté de me représenter comme enseignant, doté d'une grande liberté de méthode et de contenu mais pourvu aussi d'opinions et de fonctions personnelles ainsi que d'une ignorance pédagogique, proportionnelle semble-t-il à cette liberté offerte par mon tuteur de stage. Ainsi, avant même de préparer mes séances à venir, je tenais à m'assurer auprès de mon tuteur des possibilités qui était les miennes comme faire écouter des fichiers audio aux élèves, proposer des travaux originaux sur des dessins humoristiques ou des œuvres artistiques. Si M. Drieux a su répondre avec bienveillance envers moi à toutes ces questions, souvent par l'affirmative, il n'en restait pas moins que développer un propos sur la religion, dans son versant superstitieux, ayant pour horizon éducatif de prévenir aux dérives sectaires, sans connaître les convictions religieuses des élèves et étant moi-même pratiquant représentait une difficulté majeure. Par le dialogue avec M. Drieux ainsi que les textes officiels concernant la prévention de tout sectarisme, j'ai réussi à dépasser cette « peur » qui était la mienne de blesser un élève dans ses convictions ou d'aller à l'encontre de la considération de leur liberté de conscience. Je devais m'approprier le propos de Spinoza d'une manière d'autant plus réfléchie que mes convictions personnelles étaient en jeu et qu'elles semblaient coïncider avec la nécessité de ne pas participer d'un biais de la perception de mes élèves de la religion, les conduisant à un athéisme négatif. Même si le conflit interne que la situation a provoqué n'a pas été résolu et me posera sûrement encore question, le truchement de la pratique aura eu pour effet bénéfique de me montrer la possibilité de présenter un tel propos en me l'appropriant d'autant mieux que mon regard personnel était critique à son égard. Les élèves auront d'ailleurs crus volontiers à une très grande proximité de pensée entre Spinoza et moi-même comme l'indique la remarque amusante de Margot : « C'est facile pour vous, monsieur, vous êtes spinozisien, ça se voit !». Les élèves auront en effet, bien mieux que moi-même répondus à l'endroit de cette difficulté notamment par l'adresse de critiques du propos de Spinoza sous forme de questions ( « Mais les textes saints empêchent ce délire interprétatif de la superstition? », Sarah / « L'homme peut-il être vraiment libre chez Spinoza ? » / Killian, « Est-ce que Spinoza accepterait la théorie du big bang ? » Océane) Ironiquement, tenant à éviter toute démagogie dans cette situation d'apprentissage, j'adoptais une pédagogie fondée sur une « dévolution » de la tâche d'élucidation du sens par les élèves eux-mêmes, dévolution qui s'avérait dans un premier temps, magiquement opérante et qui fit l'objet après la fin de mon stage d'une recherche particulière pour en comprendre les fondements. A ce stade encore, je considérais seulement la confiance que je devais avoir à l'égard de l'intelligence et des capacités des élèves pour ne pas se livrer à des interprétations fallacieuses de mon propos, ni à des propos discriminatoires à l'endroit des athées et des croyants. Cette confiance n'était pas d'emblée démesurée en ce qu'elle était alliée à l'assurance que j'interviendrais comme conseil (Selon la figure aristotélicienne du conseiller développée en III/1 comme modèle de la figure de l'enseignant ), voire figure d'autorité si des remarques impertinentes envers les athées ou les croyants étaient faites (ce qui n'a jamais été le cas !).

Une véritable construction de l'image de soi en tant que professionnel de l'enseignant est donc bien en construction à mesure que le personnage de l'enseignant « zéro défaut » disparaît pour laisser place à des situations pratiques qui permettent de mesurer rapidement l'écart entre le « moi personnel » et le « moi professionnel ». L'enseignant que nous devrons bientôt être, n'est encore ici qu'un personnage un peu extérieur, et devra trouver des ressources pour s'incarner dans un contexte

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d'apprentissage. Comme pour le problème de l'autorité où « il s'agit pour le maître de se montrer et de s'accepter dans sa fonction d'autorité » (La Première Classe, S. Baillauquès, p.305), le stagiaire que je suis à découvert que sous cette impression de devoir se faire parfois violence comme une norme de la bonne pratique, se dissimulait ce qu'induisait mon nouveau statut de responsable d'une classe, les cohérences que cela peut nécessiter pour pouvoir être opérationnel, et les tensions générées par ce biais.

2- Préparation de séquences et de séances pédagogiques   : définition et modèle des activités.

En second lieu, contrairement à la logique de récusation des causes finales opérée par Spinoza dans l'appendice que j'aurais en charge de faire découvrir aux élèves de la classe de terminale L1, la préparation de mes séquences et séances pédagogiques s'est basée sur les différentes finalités que M. Drieux et moi-même tenions à donner à cette lecture suivie selon le contexte d'apprentissage défini ci-dessus. Par ailleurs, je tenais personnellement à proposer diverses formes d'approches formelles du texte, multiplicité qui ne devait toutefois pas constituer un obstacle à l'accès des élèves aux compétences philosophiques spécifique définies par le Bulletin Officiel n°25 du 19 Juin 2003. (référentiel de compétences à l'adresse des élèves qui a fait l'objet d'une discussion

Fort de ce premier cadre d'exercice, je souhaitais dans la préparation de mes premières séances et, à plus forte raison de ma premier séquence de cours du lundi avoir pour toile de fond les conditions à respecter pour susciter la motivation des élèves selon leur définition dans La Motivation en Contexte Scolaire et La Motivation dans l'Apprentissage du Français (R. Viau, Editions du renouveau pédagogique, 1994 et 1999). En effet, loin de m'en tenir dorénavant à l'observation d'une forme d'apathie, de manque d'attention, ou d'ennui de la part des élèves, je cherchais à tenir ses apparences pour l'indice de la nécessité de réinstaurer une dynamique « motivationnelle » des élèves dans la classe qui devait être mise en place dès la première séance pour laisser place ensuite à une variation des approches proposées. Parmi la totalité des facteurs propres à définir un contexte d'apprentissage, quatre facteurs apparaissent particulièrement contrôlables par l'enseignant selon les recherches opérées par Rolland Viau, à savoir : les activités d'apprentissage que l'enseignant propose, l'évaluation qu'il impose, les récompenses et les sanction qu'il utilise et lui-même, selon deux aspects que sont la passion pour sa matière et le respect qu'il porte à ses élèves. Mon cas particulier m'a forcé à me concentrer sur les activités d'apprentissage puisque je n'avais encore défini avec M. Drieux (ce que je fis ensuite) de modalités d'évaluations imposées et que l'établissement d'un système de récompenses et de sanctions semblait un ouvrage trop fastidieux à vocation très limitée aussi bien dans le temps que dans le signification. Par ailleurs, je me confrontais volontiers au problème de la distance entre ma passion personnelle pour la philosophie et ma capacité à communiquer cette passion aux élèves, seule la pratique elle-même pouvait me renseigner à ce propos. Reste alors le respect porté par le professeur à ses élèves que je souhaitais leur communiquer justement en faisant preuve d'une observation centrée durant la première semaine sur eux, quelques détails de leurs attitudes et comportements ou encore leur prénom respectif et les questions pertinentes posées à M. Drieux pendant ces interventions et la reconnaissance de leur difficultés à la lecture de leurs devoirs précédent. Toutefois, la mise en œuvre d'activités signifiantes et variées, parmi lesquelles ils pourraient choisir eux-mêmes en début de séances et qui feraient appel à leurs capacités de discernement me paraissait pouvoir plus encore répondre à cette volonté de leur montrer le respect qui était le mien à leur égard. Ainsi, la mise en place de cette première séquence, décomposée en 3 séances d'une heure chacune, répondait autant que possible aux 10 conditions mises en avant par Rolland Viau. « L'enseignant peut souhaiter que toutes les activités d'apprentissage qu'il propose à ses élèves remplissent ces dix conditions. Il serait toutefois plus réaliste qu'il se fixe cet objectif pour des projets ou des démarches pédagogiques complètes intégrant une séquence de plusieurs activités. » De cette manière, j'ai souhaité selon la double

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contrainte du temps imparti et de la primauté accordée au texte dans l'enseignement de M. Drieux et a fortiori dans celui de la philosophie, établir mes activités d'apprentissage et leur auto-évaluation consécutive (puisque une évaluation sous forme de discussion entre les élèves et moi-même avait été refusée par M.Drieux) en lien étroit avec ce tableau de consignes. Le recours aux outils de préparation, fiches de séquences et de séances pédagogiques « type » trouvées sur les sites académiques, a donc été l'occasion d'une réappropriation personnelle en fonction des contraintes de l'enseignement de la philosophie mais aussi des obligations que je commençais à me reconnaître. Au premier rang de ces obligations, figurait celle d'une évaluation critique consécutive à chaque séquence de ma propre pratique, pour identifier ses points forts et ses points faibles en fonction de perception des élèves de l'utilité et de la valeur du travail, de leur propre compétence et de la contrôlabilité de leur apprentissage. Ainsi, ai-je été amené à remanier pour moi-même un tableau de questions adressées dans un premier temps aux élèves comme suit :

Titre de la séquence :

Classe :

Les activités d'apprentissage....

Médiocre

Moyen Satisfaisant

Très satisfaisant

1. ...ont été suffisamment expliquées aux élèves pour qu'ils sachent s'y prendre ? (être claires)

       

2. ...ont exigé des élèves qu'ils accomplissentdifférentes tâches ? (être diversifiées)

       

3. ...avaient un rapport avec ce qui intéresse les élèvesdans la vie ? (être signifiantes)

       

4. ...en les pratiquant, les élèves ont eu la possibilité de faire des choix ? (rendre l'élève responsable)

       

5. ...ont comporté un défi à relever ?(représenter un défi)

       

6. ...ont nécessité que les élèves travaillent fort pourréussir ? (exiger un engagement cognitif)

       

7. ...ont exigé que les élèves se servent des connaissances acquises dans d'autres cours ? (avoir un caractère interdisciplinaire)

       

8. ...se sont déroulées en collaboration des élèves entre eux ? (permettre l'interaction et la collaboration)

       

9. ...que, dans le cadre de ces activités, les élèves ont eu assez de temps pour que faire du bon travail ?(se dérouler sur une période suffisante)

       

10. ...que les travaux dans le cadre de ces activités ont été présentés à juste titre à d'autres personnes que l'enseignant ? (avoir un caractère authentique)

       

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3- La réalisation de la première séquence   : déroulement et remarques pratiques.

Pour commencer ce travail de reconnaissance de l'originalité formelle (généalogie et démonstration) et substantielle (« Dieu est la Nature ») du problème de la superstition tel qu'il est posé par Spinoza, je me suis attelé à organiser une première séance selon la fiche jointe en annexe à ce rapport (CF Annexe 1) qui rend compte de ma volonté d'un travail de groupe. D'une part, ce travail visait à une bonne compréhension de l'établissement de « l'ignorance des causes » et du désir de l'utilité comme principe des déductions à venir selon la méthode spinoziste. D'autre part, il mettait en perspective de manière opérationnelle le travail de lecture et de brouillon ordonnés exigés des élèves en vue des épreuves du baccalauréat, celle du commentaire en tout premier lieu, puis celle de la dissertation en ce que l'articulation des idées y jouent un rôle prépondérant.

Restait toutefois à définir « sur le papier » pour cela des consignes claires de travail, d'une part, par la nomination de rapporteurs, l'un au tableau qui prendrait note des décompositions des phrases et moments différents de chaque phrase, et l'autre par écrit (en l'occurrence, Baptiste qui prendra note sur son PC), qui prendra note des remarques et questions des élèves concernant la méthodologie d'élucidation. La restriction des tâches confiées à l'un et l'autre paraissait une bonne chose, en ce qu'elle leur laissait la possibilité d'intervenir eux-mêmes et de profiter de cette élucidation en commun. D'autre part, chaque élèves devra commencer par lire le passage concerné (5 ou 6 lignes) pour lui-même, avant que l'un d'entre eux ne se propose de lire le passage à l'ensemble de la classe. Le travail qui suivrait cette lecture consisterait à découper chaque phrase en ces éléments et à reconnaître leur fonction respective, compétence mise en œuvre durant les cours de lettres ou de français.

Cette lecture aura d'ailleurs été l'occasion d'une remarque de ma part sur le caractère « vivant » d'un texte philosophique en ce que l'on peut imaginer que l'auteur y emploie un ton particulier, Spinoza dénonçant ici un préjugé, finaliste, dont découlent selon lui tous les autres ! Dans le but de favoriser une appropriation plus personnelle des textes philosophiques, j'ai proposé aux élèves d'écouter lors d'une prochaine séance qu'ils auront la charge de choisir eux-mêmes une interprétation d'un fragment de l'appendice. Cet « outil » dorénavant pédagogique consistait dans une émission diffusée sur France Culture et enregistrée par mes soins sur clé USB, au même titre que de nombreux autres outils qui n'ont pas tous été utilisés au fil de mes séances certes mais qui devaient pouvoir en principe répondre à un maximum d'attentes des élèves. J'avais établi un balisage précis des séquences qui m'intéressaient, comme celle de la lecture, « vivante », de l'acte d'excommunication de Spinoza qui avait fait l'objet d'une diffusion dès le premier cours. Cette approche bouleversait les repères établis des élèves et leur permettait de réinvestir le texte selon leur propre compréhension de ce dernier, alors en construction.

Ensuite, il me fallait décomposer cette opération temporellement en deux séances d'une heure chacune (temps que j'estimais nécessaire sans repère précis ni conseils de mon tuteur qui n'avait jamais mis cette pratique en place). Tout d'abord, la première séance aurait pour but de me présenter succinctement aux élèves, rappeler les raisons de ma présence et de ma prise en charge de leur enseignement dans un temps limité, ainsi que de leur expliquer que les séances prendraient une allure différente de celles qui avaient été réalisées au premier semestre par Paul Mallet. En effet, je ne souhaitais pas les surprendre outre mesure et voulant légitimer la reconfiguration des interventions auprès d'eux. Même si l'argument du « après une discussion avec votre professeur, M. Drieux, nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il serait bénéfique pour tous que je prennes en charge la totalité des séances de cette semaine » a été à l'origine d'un acquiescement immédiat de tous les élèves, je m'étais préparé à de multiples possibilités, dont des questions de la part des élèves. Toutefois, il n'en fut rien et je profitais de l'occasion pour leur montrer l'arborescence des

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séances à venir, l'originalité de leur forme, plus participative, leurs objectifs méthodologiques, en vue de l'imminence pour eux d'un examen blanc, et d'appropriation de connaissances sur le fragment proposé, dans l'optique de la préparation d'un oral ou encore de son intérêt dans un travail de dissertation. Le travail mené ensemble sous diverses formes devrait, par ailleurs, faire l'objet de la remise d'un dossier sur cet appendice de L'Ethique qui n'aura pas vocation à se substituer au cours mais à prolonger la réflexion des élèves, dossier dont ils détermineront avec moi tout au long de cette semaine le contenu final par des choix mais aussi par leur propre travail.

Ce temps de présentation réduit dans les faits à son minimum, je pouvais dès lors entrer dans le vif du sujet par l'introduction de leur deuxième œuvre suivie de l'année, après le Gorgias de Platon, à savoir l'appendice de la première partie de L'Ethique de Spinoza. En lieu et place de l'explication que devait leur donner M. Drieux de la première partie de l'ouvrage, « De dieu », je continuais donc mon exposé par la présentation d'éléments biographiques suivie de la diffusion audio de l'acte d'excommunication de Spinoza, les invitant par là à considérer son propos comme hautement subversif en son temps, mais aussi assurément de nos jours, en ce qu'il revêt une modernité toute particulière traduite notamment par la lecture de ses ouvrages dans le milieu des neurosciences (les élèves ne voyaient pas encore le rapport avec le déterminisme dont fait preuve Spinoza mais la perspective aura au moins eu pour mérite de « piquer » leur curiosité et ce, malgré ce que je pouvais penser de l'utilisation d'apparence rédhibitoire du terme « science » dans une classe littéraire) En comprenant sa pensée, peut-être parviendrons-nous à le réhabiliter ensemble ? J'invitais les élèves à un cheminement en commun de réhabilitation de Spinoza dans la logique de ce que Hélène Degoy nomme un « genre de combat » auquel les élèves apprécient toujours de participer (Philosopher, Tous Capables, GFEN secteur philosophie, p. 92) et dans lequel j'ai pris un plaisir tout particulier à les guider.

M. Drieux repris la suite de mon exposé pour le quart d'heure restant avant l'inter-cours afin de lire avec eux la présentation PowerPoint qu'il avait réalisé au sujet de la conception spinoziste de Dieu. Présentation relativement courte d'une difficulté majeure faisant obstacle à la compréhension du propos spinoziste qui laissait présager des questions des élèves auxquelles je devrais sûrement dans la suite de mon enseignement et des « répétitions » doctrinales dont je devrais jalonner mes prochaines séances, à la manière si possible de reformulations et d'appels aux autres élèves de la classe à répondre par eux-mêmes au camarade qui poserait la question. (autant que possible par le texte)

4- Un bilan positif malgré quelques difficultés   :

Dès la deuxième séance et après ce passage introductif, je leur demandais d'ouvrir leurs manuels de philosophie qui contenait l'intégralité du texte comme M. Drieux l'avait précédemment porté à ma connaissance afin de procéder en acte à un travail de compréhension philosophique du texte. Bien que cette élucidation a compris les deux séances suivantes, contre une seule « sur le papier », force est de constater que le travail avait été fait et très apprécié des élèves mais aussi que la progression dans et par le texte avait progressé plus loin que je ne pouvais le penser. Même si la deuxième séance n'a été le lieu que l'élucidation de la méthode, du ton et du principe posé par Spinoza en introduction, la deuxième quant à elle a été nettement plus rythmée. En effet, les élèves intervenaient bien plus librement que durant la première séance, et n'hésitaient pas à se tromper sur le sens du texte et faire face aux objections formulées par leurs camarades, dès lors nettement plus attentifs aux exposés de « l'intervenant » que je n'avais pas le constater durant les séances observées. Nous avons donc, en accord avec M. Drieux (très enthousiaste d'ailleurs et qui s'empêchait d'intervenir avec joie!), procéder de la même manière en deuxième séance même si cela engageait de prendre un peu de « retard » sur le programme établi des séances. A notre grand

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étonnement, la démarche avait été comprise par les élèves et avait même fait l'objet de discussions entre eux durant la récréation, et a permis de prendre de l'avance même sur l'élucidation prévue du texte et de me laisser quelques minutes en fin de journée pour présenter les diverses possibilités offertes aux élèves pour continuer ce travail le lendemain. Parmi de nombreux supports audiovisuels, ils ont choisi d'entrer dans le texte dès le lendemain par une discussion d'une dizaine de minutes sur une gravure de F. Goya, « Le sommeil de la raison engendre des montres » avant de passer à un cours d'allure plus « magistral » qui garderait en toile de fond les différentes réflexions faites par les élèves dans un premier temps. Ils savaient pourtant d'ores et déjà qu'en choisissant cette gravure, ils « s'exposeraient au risque » de devoir chacun faire un devoir à la maison de « lecture philosophique personnelle de l'oeuvre» qui ferait l'objet d'une synthèse dans le dossier remis en fin de semaine. L'activité les motiva.

Tous ces points positifs doivent pourtant laissé place au constat de quelques difficultés d'ordre circonstancielle rencontrées durant ces trois séances auxquelles il a fallu que je m'adapte très rapidement pour ne pas perturber leur travail de résolution. En effet, devant je remarquais très vite que ma traduction du texte et celle en la possession des élèves ne coïncidaient pas... Je n'avais pas prêté pensé à cela avant la mise en place des séances. J'ai choisi pour résoudre cette difficulté d'en faire un atout philosophique et pédagogique. Philosophique, d'une part, en gardant les deux traductions pour mettre en avant leurs différences auprès des élèves et pédagogique, d'autre part, en suivant le texte des élèves sur leur manuel au fond de la classe avec un élève placé seul. Cette situation vite résolue, je prenais la mesure ensuite de l'intérêt pour les séances à venir de garder ma traduction et de leur en faire part quand le propos serait pertinent mais aussi, dans le cadre des séances de travail de groupe, de me placer dans le groupe des élèves en fond de classe pour ne pas faire « obstacle », barrage en quelque sorte, au dialogue entre la classe et le rapporteur au tableau. Ceci inaugura une réflexion de ma part sur l'adoption de gestes professionnels, de différentes postures, positions dans la classe. A plus forte raison, je commençais à réfléchir aux gestes que j'avais d'ores et déjà adoptés de manière plus ou moins consciente et leur influence sur la classe, notamment celui qui consistait systématiquement à regarder au centre de la classe en me déplaçant dans la rangée de droite, oubliant de porter mon regard vers les élèves situés à gauche et orientant peut-être une plus forte prise de parole constatées chez les élèves du rang centrale et de droite.

Ces deux difficultés m'ont apparu comme les plus pertinentes à soulever en ce qu'elles engagent à la fois une grande réactivité de l'enseignant mais aussi une forme d'engagement de sa part à repenser ses méthodes de travail en vue du « bien » des élèves ; ce même bien qui m'apparut dorénavant étroitement lié au plaisir que j'ai pu prendre à enseigner aux élèves de la classe de Terminale L1. Sagacité ou prudence, vertu et bienveillance me paraissaient alors les qualités nécessaires d'un enseignant et d'un enseignement ainsi qu'une condition sine qua non du plaisir qu'il pouvait éprouver lui-même à exercer sa profession. Tirant moi-même beaucoup d'enseignements de l'exercice de cette activité, me faisant volontiers tour à tour praticien et observateur des élèves et de moi-même, il me fallut pourtant un temps assez long pour élucider ce jeu de positions et de tensions complexes. Loin d'en donner une explication systématique, je ne souhaitais à minima qu'y donner du sens, pouvoir par des représentations philosophiques définir ce en quoi consistait pour moi enseigner, et qui pourrait assurément « se lire » par un expert dans ma pratique.

IV/ Après la pratique   : un nécessaire retour réflexif et critique.

Le bon déroulement général de cette séquence, malgré quelques difficultés circonstancielles de sa mise en œuvre soulevées succinctement ci-dessus, ne devra pourtant pas faire l'économie d'une ré-appropriation réflexive de ma part. A cette mise en œuvre pédagogique déterminée par ma

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formation au sein de l'ESPE mais aussi par mes lectures et recherches personnelles, correspond des présupposés didactiques qu'il serait bon de définir. Ces définitions des présupposés didactiques de ma pédagogie ainsi que de ce que je considère comme l'engagement de l'enseignant n'ont pas vocation à être exhaustives ni absolues. Cependant avant ce dernier geste constitué comme une tentative d'unification de mon expérience et un premier cadre pour l'exercice futur de cette profession, il me faudra dire quelles représentations philosophiques auront rendu ce geste possible: à savoir la figure aristotélicienne du conseiller et la figure marxiste d'un procès du travail comme véhicules privilégiés de l'enseignant et de l'enseignement.

1- Les figures de l'enseignant et de l'enseignement.

Les représentations philosophiques citées plus haut m'auront aidé à donner un sens à mon expérience de stagiaire mais aussi, et je n'entrevoyais même pas cette possibilité encore, à ma formation dans son versant philosophique, pédagogique puis, enfin didactique.

D'une part, à la différence de l'image platonicienne du conseiller, sa figure aristotélicienne développée en grande partie dans La Rhétorique, me paraissait plus à même de « dire » ce qu'être enseignant signifiait pour moi, et ce, avant même de réaliser le présent stage. En lieu et place des qualités platoniciennes du conseiller, c'est-à-dire epistème, paresia et eunoia, la triade aristotélicienne met l'accent sur la phronèsis (prudence ou sagacité) et l'arète (vertu) exercée avec bienveillance (eunoia) à l'endroit de celui qui est conseiller. Je ne me reconnaissais dans la figure du professeur-Socrate faisant cours de manière dialoguée, ou déroulant un commentaire de texte ou une réflexion devant ses élèves qui aurait à cœur de montrer, sur le modèle de la maïeutique socratique, « ce que c'est que penser » pour que ces derniers l'imitent, et quoique j'ai pu moi-même succomber à cet écueil. Et si cette pédagogie de l'imitation peut avoir une forme d'intérêt au sein de nos universités, devant un public disposant des outils nécessaires à son appropriation, elle n'avait selon moi aucune efficacité dans une classe de terminale. En effet, ce « professeur-Socrate », détenteur de la vérité, aurait pour tâche, dans une relation duelle et par d'habiles questions, de délivrer chaque élève, « esclave de Ménon », ou sophiste en devenir, de ses errements et de la tyrannie de ses opinions. Si la limite entre pédagogie et démagogie peut paraître si infime parfois, c'est que se donnant pour tâche de renverser les préjugés des élèves et de les amener à devenir de futurs citoyens, le professeur ne peut croire que tyranniser les élèves de ses propres opinions serait une technique appropriée, ni que la véritable finalité à l'oeuvre dans ce type d'attitude serait le « bien » de l'élève plutôt que son intérêt propre. C'est assurément une conception de la vérité qui trame cette conception platonicienne et qui ne nous paraît pas pédagogiquement recevable. Si ce modèle est illusoire pour deux raisons donc, à mon sens, qui nous font passer de la pédagogie à la démagogie, à savoir car la relation de l'enseignant avec la classe n'est pas une relation duelle de l'enseignant avec chaque élève, les autres étant oubliés dans ce dialogue du professeur avec un élève singulier, plus gratifiant d'ailleurs sûrement pour le professeur que pour l'élève lui-même. D'autre part, car l'activité de l'élève n'apparaît dans cette conception que caricaturale, se limitant à acquiescer le propos du professeur, loin alors « d'accoucher une âme » mais plutôt tenant l'élève pour une machine. C'est certainement une conception de la vérité platonicienne qui pose problème dans cette esquisse et qui nous invite à considérer la figure aristotélicienne du conseiller comme la plus propice à mettre en avant ce qu'est, ou doit être, un enseignant de philosophie. L'activité de l'enseignant « doit tenir un fragile et difficile équilibre […] guider le travail sans le vider de son intérêt, lui donner sens sans lui dicter un sens » (Philosopher Tous Capables, Nicole Grataloup, p. 369). Et cette bienveillance à l'égard de l'élève dans laquelle consiste en grande partie, à mon sens, l'engagement du professeur a son penchant dans la formation de l'élève en cours de formation que je suis. Ainsi, cette représentation m'aura permis de comprendre l'écueil mimétique de mon premier stage d'observation, acquiesçant systématiquement envers les méthodes pédagogiques de mon

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tuteur. Le premier rapport de stage aura donc été l'occasion d'une critique de ce regard même et engageait du même coup que mon observation change profondément avant toute mise en pratique, et ce, bien que cette dernière soit elle-même le lieu d'un changement de perspective personnelle sur le rôle d'enseignant et l'enseignement. La bienveillance à l'égard de mes futurs élèves, qui consistait à ne pas tenter une pâle imitation des cours de mon tuteur, impliquait impliquait de ma part de faire le « procès » de mes acquis, qu'ils soient ceux de l'observation ou encore ceux des connaissances philosophiques « engrangées » jusqu'à lors.

D'autre part, la représentation d'un « procès » à l'oeuvre dans l'enseignement, à la manière dont Marx thématise dans Le Capital le travail, me paraissait la plus signification de ma propre définition encore sous-jacente de l'enseignement. En effet, je percevais l'enseignement comme un équilibre entre connaissances théoriques et savoirs d'action qui impliquait, par exemple, de la part de tout enseignant, le recours à la formation ou encore l'acquisition de compétences hors de sa discipline : connaissances pédagogiques, psychologiques et bien d'autres. Ce « procès » constant que nécessite l'enseignement à l'égard notamment de ses méthodes, de ses présupposés ou de la considération accordée à l'élève me rappelait la conceptualisation par Marx du « procès du travail » dans Le Capital (Livre I Chapitre 7, trad. J. Roy, Champs-Flammarion, T.1, p.139-140). Cette conceptualisation prend place dans ce que Marx nomme « le laboratoire secret de la production » où s'élucide le mystère de la plus-value. Loin de pousser l'analogie ici à considérer l'élève comme la production de l'enseignant ni le produit de l'enseignement comme une plus-value, vocabulaire bien trop ancré dans l'analyse offerte par Marx de la marchandise (auquel je ne peux me résoudre de réduire l'enseignement ni l'élève ou encore le savoir), ce passage me parut intéressant car il s'agit moins, pour l'auteur, de définir le travail comme sphère de l'activité humaine- ce qui supposerait que soient pris en compte, entres autres, les rapports sociaux de production et le niveau de développement des forces productives- que son procès et ses différents éléments simples : activité, objets, moyen de travail dont le caractère est trans-historique. La première définition du travail ne tient compte en effet que de l'homme comme force naturelle agissant sur d'autres forces naturelles indépendamment de la considération de quelques que ce soit. Toutefois, cette première définition permet déjà de comprendre que le travail n'est pas seulement transformation de la nature par l'homme mais aussi de l'homme par lui-même (ce qui crée un lien privilégiée pour rendre compte à la fois de la visée transformatrice de l'enseignement que nous offrons à nos élèves mais aussi de la vocation transformatrice de notre formation) et ouvre la possibilité pour Marx de définir ce qui fait la spécificité du travail humain. Celle-ci réside d'abord dans le projet conscient, qui fait du produit du travail une « réalisation », une objectivation de l'homme, et dans l'attention. Le travail, à la manière de l'enseignement tel qu'il a été thématisé jusqu'à lors, est le lieu d'une tension entre la volonté et la soumission de celle-ci à une « loi » déterminée par le but à atteindre, loi de la chose extérieure. N'en déplaise à Spinoza et sa récusation de l'explication par les causes finales contre la primauté des causes efficientes, notre enseignement est, à mon sens encore une fois, étroitement lié à la considération de divers buts à atteindre, comme tendu entre eux : le « bien » de l'élève, le notre assurément, faire de lui un citoyen, lui permettre de réussir aux examens, lui donner des outils pour s'accomplir personnellement et professionnellement, et bien d'autres encore qui trament le référentiel de compétences des professeurs de l'Education Nationale, ou qui y sont explicitement affirmés.Comme le dit Marcuse, contrairement à l'animal, « l'homme […] se trouve vis-à-vis de lui-même et de son univers, confronté à une situation qui n'est pas, dès l'abord, immédiatement sienne », nécéssitant de la part de l'enseignant et de l'élève une appropriation médiatisé grâce à la formation. Mais cette spécificité du travail humain mis en avant dans son « procès » réside surtout, dans l'existence de moyens de travail, soit la médiation que l'homme produit lui-même entre son travail et la nature, ce qui fait du travail un double mouvement d'extériorisation de soi dans le produit, et d'intériorisation du produit comme organe. Cette appropriation à opérer devient dans un second geste une transformation. Et si « l'on considère l'ensemble de ce mouvement au point de vue

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de son résultat, […] le travail [se présente] lui-même comme travail productif. » (ibid., p.140).

Ainsi, le recours aux représentations aristotélicienne et marxiste m'aurait permis de donner une première unité intuitive à mon parcours de formation, de moi-même, comme celui des élèves que j'avais sous ma charge. Cette appropriation en cours, toutefois, ne consistait pas encore en une véritable transformation tant que n'était pas soulevé les présupposés didactiques, et certainement philosophiques des méthodes pédagogiques utilisées maladroitement lors de ce stage pratique. En effet, de quoi ces représentations sont-elles le « véhicule » ?

2- Des présupposés didactiques et philosophiques à résoudre.

A la manière dont Kant voit dans les représentations religieuses un véhicule privilégié de la foi, je ne saurais tenir le recours à ces représentations philosophiques que comme le véhicule d'une conception philosophique et didactique à l'oeuvre dans mon observation et ma pratique, aussi bien que dans l'observation rétrospective de ma pratique elle-même. La diversité de ces représentations et de ces expériences vécues cette année du savoir philosophique trouve son unité, une certaine forme de signification, dans l'intention et les partis-pris philosophiques et didactiques ou pédagogiques d'abord recouverts. C'est à partir de contenus philosophiques (problèmes, concepts, textes, œuvres...) que mes démarches pratiques et mes réflexions furent élaborées. Au lieu d'opposer comme c'est souvent le cas chez l'étudiant en philosophie au seuil de son accès à la profession (et même chez nombre de professeurs en exercice) la compétence didactique et le contenu enseignés, j'ai choisi volontairement de les lier indissociablement, quoique encore confusément certainement, dans mon travail présent, à la manière dont il m'apparaissait dorénavant qu'observation et pratique n'étaient pas deux moments distincts et irréconciliables. On ne peut penser, du moins en matière philosophique, fonder la didactique propre à une discipline sur quelques applications de principes pédagogiques disparates, tant la notion même de « savoir » pose problème (Cecile Victotti, article « Y a-t-il du savoir en philosophie ? »). « On doit au contraire travailler à élucider ce qui fait sa spécificité, ou plutôt à élucider la conception que l'on a de cette discipline et de son apprentissage ».(Philosopher Tous Capables Nicole Grataloup p.364). Toute didactique de la philosophie à l'oeuvre dans nos principes pédagogiques, suppose une conception de la philosophie. Et ce qui parcours mon observation autant que ma pratique professionnelles, c'est l'idée selon laquelle la philosophie elle-même est une activité pour l'enseignant et l'élève, le premier ne pouvant que s'opposer à toute théorie des dons innées ou du handicap socio-culturel déclinées volontiers par certains parents d'élève en ces termes : « ce n'est pas un matheux ! », « Elle n'est pas philosophes pour deux sous ! Et de toute façon la philosophie, ça ne sert à rien ! » (Propos entendus personnellement de la part de parents d'une élève de terminale L1 qui sont venus me rendre « visite » sur mon lieu de travail). Pourvu que l'on sache créer les conditions cognitives, subjectives et sociales de cet apprentissage de la philosophie (collaboration des parents d'élève à ce projet y compris), je serais tenté de me rallier à ce mot du GFEN : « philosopher, tous capables ». Par ailleurs, je partage avec ces chercheurs en matière didactiques et pédagogiques l'idée selon d'une auto-socio-construction du savoir, c'est-à-dire l'idée que le savoir ne se transmet que s'il est re-construit par l'élève lui-même dans une démarche individuelle mais aussi et surtout collective avec ses pairs et l'enseignant et qu'à aucun moment de l'apprentissage, le nôtre et celui des élèves, nous ne devons donner l'idée que le « savoir » consiste en un ensemble d'énoncés figés et anhistoriques, en un vérité absolue. Nous devons inviter nos élèves et souvent nous-mêmes à accepter la réduction à l'ignorance, responsabilité de l'enseignant qui n'est aucunement le lieu d'un relativisme à l'endroit des multiples « opinions » philosophiques mais plutôt l'indice d'une unité du questionnement philosophique. Aucune thèse ne pourrait et ne devrait être présentée comme une vérité absolue, au risque de tenir un propos d'allure démagogique fondé pourtant sur un désir pédagogique sous-jacent. L'élève ne doit pas s'approprier des thèses philosophiques éparses les unes des autres mais doit plutôt s'approprier pour lui-même la forme d'un

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questionnement philosophique comme constitutif d'un esprit critique bien fondé. A minima, le développement d'un tel esprit critique (et le caractère subversif du propos spinoziste était le lieu philosophique idéal pour cela), « outillé », est le résultat attendu d'un enseignement philosophique en terminale, qui aura au plus haut point la vocation à faire de l'élève un citoyen.

« Définir la philosophie comme activité, c'est la définir comme un des modes de la pensée humaine, ou plutôt comme un « mode du penser » humain. La philosophie n'est pas une « chose », elle n'est pas non plus contemplation, ni vision du vrai, mais une activité réflexive, métacognitive et métadiscursive d'interrogation et de conceptualisation sur le sens, les présupposés, les implications et les finalités des actions, des savoir et des discours humains » (Ibid., p. 364) Assurément, c'est cette conception du savoir et de la philosophie qui était à l’œuvre comme un horizon d'attente dans mes pratiques pédagogiques qui visaient la mise en avant de l'historicité des problèmes philosophiques, la dialogicité et l'intertextualité présentes dans tous les textes philosophiques d'où ma volonté d'articuler dans le dossier pédagogique (Voir Annexe 2) la réflexion philosophique avec le questionnement propre des élèves, sans cesse objet d'observation, et les interrogations modernes du monde (ex : lutte contre les mouvements sectaires, reconnaissance du caractère séduisant des théories du complot mais aussi des illusions qui lui sont propres, reconnaissance du caractère relatif à nous-mêmes des valeurs mais de leur utilité...) Par ailleurs, cette conception du savoir et de la philosophie à plus forte raison la définit comme une activité langagière. Il n'y a pas à proprement parler de « langue philosophique », qui ferait dire à quelques parents d'élèves que leur enfant ne sait pas parler la langue et ne pourra jamais l'apprendre, mais un vocabulaire technique de cette dernière et un rapport philosophique à la langue naturelle. Il s'agit de prendre la langue elle-même comme objet d'étude puis d'utiliser ce savoir comme outil pour penser... pour lutter contre toute idolâtrie, « idée-lâtrie » et pédagogie.Cet apprentissage visant une transformation chez les élèves de l'utilisation de la langue elle-même, en les faisant accéder autant que possible à un autre registre de langage que celui de leur quotidien, a minima modifier leur rapport à la langue et au discours comme évident. La pratique mise en œuvre lors de mon stage reconnaissant comme primordiale cette visée d'apprentissage de l'écriture et de la lecture philosophiques conçues comme des activités langagières et non comme l'exercice d'une pensée « pure » et abstraite allant même jusqu'à leur proposer un exercice de « théâtralisation » du texte de l'appendice de L’Éthique, dans lequel ils avaient reconnu eux-mêmes les figures chères à Gilles Deleuze, à savoir celles de l'esclave, du prêtre et du tyran et qu'ils souhaitaient mettre « en dialogue » avec Spinoza. L'impossibilité temporelle de réaliser cet exercice a été très frustrante mais a laissé place rétrospectivement à la satisfaction que procure l'accès des élèves à une signification du texte philosophique, et ce malgré toute la confusion de ma pensée à cet endroit au début de mon stage et ma volonté pourtant de leur prouver qu'un texte philosophique était « vivant ».

Enfin, contre cette pédagogie de l'imitation décriée plus haut grâce à la figure du conseil aristotélicien, définir la philosophie comme activité, c'était avoir à cœur de développer l'activité philosophique des élèves eux-mêmes au travers de séances de travail de groupe, les inviter à écouter les questions de leurs camarades et à y répondre eux-mêmes (quoique cette méthode n'est pas assez été utilisée le jour de mon évaluation, encore moi-même dans la confusion des attentes de la formation). Je ne voulais ni céder à un centrage sur le « savoir », privilégiant le cours magistral et la transmission des connaissances sans se soucier, le plus souvent, des conditions de son appropriation, ni à un centrage excessif sur « l'élève » qui les mettent au travail sans se soucier de ce qu'ils apprennent ni du sens qu'ils pourront donner aux tâches prescrites. Il semble que ce soit, à la manière dont « le triangle didactique » que j'ai privilégié le met en avant, sur la rapport de l'élève au savoir, donc à la fois à son activité d'appropriation et à son activité de construction du savoir que je donnais la priorité. Le professeur n'est plus dans cette optique un pôle de cette équation mais son centre de gravité par l' opération de choix didactiques concernant le savoir et les apprentissages de

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ce dernier dans un corpus académique déjà constitué, choisissant telle problématique à l'exercice de sa profession mais aussi de son cours avec (plutôt que devant) les élèves. Sa liberté pédagogique s'inscrit donc elle-même dans un dialogue avec les différents cadres de sa profession, nationale par le biais du ministère, et plus locales, par le biais du projet d'établissement et de sa classe. Ce qui n'apparaissait alors que comme autant de tensions guidant notre activité ouvre sur un dialogue que l'étudiant que je suis ne saurait qu'inaugurer, sans jamais prétendre à ce que ce dernier s'achève. En effet, nos choix pédagogiques et didactiques peuvent nous faire accéder à une lecture personnelle des compétences propres au métier d'enseignant, et, à plus forte raison peut-être, influencer par l'innovation et la réflexion sur les cadres institutionnels d'exercice de notre profession.

CONCLUSION

« Des parcours à mon parcours »

N'en déplaise à Spinoza, parler de l'apprentissage d'une activité implique de se poser non seulement la question des moyens, celle du comment, mais aussi celle des fins, celle du pourquoi. Pourquoi invitons-nous nos élèves à ne pas se contenter de ce qu'ils pensent déjà et à faire retour sur leurs propres expérience ? Cette question doit être, à mon sens, celle de l'enseignant mais aussi l'origine d'un constat de la part des élèves, et l'élève-enseignant que je suis en premier lieu... Si nous lisons et écrivons, y compris le présent rapport, nous le faisons pour penser, et non l'inverse.

Car ce que seule la forme synthétique et problématique du rapport de stage pouvait pour m'apporter, c'est une forme de « clé » à l'endroit de cette multiplicité. Tour à tour étudiant en philosophie, ou en didactique et pédagogie, candidat aux concours de titularisation et stagiaire, devant considérer le « bien » des élèves mais aussi de l'élève et de l'enseignant en devenir que je suis ainsi que les diverses nécessités personnelles et professionnelles qui m'incombaient, une juste ré-appropriation de mon parcours devait s'opérer. Je devais y faire émerger une forme d'unité que le passage à la pratique et surtout un retour réflexif à son endroit auront permis, comprenant volontiers que mes représentations du métier d'enseignant et l'enseignement comme travail reposaient sur une conception de la philosophie elle-même.

Si toute didactique de la philosophie engage une conception de la philosophie alors s'offre à nous une véritable unité rétrospectivement à notre parcours de formation universitaire et profesionnel auprès de Mme Lamm (ESPE Rouen). En effet, notre formation commença par un exercice de recherche suivi d'un travail de groupe sur des textes philosophiques portant eux-mêmes sur la philosophie. S'il reste difficile de penser que commencer par « ce qu'est la philosophie » en classe de terminale permettra aux élèves pareille considération en fin d'année de l'unité du projet philosophique au-delà de la multiplicité des thèses et problèmes philosophiques, cette approche apparaît pour un étudiant en philosophie, jugé comme disposant des outils nécessaires, d'une grand efficacité. En effet, fort de nos multiples connaissances philosophiques, mais encore dans l'écueil assurément de de leur dicter un sens (celui de leur utilité, voire parfois même de leur « torsion », dans nos devoirs de dissertation et commentaires de texte), cette approche donne du sens, une signification véritable à l'acquisition de connaissances philosophiques multiples en fonction d'un projet professionnel. Et au-delà de cette idée, elle invite en cours d'année à un premier « procès » de nos connaissances et méthodes qui inaugure cet autre « procès » dans lequel consiste l'enseignement lui-même, et ceci en renvoyant du terme de « procès » toute connotation négative. Ce projet ne peut plus véritablement que passer par la formation professionnelle elle-même, formation qui ne semble devoir jamais finir pour les futurs enseignants que nous espérons devenir.

Pour mon cas personnel, l'idée d'auto-socio-construction du savoir, c'est traduite par la

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reconstruction avec mes amis enseignants et formateurs de « mon parcours », notamment en répondant à cette question de ce qu'était l'enseignement pour moi grâce ces représentations aristotéliciennes et marxistes me sont apparues alors comme le meilleur véhicule parmi mes idées confuses. Et si j'ai du passer par ce cheminement d'allure un peu longue parfois pour un lecteur, c'est que parler d'un savoir en le coupant du processus d'élaboration dont il est le résultat et des questions qui ont suscité cette élaboration, c'est se priver de la condition de sa véritable appropriation. Comme c'est le cas pour les élèves, au premier rand desquels l'élève que je suis, ce serait râté la vocation émancipatrice du savoir philosophique que de définir le savoir lui-même comme un ensemble d'énoncés figés et anhistoriques, ce qui est peut-être le péché philosophique de l'érudition... universitaire dans un premier temps. Contre cette attitude qui est peut-être le pivot de l'erreur très « étudiante » reconnue en introduction du présent rapport, j'opposais volontiers le modèle historique et trans-historique du procès marxiste pour rendre compte de cette humilité que demandait l'entrée dans le métier à l'égard du savoir et de la vérité, et qui je le reconnais maintenant, consiste en une qualité de l'enseignement. Cette humilité dont la formation universitaire et professionnelle, doivent et ont crée les conditions. Dans cette mesure, il semblerait que je puisse moi-même donner du sens à mon parcours en laissant ouvert les perspectives de son déclinement au travers de mes pratiques pédagogiques en devenir. Quoique confusément, je comprends dès lors que la maîtrise des contenus et la compétence didactique ne s'opposent plus, mais deviennent indissociables. Cette réflexion n'est qu'un début et m'invite à repenser à nouveaux frais ce qui semblait être un intitulé « type » de dissertation philosophique de terminale : « Qu'est-ce que la philosophie ? »... A la réponse que j'apporterais pour moi-même dans les plus brefs délais à cette question, j'espère comprendre plus avant les implications philosophiques de mes choix didactiques et pédagogiques, et inversement car ce n'est peut-être que par une réflexion constante, un va-et-viens incessant de l'un à l'autre que le métier d'enseignement se définit et se réalise asymptotiquement. De la multiplicité des savoirs en cours d'acquisition par moi-même et de la multiplicité des parcours qu'ils promettaient de m'offrir, je crois être parvenu à m'approprier « mon » parcours singulier et ce, bien que je n'ai fait qu'ouvrir « la porte » de ce dernier et reconnaître qu'il serait complexe et long.

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