mécanismes de non-rejet du fœtus par sa mère

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MEDECINE FCETALE ET Ns m6canismes de non-rejet du foetus par sa m&re G. CHAOUAT, E. MENU, F. DAVID, R. KINSKY, C, BREZIN, D.C. DANG, J. SZEKERES-BARTHO, S. ROPERT II y a quelques anndes, on pouvait parler du myst~re de la viviparitd pour un immu- nologiste : le fait que le con- ceptus, h6ritant pour moitid du patrimoine g(~n6tique du pbre, et donc de ses grou- pes tissulaires nouant, via le placenta, d'dtroites relations vasculaires avec I'utdrus, soit de ce fait la seule c, allo- greffe ~ rdussie de fa.con physiologique restait totale- ment incompr(~hensible. facteurs solubles d'origine placentaire C ETTE Enigme est ~tpresent en voie d'etre rEsolue. On salt certes que la grossesse Evoque dans le syst~me immunitaire maternel une sErie de phEnom~nes systE- miques, c'est-~t-dire non localisEs fi l'interface f0eto- maternelle : ce sont essentiellement les anticorps Comit~ de lecture Article re?u le 13/02/90. Accept6 le 9/07/90. Journal de PI~DIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 7-1990 facilitants et cellules suppressives de la reaction gEnErale maternelle antifcetale. Les premiers sont, chez la souris, des anticorps maternels antipaternels qui ne fixent pas le com- plement et masquent les antig~nes Etrangers au syst~me immunitaire maternel sur lesquels ils se fixent sans entrainer de lyse cellulaire (puisque la cascade du complement n'est pas activEe). De ce fait, ces antig~nes sont inaccessibles aux cellules tueuses. D~s lors, la greffe peut prendre <, ~ l'abri ,, des reactions cellulaires. Ce phEnom~ne est tr~s bien dEmontrE chez la souris pour certaines tumeurs, et dans divers modules de greffes de rein chez le rat. De fait, les anticorps maternels antipaternels EluEs du placenta de souris poss~dent bien de telles propriEtEs, et il a EtE montrE chez l'homme par Revillard et Traeger que les anticorps EluEs du placenta humain avaient des propriEtEs bloquantes analogues, mais non identiques ~i celles des anti- corps facilitants in vitro. Quant aux cellules suppressives, ainsi nommEes parce que ces cellules lymphocytaires T sont capa- bles de supprimer la gEnEration d'une rEponse immune, voire de provoquer la regression brutale d'une rEponse en cours, ou enfin de bloquer~son action au stade effecteur (c'est-~t-dire, par exemple, de bloquer les fonctions cytolytiques ou cytotoxi- ques de certaines cellules tueuses), on peut les mettre en Evidence chez la souris, le rat, le hams- ter, l'homme, etc. G. CHAOUAT, E. MENU, F. DAVID, R. KINSKY, C. BRE- ZIN, D.C. DANG, J. SZEKERES-BARTHO, S. ROPERT, U 262 Inserm (Pr C. Sureau), Clinique Universitaire Bau- delocque, 123, bd de Port-Royal, 75674 Paris Cedex 14. 411

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MEDECINE FCETALE ET Ns

m 6 c a n i s m e s d e n o n - r e j e t d u f o e t u s p a r sa m & r e G. C H A O U A T , E. M E N U , F. D A V I D , R. K I N S K Y , C, B R E Z I N , D . C . D A N G , J . S Z E K E R E S - B A R T H O , S. R O P E R T

II y a quelques anndes, on pouvait parler du myst~re de la viviparitd pour un immu- nologiste : le fait que le con- ceptus, h6ritant pour moitid du patrimoine g(~n6tique du pbre, et donc de ses grou- pes tissulaires nouant, via le placenta, d'dtroites relations vasculaires avec I'utdrus, soit de ce fait la seule c, allo- greffe ~ rdussie de fa.con physiologique restait totale- ment incompr(~hensible.

fac teurs solubles d 'or igine placentaire

C ETTE Enigme est ~t present en voie d'etre rEsolue. On salt certes que la grossesse Evoque dans le syst~me immunitaire maternel une sErie de phEnom~nes systE-

miques, c'est-~t-dire non localisEs fi l'interface f0eto- maternelle : ce sont essentiellement les anticorps

Comit~ de lecture Article re?u le 13/02/90. Accept6 le 9/07/90.

Journal de PI~DIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 7-1990

facilitants et cellules suppressives de la reaction gEnErale maternelle antifcetale. Les premiers sont, chez la souris, des anticorps maternels antipaternels qui ne fixent pas le com- plement et masquent les antig~nes Etrangers au syst~me immunitaire maternel sur lesquels ils se fixent sans entrainer de lyse cellulaire (puisque la cascade du complement n'est pas activEe). De ce fait, ces antig~nes sont inaccessibles aux cellules tueuses. D~s lors, la greffe peut prendre <, ~ l'abri ,, des reactions cellulaires. Ce phEnom~ne est tr~s bien dEmontrE chez la souris pour certaines tumeurs, et dans divers modules de greffes de rein chez le rat. De fait, les anticorps maternels antipaternels EluEs du placenta de souris poss~dent bien de telles propriEtEs, et il a EtE montrE chez l'homme par Revillard et Traeger que les anticorps EluEs du placenta humain avaient des propriEtEs bloquantes analogues, mais non identiques ~i celles des anti- corps facilitants in vitro.

Quant aux cellules suppressives, ainsi nommEes parce que ces cellules lymphocytaires T sont capa- bles de supprimer la gEnEration d'une rEponse immune, voire de provoquer la regression brutale d'une rEponse en cours, ou enfin de bloquer~son action au stade effecteur (c'est-~t-dire, par exemple, de bloquer les fonctions cytolytiques ou cytotoxi- ques de certaines cellules tueuses), on peut les mettre en Evidence chez la souris, le rat, le hams- ter, l'homme, etc.

G. CHAOUAT, E. MENU, F. DAVID, R. KINSKY, C. BRE- ZIN, D.C. DANG, J. SZEKERES-BARTHO, S. ROPERT, U 262 Inserm (Pr C. Sureau), Clinique Universitaire Bau- delocque, 123, bd de Port-Royal, 75674 Paris Cedex 14.

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M s F O E T A L E

ET N E O N A T A L E

La r~gulation de la classe d'anticorps produits pen- dant la gestation contre les sp~cificitds antig~ni- ques paternelles, l 'induction ou activation de cellu- les suppressives pendant la gestation d@endent incontestablement de la rdgulation du syst~me immunitaire maternel par des facteurs solubles d'origine placentaire. Ces m&anismes d'induction de la suppression ne sont pas sans rappeler ce qui se passe dans certaines tumeurs, et dans la phase terminale de l'infection par le VIH. On conqoit l'int~r& qu'il y aurait ~t bien identifier le facteur , inducteur ,~ ou , acti- vateur ~ de cellules suppressives. La figure 1 mon- tre que, si 1 on incube pendant quarante-huit heu- res des lymphocytes d'un individu avec le surna- geant d'un choriocarcinome (tumeur d'origine pla- centaire, donc nous mettant ~ la fronti~re entre la cancdrologie et la reproduction), puis que l 'on irradie ces cellules ~i 1 800 fads, afin d'emp~cher leur proliferation, et qu'on les rajoute dans une rdaction lymphocytaire mixte dont les cellules r@ondeuses proviennent du m~me donneur que les cellules pr&raitdes, on observe une tr~s pro- fonde inhibition de la proliferation des lymphocy- tes dans cette MLC. L'addition de celtules culti- v~es dans les m~mes conditions dans du surna- geant contr61e ne provoque pas cet effet suppres- seur, extr~mement puissant et obtenu pour de tr~s fortes dilutions de surnageant (mais les effets s'es- tompent au-del~l du 8 000 ~, fort heureusement).

On sait cependant ~ prdsent de fa~on sfire que / �9 / .

ces mecamsmes ne sont ni necessa~res, ni suffisants la survie de l'allogreffe fcetale, ~ partir de consta-

tations cliniques (grossesse normale chez des fem- rues aggammaglobulin~miques), ou exp~rimentales (gestation possible chez des animaux dont les cel- lules suppressives ont dtd ~limin~es par traitement

approprid, ou chez lesquels une hyperimmunisa- tion avant la gestation contre les antig~nes du

/ / / �9 p pere a ete reahsee, << cour t - c i r cu i t an t , , ces cellules, et provoquant l'apparition syst~mique de cellules tueuses maternelles antipaternelles sans que la ges- tation en soit affect~e).

p l a c e n t a

e t d d c i d u a l e

* Les concepts r~cents font une tr~s large place aux ~v~nements fi l'interface maternofoetale elle- m~me, mettant en jeu des r~gulations placentaires et d&iduales, et tr~s probablement des ~vdnements immunoendocrines, qui pourraient jouer aussi un r61e dans les pMnom~nes de parturition. Situ~ ~t l'interface maternofoetale, le placenta est en premiere ligne face au syst~me immunitaire maternel. C'est lui qui sera per~u c o m m e , &ran- ge r , par les cellules immunocomp&entes de la m~re, et c'est donc lui qui devrait &re rejetd de premiere intention par les effecteurs cytotoxiques maternels antipaternels. Or, fi l'~vidence, il ne l'est pas et, fait paradoxal, alors que dans un syst~me de greffe les rejets sont de plus en plus violents d'une implantation expdrimentale fi la suivante, le placenta, lui, est (statistiquement) de plus en plus gros de gestations en gestations successives. I1 en est de m~me corrdlativement pour le foetus. De plus, le poids du placenta est plus gros chez les animaux prdimmunis~s contre le p~re que chez les contr61es, lots des gestations expdrimentales que nous venons de d~crire, en d@it, nous l'avons dit, de la presence de cellules tueuses maternelles antipaternelles capables de rejeter avec violence

-!?!~!

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4 1 2

1 Inhibition d'une r6action lymphocytaire mixte par des cellules cultivdes 48 heures en prd- sence de surnageant de choriocarcinome. En (A), contr61e, culture dans du surnageant con- tr61e avant d'etre irradi6es b 1 880 rads et pla- c6es dans la r~action Iymphocytaire mixte. Autres colonnes : culture dans du surnageant de choriocarcinome BeW0 ou JeG, b diverses dilutions.

J o u r n a l de PI~DIATRIE e t de P U E R I C U L T U R E n ~ 7 - 1 9 9 0

MEDECINE FCETALE ET NI~ONATALE

Sang maternel (lacunes)

Lymphocy" maternel

Fibroblast~ embryon HLAA, B,(

le

, Cr, DR+

3hoblaste HLA- (1)

~blaste 3 +

C, + HLADR+/-

(1) HLA G + sur te placenta "extravilteux"

A ANTIGENICITE DU PLACENTA HUMAIN

NK

UterL (d~ci~

Labyl circul mate etfoe

Petites cellules suppressives granulees

Spongiotrophoblaste circulation maternelle seule MHC+

Foetl

B ANTIGENICITI~ DU PLACENTA DE SOURIS

Journal de PEDIATRIE et de pUI~RICULTURE n ~ 7-1990 4 1 3

M E D E C I N E F C E T A L E

E T N ~ : O N A T A L E

des greffes de tissu paternel alors mime que la gestation suit son cours. Enfin, ce qui est un rdsultat proprement aberrant en fonction des lois classiques de la transplanta- tion, le placenta est d'autant plus gros que les

�9 l

differences " ' " ' ' antigemques mere-pere sont accrues. Toute explication du succ~s de cette ~, allogreffe fcetale ,, doit, en 1990, intdgrer ces deux dimen- sions : le placenta n'est ~sas gln~ en cas de conflit immunologique ,, mineu'r ,, m~re-p~re, ou meme majeur et artificiellement provoqu~. Mieux, il sem- ble en profiter.

�9 Pour r~sister ~ l'attaque cellulaire cytotoxique sp4cifique antipaternelle ~ventuelle, ainsi qu'~ l'ac- tion des cellules naturetles tueuses (NKs), qui pour- raient, en raison des antig~nes oncofcetaux qu'il poss~de, le rejeter comme une ,~ vulgaire ,, tumeur maligne, le placenta utilise simultandment plusieurs artifices. I1 peut soit r4guler ~i la surface de ses cellules en contact avec le syst~me immunitaire maternel l'expression maternelle des antig~nes d'his- tocompatibilit~ majeurs (syst~me HLA), soit sdcrd- ter des facteurs immunosuppresseurs ~ forte action locale. Dans la plupart des esp~ces, il fait les deux

^

en meme temps.

Ainsi, dans la majorit4 des primates, le placenta n'exprime ni antig~nes d'histocompatibilit~ mater- nels ou paternels de classe I (HLA A, B, C) ni de classe II (HLA Dr) dits polymorphes, car variant d'un individu ~l l'autre, sur les cellules trophoblas- tiques les plus en contact avec la ddciduale, le syncytiotrophoblaste. Les cellules de cette couche cellulaire forment ainsi une tr~s fine barri~re neu- tre, qui ne peut itre sensible ~ l'attaque des cellules tueuses maternelles, puisqu'elles n'expriment pas les determinants antig~niques dont la reconnais- sance est ndcessaire ~ l'activation de leurs fonc- tions tant cytolytiques que cytostatiques. Cette barri~re s'interpose entre le sang maternel et les cellules du cytotrophoblaste, qui, eiles, sont une cible potentielle pour de telles cellules car elles expriment bien des antig~nes d'histocompatibilit~ majeure des classes HLA A, B, C (voir la figure 2a). I1 en est de mime, plus en profondeur, pour les cellules, essentiellement des fibroblastes embryon- naires, qui reprdsentent le tissu de soutien d'une villosit& Signalons que les fibroblastes embryon- naires isol~s sont reconnus par les cellules naturel- les tueuses (NKs), et sensibles ~l leur action lytique. Enfin, signalons toujours que les cellules du pla- centa invasif, mal nomm~ ,, extravilleux ,, par les Anglo-Saxons, expriment une molecule du syst~me HLA d'un type particulier. Elle ne varie pas d'un individu ~i l'autre, et son expression est limitde au placenta. Cette molecule vient d'itre baptis~e HLA-G, et est dire antigone monomorphe, parce que sa structure ne varie pas entre les divers indivi- 414

H A D B @ C

50%

25%

A ~ C

2 Inhibition par du surnageant de placenta humain de la g6nd- ration de cellules tueuses sp6cifiques en culture lymphocytaire mixte. A)Activit6 lytique de la culture contr61e (50 cellules tueuses r6colt6es face ~ une cible marqu6e au slCr). On note la destruction de 50 % environ des cellules cibles en 4H. B) M~me exp6rience, la culture 6tant cette fois faite en pr6- sence de surnageant placentaire. On note que les cellules r6col- t6es n'ont aucune activit~ lytique. C)Abolition partielle de Hnhibition si la culture est faite en presence de surnageant placentaire auquel on a ajoutd des doses importantes d'interleukine 2.

dus de l'esp~ce. Elle pourrait ~, ddsactiver ,, par mim4tisme mol~culaire certaines cellules tueuses, et nous avons depuis peu des arguments, qui devront itre approfondis avec les laboratoires anglais, alle- mands, am~ricains avec lesquels nous coop~rons, pour lui faire jouer un r61e important dans la parturition (voir plus loin). Par contre, chez les rongeurs (figure 2b), les cellu- les du spongiotrophoblaste (partie externe du pla: centa, baignant directement dans le sang maternel, donc en contact dtroit avec les lymphocytes de son syst~me immunitaire) expriment des antig~nes d'histocompatibilit4 paternels polymorphes de classe I tout ~ fait classiques, tandis que, curieuse- ment, les cellules du labyrinthe (part,e-interne) en sont totalement d~pourvues. I1 n'existe donc pas de barri~re neutre chez les rongeurs, et il

t I i i ! �9 a ete demontre par des experiences de clairance s~lective d'anticorps in v ivo (ce qui leur donne toute leur signification) que les antig~nes paternels sont bien directement accessibles au syst~me immu- nitaire maternel. I1 devrait donc y avoir un conflit de greffe tout ~l fait classique, et de plus en plus violent ~l mesure que la grossesse se maintient (ou de gestations en gestations successives) entre les composants lymphocytaires (cetlules tueuses sp4- cifiques, ou CTLs) du syst~me immunitaire mater- nel, et le spongiotrophoblaste. Chez l 'homme, la moindre micro-effraction dans le syncytiotropho- blaste devrait r~sulter en un conflit identique avec les cellules du cytotrophoblaste sous-jacent et l'ar- chitecture des villositds.

Journal de PEDIATRIE et de PU#:RICULTURE n ~ 7-1990

Toutefois, l'0euf fEcondE, dans les deux modules �9 ! ~ " �9 x susc~tes, n exprlme aucun antlgene d'histocompati-

bilitE majeur (comme d'ailleurs les ovocytes et spermatozoa'des) tout au long de son trajet dans les trompes, et jusqu'fi quelques jours apr~s l'im- plantation. I1 repr~sente ainsi une cible qui ne peut pas (ou tr~s mal) &re reconnue comme un tissu Etranger par Ie syst~me immunitaire maternel.

/ " t �9 �9 L'&ude des mecamsmes moleculalres conduisant cette r~pression gEnErale, puis s~lective (syncytio

versus cytotrophoblaste chez l 'homme) de l'ex- pression des antig~nes du Complexe Majeur d'His- tocompatibilit~ (CMH) ainsi que des antig~nes monomorphes constitue un chapitre nouveau, pas- sionnant et important de l ' immunologie de la ges- tation. La d~rEgulation de ces mEcanismes sous l'effet de certaines cytokines ou lymphokines (fac- teurs solubles d'origine lymphocytaires) tels l'in- terf~ron gamma, pourrait ~tre impliquEe dans cer- tains avortements.

N~anmoins, retenons que chez l'humain, les cellules sous-jacentes ou syncytiotrophoblastes sont bel et bien r~guli~rernent expose'es par suite de microbrbches aux cellules lymphoi'des rnaternelles. C'est tr~s probable- ment, malheureusement, une des voies de passage du H I V de la rnbre ~ l'enfant. Signalons entre paren- theses qu ~l existe d'autres m~canismes pour cette infec- tion : ainsi avons-nous mis en dvidence des molecules CD4 sur le syncytiotrophoblaste, rnontr~ leur interac- tion fonctionnelle avec la mol6cule Gp120 du virus et, en cooperation avec les ~quipes de Debr~ et Barr& Senoussi, isol~ ces cellules et r~alis~ leur infection directe.

Retenons surtout que l 'on observe une dichotomie des rEponses immunitaires maternelles, puisqu'une rEponse anticorps maternelle antipaternelle est ctas- siquement dEtectEe, ainsi qu'en tEmoignait l'usage du sang de femme enceinte aux fins de typage HLA. En fait, de 15 ~t 30 % des femmes enceintes font des anticorps de type IgG anti-HLA paternels dans la premiere gestation, ce nombre s'~levant

75 %/85 % lors de la multiparit& M~me en ce dernier cas, on ne deckle pas de rEponse ~l media- tion cellulaire (le sang maternel ne comporte pas de cellules tueuses maternelles antipaternelles, sauf si l 'on pr~immunise violemment la m~re contre les antig~nes du (futur) p~re. Nous signalerons au passage que ce ph~nom~ne implique que cer- tains mEdiateurs (certains sEcost~roi'des, certaines prostaglandines) qui touchent ~l la fois de fa~on ~gale les cellules CD4+ et les cellules CD8+ ne peuvent jouer un grand r61e dans le maintien de la gestation, car sinon on n'observerait pas de rEponse anticorps antipaternelle par paralysie du compartiement CD4, comme cela semble d'ail- leurs ~tre le cas chez des femmes ayant un SIDA ~volutif au cours de la gestation (effondrement Journal de PEDIATRIE et de PUI~RtCULTURE n ~ 7-1990

MI~DECINE FCETALE ET N~:ONATALE

relatif des taux de tels anticorps en multiparitE, ou absence plus importante en primiparitE dans les populations touchEes que dans la moyenne gEnE- rale, semble-t-il, mais il faut &re prudent, vu la taille des Echantillons analys~s jusqu'ici ~l cet effet).

Un tr~s grand nombre de prot~ines placentaires ont, ~t fortes doses, des effets immunosuppresseurs in vitro. Toutefois, si ces protEines avaient in vivo l'effet immunosuppresseur profond et non spEcifi- que qu'on leur pr&e au vu de ces rEsultats de tube ~ essai, et si ces mEcanismes &aient impor- tants dans la survie du conceptus, il n 'y aurait pas de r~ponse immunitaire maternelle contre n'im- porte quel agent infectieux, ou, contre une greffe de tissu d'origine non paternetle, par suppression

I �9 I �9 �9 ' I systemlque non speclfique de toute reponse immu- nitaire. Ce tableau est celui que l 'on trouve lors d'un SIDA Evolutif grave, mais ce n'est manifeste- ment pas celui que l 'on observe in vivo lors d'une gestation normale. Toutefois, il n'est pas exclu que la somme algEbrique des effets ,, infrasuppres- seurs ~ qui serait obtenu par la concentration locale au niveau placentaire des substances ainsi indivi- dualisEes puisse aboutir ~ une sommation synergi- que d'effets rEalis~e uniquement ~ la jonction materno-foetale ainsi obtenue, participant ainsi ~t une forte suppression tr~s localisEe au point d'im- plantation > . Pour les lecteurs, signalons que sont suspectEes la Pregancy Zone Protein (PZP), les prostaglandines E2, certains m&abolites de la vita- mine D, l'c~2-macroglobuline dire ,, de grossesse ,~, l'~x-foetoprotEine, etc., cette liste est loin d'&re exhaustive.

' �9 l ^ . ~ !

En fait, un tr~s grand mteret s'est mamteste ces dix dermeres annees' pour l'Etude de matenaux dont les effets sont compatibles avec une tr~s forte inhibition localis~e. C'est ainsi que, dans la dEci- duale, a EtE mis en Evidence un facteur immuno- suppresseur non dialysable. Ce materiel, tr~s puis- sant, est sEcretE activement par de petites cellules lymphocytaires granulEes qui s'accumulent autour du point d'implantation. Elles sont tr~s bien carac- tErisEes chez la souris, beaucoup moins bien indi- vidualis~es chez l 'homme. Le materiel suppresseur a EtE identifid comme &ant un analogue du TGF b~ta2 (Transforming Growth Factor Beta 2). I1 s'agit d'un facteur de croissance pour les fibroblas- tes embryonnaires, qui est en mime temps un facteur bloquant de la croissance et de l'activation lymphocytaire. On notera le parall~le, pour le lecteur int~ressE, avec certaines situations tumorales, dont l'exemple le mieux caract~ris~ reste les glioblastomes, qui sEcr~tent du TGF b~ta2 et b~ta3. Ces cellules suppressives non T, non B, sont recru- t~es au point d'implantation, puis activEes et r~pan- dues, sous une double influence. I1 faut en effet

415

M E D E C I N E F C E T A L E E T N I ~ O N A T A L E

d'une part des signaux hormonaux, c'est-fi-dire essen- tiellement une pr~d~cidualisation sous influence continue de progesterone, et d'autre part des signaux fournis par des facteurs prot~iques placentaires, curieusement peu ~tudiEs (la prioritE ayant ~tE mise sur le facteur suppresseur d~cidual lui-mlme). I1 est fort possible qu'il faille accorder un r61e de signalisation en ce sens encore plus grand que suspectE aux interfdrons embryonnaires, dont le <~ prototype >, est la trophoblastine, mise en ~vi- dence par Martal ~ I 'INRA, dans le recrutement et l'activation de telles cellules.

Mais le placenta peut aussi avoir ses propres lignes de d~fense :

i �9 �9 �9 -- D'une part, on constate une resistance lntrlnse- que de certaines cellules placentaires ~ la lyse que pourraient exercer des cellules tueuses sp~cifiques (Lymphocytes CD8 activ~s) mime si l 'on ,, force le contact >> avec les cellules placentaires, et ~ l'ac- tion des cellules naturelles tueuses (NKs), mime si l 'on forme chez la souris des conjugu~s entre des cellules NKs (ou CTLs) et des cellules du spongiotrophobtaste.

On ne peut invoquer la ,, neutralit~ >, de telles cellules placentaires, et ce d'autant que, la forma- tion de conjuguds le montre, elles sont reconnues par les cellules immunocompEtentes. Ce phdno- mene de nous pproc e resistance ra mtrmseque h encore de certaines situations tumorales .

- - D'autre part, le placenta, tant humain que murin, s~cr~te, comme la d~ciduale, des immunosuppres- seurs puissants. Ainsi, il a ~t~ mis en ~vidence dans le surnageant de placenta humain obtenu grflce fi des cultures d'explants une activit~ capable de bloquer un tr~s grand nombre de fonctions des lymphocytes CD8 + -- cellules tueuses sp~cifi- ques --, tandis que les activit~s des lymphocytes CD4 -- cellules T dites auxiliaires - semblent, elles, ~i peu pros intactes. Le materiel provoque une inhibition de la lyse de cellules cibles par des cellules tueuses spEcifiques CD8+. I1 bloque de mime sur leurs cibles classiques tumorales et, ce qui est en liaison directe avec la grossesse, sur des fibroblastes embryonnaires humains, les cellu- les naturelles tueuses (NK).

On volt sur la figure 1 que les fonctions tueuses de tels clones T humains sont bloquEes par la

i ! �9 �9 ! presence du materiel placentaire. Fait mteressant, cette inhibition dispara~t en exc~s d'interleukine 2.

Nous avons observE, avec l'~quipe de Jeanine Char- reire, que ce materiel placentaire bloquait aussi l'activit~ cytotoxique de clones ou hybridomes antithyroglobuI!ne donc en situation d'auto- ~mmunlte ~n v~tro, ce qui explique peut-ltre la

S remission pontanee de certaines maladies auto-

4 1 6

immunes pendant la grossesse, et fonde l'int~rlt clinique de tels facteurs. Enfin, le materiel bloque la gdn~ration de cellules tueuses sp~cifiques au cours d'une r~action lymphocytaire mixte, elle-mlme fortement, mais non totalement, bloqu~e, lorsque mesur~e en pro- lif~ration (la figure 4 montre une telle inhibition mesur~e sur la lyse de cibles sp~cifiques). Enfin, fait qui valide l'int~rlt clinique ~ventuel suppl~mentaire du materiel, celui-ci inhibe une r~action greffon contre h6te, que celle-ci soit locale (fig. 3) ou mime g~n~rale (d'ofi l 'int~rlt en greffes de moelle) et prolonge une allogreffe tissulaire exp~rimentale chez la souris. Comme le surnageant global a une activitd de croissance sur les fibroblastes embryonnaires humains, il ~tait bien sfr tentant de postuler que le materiel actif dans le surnageant placentaire soit lui aussi un analogue du Transforming Growth Factor (TGF) blta2, comme pour le materiel d~ci- dual. Le materiel venant d' i tre purifi~ par la sociEt~ transg~ne, et le materiel global ne pouvant pas voir son activit~ neutralis~e par des anticorps mono- clonaux ou polyclonaux anti TGF blta2, nous savons ~ present que tel n'est pas le cas. Nous ne pouvons toutefois pas donner ici, en accord avec nos partenaires, la caract~risation du materiel.

-- Autre ligne de defense: le placenta, parce que pr~cis~ment il est reconnu comme ~tranger, pro- voque une cascade locale immuno-endocrine, que nous allons ~tudier.

A 1=5

3 Inhibition d'une r~action greffon contre h6te locale par le surnageant placentaire. Des cellules lymphocytaires allog~ni- ques sont inject~es dans le coussinet plantaire d'une souris, tandis qu'un contr61e est injectd dans le ganglion controlat6ral. On mesure le rapport des pieds des ganglions, ou de la prolife- ration, lymphocytaire par incorporation de thymidine tritide, ganglion inject~ sur ganglion inject~ par du matdriel contr61e. En A, cellules allog~niques inject~es seules. On note un fort index de stimulation. En B, les cellules ont ~t~ cdinject~es avec du matdriel placentaire. On notera I'inhibition totale ou presque de la GVH. En C, cdinjection avec du matdriel contr61e.

J o u r n a l d e P E D I A T R t E e t d e P U I ~ R I C U L T U R E n ~ 7 - 1 9 9 0

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4 Inhibition d'un test NK par du materiel obtenu dans le surnageant de lymphocytes de femme enceinte trait~s par la progestdrone. Premiere colonne : 100 % de lyse (contr61e). Expdriences 1 et 2 : test NK. Premiere colonne, sur K 562, lymphocytes humains pr~incub(~s avec du surnageant de

lymphocytes normaux trait~s par la progesterone (a). En B, surnageant de lymphocytes de femmes enceintes trait~es par la progesterone. En C, idem, rnais addition durant I'incubation d'une quantitd dquimolaire de RU 486.

r d c e p t e u r s d ' h o r m o n e s stdro i 'des sur les l y m p h o c y t e s

Si l'on traite des lymphocytes p&iph&iques de femme enceinte avec des doses physiologiques de progest&one, qui ne sont pas en elles-m~mes immunosuppressives, on observe c~ue le surnageant de ces cellules, r~colt~ au bout ae quatre heures eia presence de progest&one, et dialys~ pour ~limi- ner toute progest&one r~siduelle, contient un fac- t eur qui bloque la lyse par les cellules NK de fibroblastes embryonnaires, et bloque aussi une r~action lymphocytaire mixte. I1 semble bien &re produit par les seuls lymphocytes CD8 +. La m~me manipulation est sans effet si l'on utilise des lymphocytes de femme hors p&iode gestationnelle, ou, fair tr~s important, des lymphocytes prdlev~s lors du travail. Fait capital, on n'observe pas de relargage/s~cr&ion du mat&iel immunosuppres- seur en presence de RU486, ni si du RU486 est present en quantit~ ~quimolaire avec la proges- terone (fig. 4). Le facteur lui-m~me a des effets pl~iotropiques : outre son effet sur l'activit~ lytique des cellules NK, qu'il bloque, et une r~action lymphocytaire mixte qu'il ddprime, il augmente au cours d'une r~action lymphocytaire mixte le nombre de cellu- les qui, au sein des lymphocytes CD4, portent les marqueurs antig~niques baptis~s 2H4+, TQ1 +. Ces cellules sont les cellules que nous appelons dans notre jargon les cellules lymphocytaires T suppresseurs inducteurs, c'est-a-dire les cellules qui activent les cellules suppressives. Fait concomitant Journa l de PEDIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 7 - 1 9 9 0

et logique, les cellules lymphocytaires qui, au sein du pool CD8+ n'expriment pas le marqueur dit D44, c'est-fi-dire les cellules de type suppresseurs effecteurs, autrement dit les cellules suppressives elles-m~mes, sont augment~es. En consequence, les cellules T qui, au sein du pool de cellules CD8, expriment le marqueur D44, c'est-~t-dire le mar- queur des cellules cytotoxiques, autrement dit les cellules tueuses spdcifiques generees' ' ' dans la reac-' tion lymphocytaire mixte, sont tr~s fortement dimi- nudes. Autrement dit, le facteur agit sur les voies de la cytotoxicit~ maternelle de fa~on synergique avec les facteurs placentaires et d~ciduaux.

Les r~sultats obtenus avec le RU 486 (et des st~roY- des de synth~se bloquant les r~cepteurs de gluco- cortico'ides) sugg~raient fortement la presence de r~cepteurs sp~cifiques de la progest&one sur les lymphocytes de femme enceinte, fait d'autant plus paradoxal qu'il &ait bien &abli qu'il n'y en a pas sur les lymphocytes normaux, ce qui faisait d'ailleurs consid~rer les rdactions suppressives obte- nues in vitro avec de la progest&one ~l tr~s haute dose comme un artefact m~did par une saturation

des doses tr~s supraphysiologiques de progeste- rone des r~cepteurs aux glucocorticoides. Or, les doses de progesterone actives sur les lymphocytes de femme enceinte &aient, elles, compatibles avec les doses trouv~es dans l'environnement placen- taire. C'est pourquoi, en utilisant l'anticorps mono- clonal mPRI, sp~cifique du r~cepteur de progeste- rone retrouvd dans les cancers du sein et de l'endo- m&re, mis au point par l%quipe de Milgrom, nous avons pu d~montrer l'existence de r~cepteurs pour la progesterone sur les lymphocytes CD8

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MEDECINE FCETALE ET NI~ONATALE

de femme enceinte, et leur absence sur les lymphocytes de femmes hors gestation ou sur des lymphocytes pr~lev~s lors du travail. Ces manipulations ont dtd confirm~es, avec Pichon (U 135 INSERM) par un test ELISA avec les anti- corps Abbott, et ~ la trieuse automatique de cellu- les par Autran chez DebrE et, enfin, en liaison directe chez Roussel-Uclaf avec lYquipe de Philibert. Ces r~cepteurs peuvent &re induits par stimulation- activation de cellules lymphocytaires T CD8 + par une lectine, ou par une r~action lymphocytaire mixte. Signalons, ce qui est la situation la plus proche de l'allogreffe gestationnelle, que nous en avons trouvE, avec Bernard Well, chez les sujets pr&ransfusEs ou greff~s du foie.

' du caractere &ran- Consequence de la reconnaissance ger (les antig~nes paternels) du foetus, le nombre de cellules portant le r~cepteur ~l la progesterone augmente progressivement dans le pool lymphocy- taire global, et au sein des cellules CD8, durant la gestation.

Le facteur suppresseur n'est pas rel~ch~ en grande quantitE dans le s&um (bien que l 'on puisse le d&ecter et le quantifier par ELISA). I1 est proba- blement rel~ch~ en grande quantit~ dans l'environ- nement placentaire de la faqon suivante : les cellu- les T CD8 maternelles reconnaissent les sp~cifici- tEs tissulaires placentaires &rang~res ~t la m~re et, consequence de l'activation lymphocytaire qui en rEsulte, expriment de ce fait les rdcepteurs ~t la progest&one, lesquels sont sensibles aux fortes con- centrations de cette hormone prEsentes ~t l'inter- face maternoplacentaire. Ce facteur diminue alors les fonctions des cellules naturelles tueuses. Or, en dehors de leur action lytique, ces derni~res

p ~ t secretent aussi lorsqu'elles ne sont pas bloquees une lymphokine dite TNF pour Tumor Necrosis Factor, ou facteur de n~crose des tumeurs. Ce facteur agit en provoquant une vasoconstriction locale, en lysant certaines cellules, et en provo- quant des contractions sur les muscles lisses.

En l'absence de facteur bloquant progest&ono- dependant (et si l 'on fair abstraction des facteurs placentaires et d~ciduaux sus-d~crits), on observe- rait donc la lyse de certaines cellules placentaires par les cellules NKs (dont les fibroblastes embryon- naires internes), et le TNF qu'elles s&r~tent, l'~mer- gence en quelques jours de cellules tueuses mater- nelles antipaternelles, et des phdnom~nes de n&rose placentaire locale et d'expulsion par action sur le muscle lisse mEdiEs par le TNF.

Deux faits m~ritent d'&re signal&: -- En cooperation avec Reznikoff, nous avons pu &ablir que les cellules lymphocytaires de femme ayant des avortements d'origine immunitaire, dont on suspecte qu'iIs sont dus ~ une mauvaise recon- naissance comme &ranger du placenta en debut 4 2 0

de gestation, n'expriment que peu de r~cepteurs ~l la progesterone. Ce d~ficit est corrigE par l'im- munisation contre des lymphocytes paternels, dont on salt qu'il permet le maintien de la gestation chez ces femmes qui, autrement, pr~sentent des avortements rEp&itifs.

-- D'autre part, nous constatons la disparition de tels r~cepteurs sur les lymphocytes de femme enceinte en pdriode de travail. Nous savons ~t pr~- sent que cela peut &re obtenu aussi en incubant des lymphocytes activ~s in vitro par une lectine pour leur faire exprimer le r~cepteur ~l la progeste- rone en presence de s~rum de femme enceinte en travail. Comme la substance qui provoque cette disparition est retenue par un anticorps monoclo- nal, W632, dirig~ contre des H L A monomorphes, dont HLA-G (voir plus haut), il est tentant de penser que la s~cr&ion de HLA-G, et la r~gulation quantitative de cette molecule sur le placenta, joue un r61e dans la parturition. En effet, qui dit inacti- vation des r~cepteurs ~t la progesterone, dit relar- gage de TNF par les cellules NKs (du fait de l'absence concomitante de facteur bloquant) et, donc, d~but de contractions musculaires et cons- triction des vaisseaux locaux. Nous travaillons actuellement sur cette participation des ' ' evenements immunitaires dans les phEnombnes de parturition.

Signalons enfin, mais sans pouvoir entrer dans le detail, que ces donn~es sur le r~cepteur de pro- gestErone lymphocytaire ouvrent une piste per- mettant d'expliquer pourquoi, chez 20 % des fem- mes, il est n~cessaire d'associer des prostaglandines au RU 486.

I ' immunot roph isme

Rappelons que la thdorie de l ' immunotrophisme supposait que les lymphokines (facteurs~de crois- sance et de communication des lymphocytes) peu- vent agir comme facteurs de croissance pour le placenta et &re requise pour une croissance pla- centaire optimale. En ce sens, mettant l'accent au moins autant sur les aspects positifs des interactions maternofoetales, que sur ses seuls aspects immuno- suppresseurs, elle &ait conceptu~llement rEvolu- tionnaire, car elle renversait les points de vue clas- sique vers l'id~e de boucles r~gulatrices paracrines et introduisait la notion d'interactions multiples et bilatdrales entre le syst~me immunitaire et le placenta, le maintien de certaines s~cr~tions lymphocytaires ~tant jug~ n~cessaire & une ges- tation optimale.

La th~orie avait pris alors son essor du fait que Tom Wegmann d 'un c6t~, David Armstrong et moi de l'autre, Jeff Pollard enfin avaient prouvE

Journal de PEDIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 7-1990

M E D E C I N E F C E T A L E

E T N E O N A T A L E

60%

30%

D

. . . . .

I - I -

5 Protection des avortements chez la combinaison . abor- tive ~ CBA x DBA/2. En A, taux d'avortement de cette combi- naison. En B, taux d'avortement de la combinaison CBA x BAIb/c (contr61e, non abortive). En C, CBA x DBA/2 ayant re cu le transfert de cellules spl6niques de souris MRL/Ipr (auto- immunes). En D, m6me chose, mais les cellules ont 6t6 pr6trai-

t6es par s6rum anticellules T plus compl6ment avant le trans- fert. En D et, transfert, b titre de contr61e, de cellules de souris MRL, souris ne portant pas la mutation ipr, donc non auto-immunes, donc ne produisant pas de taux anormaux de lymphokines de type IL-3 ou CSF.

6 Traitement des avortements chez CBA x DBA/2 par du GM CSF naturel ou recombinant. En A, taux d'avortements chez CBA x DBA/2 non trai- tds. En B, taux chez CBA pr~immunis6s contre BAIb/c avant I'accouplement avec DBA/2, En C et D, CBA x DBA/2 inject~s aux jours 6, 8 10 par du GM CSF naturel ou recombinant.

/A k.~ U

que les lymphokines de la famille des CSFs (Colony Stimulating Factors, facteurs stimulateurs de colo- nies) dont le GM CSF (facteur stimulateur de colonies pour les granulocytes et les macrophages) CSF-1 (Colony Stulating Factor 1) et interleukine 3 ~taient des facteurs de croissance in vitro pour les cellules trophoblastiques. Depuis, on sait que le CSF-1 est s~cr~t~ de 1 000 ~i 10 000 fois plus par un uterus de femme enceinte que de femme normale, qu'il est aussi s~cr~t~ par le placenta (ou

/ ! t / �9 son recepteur a ere mis en evidence : c'est l'onco- g~ne c-fms). On sait qu'il est aussi facteur de crois- sance autocrine (le placenta) et paracrine (l'ut~rus) pour le trophoblaste.

J o u r n a l d e P t ~ D I A T R I E e l d e P U I ~ R I C U L T U R E n ~ 7 - 1 9 9 0

Quand au GM CSF, dont le r~cepteur vient d'etre mis en ~vidence sur le placenta, c'est essentielle- ment un facteur paracine, sous d~pendance du syst~me immunitaire.

Nous avons prouv~ in vivo la v~racitd de l'immu- notrophisme de plusieurs fa~ons.

D'une part, nous avons, dans une premiere dtape, tir~ avantage du fair qu'une souche de soutis auto- immune (dite MRL Ipr) produisait trop de lympho- kines de la sdrie des Colony Stimulating Factor (CSFs), et avons inject~ les cellules lymphocytaires T de ces souris ~ des animaux (Souris CB > A accoupl~es ~l DBA/2) ayant un fort taux d'avorte-

421

MEDECINE FCETALE ET NI~ONATALE

ments spontan~s, m~did de fa~on immunitaire. Cette manoeuvre a corrigd le taux d'avortements, mais l'injection de cellules de souris MRL, qui ne sont pas auto-immunes car ne portant pas la mutation

' ' d exces Ipr, et donc les cellules T n e secretent pas ' ' de CSFs, ne donne pas de tels effets. Une dlimination des cellules T par anticorps anti- cellules T plus compldment avant le transfert T abolit l'effet de ce transfert, qui est donc essentiel- lement d~ aux lymphokines de type CSF sdcrdtdes par ces derni~res, non ~ d'~ventuels anticorps anti- rdcepteurs des CSFs produits par les cellules B (auto- immunes, rappelons-le) des souris immunes dont proviennent les cellules transfdr4es (fig. 5). Nous avons alors directement inject~ des lympho- kines de type GM CSF ~t des souris ,, avorteuses ,, :

# ! �9 !

le taux d'avortement a ete totalement normahse par injection de cette lymphokine naturelle puri- fide ou recombinante (fig. 6). Les fonctions placentaires (prolifdration, phagocy- tose, sdcrdtion de facteurs suppresseurs, recrute- ment de cellules suppressives dans la ddciduale au point d'implantation) sont optimisdes par de telles injections, et le poids placentaire est alors r~tabli ~ son meilleur niveau. []

Ainsi se dessinent des circuits nouveaux. Le placenta ~{ pro- voque >> sa reconnaissance comme ~tranger par le syst~me immunitaire maternel, pour dCclencher I'apparition de r~cep- teurs ~ la progestCrone sur les lymphocytes T, qui permet- tent alors la neutralisation des fonctions naturelles tueuses. Simultan~ment, la s~crCtion de lymphokines de type CSF

optimise les fonctions placentaires, qui fortifient les d~fen- ses antilytiques du placenta lui-m~me, et optimisent celles des fonctions r~gulatrices de la dCciduale qui dCpendent du placenta. II existe de tres nombreuses preuves que ces mCcanismes sont en jeu, par leur dCfaillance, dans certains avortements immunitaires. On commence ~ avoir de bons modules pour tester leurs rCles dans certaines anomalies de croissance f0etale et dans certains m~canismes de la parturition. C'est dire I'importance des recherches cliniques qui peuvent d~cou- lerde ces donn~es rCcentes, comme a d~coule, d'exp~rien- ces d~marr~es en 1977 sur de petites souris, le traitement immunitaire de certains avortements ~ r~pCtition.

BCneficiant, gr&ce ~ la sagesse conjointe de I'INSERM et de ['actuel directeur de l'Unit6 262, & qui cet article est dCdi~ en fin de son mandat, de possibilitCs mat~rielles sans 6quiva- lent en France, nous comptons bien en profiter pour permettre aux lecteurs de voir les fruits de telles interactions dans les prochaines annCes, ~ 1'Cquivalent de ce qui se fait dCj~ en Angleterre, Allemagne, USA, Canada.

B i b l i o g r a p h i e

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