la « mère des livres - training leaders international

26
JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017 26 La « mère des livres » : Cas d’étude des conséquences d’une traduction musulmane idiomatique influente John Span John Span, précédemment vice principal de l’Alexandria School of Theology au Caire en Egypte, a vécu et travaillé pendant quinze ans dans des contextes à forte majorité musulmane. Il travaille actuellement sur un PhD à la faculté Jean Calvin en France, sur une critique de la méthode de CAMEL censée aider à atteindre les musulmans. Il est un des membres fondateurs du Biblical Missiology et a publié des articles sur la contextualisation, le Royaume de Dieu et les missions, et la missiologie réformée et sa mise en pratique sur le terrain. Il fait présentement des recherches sur la manière dont les cas d’étude en mission peuvent être utilisés dans le cadre de la formation. RESUME Ce cas d’étude est une recherche sur les points ayant influencé le développement d’une traduction arabe de « La vie du Messie » ainsi que la manière dont ceci a influencé d’autres traductions de la Bible. Cette étude s’appuie sur la Sirat al-Masih de David Owen pour montrer que « les idées ont des effets ». Elle met en exergue le fait que sous le parapluie du pragmatisme, Owen parlait d’utiliser « le style islamique » mais en réalité son souhait s’est transformé en des formes de la pensée islamique et en la promotion d’une vision du monde islamique. Ce qui transparait c’est qu’il a servi l’agenda islamique plus qu’il n’a servi celui du christianisme. 1. Introduction ... Et voici, une voix fit entendre des cieux ces paroles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection. (Matt 3:17, Louis Segond) Une voix vint du ciel disant, voici mon Bienaimé et en lui, Nous avons mis notre affection ! (La Colombe 26 :20) 1 1 David Owen [et Adnan Baidun], Sirat al-Masih: The Life of the Messiah in Classical Arabic with English Translation (Global Publication, Atlanta, GA, 1992).

Upload: khangminh22

Post on 15-Nov-2023

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

26

La « mère des livres » : Cas d’étude des conséquences d’une traduction musulmane idiomatique influente

John Span

John Span, précédemment vice principal de l’Alexandria School of Theology au Caire en Egypte, a vécu et travaillé pendant quinze ans

dans des contextes à forte majorité musulmane. Il travaille actuellement sur un PhD à la faculté Jean Calvin en France, sur une

critique de la méthode de CAMEL censée aider à atteindre les musulmans. Il est un des membres fondateurs du Biblical Missiology et a publié des articles sur la contextualisation, le Royaume de Dieu et les missions, et la missiologie réformée et sa mise en pratique sur le terrain. Il fait présentement des recherches sur la manière dont les

cas d’étude en mission peuvent être utilisés dans le cadre de la formation.

RESUME

Ce cas d’étude est une recherche sur les points ayant influencé le développement d’une traduction arabe de « La vie du Messie » ainsi que la manière dont ceci a influencé d’autres traductions de la Bible. Cette étude s’appuie sur la Sirat al-Masih de David Owen pour montrer que « les idées ont des effets ». Elle met en exergue le fait que sous le parapluie du pragmatisme, Owen parlait d’utiliser « le style islamique » mais en réalité son souhait s’est transformé en des formes de la pensée islamique et en la promotion d’une vision du monde islamique. Ce qui transparait c’est qu’il a servi l’agenda islamique plus qu’il n’a servi celui du christianisme.

1. Introduction

... Et voici, une voix fit entendre des cieux ces paroles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection. (Matt 3:17, Louis Segond)

Une voix vint du ciel disant, voici mon Bienaimé et en lui, Nous avons mis notre affection ! (La Colombe 26 :20) 1

1 David Owen [et Adnan Baidun], Sirat al-Masih: The Life of the Messiah in Classical Arabic

with English Translation (Global Publication, Atlanta, GA, 1992).

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

27

En 1987, alors que David Owen travaillait dans le cadre de sa mission indépendante intitulé « Project Sunrise », il introduisit son nouveau « Sirat al-Masih » (Sirat) arabe « familier au musulman ». Le « Sirat al-Masih » signifie simplement « La vie du Messie ». Pour ce faire, il employa les mots suivants :

Un de nos espoirs est que le Projet Sunrise stimule un nouveau mouvement de traductions bibliques, de bonne qualité littéraire, faisant usage d’un arabe du style islamique et dans lesquelles chaque portion sera bâtie des efforts des portions précédentes2.

Dans ce cas d’étude, nous examinerons l’histoire du développement de « La vie du Messie », cette œuvre révolutionnaire de David Owen, comment elle a influencé le choix des traductions de la Bible, et comment ces traductions ont été utilisées pour promouvoir le « Mouvement de l’initié » dont les adeptes affirment que les musulmans qui se convertissent au christianisme doivent demeurer musulmans dans leurs pratiques. Nous noterons notamment que les facteurs qui ont favorisé cette « traduction » ont aussi favorisé l’éclosion dudit mouvement aussi bien à cette époque que maintenant. Nous aborderons aussi les leçons que l’église mondiale peut en apprendre. On continue de nos jours de ressentir les effets des idées qui ont influencé le travail de David Owen sur son islamisée « Vie du Messie ». Ceci est davantage vrai pour la production de la traduction musulmane idiomatique (TMI) de la Bible. Nonobstant tous les bénéfices qu’elles étaient censées apporter, elles ont plutôt entrainé une diminution de l’honneur dû au Dieu Trinitaire et à l’Église mondiale dans ses efforts d’évangélisation et de discipolat.

2. Définition de « La mère des livres »

Dans l’islam, le terme umm al-kitāb (la mère du livre) fait référence à la tablette qui est dans le ciel et de laquelle toutes les révélations tirent leur source. Cette pensée vient d’un certain nombre de surates qui parlent d’une tablette préservée3. Par exemple : Allah efface ou confirme ce qui lui plait : la mère du livre est avec lui (umm al-kitāb) (Coran 13:39 ; voir aussi 43:3-4 ; 56:77-80 ; 85:21-22).

Nous attribuons pour ainsi dire un terme islamique à une traduction islamisée des évangiles, et avec toupet, nous l’appelons La mère des livres. L’illustration suivante montre certaines des « postérités » de la Sirat qui comprennent les « traductions idiomatiques » visant l’auditoire musulman, ou les traductions musulmanes

2 David Owen, “Project Sunrise Publication Report,” (Larnaca, Cyprus: np 1987), 5.

L’expression « familier au musulman » peut comprendre un certain nombre d’approches traductionnelles, allant des œuvres grandement islamisée, comme c’est le cas de Sirat, jusqu’aux traductions bibliques utilisées dans les zones à majorité musulmane et qui ressemblent plus à des versions de Bible comme la NIV ou l’ESV que la KJV.

3 La « tablette bien préservée » ou « bien gardée » est connue en arabe comme la lawḥ maḥfūẓ.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

28

idiomatiques (TMIs), aussi bien que « les produits de grande créativité visant le dialogue avec les Ecritures » issus de son œuvre séminale4.

Etendue de la Sirat d’Owen

La mère Jérusalem (Sirat d’Owen) Les filles Liban : (Hayes et co. Siraat et al-Sabeel en arabe) : Le vrai sens de Mallouhi en arabe et en anglais Palestine/Israël. Versions audio en arabe par « SAM1 » Bengladesh : (Coke et co. Sirat en bengalais et en urdu) Ethiopie (Guta et Co. Sirat en Oromo) Nigéria: (Parmi les Hausa et les Foulani) Non-identifiées (27 autres pour des musulmans non arabophones)

Figure 1. 3. Historique du « Project Sunrise »

David Owen esquissa en septembre 1987 sa biographie qui précise qu’il a étudié au « California Seminary » (1973-1976) durant ce qu’il appela sa « phase formative5 ».

4 Par définition, une traduction musulmane idiomatique (TMI) est une traduction qui fait usage

des terminologies musulmanes, des conventions littéraires semblant islamiques, et les modèles de pensées islamiques pour traduire le sens de la Bible de manière que ceci soit acceptable pour le lecteur/auditeur musulman. Andy Clark de la SIL a défini une TMI de cette façon : « des traductions contextuelles visant des groupes musulmans faites de manière à ce qu’elles leur communiquent mieux et le plus souvent sans communiquer aux chrétiens occidentaux ou même aux églises traditionnelles de la zone, faisant usage par exemple de ‘traduction non littérale’ du terme ‘Fils de Dieu’». Andy Clark, “Exploring Muslim Idiom Translations,” PowerPoint Presentation IALPC (document non-publié, 2011): Diapositive #7.

Le groupe de mots « les produits de grande créativité » vient de David Gray, “Translating for Contextualized Faith Communities,” (document non publié, 2010): 8.

5 Owen, “Project Sunrise Report,” 11-12. Une personne qui avait travaillé avec David Owen et dont la correspondance a été relevée par Jeff Hayes affirma ce qui suit : « David était un étudiant de Fuller à la fin des années 70. Il entendit parler de la contextualisation et décida de fréquenter la mosquée et avoir une connaissance d’initié de l’islam ». Anonyme, (Document non-publié distribué par Jeff Hayes, 2004). Dans son document « A Jesus Movement Within Islam » sous les initiales D.O., David Owen parle d’un « pèlerinage missionnaire » de seize ans. Cela coïncide certainement avec les débuts alors qu’il étudiait au Fuller Seminary. Interconnect 5 (1991): 12-21 [12]. Bien que cet article fût simplement attribué à « D.O. », deux sources indépendantes confirment que David Owen est bel et bien l’auteur. Jusqu'à l’heure actuelle, Owen n’a pas répondu à cet auteur pour une vérification finale.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

29

Pendant la même époque, Charles Kraft enseignait et publiait sur les communications centrées sur le récepteur et les églises à équivalence dynamique6. Les enseignements de Kraft et autres ouvrirent la boîte de Pandore qui révéla les premiers missiologistes à penser que les églises et mosquées pouvaient être dynamiquement équivalentes. Un correspondant, écrivant sur cette époque de Fuller, remarqua que « la Sira arabe est, et était, un parfait exemple de la ‘contextualisation’ enseignée par le Fuller Seminary dans les années 707 ».

L’un de ses étudiants, qui défendra plus tard l’utilité de sa Sirat, ira travailler parmi les Hausa au Nigéria8. Au même moment, Owen commençait à participer aux activités de la mosquée de Los Angeles.

Au travers de sa « phase formative », Owen fut convaincu du besoin d’une « volonté d’emprunter de nouveaux sentiers en missions9 ». Ceci fut aussi l’idée principale d’un ouvrage écrit par un autre étudiant de Fuller de la même époque, du nom de Phil Parshall. La thèse du DMiss de Parshall en 1980 fut publiée sous le titre de New Paths in Muslim Evangelism.10 Dans ce livre, Parshall défend l’idée selon laquelle « le plus nous interagissons avec les formes extérieures de l’islam, le plus la réponse à notre message sera positive, particulièrement dans les phases initiales des efforts d’évangélisation…11 ». Comme nous le verrons plus tard, Owen défendait la même idée dans sa Sirat.

Pendant cette phase et les subséquentes expositions au monde arabe, Owen se décida à « identifier le problème de l’échec de l’Eglise dans l’accomplissement de la Grande Commission dans le monde musulman » et selon ses propres mots, « quelque chose avait très mal tourné12 ». Owen n’était pas le premier à examiner les résultats des missionnaires parmi les musulmans. Déjà en 1926, Walter Fairman, écrivant dans le Moslem World, remarquait que,

Il n’y aucune terre musulmane de nos jours où rien ne soit à l’œuvre pour gagner les musulmans à Christ. Cependant, et c’est la réalité, très peu semble être accompli… Nous

6 Charles Kraft, “Distinctive Religious Barriers to Outside Penetration,” dans Media in Islamic

Culture, C.R. Shumaker ed. (Clearwater, FL: International Christian Broadcasters and Wheaton, IL: Evangelical Literature Overseas 1974) et son “Dynamic Equivalence Churches in Muslim Society,” dans The Gospel and Islam: A 1978 Compendium, Don M. McCurry ed., 114-128 (Monrovia, CA: MARC, 1979).

7 Mail confidentiel qui a été fait suivre et datant de 2001. 8 Cette personne que nous appellerons « SAM3 ». Elle est vivante et a été en correspondance

avec l’auteur. 9 Owen, “Jesus Movement,” 23. 10 Phil Parshall, New Paths in Muslim Evangelism: Evangelical Approaches to

Contextualization (Grand Rapids, MI: Baker Book House, 1980). La thèse sur le plan officiel avait pour titre “A Contextualized Approach to Muslim Evangelization.” Vous remarquerez les parallèles avec l’article de Henry Riggs de 1941 sous le titre “Shall We Try Unbeaten Paths in Working for Moslems?” The Muslim World 31, no. 2 (April 1941):116–126; avec ceux des travaux de Parshall et d’Owen.

11 Parshall, New Paths, 59. 12 Owen, “Jesus Movement,”13.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

30

sommes responsables de cet échec et l’explication doit provenir de la méthode que nous avons utilisée jusqu'à maintenant…13

Pendant que Fairman concluait que l’approche controversée ou polémique qui consistait à démolir l’islam était problématique, Owen concluait pour sa part que « la racine du problème était la réalité d’une tradition de traduction de la Bible en arabe trop faible » et que par rapport à la traduction, l’église « n’avait tout d’abord jamais été sur la bonne voie14 ». Il trouva un soutien supplémentaire dans un document d’avant les années 1948 qui prônait la production d’un « targum » familier au musulman dont on pourrait se servir côte à côte avec les traductions existantes. Il reproduisit le texte de ce document dans le « rapport de publication15 ».

Owen obtint le soutien financier de la Blackstone Presbyterian Church à Durham en Caroline du nord. Il s’établit lui-même dans le Moyen-Orient avec la forte conviction qu’il serait l’instrument de la création d’ « un mouvement pour Jésus à l’intérieur de l’Islam – une ‘haraka Isawiyya’16 ». Avec plus de hardiesse, il s’inclut probablement lui-même quand il dit que « le cadre d’un tel mouvement a été souverainement posé et il n’attend plus que des moissonneurs créatifs et conduits par l’Esprit pour l’étoffer17 ».

De 1982 à 1987, Owen avait reçu un permis de travail à Jérusalem au travers de la Société biblique locale en tant que « chercheur pour les auditoires musulmans18 ». Il reçut à peu près à la même époque, non seulement une aide financière d’un missionnaire de l’Assemblée de Dieu basé à Jérusalem, mais aussi l’aval d’un autre missionnaire confessionnel américain basé dans la même région pour ses idées19. Owen se lança donc dans son projet de « La vie du Messie » avec des idées théologiques du Fuller Seminary, des finances d’une église locale basée aux Etats-

13 Dans son “The Approach to Moslems,” Moslem World 16, no. 3 (July 1926): 272-274.

14 Owen, “Project Sunrise Report,” 3, 11. 15 Ibid, 21. Owen cite le point de vue de Kenneth Cragg qui affirmait que ce document avait

été à l’origine produit par Constance Padwick. 16 Ibid, 3. David Owen délinée ses points de vue sur ‘rester dans l’islam’ dans son « Jesus

Movement », 16. Remarquez les parallèles qu’il y a entre cette phrase et celle mentionnée par Charles Kraft en 1974 en disant « que tous nos efforts tendent à stimuler un mouvement de réveil dans l’islam » dans son « Psychological Stress Factors among Muslims », Media in Islamic Culture, 143.

17 Ibid, 3, et répété mot pour mot dans son « Jesus Movement », 27. Dans son « Jesus Movement » (13-14) Owen suggère que le langage de la conversion devrait être effacé du vocabulaire missionnaire. Ceci se voit aussi dans le Mouvement pro initié du Common Ground Consultation de 2009 à Atlanta, où c’était presque l’un des sujets majeurs à l’ordre du jour.

18 Owen, “Project Sunrise Report,”11. Le document « Hayes » mentionne aussi des « soutiens officieux » des Sociétés bibliques, mais dont le montant n’est pas connu.

19 Les deux personnes ont demandé à rester anonymes et dans la suite nous allons parler d’elles avec les pseudonymes « SAM1 » et « SAM4 ». « SAM4 » avait déjà prôné dans les années soixante-dix l’usage des « formes de la pensée islamique » pour atteindre les musulmans. « SAM4 » avait observé le ministère d’Owen pendant une certaine période de temps. Il se décrivit comme « un ami et un conseiller » et attesta de l’abandon de la foi chrétienne par Owen. Conversation téléphonique de « SAM4 » avec l’auteur, 1er juillet 2016.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

31

Unis et d’un missionnaire basé à Jérusalem, l’aval d’un autre missionnaire, la liberté d’agir suivant sa propre mission indépendante, le précédent historique du besoin d’un « targum », et la conviction d’une approbation divine.

3.1 Le contenu du « Project Sunrise »

Suivant le modèle du Diatessaron ou Harmonie des quatre évangiles canoniques de Tatien le Syrien, Owen travailla avec un ancien musulman palestinien poète du nom d’Adnan Baidun [ou Baydoon] pour « préparer un ‘évangile’ pour le lecteur musulman20 ». On peut retrouver la version arabe de 1987 en ligne, à ce lien21, et le texte en anglais du travail de trente chapitres ici22. Owen suggéra en un mot qu’ « une traduction contextuelle de la Bible pour le monde arabo-musulman exigeait principalement l’usage d’une terminologie théologique islamique couplé d’un arabe de niveau littéraire élevé. L’objectif était une présentation des Ecritures dynamiquement équivalentes pour le lecteur arabe musulman de nos jours23 ». Le travail suivait le modèle d’une prose rimée encore appelée le style saja' [ou sajʿ] et avait une assonance coranique.

En 1987, la cinquième édition était déjà disponible et le rapport de publication produit afin de défendre les choix des mots ainsi que la fondation théologique du travail. En bref, ce projet, ainsi que les autres « projets spéciaux de traduction biblique », serait « la fondation d’un mouvement messianique au sein de l’islam24 ».

20 Owen, “Project Sunrise Report,” 7. Le titre officiel était Sirat-ul-Masih bi-lisan 'arabi fasih

[La vie du Messie en langue arabe classique]( Laranca, Cyprus: Izdihar Ltd., 1987). Selon Owen, la Sirat fit usage de l’ouvrage de John Calvin Reid ayant pour titre His Story: A Chronological Account of the Life of Jesus from Good News for Modern Man (Waco, TX: Word, 1973) comme source d’inspiration. Un autre exemple d’une vie du Christ pour les lecteurs musulmans est le livre de Dennis E. Clark, The Life and Teaching of Jesus the Messiah [Sirat-ul-Masih, Isa, Ibn Maryam] (Elgin, IL: Dove Publications 1977). La version du « Notre Père » dans la version de Clark, très différente de la traduction qu’en fait Owen, commence par « Notre Père céleste, que ton nom soit honoré … » (p.53).

Qu’il soit au courant ou non, le Diatessaron islamisé d’Owen avait déjà son précédent d’un érudit musulman du nom d’Ibrāhīm al-Biqāʿī ( 1460). Ce dernier, selon Walid Saleh, avait utilisé la Torah et les quatre Evangiles, surtout Matthieu, pour écrire le « tout premier exemple d’un Diatessaron islamique ». Walid Saleh and Kevin Casey, “An Islamic Diatessaron: Al-Biqāˁī‘s Harmony of the Four Gospels,” Translating the Bible into Arabic: historical, text-critical, and literary aspects, Sara Binay and Stefan Leder eds., 85-116 (Beirut: Orient-Institut Beirut, 2012).

21 Le format PDF : http://www.jesus-for-all.net/islamic_books/pdf_0051.pdf or https://www.dropbox.com/s/5e48dppnu2xig5r/Owen%20Sirat%201987%20Arabic.pdf?dl=0

22 https://www.dropbox.com/s/jeommjtkvhw8j15/Owen-Sirat%20comparative%20chart%20with%20NASB.doc?dl=0

23 Owen, “Project Sunrise Report,” 4. 24 Ibid, 3. Dans son « Jesus Movements », page 18, il affirme que « l’usage du langage

ecclésiastique traditionnel, ou même une approche neutre, NE SOUTIENDRA PAS un mouvement pour Jésus [au sein de l’islam] » (Emphase présente dans l’original).

Il imagine que les croyants dans ce mouvement seront appelés Muslimum Isawiyun (singulier-Muslim isawi) et qu’ils n’auraient pas un problème à réciter la shahada ou confession de foi islamique (p. 19).

Il est important que nous remarquions que dans la théologie islamique, le genre biographique

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

32

Owen opta pour le genre biographique, de même que La vie de Mahomet [Ar. Sīrat rasūl Allah] d’Ibn Hishām/ Isḥāq et les autres vies des prophètes, avec les autres conventions islamiques telles que le fait de commencer chaque chapitre avec un basmala (au nom d’Allah) ainsi que les endroits où c’étaient des révélations. En le faisant, il s’imaginait déjà que ceci serait une grande aide pour l’acceptabilité de la littérature chrétienne dans le monde musulman et servirait par la même occasion à enlever les blocages à la réception de l’évangile25.

En plus, Owen utilise la plateforme du journal Arab Worl Ministries (AWM), Seedbed, pour promouvoir son agenda dans les articles qui parurent en 1986, 1987 et 198826. Son article de 1991, sous les initiales de « D.O. », et intitulé « A Jesus Movement Within Islam » parut dans l’Interconnect, un journal des missions auprès des musulmans et basé à Phoenix dans l’Arizona27.

Owen lança son projet en évoquant les précédents historiques, ces supposés échecs massifs de l’église, l’avertissement divin, tout en utilisant des ressources des magazines du Seedbed et de l’Interconnect, et avec ceux qui soutiennent l’église et les missionnaires locaux.

(Ar. Sīrat) n’est pas considéré comme une littérature divinement inspirée. Il s’ensuit que la Sirat d’Owen aurait pu avoir l’effet non désirable de retirer le contenu des Evangiles canoniques de leur univers de l’inspiration biblique et de ce fait diminuer leur autorité.

25 Un exemple d’une vie islamique de Jésus en tant que prophète est la Sirat Al-Sayyid Al-

Masih d’Ibn 'Asakir al-Dimashqi (1176). La signification des lieux tels que Jérusalem ou la Galilée où le chapitre fut « révélé » fait une approximation des occasions islamiques de révélation (Ar. asbāb al-nuzūl) ou des circonstances dans lesquelles une sourate particulière du Coran avait été envoyée sur terre. Ceci suggère de manière subtile aux lecteurs de la Sirat que l’inspiration biblique et l’inspiration coranique sont en gros similaires. Cf. Samuel Schlorff, Missiological Models in Ministry to Muslims (Upper Darby, PA: Middle East Resources, 2006), 45-46.

26 David Owen, “Project Sunrise,” Seedbed 1, no. 4 (1986); David Owen, “Project Sunrise, Principles, Description and Terminology,” Seedbed 2 (1987); David Owen, “A Classification System for Styles of Arabic Bible Translations,” Seedbed 3, no. 1 (1988): 8-10. En guise de reactions à ceci, voir Samuel Schlorff, “Feedback on Project Sunrise (Sira): A Look at ‘Dynamic Equivalence’ in an Islamic Context,” Seedbed 2 (1987): 22-32.

27 Les parutions 1-9 furent publiées entre 1989 et 1993. Daniel Johnson [pseud.], “Towards a Contextualized Ministry Among Muslims,” Melanesian Journal of Theology 20, no. 2 (2004), 50; reprend presque mot pour mot cet article à plusieurs endroits. On peut citer une citation sur les moissonneurs « conduits par l’Esprit » similaire à celle d’Owen. L’article d’Owen défend la thèse philosophique selon laquelle les musulmans qui croient en Jésus doivent demeurer d’une certaine façon fermement attachés à leur religion islamique, à leur communauté islamique et à leurs pratiques islamiques. Ceci est un document pionnier du mouvement de l’initié, et non comme par le fait du hasard, plusieurs de ceux qui ont soutenu la Sirat d’Owen avalisent le mouvement de l’initié. Ici encore, Owen n’est pas particulièrement original puisque son « grand-père » Henry Riggs avait déjà suggéré en 1938 que « l’ultime espoir d’apporter Christ aux musulmans se réalisera par la mise sur pied de groupes de disciples de Jésus qui sont actifs pour le faire connaitre aux autres tout en continuant de faire loyalement partie des groupes sociopolitiques auxquels ils appartenaient dans l’islam » ; Henry H. Riggs, ed., Near East Christian Council Inquiry on the Evangelization of Moslems (Beirut: American Mission Press, 1938), 7.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

33

3.2 Débats autour du « Project Sunrise »

En 1988, Samuel Schlorff, l’éditeur du Seedbed, coordina un certain nombre de réponses à Owen sous le titre de « Feedback on Project Sunrise (Sira): A Look at ‘Dynamic Equivalence’ in an Islamic Context ». Schlorff mit ensemble du matériel issu de quelque dix-huit personnes qui réagissaient. Les apports étaient très variés, allant du « facile à lire » à « c’est une version expurgée [qui] tord la perspective réelle de la révélation divine ; et ce même chrétien issu d’un arrière-plan musulman réagit en disant « ne prenez pas les musulmans pour des fous ».

En 1989 et 1990, une personne utilisant les initiales MB – [aujourd’hui connu sous le nom de Dr. Mark Beaumont du London School of Theology] – conduisit un examen minutieux sous les titres de « Jésus in ‘Sirat ul-Masih’ » (sic) et « Qur'anic Style in Sirat ul-Masih » (sic). Le Dr Beaumont examina le texte arabe du « Notre Père » de Sirat et à un moment affirma que « ce que Jésus voulait enseigner avait été tordu et était perdu28 ». Bien qu’Owen affirme en 1987 que le projet fera preuve « d’engagement envers la Grande Commission » et « la Direction du Saint Esprit », les mots de Beaumont suggère que la Sirat n’a pas atteint ces objectifs29.

Le Dr. Beaumont examine davantage la Sirat dans sa thèse doctorale et remet en question Owen dans son affirmation, qui a été reprise presque mot pour mot par Rick Brown de la Wycliffe/SIL, stipulant que c’est mieux de ne pas utiliser le terme Père dans le Sirat parce que pour « éviter des erreurs crues et anthropomorphiques d’interprétation des lecteurs musulmans, la métaphore Père-Fils ne doit être retenue que dans les situations où le contexte seul suffit pour saisir sa signification30 ».

Beaumont et ceux qui réagissent dans l’article de Schlorff examinent les propos d’Owen certifiant que « Jésus était un Sémite, et la langue d’origine des enseignements de Jésus était une combinaison de l’araméen et du hébreu. Pour communiquer aux autres peuples sémitiques, nous devons parfois regarder derrière la

28 ‘M.B.’ [pseud.], “Qur'anic Style in Sirat ul-Masih,” Seedbed 4 (1990): np. [3e page des 4

pages]. Aussi son “The Lord's Prayer in Smith-Van Dyke and Sirat al-Masih,” Seedbed 5 (1990): 52-4. Dans ses travaux du doctorat, Beaumont parait beaucoup moins critique de la Sirat et justifie l’absence des termes « Père » et « Fils » sous la rubrique « dialogue sincère ». Ivor Mark Beaumont, “Christology in dialogue with Muslims: a critical analysis of Christian presentations of Christ for Muslims from the ninth and twentieth centuries,” (Thèse de PhD: The Open University, 2002):249-50; 262. Ces travaux furent réimprimés comme Ivor Mark Beaumont, Christology in Dialogue with Muslims: A Critical Analysis of Christian Presentations of Christ for Muslims from the Ninth and Twentieth Centuries (Bletchley: Paternoster, 2005).

29 Owen, “Project Sunrise Report,” 2. 30 Concernant l’assertion de Brown, voir Rick Brown, “Part I and II: Explaining the Biblical

Term 'Son (s) of God 'in Muslim Contexts,” International Journal of Frontier Missions 22, no. 3 (Automne 2005): 91-96 et ibid. 22, no. 4 (Hivers 2005):135-145. Les arguments de Brown sont répétés presque mot pour mot, dans une défense implicite de la traduction musulmane idiomatique par Cynthia L. Miller-Naude et Jacobus A. Naude, “Ideology and translation strategy in Muslim-sensitive Bible translations,” Neotestamentica 47, no. 1 (2013): 171-190.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

34

langue Grecque du NT pour atteindre ses origines araméenne et hébraïque alors que nous faisons l’exégèse de certains passages pour nos lecteurs31 ». Ils observent que l’idée de « regarder derrière la langue » pourrait très bien conduire à toutes sortes de choix créatifs et subjectifs de traduction.

Owen affirma que « nous ressentons en nous l’obligation ferme d’inclure dans le processus de la traduction les croyants en Christ issus d’un arrière-plan musulman32 ». En dehors du cas d’Adnan Baidun dont il sollicita les services, on ne sait jusqu'à quel point il les inclut dans le processus. Il reste que d’autres chrétiens issus d’un arrière-plan musulman, ont identifié dans la Sirat les influences coraniques et islamiques inquiétantes suivantes :

1. Sa « surate » appelée « la Parole » x Verset 5 --- « Mais ceux qui ont cru sont les compagnons d’Allah et

ce sont ceux-là qui sont sauvés ». Normalement, les « compagnons d’Allah » (Ar. ṣaḥāba) sont le petit nombre de musulmans fidèles qui restèrent auprès de Mohammed durant les moments difficiles. Ce terme est ici employé faisant allusion aux chrétiens.

2. « La famille de Dawud » [Comparez ceci aux sourates coraniques appelées « la famille de... Imrān » ...etc.]

x Verset 8 --- Jean-Baptiste ramera le peuple à « ceux qui ont été conduits ». Un terme utilisé pour décrire les musulmans qui s’identifient comme « ceux qui sont guidés » (Arabe al-muhtadūna) et qui marchent sur la « bonne voie » (Coran 2:157) est employé pour faire allusion aux fils d’Israël qui se repentiront.

x Verset 16 --- une phrase citée mot pour mot du Coran 3:45 est employé pour faire allusion à Jésus. « Il sera éminent (Ar. wajīhān) aussi bien dans ce monde que dans le prochain ». Ceci obscurcit le macro contexte islamique de la sourate 3 qui affirme l’unité d’Allah et efface le fait que Mohammed éclipse l’honneur de Jésus dans la théologie islamique.

x Verset 40 --- Il est dit de Jean-Baptiste qu’il a apporté au peuple un « message clair ». Dans la pensée islamique, ceux qui ont le « clair » Coran ont un « message clair » et ceux qui sont en dehors de l’islam sont dans les ténèbres et l’obscurité de l’incrédulité (Ar. jāhiliyya).33

31 Owen, “Project Sunrise Report,” 4. 32 Ibid, 5. 33 Vous remarquerez ici les ressemblances entre ces instances et ceux d’un document distribué

par Milton Coke dont le titre était « Le Chemin » ou Siraat. Le format Word du document présente les informations suivantes : Auteur – Milton Coke ; Company-Global Partners for Development. Une version précédente non éditée de 2005 cite Jeff Hayes comme étant l’auteur et la compagnie comme étant Global Partners for Development. L’implication de Jeff Hayes aussi bien dans l’édition d’Owen que de celle de Coke est très forte. Voir aussi l’article d’Adam Simnowitz “Nine Reasons Why I Named Jeff Hayes as the Main Translator and Responsible Party for Al-Injil,” (7 mars 2016). En ligne:

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

35

3.3 Le coucher du soleil de « The Project Sunrise »

Global Publications imprima en 1992 le travail sous le titre de Sirat al-Masih: The Life of the Messiah in Classical Arabic with English Translation.34 Un témoin oculaire qui a vécu dans la région a écrit que vers 1993, lui et d’autres missionnaires tels que Jeff Hayes et Larry Ciccarelli [voir ici-bas] qui vivaient en Syrie à ce moment « inventaient » leur nouvelle approche – c’est pour parler d’une contextualisation radicale – et que « David Owen était une figure légendaire35 ». Cependant, lorsque des détracteurs comme Mark Beaumont s’invitèrent, le projet parut s’essouffler. Au début des années 1990, Beaumont ne pouvait contacter ni Owen ni le poète palestinien pour s’informer. Vers 2001, Owen avait déjà retiré le droit d’auteur du travail et on aurait cru que le projet disparaissait. En ce moment, le polémiste islamiste Sud-africain Ahmad Deedat mit les arabes en garde contre le travail d’Owen en précisant que c’était « empaqueté ‘islamiquement’ pour tromper les musulmans36 ». La Ligue mondiale musulmane, comme le nota Schlorff, émit un avertissement contre la Sirat parce qu’elle essayait d’imiter les soi-disant « inimitables » style, vocabulaire et versification du coran. Schlorff rapporta aussi que l’Islamic Research Academy en Egypte demanda une décision légale du Cheik de la principale université musulmane sunnite, l’Université al-Azhar, rendant illégale la Sirat37. Le projet semblait être arrivé à son terme ici.

3.4 Pensées inquiétantes de David Owen

Phil Parshall qui en 1989 encourageait la Sirat comme étant « un merveilleux exemple d’une adaptation linguistique et stylistique de la pensée musulmane » commença à s’inquiéter de ce qu’Owen était en train d’être islamisé38. Parshall rapporte ce qu’Owen disait :

http://biblicalmissiology.org/2016/03/07/nine-reasons-why-i-named-jeff-hayes-as-the-main-translator-and-responsible-party-for-al-injil/

34 La citation est ainsi: (Atlanta: Global Publications). Ceci apparait d’une certain façon être la personne possédant les droits d’auteurs. Mais Owen retira la permission de publier. Ce qui est curieux c’est que cet éditeur est basé à Atlanta en Géorgie avec le nom « Global » et « Global Partner for Development » de Milton Coke utilise aussi le terme « Global » et est basé à Tucker en Géorgie.

35 Mail qui a été fait suivre le 7 mars 2016. 36 Correspondance personnelle de « D. H. » à Rick Brown, commentant sur l’œuvre de Brown

“‘Son of God’ and ‘Son of Man’: Exegesis and Translation,” (document non-publié, février/mars 2000).

37 Sam Schlorff, “The Translational Model for Mission in Resistant Muslim Society: A Critique and an Alternative,” Missiology 28, no. 3 (Jl 2000), 311. Schlorff cite le journal marocain, al-'Alam du 2 avril 1989. Voir aussi son Missiological Methods, (2006), 46.

38 Phil Parshall, “Lessons Learned in Contextualization,” dans Muslims and Christians on the Emmaus Road, J. Dudley Woodberry ed. (Monrovia, CA: MARC, 1989), 264.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

36

Je crois qu’un musulman-disciple de Jésus peut réciter [la shahada] avec conviction… Dans le cadre d’un mouvement pour Jésus dans l’islam, Mohammed [serait perçu comme un prophète de l’AT]. [Il existe] des références à la violence et la polygamie dans l’AT… Peut-être qu’une telle hérésie pourrait devenir un tremplin... Nous ne pouvons être des chasseurs d’hérésie. 39

La justification que donne Owen sur l’usage d’une « hérésie » pour faire avancer sa stratégie est fortement problématique. Il apparait que cette posture a affecté sa propre vie spirituelle, avec ce témoin oculaire rapportant un nombre de liens et ultimement un abandon de la foi chrétienne 40.

3.4.1 Le « Notre Père » non-sanctifié d’Owen

Il y a un adage latin qui dit « lex orandi, lex credendi » (littéralement, la loi de la prière [est] la loi de la croyance). C’est pour dire que la manière dont vous priez est un indicateur de ce en quoi vous croyez, ou façonne ce en quoi vous croyez. Ce même adage serait vrai pour ceux qui disent le « Notre Père » de la Sirat41. Pour être consistant avec la pensée islamique, le « Notre Père » est remarquablement absent. La version du « Notre Père » d’Owen est aussi consistante avec son affirmation selon laquelle « les confessions de foi de Nicée et de Chalcédoine qui sont liées à des cultures précises ne sauraient être utilisées pour justifier une position théologique adéquate pour le Corps de Christ dans un contexte musulman42 ».

Quand vous dites le salat43, appelez votre Seigneur humblement. Allāhumma,44 Seigneur du monde entier, que votre grand souvenir45 soit

39 Phil Parshall, “Approaches to Muslims,” Notes de cours, Columbia ICS, MIS 6071, 25-29

juillet 2011. Parshall fait probablement référence au “Jesus Movement,” d’Owen, p. 23-24, où il suggère que créer un groupe hérétique dans l’islam est meilleur que si ces musulmans demeuraient des non-chrétiens. Charles Kraft dans une correspondance personnelle à cet auteur fait la remarque qui suit: « J’observe qu’à toute nouvelle approche est attachée une certaine hérésie – bien qu’il faille avancer le plus rapidement possible vers l’orthodoxie ». Daté du 30 mars 2015.

40 On a des détails de ceci dans une lettre circulaire de prière datant du 09/08/2001 [nom de l’auteur tenu secret]. L’information fut plus tard corroborée par « SAM4 » au cours d’une conversation téléphonique avec l’auteur le 1er juillet 2016.

41 Sirat sous-section “The Lily”: 7-10 avec l’anglais de l’édition arabe-anglais de 1992. Il faut noter que les versions arabes du Diatessaron retiennent « Père » dans le « Notre Père », tandis qu’Owen ne le fait pas. Voir Hope Hogg, The Diatessaron of Tatian, 67. En ligne: http://www.documentacatholicaomnia.eu/03d/0112-0185,_Tatianus_Syriacus,_Diatesseron_[Schaff],_EN.pdf.

42 Owen, “Jesus Movement,” 18. 43 Mot arabe pour la prière, mais dans l’islam c’est un terme technique pour les prières

islamiques. 44 Littéralement: « O Dieu ». La sainteté de Dieu le Père est absente. 45 Se souvenir d’Allah est un des commandements majeurs de l’islam.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

37

élevé, que votre sage commandement soit exécuté, Que votre vrai Din46 soit victorieux, dans les mondes invisible et visible.

Oh Seigneur, pourvoyez de bonnes choses selon notre besoin quotidien. Oh Seigneur, pardonnez-nos péchés comme nous pardonnons aussi ceux qui ont péché contre nous. Oh Seigneur, fortifiez-nous quand vous testez notre foi. Oh Seigneur, délivrez-nous de Shaytan le maudit.

Oh Possesseur de l’autorité, oh celui qui est plein de gloire et d’honneur, dans tout le monde entier, vous êtes le plus fort et le plus ferme.

Pardonnez aux hommes leurs péchés et Allah vous pardonnera les vôtres. Car si vous pardonnez les péchés des autres, certainement, Allah est Celui qui pardonne et le Miséricordieux47.

Bien que l’on puisse penser qu’Owen créait ainsi une chose nouvelle, la réalité est qu’il s’appuyait simplement sur Abu Muhammad al-Qasim (860) et qui avait traduit le « Notre Père48 ». Un musulman fit cette traduction pour gagner les chrétiens à l’islam.

Notre Seigneur, qui est au ciel, que ton nom et ta sagesse soient sanctifiés ; que ton règne et ta puissance soient grands ; que ta domination paraisse sur ta terre tout comme elle parait dans ton ciel ; nourris-nous de pain dans notre besoin quotidien ; pardonne-nous nos péchés passés comme nous pardonnons ceux qui nous ont offensés ; pardonne-nous dans ta miséricorde même si nous avons péché ; Notre Seigneur, ne nous inflige pas la tribulation et libère-nous des calamités des mécréants ; car c’est à toi que sont le règne et la puissance, et de toi viennent la domination et le pardon, d’éternité en éternité, le monde éternel.

3.5 Renaissance des cendres, sous une autre forme et en d’autres lieux

Dans une lettre circulaire à ses amis en 2001, un missiologistes très respecté cita une note qu’il avait reçue au sujet de la Sirat :

Mon avis est que la Sira est une étape importante sur le chemin de l’octroi de toute la Kitab [mot arabe pour livre et qui pourrait signifier la Bible] dans un style et un langage appropriés. La Sira aide à clarifier le vocabulaire et établir la liste des mots clés. La Sira pourrait être découpée et reconstruite en quatre évangiles canoniques différents. Nous continuerons de promouvoir les traductions de la Sira49.

46 Mot arabe pour la religion, mais l’islam affirme qu’elle est « la Religion ». 47 Ceci est une phrase islamique cité directement du Coran 39:53. 48 Abū Muḥammad al-Qāsim/al-Qāsim ibn Ibrāhīm al-Rassī, Radd ʿalā l-Naṣārā [A Retort to

the Christians] comme cité et traduit par David Thomas, “The Bible in Early Muslim Anti-Christian Polemic,” Islam and Muslim-Christian Relations 7 (1996): 36.

49 Email circulaire du 09/08/2001 au sujet d’Owen. (Noms des correspondants gardés secret).

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

38

Une correspondance personnelle avec Mark Beaumont suggère que cette « traduction » « ressemble » au « mouvement conduit par Mazhar Mallouhi50 ». Le travail sur les idiomes musulmans de 2008, The True Meaning of the Gospel of Christ51, est inclus dans ce mouvement. L’organisation missionnaire Frontier avait presque financé ce travail dans sa totalité. Celui qui coordonnait la levée des fonds à cette époque affirma ce qui suit :

Je ne suis pas au courant d’un financement venu d’une autre source. Le soutien des membres pour Larry Chicarelli [Ciccarelli] a financé son travail sur le projet à travers la WBT [Wycliffe Bible Translator], mais je crois que tous les coûts directs ont été financés par Frontiers – et les frais de transport et d’hébergement de Larry pour les rencontres liées au projet ont été probablement remboursés par Mallouhi (au travers d’Al Kalima branche du Royaume-Uni). Ce dont je me souviens c’est que le soutien reçu par Frontier était envoyé à la branche du Royaume-Uni d’Al Kalima. Cette branche dirigée par Ed Greening payait les factures de l’imprimante et probablement payait aussi toutes les autres notes52.

La consultation pour ce projet fut conduite par Rick Brown et Larry Ciccarelli de Wycliffe/SIL53. Rick Brown a défendu ailleurs ses choix consistant à enlever Père et Fils des traductions qui étaient des reflets des idées d’Owen. Cette traduction de Mazhar Mallouhi est disponible de nos jours sur le site web d’al-Kalima54. Ekram Lamie Hennawie, ancient président de l’Evangelical Theological Seminary du Caire

50 Mark Beaumont envoya un e-mail à l’auteur, 28 janvier 2014. 51 Voir: http://www.al-kalima.com/translation_project.html. 52 E-mail personnel et privé de mars 2015. Dans un e-mail daté du 8 septembre 2015, David

Harriman avait détaillé son implication dans l’ouvrage The True Meaning of the Gospel of Christ: En tant que le directeur de développement de Frontiers, J’étais responsable des efforts de levée

des fonds au travers duquel on suscita 215000 dollars pour The True Meaning of the Gospel of Christ, une nouvelle traduction arabe des évangiles et Actes avec commentaires, dirigée par un membre de Frontiers originaire du Moyen-Orient [voir https://www.frontiersusa.org/]. Comme les caractéristiques majeures et particulières de cette traduction – à savoir la soustraction de toutes les occurrences de « Père » ayant un rapport avec Dieu, la soustraction sélective de « Fils » ayant un rapport avec Jésus-Christ, et une redéfinition effective du terme « Fils de Dieu » par l’insertion dans le texte de propos qualificatifs entre parenthèses – ne m’étaient pas divulguées, cette information avait été tenue secrète pour les près de 600 donateurs qui financèrent cette traduction, ainsi que les milliers qui avait été sollicités en plus.

David Harriman, envoya un e-mail à Adam Simnowitz cité dans son “Muslim Idiom Translation: Assessing So-Called Scripture Translation For Muslim Audiences With A Look Into Its Origins In Eugene A. Nida's Theories Of Dynamic Equivalence And Cultural Anthropology,” RES 7972 Intercultural and Muslim Studies Integrative Seminar, Columbia International University, (2015): 11, n25.

53 Rick Brown avait publiquement soutenu le True Meaning en disant que cela utilisait « le langage réel des lecteurs plutôt que des mots d’emprunt qui sont incompris et des expressions qui sonnent gênantes et étrangères et que cela « affirmait l’identité culturelle de l’auditoire tout en communiquant la vision biblique du monde ». Dans son “Muslim and Christian scholars collaborate on ground-breaking gospel translation and commentary,” Albawaba News, 4 juin 2008. En ligne: http://www.albawaba.com/news/muslim-and-christian-scholars-collaborate-ground-breaking-gospel-translation-and-commentary, accédé le 24/11/2015. Voir aussi “English translation of preliminary notes for True Meaning” qui sont aussi de Ciccarelli, mais d’un document plus grand intitulé “Final Order of Lighthouse March 2008” (document non-publié, 2008). ‘Lighthouse’ était un pseudonyme pour le True Meaning.

54 http://www.al-kalima.com/content/the-portfolio/scripture; accédé le 26/03/2015.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

39

et qui avait travaillé dans le comité qui « avait supervisé la création de la traduction True Meaning » défendit cette traduction55.

Il existe un ironique retournement dans l’histoire de la Sirat en tant qu’œuvre influente dans l’arrière-plan du True Meaning de Mallouhi. Paul Gordon Chandler rapporte que Mallouhi fonda la Sirat pour agir « avec malhonnêteté contre le lecteur musulman » et l’œuvre pourrait être perçue par les musulmans comme « une tentative d’égarer ou de tromper56 ».

Une consultation pour un terrain d’entente se tint en 2008 en Arizona. Elle prôna fortement la même formule du « demeurer dans sa religion » qu’Owen avait soutenu avant. Durant ce moment, Jeff Hayes, un traducteur certifié en arabe qui travaillait pour – et pourrait encore être en relation avec – les Navigateurs, distribua un CD contenant des documents qui montraient davantage l’influence réciproque d’Owen et de Hayes57. Hayes produisit une liste de traduction des idiomes musulmans et les classa selon le degré d’impact qu’il avait relevé, tout comme leur utilité pour « commencer un mouvement de l’initié ». Il intitula son document « Current Status of Arabic Scriptures with special emphasis on applicability to Insider Movements of Muslims ». Voici ce qu’il rapporte de la Sirat:

**Sirat Almaseeh (La vie du Messie) traduit par David Owen (Américain) et Adnan Baidun(Palestinien), 1987. Harmonie chronologique des évangiles. Très musulman. Un beau langage, mais moins dans la dernière moitié (Adnan n’était pas pleinement impliqué). A des versets manquants, des erreurs, et des phrases coraniques y sont ajoutées. Le style est une prose rimée adaptée pour le chant (tout comme le coran … adaptée au modèle de la pensée théologique de l’initié. A été utilisé dans plusieurs mouvements de l’initié dans le monde, ceci sous la forme d’un diglotte (langue locale + arabe) par Milton Coke (force motrice derrière le plus grand mouvement musulman de l’initié dans le monde)… Approprié comme point de départ pour un mouvement de l’initié. [les deux**convention de Hayes suggère qu’il a eu un « apport important »]58

55 Ekram Lamie Hennawie and Emad Azmi Mikhail, “The Philosophy behind the Arabic

Translation The True Meaning of the Gospel of the Messiah,” Evangelical Review of Theology 37, no. 4 (2013): 349-360.

56 Paul-Gordon Chandler, Pilgrims of Christ on the Muslim Road Exploring a New Path Between Two Faiths (Lanham: Rowman & Littlefield Pub. Group, 2008), 158.

57 Voir: http://hayestranslation.com. 58 Anonyme, “Sira to Sabiil History,” (distribué par Jeff Hayes, 2004), n.p. Ailleurs dans ce

document, Hayes donne essentiellement une définition d’une traduction musulmane idiomatique alors qu’il décrit « L’Injeel » qui avait été planifié pour 2009 et sur lequel il avait eu un apport majeur. Il affirme que cela remplit les quatre qualités suivantes : « islamique dans le style, le vocabulaire, la théologie, et la pensée ». Anonyme, « Sira to Sabiil History » dans le document de Hayes qui est dans le format Word et qu’il avait distribué lors de la conférence du terrain d’entente en Arizona en 2008 sur CD. Il avait les caractéristiques suivantes: Microsoft Word 10.0 Company: The Navigators, 09/09/2004 19:11, 15/02/2007 18:49.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

40

La SIL produisit en 2011 un document interne ayant pour titre « A Typology of Bible Translations for Muslim Audiences59 ». Ce document établissait les ressemblances et différences entre les différentes philosophies de traduction. Il mentionnait plus loin la Sirat. Les notes brèves y relatives ne faisaient aucune critique quant au contenu ou de l’islamisation de la Sirat et sa traduction très problématique de « Fils de Dieu » par « Bienaimé ». Au contraire, elles se focalisaient sur le fait que la SIL manquait de consultants. Voici ce que disait le rapport :

Un exemple épuisé de la traduction transformationnelle est une harmonie des évangiles, Sirat al-Maseeh (« Biographie de Christ »), publié en 1986. C’était un essai pionnier d’utilisation des caractéristiques du coran, telles que la prose rimée et les numéros de versets faits comme dans le coran. Le terme clé « Fils de Dieu » est traduit par « Bienaimé » et le Messie quant à lui est traduit par « al-Mahdi » (celui qui est bien conduit, ceci est un titre faisant référence à un sauveur de la fin des temps qui selon certaines traditions est associé ou identique à Jésus)… Cette traduction était créative en ce qu’elle adressait les problèmes liés à la vision du monde et les termes clés, mais aurait pu bénéficier des contributions exégétiques d’un consultant formé parce que les choix opérés ne gardaient pas toujours le bon sens. Les traductions de cette harmonie des évangiles en arabe dans les autres langues avaient été populaires, et il parait que dans la plupart des cas les problèmes exégétiques avaient été corrigés dans ces traductions en d’autres langues.

Que les « problèmes exégétiques » aient réellement trouvés des solutions dans les traductions dans les autres langues sera plus évident lorsque nous allons les examiner ici-bas.

3.5.1 Et migre au Bangladesh

Le groupe Isa-e-Jamaat du Bangladesh produisit très probablement la version arabe/bengali de 199960. Une correspondance personnelle avec un témoin oculaire suggère toutefois que la production de la Sirat en bangla eut lieu dès 198861.

Ce que l’observateur naïf pourrait manquer de remarquer en revoyant l’influence documentée d’Hayes, c’est le fait que lui-même suggère que la Sirat d’Owen a eu une grande influence dans les Traductions musulmanes idiomatiques au Bangladesh. Voici, tout comme ci-haut, ses propres mots :

A été utilisé dans plusieurs mouvements de l’initié de part le monde sous la forme d’un diglotte (langue locale+arabe) par Milton Coke (force motrice derrière le plus grand mouvement de l’initié dans le monde).

Le magazine WORLD rapporta que l’organisation de Milton Coke, à savoir Global Partners for Development, distribua dix mille copies de l’évangile de Marc contre la volonté de la plus grande communauté chrétienne bangladaise en 200562. Dans un

59 SIL Consultative Group for Muslim Idiom Translation: SIL Internal Discussion Papers on

MIT #1, “A Typology of Bible Translations for Muslim Audiences” rev. 2, (janvier 2011). Cet article sera plus tard suivi de cinq articles, notamment, #2, “The Relationship between Translation and Theology;” #5: “Options for translating the term ‘Son of God’”; #6: “The father-son relationship between God and believers.”

60 Enligne: http://www.jibonerkotha.com/?lang=en; accédé le 23/03/2015. 61 « SAM2 », correspondance personnelle avec l’auteur le 08 octobre 2015. 62 Voir l’article d’Emily Belz, “Inside Out,” WORLD Magazine May 7, 2011.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

41

article écrit avec Tom McCormick comme co-auteur, George King dans « Muslim Idion Translations in Bangladesh » trie les multiples versions bangladaises, appelées Injil Sharif, avant de défendre l’utilisation de la traduction faite par Global Partners en 200563.

Pour ajouter du crédit à la Sirat, Woodberry, ancien professeur d’Islamiques à Fuller, mentionne son efficacité dans son article « A Global Perspective on Muslims coming to Christ » en précisant « ce que Dieu utilise dans certains grands mouvements ». Il ajoute un exemple particulier en « Asie du sud » - c’est-à-dire le Bangladesh – où les gens « utilisaient la Sirat al-Masih (La vie de Christ) avec des termes familiers au musulman dans un style coranique » dans l’évangélisation des musulmans64.

Quand Darrell Whiteman de la Société biblique américaine partit au Bangladesh en octobre 2007, il rapporta – dans ses propos : un « mouvement pour Jésus au sein de l’islam » [utilisé quatre fois dans le rapport] – et il défendit la traduction de l’évangile de Marc mentionné ci-haut dans son rapport. Serait-ce possible qu’Owen, qui parla aussi des « Mouvements pour Jésus dans l’islam » ait influencé Whiteman ? 65

Le témoignage verbal d’un ancien adepte bangladais du mouvement de l’initié nous éclaire cependant sur les intentions de la Société biblique américaine. Anwar Hossein, qui quitta le mouvement de l’initié et devint la président de la Société biblique bangladaise, affirma ce qui suit le 04 octobre 2010.

… Le MI [Mouvement de l’Initié] alla rencontrer la Société biblique américaine pour faire pression sur la Société biblique bangladaise parce qu’ils savent que la Société biblique bangladaise reçoit des soutiens de la Société biblique américaine. Ils [c'est-à-dire le Mouvement de l’Initié] firent pression sur la Société biblique américaine pour qu’elle leur [à la Société biblique bangladaise] dise d’accepter leur traduction du MI66.

http://www.worldmag.com/2011/04/inside_out.

63 George King et Tom McCormick, “Muslim Idiom Translations in Bangladesh,” Evangelical Review of Theology 37, no. 4 (2013): 335-348.

64 J. Dudley Woodberry, “A Global Perspective on Muslims coming to Christ,” dans From the Straight Path to the Narrow Way Journeys of Faith, David H. Greenlee ed. (Downers Grove, IL: Intervarsity, 2006), 17. Woodberry avait aussi mentionné précédemment la Sirat d’Owen ainsi que d’autres œuvres contextuelles et empaquetées d’une manière qui serait familière aux musulmans. Il parle « d’une chose spéciale, à savoir, ‘La vie de Christ’ arabe (Sirat al Masih), basée sur une harmonie des évangiles synoptiques mais faisant usage des idiomes et le style coraniques ». Il ajoute que « de manière générale, cela a été bien reçu par les musulmans dans la grande majorité ». Dans son « Contextualization among Muslims: Reusing common pillars », International Journal of Frontier Missions 13, no. 4 (1996):172.

65 Darrell Whiteman, “Report on my trip to Bangladesh, October 6-11, 2007,” (document non-publié, 2007), n11. Whiteman établit un lien entre la contextualisation et le fait de «rester dans l’islam ». Ce groupe de mots « Mouvement pour Jésus dans l’islam » apparait dans une collection d’essais édités par Whiteman et Gerald Anderson et intitulée, World Mission in the Wesleyan Spirit (Franklin, TN: Ashbury, Seedbed Publishing, 2014).

66 Une interview d’ Anwar Hossein et Bill Nikides le 04 octobre 2010 à Lynchburg en Virginie dans “Interview of a former insider: Anwar Hossein,” dans Chrislam: How Missionaries Are Promoting an Islamized Gospel, Joshua Lingel, Jeffery J. Morton, and Bill Nikides eds., 228-237 [235] (Garden Grove, CA: i2 Ministries, Inc, 2011).

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

42

3.5.2 Et au monde urdu-phone

Selon « SAM2 », la Sirat était traduit en urdu, langue parlée et lue au Pakistan, en Afghanistan et en Inde.67

3.5.3 Et ensuite en Ethiopie

Owen espérait que « chaque portion de travail serait bâtie sur les efforts de ceux qui l’avaient précédé ». C'est-à-dire qu’il espérait qu’une traduction comme il les appelait, serait un appui pour le suivant. Il ne prévoyait certainement pas que son travail arriverait en Ethiopie en passant par le Bangladesh. Un Ethiopien du nom d’Olam Belay Guta fit sa thèse au Fuller Seminary en 2003 avec pour titre « Contextualizing the Gospel among the Muslim Oromo ». Il y raconta ses expériences personnelles au Bangladesh – « Islampur » - et les interactions qu’il avait alors eues avec les leaders du Mouvement de l’initié qui avaient eux aussi fait le déplacement en Ethiopie. Il note ceci : « plus tard il m’apporta du soutien pour la traduction de la Sirat Al Messiah dans le dialecte oromo68 ». L’ « il » dont il est question ici, est une personne inconnue. Il est par contre certain qu’il s’agit d’une personne qui prônait l’utilité de la Sirat et désirait le voir largement répandu.69

3.5.4 Et au Liban

Jeff Hayes suggère qu’il avait eu « l’apport majeur » dans la production d’aussi bien du « The Path » que du « The Way », publications qui étaient des révisions de la Sirat d’Owen. Il les décrit comme étant:

***Al-Sabeel (Le Chemin) révision du livre ci-haut [c'est-à-dire l’œuvre d’Owen] basé sur les suggestions du groupe du Liban. Les modifications ont résolu les problèmes de droits d’auteur. Format digital. Devra être utilisé dans les diglottes des mouvements de l’initié qui ont déjà commencé à traduire. Approprié comme point de départ pour un mouvement de l’initié.

***Al-Siraat (Le Chemin) révision majeure de la Sirat [c'est-à-dire le travail d’Owen] doit être un reflet de la terminologie du MI dans le mouvement de l’initié au Sud du Liban (prévu en 2004) – comprendra Actes 1-2 et sera plus fidèle au contenu des évangiles. Fait digitalement par le MB libanais ; a besoin d’une révision grammaticale et stylistique (doit être fait). Approprié comme point de départ pour un mouvement de l’initié.

67 Correspondance personnelle de « SAM2 » avec l’auteur le 8 octobre 2015. « SAM2 » est le pseudonyme d’une personne clé dans la propagation de la Sirat. Il affirme qu’il avait recruté un Bangladais pour produire la Sirat en urdu.

68 Belay Guta Olam, “Contextualizing the church among the Muslim Oromo,” (PhD, diss.: Fuller, 2003), 169.

69 Dans son mémoire de Master en 1997 au Fuller Seminary, Belay Guta Olam écrit ce qui suit : « Je suis aussi reconnaissant envers Milton Coke qui m’a conduit au Fuller Theological Seminary, School of World Mission ». Dans son curriculum, il affirme que « Belay rejoignit le Global Partners for Development en 1992 et servit au Bangladesh en tant que missionnaire dans le Messianic Muslim Movement. Il travaillat pour Global Partners pendant deux ans et demi ». Dans son “Muslim evangelism in Ethiopia,” (master’s thesis, Fuller, 1997), iv, 161.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

43

3.5.5 Et en Israël/Palestine

Selon un témoin oculaire, la Sirat avait été faite suivant « l’arabe, la mesure et la poésie coraniques » et était rapportée suivant le style de la mélodie islamique70. Elle est actuellement disponible en ligne et le texte ayant les droits d’auteur de 1987 est disponible en arabe pour téléchargement sous le format PDF71. L’un des commentaires que l’on peut voir sur le site où la Sirat est disponible est remarquable. Un musulman arabophone y écrit ce qui suit « Craignez Dieu, ce livre a pour but [d’aider à] l’invasion missionnaire de l’islam72 ». Cette personne, de manière similaire à la perspective adoptée par la Ligue musulmane mondiale, vit en ce travail un outil pour envahir l’islam.

3.5.6 Et au Nigéria

« SAM3 » qui utilisa ce travail au Nigéria dit que le travail est disponible dans une librairie chrétienne de Kano, mais qu’il ne savait comment ce travail y était arrivé la première fois73. « SAM3 » ne se souvenait pas d’une traduction, autre que celle-ci, qui ait été faite au Nigéria sur la base de la Sirat. Voici les commentaires faits sur son utilisation:

Nous nous sommes rendu compte que plusieurs des musulmans les plus durs en Afrique et qui lisaient l’arabe avaient, au travers de la lecture de la Sirat, développé un intérêt pour le vrai Jésus. Ils avaient alors cherché à apprendre davantage sur Jésus dans la Bible, soit en arabe ou dans une autre langue plus locale telle que le Hausa. Plusieurs d’entre eux sont devenus des disciples vrais et courageux de Jésus, désireux de souffrir la persécution pour son nom et désireux de risquer leurs vies pour la propagation de l’évangile.

La justification plus complète apportée par ce correspondant en soutien à l’utilisation de la Sirat est que son genre biographique sert de passerelle permettant de passer du « Coran à l’entièreté de la Bible ». Qu’il soit possible de justifier une œuvre simplement sur la base de son genre littéraire est un point discutable. La « Traduction du monde nouveau » de la Société de Tour de garde (connu aussi sous le nom de Témoins de Jéhovah) pourrait être classée comme un genre de traduction biblique. Pourtant, ce serait imprudent de notre part de suggérer que cette version ayant des passages mal traduits et soutenant la christologie arienne pourrait être utilisée comme une « passerelle » menant à une Bible ayant une christologie Chalcédoine ou orthodoxe.

70 Correspondance de « SAM1 », 8 otobre 2015. 71 Enligne: http://issawiyoun.weebly.com ;

http://www.islameyat.com/post_details.php?id=701&cat=23&scat=31& Accédé le 21/11/2015.

Version PDF: http://www.jesus-for-all.net/islamic_books/pdf_0051.pdf. 72 Ibid. Voir les commentaires de la section, daté du 21/02/2010 à 09:33:35. 73 Communication personnelle avec l’auteur, 1er avril 2015.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

44

3.5.7 Et aux extrémités de la terre

Un syrien nommé « E.E. » qui a travaillé pour un certain nombre d’organisations internationales affirma qu’il s’était familiarisé avec la Sirat parce qu’elle était disponible en arabe sur internet. Selon « SAM2 », il y a environ deux mille copies imprimées de la Sirat qui sont produites par mois et ainsi distribuées dans différents pays, y compris l’Ethiopie et le Pakistan.

3.6.8 Vingt-sept et plus d’éditions filles de la Mère des livres?

Un autre des documents distribués par Jeff Hayes, mais dont il n’est pas l’auteur, fait référence à « JH » comme ayant contribué à l’édition arabe de la Sirat d’Owen. Ceci vient confirmer ce que Hayes avait affirmé ci-haut74. Cela suggère aussi que certains traducteurs de la Wycliffe avaient « interagi » avec la Sirat, mais que le travail venait dans sa grande majorité d’Owen lui-même. Dans une phrase cryptée, le même auteur affirme qu’ « il n’y a qu’une seule impression initiale de la Sirat arabe. Nous avons obtenu les droits de David Owen pour traduire la Sira dans les langues musulmanes non-arabes. Nous avons dénombré au total 27 langues avec un projet de traduction se trouvant à différentes étapes dans le processus de traduction. Malheureusement, David Owen retira la permission ». Un autre correspondant fit usage de la même phraséologie alors qu’il disait que les 27 projets de langue couvriraient jusqu'à 95% du monde musulman non arabophone. Depuis la publication de la Sirat, plusieurs traductions idiomatiques musulmanes de la Bible ont vu le jour, que ce soit en partie ou en totalité, dans les langues de la Russie, la Turquie, l’Indonésie et l’Iran. Toutes ces traductions présentent des similarités dans le style avec la Sirat. L’étendu des zones que la Sirat et ses éditions filles peuvent atteindre est énorme75.

4. L’influence de la Sirat en tant que traduction

Les données que nous venons d’examiner montrent que la Sirat a influencé au moins dans la moindre mesure, les éléments suivants :

1. The True Meaning of the Gospel of Christ de Mazhar Mallouhi.

74 Ce document sous le format Word a les caractéristiques suivantes « Microsoft Word 10.0

The Navigators 26/04/2004 8:03 PM 17/01/2006 1:10 AM. ». L’auteur fait référence au peuple uzbek comme s’il avait une connaissance directe d’eux, et poursuit en disant que « mon objectif est de promouvoir une traduction canonique de la Bible. Nous avons vu que le projet encore commençant de la traduction de la Sirat al Masih est un merveilleux chemin à suivre ».

75 « SAM2 » communication avec l’auteur, 10 octobre 2015.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

45

2. Les traductions bangla et urdu visant l’auditoire musulman du Bangladesh et des pays voisins, la traduction oromo en Ethiopie, et l’usage –probablement en arabe – parmi les Foulani et Hausa au Nigéria.

3. Al Sabeel et Al Siraat au Liban, et la même chose en Israël/Palestine. 4. Les versions audio des « Vies/Histoires des prophètes » produits et

distribués par Sabeel Media. 5. D’autres projets gardés secrets. Un exemple serait l’Al-Injil, qui avait été

publié anonymement en 2012 et 201376. Tout comme la Sirat d’Owen, il éviscère les termes « Père » et « Fils », et c’est une traduction consciemment islamisée.

Cet article, ayant le titre ironique de « La mère des livres », fait usage de la terminologie coranique pour décrire la Sirat de David Owen. La doctrine islamique affirme l’existence d’un modèle de coran non-souillé gardé au ciel pour la production des corans filles subséquentes sur la terre. C’est suivant le même esprit que la Sirat a donné naissance à plusieurs éditions filles. Des joueurs comme Mazhar Mallouhi, Jeff Hayes, Rick Brown, Larry Ciccarelli, tout comme Milton Coke, ont simplement joué le rôle de sages-femmes dans l’entreprise. Les institutions telles que Frontiers qui a financé de manière significative l’ouvrage The True Meaning of the Gospel of Christ, les agences missionnaires confessionnelles telles que la Société biblique en Israël, les Wycliffe/SIL où étaient affiliés Brown et Ciccarelli, tout comme les Navigateurs où était affilié Jeff Hayes, et les Global Partners for Development qui ont financé l’impression des travaux des TMI bangladaises, tous ont contribué à la production des éditions filles d’Owen. Si l’on devait retracer les réseaux de distribution et retrouver les contributeurs majeurs de la Sirat jusqu'à la source, on serait dans l’obligation de dire « tout chemin mène » aux Etats-Unis et à un nombre statistiquement important de joueurs de la Fuller School of World Missions et de la Fuller Seminary. Voici une liste des intervenants ou des diplômés de Fuller qui étaient impliqués dans l’utilisation, la promotion ou la traduction de la Sirat et de ses dérivés :

x David Owen (1973-1976); x Milton Coke (PhD, 1978); x Mazhar Mallouhi (ca. 1974)77 ; x « SAM3 » (MA, 1980); x Belay Olam Guta (PhD, 2003);

76 Adam Simnowitz, “Jeff Hayes and Al-Injil: Another Mistranslation of the New Testament

in Arabic Intended for “Insider Movements of Muslims” or C5 (C5/IM),” site web de Biblical Missiology (23janvier 2016). http://biblicalmissiology.org/2016/01/23/jeff-hayes-and-al-injil-another-mistranslation-of-the-new-testament-in-arabic-intended-for-insider-movements-of-muslims-or-c5-c5im/.

Dans un article subséquent, Simnowitz propose neuf raisons pour expliquer pourquoi il est convaincu que l’al-Injil est une œuvre de Jeff Hayes. “Nine Reasons Why I Named Jeff Hayes as the Main Translator and Responsible Party for Al-Injil,” site web de Biblical Missiology (7 mars 2016).

77 Paul Gordon-Chandler, Pilgrims of Christ, 35. Gordon-Chandler précise que Mallouhi fut étudiant de la School of World Mission au Fuller Seminary. Selon la biographie de Chandler, ceci se serait passé un peu après 1968 et avant 1975.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

46

x Dudley Woodberry (MDiv, 1960) doyen et professeur d’études islamiques au (Fuller) School of World Mission de 1985-1999. Greg Livingstone, ancien directeur de Frontiers, affirme spécifiquement qu’il présenta Mallouhi à Charles Kraft et Dudley Woodberry au Fuller School of World Missions.78

x Bob Blincoe, le directeur de Frontiers USA qui prôna une traduction turque islamisée, sorti de Fuller avec un MDiv et un MTh (1974-1977)79.

Un diplômé de Fuller et ancien collègue d’Owen résuma l’effet qu’eut Fuller sur la Sirat quand il remarqua que c’ « est, et était, un parfait exemple de la ‘contextualisation’ enseignée par le Fuller Seminary dans les années 197080 ».

5. Leçon pour l’église mondiale

Ce cas d’étude montre à suffisance que les idées ont des conséquences et que les conséquences négatives pour l’Eglise mondiale sont évidentes. Voici une liste des leçons à tirer :

1. Un désir noble d’atteindre les musulmans avec l’évangile peut déraper si ces présuppositions ne sont pas soigneusement examinées. Aussi bien Fairman en 1926 qu’Owen en 1987 postulèrent que les méthodes étaient déficientes et que changer les méthodes garantissait la résolution du problème. Cette approche peut être réductionniste. Elle manque de prendre en considération la représentation que donne la Bible d’un cœur non-régénéré, ainsi que des effets noétiques négatifs du péché sur le raisonnement humain, tout comme de l’antagonisme idéologique existant entre l’islam et le christianisme. En plus, une trop grande insistance sur une communication centrée sur le récepteur peut déboucher à une approche pragmatique du « tout ce qui est nécessaire » et à un subséquent manque de respect pour l’Auteur de la Bible et les paroles, telles que Père et Fils, qu’Il utilise pour se présenter aux hommes.

2. Un justificatif spirituellement sain d’une traduction biblique – exemple: « moissonneurs conduits par l’Esprit » - peut signifier peu de chose si ses bases philosophiques ont des défectuosités. Prenons pour exemple la supposition que les formes islamiques sont des canaux neutres au travers desquels on peut véhiculer le sens du message chrétien et qui est un danger réel, nonobstant une quelconque affirmation soutenant qu’on soit « conduit par l’Esprit ». Remplacer Dieu le Père dans le « Notre Père », comme le fit

78 Greg Livingstone, You've Got Libya: A Life Serving the Muslim World. (Oxford: Monarch,

2014), 192. 79 Voir: http://biblicalmissiology.org/2012/02/14/press-release-world-magazine-turks-

pakistanis-and-bengalis-oppose-experimentation-with-bible-translation-by-western-mission-agencies/ ; aussi http://www.biblicalintegrity.org/2012/02/18/wycliffe-sil-translation-controversy/

Le profil Linkedin de Blincoe précise qu’il fréquenta au Fuller Theological Seminary entre 1974-1977 et reçut un Masters en Théologie.

80 Email transféré à Adam Simnowitz et daté du 8 septembre 2001. De son “Muslim Idiom Translation,” 67.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

47

notamment Owen, par une forme islamique signifiant « Seigneur du monde entier » n’est rien d’autre qu’une islamisation du christianisme. La Bible souligne d’ailleurs que nous devons « tester les esprits » (1 Jean 4 :1).

3. Les magazines conservateurs tels que Seedbed peuvent être « utilisés » pour promouvoir un agenda qui est opposé au leur. Il serait par conséquent important que les membres des équipes éditoriales soient vigilants et puissent s’informer auprès des personnes ressources qui peuvent identifier les endroits de potentiels dangers.

4. Les églises telles que la Blackstone Presbyterian Church peuvent être invitées à se joindre à une vision ministérielle qui parait au même moment noble, révolutionnaire et rénovatrice, mais dont la nature réelle est évidente, même pour un apologète musulman comme Ahmed Deedat. Il est donc important que les églises posent les questions difficiles sur les philosophies qu’utilisent les personnes et les projets qu’elles soutiennent. Plus que cela, elles doivent poser des questions sur la réalité du terrain puisqu’elles peuvent s’avérer plus révélatrice que des documents officiels portant sur le règlement. Pour cela, le groupe de missiologie biblique développa un standard utile pour la pratique missiologique81 ».

5. Les agences missionnaires confessionnelles pourraient avoir tellement de personnel et de ressources financières utilisées pour se lancer sur le terrain au point qu’elles ne s’accordent pas sur la question de savoir s’ils étaient parfaitement au courant de ce qui se passait. Par conséquent, une supervision du personnel opérant sur le terrain et une connaissance de leurs penchants théologiques et philosophiques, en plus de leurs dépenses financières, sont de la responsabilité des organisations missionnaires.

6. Des bouts de phrases relevant apparemment de l’érudition tels que « aller devant le texte » et « éviter des interprétations anthropomorphiques crues » - pour citer David Owen – peuvent en réalité masquer d’autres problèmes, le plus sérieux étant une incrédulité manifeste par rapport à l’inspiration divine des Ecritures.

7. L’idée selon laquelle « chaque peuple a besoin d’une présentation spéciale et individuelle de l’évangile, suivant leur identité propre, si on veut avoir une communication effective avec eux » est très fascinant de prime abord82. Il a fallu beaucoup de courage de la part de la Pakistan Presbyterian Church pour écrire une lettre dure à une agence de traduction de la Bible informant cette dernière qu’elle n’avait plus besoin de « traductions de complaisance ». Il s’agissait en fait d’une manière polie de dire qu’elle ne voulait plus de ces traductions islamisées.

8. David Owen avait affirmé que « les traducteurs de la Bible auront la lourde responsabilité de choisir initialement la terminologie qui convient pour un

81 http://biblicalmissiology.org/biblical-missiology-statement-of-practice/ 82 Owen, "Publication" (1987), 4.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

48

mouvement qui se laisse passer un peu de levain de la communauté islamique83 ». En établissant un lien entre son travail et le terme « traduction », Owen a abandonné effectivement son idée de « targum » pour embrasser celle de « traduction ». On doit par conséquent être conscient de ce qui suit. Le propos affirmant qu’un projet d’idiome musulman n’est pas techniquement parlant une traduction, devrait normalement être réfuté du fait qu’ici on a tordu le sens des Ecritures.

9. Le levain dont parle Owen consiste en la propagation de cette infection de part le monde de la traduction biblique. Les idées d’Eugene Nida sur l’équivalence dynamique, et les suggestions qui ont suivi sur les églises dynamiquement équivalentes de Charles Kraft à Fuller, ont en partie conduit au langage employé par la Sirat d’Owen. Owen décrit Jésus comme étant le Mahdī, c'est-à-dire une figure musulmane messianique de la fin des temps pour les musulmans Shiites. Il décrit également la synagogue comme étant le lieu de prostration ou masjid [c'est-à-dire la mosquée] 84.

10. Il s’avère que ceux qui prônent le mouvement de l’initié, y compris Kenin Higgings, Henk Prenger, David Owen, et les auteurs anonymes qui correspondaient avec Jeff Hayes, tous voient en les TMIs une étape vitale et importante pour lancer dans la suite un mouvement de ceux qu’ils appellent « des disciples de Jésus au sein de l’islam », « les chrétiens musulmans », « les musulmans messianiques », les « haraka Isawiyya » ou « les musulmans complets » 85. Il est clair qu’ils croient que le christianisme est l’aboutissement de l’islam. Selon Adam Sparks, l’on se saurait apporter des justificatifs acceptables à un tel point de vue86. Ceci s’explique par le fait qu’on a ici une tentative visant à établir une correspondance entre les musulmans messianiques et les juifs messianiques, ou encore entre l’accomplissement de l’Ancien Testament dans le Nouveau en Christ et l’accomplissement de l’islam dans le christianisme.

11. Bien que tous les auteurs mentionnés ci-haut n’affirment pas vouloir rendre l’évangile plus accessible aux musulmans, ce qui se passe dans la réalité c’est

83 Owen, Ibid, 3. 84 Owen, ibid, 8-10 donne une classification de la terminologie théologique utilisée dans la

Sirat. Beaumont relève ici qu’à chaque endroit où « Fils de l’homme » est employé dans les évangiles canoniques, Owen remplace l’expression par al-Mahdī. C’est le cas en Sirat 25 :48, où Owen change Matthieu 25 :31 en « le jour approche ; l’heure du retour glorieux du Mahdī qui se fera avec des rangs d’anges ; ensuite il s’assiéra sur son trône ». Beaumont, Christology in Dialogue with Muslims, (2005), 178-179.

85 Kevin Higgins, “The Qur'an in Urdu as a resource for Bible translation in Muslim contexts: A case study in the translation of ‘spirit’ and ‘spirits’ in Urdu,” (PhD diss., Fuller Seminary, 2013); Henk Jan Prenger, “Muslim Insider Christ followers: Their theological and missional frames,” (DMiss diss., Biola, 2014).

86 Adam Sparks, One of a Kind: The Relationship between Old and New Covenants as the Hermeneutical Key for Christian Theology of Religions, (Eugene, OR: Pickwick Publications, an Imprint of Wipf & Stock Publishers, 2010).

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

49

que, comme l’a d’ailleurs suggéré Mark Beaumont, « le sens de ce que Jésus voulait enseigner a été tordu et perdu ». Ceci a ouvert la voie à l’accusation islamique de corruption des écritures [en arabe taḥrīf] et de duperie. Ceci rend plutôt l’œuvre d’évangélisation plus difficile pour les nationaux.

12. L’islamisation du texte biblique est une chose qu’un ancien musulman qui est à présent « en Christ » pourrait facilement identifier. Il semble toutefois que les efforts de la Traduction musulmane idiomatique ignorent de manière consistante cette précieuse ressource humaine. Pour ces chrétiens issus d’un arrière-plan islamique, la doctrine de leur adoption en tant que fils du Père céleste est certainement la plus vitale dans leur marche chrétienne. Or c’est précisément cette terminologie « Père-Fils » que les TMI enlèvent sans avoir mené une réflexion profonde. C’est aussi ce que fit Owen. Une traduction biblique qui se veut fidèle aux textes grec et hébreu, ainsi qu’à toute la sagesse accumulée par l’église mondiale, est plus utile dans les efforts d’évangélisation et de discipolat selon ces chrétiens.

13. L’érudit islamique médiéval ibn Taymiyya (1328) ne voyait en les évangiles rien d’autre que des sortes de hadith racontant la vie de Jésus. Pour lui, il s’agissait de ce qui correspondait aux « Vies de Mohammed » de son temps. Ibn Taymiyya qui critiquait les chrétiens et l’église recevrait avec beaucoup d’enthousiasme la Sirat d’Owen comme n’étant rien d’autre que l’histoire de la vie d’un homme qui avait un fort penchant prophétique.

14. Sous la bannière du pragmatisme, Owen parlait d’utiliser « un style islamique » mais en réalité, cela se métamorphosa en la pensée islamique et en une promotion d’une vision islamique du monde87. Il s’avère qu’il a davantage servi la cause islamique qu’il n’a servi la cause chrétienne.

15. L’on devrait se demander si David Owen, comme David Gray de la SIL, présentait son travail comme étant « un produit grandement créatif de dialogue avec les Ecritures88 ». Les données suggèrent qu’il n’avait pas les garde-fous qu’il faut placer quand on se lance hors des sentiers battus. Une autre question consiste à se demander quelle est cette autorité qui doit placer les garde-fous. Une agence interconfessionnelle ? Une église locale ? L’église mondiale ? L’auteur du présent article est convaincu que la Bible est premièrement un texte qui s’adresse au peuple d’alliance du Dieu trinitaire, telle qu’il l’a donnée à l’église mondiale. Il en ressort qu’il est de la responsabilité collective de l’église de se rassurer de sa fidélité sous tous ses formats. Cette position est différente de la philosophie qu’il y a derrière les TMIs et qui voit la Bible, dans son entièreté ou non, premièrement comme un tract d’évangélisation dont le langage ne suppose pas que le personnel formé à l’église a été précédemment exposé aux Ecritures (Néhémie 8:8).

87 Owen, “Jesus Movements,” 18; utilise la phrase « style islamique » deux fois. 88 Voir fn 4. Un souci de l’heure provient de la question de savoir combien de produits créatifs

de dialogue avec les Ecritures sont utilisés pour présenter des Bibles islamisées ou ses portions en format écrit ou audio à travers les média sociaux et via des téléchargements directs.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

50

16. Il y a une prémisse qui envahit tout l’arrière-plan de la réflexion favorable à la Sirat et aux TMIs. Cette prémisse affirme qu’il faut enlever ou ramollir d’une certaine façon le skandalon (σκανδαλον) ou offense aux musulmans, et qui est liée aux terminologies Père-Fils présentes dans les traductions traditionnelles, si l’on veut que la Bible soit acceptable. Les critiques acerbes des musulmans contre la Sirat sont là pour montrer son degré d’acceptation parmi ces derniers.

17. Les dangers liés aux efforts solitaires de traductions sont évidents. Les dangers liés aux efforts solitaires des organisations interconfessionnelles sont évidentes. Les dangers qui guettent ceux qui ont une perception simpliste de « l’hérésie » et du fait de devenir déséquilibré par rapport aux « confessions culturellement liées de Nicée et de Chalcédoine » comme Owen les appela, sont également évidents.

18. Un témoin oculaire décrivit David Owen comme une « figure légendaire » en 1993. Ceci soulève la question du discernement qu’il faut avoir par rapport à ses collègues.

19. L’argent aida dans la production des éditions filles du projet d’Owen. L’on devrait se poser la question de la responsabilité des donateurs ou des églises qui ont apporté leur soutien. Le missionnaire confessionnel qui apporta du soutien à Owen avait-il des règles clairement établies ou une structure devant laquelle il était responsable ?

20. La prolifération des Traductions musulmanes idiomatiques dans les pays à majorité musulmane est soutenue majoritairement par des fonds occidentaux. Ceci montre très bien que ces traductions sont beaucoup plus une idée occidentale qu’une initiative à laquelle adhèrent des nationaux. La réalité est que les cas de la Turquie, du Pakistan et du Bangladesh sont la preuve que la majorité des chrétiens nationaux rejettent ces « innovations ». Ce manque total de respect envers les chrétiens nationaux n’est rien d’autre qu’une attitude néocolonialiste qu’il faut combattre par tous les moyens.

6. Conclusion

« Nos idées ont des impacts ». Les idées qu’avait acquises David Owen dans sa phase de formation engendrèrent pour ainsi dire sa Sirat. Bien que cette dernière ait semblée avoir rencontré une ultime défection sur son chemin, un nombre d’individus qui partageaient les penchants philosophiques qu’Owen avait à ses débuts, purent donner une deuxième vie à la Sirat. Ces personnes, tout comme Owen d’ailleurs, reçurent l’aide de certaines églises et organisations. Ces églises et organisations permirent ainsi à l’entreprise de prendre de l’envol et la propagèrent du Bangladesh en Ethiopie, au Nigéria, au Liban, au Pakistan et au-delà. N’est-ce pas le moment d’exposer clairement le programme d’islamisation de ces soi-disant « traductions de complaisance » ? Ce qui est triste c’est que des personnes telles que l’apologète musulman Ahmad Deedat et la Ligue musulmane mondiale voient la réalité qui se cache derrière ces traductions tandis que des chrétiens manquant d’un quelconque discernement continuent de soutenir des efforts en faveur de ces traductions.

JOURNAL du CHRISTIANISME MONDIAL 3.1 / 2017

51

Enfin, il faut noter que la plus grande cour d’appel dans le rejet de l’utilité de la Sirat c’est qu’elle ternit l’honneur dû au Dieu trinitaire. Elle amenuise l’honneur qui revient à Dieu le Père dans sa fameuse version du « Notre Père ». Elle remet en question les propos de Simon Pierre en Matthieu 16:16 où toute la gloire christologique est visible : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Elle traduit ce passage plutôt par « Tu es la Parole vivante d’Allah et son salut manifesté ». Elle se propose de venir en aide au Tout-Puissant Saint Esprit qui peut changer les cœurs de pierre en cœurs de chair en « tordant » la Parole de Dieu pour qu’aucun musulman ne soit offensé. La Sirat fait pourtant offense à la Trinité.