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Collection Histoire de l’art Catherine Compain-Gajac (éditeur) 2 Conservation - restauration de l’architecture du Mouvement Moderne 2012 Presses Universitaires de Perpignan

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Collection Histoire de l’artCatherine Compain-Gajac (éditeur)

2 Conservation - restauration de l’architecture

du Mouvement Moderne

2012Presses universitaires de Perpignan

La loi du 1er juillet 1992 (code de la propriété intellectuelle, première partie) n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L. 122‑5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non desti‑nées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122‑4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon passible des peines prévues au titre III de la loi précitée.

© PUP 2012 ISSN 2261-2564ISBN 978-2-35412-174-7

Ouvrage publié avec l’aidede l’Université de Perpignan Via Domitia ;du CRHiSM (Centre de Recherche Historiques sur les Sociétés Méditerranéennes [EA 2984]) ;de l’Université de Toulouse II‑Le Mirail ;du laboratoire FRAMESPA [UMR 5136] ;de l’école nationale supérieure d’architecture de Toulouse ;de Conseil régional Midi‑Pyrénées ;et de la mairie de Toulouse.

Collection Histoire de l’artDirection : Francesc Miralpeix, Julien Lugand.Comité scientifique : Christine Aribaud, Joan Bosch Ballbona, Bonaventura Bassegoda Hugas, Michel Cadé, Mariàno Carbonell Buades, Esteban Castaner‑Muñoz, Quitterie Cazes, Martin Galinier, Joaquim Garriga Riera, Yolanda Gil Saura, Jean‑Marie Guillouët, Michel Horchmann, Natacha Laurent.Adresse : Université de Perpignan Via Domitia

Sommaire 7 Catherine Compain‑GajacRemerciements

Marie‑Christine JailletPréface

Catherine Compain‑GajacIntroduction : De la notion de conservation‑restauration rapportée à l’architecture du Mouvement Moderne

ContexteS hiStoriqueS, SoCiologiqueS et CulturelS, fragilité et Complexité

Gérard Monnier Introduction

Bernard Toulier Mission du patrimoine des XIXe et XXe siècles (1987‑2004)

Danièle VoldmanLe contexte de la création de Toulouse‑Le Mirail : Architecture et urbanisme au temps des Trente Glorieuses

Marc SaboyaLa Caserne des pompiers de Bordeaux rive droite (1950‑1954) par Claude Ferret, Yves Salier & Adrien Courtois

Catherine Compain‑Gajac18 Centre d’ar(t)chitecture et de design, PFE 2008.Le projet attentif de l’architecte Mathieu Lebecq

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témoignageS CroiSéS Sur deS arChiteCtureS ChoiSieS, la produCtion et le patrimoine

Gérard Monnier Introduction

Agnès Cailliau Les actions de Docomomo France pour la sauvegarde du patrimoine moderne : un patrimoine moderne à l’abattoir

Daniel PinsonLes monuments domestiques pour le plus grand nombre : une autre histoire

Joseph AbramBriey‑Nancy /1955‑1975, le patrimoine rebelle du logement social et de l’expérimentation

Gilles RagotL’inscription de l’Œuvre architecturale de Le Corbusier au patrimoine mondial. Nature et enjeux de la proposition

Bénédicte ChaljubL’architecte face à la sauvegarde d’un de ses bâtiments :le cas de la cité artisanale de Sèvres édifiée par Alexis Josic au sein de l’équipe Candilis/Josic/Woods

Laurent DuportL’extension de Bagnols‑sur‑Cèze. Les cinquante ans des Escanaux

Sylvie DenanteLa réhabilitation patrimoniale de deux ensembles architecturaux conçus par l’agence Candilis en Provence‑Alpes‑Côte d’Azur

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l’arChiteCture deS univerSitéS, exemple ChoiSi, l’univerSité du mirail de georgeS CandiliS

Gérard Monnier Introduction

Christian HottinLe patrimoine de l’enseignement supérieur. Jalons historiques et questions d’actualité

Pierre WeidknnetLa Modernité : greffe difficile sur le « Grand village » ?

Rémi Papillault1966‑1972, l’Université du Mirail de Candilis, Josic et Woods comme composition ouverte

Catherine Compain‑GajacL’Arche du campus de l’Université Toulouse‑Le Mirail :une entrée remarquable

Jean‑Michel MinovezFaut‑il reconstruire le campus de l’Université du Mirail ?

Isabelle AlzieuTrames et lignes de fuite : le mat de Candilis comme lieu de l’œuvre

Catherine Compain‑GajacAvec la mise en œuvre de son projet de reconstruction, l’Université Toulouse II‑Le Mirail ouvre « une nouvelle page de notre histoire »

Léo martinezL’Université Toulouse‑Le Mirail, l’architecture de Georges Candilis en photos

Catherine Compain‑GajacConclusionépilogue

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a Collection Histoire de l’art des Presses Universitaires de Perpignan a été créée à l’initiative des Universités de Gé‑rone et de Perpignan Via Domitia. Elle a pour objectifs, dans le cadre du Centre de Recherche Historiques sur les Sociétés Méditerranéennes (CRHiSM [EA 2984] Universi‑té Perpignan‑Via Domitia) et du Groupe de Recherches en Histoire de l’art moderne de l’Institut de Recherches His‑toriques de la faculté de lettres (Université de Gérone) de valoriser l’historiographie française de l’art espagnol, l’his‑toriographie espagnole de l’art français et, au‑delà, publier les travaux en histoire de l’art de chercheurs – universitaires comme responsables d’institutions culturelles – dont les investigations portent, de l’Antiquité à nos jours, sur toute forme d’expression artistique produite dans l’espace pyré‑néen et l’arc méditerranéen occidental.

La Col·lecció Història de l’art de Premses Università‑ries de Perpinyà ha estat creada a partir d’una iniciativa de les universitats de Girona i Perpinyà Via Domitia. Té per objectius, en el marc del Centre de Recerques Històriques sobre les Societats Mediterrànies (CRHiSM [EA 2984]Universitat de Perpinyà‑Via Domitia) i del Grup de Re‑cerca en Història de l’Art Modern de l’Institut de Recerca Històrica de la Facultat de Lletres (Universitat de Girona), posar en valor la historiografia francesa sobre l’art hispà‑nic i viceversa, a més de publicar els treballs en història de l’art d’investigadors – tant universitaris com responsables d’institucions culturals – les recerques dels quals abracin, de l’Antiguitat als nostres dies, tota forma d’expressió artística produïda en l’espai pirinenc i l’arc mediterrani occidental.

Julien LugandFrancesc Miralpeix Vilamala

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L’extension de BagnoLs‑sur‑CèzeLes cinquante ans des escanaux

Laurent DuportArchitecte,

maître-assistant à l’école nationale supérieure d’architecture de Montpellier

L’opération n’est pas banale : une ville qui va voir tripler sa population par l’im‑plantation d’un nouveau centre urbain à construire et une cité romaine à préserver. Nous sommes en  1956 et Georges Can‑dilis est contacté par Auguste Mionne1 le directeur de la Construction Moderne française, mandaté par le Commissariat à l’énergie atomique pour la construction de logements pour les ouvriers, cadres et techniciens supérieurs qui vont travailler à Marcoule où vient d’être édifié l’un des pre‑miers sites nucléaires de France. Ce dernier a vu le jeune Candilis à l’œuvre quelques années plus tôt, quand Le Corbusier lui fai‑sait suivre à Marseille le chantier de l’Unité d’habitation.

C’est ce défi urbain qui vaudra quatre ans plus tard le premier grand prix natio‑nal d’urbanisme à Georges Candilis, Alexis Josic et Shadrach Woods2 associés aux urbanistes Raymond Coquerel et Charles Delfante. La tâche qui s’annonce à Ba‑gnols‑Sur‑Cèze est ardue [ill. 1]. L’équipe va devoir donner forme aux attentes d’une maîtrise d’ouvrage constituée d’une des premières sociétés d’économie mixte, la SEMIB, de l’office HLM du Gard et de la municipalité de Bagnols‑sur‑Cèze qui veut voir s’élever au final quelques 1 500  loge‑ments aux côtés d’une ville médiévale3.

1. Auguste Mione (1898-1962) est un entrepreneur de la Modernité qui crée en 1936 la Construction Moderne fran-çaise, une Société coopérative ouvrière de production ano-nyme à capital et personnel variables qui sera en charge de l’unité d’habitation de Marseille (arch. Le Corbusier), des opérations à Bagnols-sur-Cèze, Nîmes, Marseille, Béziers (arch. Candilis/Josic/Woods) ainsi que d’autres en région parisienne et notamment dans l’Essone à Chamarande, ville dont l’entrepreneur sera membre du conseil municipal de 1965 à 1971 et maire jusqu’en 1973.2. Georges Candilis est contacté en  1956 par Auguste Mionne, directeur de la Construction Moderne Française, mandaté pour la construction de logements pour l’Énergie Atomique (G. Candilis, Bâtir la vie, Stock, 1977, p. 211).3. Bagnols-sur-Cèze est une ville romaine située sur un car-refour de la route Nîmes – Lyon.

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Quant aux « contraintes » du site, elles sont nombreuses avec le Mistral au Nord, les crues de la Cèze, une topographie capri‑cieuse à proximité d’un bourg marqué par ses rues étroites et sinueuses...

Il faudra aux architectes toute l’expé‑rience accumulée depuis plusieurs années pour répondre à ce programme. Heureuse‑ment, de l’expérience ils n’en manquent pas. Celle acquise à l’ATBAT4 par Georges Can‑dilis et Shadrach Woods en construisant des logements « dignes » pour différents types de population (européennes, musulmanes, is‑raélites) notamment au Maroc leur sera pré‑cieuse. Ils y ont expérimenté des assemblages astucieux sur quatre ou cinq niveaux, y ont compris comment densifier intelligemment, ont appris à construire en tenant compte d’une culture locale et savent varier leurs propositions. L’immeuble « nid d’abeilles  » aux superpositions simples et idéalement éclairées puis l’immeuble «  Sémiramis  » partagé en deux pour suivre la topographie

4. AtBAt, Atelier des Batisseurs.

ont rompu les architectes à ce genre de pro‑blématiques [ill. 2]. À cela s’ajoute l’expé‑rience du concours dont ils sont lauréats en 1955 avec Alexis Josic qui les a rejoints. L’équipe propose une réflexion architectu‑rale avec l’opération Million, campagne du gouvernement français pour abaisser le coût de construction d’un logement de 3 pièces de 1,5 à 1 million de francs de l’époque en élaborant des modèles standards applicables immédiatement.

Ainsi vont être construits près de 3 000 lo‑gements en région parisienne : logements collectifs à Ivry, Cité Emmaüs au Blanc‑Mes‑nil (1955‑1957), à Bobigny (1956‑1962) et Gennevilliers (1955‑1956) ainsi que l’exten‑sion de la Ville de Bagnols‑sur‑Cèze.

Cette extension est constituée de quatre entités. Une opération parmi celles‑ci a principalement marqué les esprits, c’est bien évidemment la construction du quartier des Escanaux. Avant cette phase, Candilis, Josic et Woods ont dû urgemment construire le quartier de la Coronelle (80 logements) puis le quartier de la Citadelle (370  loge‑

ill. 1 - Bagnols-sur-Cèze, vue aérienne, carte postale, Archives municipales de Bagnols-sur-Cèze.

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ments, un centre commercial et une école de quartier construits en onze mois). La dernière entité sera un ensemble de 30 vil‑las dans la cité‑jardin « Le Bosquet ».

Au milieu de ces trois opérations, on trouve «  les Escanaux » et la parfaite mise en application des principes de l’équipe. Ce quartier constitue la principale exten‑sion de Bagnols‑Sur‑Cèze. Au total, ce sont 1 200  logements, un centre scolaire, un centre sportif (stade, gymnase, piscine) un centre culturel (théâtre, cinéma, salle de concert, espace d’exposition, salle de réunions), un centre commercial (place, magasin, marché), des commerces et des équipements. C’est un nouveau morceau de ville, auquel il faut donner tout ce dont il a besoin pour vivre harmonieusement.

Les Escanaux n’ayant jamais fait l’ob‑jet d’une prise en compte globale de son patrimoine, il faut faire preuve d’imagi‑nation pour avoir conscience de la valeur d’exemple de l’opération. Pourtant cela en vaut la peine et l’analyse du projet originel

nous livre aujourd’hui encore de précieux enseignements [ill. 3].

Prenons de la hauteur et survolons l’Unité de voisinage des Escanaux : un plan orthogonal, des immeubles bas en R+4 et des tours de 14  étages. Présenté de cette manière, on imagine une cité comme il en existe partout. Pourtant, et c’est là la force de Candillis, Josic et Woods, on ne ressent pas les défauts de la production de masse. C’est que l’articulation est loin d’être ba‑nale. Tout d’abord, il y a du rythme : on trouve six types d’immeubles différents avec notamment les immeubles bas à redents qui rompent l’uniformité en dessinant des angles. À cela se conjugue l’alignement fluide des six tours suivant deux axes qui bordent la composition. Ainsi l’extension de Bagnols‑Sur‑Cèze fait déjà apparaître les prémices du stem – ce « centre linéaire d’ac‑tivité » qui sera la marque du trio – et donne à voir un développement équilibré qui al‑terne harmonieusement parallélisme et per‑pendicularité suivant une ligne continue.

ill. 2 - Bodiansky, Candilis, Woods, Carrières Centrale, Casablanca, 1953 ; tirée du Catalogue de l’exposition « Team 10 1953-1981, In Search

of A Utopia of the Present », Nai Publishers, Rotterdam 2005.

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Cette disposition donne une échelle diffé‑rente de celle des « grands ensembles » en donnant un caractère spécifique à chaque sous‑ensemble, le centre étant occupé par le vide que constitue le stade. Cette opéra‑tion, « témoigne d’un intérêt nouveau pour la notion de continuité  »5 comme le sou‑ligne Joseph Abram.

Approchons‑nous à présent des loge‑ments et considérons leur typologie. L’ex‑périence de Casablanca trouve un écho méditerranéen dans cette architecture fonc‑tionnelle et idéalement éclairée. Commen‑çons par les immeubles bas destinés aux ouvriers : chaque niveau qui comprend deux logements s’assemble et s’articule autour d’un escalier, les espaces communs sont réduits au minimum et des voiles de béton de 18 cm d’épaisseur disposés tous les trois mètres, constituent la trame porteuse. Pous‑sons la porte : l’espace y est privilégié et les appartements « traversants » s’étendent vers

5. Abram, 1999.

les loggias, balcons et terrasses séchoirs qui apportent la lumière jusque dans les salles de bain. Les façades quant à elles évoquent Piet Mondrian et ses grands aplats de cou‑leur primaire. Ces panneaux polychromes, dont la conception revient à Alexis Josic, qui s’offrent au regard, ne sont pas sans rappeler les jeux de couleur qui ponctuent l’architec‑ture de Le Corbusier. Les tours proposent quant à elles plusieurs typologies avec deux tours à quatre branches en « svastika » pour célibataires et couples avec un enfant, deux tours de grands logements plus compactes et deux tours à deux branches ou «  tours jumelles » [ill. 4].

La réception de cette opération est qua‑siment sans précédent avec des publications dans L’Architecture d’Aujourd’hui à de nom‑breuses reprises ainsi que dans Architectural Design. La Construction Moderne Française [ill. 5] publie elle aussi un fascicule qui vante les mérites de l’opération avec des photos de la réalisation et dans laquelle Georges Candilis rappelle que « le plan est

ill. 4 - Les Escanaux, les tours jumelles ; tirée de « CIAM ’59 in Otterlo » Oscar Newman éditeur, Stuttgart 1961.

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la conséquence d’une étude extrêmement minutieuse pour arriver au maximum d’économie et au maximum d’habitabi‑lité »6. De nombreuses photos sont prises pendant le chantier. Mais c’est surtout l’occasion pour l’équipe et en particulier pour Georges Candilis de montrer cette opération en train de se construire au 10e et dernier congrès des CIAM à Otterlo en  1959. Il retrouve là le rôle qu’il avait déjà joué à la présentation de l’Unité d’ha‑bitation, à la demande de Le Corbusier, au 7e congrès des CIAM à Bergame en 1949, soit dix années auparavant.

En 1960, le Ministère de la Reconstruc‑tion et de l’Urbanisme célèbre au CNIT l’exposition qui montre les opérations de logements réalisées par l’état dans le cadre du développement industriel du territoire. C’est à cette occasion que l’opération, dont on peut voir la maquette sur le stand de l’of‑fice HLM du Gard, obtient le premier grand prix d’urbanisme décerné en France [ill. 6].

Ainsi Bagnols‑Sur‑Cèze, par ce projet d’extension, devient la ville où la concréti‑sation du projet s’apprête à bouleverser les idées en place. C’est en effet dans cette ville du Gard qu’aura lieu la première réunion de Team Ten en 19607, organisée par Candilis. Les participants y débattent, s’y prennent en photo, envoient une carte postale à Le Corbusier et continuent les discussions en‑tamées à Otterlo l’année précédente. Cette réunion qui a lieu du 25 au 30 juillet 1960 réunit une vingtaine d’architectes incluant outre le trio Candilis/Josic/Woods les archi‑tectes Giancarlo de Carlo, Aldo Van Eyck, Alison & Peter Smithson, Jaap Bakema mais aussi Fuhimiko Maki, Juan Busquets, Oskar Hansen et Ralph Erskine. C’est la

6. La Construction Moderne Française fascicule, 1965, CAp Fonds Candilis.7. team ten est la réunion de plusieurs architectes en réac-tion aux CIAM.

première réunion d’une série de 12 qui se terminera en 1977 à Bonnieux, la maison de campagne de Candilis.

À l’unité de voisinage des Escanaux l’uti‑lisation des équipements et la mixité de po‑pulation s’avère un succès dès 1964. L’office départemental des HLM du Gard est tou‑jours propriétaire des logements depuis la construction du quartier, en charge de son entretien et de sa maintenance. Vingt‑cinq ans après sa construction un nouveau re‑gard est porté sur les Escanaux dans le cadre de l’opération Banlieues  89. Ainsi sous la mandature de Georges Benedetti en 1984, parmi les 220 présentés un projet est pro‑posé dans la thématique – réparer – qui pré‑voyait de « construire parmi les tours et les barres et les espaces verts : organiser un lieu plus urbain », il est abandonné en 1985 et ne sera donc jamais subventionné.

Aujourd’hui, il n’est pas évident de saisir la qualité de cette opération réalisée entre 1956 et 1962.

Sans compter que les réhabilitations ou plus exactement les interventions succes‑sives n’ont pas su prendre en compte le pa‑trimoine que représentaient les Escanaux. Cependant aucun immeuble ne sera détruit en 50  ans, un équipement (grande salle) viendra compléter le quartier. Il n’y a pas eu de modifications de l’intérieur des loge‑ments, mais des travaux de maintenance et d’entretien vont avoir des conséquences sur l’architecture comme le changement de la chaudière collective qui passe du fioul au gaz et l’isolation par l’extérieur des six tours en  1980. Une vêture est apposée sur les façades entraînant la perte de la force plas‑tique et l’effacement des couleurs initiales, rendant les tours méconnaissables. Les mêmes interventions produiront les mêmes effets sur la tour à quatre branches du Clos d’Orville à Nîmes.

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ill. 5 - Les Escanaux, vue du ciel ; tirée de La Construction Moderne Française, fascicule, 1965, CAP Fonds Candilis.

ill. 6 - Les Escanaux, maquette de l’ensemble du projet ; tirée de La Construction Moderne Française, fascicule, 1965, CAP Fonds Candilis..

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Dix années plus tard, en 1990, est lan‑cée une campagne de réhabilitation lourde avec changement des menuiseries exté‑rieures en bois pour des menuiseries PVC plus épaisses et monochromes. Ceci a ac‑compagné le nivellement des façades par l’ablation des balcons et séchoirs au profit de l’agrandissement des cuisines ainsi que la suppression des vide‑ordures inutilisés. Puis en 1998 des travaux sont engagés sur cer‑tains espaces extérieurs et partiellement sur les VRD. Des subventions sont obtenues par un montage avec 66 % à la charge de l’office départemental des HLM du Gard (propriétaire des espaces verts) et 33 % à la charge de la municipalité de Bagnols‑sur‑Cèze. En contrepartie, les espaces verts sont rétrocédés à la municipalité par convention. Dans le même temps des aménagements sur les espaces extérieurs ont été proposés dans le même dessein que celui de l’opéra‑tion Banlieues 89 qui souhaitait consolider le lien entre centre ancien et ville nouvelle par une équipe dirigée par le paysagiste Alain Marguerit, sans résultat.

Ainsi il n’y a pas eu de prise en compte globale du patrimoine immobilier et archi‑tectural, mais des réhabilitations ponc‑tuelles par divers architectes locaux : Jean‑Louis Fulcrand (Nîmes), Patrick Lecourbe (Bagnols‑sur‑Cèze) ou Jean Malliet (Uzès), la politique d’intervention dépendant es‑sentiellement des orientations de l’office départemental des HLM du Gard dont les responsables successifs n’ont pas conscience et ne mesurent pas la valeur d’exemple de l’opération. Plusieurs enquêtes socio‑logiques axées sur les données démogra‑phiques et les mouvements de population ont été menées depuis la construction jusqu’à nos jours sans pour autant, là aussi en tirer des enseignements.

Cependant le quartier des Escanaux a fait l’objet d’un certain nombre d’atten‑

tions. Ainsi le quartier s’inscrit dans le cadre étatique de la politique de la ville depuis son classement en ZUS (zone ur‑baine sensible) le 26 décembre 1996. Les 1 250  logements sociaux des Escanaux sont gérés par le bailleur Habitat du Gard et représentent 47 % du parc social bagno‑lais. Ce classement s’est accompagné d’une opération contrat de ville signée le 11 dé‑cembre 2000 pour la période 2000‑2006 entre l’état, la ville le Département, l’of‑fice HLM et la SA Vaucluse Logement. Un contrat urbain de cohésion sociale (CUCS) a été signé en 2007 et l’année 2009 a été l’occasion de célébrer par la ville l’anni‑versaire des 50  ans. Cette commémora‑tion, qui s’est déroulée du  7 au 26  sep‑tembre 2009 s’est traduite par une série de manifestations dont la municipalité sou‑haitait qu’elles constituent un temps fort de sa programmation culturelle. Au début de l’année, plusieurs appels à la population ont été lancés par voie de presse ou dans le support de communication municipal pour la réalisation de l’exposition commé‑morative. Plusieurs rencontres ont été or‑ganisées au printemps 2009 par le service des archives municipales et la médiathèque où une quinzaine de personnes seniors qui ont vécu ou vivent encore aux Escanaux ont témoigné sur l’intégration, le cadre de vie, les activités du quartier à travers les gé‑nérations. Au mois de juillet, un film a été réalisé par le centre social Passerelles sur Cèze consistant en un échange/discussion sur la vie aux Escanaux dans un décor des années 60 reconstitué. Des ateliers d’été en juillet et en août dirigés par une associa‑tion avec l’implantation d’une yourte au coeur du quartier ont réuni quatre artistes européens et des jeunes de  11 à 18  ans pour partager leurs compétences et leurs passions autour d’ateliers d’initiation à la vidéo et à la photographie.

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L’exposition rétrospective «  Des canaux aux SKNO » proposée par les archives mu‑nicipales à partir de documents d’archives et de témoignages de bagnolais a été présentée tout le mois de septembre au centre d’art rhodanien où nous avons animé une confé‑rence sur Candilis et Team X et dialogué en présence de Takis Candilis et de Jovan Josic, les fils de Georges Candilis et d’Alexis Josic.

Les manifestations se sont poursuivies par des visites guidées du quartier, un spectacle de son et lumière et un grand bal à l’école Jules Ferry sur le thème des années 60.

Par la suite un workshop a été organisé en novembre 2009 avec une trentaine d’étu‑diants de 2e et 3e année de l’école Nationale

Supérieure d’Architecture de Montpellier sur la thématique du patrimoine contempo‑rain avec le questionnement sur sa labellisa‑tion au « Patrimoine du XXe  siècle  ». À ce titre les étudiants ont été amenés à répondre à cette interrogation au travers d’un regard porté sur la conception, la réception et l’ac‑tualisation des points de vue sur ce quartier.

Même si certaines opérations comme la cité des Arlequins à Grenoble ou l’immeuble le Moustoir à Lorient ont été labellisées au Patrimoine du XXe siècle, le label est diffi‑cile à appréhender par la municipalité, les habitants et les néophytes en architecture tant le quartier des Escanaux a perdu au fil des années de son authenticité originelle.

Bibliographie

Abram, 1999 : J. Abram, 1999, L’architecture moderne en France, tome 2, p. 109.La Construction Moderne Française, fascicule, 1965, CAP Fonds Candilis.