les initiatives du front populaire pour l'art dramatique
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INSTITUTIONS CULTURELLES
LES INITIATIVES DU FRONT POPULAIRE
POUR L’ART DRAMATIQUE
Université de Nice Sophia Antipolis
2
SOMMAIRE
Introduction ..........................................................................................................................p.3
I- Etat des lieux du théâtre français sous la III ème
République ............................p.4
1) Les Théâtres Populaires, une volonté d’accessibilité à tous et pour tous ....p.4
2) Le Cartel des Quatre .......................................................................................p.6
II- Une volonté de démocratisation de la culture ...................................................p.7
1) Les initiatives de Jean Zay ...........................................................................p.7
2) Les tentatives de décentralisation ...............................................................p.9
Conclusion ........................................................................................................................p.12
Bibliographie ........................................................................................................................p.14
Annexe 1 ........................................................................................................................p.15
Annexe 2 ........................................................................................................................p.16
Annexe 3 ........................................................................................................................p.17
Annexe 4 ........................................................................................................................p.18
Annexe 5 ........................................................................................................................p.19
3
Depuis les années 30, la France se voit confrontée à une crise aux multiples facettes à la
fois économique, politique, sociale et morale, marquée par une dépression profonde et une
montée du chômage dû à la crise de 1929. Cela entraine une perte de confiance du peuple
dans la démocratie parlementaire et les gouvernements successifs ne parviennent pas à
redresser la situation. C’est pour faire face à ce désarroi que se crée le Font Populaire en 1935,
alliance entre les différents partis politiques et organisations de gauche de l’époque, la SFIO,
le Parti Radical Socialiste et le Parti Communiste.
Le 3 mai 1936, la victoire aux élections législatives du Front Populaire entraîne la formation
d’un gouvernement dirigé par le socialiste Léon Blum, nommé Président du Conseil par le
Président de la République Albert Lebrun, le 4 juin 1936. Léon Blum qui pratiquera dès lors
une politique de progrès social et culturel demeurant encore aujourd’hui dans les mémoires.
En parallèle, dans le monde du théâtre, Louis Jouvet, Georges Pitoëff, Charles Dullin et
Gaston Baty, metteurs en scène et directeurs de théâtre de l’époque, décident en 1927 de créer
ensemble le Cartel des Quatre. C’est une association d’entraide ayant un double objectif à la
fois artistique et commercial, qui est celui de donner une plus grande visibilité au théâtre, de
« rendre le théâtre attractif, et accessible, pour un public plus populaire de petit-bourgeois et
d’employés »1.
Les premiers pas d’une politique culturelle par l’Etat-Nation se font sous le Front Populaire.
Les causes en sont multiples, et la crise culturelle du théâtre de plus en plus étouffée par le
cinéma aggrave dans ce domaine la crise économique plus globale. Mais c’est plus
intrinsèquement que la crise politique française explique la volonté d’un Etat fort et
interventionniste, comme le sont les Etats totalitaires de l’époque : l’Italie et
l’Allemagne. Cependant, ayant une différence essentielle avec ces derniers, puisqu’il s’agit
pour le Front Populaire de lutter contre le fascisme, grâce à une politique de
«rassemblement » et d’union nationale2.
Avec cette volonté de la part du Front Populaire d’un progrès social et culturel, nous pouvons
nous demander quelles ont été les initiatives de ce nouveau gouvernement en art dramatique.
Une première partie sera consacrée a l’état des lieux du théâtre français avant l’arrivé au
gouvernement du Front Populaire, où nous verrons les prémices d’une volonté de
décentralisation de la part des acteurs et metteurs en scène et l’époque, ainsi qu’avec le Cartel
des Quatre, une seconde partie traitera de la volonté du Front Populaire de la démocratisation
1 Alain VIALA, Histoire du théâtre « Que sais-je » n° 160, Puf, 2014, 128p
2 Pascal ORY, Le Front Populaire, aux sources d’une politique théâtrale publique, in Robert Abirached (sous la
direction de), La Décentralisation théâtrale, tome 1
4
de la culture, avec les initiatives de Jean Zay et les tentatives de décentralisation théâtrale sous
le Front Populaire.
I- Etat des lieux du théâtre français sous la III ème
République
Le principe de la Troisième République est de favoriser la conservation du patrimoine et
sa diffusion au près du grand public. Cela à travers une densification du nombre de
bibliothèques et de musées, relayé par les communes. Les municipalités financent même les
équipements culturels tels que le cirque, le théâtre, et l’opéras.
Dans le domaine du théâtre, quelques initiatives privées corroborent les actions entreprises par
la IIIème
République.
1) Les Théâtres Populaires, une volonté d’accessibilité à tous et pour tous
Dès le début de la IIIème
République, la scène théâtrale voit naitre de nouvelles
institutions théâtrales.
En 1885, Maurice Pottecher, ouvre à Bussang le Théâtre du Peuple3, une scène en plein air à
la campagne, où les spectateurs assistent debout aux représentations dont la devise, portée sur
le fronton de l’édifice était : « Par l’art, pour l’humanité ». L’année suivante, Maurice
Pottecher fait couvrir la scène et ouvre le fond de scène sur l’espace naturel à l’aide de deux
portes coulissantes dans le but de « d'assainir l'art au contact de la nature »4. Des bancs en
bois sont ensuite mis en place pour accommoder le public et dès les années 1904, l’électricité
y est installée. En 1921, une salle fermée sur les côtés est bâtie, pouvant accueillir un peu plus
de 1000 spectateurs. Enfin, un toit sera construit pour abriter le public en 1924.
Durant toute sa vie, Maurice Pottecher a souhaité faire du Théâtre du Peuple un théâtre
populaire, pour tous, rejetant l'idée d'un théâtre dédié à une partie de la population :
3 Cf. Annexes 1
4 Romain ROLLAND, Le Théâtre du peuple, Editions Complexe, 2003
5
« J'entends par théâtre populaire celui où les divers éléments, dont l'ensemble constitue un
peuple, peuvent prendre place et s'intéresser également à l'œuvre représentée »5.
Si l'ambition affirmée du dramaturge est sans conteste d'ouvrir le théâtre à tous les
spectateurs, il affiche la même détermination à confier certains rôles à des comédiens
amateurs.
Même si la volonté de Maurice Pottecher n'est pas d'impulser un mouvement théâtral national,
son œuvre a été fondatrice du Théâtre Populaire tel que l’ont pensé et réalisé plus tard
Gémier, Copeau, Vilar ou Dasté.
Dans la même optique, Firmin Gémier un acteur et metteur en scène crée le Théâtre National
Ambulant en 1911. C’est la première initiative de Gémier de décentralisation du théâtre.
Grâce au Théâtre National Ambulant, il peut transporter le théâtre en province et grâce à ce
procédé, présente ses spectacles dans le nord et l’est de la France, avec une salle mobile de
1600 places.
Dans cette optique, il cherche à apporter le théâtre au peuple, que tous y aient accès. L’idée
lui vient au début de sa carrière (entre 1890 et 1905) où il observe l’apogée des théâtres
ambulants, dont celui des Lamarches-Lamberty, qui se déplacent de ville en ville lors de foire,
où ils y installent leur baraques ou théâtres panneauté.
Avec son Théâtre National Ambulant, Gémier veut ouvrir le théâtre aux classes populaires de
province, et pense que le théâtre doit être accessible à tous.
Malheureusement, n’ayant aucune aide de la part de l’état et ne trouvant aucun financement,
le Théâtre National Ambulant ne fera que deux saisons. Du 7 juillet au 1er octobre 1911, et du
25 mai au 15 septembre 1912.
À la même époque, les scènes parisiennes tentent d'ouvrir davantage le théâtre à tous. En
1913, Copeau lance un appel à la jeunesse, aux gens lettrés et à toute la population, pour une
« rénovation dramatique »6. Avec l'ouverture du Théâtre du Vieux-Colombier, il promeut un
théâtre bon marché, alliant nouvelles créations et pièces classiques, qu'il complète d'une école
de comédie.
5 Maurice Pottecher
6 L’Appel de Jacques Copeau en 1913 pour la création d’un nouveau théâtre, Gallica, Bibliothèque nationale de
France
6
Firmin Gémier fondera alors en 1920 dans le palais du Trocadéro le Théâtre National
Populaire, qu’il dirigera de sa création à 1933. Avec le TNP, il veut pour objectif une fois de
plus, de monter des spectacles touchant un public populaire. Tout comme le Théâtre National
Ambulant, il y a la volonté de Gémier de lutter contre la presse critique et le théâtre qu’il
trouve trop commercial.
Bien avant l’arrivé du Front Populaire au gouvernement français, l’art dramatique français
commence à bouger, veut s’exporter en province et être accessible à tous. Dans cette lignée,
nait le Cartel des Quatre, initiative de Louis Jouvet, Georges Pitoëff, Charles Dullin et Gaston
Baty.
2) Le Cartel des Quatre
Le Cartel des Quatre est une association d’entraide ayant l’objectif de donner une plus
grande visibilité au théâtre, et le rendre le plus attractif et accessible à tous.
Le Cartel a été crée en 1927 par Louis Jouvet, Georges Pitoëff, Charles Dullin et Gaston Baty,
respectivement directeurs de la Comédie des Champs-Elysées, du Théâtre des Mathurins, du
Théâtre de l’Atelier, et du Studio des Champs-Elysées.
Cette association est fondée sur des bases morales, en réaction contre les abus de pouvoir de
la critique théâtrale et du théâtre commercial.
Depuis le début de leur carrière, ils luttent tous les quatre pour un théâtre sans compromis et
veulent rompre avec le théâtre mercantile de boulevard. Ils prônent l’adoption d’une
esthétique nouvelle, d’un jeu plus naturel, de la dominance du texte et la création de spectacle
d’auteur contemporains. Ils espèrent un renouveau du théâtre, inspiré par le Théâtre Populaire
de Firmin Gémier.
Jouvet, Pitoëff, Dullin et Baty prônent un théâtre de la recherche et d'art, avec un retour au
texte théâtral, de la relecture des œuvres classiques et découverte d’auteurs étrangers tel que
Tchekov.
C’est une réaction contre le théâtre de l’époque, théâtre commercial où le monopôle est au
théâtre de boulevards, ils veulent défendent le véritable art théâtral. Ils veulent ensemble, faire
en sorte de pouvoir donner un peu plus d’accessibilité au théâtre pour tous, de sortir du théâtre
« bourgeois » de l’époque.
7
Ensemble, ils organisent une nouvelle programmation, ils mettent en place une nouvelle
politique tarifaire commune. Cependant, leurs univers artistiques, leurs caractères et idées
sont trop différents pour une réelle collaboration sur le long terme, mais ils continuent chacun
de leur côté, dans leurs théâtres, à œuvrer pour cette même ambition.
II- Une Volonté de démocratisation de la culture
Sous la IIIème
République, une grande politique de démocratisation culturelle est mise en
place sous le nom d’Instruction publique. C’est l’élan d’une nouvelle culture de masse via la
lecture de la presse populaire, l’instruction scolaire, la fréquentation des salles de spectacles,
du théâtre, du cinéma et du music-hall.
Pour se faire, plusieurs grands nom de l’époque mirent en œuvre dans la politique culturelle,
des actions et installèrent de nouvelles idées pour cette démocratisation de la culture de
masse7.
Dès 1936, une vision culturelle de la société et portée essentiellement par les milieux de
l’éducation populaire, inspirée par la nécessité d’une politique publique en faveur d’une
popularisation de la culture. Avec l’appui de Léo Lagrange, sous secrétaire d’état à
l’organisation des loisirs et des sports, l’éducation populaire se développe avec les auberges
de jeunesse, le théâtre, le cinéma et même l’aviation populaire. Et prône également la
cohésion sociale.
1) Les initiatives de Jean Zay
Jean Zay (1904-1944), fut député du parti radical socialiste de 1932 à 1940. Il conserva
le portefeuille de l’Education nationale de 1936 à 1939, nommé par Léon Blum. Avec Léo
Lagrange (1900-1940), qui fut député socialiste de 1932 à 1940 et sous secrétaire d’Etat aux
Sports et aux Loisirs, Jean Zay engagea une grande réforme du théâtre.
« Je pense, et la commission des finances a été de cet avis lorsque j’ai développé
devant elle les grandes lignes de mon rapport, qu’il y a une crise indéniable du
théâtre.
7 Jean-Claude Yon, Histoire culturelle de la France au XIXe siècle, Armand Colin, 2010
8
Nous ne devons pas nous résoudre à voir disparaitre l’art théâtral français. Il faut,
au contraire, le régénérer en lui demandant de s’adapter à des besoins nouveaux et
de diriger sa production vers une nouvelle forme de Théâtre populaire »8.
Jean Zay veut alors démocratiser la culture, et combler le fossé qui tient le peuple éloigné de
l’art. Entouré de Jean Cassou, de Georges Huisman et de Louis Hautecœur, le ministre relance
la commande publique et encourage une rupture avec la tradition monumentale qui a marqué
le XIXe siècle. Cela est rendu possible grâce aux réformes sociales menées par le Front
Populaire, à savoir les congés payés et la semaine de 40 heures, qui libère du temps pour les
loisirs aux travailleurs français.
Selon lui, il faut ouvrir les musées, les bibliothèques et les théâtres et en réduire les tarifs. Il
veut également moderniser les structures déjà en place, et soutenir les créateurs par des
commandes publiques. De plus, il souhaite mettre en place une véritable décentralisation du
théâtre.
Dans ses réformes, outre celles de l’éducation, il soutient les auteurs en réformant les droits
d’auteurs et les contrats d’édition, et développe la lecture publique avec la création des
bibliobus, il ouvre de nouveaux musées nationaux comme le musée des Arts et des Traditions
populaires, le musée de l’Homme, et le musée d’Art Moderne, construit à l’occasion de
l’Exposition Internationale des Arts et Techniques de 1937, ayant eu lieu à Paris du 25 mai au
25 novembre. C’est à cette occasion que le Palais du Trocadéro fut démoli et remplacé par
l’actuel Palais de Chaillot9 10
.
Jean Zay soutient également le cinéma, soutient la naissance de la Cinémathèque française et
prévoit un statut pour le cinéma français, et crée le festival de Cannes11
.
Pour l’art dramatique, il décide de faire rénover la Comédie Française et y nomme Edouard
Bourdet, entouré de quatre metteurs en scène (dont trois du fameux Cartel des Quatre),
Gaston Baty, Charles Dullin, Louis Jouvet et Jacques Copeau.
8 Annales de la chambre des députés, XVIe législature, Deuxième partie, 1er juin 1936 – 31 mai 1942, p. 3545.
[Intervention de Jean ZAY devant la chambre des députés le 12 décembre 1936] 9 Paris, Exposition internationale des arts et techniques de 1937, base Mémoire de la Médiathèque de
l'Architecture et du Patrimoine, site www.mediatheque-patrimoine.culture.gouv.fr 10
Cf. Annexe 2 11
Laure SCIPION, Laissez-vous conter Jean Zay, Villes et Pays d’art et d’histoire dépliant patrimonial, Imprimerie Nouvelle, Orléans, 2014.
9
Il crée également la Réunion des Théâtres lyriques nationaux, le RTLN, qui est un
établissement public français dont l’objectif est d’assurer la gestion artistique et financière
conjointe de l'Opéra de Paris (Opéra Garnier) et de l'Opéra-Comique (salle Favart).
La politique culturelle de Jean Zay fut une politique dynamique et ambitieuse. Il prônait un
Etat plus interventionniste dans le domaine de la culture, par le biais d’aides publiques, de
subventions, de lois, etc. Tout cela en tentant de respecter les multiplicités culturelles et
artistiques. En cela, Jean Zay a ouvert le chemin aux grandes politiques culturelles de la
Libération, d’André Malraux et de Jack Lang.
Les esquisses de la décentralisation théâtrale institutionnelle furent amorcées à l'initiative de
Jean Zay, Ministre de l'Éducation Nationale du Front Populaire, dans le Rapport Dullin.
L’objectif social est au cœur du projet de politique culturelle. L’enjeu est de donner accès au
plus grand nombre à la culture. En effet, Jean-Richard Bloch dénonce déjà le scandale des
«trente-cinq millions d’exclus du théâtre»12
. La volonté de décentralisation est déjà présente,
plus communément nommée « popularisation théâtrale » ou « régions artistiques ».
2) Les tentatives de décentralisation
En 1937, le metteur en scène Charles Dullin dans un rapport destiné à Jean Zay,
préconise la mise en place de préfectures théâtrales pour diffuser le théâtre dans les provinces
françaises. Il s’agit pour Dullin de développer l’essor du théâtre dans d’autres grandes villes
de France, pour qu’il devienne accessible à tous, et non plus uniquement à la capitale. C’est le
début de la décentralisation théâtrale incitée par l’Etat.
La décentralisation globale se fait sur trois mises en œuvre.
La première est la décentralisation de l’art, autrement appelé aménagement culturel du
territoire. Avec la création d’un réseau des bibliothèques et des musées municipaux et
départementaux et la décentralisation théâtrale.
12
Jean-Richard Bloch, cité par P. Ory, in Le Front Populaire, aux sources d’une politique théâtrale publique, in Robert Abirached (sous la direction de), La Décentralisation théâtrale, tome 1
10
La seconde est orchestrée par une valorisation des collectivités pour aider dans le financement
des structures culturelles et artistiques.
La troisième est la décentralisation politique, initiée par les lois Deferre, qui donne aux
collectivités territoriales les compétences de l’Etat.
Cette volonté exprimée par le Front Populaire de resserrer le maillage territorial va de pair
avec un soutien appelé l’excellence artistique. L’excellence artistique se veut de proposer des
spectacles de très grande qualité, mit en scène par de grands metteurs en scène de l’époque.
Avec par exemple, la relance de grands spectacles et des représentations théâtrales dans des
lieux où le théâtre n’est habituellement pas représenté, comme au Théâtre d’hiver de Paris.
Le Front Populaire va également désigner des jours de fêtes théâtrales les jours fériés
nationaux tels que le 1er
aout, le 14 juillet, le 12 février et le 1er
mai. Ainsi, les villes pourront
choisir le jour de leur fête théâtrale et s’organiser pour créer leur fête théâtrale.
Le théâtre sert alors la cause de la gauche, en contre parti la gauche sert la cause du théâtre.
L’Etat apporte dès lors un soutien financier aux syndicats de la SFIO et de la CGT et aide les
jeunes compagnies théâtrales, toujours dans l’idée de soutien à la jeunesse.
De plus, cette politique culturelle de l’Etat du Front Populaire va avoir une assise très
importante sur les mouvements amateurs (troupes) qui sont en plein expansion.
Ces nouvelles compagnies se veulent service culturel et social, et ont pour mission d’être en
tournée 8 mois par an et de résider les 4 mois de l’année restants dans une région Française.
Jean Dasté avec Maurice Jacquemont, Pierre Barbier et André Barsacq fondent la Compagnie
des Quatre-saisons en 1937, avec laquelle ils présentèrent leurs pièces dans certaines villes de
France. Compagnie qui sera dirigée par André Barsacq13
.
André Barsacq mène alors sa troupe à travers les routes de France, à la rencontre de divers
publics tel que les cheminots ou les pêcheurs. La première représentation de la Compagnie
des Quatre-saisons à lieu en mai 1937 pour les cheminots du Réseau de l’Etat en forêt de
Rambouillet. La pièce présentée est le Médecin volant de Molière, pièce qui sera également
reprise à Paris sur le Pont-Neuf lors du 14 juillet 193714
.
13
LE THÉÂTRE DES « QUATRE-SAISONS », Revue Esprit, juillet 1937, cf. Annexes 3 14
Pierre-Aimé TOUCHARD, Les fêtes du 14 juillet, Revue Esprit, aout 1937, cf. Annexes 4
11
La compagnie jouera également à l’Exposition Universelle de Paris, où elle remportera un
grand succès avec la représentation de Le roi cerf de Carlo Gozzi15
.
La troupe d’André Barsacq rencontre un tel succès qu’elle est dès lors sollicité par le French
Theater de New York, où elle se produira durant la saison 1937-1938, avant de rentrer en
France fin 1938, ou André Brasacq mettra en scène une pièce de Jean Anouilh, Le bal des
voleurs.16
Léon Chancerel, acteur et metteur en scène a dans la même lignée influencé le théâtre amateur
et les méthodes de formation des acteurs à travers l'expression corporelle et l'improvisation.
La troupe crée par Léon Chancerel en 1929, les Comédiens Routiers, troupe amateur de
scouts ainés, fonde en 1937 le Théâtre de l’Oncle Sébastien, le premier théâtre artistique pour
l’enfance.
Grâce aux Comédiens routiers Jean Dasté a marqué la réformation dramatique française, par
son entreprenariat dans la diffusion théâtrale, mais également en y faisant naître les futurs
directeurs des premiers centres dramatiques nationaux que sont Hubert Gignoux ( qui en
1957, aura la direction du Centre dramatique de l'Est, le Théâtre National de Strasbourg)17
et
Maurice Jacquemont. Son enseignement fut diffusé en France grâce aux réseaux des scouts et
des mouvements de jeunesse.
Ces grands metteurs en scène que sont entre autres Jean Dasté, Maurice Jacquemont, Léon
Chancerel, André Barsacq, vont bouleverser les habitudes de jeu, par leur entreprise, il n’y à
plus comme a Paris d’acteur starifié, mais un théâtre de troupe. Ils reviennent vers un théâtre
plus populaire, font évoluer le jeu d’acteur vers un jeu plus naturel, et veulent tendre vers une
nouvelle esthétique théâtrale. Et cela, même après la fin du Front Populaire. Ils veulent
continuer à bouleverser et changer les codes et l’esthétique.
« Ce qui fait, je crois, la situation tout à fait particulière du théâtre français en 1938
c’est que nous ne renions rien de l’esthétique qu’on défendu ces metteurs en scène
(dans la mesure où ils ne l’ont pas reniée eux même), alors qu’eux, ils se sentaient
portés par une révolte sans réserve à provoquer l’écroulement du théâtre réaliste.
Nous ne les renions pas, nous servons les mêmes dieux... [...] Nous attendons
quelque chose encore. Et quoi. Si ce n’est, non plus une esthétique de la scène,
15
Pierre-Aimé TOUCHARD, A la classe 4 de l'Exposition : Le roi cerf, Revue Esprit, aout 1937, cf. Annexes 4 16
André Barsacq, Cinquante ans de théâtre, préface de Georges Le Rider, BNF, 1978 17
Strasbourg : décès d'Hubert Gignoux, premier directeur du TNS, lalsace.fr, 27 février 2008
12
mais une esthétique de l’œuvre. En un mot, nous souffrons de l’absence d’une
école, d’un grand élan en faveur d’une nouvelle vision dramatique de l’homme.
Nous avons Giraudoux, c’est entendu. Mais il est seul et doit demeurer seul »18
Grâce aux entreprises du Front Populaire, la scène contemporaine se réconcilie avec le grand
public, notamment avec la ligne de Gémier qui se préoccupe beaucoup du public. D’un autre
côté, on peut entrevoir une autre préoccupation des metteurs en scène qui se pose la question
de la ligne esthétique théâtrale et de rénovation de la langue avec des metteurs en scène tels
que Copeau.
Le Front Populaire aura permis en France dès 36, de lancer un mouvement de
popularisation de la culture, en ayant la volonté que l’art soit accessible à tous et pour tous.
Cependant, malgré les actions entreprises par ce dernier dans les domaines sociaux,
économiques et culturels, l’économie française reste fragile et les ressources de l’Etat ne
permettent pas de financer les théâtres et la culture à la hauteur de leurs espérances. Le
cabinet de Léon Blum est confronté à de graves difficultés économiques et financières et à
l'opposition croissante du patronat, inquiet de la persistance des troubles sociaux malgré les
réformes menées. Ainsi, le gouvernement Blum s’effondre définitivement en avril 1938.
Malgré tout, en 23 mois d’exercice, il aura permis le début d’un nouvel essor du théâtre
français, en le menant d’un pas vers la décentralisation théâtrale entre autre grâce au rapport
que Dullin avait fait à Jean Zay, les mouvement du théâtre populaire entrepris par les metteurs
en scène de l’époque et par les jeunes troupes théâtrales. Cette décentralisation sera
véritablement menée de front, après la Seconde Guerre mondiale par Jeanne Laurent, sous-
directrice aux spectacles et à la musique à la direction générale des Arts et Lettres dès 1946.
Jeanne Laurent impulsera alors la première politique d’Etat à vouloir ouvertement diffuser le
théâtre hors de Paris, en donnant un nouvel élan à la création tout en s’appuyant sur le réseau
déjà existant de l’éducation et de la culture populaire.
De grands acteurs actifs sous le gouvernement du Front Populaire comme Charles Dullin,
Louis Jouvet, Jean Dasté, Hubert Gignoux et Léon Chancerel, joueront un grand rôle dans
cette décentralisation théâtrale française. Les premiers Centre Dramatiques Nationaux ouvrent
leurs portes, suivis par d’autres lieux théâtraux dédiés aux autres arts vivants ainsi que des
festivals théâtraux, comme le fameux Festival d’Avignon crée par Jean Vilar en septembre
18
Les arts : Le théâtre, Revue Esprit, juillet 1938, cf. Annexes 5
13
1947, et perdurant encore aujourd’hui. L’idée est de se diriger de plus ne plus vers un théâtre
public et pour tous les publics.
Ainsi, nous pouvons nous demander aujourd’hui ce qu’aurai été le théâtre actuel sans les idées
novatrices et culturelles impulsées par le gouvernement du Front Populaire.
14
BIBLIOGRAPHIE
Catherine Faivre-Zellner, Firmin Gémier, Héraut du théâtre populaire, Presses universitaires
de Rennes, 2006
Chantal Meyer-Plantureux, préface de Pascal Ory, Théâtre populaire, enjeux politiques de
Jaurès à Malraux, Editions Complexe, 2006
Laure SCIPION, Laissez-vous conter Jean Zay, Villes et Pays d’art et d’histoire dépliant
patrimonial, Imprimerie Nouvelle, Orléans, 2014
Le Front Populaire, Encyclopédie en ligne Universalis
URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/front-populaire/
L’Appel de Jacques Copeau en 1913 pour la création d’un nouveau théâtre, Gallica,
Bibliothèque nationale de France
URL : http://multimedia.bnf.fr/visiterichelieu/grand/asp101.htm
Pierre-Aimé TOUCHARD, « CARTEL, théâtre », Encyclopædia Universalis [en ligne],
consulté le 7 janvier 2016.
URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/cartel-theatre/
Annales de la chambre des députés, XVIe législature, Deuxième partie, 1er juin 1936 – 31
mai 1942
Jean-Claude YON, Histoire culturelle de la France au XIXe siècle, Armand Colin, 2010
Romain Rolland, Le Théâtre du peuple, Editions Complexe, 2003
Laurent MARTIN, « La démocratisation de la culture en France. Une ambition obsolète ? » in
Démocratiser la culture. Une histoire comparée des politiques culturelles, sous la direction de
Laurent Martin et Philippe Poirrier, Territoires contemporains, nouvelle série - 5 - mis en
ligne le 18 avril 2013.
URL:http://tristan.u-
bourgogne.fr/CGC/publications/Democratiser_culture/Laurent_Martin.html
Strasbourg : décès d'Hubert Gignoux, premier directeur du TNS, lalsace.fr, 27 février 2008
URL :http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fwww.lalsace.fr%2Farticles%
2Fshow%3Fid%3D179587
15
Annexe 1 : Le Théâtre du Peuple de Maurice Pottecher - Bussang
Théâtre du Peuple – Vue extérieure – 1895
Théâtre du Peuple – Vue intérieure – 1920
17
Annexe 3 : Extrait de la revue Esprit de juillet 1937 - Les arts - Le théâtre : le théâtre des
« Quatre Saisons »
18
Annexe 4 : Extrait de la revue Esprit d’aout 1937- Les lettres, les arts : Le Théâtre, Les fêtes
du 14 juillet [et] - A la classe 4 de l'Exposition, Le Roi Cerf, par Pierre-Aimé TOUCHARD