[ttc7a, a critical effector for the intestinal and immune system homeostasis]

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médecine/sciences m/s n° 6-7, vol. 30, juin-juillet 2014 DOI : 10.1051/medsci/20143006000 médecine/sciences 2014 ; 30 : 000-00 NOUVELLES MAGAZINE 1 Glomerular Disease Therapeutics Laboratory, University of Alabama at Birmingham, UAB Division of Nephrology, THT 616, 1900 University Boulevard, Birmingham AL 35294, États-Unis. [email protected] Définition du syndrome néphrotique Le syndrome néphrotique est une maladie rénale touchant à l’intégrité structurelle et/ou fonctionnelle du glomérule. Le glomérule est constitué de cellules épi- théliales (les podocytes), d’un système endothélial capillaire fenêtré et d’une membrane basale glomérulaire (MBG). Une lésion des glomérules a pour consé- quence une augmentation de la perméa- bilité des capillaires pour les protéines (protéinurie). Les principales manifesta- tions du syndrome néphrotique incluent protéinurie (> 3 g/24h), hypoalbuminé- mie, œdèmes, hyperlipidémie (hypercho- lestérolémie et hypertriglycéridémie), et lipidurie. La néphropathie diabétique (ND), la néphropathie à lésions glomé- rulaires minimes (LGM), la glomérulos- clérose segmentaire et focale (FSGS), et la glomérulopathie extra-membraneuse (GEM) [11], maladies classées parmi les néphropathies glomérulaires [1], sont les causes majeures du syndrome néph- rotique. Malgré l’identification de pro- téines structurelles clés pouvant contri- buer à des défauts de la filtration rénale, la plupart des mécanismes à l’origine du syndrome néphrotique ne sont toujours pas élucidés. Nos travaux ont récemment montré que la protéine Angiopoietin- like-4 (Angptl4) pourrait jouer un rôle important dans certains mécanismes responsables du syndrome néphrotique. Présentation de l’angiopoïétine 4 (Angptl4) Angptl4 est une glycoprotéine sécrétée appartenant à la famille des protéines angiopoietin-like. Elle est exprimée par le tissu adipeux, le foie, le muscle sque- lettique, le cœur, et le placenta. C’est un inhibiteur connu de la lipoprotéine lipase (LPL), et donc un facteur d’hypertrigly- céridémie [2]. Elle joue également un rôle dans la formation des métastases [3], et est un facteur anti-apoptotique pour les cellules endothéliales vascu- laires [4]. ANGPTL4 est un gène cible des peroxisome proliferator-activated receptors (PPAR) D [5] et J [6], et la majorité de l’Angptl4 circulante chez les rongeurs est sécrétée par le foie sous une forme clivée, liée aux lipoprotéines de haute densité [7]. Nos travaux ont mon- tré une augmentation de l’expression d’Angptl4, au niveau des podocytes et dans le sérum, dans différents modèles animaux et chez des patients atteints de syndrome néphrotique. Angptl4 glomérulaire : implication dans le développement de la protéinurie Angptl4 est très fortement surexprimée au niveau glomérulaire dans la néphro- pathie à lésions glomérulaires minimes, et cela avant même l’apparition de la protéinurie. Nous avons montré, dans des modèles animaux mais également chez des patients atteints de néphro- pathie à lésions glomérulaires minimes, qu’Angptl4 est exprimée dans les podo- cytes, puis est sécrétée et traverse la membrane basale glomérulaire. Nous avons alors créé des rats transgéniques surexprimant Angptl4 spécifiquement au niveau des podocytes pour étu- dier le rôle de cette molécule dans le syndrome néphrotique [8] . Ces rats présentent plusieurs caractéristiques de néphropathie à lésions gloméru- laires minimes : protéinurie sélective et de niveau néphrotique (albuminurie augmentée de plus de 500 fois), perte de charges de la membrane basale glo- mérulaire et effacement des pédicelles des podocytes. Nous avons montré dans le modèle animal PAN (puromycin ami- nonucleoside) [9], un modèle expéri- mental de néphropathie à lésions glo- mérulaires minimes humaine, que cette augmentation de l’expression d’Angptl4 correspondait en fait à une augmen- tation de deux formes d’Angptl4 : une forme sialylée (normosialylée) et une forme présentant un déficit de sialyla- tion (hyposialylée). Nous avons cher- ché à déterminer l’implication possible de ce défaut de sialylation d’Angptl4 dans le phénomène de protéinurie. Pour répondre à cette question, nous avons supplémenté des rats transgéniques en N-acetyl-D-mannosamine (ManNAc), un précurseur de l’acide sialique. Chez les rats supplémentés en ManNAc, la sialylation de la protéine augmente et la protéinurie est réduite de plus de 40 %. Nous avons ensuite voulu savoir si l’absence d’Angptl4 pouvait avoir un effet bénéfique sur la protéinurie. Nous avons donc induit un modèle expérimen- tal de syndrome néphrotique chez des souris knock-out Angptl4 (Angptl4 -/- ), et montré que chez ces souris, la pro- téinurie était significativement réduite comparée à celle de souris contrôles. Ces résultats nous ont donc permis de Implication d’Angptl4 dans le syndrome néphrotique : une protéine à deux visages Camille Macé, Lionel C. Clement NOUVELLE

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médecine/sciences

m/s n° 6-7, vol. 30, juin-juillet 2014DOI : 10.1051/medsci/20143006000

médecine/sciences 2014 ; 30 : 000-00

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Glomerular Disease Therapeutics Laboratory, University of Alabama at Birmingham, UAB Division of Nephrology, THT 616, 1900 University Boulevard, Birmingham AL 35294, É[email protected]

Définition du syndrome néphrotiqueLe syndrome néphrotique est une maladie rénale touchant à l’intégrité structurelle et/ou fonctionnelle du glomérule. Le glomérule est constitué de cellules épi-théliales (les podocytes), d’un système endothélial capillaire fenêtré et d’une membrane basale glomérulaire (MBG). Une lésion des glomérules a pour consé-quence une augmentation de la perméa-bilité des capillaires pour les protéines (protéinurie). Les principales manifesta-tions du syndrome néphrotique incluent protéinurie (> 3 g/24h), hypoalbuminé-mie, œdèmes, hyperlipidémie (hypercho-lestérolémie et hypertriglycéridémie), et lipidurie. La néphropathie diabétique (ND), la néphropathie à lésions glomé-rulaires minimes (LGM), la glomérulos-clérose segmentaire et focale (FSGS), et la glomérulopathie extra-membraneuse (GEM) [11], maladies classées parmi les néphropathies glomérulaires [1], sont les causes majeures du syndrome néph-rotique. Malgré l’identification de pro-téines structurelles clés pouvant contri-buer à des défauts de la filtration rénale, la plupart des mécanismes à l’origine du syndrome néphrotique ne sont toujours pas élucidés. Nos travaux ont récemment montré que la protéine Angiopoietin-like-4 (Angptl4) pourrait jouer un rôle important dans certains mécanismes responsables du syndrome néphrotique.

Présentation de l’angiopoïétine 4 (Angptl4)Angptl4 est une glycoprotéine sécrétée appartenant à la famille des protéines

angiopoietin-like. Elle est exprimée par le tissu adipeux, le foie, le muscle sque-lettique, le cœur, et le placenta. C’est un inhibiteur connu de la lipoprotéine lipase (LPL), et donc un facteur d’hypertrigly-céridémie [2]. Elle joue également un rôle dans la formation des métastases [3], et est un facteur anti-apoptotique pour les cellules endothéliales vascu-laires [4]. ANGPTL4 est un gène cible des peroxisome proliferator-activated receptors (PPAR) [5] et [6], et la majorité de l’Angptl4 circulante chez les rongeurs est sécrétée par le foie sous une forme clivée, liée aux lipoprotéines de haute densité [7]. Nos travaux ont mon-tré une augmentation de l’expression d’Angptl4, au niveau des podocytes et dans le sérum, dans différents modèles animaux et chez des patients atteints de syndrome néphrotique.

Angptl4 glomérulaire : implication dans le développement de la protéinurieAngptl4 est très fortement surexprimée au niveau glomérulaire dans la néphro-pathie à lésions glomérulaires minimes, et cela avant même l’apparition de la protéinurie. Nous avons montré, dans des modèles animaux mais également chez des patients atteints de néphro-pathie à lésions glomérulaires minimes, qu’Angptl4 est exprimée dans les podo-cytes, puis est sécrétée et traverse la membrane basale glomérulaire. Nous avons alors créé des rats transgéniques surexprimant Angptl4 spécifiquement au niveau des podocytes pour étu-dier le rôle de cette molécule dans le

syndrome néphrotique [8]. Ces rats présentent plusieurs caractéristiques de néphropathie à lésions gloméru-laires minimes : protéinurie sélective et de niveau néphrotique (albuminurie augmentée de plus de 500 fois), perte de charges de la membrane basale glo-mérulaire et effacement des pédicelles des podocytes. Nous avons montré dans le modèle animal PAN (puromycin ami-nonucleoside) [9], un modèle expéri-mental de néphropathie à lésions glo-mérulaires minimes humaine, que cette augmentation de l’expression d’Angptl4 correspondait en fait à une augmen-tation de deux formes d’Angptl4 : une forme sialylée (normosialylée) et une forme présentant un déficit de sialyla-tion (hyposialylée). Nous avons cher-ché à déterminer l’implication possible de ce défaut de sialylation d’Angptl4 dans le phénomène de protéinurie. Pour répondre à cette question, nous avons supplémenté des rats transgéniques en N-acetyl-D-mannosamine (ManNAc), un précurseur de l’acide sialique. Chez les rats supplémentés en ManNAc, la sialylation de la protéine augmente et la protéinurie est réduite de plus de 40 %. Nous avons ensuite voulu savoir si l’absence d’Angptl4 pouvait avoir un effet bénéfique sur la protéinurie. Nous avons donc induit un modèle expérimen-tal de syndrome néphrotique chez des souris knock-out Angptl4 (Angptl4-/-), et montré que chez ces souris, la pro-téinurie était significativement réduite comparée à celle de souris contrôles. Ces résultats nous ont donc permis de

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glomérulosclérose segmentaire et focale, et glomérulopathie extra-membra-neuse), la concentration plasmatique d’Angptl4 est plus importante que chez les sujets sains. Nous avons montré que c’était également le cas dans différents modèles animaux. Nous avons donc cher-ché à élucider le rôle de l’Angptl4 circu-lante dans le syndrome néphrotique en

serait responsable de l’implication de la protéine dans la protéinurie.

Angptl4 circulante : diminution de la protéinurie mais développement d’une hypertriglycéridémieChez les patients atteints de cer-taines maladies rénales (néphropa-thie à lésions glomérulaires minimes,

conclure qu’Angptl4 jouerait un rôle clé dans le syndrome néphrotique, et que la sialylation de la protéine serait un facteur important. En effet, lors d’une augmentation importante de l’expres-sion d’Angptl4 au niveau du podocyte, la cellule serait dans l’incapacité de sialyler la totalité de l’Angptl4 sécré-tée. Cette forme hyposialylée d’Angptl4

Figure 1. Rôles d’Angptl4 dans le syndrome néphrotique. A. Schéma représentant la production de la protéine Angptl4 circulante et ses effets biologiques. Cette forme circulante d’Angptl4, normosialylée, est sécrétée par des tissus périphériques (principalement muscle squelettique, cœur et tissu adipeux) dans les néphropathies à lésions glomérulaires minimes, glomérulosclérose segmentaire et focale, et glomérulopathie extra-membraneuse. De plus, dans la néphropathie à lésions glomérulaires minimes, les podocytes sécrètent deux formes d’Angptl4 : une forme hyposia-lylée qui reste confinée dans le rein et induit une protéinurie, et la forme normosialylée qui entre dans la circulation. L’Angptl4 circulante se lie à l’intégrine v 5 au niveau de l’endothélium glomérulaire pour réduire la protéinurie, ou inactive la LPL au niveau du muscle squelettique, du cœur et du tissu adipeux pour réduire l’hydrolyse des triglycérides plasmatiques en AGL, induisant une hypertriglycéridémie. Une partie d’Angptl4 et de la LPL (lipoprotéine llipase) sont perdues dans les urines. B. Schéma illustrant les boucles de régulation liant la protéinurie, l’hypoalbuminémie et l’hypertriglycéridémie médiées par Angptl4 et les AGL (acides gras libres). Les AGL plasmatiques sont liés à l’albumine par des liaisons non cova-lentes, et à cause d’une perte privilégiée d’albumine pauvre en AGL lors de la protéinurie, l’albumine riche en AGL est retenue dans la circulation. Lors de la progression de la maladie glomérulaire et de l’augmentation de la protéinurie, une hypoalbuminémie se développe. Cette hypoalbuminé-mie, associée à la rétention de l’albumine riche en AGL, entraîne une augmentation du rapport plasmatique AGL sur albumine. Ces AGL disponibles étant augmentés, ils pénètrent dans le muscle squelettique, le cœur et le tissu adipeux pour induire une augmentation de l’expression d’Angptl4, médiée au moins en partie par les PPAR. L’Angptl4 sécrétée par ces tissus participe à deux boucles de régulation. Dans la boucle générale, elle se lie à l’intégrine v 5 au niveau de l’endothélium glomérulaire et réduit la protéinurie. Dans la boucle locale, elle inhibe l’activité de la LPL dans ces mêmes tissus périphériques pour réduire le captage des acides gras libres, court-circuitant ainsi le stimulus menant à l’augmentation de son expression. (Adapté de [10])

A B

LGM

GEM

FSGS

Tissu adipeux,Muscle squelettique,

Cœur

Podocyte

MBG

Endothliuméfenêtré

Capillaire glomérulaire

Angptl4 hyposialylée

Angptl4 sialylée d'origine périphérique

Intégrine v 5

LPL activeLPL inactive

Majorité de l’Angptl4 sécrétée par le podocyte

Angptl4 sialylée sécrétée par le podocyte

Albumine pauvre en AGL

Albumine riche en AGL

Maladie glomérulaire

Protéinurie

Hypoalbuminémie

Perte urinaire d’albumine pauvre en AGL

Ratio plasmatique AGL/albumine élevé

Augmentation de l’Angptl4 dans le musclesquelettique, le cœur, le tissu adipeux

Angptl4 circulante augmentée

Angptl4 inhibel’activité de la LPL

liée à l’endothélium

Angptl4 liel’intégrine v 5

au niveau de l’emdothélium

glomérulaire Production réduited’AGL à partir

des triglycérides

Hypertriglycéridémie

Seuil protéinurique de niveau néphrotique

Entrée accrue d’AGL dans les tissus

(-)

(-)

BOUCLEGÉNÉRALE

BOUCLELOCALE

Albumine circulante riche en AGL

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LIENS D’INTÉRÊTLes auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

RÉFÉRENCES

1. Habib R. Classification anatomique des néphropathies glomérulaires. Päd Fortbildk Praxis 1970 ; 28 : 3-47.

2. Yoshida K, Shimizugawa T, Ono M, Furukawa H. Angiopoietin-like 4 is a potent hyperlipidemia-inducing factor in mice and inhibitor of lipoprotein lipase. J. Lipid Res 2002 ; 43 : 1770-2.

3. Padua D, Zhang XH, Wang Q, et al. TGF primes breast tumor for lung metastasis seeding through angiopoietin-like 4. Cell 2008 ; 133 : 66-77.

4. Kim I, Kim HG, Kim H, et al. Hepatic expression, synthesis and secretion of a novel fibrinogen/angiopoietin-related protein that prevents endothelial-cell apoptosis. Biochem J 2000 ; 346 : 603-10.

5. Kersten S, Mandard S, Tan NS, et al. Characterization of the fasting-induced adipose factor FIAF, a novel peroxisome proliferator-activated receptor target gene. J Biol Chem 2000 ; 275 : 28488-93.

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7. Mandard S, Zandbergen F, van Straten E, et al. The fasting-induced adipose factor/angiopoietin-like protein 4 is physically associated with lipoproteins and governs plasma lipid levels and adiposity. J Biol Chem 2006 ; 281 : 934-44.

8. Clement LC, Avila-Casado C, Macé C, et al. Podocyte-secreted Angiopoietin-like-4 mediates proteinuria in glucocorticoid-sensitive nephrotic syndrome. Nat Med 2011 ; 17 : 117-22.

9. Chugh SS, Clement LC, Macé C. New insights into human minimal change disease : lessons from animal models. Am J Kidney Dis. 2012 ; 59 : 284-92.

10. Clement LC, Macé C, Avila-Casado C, et al. Circulating angiopoietin-like 4 links proteinuria with hypertriglyceridemia in nephrotic syndrome. Nat Med. 2014 ; 20 : 37-46.

11. Girard C, Seitz-Polski B, Dolla G, et al. Nouveaux rôles physiopathologiques pour le réceptuer PLA2R1 dans le cancer et la glomérulonéphrote extramembraneuse. Med Sci (Paris) 2014 ; 30 : sous presse.

avons construit des formes mutantes d’Angptl4. Leur efficacité est remar-quable puisqu’une seule injection permet de réduire la protéinurie de 65 % pendant une durée de deux semaines chez les rats néphrotiques des modèles de gloméru-losclérose segmentaire et focale et de néphropathie diabétique, sans dévelop-pement d’hypertriglycéridémie.

Conclusion et perspectivesNous avons donc montré qu’Angptl4 contribue à la protéinurie lorsqu’elle est hyposialylée et sécrétée par les podo-cytes, qu’elle s’y oppose lorsqu’elle est sialylée et circulante, et qu’elle fait le lien, à travers deux boucles de régula-tion, entre protéinurie et hypertriglycé-ridémie dans le syndrome néphrotique (Figure 1). Les thérapies actuellement utilisées pour traiter les désordres liés à la protéinurie ont été empruntées à d’autres domaines de la médecine, et elles ne sont que partiellement effi-caces. La découverte d’un rôle méca-nistique central joué par deux formes différentes d’Angptl4 dans les maladies glomérulaires humaines et expérimen-tales ouvre de nouvelles stratégies de traitement. Les interventions sur ces deux formes d’Angptl4 sont promet-teuses et représentent une nouvelle génération d’agents thérapeutiques pour les maladies rénales liées à des désordres glomérulaires. ‡

Role of Angptl4 in nephrotic syndrome: a two-faced protein

utilisant des rats transgéniques surexpri-mant Angptl4 spécifiquement au niveau du tissu adipeux et sécrétant la protéine dans la circulation générale [10]. Ces rats n’ont pas de protéinurie, mais ils développent une hypertriglycéridémie. Celle-ci est absente lorsque le syndrome néphrotique est induit chez des souris Angptl4-/-, soulignant le rôle important de la protéine dans le développement de cette hypertriglycéridémie. Nous avons montré que des organes périphériques (tissu adipeux, muscle squelettique, cœur, foie) répondent à une augmen-tation de la protéinurie et du rapport acides gras libres (AGL)/albumine dans le sang par une surexpression d’Angptl4 circulante. Cette protéine circulante va tout d’abord se lier à l’intégrine v 5 au niveau de l’endothélium glomérulaire pour induire une boucle de régulation générale dont le but est de contrer la protéinurie. En effet, le blocage de l’inte-raction Angptl4-intégrine v 5, ou bien l’absence d’Angptl4 ou de l’intégrine

v 5 (modèles animaux knock-out), ralentissent la diminution de la protéi-nurie. L’Angptl4 circulante participe éga-lement à une boucle de régulation locale répondant à sa propre surexpression. Elle inhibe l’activité de la lipoprotéine lipase, ce qui réduit l’hydrolyse des tri-glycérides en AGL qui, moins disponibles, ne seront alors plus à même d’induire l’expression d’Angptl4 par ces tissus périphériques. Dans le but de réduire la protéinurie tout en évitant le dévelop-pement d’une hypertriglycéridémie, nous

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Le VIH-2 révèle un mécanisme antiviral de détection par l’immunité innéeXavier Lahaye, Nicolas Manel

Institut Curie, Inserm U932, 12, rue Lhomond, 75005 Paris, [email protected]

Le VIH-2, un virus naturellement contrôléLors d’une infection par le lentivirus VIH-1 (virus de l’immunodéficience humaine-1), une réponse immunitaire est induite, mais celle-ci n’est pas suf-fisamment protectrice chez la plupart des individus infectés [11,12]. La pro-gression vers le stade Sida (syndrome d’immunodéficience acquise) est géné-ralement inévitable en l’absence d’un traitement antirétroviral. En revanche, le lentivirus apparenté VIH-2 est moins pathogène que le VIH-1. Il est admis que les trois quarts des patients infectés par le VIH-2 ne progresseront pas vers le stade Sida au cours de leur vie. De plus, le foyer principal d’infection VIH-2 est restreint à l’Afrique de l’Ouest, alors que le VIH-1 est pandémique. La trans-mission du VIH-2 entre individus semble donc moins efficace que celle du VIH-1. Comment expliquer ces différences ? In vitro, le VIH-1 ne se multiplie pas plus efficacement que le VIH-2. Le VIH-2 est même capable d’utiliser davantage de récepteurs d’entrée cellulaire que le VIH-1. In vivo, le contrôle de la réplica-tion du VIH-2 est associé à une réponse immunitaire adaptative accrue com-parée à celle qu’induit le VIH-1 [1]. De plus, chez les individus co-infectés par le VIH-1 et le VIH-2, la présence du VIH-2 procure un bénéfice qui retarde la progression vers le stade Sida en com-paraison des patients infectés par le VIH-1 seul. Ceci suggère qu’il existerait une meilleure réponse immunitaire diri-gée contre le VIH-2. Un objectif majeur du combat contre le VIH est donc de comprendre comment le VIH-1 et le

VIH-2 diffèrent dans leur capacité à induire des réponses immunitaires.Au sein du système immunitaire, les cellules dendritiques (DC) jouent un rôle essentiel d’orchestrateur. En effet, elles associent la détection des pathogènes par les mécanismes de l’immunité innée à l’amorçage du système immunitaire adaptatif. Cette détection requiert la reconnaissance d’entités moléculaires associées aux pathogènes et conduit à l’activation des cellules dendritiques. Dans le cas du VIH-1 et du VIH-2, il était connu que les cellules dendritiques sont des cibles de l’infection par le virus, au même titre que les lymphocytes T CD4+ et les macrophages. Nous avons donc cherché à comprendre si les cel-lules dendritiques pouvaient détecter le VIH-1 et le VIH-2.

Détection du VIH-1 et du VIH-2 par les cellules dendritiquesNous savions que le VIH-1 et le VIH-2 différaient dans leur capacité à infec-ter les cellules dendritiques efficace-ment. En effet, l’infection VIH-1 des cellules dendritiques est peu efficace du fait de l’activité d’une protéine cellulaire, SAMHD1 (SAM [sterile alpha motif] domain and HD domain-contai-ning protein 1), qui inhibe l’étape de transcription inverse du génome du VIH-1 [2, 3, 13, 14] (Figure 1A). Le VIH-2 code pour la protéine accessoire Vpx, absente du VIH-1, qui possède la faculté d’induire la dégradation de SAMHD1. Ceci permet une transcription inverse efficace du VIH-2 dans les cel-lules dendritiques (Figure 1B). Comment l’infection efficace des cellules dendri-

tiques par le VIH-2 peut-elle influencer la réponse immunitaire ? Nous avons montré que lors de l’infection des cel-lules dendritiques par le VIH-2, le virus est reconnu et une réponse immunitaire innée est induite, alors que l’infection par le VIH-1 n’est pas assez efficace pour induire cette réponse [4, 5]. En complémentant le VIH-1 avec la pro-téine Vpx, la résistance à l’infection des cellules dendritiques est contour-née. Dans ce contexte, le VIH-1 induit alors une réponse immunitaire innée. Ces résultats démontrent qu’il existe un mécanisme de reconnaissance cryp-tique du VIH-1 dans les cellules dendri-tiques, auquel le virus échappe parce qu’il infecte faiblement les cellules dendritiques. Bien que les cellules den-dritiques soient infectées par le VIH-1 en présence de Vpx, ce mécanisme semble globalement bénéfique : nos résultats ont en effet montré qu’il per-met d’activer les lymphocytes T CD4+ et CD8+ plus fortement. De plus, ce mécanisme de détection induit un effet antiviral dans des lymphocytes T CD4+ non infectés adjacents, via la produc-tion d’interféron (IFN) de type I qui protège ces cellules de l’infection par le virus.

La capside régule la reconnaissance de l’ADN viralPar quels mécanismes les cellules den-dritiques peuvent-elles reconnaître le VIH-1 et le VIH-2 lorsque la restriction par SAMHD1 est levée ? Nos résultats sur le VIH-1 ont établi que, en présence de Vpx, l’infection productive par le virus, et notamment l’expression de

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VIH-2

VIH-1Noyau

- Pas de détection du virus- Pas d’activation de l’immunité innée- Pas de réponse antivirale

- Détection du virus- Activation de l’immunité innée- Induction d’une réponse antivirale

Cellule Dendritique

ADN viral

Dégradation de SAMHD1

Transcription Inverse inhibée

Vpx

ARN viral

Capside virale

Cytoplasme

CypA

SAMHD1

A

B

Figure 1. Le VIH-1 échappe à la détection par les cellules dendritiques alors que le VIH-2 est reconnu. A . Lorsque le VIH-1 infecte les cellules den-dritiques, en l’absence de Vpx, la transcription inverse est limitée par SAMHD1, et le virus échappe à la détection innée. B. Le VIH-2 contient Vpx qui induit la dégradation de SAMHD1 et permet une transcription inverse efficace de l’ADN viral dans les cellules dendritiques. La capside virale et son interaction avec la CypA déterminent si cet ADN va être reconnu ou s’il va échapper à la détection. Si l’ADN est reconnu, l’immunité innée est activée et une réponse antivirale est induite.

la protéine de capside virale dans les cellules dendritiques, est nécessaire. De plus, nous avons démontré que l’inte-raction de la capside avec la protéine cellulaire prolyl-isomérase cyclophiline A (CypA) joue un rôle essentiel [4]. Tou-tefois, l’expression de la capside virale est nécessaire, mais non suffisante, pour induire une réponse des cellules dendritiques. Le mécanisme de détec-tion et d’activation restait à détermi-ner. Nous nous sommes focalisés sur le mécanisme de reconnaissance du VIH-2 [6]. Nous avons analysé le rôle de la capside du VIH-2 en modifiant son affi-nité pour la CypA. Nous avons identifié un mutant du VIH-2 présentant un phé-notype inattendu : le mutant VIHac-2 (dont l’affinité entre la capside et la CypA est augmentée) est capable d’in-duire une réponse immunitaire innée dans les cellules dendritiques, sans que celles-ci ne soient infectées de façon productive. Ce virus nous a permis de démontrer que c’est l’ADN viral du VIH-

2, après transcription inverse, alors qu’il est présent dans le cytosol avant son import nucléaire et son intégra-tion dans le génome cellulaire, qui est reconnu par les cellules dendritiques (Figure 2). Nous avons ensuite modifié la capside du VIH-1 de manière ana-logue (virus VIHac-1) de telle sorte que le virus active les cellules dendritiques, mais sans infection productive. Ainsi, l’expression de la capside virale du VIH-1 dans les cellules dendritiques n’est plus nécessaire pour la recon-naissance innée. Dans l’ensemble, nos résultats montrent que la capside virale joue un rôle régulateur, puisque c’est elle qui détermine si l’ADN viral va être reconnu par les cellules dendritiques, ou s’il va échapper à cette reconnais-sance. Des observations analogues ont été rapportées par une autre équipe dans le cas de l’infection de macro-phages [7]. Cependant, le mécanisme moléculaire mis en jeu par la capside est encore mal compris.

L’ADN viral est reconnu par cGASComment l’ADN viral est-il reconnu par les cellules dendritiques ? La capacité de l’ADN cytosolique à stimuler l’immu-nité innée a été décrite en 1993 par Stacey, Ross et Hume [8], mais ce n’est que récemment que les mécanismes de reconnaissance de cet ADN ont été décryptés. De nombreux récepteurs cyto-soliques de l’ADN ont été identifiés [9]. Dans le cas de la reconnaissance du VIH dans les cellules dendritiques, nous avons montré que l’AMP-GMP cyclique synthase (cGAS, ou cyclic GMP-AMP syn-thase) est essentielle (Figure 2). Ces résultats sont conformes à ceux récem-ment obtenus dans une lignée monocy-taire humaine transformée (THP-1) [10]. La reconnaissance de l’ADN cytosolique par cGAS déclenche la production de cGAMP (2’-3’-GMP-AMP cyclique). Le cGAMP joue le rôle de second messager et lie son récepteur STING (stimulator of interferon genes), résident dans le réti-culum endoplasmique. En présence de

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cGAMP

ADN viral

+GTP

ATP GMP AMP

GMP AMP

cGAS

IRF3

NF B

STING

Réticulum Endoplasmique

Figure 2. Modèle de détection de l’ADN viral du VIH par les cellules dendritiques. La protéine cGAS détecte l’ADN viral et synthétise le second mes-sager cGAMP. cGAMP se lie à STING et active les facteurs de transcription IRF3 et NF B, conduisant à l’activation d’une réponse innée antivirale caractérisée par la production d’interféron de type I et à l’expression de molécule de costimulation.

cGAMP, STING se dimérise, ce qui conduit à l’activation des facteurs de transcrip-tion IRF3 (interferon regulatory factor 3) et NF B, à la production d’IFN de type I et, dans les cellules dendritiques, à l’expression de molécule de costimula-tion (Figure 2).

PerspectivesIl pourrait être bénéfique de manipuler cette réponse immunitaire innée chez les patients infectés afin d’améliorer l’immunité anti-VIH-1. Nous avons mon-tré à partir d’échantillons sanguins de patients infectés par le VIH-1 que le traitement de cellules dendritiques avec le VIHac-1 non réplicatif induit, par comparaison avec le VIH-1, une meil-leure activation des lymphocytes T CD8+. Il serait intéressant de déterminer le comportement de tels virus non répli-catifs activateurs dans des modèles in vivo. Enfin, en raison de la découverte du rôle de cGAS, il est envisageable de manipuler directement cette protéine et son produit, le cGAMP, afin d’induire une réponse immunitaire antivirale. En conclusion, nos travaux ont permis

d’identifier un nouveau mécanisme de reconnaissance innée du VIH-1 et du VIH-2 par les cellules dendritiques. Le VIH-1 échappe normalement à cette réponse, alors que le VIH-2 l’active. Ceci offre un parallèle captivant avec la différence de pathogénicité de ces deux virus chez les patients infectés. L’étude des interactions entre le VIH-2 et le sys-tème immunitaire offre donc un modèle unique pour comprendre la plus faible pathogénicité de ce virus. ‡HIV 2 reveals an antiviral mechanism of detection by innate immunity

REMERCIEMENTSNous remercions Philippe Benaroch pour la relecture de cette nouvelle.

LIENS D’INTÉRÊTLes auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

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1 UMRS Inserm U1050 CNRS 7241, Collège de France, Center for Interdisciplinary Research in Biology (CIRB), 11 place Marcelin Berthelot, 75005Paris, France ;2 service de cardiologie, AP-HP, hôpital Bichat, Paris, France ;3 équipe labellisée Ligue contre le cancer ; 4 service de neurologie et unité de neuro-vasculaire, hôpital Foch, Suresnes, France ;5 service de pathologie, AP-HP, hôpital Saint-Louis, Paris, [email protected]

Accidents vasculaires cérébraux : des progrès dans la prise en charge mais peu de solution thérapeutiqueL’accident vasculaire cérébral (AVC) est une cause majeure de morbi-mortalité dans le monde : 15 millions de personnes souffrent d’AVC chaque année, cinq mil-lions en meurent et cinq millions en gardent des séquelles handicapantes. Dans les pays civilisés, malgré une nette amélioration de la santé générale de la population, observée aussi bien chez les hommes que les femmes, ayant permis de réduire de 35,8 % le taux relatif de mortalité suite à un accident vasculaire cérébral et de 22,8 % le nombre total de morts, environ 795 000 personnes souffrent d’un AVC ischémique (occlu-sion d’une artère cérébrale) ou hémor-ragique chaque année aux États-Unis, soit un AVC toutes les 40 secondes et un mort toutes les 4 minutes [1]. Chez 610 000 de ces patients, il s’agit d’un premier événement, mais chez 185 000 d’un événement récurrent. Toujours aux États-Unis, l’AVC est la 4e cause de mor-talité, responsable de un décès sur 19 en 2013 [1].Malgré (1) des progrès considérables dans le contrôle des facteurs de risque vasculaire (hypertension artérielle prin-cipalement mais aussi diabète, taux élevé de cholestérol et tabac [2]) et la prise en charge des patients, et (2) les efforts pour développer de nouveaux agents pharmacologiques pour le traite-ment de l’AVC ischémique, la seule thé-rapeutique actuelle est la thrombolyse

par voie intraveineuse [22, 23]. Son efficacité est démontrée depuis 1976 avec les premiers essais de l’urokinase [3]. Le premier essai randomisé positif de thrombolyse utilisant l’activateur tissulaire du plasminogène (tissue plas-minogen activator recombinant, rtPA) a été publié en 1995 ; l’analyse des résultats montrait une augmentation de 12 % en valeur absolue (32 % en valeur relative) du nombre de patients n’ayant que peu ou pas de séquelles neurolo-giques dans le groupe rtPA par rapport au groupe ayant reçu un placebo [4, 5]. Depuis 2006, le rtPA est toujours la seule molécule approuvée par la food and drug administration (FDA) pour le traitement de l’AVC ischémique. Idéalement, il doit être administré dans les trois heures sui-vant l’apparition des symptômes, avec une extension possible jusqu’à quatre heures et demie [6, 7]. Cependant, l’ac-cès au rtPA est limité par de nombreuses contre-indications – peu de patients peuvent en bénéficier –, et par le risque de complications hémorragiques [8].En dépit d’essais cliniques encoura-geants, les dernières études ne montrent pas de bénéfices à administrer de manière concomittante plusieurs agents anti-thrombotiques, ni à coupler la thrombolyse à une procédure de reper-fusion mécanique [9]. En effet, malgré l’accord exceptionnel de la FDA pour l’utilisation de dispositifs de thrombec-tomie, il n’existe pas à l’heure actuelle suffisamment d’arguments pour modi-fier les recommendations officielles, ce

qui requiert des résultats positifs dans deux essais cliniques randomisés. De nouvelles stratégies de prévention et de traitement sont donc essentielles [5].

L’effet protecteur de l’angiopoïétine-like 4 sur l’intégrité vasculaire lors de la reperfusionAu cours de l’AVC, l’occlusion d’une artère cérébrale conduit, via la réduction du flux artériel qui en résulte, à l’isché-mie du territoire cérébral vascularisé par cette artère et à la nécrose de ce territoire si la reperfusion vasculaire (et donc le flux) n’est pas rapidement res-taurée. Si l’ischémie cérébrale conduit à la rupture de la barrière hémato-encé-phalique (BHE), la reperfusion brutale entraîne elle aussi des lésions (dites lésions d’ischémie-reperfusion) dont l’une des conséquences est la perte d’in-tégrité de cette BHE. L’altération de la BHE favorise l’infiltration de cellules pro-inflammatoires délétères, l’afflux d’espèces réactives de l’oxygène et la survenue d’un oedème cérébral et de complications hémorragiques cérébrales secondaires, causes majeures de morbi-mortalité. La préservation de la BHE est donc un enjeu médical important qui doit inciter au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques.Dans ce contexte, nous avons récem-ment montré que l’angiopoïétine-like 4 (ANGPTL4) module la perméabilité endothéliale après ischémie/reperfu-sion myocardique ou cérébrale [10, 11] et représente donc une nouvelle

Protection de l’intégrité vasculaire à la reperfusion au cours de l’accident vasculaire cérébralClaire Bouleti1,2,3, Thomas Mathivet1, Bertrand Lapergue4, Catherine Monnot1,3, Stéphane Germain1,3,5

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les dépenses de santé (coûts directs : médecins et autres professionnels, les services hospitaliers, les médicaments prescrits, les soins de santé à domicile) et la perte de productivité qui résultent de la mortalité prématurée (coûts indirects). Par comparaison, le coût estimé de tous les cancers et tumeurs bénignes était de 201,5 milliards US$ (77,4 milliards US$ en coûts directs, et 124 milliards US$ en coûts indirects) [1]. Ces chiffres soulignent que nous avons désespérément besoin de nou-velles thérapies pour combattre l’AVC dont la prévalence pourrait augmenter à nouveau avec le vieillissement de la population. ‡Protection of vascular integrity in reperfusion during stroke

LIENS D’INTÉRÊTLes auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

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ANGPTL4 : quelle perspective pharmacologique ?Ainsi, ANGPTL4 aurait un potentiel thé-rapeutique original au cours de l’AVC par protection de l’intégrité vasculaire au cours de la reperfusion. Cette étude a néanmoins des limites: (1) ces résultats ont été obtenus chez la souris saine, alors que l’AVC se produit essentielle-ment dans le contexte de différents fac-teurs de risque et donc de pathologies et traitements complexes ; (2) la taille de l’infarctus cérébral et les déficits neuro-logiques n’ont été évalués qu’après 24h de reperfusion.Néanmoins, ANGPTL4 constitue la pre-mière cible pharmacologique interve-nant dans la protection de l’intégrité vasculaire lors de la reperfusion au cours de l’AVC. Rappelons que le coût total (direct et indirect) des maladies cardiovasculaires et de l’AVC aux États-Unis a été estimé à 315,4 milliards US$ pour l’année 2010. Ce chiffre comprend

cible thérapeutique pour le traitement de l’AVC. L’ANGPTL4 appartient à la superfamille des angiopoïétines et son récepteur est à ce jour toujours inconnu. Son expression est induite par l’hypoxie lors des accidents vasculaires ichémiques [10, 11] et en pathologie tumorale [12-14]. C’est une protéine de 55 kDa contenant un domaine coi-led-coil amino-terminal (CCD) et un domaine fibrinogène-like (FLD) car-boxy-terminal. ANGPTL4 interagit avec la matrice extracellulaire [15] et est protéolysée par des enzymes de type furine, générant deux fragments de 20 kDa et 35 kDa contenant le CCD et le FLD respectivement [16]. Son rôle dans la modulation de la perméabi-lité vasculaire semble être dépendant du contexte [17, 18]. ANGPTL4 joue aussi un rôle important de régulation du métabolisme par inhibition de la lipoprotéine lipase ancrée à la sur-face des cellules endothéliales selon un mécanisme lui aussi débattu [19, 20] (!).

Mécanismes d’action de ANGPTL4Chez la souris, dans un modèle d’isché-mie transitoire (une heure) de l’artère cérébrale moyenne suivie de 24 heures de reperfusion, nous avons récemment montré un effet protecteur d’ANGPTL4. Le maintien de l’intégrité vasculaire, régulée par les protéines des jonctions serrées (Claudine-5) et adhérentes (VE-cadhérine) est en effet un enjeu majeur au cours des pathologies ischémiques car elle prévient la fuite vasculaire, l’oedème et les dommages tissulaires [21]. L’injection de la protéine recom-binante ANGPTL4 à la phase aiguë de l’AVC inhibe l’atteinte de ces jonctions et diminue la formation d’oedème. Cette protection s’accompagne d’une diminu-tion de la taille de l’infarctus cérébral et du déficit neurologique à 24 h [11].Sur le plan mécanistique, ANGPTL4 agit comme un frein sur la signalisation de la kinase Src en aval du récepteur de type 2 du VEGF (vascular endothelial growth

(!) Voir la Nouvelle de C. Macé et L. Clément, page XXX de ce numéro

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La maladie d’Alzheimer, un problème de trafic endosomal dans les neurones ?Virginie Buggia-Prévot

The University of Chicago, Department of Neurobiology, Chicago, IL, 60637, É[email protected]

> La maladie d’Alzheimer est la pre-mière cause de démence et touche une proportion – qui croît de façon alar-mante – de la population âgée de plus de 65 ans. Cependant, il n’existe aucun traitement efficace pour guérir cette maladie neurodégénérative affectant la mémoire, qui devient un problème socio-économique majeur dans les pays développés. La recherche de nouvelles cibles thérapeutiques est donc cruciale pour une meilleure compréhension de la maladie d’Alzheimer, première étape pour élaborer de nouvelles stratégies thérapeutiques. Deux types majeurs de lésions sont observés dans le cer-veau des patients atteints de la mala-die d’Alzheimer : les dégénérescences neurofibrillaires et les plaques séniles constituées d’agrégats extracellulaires du peptide amyloïde A . Il a été ample-ment démontré que la surproduction du peptide amyloïde est toxique pour les neurones et contribue largement aux troubles cognitifs associés à la maladie. Une des raisons de cette surproduction est une augmentation de l’interaction

physique entre le précurseur du pep-tide amyloïde, APP (amyloid precur-sor protein), et de l’enzyme limitante de sa production, la bêta secrétase BACE1, dont l’expression est augmentée dans le cerveau des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Depuis sa découverte en 1999, BACE1 a fait l’objet d’innombrables travaux et l’industrie pharmaceutique a été à l’origine de nombreux essais cliniques utilisant des molécules bloquant l’activité enzyma-tique de BACE1 dans l’espoir de corriger la surproduction anormale de peptide amyloïde. Mais l’inhibition de l’activité enzymatique de BACE1 est probléma-tique car l’enzyme n’a pas comme seul substrat le peptide amyloïde : elle clive aussi d’autres protéines nécessaires au bon fonctionnement du cerveau, et son inhibition pourrait induire des effets secondaires nuisibles.

Les endosomes, lieu de production du peptide amyloïdePlusieurs études sur des systèmes cellu-laires non neuronaux ont démontré que

le peptide amyloïde est produit dans les endosomes, un organite intracellu-laire au pH acide dans lequel l’activité de BACE1 est optimale. BACE1 et APP sont des protéines transmembranaires, qui, une fois synthétisées, sont trans-portées à la surface cellulaire (voie de sécrétion) puis ré-internalisées dans les endosomes, véritable plate-forme de tri des protéines et déterminante pour leur devenir au sein de la cellule. A partir des endosomes, APP et BACE1 peuvent retourner à la surface de la cel-lule (recyclage), être dégradées (dans les lysosomes), ou être redirigées dans d’autres compartiments cellulaires. Les endosomes sont constitués de nom-breuses vésicules très mobiles dans la cellule. Il semblerait que ce transport extrêmement dynamique permette à BACE1 d’être séparée physiquement d’APP en conditions physiologiques, et ce même si ces protéines empruntent les mêmes voies de transport. Il a été démontré, mais surtout dans des sys-tèmes non neuronaux, que plusieurs protéines impliquées dans la modula-tion du transport de BACE1 ou d’APP

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influençaient la production de peptide amyloïde. Dans les neurones, APP est transportée le long de l’axone et sa conversion en peptide amyloïde semble se produire pendant son transport dans l’axone et/ou au niveau des terminaisons axonales (terminaisons présynaptiques). En revanche, la localisation précise du clivage d’APP par BACE1 dans les neu-rones n’est pas encore élucidée. Dans le cerveau de patients atteints de la maladie d’Alzheimer, BACE1 s’accumule de façon anormale au niveau des ter-minaisons présynaptiques, autour des dépôts amyloïdes [1]. Il est donc envisa-geable qu’un dysfonctionnement dans le transport de BACE1 soit à l’origine de son accumulation à la synapse. Ainsi, l’aug-mentation locale de BACE1 favoriserait le clivage d’APP par BACE1.

BACE1, une protéine au transport unique dans les neuronesDans un article récemment publié dans Cell Reports [2], afin d’évaluer l’impact de la localisation de BACE1 sur la pro-duction du peptide amyloïde, nous avons étudié la régulation du transport intra-cellulaire de l’enzyme par vidéomicros-copie dans des neurones cultivés in vitro. Pour permettre sa visualisation, nous avons élaboré une version fluorescente de BACE1 par l’ajout d’une étiquette à l’extrémité carboxy-terminale : la pro-téine YFP (yellow fluorescent protein),

une version modifiée de la protéine GFP (green fluorescent protein) naturelle-ment fluorescente chez certaines espèces de méduses. Afin d’étudier plus spéci-fiquement le transport de BACE1 après son internalisation dans les endosomes à partir de la surface du neurone, nous avons également incorporé une deuxième étiquette à l‘autre extrémité de la pro-téine, contenant la séquence minimale d’interaction avec l’ -bungarotoxine. L’ -bungarotoxine est issue du venin de serpent et se lie de façon très spécifique au récepteur de l’acétylcholine dans le cerveau, occasionnant une paraly-sie immédiate. Les neurones de souris cultivés in vitro exprimant cette version modifiée de BACE1 sont mis en pré-sence de l’ -bungarotoxine fluores-cente (émettant dans l’infrarouge) qui, après quelques minutes, commence à être internalisée avec BACE1 dans les endosomes (Figure 1). Cette stratégie nous permet de différencier le trans-port vésiculaire du pool total de BACE1 exprimée et du pool internalisé dans les endosomes, et, en la couplant à la vidéomicroscopie, nous avons fait une découverte surprenante : les vésicules contenant BACE1, une fois internalisées dans les dendrites, se déplaçaient uni-quement en direction du soma du neu-rone, alors que dans l’axone, elles pou-vaient être transportées dans les deux sens. Ce mode de transport est étonnant

car les microtubules (les rails sur lesquels les vésicules transportent les protéines) sont orientés dans les deux directions dans les dendrites (extrémités « plus » et « moins »), mais dans une seule au niveau de l’axone. Cette orientation des microtubules permet aux vésicules qui transportent les protéines de se lier à un moteur moléculaire ; selon le type de ce dernier, le déplacement de la vésicule se fera en direction d’une extrémité ou de l’autre du microtubule. Il était donc inattendu d’observer que malgré cette orientation mixte des microtubules dans les dendrites, plus de 97 % des vésicules mobiles se déplaçaient dans le même sens en direction du soma du neurone.

Les protéines EHD, régulateur du transport vésiculaire de BACE1En explorant plus en détail la localisa-tion subcellulaire de BACE1 internalisée, grâce à l’utilisation de marqueurs pour chacun des différents types d’endo-somes, nous avons découvert que BACE1 était plus particulièrement enrichie dans les endosomes de recyclage (Figure 1). Bien que ce type d’endosomes soit mal connu dans les neurones, deux fonctions principales ont été décrites : le renvoi de récepteurs à la surface cellulaire, ou leur ciblage dans un autre domaine de la membrane. De façon à identifier la machinerie moléculaire responsable du ciblage de BACE1 aux endosomes,

Figure 1. Méthode de visualisation du pool endosomal de BACE1. Les cel-lules exprimant BACE1 portant l’éti-quette fluorescente YFP à l’extrémité carboxy-terminale (BACE1-YFP) sont incubées plusieurs heures en pré-sence d’ -bungarotoxine fluores-cente (BTX), qui se lie à l’extrémité amino-terminale de BACE1 lorsqu’elle atteint la surface de la cellule (1). L’endocytose étant continue lorsque les cellules sont maintenues a 37 C, le pool de BACE1 dans les endosomes comporte l’étiquette BTX. L’excédent

de BTX dans le milieu est ensuite éliminé par lavage. Le pool de BACE1 présent dans les endosomes émet une fluorescence rouge et verte, tandis que le pool de BACE1 dans les vésicules de sécrétion fluoresce seulement en vert.

1. Addition d’!-bungarotoxine fluorescente (BTX)

2. Internalisation de la BTX liée à BACE1 dans les endosomes

BTX

BACE1-YFP

Endosomeprécoce

Endocytose

Endosomede recyclage

Endosomeprécoce

Endosomede recyclage

Vésiculede sécretion

BACE1-YFP

Endosomeprécoceprécoceprécoce

Endocytose

Endocytose

EndosomeEndosomeEndosomede recyclage

EndosomeEndosomeEndosomeprécoce

EndosomeEndosomeEndosomede recyclage

VésiculeVésiculeVésiculede sécretion

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nous avons évalué l’impact sur le trans-port de BACE1 de différentes protéines candidates, connues pour réguler le transport endosomal. Les protéines de la famille des EHD (Esp15 homology domain – containing proteins) ont plus parti-culièrement suscité notre intérêt, car elles sont colocalisées avec le récepteur de la transferrine et Rab11, deux pro-téines spécifiquement enrichies dans les endosomes de recyclage. En effet, EHD coopèrent avec la petite GTPase Rab11 qui permet de cibler les vésicules dans la voie de recyclage et ainsi de réguler la présence du récepteur de la trans-ferrine à la surface cellulaire. La famille des EHD comprends quatre variants : EHD1, EHD2, EHD3, EHD4, et nous avons déterminé que seuls les variants EHD1 et EHD3 étaient exprimés ou colocalisaient avec BACE1 dans le cerveau de mammi-fères ainsi qu’avec le pool endosomal de BACE1 dans les cultures de neurones in vitro.Pour étudier le rôle potentiel des EHD dans le transport de BACE1, et pour éviter les phénomènes de compensation, nous avons surexprimé des versions mutées de ces protéines ; les mutations affec-taient leur fonction et leur conféraient une action de dominant négatif. Grâce à cette stratégie, nous avons révélé un rôle jusqu’alors méconnu pour les pro-téines EHD dans le mouvement des vési-cules contenant BACE1 dans les dendrites après l’internalisation de l’enzyme dans les endosomes. En effet, l’expression de la forme inactive de EHD1 ou EHD3 bloque uniquement le transport vésicu-laire de BACE1 internalisée au niveau des

dendrites se déplaçant vers le soma du neurone (transport rétrograde), tandis que la surexpression des versions sau-vages d’EHD1 et EHD3 n’affecte aucu-nement ce transport. Cette perte de mobilité des vésicules contenant BACE1 est également corrélée à une diminution de son accès à l’axone. Nous avons donc émis l’hypothèse que la transcytose de BACE1, c’est-à-dire le passage du com-partiment somato-dendritique à l’axone, était dépendante de son internalisation dans les endosomes et requérait les pro-téines EHD (Figure 2).

Influence du transport vésiculaire de BACE1 dans les endosomes sur la production du peptide amyloïdeDans le but d’identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques, il était essen-tiel de déterminer si la modulation du trafic de BACE1 influençait la produc-tion de peptide amyloïde dans les neu-rones. De fait, abolir l’expression d’EHD1 et EHD3 dans les neurones en culture entraîne un déclin du taux de peptide amyloïde sécrété par les neurones, sug-gérant que le clivage d’APP par BACE1 est bien dépendant de la localisation sub-cellulaire de ces derniers, en particulier dans un type spécifique d’endosomes. Notre identification récente de Rab11 comme régulateur de la transcytose de BACE1 dans les neurones confirme cette hypothèse [3]. De plus, Rab11 s’est révélé être la protéine Rab ayant le plus d’impact sur la production de peptide amyloïde dans les neurones, parmi la trentaine de différents variants de ces protéines que nous avons testés [4].

ConclusionNotre étude a révélé un nouveau mode de transport dans les neurones : le transport unidirectionnel de BACE1 dans les den-drites ; elle a démontré un lien fort entre la localisation de BACE1 et son transport dans les endosomes, et la production de peptide amyloïde. Ces résultats sont encourageants pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques visant à diminuer le taux de ce peptide, toxique pour les neurones lorsque sa concentration devient anormalement élevée dans le cerveau des malades atteints de la maladie d’Alzheimer. Ainsi, cibler le transport vésiculaire de BACE1 pourrait constituer une alternative thé-rapeutique prometteuse aux inhibiteurs de l’activité enzymatique de BACE1. ‡Alzheimer disease and endosomal traffic in neurones

LIENS D’INTÉRÊTLes auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

RÉFÉRENCES

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Figure 2. Modèle de transcytose de BACE1 dépendante des EHD. BACE1 internalisée dans les endosomes au niveau des dendrites du neu-rone est transportée vers le soma, puis ensuite ciblée à l’axone. Ce mécanisme requiert les protéines EHD1 et EHD3. Lorsque ces dernières ne sont pas exprimées ou ne sont pas fonc-tionnelles, le transport unidirectionnel de BACE1 internalisée est bloqué, et la présence de BACE1 à l’axone ainsi que la production de peptide amyloïde sont diminuées.

Transport unidirectionnel de BACE1 après internalisation dépendante de EHD1/3

Transport bidirectionnel de BACE1 au niveau de l’axone

Dendrites

AXONETerminaisons

présynaptiques

Transcytose

SOMA

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1Inserm, unité U1163, laboratoire homéostasie normale et pathologique du système immunitaire, hôpital Necker Enfants-malades, Paris, France ;2Université Paris Descartes-Sorbonne Paris Cité, Institut Imagine, 24, boulevard du Montparnasse, 75015 Paris, France ;3Hubrecht Institute for Developmental Biology and Stem Cell Research and University Medical Centre Utrecht, Uppsalalaan 8, 3584CT Utrecht, [email protected]

> Les cellules épithéliales constituent des barrières (épithéliums) qui séparent les milieux intérieur et extérieur. Ce sont des cellules polarisées présentant une orien-tation fonctionnelle et morphologique préférentielle. Les cellules épithéliales de l’intestin sont connues pour être hau-tement polarisées avec un pôle apical bien différencié qui assure une activité d’échange avec la lumière intestinale, et un pôle baso-latéral interagissant avec les cellules avoisinantes et avec la matrice extracellulaire sous-jacente. Des interactions spécifiques ont lieu par l’intermédiaire de protéines transmem-branaires, principalement l’E-cadhérine et les intégrines, reliées aux constituants du cytosquelette intracellulaire. L’éta-blissement et le maintien de la fonction des tissus épithéliaux multicellulaires nécessitent que chaque cellule soit cor-rectement orientée, polarisée et inter-connectée. C’est en particulier ce qui détermine la formation de la lumière intestinale [1].

L’atrésie intestinale multiple associée à un déficit immunitaire combiné sévèreL’atrésie intestinale multiple (MIA) est une maladie congénitale grave, caracté-risée par une obstruction de la lumière de l’intestin qui présente des rétrécissements étagés pouvant s’étendre de l’estomac au rectum [2]. L’atrésie est déjà détectable en période anténatale par échographie. L’atrésie intestinale multiple peut-être associée à un déficit immunitaire combiné sévère, caractérisé par une lymphopénie T et B et une hypogammaglobulinémie

(MIA-CID)[3]. Les patients atteints de MIA-CID présentent une susceptibilité accrue aux infections en particulier aux germes opportunistes. Cette pathologie nécessite une intervention chirurgicale rapide pour réséquer les parties atro-phiées et établir une dérivation. La mise sous nutrition parentérale, une substi-tution par des immunoglobulines et une antibioprophylaxie adaptée ne changent pas le pronostic très sombre de cette affection.Depuis longtemps, une des questions soulevées était de savoir si une même anomalie pouvait directement pertur-ber le développement et/ou la fonction des cellules de l’intestin et du système immunitaire, ou si l’atrésie intestinale était la conséquence d’une attaque pré-coce de l’intestin par un système immu-nitaire défectueux. Très récemment, la protéine Tetratricopeptid repeat domain-7A (TTC7A) a été montrée responsable de cette affection [4-7]. TTC7A est une protéine exprimée de façon ubiquitaire, dont la fonction n’est pas connue. Nous nous sommes attachés à essayer de com-prendre par quel(s) mécanisme(s) un déficit en TTC7A pouvait rendre compte de la pathologie observée.

TTC7A est nécessaire à la polarité apico-basale des cellules épithélialesL’étude histologique des biopsies issues du tractus gastrointestinal des patients a révélé une architecture de l’épithélium très perturbée [4]. Les cellules épi-théliales forment des amas cellulaires répartis en multicouches désorganisées, associés à des images d’apoptose et à

une destruction partielle ou totale des glandes. Les villosités sont rares voire absentes, et un infiltrat inflammatoire constitué de polynucléaires éosinophiles et de macrophages est présent.L’établissement d’un modèle de culture 3D d’organoïdes (mini-intestins) à par-tir de biopsies d’intestin [8] a permis d’approcher les mécanismes en cause dans cette affection. Contrairement aux organoïdes contrôles dont les cellules prolifèrent et s’organisent pour former des cryptes et une lumière centrale, les organoïdes déficients en TTC7A ont une croissance très ralentie et ne par-viennent jamais à ce stade de différen-ciation (Figure 1). Ils forment des amas cellulaires, sans lumière centrale, qui ne peuvent être maintenus en culture. Cette désorganisation cellulaire a fait soup-çonner une anomalie de polarisation des cellules épithéliales qui a pu être mise en évidence à l’aide de différents mar-queurs spécifiques. Dans les organoïdes déficients en TTC7A, l’expression basola-térale de l’intégrine alpha 6 est partiel-lement perdue et l’intégrine s’accumule au niveau des jonctions intercellulaires dans les amas cellulaires (Figure 1). À l’inverse, l’actine, un marqueur apical de la bordure en brosse, est délocalisée en périphérie dans les organoïdes dérivés de ces patients, alors que le marqueur des jonctions serrées zonula occludens ZO-1 est anormalement localisé aux deux pôles de la cellule épithéliale (Figure 1). Ainsi, l’étude des organoïdes dérivés de l’intestin a clairement mis en évidence un rôle de TTC7A dans la polarisation des cellules épithéliales.

TTC7A, un acteur essentiel de l’homéostasie de l’intestin et du système immunitaireRoxane Lemoine1,2, Amélie Bigorne1,2, Henner Farin3, Geneviève de Saint Basile1,2

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phosphorylation de ces protéines est normalisé par le traitement des orga-noïdes déficients en TTC7A avec Y27632. Une activation exagérée de la voie RhoA est également observée dans des cellules non épithéliales comme des fibroblastes issus de biopsies de peau des patients. Dans ces cellules, un rôle direct de TTC7A dans la voie RhoA est confirmé par la réintroduction d’une forme fonctionnelle de TTC7A, qui normalise la phosphoryla-tion des cibles de ROCK.

Y27632, un inhibiteur de la kinase de RhoA (ROCK) [9]. De même, nous avons pu montrer que les organoïdes déficients en TTC7A, cultivés en présence de cet inhibiteur de ROCK, retrouvaient une polarité normale. De plus, en l’absence de TTC7A, les organoïdes expriment des niveaux anormalement élevés des pro-téines phosphorylées ezrine/radixine/moesine (P-ERM) et de la chaine légère de la myosine II (P-MLC), toutes cibles effectrices de ROCK [10]. Le niveau de

Le défaut de polarité relie TTC7A à la voie RhoA.L’activation des intégrines au contact de la matrice extracellulaire induit l’acti-vation de différentes voies de signalisa-tion. Une précédente étude avait montré que le blocage de l’intégrine bêta-1 dans des cellules épithéliales rénales indui-sait une inversion de la polarité apico-basale des cellules en activant la voie RhoA. Ce phénotype pouvait être modifié et la polarité restaurée par l’ajout de

Figure 1. Les organoïdes intesti-naux dérivés de patients MIA-CID présentent des défauts de proli-fération, de différenciation et de polarité épithéliale. A. Modèle de culture 3D des organoïdes dérivés de l’iléon humain. Les organoïdes de patient forment des amas cellulaires condensés sans déve-lopper de lumière centrale ni de cryptes. B. Analyse par immuno-

fluorescence des marqueurs de polarité apico-basale, l’intégrine- 6 (en vert, pôle basal) et l’actine-F (en rose, pôle apical), les noyaux (en bleu, DAPI) dans les organoïdes contrôles et de patients. Les flèches blanches désignent les anomalies de localisation de ces marqueurs.

Figure 2. Fonction de TTC7A dans la voie de signalisation RhoA. TTC7A apparaît comme étant un acteur majeur de la voie de signalisation de RhoA en régulant négativement l’activité de la kinase RhoA (ROCK). ROCK active par phosphorylation ses cibles ezrine/radixine/moesine (ERM) et la chaîne légère de la myosine II (MLC) qui modulent l’organisation du cytosquelette d’actine.

Modèle de culture 3D des organoïdes

Cellulesouche

Structure cystique symétrique Lumière

intestinale Formation des cryptes

F-actineIntégrine !6

F-actineIntégrine !6

Cont

rôle

Patie

nt

Polarité apico-basale A B

Intégrines

VinculineTaline

Myosine II

ezrineradixinemésine

Autrescibles

Rho A

Rho A

Rho GEFs TTC7A

ROCK MLCPase

MLC

MLC

Autrescibles

GTP

GDP

F-actine

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l’accès aux patients. Nous remercions égale-ment Alain Fischer a et Hans Clevers pour leur contribution à l’étude.

LIENS D’INTÉRÊTLes auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

RÉFÉRENCES

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caractérisée par une diarrhée chronique précoce et une lymphopénie T très pro-gressive ([6, 7] et manuscrit soumis). L’étude des lymphocytes de ces patients suggère que TTC7A intervient dans le contrôle de l’homéostasie des lympho-cytes en régulant des fonctions telles que l’adhésion, la migration et la proli-fération, également en lien avec l’acti-vation de la voie RhoA et la réorganisa-tion du cytosquelette d’actine.

ConclusionTTC7A est donc un acteur majeur de la voie de signalisation RhoA : il inter-vient en régulant négativement l’acti-vité de ROCK et de ses effecteurs cibles comme les protéines ERM et la myosine II. En interagissant avec ces différents régulateurs du cytosquelette, l’activité de TTC7A interfère avec des fonctions essentielles à l’homéostasie des cellules épithéliales et du système immunitaire comme la différenciation, la proliféra-tion et la survie cellulaires. Néanmoins, il reste à comprendre le lien molécu-laire entre TTC7A, la voie de signalisa-tion RhoA et d’autres voies impliquant également cette protéine [7]. ‡TTC7A, a critical effector for the intes-tinal and immune system homeostasis

REMERCIEMENTSNous remercions Nicole Brousse pour l’étude histologique des biopsies de patients et tous les cliniciens pour leur collaboration et

Ainsi, TTC7A régule négativement l’acti-vité de ROCK et de ces cibles qui parti-cipent au réarrangement du cytosque-lette d’actine.

Quelle fonction de TTC7A dans le système immunitaire ?Comment relier le déficit en TTC7A au déficit immunitaire qui caractérise les patients MIA-CID ? La lymphopénie observée chez ces patients peut résulter d’un défaut de différenciation, de pro-lifération et/ou de survie des lympho-cytes. Les patients MIA-CID présentent une hypoplasie thymique, associée à une mauvaise démarcation entre les zones médullaires et corticales [4, 6]. L’utilisation de marqueurs spécifiques de ces deux zones dans lesquelles se déroulent les différentes phases de la différenciation lymphocytaire nous a permis de mettre en évidence une dis-tribution en partie ectopique de ces marqueurs, suggérant que le défaut fonctionnel de TTC7A dans l’épithélium thymique pourrait participer à la lym-phopénie observée [4]. Le trop petit nombre de lymphocytes circulants chez les patients MIA-CID n’a pas permis d’étudier cette population. Cependant, nous avons récemment pu mener une étude fonctionnelle sur les lymphocytes de patients présentant des mutations hypomorphes de TTC7A (manuscrit sou-mis). Ces patients ont une expression beaucoup moins sévère de la maladie,

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L’interaction TET-OGT facilite la transcription en régulant la méthylation de l’histone H3Benjamin Delatte

Laboratoire d’épigénétique du cancer, Erasme, route de Lennik 808, 1070 Bruxelles, [email protected]

Le méthylcytosine n’est plus la seule modification épigénétique de l’ADNDe nombreuses découvertes en matière de régulation épigénétique ont été mises en évidence depuis que Conrad Hal Wad-dington a imaginé ce terme en 1942 (voir encadré 1). La modification de la chro-matine qui est la plus étudiée est l’ajout d’un groupement méthyle sur le car-bone 5 de la cytosine, principalement sur les dinucléotides CpG, pour produire de la 5-méthylcytosine (ou 5-mC). Cette modification, lorsqu’elle est située sur les promoteurs des gènes, participe à leur répression transcriptionnelle. Dans certaines situations, un phénomène de déméthylation permet de réactiver les gènes. Il faut distinguer ici deux phé-nomènes : la déméthylation « passive » de l’ADN et la déméthylation « active ». Dans le premier cas, la méthylcytosine est remplacée par une cytosine non modifiée au cours de la réplication de l’ADN et est donc diluée au fur et à mesure des divisions cellulaires. Dans le deuxième cas, plusieurs enzymes sont spécifique-ment recrutées sur une région de l’ADN et excisent la cytosine méthylée pour la remplacer par une nouvelle cytosine non méthylée [1]. Ce processus intervient dans différentes situations physiopa-thologiques et était connu depuis plu-sieurs décennies, cependant, les enzymes y participant n’étaient pas identifiées. En 2009, plusieurs laboratoires iden-tifièrent trois nouvelles modifications de l’ADN : la 5-hydroxyméthylcytosine (5-hmC), la 5-formylcytosine (5-fC) et la 5-carboxylcytosine (5-caC) qui sont les produits d’oxydation itérative de la méthylcytosine par les enzymes de la

famille TET (ten eleven translocation) [2-4]. Nous n’avons à l’heure actuelle que peu d’information sur ces enzymes, mais il semble déjà qu’elles soient impli-quées dans des maladies neurodégéné-ratives ou des cancers. D’un point de vue plus mécanistique, elles participent à la déméthylation active de l’ADN. En effet, la 5-fC et 5-caC peuvent être reconnues par la glycosylase TDG (thymine DNA glycosylase) qui est capable d’exciser la base [1]. L’hydroxyméthylcytosine, quant à elle, semble plutôt correspondre à une marque épigénétique stable qui, avec la méthylcytosine, enrichit considérable-ment le patrimoine des modifications de la chromatine.

Découverte d’une interaction forte entre les TET et la glycosyltransférase OGTUne manière de découvrir les potentiels rôles des TET est d’en chercher des parte-naires dont la fonction est connue. Notre

laboratoire a donc entrepris des études protéomiques à large spectre afin de détecter de manière non biaisée toutes les protéines interagissant avec TET1, TET2 et TET3. De manière surprenante, nous avons pu observer que le principal partenaire de TET2 et TET3 est l’O-linked N-acetylglucosamine (O-GlcNAc) trans-ferase (OGT) [5]. Cette enzyme catalyse l’ajout dynamique de groupements gly-cosidiques sur les sérines ou thréonines de nombreuses protéines participant à la transduction cellulaire, la transcription, la traduction ou encore la dégradation dépendante du protéasome. Elle peut également directement glycosyler les histones dont l’histone H2B sur la sérine 112 (H2BS112GlcNAc). Cette modifica-tion épigénétique participe à l’activa-tion transcriptionnelle en permettant le recrutement du complexe BRE1A/1B qui ubiquitinyle H2B sur la lysine 120 (H2BK120ub), elle-même un précur-seur pour la déposition de la marque

1 Épigénétique

« Conrad Hal Waddington, scientifique et philosophe britannique, est le premier à for-muler de façon explicite la nécessité d’établir les liens de causalité entre génotype et phénotype pour appréhender les processus du développement. En d’autres termes, il importe à ses yeux de rapprocher la génétique – la science de l’hérédité des caractères, science créée à la redécouverte des travaux de Gregor Mendel à l’aube du XXe siècle –, de l’épigénèse – la théorie du développement par élaboration progressive des formes. Cette théorie fut formulée initialement par Aristote, quatre siècles avant notre ère, en opposi-tion à celle de la préformation. Mais elle ne fut validée expérimentalement que bien des siècles plus tard, aux XVIIIe et XIXe siècles, notamment grâce aux progrès en microscopie qui permirent enfin d’observer l’intérieur de l’œuf et les divisions cellulaires. Dans un court article, Waddington propose donc de fusionner les termes épigénèse et génétique pour désigner de ce nouveau nom l’étude des mécanismes par lesquels les gènes déterminent les caractères »

(Edith Heard, Leçon inaugurale, Collège de France, 2013).

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dans la résistance à l’insuline, il a été montré qu’HCF1 (host cell factor-1) recrute OGT sur la protéine PGC-1 (peroxisome proliferator-activated receptor gamma coactivator 1-alpha), promeut sa glycosylation et augmente sa stabilité. Cela a pour conséquence une amplification de la néoglucoge-nèse (fabrication de glucose à partir de précurseurs non glucidiques) et une augmentation de glucose, notamment dans le foie. D’autre part, l’inhibition d’OGT et d’HCF1 rétablit l’homéostasie du glucose chez des souris diabétiques [11]. Il serait intéressant de regar-der, dans des îlots de Langerhans de patients ou de souris diabétiques, la stabilité du complexe SET1/COMPASS ainsi que le niveau de glycosylation de l’histone H2B sur les cibles liant les protéines TET, et ainsi déterminer si certains traits de la maladie peuvent s’expliquer par une altération de la structure chromatinienne des gènes liés par TET et OGT.O-GlcNac a également été décrite comme un biomarqueur de cancers humains ; l’augmentation de son occur-rence peut être observée dans les can-cers du côlon, du poumon et dans les leucémies. OGT semble également jouer un rôle dans les cancers de la pros-tate et du sein [11]. Par ailleurs, une « marque de fabrique » de divers can-cers est une altération globale et locale de l’hydroxyméthylation, rendant inté-ressante l’investigation d’un potentiel lien entre les protéines TET, OGT ainsi que le complexe SET1/COMPASS dans le processus de carcinogenèse [1].

ConclusionsDepuis leur découverte il y a près de cinq ans, les TET ainsi que les produits d’oxydation de la méthylcytosine ont suscité un intérêt jamais atteint dans la communauté épigénétique, s’illustrant avec des articles scientifiques de très haut niveau. De nombreux chercheurs ont trouvé en ces enzymes les initiateurs de la déméthylation qu’ils cherchent depuis si longtemps. D’autres y voient

par OGT, ce qui affecte leur stabilité ou leur localisation cellulaire [8-10]. Un consensus pourrait donc se dévoiler dans lequel les 3 TET coopéreraient avec OGT sur la chromatine afin de stabiliser le complexe SET1/COMPASS, glycosyler l’his-tone H2B et promouvoir la triméthylation de l’histone H3 ainsi que l’activation de la transcription (voir Figure 1).

Potentiels rôles du lien TET-OGT dans la pathogenèseCe lien entre les TET et OGT suggère que les TET puissent être impliquées dans l’étiologie de nombreuses maladies impliquant des défauts métaboliques, en particulier le diabète de type 2 ainsi que les cancers. En effet, le diabète de type 2 est caractérisé par une augmen-tation du glucose sanguin, une résis-tance à l’insuline ainsi qu’une augmen-tation de l’UDP-GlcNAc, le cofacteur obligatoire d’OGT1. Malgré des résul-tats conflictuels sur l’implication d’OGT

1 Voir le numéro thématique de médecine sciences sur « dia-bète : stratégies thérapeutiques émergentes », publié en aout/septembre 2013.

activatrice H3K4me3 (triméthylation de l’histone H3 sur la lysine 4) par le com-plexe SET1/COMPASS [6] (Figure 1). Des expériences d’immunoprécipitation de chromatine suivies de séquençage à haut débit (ChIP-seq) suggèrent que TET2, TET3 et OGT colocalisent sur de nom-breux promoteurs de gènes notamment impliqués dans la cancérogenèse. Nous avons également pu montrer que TET2 et TET3 potentialisent l’activité cataly-tique d’OGT par un mécanisme encore non identifié. Cette activité accrue permet à son tour de glycosyler la sous-unité HCF1 du complexe SET1/COMPASS (complex of proteins associated with Set1), ce qui stabilise le complexe sur la chromatine et promeut la triméthylation de l’histone H3 ainsi que l’activation transcriptionnelle [5]. Ce lien physique et fonctionnel a été confirmé par d’autres laboratoires qui ont également montré que TET1 était capable d’interagir avec OGT dans des cellules embryonnaires murines, et que TET2 par-ticipe à la glycosylation d’H2B dépen-dante d’OGT [7, 8]. Plusieurs articles ont également décrit que les trois protéines TET peuvent être à leur tour glycosylées

Figure 1. Lien TET-OGT-SET1/COMPASS. TET2 et TET3 (et potentiellement TET1) interagissent avec l’enzyme OGT et renforcent son activité catalytique sur les promoteurs de nombreux gènes. Cette activité accrue permet (1) la glycosylation du complexe SET1/COMPASS sur sa sous-unité HCF1, et (2) la glycosylation de l’histone H2B. Il en résulte (1) une augmentation de la stabilité du complexe SET1/COMPASS ainsi (2) qu’un recrutement de BRE1A/1B, ayant tous deux pour effet la triméthylation de K4 sur l’histone H3, marquant ainsi le promoteur pour une activation de la transcription.

K4

H3

Promoteur= méthyle

H2B

HCF1SET1/

COMPASS

= O-GlcNAc

(1)(2)

TET TETOGT

BRE1A/B

OGT

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de potentiels acteurs dans des mala-dies aussi importantes que les cancers. L’identification de partenaires comme la glycosyltransférase OGT permettra certainement de mieux comprendre l’in-fluence des TET sur la structure chroma-tinienne, et un rôle du lien TET-OGT est envisageable dans certaines patholo-gies où le métabolisme est dérégulé. De nombreuses découvertes restent encore à faire, mais il est sûr que ces pro-téines s’attarderont dans les lumières des projecteurs pendant encore un long moment. ‡Interaction TET-OGT facilitates the transcription by regulating methylation of histone H3

Département de médecine translationnelle, IGBMC, Inserm U964, CNRS UMR7104, Université de Strasbourg, 1, rue Laurent Fries, 67404 Illkirch, [email protected]@igbmc.fr

Les myopathies centronucléairesLes muscles représentent 40 % du poids sec d’un individu et sont importants pour la génération de mouvements, pour la thermogenèse et le métabo-lisme entre autres. Les fibres muscu-laires striées peuvent atteindre 20 cm de long et sont multinucléées ; les noyaux sont localisés en périphérie et la majo-rité du cytoplasme est occupée par les protéines contractiles et le réticulum sarcoplasmique.Les myopathies centronucléaires sont des myopathies sévères se caractérisant, comme leur nom l’indique, par une posi-tion anormalement centrale des noyaux en l’absence de régénération muscu-laire excessive [1]. Différentes formes de myopathies centronucléaires (CNM pour centronuclear myopathies) sont connues (Figure 1A). La forme liée au chromosome X (XLCNM) est la plus fré-quente et est aussi appelée myopathie

myotubulaire. Elle est due à des muta-tions de la myotubularine, une phos-phatase à phosphoinositides codée par le gène MTM1 [2]. Les nouveau-nés pré-sentent une forte hypotonie et une fai-blesse musculaire engageant le pronostic vital. La forme autosomique dominante (ADCNM) est associée à une faiblesse musculaire lentement progressive pou-vant démarrer dès l’enfance, à l’ado-lescence ou seulement à l’âge adulte. Elle est liée à des mutations du gène DNM2 codant pour la dynamine 2 [3]. Les dynamines sont des GTPases régu-lant principalement la fission des mem-branes, et donc l’endocytose et le trafic intracellulaire [4]. La forme autoso-mique récessive des myopathies centro-nucléaires est liée soit à des mutations du gène BIN1 codant pour l’amphiphysine 2 dans le cas d’une formule histologique classique avec forte prédominance de noyaux centraux [5], soit à des muta-

tions de la titine ou du récepteur de la ryanodine chez des patients ayant un spectre phénotypique plus large.Il n’existe pas à ce jour de thérapie ciblée pour la myopathie myotubulaire ni pour les autre formes de myopathies centronucléaires ; de plus les fonctions de la myotubularine et de la dynamine 2 ainsi que leur relation dans le muscle squelettique étaient peu établies jusqu’à maintenant.

Une hypothèse d’épistasie entre MTM1 et DNM2Chez la plupart des patients atteints de myopathie myotubulaire liée à l’X, les niveaux de myotubularine sont fortement diminués, suggérant que cette forme de myopathie centronucléaire est due à une perte de fonction. Les mutations de DNM2 ségrégent de façon dominante, et des expériences in vitro suggèrent que certaines mutations augmentent

Moins de dynamine 2 pour traiter la myopathie myotubulaireJocelyn Laporte, Belinda Cowling

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(fibres hypotrophiques à noyaux cen-traux) ; elles meurent entre un et trois mois. En revanche, les souris Mtm1-/y chez lesquelles une diminution de 50 % de l’expression de dnm2 a été induite (Mtm1-/y;Dnm2+/-) survivent jusqu’à plus de deux ans, une durée de vie normale pour une souris (Figure 2A-B) [6]. Le poids et le déplacement sont n ormalisés, et la masse musculaire, qui était fortement réduite dans les souris Mtm1-/y, est corrigée dans la majorité des muscles testés. Il est remarquable d’observer que les performances phy-siques ainsi que la force de muscles isolés et la capacité respiratoire sont corrigées. L’examen histologique des souris Mtm1-/y;Dnm2+/- révèle une nor-malisation de la taille des fibres mus-culaires ainsi qu’une diminution très

(Figure 1B). En d’autres termes, si ces deux protéines sont bien dans la même voie, l’une inhibe l’autre pour un fonc-tionnement normal du muscle. Cette hypothèse a été testée dans la sou-ris Mtm1-/y reproduisant la myopathie myotubulaire ; nous avons évalué l’amé-lioration du phénotype après réduc-tion du niveau de dynamine 2 de façon constitutive, spécifiquement dans le muscle, ou après la naissance au début de la myopathie (Figure 1C).

La diminution de dynamine 2 sauve les souris myopathesLes souris Mtm1-/y développe une fai-blesse musculaire progressive à partir de 2 à 3 semaines après la naissance, et l’histologie musculaire est similaire à celle qui est observée chez les patients

l’activité GTPase et l’oligomérisation de la dynamine 2 sans influencer le taux de la protéine. De plus, la diminu-tion de 50 % de l’expression de Dnm2 chez la souris ne cause aucun phéno-type détectable, écartant un mécanisme d’haploinsuffisance, alors que l’intro-duction par transgenèse constitutive ou transduction virale d’une mutation de Dnm2 observée chez un patient à l’état hétérozygote reproduit la myopathie [6-8]. Or, la surexpression de la pro-téine sauvage, que ce soit par transfert génique ou transgenèse, conduit elle aussi à un phénotype de myopathie centronucléaire [8, 9]. Tout ceci nous a amené à proposer que les myopathies centronucléaires sont dues à une perte de fonction de la myotubularine ou à un gain de fonction de la dynamine 2

Figure 1. La myotubularine et la dynamine 2 dans les myopathies centronucléaires. A. Des mutations de MTM1 codant la myotubularine ou de DNM2 codant la dynamine 2 conduisent aux myopathies centronucléaires liée à l’X (XLCNM) ou autosomique dominante (ADCNM), respecti-vement. La forme liée à MTM1 est aussi appelée myo-pathie myotubulaire. Coloration hématoxyline-éosine des muscles (adapté de figure 1 [11]). B. L’hypothèse de tra-vail est que les mutations MTM1 entraînent des pertes de fonction et les mutations DNM2 des gains de fonction. La diminution de la dynamine 2 dans des souris sans myotu-bularine restaure un phénotype normal, ce qui suggère que la myotubularine inhibe la dynamine 2 lors du fonctionne-ment normal du muscle. C. La souris Mtm1-/y reproduit un phénotype de myopathie myotubulaire à partir de l’âge de 2 à 3 semaines, et développe une myopathie progressive menant au décès de l’animal. La diminution de l’expression de Dnm2 dans tous les tissus (Dnm2+/-) ou sélectivement dans le muscle de façon constitutive (Dnm2skm+/-), ou sélectivement dans le muscle à partir de 3 semaines de vie (Dnm2skm(i)+/-), stoppe la progression de la myopathie et corrige le phénotype tout en augmentant grandement la survie des animaux Mtm1-/y.

A

B

C

XLCNM(mutation MTM1)

ADCNM(mutation DNM2)

Myopathie

(normal)

(normal)

(normal)Diminution de DNM2 :

Muscle

Muscle à partir de 3 sem.

25 mm

MTM1 DNM2 Muscle normal

MTM1 DNM2 Pas de myopathieet

MTM1 DNM2 Myopathies centronucléairesou

Mutationsdominantes

Mutations perte de fonction

– 3 embryon 0 3 9 semaines

Mort : Mtm1-/y

Survie : Mtm1-/y;Dnm2skm(i)+/-

Survie : Mtm1-/y;Dnm2skm+/-

Survie : Mtm1-/y;Dnm2+/-tous tissus

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tique de la réduction de cette molécule intervient directement dans le muscle atteint, et que la myotubularine et la dynamine 2 interagissent fonctionnelle-ment dans ce tissu.Nous avons également provoqué la délé-tion d’un allèle de Dnm2 dans le muscle des souris Mtm1-/y;Dnm2+/flox;HSA-CreERT2 à partir de 3 semaines, un âge où un début d’atrophie musculaire et de centralisation des noyaux est observé chez les souris Mtm1-/y. Comme précé-demment, la diminution de Dnm2 aug-mente la survie et diminue, voire stoppe, l’atrophie musculaire et le phénotype centronucléaire.

Quel lien fonctionnel entre myotubularine et dynamine dans le muscle ?Ces données génétiques démontrent que la myotubularine et la dynamine 2 appartiennent à une même voie contrô-lant la force et la structure des fibres musculaires ainsi que le positionne-ment des organites. Ces deux protéines régulent le remodelage des membranes : la myotubularine joue sur la courbure membranaire du réticulum sarco-plasmique et le positionnement et la structure des triades, et la dynamine est impliquée dans la tubulation et la fission des membranes de différents compartiments [10]. De plus, la myotu-bularine déphosphoryle certains phos-phoinositides, alors que la fonction de la dynamine 2 est régulée par une liaison directe à des phosphoinositides et à des protéines régulées par des phosphoino-sitides. Il reste à tester si la myotubula-rine inhibe la dynamine 2 directement ou via son action sur les membranes et/ou ces phosphoinositides.D’autre part, le taux de dynamine 2 est augmenté dans les souris sans myo-tubularine ainsi que chez les patients atteints de myopathie myotubulaire, après le début des signes cliniques [6]. Cette augmentation pourrait être en partie la cause d’une trop grande acti-vité de la dynamine 2, qui est corrigé par la diminution génétique de Dnm2.

par la recombinase Cre, placée sous contrôle du promoteur musculaire de l’actine squelettique humaine et cou-plée à un mutant du récepteur des oes-trogènes, et dont l’activité peut aussi être induite par l’injection de tamoxi-fène (souris Mtm1-/y;Dnm2+/flox;HSA-Cre ou Cre-ERT2).La diminution de la dynamine 2 seule-ment dans les fibres musculaires dès l’embryogenèse est suffisante pour améliorer grandement le phénotype musculaire et la survie des souris. Paral-lèlement à la diminution constitutive de la dynamine 2, nous avons noté une amélioration de la force et de la struc-ture des muscles ainsi qu’une forte relo-calisation des noyaux dans les fibres musculaires et donc une diminution de leur position centronucléaire. Ces données suggèrent que l’effet thérapeu-

nette du nombre de fibres à noyaux centraux (Figure 2C-D). L’organisa-tion intracellulaire des fibres muscu-laires est aussi normalisée ainsi que la forme et la position des triades, des structures membranaires permettant la transformation de l’influx nerveux en contraction.

Amélioration de la myopathie par diminution de dynamine 2 après les premiers signesNous avons ensuite testé si la correction de la myopathie est due à une diminu-tion spécifique de la dynamine 2 dans le tissu musculaire et si cette stratégie pouvait être appliquée après le début de la maladie, puisque les patients sont déjà affectés à la naissance. Nous avons pour cela provoqué la délétion d’un allèle de Dnm2 (construction floxée)

Figure 2. La diminution de la dynamine 2 améliore la myopathie myotubulaire dans des sou-ris. A. Alors que toutes les souris Mtm1-/y sont mortes avant l’âge de 6 mois, 100 % des souris Mtm1-/y;Dnm2+/- survivent, et les plus âgées ont atteint l’âge de 2 ans, une durée de vie normale (adapté de [6]). B. La première souris sans myotubularine ayant atteint l’âge de 1 an (adapté de la figure 7A [6]). C. Les fibres des muscles de souris Mtm1-/y ont un phénotype « centronu-cléaire » caractérisé par des fibres hypotrophiques avec des noyaux centralisés. D. La diminution de 50 % de la dynamine 2 normalise la taille des fibres et diminue significativement les défauts de positionnement des noyaux. Échelle 300 µm et 25 µm dans les grossissements (adapté de la figure 3A [6]).

A B

C D

Mois

Survie (% souris)

Mtm1-/yMtm1-/y;Dnm2+/-

Pas de myotubularinePas de myotubularine

+ réduction de dynamine 2

Souris Mtm1-/y;Dnm2+/- à 1 an

Mtm1-/y Mtm1-/y ; Dnm2+/-

11 120 %10 %20 %30 %40 %50 %60 %70 %80 %90 %

100 %

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

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REMERCIEMENTSBelinda Cowling a été soutenue par la Fondation pour la Recherche Médicale et Jocelyn Laporte par l’INSERM et un contrat hospitalier de recherche translationnelle avec l’AP-HP.

LIENS D’INTÉRÊTLes auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

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Applications thérapeutiques envisageablesL’identification de la dynamine 2 comme excellente cible thérapeutique dans la myopathie myotubulaire ouvre plusieurs perspectives. Il est techniquement envisa-geable de diminuer le niveau ou l’activité de la dynamine 2 chez l’homme. Les résul-tats suggèrent aussi une fenêtre d’action assez large et une intervention possible après l’apparition de la maladie. De plus, il sera important de tester si cette approche améliore les autres formes de myopathies centronucléaires dues à des mutations de BIN1 ou titine par exemple.Enfin, il s’agit d’une des premières propo-sitions de « thérapie croisée », où la dimi-nution d’une protéine impliquée dans les myopathies centronucléaires (dynamine 2) guérit le phénotype dû à la perte d’une autre protéine impliquée dans les myopa-thies centronucléaires (myotubularine). ‡Decreasing dynamin 2 to rescue myotubular myopathy

NOUVELLE

Les tanycytes hypothalamiques : porte d’entrée de la leptine dans le cerveauÉglantine Balland, Vincent Prévot

Inserm, équipe developpement et plas-ticité du cerveau postnatal, Centre de recherche Jean-Pierre Aubert, Inserm U837, Bâtiment Biserte, 1, place de Verdun 59045 Lille Cedex, France ; Université de Lille, faculté de médecine, Lille, [email protected]

Balance énergétique et poids corporelLe poids corporel d’un individu est défini par sa balance énergétique, c’est-à-dire par l’équilibre entre la prise alimentaire et les dépenses énergétiques de l’orga-nisme (activité physique et métabo-lique). Si la prise alimentaire est plus importante que la dépense énergétique, le bilan sera en faveur d’un stockage d’énergie sous forme de graisses. Dans le cas inverse, les réserves graisseuses seront utilisées pour produire de l’éner-gie, provoquant une perte de poids. Comme toute fonction indispensable à la survie, la balance énergétique est

finement régulée notamment par divers facteurs hormonaux sécrétés par les tis-sus périphériques qui informent le sys-tème nerveux central (SNC) de l’état des réserves énergétiques afin d’adapter le comportement alimentaire et la dépense énergétique.

La leptine, hormone clé du métabolismeParmi les facteurs régulant la balance énergétique, la leptine produite par les adipocytes a été identifiée comme un régulateur majeur du poids corporel [1]. En effet, un défaut de production de

leptine provoque l’obésité, mais l’admi-nistration de cette adipokine permet le retour à un poids corporel normal aussi bien chez l’homme que chez la souris mutante ob/ob [2,3]. De même une souris ne possédant pas le récepteur de la leptine LepRb (souris mutante db/db) développe une obésité [4]. La leptine exerce donc un effet inhibiteur sur la prise alimentaire proportionnel au degré d’adiposité de l’organisme. Ainsi, si la masse graisseuse augmente la quantité de leptine produite augmente, ce qui déclenche une diminution de la consom-mation de nourriture. Cet effet sur la

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gliales spécialisées appelées tanycytes, dont les corps cellulaires bordent le plancher du troisième ventricule et les prolongements contactent les capil-laires fenêtrés du sang porte hypotha-lamo-hypophysaire à la surface piale du cerveau (Figure 1) [13].Dans une étude publiée dans Cell Meta-bolism [14], nous avons testé l’hypo-thèse que ces tanycytes pouvaient être le support cellulaire du transport de la leptine du sang vers l’hypothalamus.Nos études réalisées chez la sou-ris ont démontré que lorsque la lep-tine est injectée en périphérie (dans la cavité intra-péritonéale), celle-ci peut être détectée de manière séquen-tielle d’abord dans l’éminence médiane, puis ensuite dans le noyau arqué hypo-thalamique. L’activation du récepteur LepRb mis en évidence par le marqueur d’activation intracellulaire phospho-STAT3 suit la même séquence tempo-relle. Ce résultat suggère que l’émi-nence médiane représente une porte d’entrée pour la leptine vers le cer-veau. L’utilisation de leptine fluores-cente nous a permis de montrer que l’hormone transite de manière polarisée dans les tanycytes au sein de l’émi-nence médiane (in vivo chez la souris et dans des tanycytes en culture). La leptine quitte la circulation sanguine au niveau des capillaires sanguins situés à la base de l’éminence médiane, elle est ensuite internalisée dans les prolonge-ments tanycytaires, transite jusqu’au pôle apical des tanycytes afin d’être libérée dans le 3e ventricule (3V), puis diffuse librement dans le noyau arqué hypothalamique (Figure 1). L’adminis-tration d’un anticorps neutralisant la leptine dans le 3e ventricule empêche en partie la leptine injectée en périphérie d’atteindre sa cible, confirmant le trajet emprunté par la leptine pour atteindre le cerveau. Au contraire, les mêmes études faites chez des souris obèses (régime riche en graisses et mutation db/db) montrent que la leptine injectée reste « piégée » dans les tanycytes de l’éminence médiane.

n’entraîne pas de diminution de la prise alimentaire ni du poids corporel en cas d’obésité chez les animaux et l’humain, sauf dans les rares cas de déficience en leptine. Ces observations ont fait naître le concept de résistance hormonale à la leptine qui correspond à l’incapacité des individus obèses (homme ou ani-maux) à répondre de manière adaptée à l’augmentation de la leptine endogène ou exogène [9]. Deux mécanismes molé-culaires responsables de la résistance à la leptine ont été identifiés : (1) une altération du transport de la leptine du sang vers le cerveau et notamment l’hypothalamus, site d’action critique pour la régulation de la balance éner-gétique par la leptine [10, 11] ; (2) une altération de l’activation du récepteur LepRb par la leptine au niveau du noyau arqué hypothalamique, expliquant la diminution de l’effet anorexigène de la leptine chez les souris rendues obèses par le régime riche en graisses [12]. Plusieurs altérations des voies de signa-lisation en aval de l’activation de LepRb ont été identifiées [9].Néanmoins une question très importante reste à élucider, notamment pour pro-poser de nouvelles voies thérapeutiques chez les patients obèses : comment la leptine entre t-elle dans le cerveau?

Tanycytes et transport de la leptine dans le cerveauLe cerveau est protégé par la barrière hémato-encéphalique (BHE) qui forme un obstacle au passage des molécules du sang vers le cerveau. Cette barrière est constituée d’un assemblage de pro-téines spécialisées (jonctions serrées) qui rendent imperméable l’espace entre les cellules (endothéliales) formant les vaisseaux sanguins. Ainsi, les molécules ayant accès au cerveau sont sélective-ment transportées via des récepteurs spécifiques.Le noyau arqué hypothalamique se situe à proximité de l’éminence médiane hypothalamique, une zone du cerveau où la fonction de barrière hémato-encé-phalique est assurée par des cellules

prise alimentaire est relayé par le sys-tème nerveux central où la leptine active les circuits neuronaux anorexigènes et inhibe les circuits neuronaux orexigènes. L’hypothalamus est une région clé de la régulation de la prise alimentaire, en particulier le noyau arqué hypothala-mique (ARH). Le rôle essentiel joué par la leptine au niveau de ce noyau est bien illustré par les modèles mutants : en effet, l’absence du récepteur LepRb provoque l’obésité. Cependant, le retour à un poids normal est rendu possible par l’administration de vecteurs viraux permettant d’exprimer à nouveau LepRb spécifiquement au niveau du noyau arqué hypothalamique [5].

Obésité et résistance à la leptineL’obésité est définie comme l’accu-mulation excessive de masse adipeuse résultant d’un déséquilibre chronique de la balance énergétique [6]. L’obé-sité due à une déficience en leptine peut être traitée par l’administration de cette hormone [2] mais les formes d’obésité congénitale sont très rares chez l’Homme.Bien que des prédispositions génétiques à l’obésité existent, il est admis que l’hyperphagie est la cause majeure de « l’épidémie » d’obésité observée aujourd’hui dans les pays industriali-sés1. L’excès de masse graisseuse chez les personnes obèses est systémati-quement associé à des taux sanguins de leptine élevés. Cependant, pour des raisons qui ne sont pas encore totale-ment expliquées, cette leptinémie éle-vée n’est pas corrélée à une faible prise alimentaire et à une forte dépense éner-gétique [7]. De manière similaire dans les modèles animaux, l’hyperleptinémie induite par un régime riche en graisses (régime high fat diet ou HFD) aggrave la prise de poids et les anomalies méta-boliques [8]. De plus, l’injection de leptine exogène, même à dose élevée,

1 Overweight and obesity [Internet] Atlanta (Georgia) : centers for disease control and prevention ; http://www.cdc.gov/nccdphp/dnpa/obesity.

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Conclusion et perspectivesLa découverte que l’activation de ERK par l’EGF offre un moyen de restaurer le transport de la leptine a fait l’objet d’un dépôt de brevet. Une collaboration avec l’industrie pharmaceutique pourrait permettre de mettre au point des traite-ments contre l’obésité faisant intervenir des molécules capables d’activer la voie de signalisation ERK spécifiquement dans les tanycytes. ‡Tanycytes gate leptin transport into the hypothalamus

REMERCIEMENTSCes travaux ont été réalisés en collabora-tion avec l’Institut Cochin (Inserm U1016, Université Paris Descartes), l’Université de Rouen (Inserm U982) et Cisbio Bioassays. Ils ont été financés par l’ANR-05-JCJC, ANR-09-BLAN-0267 et la Fondation pour la recherche médicale (équipe FRM 2005 et DEQ20130326524).

LIENS D’INTÉRÊTLes auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

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étant indispensable à la libération de la leptine par les tanycytes (Figure 1). Ce résultat majeur obtenu in vitro nous a permis de restaurer cette étape du transport de la leptine chez les souris obèses au moyen d’un composé – l’epi-dermal growth factor ou EGF – capable d’activer la voie de signalisation ERK dans les tanycytes indépendamment de la leptine. Ainsi, lors du retour à un régime standard, les souris obèses recevant de l’EGF quotidiennement retrouvent leur sensibilité à la leptine 2,5 fois plus rapidement, et leur perte de poids est donc considérablement accélérée.

La voie de signalisation ERK : un acteur indispensableNos expériences menées sur des cultures de tanycytes ont permis d’identifier les mécanismes cellulaires de la capture de leptine au niveau des prolongements basaux (cette étape du transport ne nécessite pas l’activation de LepRb et n’est pas altérée par l’obésité) et de sa libération au niveau du pôle apical du tanycyte (cette étape du transport est altérée chez les souris obèses). En testant divers composés antagonistes des principales voies de signalisation activées par LepRb, nous avons identi-fié la voie de signalisation ERK comme

Figure 1. Transport de la leptine vers le cerveau. Les tanycytes capturent la leptine circulante à partir des vaisseaux sanguins du système porte hypothalamo-hypophysaire dont l’endothélium a la particularité d’être fenêtré (étape 1). Lors de son parcours dans le tanycyte, la leptine, capturée par une voie nécessitant la présence de récepteurs fonctionnels (LepR), active une voie de signalisation dépendant de ERK (étape 2) qui enclenche sa libération dans le liquide céphalorachidien (étape 3). La leptine active alors les zones cérébrales qui véhiculent son action anorexigène (étape 4).

43

1

2

Éminence médiane

Tanycytes

3e ventricule

Neuroneshypothalamiques

Leptine

Leptine

Jonctions serrées

LepR

pERK

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14. Balland E, Dam J, Langlet F, et al., Hypothalamic tanycytes are an ERK-gated conduit for leptin into the brain. Cell Metab 2014 ; 19 : 293-301.

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RÉFÉRENCES

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1 Inserm U837, JPARC – développement et plasticité du cerveau postnatal, 59045 Lille cedex, France ; Université de Lille Nord de France, faculté de médecine, 59044 Lille cedex, France ;2 Université d’Artois, 62800 Liévin, [email protected]

> L’homéostasie énergétique est en par-tie régulée au niveau des noyaux hypo-thalamiques. Parmi ces noyaux, le noyau arqué joue un rôle clé en intégrant les informations périphériques l’informant de l’état énergétique de l’individu [1]. Ce noyau communique avec les autres noyaux hypothalamiques pour réguler la prise alimentaire et la dépense énergé-tique en fonction des besoins de l’orga-nisme [2] (Figure 1). Dans ce contexte,

l’accès des molécules périphériques au noyau arqué est une étape importante dans la régulation de la balance éner-gétique. Nous nous sommes intéressés aux capillaires cérébraux qui irriguent le noyau arqué, et dont l’environnement et la provenance diffèrent des capillaires des autres structures cérébrales ; ces caractéristiques permettent une régu-lation spécifique et dynamique de l’ac-cès des molécules circulantes au noyau

arqué dans le cadre de la régulation de la balance énergétique.

Interface sang/noyau arqué hypothalamiqueLes capillaires cérébraux irriguant le noyau arqué sont différents des vais-seaux de la barrière hémato-encépha-lique dans le reste du système nerveux central. Cette particularité est liée à la proximité de ce noyau avec un organe

Plasticité de la barrière hémato-hypothalamique : rôle dans l’homéostasie énergétiqueBénédicte Dehouck1,2*, Vincent Prévot1, Fanny Langlet1

NOUVELLE

Figure 1. Localisation et rôle du noyau arqué hypothalamique. Le noyau arqué et l’éminence médiane sont situés à la base du troisième ventricule dans la région tubérale de l’hypothalamus. Le noyau arqué joue un rôle impor-tant en intégrant les informa-tions hormonales et humorales provenant des tissus adipeux et du tractus digestif. Ces messages l’informent de l’état énergétique de l’individu. Le noyau arqué communique avec les autres noyaux hypothalamiques pour réguler la prise alimentaire et la dépense énergétique en fonction

des besoins de l’organisme. Dans ce contexte, l’accès des molécules périphériques au noyau arqué est une étape importante dans la régulation de la balance énergétique. Nos études s’intéressent aux capillaires cérébraux qui irriguent le noyau arqué, et dont l’environnement et la provenance diffèrent des capillaires des autres structures cérébrales de part la proximité de ce noyau avec l’éminence médiane (figure 2). 3V : troisième ventricule ; EM : éminence médiane; NA : noyau arqué; NH : noyaux hypothalamiques.

3V

Eminencemédiane (EM)

Hypophyse

Tissuadipeux

Foie Pancréas

Hormones et nutriments

?

3V

NA

?

NA

NH

Régulation de la balance énergétique

nutrimen

EM

P créascréas

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Ainsi, les tanycytes caractéristiques de l’éminence médiane s’étendent à la paroi ventriculaire bordant le noyau arqué. Ils y envoient des prolonge-ments sur les capillaires du noyau arqué qui, contrairement à ceux de l’éminence médiane, présentent des

Il y a donc deux barrières : une barrière tanycytaire entre le sang et le LCR, et une barrière hémato-encéphalique entre le sang et le parenchyme. Ce qui change, c’est la place des jonctions serrées, qui sont sur les cellules endothéliales ou sur les tanycytes.

circumventriculaire appelé éminence médiane, dont les vaisseaux sont de type « fenêtrés ». Ces vaisseaux sont dépourvus des jonctions serrées carac-téristiques des cellules endothéliales des vaisseaux de la barrière hémato-encéphalique et lui conférant des pro-priétés de barrière1. De plus ces vais-seaux présentent des fenestrations (pores) qui permettent une diffusion passive et non sélective des molécules au parenchyme cérébral. Ils ne forment donc pas une barrière [3, 4].Le noyau arqué et l’éminence médiane partagent des propriétés structurales. Tous deux sont alimentés par les artères hypophysaires, et certains vaisseaux irriguant l’éminence médiane irriguent aussi le parenchyme du noyau arqué. Alors que ces vaisseaux sont fenêtrés dans le parenchyme de l’éminence médiane, ils vont acquérir des proprié-tés de barrière lorsqu’ils atteignent le parenchyme du noyau arqué.La majorité des capillaires cérébraux forment la barrière hémato-encépha-lique dont les propriétés sont induites par les astrocytes qui les entourent [5], et au niveau de laquelle s’effectuent les échanges sélectifs sang/cerveau [4]. Au niveau du noyau arqué, les capillaires sont entourés par des pieds tanycy-taires, et non par des astrocytes [4]. Les tanycytes sont les cellules épendy-maires, initialement décrites au niveau de l’éminence médiane, qui régulent les échanges entre le compartiment ventric-ulaire, baigné par le LCR, et les vaisseaux fenêtrés : on parle de barrière tanycy-taire [6]. Habituellement observés au niveau des organes circumventriculaires, ces tanycytes, via l’expression de com-plexes jonctionnels organisés, forment une barrière tanycytaire qui permet de maintenir l’homéostasie cérébrale là où les vaisseaux fenêtrés de ces structures ne l’assurent pas [4, 7] (Figure 2).

1 Les propriétés de barrière empêchent la diffusion passive des molécules, et implique un trasnport sélectif : seules les molécules trouvant leur récepteur au niveau de la membrane des cellules endothéliales peuvent passer dans le cerveau.

Figure 2. Plasticité de l’interface sang/noyau arqué hypothalamique lors d’une mise à jeun. A. L’environnement des capillaires cérébraux (rouge) au niveau du noyau arqué hypothalamique (NA) diffère de celui des autres régions du cerveau : les pieds astrocytaires (a) sont remplacés par des pieds tanycytaires (b). Ces tanycytes forment la paroi ventriculaire bordant le NA et envoient leurs prolongements sur des vaisseaux présentant des propriétés de barrière (rouge). Bien qu’expri-mant des protéines de jonctions serrées (trait vert), les tanycytes du NA ne s’organisent pas en bar-rière tanycytaire ; le contrôle des échanges sang/cerveau s’effectue au niveau des capillaires céré-braux (flèche bleue). Au contraire, les tanycytes trouvés au niveau des organes circumventriculaires (c) régulent les échanges entre le compartiment ventriculaire et les vaisseaux fenêtrés (rose). Ces tanycytes forment une barrière tanycytaire (hexagone vert) qui permet de maintenir l’homéostasie cérébrale malgré la présence de fenestrations dans ces structures (flèche bleue). B. Lors d’un jeûne de 24 h, les capillaires du NA deviennent fenêtrés, perdant ainsi leur propriété de barrière sélective. Ces propriétés de barrière sont alors acquises par les cellules qui les entourent : les tanycytes. Ainsi, lors d’un déséquilibre énergétique, l’interface sang/cerveau du NA acquiert les propriétés décrites au niveau de l’éminence médiane (EM) (flèches noires) : ceci permet aux signaux périphé-riques d’atteindre leurs cibles neuronales (fond bleu) afin de rétablir la balance énergétique. Ces modifications structurales sont induites par l’hypoglycémie, qui engendre une augmentation de la synthèse de VEGFA par les tanycytes. 3V, troisième ventricule.

GLUCOSE VEGF

Plasticité des tanycytes et des vaisseaux du NA

Environnement des capillaires du NA

NA 3V

EM

Nourri A jeun

a. Barrière hémato-encéphalique

c. Interfacesang/cerveau de l’EM

3V

b. Interfacesang/cerveau du NA

3V

Tanycyte

Vaisseauxfenêtrés

Vaisseauxayant des propriétés de barrière

Légende

Astrocyte

T

Protéines de jonctions serrées organiséesou non organisées

A

B

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NOUV

ELLE

SMA

GAZI

NE

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Les tanycytes sont la source du VEGFA impliqué dans les fenestrations endothélialesNos travaux ont montré que les tany-cytes synthétisent et sécrètent le VEGFA qui serait à l’origine des fenestrations de l’endothélium des organes circum-ventriculaires. Lors de la période de jeûne, la synthèse du VEGFA par les tanycytes est augmentée, concommita-ment à l’apparition de fenestrations au niveau des vaisseaux du noyau arqué. Si on inhibe cette synthèse spécifiquement dans les tanycytes, la plasticité des capillaires et de l’épendyme, normale-ment induite par le jeûne au niveau du noyau arqué, est abolie [8]. Ceci con-firme le rôle primordial des tanycytes, via une variation du taux de VEGFA, dans la plasticité de l’interface sang/noyau arqué. Bien que cela ne soit pas démontré, ces cellules pourraient aussi détecter l’hypoglycémie induite par le jeûne. En effet, à l’instar des neurones dits glucosenseurs ou des cellules bêta des cellules pancréatiques, les tany-cytes sont capables de répondre au glucose [13, 14]. Ces études confortent l’étroite corrélation observée entre la glycémie et la synthèse de VEGFA [15].

La plasticité de l’interface sang/noyau arqué assure des réponses métaboliques et comportementales adaptées au maintien de l’homéostasie énergétiqueChez l’animal nourri, l’absence de bar-rière tanycytaire au niveau de la paroi ventriculaire jouxtant le noyau arqué favorise les échanges entre le liquide céphalo-rachidien (LCR) et le paren-chyme cérébral [4]. Au contraire, lors du jeûne, la réorganisation des tanycytes en une barrière ainsi que la fenestra-tion des vaisseaux, privilégient le dia-logue entre le sang et le parenchyme du noyau arqué et l’accessibilité du noyau arqué aux messages venant de la périphérie. En revanche, ces molé-cules circulantes qui passent librement dans le parenchyme ne peuvent pas traverser la paroi ventriculaire : elles

neurones orexigènes et/ou anorexigénes du noyau arqué.Nous nous sommes posés la question du rôle du glucose dans l’accès des signaux périphériques responsables de l’activité neuronale de ce noyau. Afin de déterminer si l’hypoglycémie induite par le jeûne de 24 h joue un rôle dans la plasticité des capillaires et des tany-cytes du noyau arqué, les animaux mis à jeun ont été perfusés avec une solu-tion de glucose rétablissant la glycé-mie. Cette expérience a montré que le maintien de la glycémie lors du jeûne inhibe la fenestration des capillaires du noyau arqué ainsi que la réorganisation de l’épendyme en barrière tanycytaire. Le rôle du statut glucidique est donc prépondérant dans l’accès des signaux périphériques aux noyaux hypothala-miques impliqués dans la régulation de l’équilibre énergétique.

Le VEGFA est impliqué dans la plasticité de l’interface sang/noyau arquéLe facteur de croissance vasculaire (VEGF pour vascular endothelial growth factor) est principalement décrit pour son rôle dans la formation de nouveaux vaisseaux. Cependant, il est aussi à l’origine des fenestrations de l’endothé-lium présentes physiologiquement dans divers organes [11]. Dans le cerveau, il permet le maintien des fenestrations de l’endothélium des plexus choroïdes, structures à l’origine de la production du liquide céphalorachidien [12]. Nos travaux montrent l’implication directe du VEGFA (une des cinq isoformes du VEGF) dans la plasticité de l’endothé-lium des capillaires cérébraux du noyau arqué. En effet, l’injection de VEGFA dans le troisième ventricule d’un ani-mal nourri permet d’induire de manière sélective la fenestration des vaisseaux du noyau arqué présentant initialement des propriétés de barrière. À l’inverse, l’injection d’anticorps bloquant la fixa-tion du VEGFA à ses récepteurs inhibe la fenestration des vaisseaux induite par la mise à jeun.

jonctions serrées et pas de fenestra-tions ( Figure 2A).Ainsi la provenance et l’environnement des capillaires du noyau arqué diffèrent de ceux des vaisseaux irriguant les autres parties du cerveau. Nos travaux ont montré que ces caractéristiques structurales avaient un rôle fonction-nel dans la régulation de l’accès des messages sanguins au niveau des neu-rones du noyau arqué [8].

Plasticité de l’interface sang/noyau arqué hypothalamiqueLors d’un déséquilibre énergétique, telle que la mise à jeun, un rétablissement de la balance énergétique nécessite un échange d’informations entre le noyau arqué et la périphérie. Nos résultats montrent qu’en effet l’accès de signaux métaboliques au noyau arqué est aug-menté lors d’un jeûne de 24 h chez la souris [8, 9]. Ceci résulte d’une modi-fication structurale des vaisseaux du noyau arqué. Certains de ces capillaires deviennent fenêtrés, perdant ainsi leur propriété de barrière sélective. Ces pro-priétés sont alors exercées par les cel-lules qui les entourent, les tanycytes. Ainsi, lors d’un déséquilibre énergétique (animal à jeun), l’interface sang/noyau arqué se réorganise pour permettre aux signaux périphériques d’atteindre leurs cibles neuronales (Figure 2B) : la bar-rière hémato-encéphalique disparaît, et une barrière tanycytaire se forme. Chez l’animal nourri, c’est l’inverse.

L’hypoglycémie est responsable de la plasticité de l’interface sang/noyau arqué lors du jeûneLe rôle du glucose dans la régulation de la balance énergétique est établi depuis 1953 [10]. La théorie dite « glu-costatique » est basée sur l’observation suivante : une hypoglycémie entraîne la sensation de faim et la prise alimen-taire ; au contraire, une hyperglycémie entraîne la satiété et l’arrêt de l’ali-mentation. Ces modifications de com-portements sont en partie entraînées par l’activation et/ou l’inhibition des

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au noyau arqué. On peut également faire l’hypothèse d’une altération de cette communication sang/noyaux hypothala-miques dans certaines pathologies méta-boliques telles que l’obésité, le diabète et l’anorexie. En effet, celles-ci ont en commun des phénomènes de « résistance hormonales » dans lesquels les signaux périphériques sont incapables d’entraîner leurs effets sur les centres nerveux.Ces études soulignent aussi le rôle des organes circumventriculaires dans le contrôle de l’accès des molécules circulantes à leurs cibles neuronales. Ces structures, bien que discrètes, ont une position stratégique car elles se trouvent proches de nombreux centres régulateurs. Compte tenu de leur organi-sation commune [7], il est possible que des phénomènes de plasticité des inter-faces sang/cerveau interviennent de la même façon dans la régulation d’autres fonctions nécessaires au maintien de l’homéostasie de notre organisme, par exemple dans la fonction de reproduc-tion [16]. ‡Titre Anglais ????

LIENS D’INTÉRÊTCe travail a bénéficié d’un financement de l’Agence nationale de la recherche (ANR, GLIODIABESITY). Fanny Langlet a bénéficié d’une allocation de recherche du ministère de la recherche pour le financement de sa thèse.

RÉFÉRENCES

1. Bouret S. Wired for eating. Med Sci (Paris) 2004; 20: 958-9.

s’accumulent dans le parenchyme du noyau arqué. Cette barrière tanycy-taire empêche les molécules d’accéder au liquide céphalo rachidien, et donc de diffuser dans le reste du cerveau, préservant l’homéostasie cérébrale. En effet, après le jeûne, nous observons une augmentation du taux de ghréline – molécule orexigène synthétisée par l’estomac – dans le noyau arqué ainsi que la stimulation des neurones cibles de cette molécule [9]. Ce phénomène explique le pic d’hyperphagie observé lors de la réalimentation des animaux, dont le but est de rétablir la balance énergétique. Cependant l’accès au noyau arqué n’est pas réservé à la ghré-line ; nos travaux ont montré que toute molécule (< 40Kda) circulante pouvait y pénétrer lors de la réorganisation de l’endothélium du noyau arqué. À l’écoute de notre organisme via le noyau arqué, les noyaux hypothalamiques adaptent les réponses métaboliques et comportementales nécessaires au main-tien de l’homéostasie énergétique.

ConclusionNos études proposent un nouveau concept de régulation des échanges entre le com-partiment sanguin et le parenchyme cérébral via l’apparition de fenestrations au niveau des capillaires cérébraux qui perdent leurs propriétés de barrière, alors que les tanycytes en organisent une. Le glucose joue un rôle crucial dans cette réorganisation et donc dans le contrôle de l’accès des molécules périphériques