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Etude des impacts socioéconomiques d’Aires Marines Protégées méditerranéennes : le cas des îles Kuriat Etude de cas Mounir Balloumi Version provisoire Plan Bleu Centre d'Activités Régionales PNUE/PAM Sophia Antipolis Juin 2012

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Etude des impacts socioéconomiques d’Aires

Marines Protégées méditerranéennes : le cas des

îles Kuriat

Etude de cas

Mounir Balloumi Version provisoire

Plan Bleu

Centre d'Activités Régionales PNUE/PAM

Sophia Antipolis

Juin 2012

Avertissement : les positions et analyses tenues dans ce rapport relèvent de responsabilité de l’auteur et ne reflètent pas

nécessairement le point de vue officiel du Plan Bleu

Partie I : Développement du territoire et AMCP : Etat des lieux et analyse rétrospective des interactions clés 3

Chapitre 1 : Le développement territorial autour des îles Kuriat: Forces motrices et tendances socioéconomiques et écologiques ................................................................................................ 2

Chapitre 2 : La protection des îles Kuriat et les projets de développement de cette protection : quels effets sur le développement territorial ? ....................................................................................... 1

Conclusion ............................................................................................................................ 5

Partie 2 : Analyse prospective et estimation de l’effet généré par les îles Kuriat sur le développement territorial 5

Chapitre 3 : Les avenirs potentiels du développement territorial et des effets de protection des îles Kuriat .................................................................................................................................. 5

Chapitre 4 : Evaluation de l’effet de protection des îles Kuriat sur le développement du territoire : variations des bénéfices et coûts ................................................................................................. 7

Conclusion du rapport 2

Introduction

Alors que le sommet de la Terre tenu à Rio en 1992 célèbre son vingtième anniversaire, la relation entre conservation de l’environnement et bien-être des individus dans une perspective de développement durable, est un sujet d’actualité. Ce constat est particulièrement vrai pour le milieu marin, qui fait partie des 7 axes principaux de la Conférence de Rio+20. C’est dans ce contexte que les Aires Marines et Côtières Protégées (AMCP), zones de protection des richesses environnementales, mais également zone de restriction des usages limitant les formes habituelles de développement, sont des instruments complexes qui jouent un rôle ambivalent vis à vis de la population. Depuis les années 1990, une littérature importante a donc été consacrée à l’évaluation économique des avantages nets fournis à la société par les AMCP en utilisant différentes méthodologies1. L'évaluation de l'impact économique local d’une AMCP n'aborde pas la question de ses avantages pour la société dans son ensemble, mais la question plus pratique des conséquences économiques de sa mise en œuvre pour les communautés locales littorales. Bien que l’objectif de base de création d’AMCP ne soit pas le développement économique mais la conservation d'écosystème, la question de son influence sur le développement territorial économique local est critique parce qu'il dirige son acceptabilité sociale2. En effet, si le spectre des avantages attendus de mesures de conservation suite à la création d’AMCP ne se limite pas au développement d’activités économiques spécifiques à la zone protégée (pouvant concerner jusqu'à l'ensemble de l’humanité dans le cas de valeurs d'existence), la plupart des restrictions qu’elles imposent aux activités humaines ont un caractère local3. La majorité d'études évaluant l'impact économique local de réserves naturelles est

1 Hoagland et al, 1995 ; Alban et al, 2006 2 Carter, 2003; Pomeroy et al, 2004; Sanchirico, 2000 3 Lunney et al., 1997

concentrée en Amérique du Nord et en Australie, et concerne principalement les utilisations récréatives (par exemple Carlsen et Wood, 2004; Driml et Common, 1995; Leeworthy et Wiley, 2002; Lindberg et Denstadli, 2004; Stynes et al, 2002; Tremblay et Carson, 2007). En Europe du Sud, un nombre important d’AMCPs a également été créé, particulièrement en Méditerranée (Anon, 2006). Bien que des informations sur leur impact économique puissent être trouvés dans quelques études monographiques (IRAP, 1999; Musard, 2001; Perez- Ruzafa, 2003; Ramos, 1992; Ribera-Siguan, 1992; Richez, 1992), peu d'attention a été portée à l’évaluation économique des AMCP de la Méditerranée (Badalamenti et al., 2000 ; Roncin et al, 2008).4 Pourtant, si la Méditerranée ne représente que 0.7% de l’océan mondial, elle abrite une biodiversité et fournit des services écologiques considérables pour le système économique et le bien-être humain. En tant qu’espaces protégés, les AMCPs méditerranéennes sont des lieux d’évaluation privilégiés de ces bénéfices. Cette étude porte en particulier sur la situation des îles Kuriat, au sein du gouvernorat tunisien de Monastir, qui bénéficient actuellement du statut de zone sensible littorale, mais pourraient être élevées au rang d’AMCP dans les années à venir. Les AMCPs affectent potentiellement deux types d’usages d'extraction et de non extraction. Dans le cas des îles Kuriat, la première catégorie est principalement représentée par des pêcheurs, tandis que la deuxième catégorie est en grande partie composée d'utilisateurs des activités de loisirs comme la plongée sous-marine, l’observation des différentes espèces faunistiques et floristiques, la promenade au voisinage des îles et la baignade. A travers une mise en contexte du site d’étude dans son territoire, puis une analyse coûts avantages, ce

4 “Uses of ecosystem services provided by MPAs: How much do they impact the local economy? A southern Europe perspective”, Roncin et al., Journal for Nature Conservation vol. 16, 2008.

rapport tentera d’éclairer la prise de décision pour le futur des îles Kuriat.

Partie I : Développement du territoire et AMCP : Etat des lieux et analyse rétrospective des interactions clés

Les objectifs de cette première partie s’inscrivent dans la problématique générale d’évaluation économique des effets de protection des îles Kuriat sur le développement socioéconomique de la zone littorale de Monastir.

Cette partie est relative à la caractérisation des îles Kuriat. Il s’agit plus précisément de présenter toutes les données nécessaires à l’étude, renseignant sur toutes les spécificités du site étudié, l’occupation du sol, les pressions anthropiques et les sources de nuisance. Dans un premier chapitre, on étudie la région de Monastir d’une manière générale tout en mettant l’accent sur sa zone littorale. Puis dans le deuxième chapitre, on se focalise sur la situation des îles Kuriat. La connaissance de l’état du développement de la zone d’étude permettra d’en évaluer économiquement ses potentialités et d’en définir les scénarios de gestion possibles.

Chapitre 1 : Le développement territorial autour des îles Kuriat: Forces motrices et tendances socioéconomiques et écologiques

Les objectifs de ce chapitre sont de décrire et analyser le développement socioéconomique et environnemental actuel et rétrospectif de la région de Monastir et ses interactions avec les îles Kuriat et d’identifier les différentes forces motrices du développement. La région est analysée dans sa globalité, c’est à dire, jusqu’aux sources des influences possibles sur les îles Kuriat, qu’elles soient humaines ou naturelles.

1.1. Caractérisation du développement territorial: situation et rétrospective

Le Gouvernorat de Monastir est une région côtière qui est situé dans le Centre Est de la Tunisie et couvre une superficie de 1024 km², soit 0,6 % de la superficie du pays. Il est limité par la Méditerranée à l’Est et, au Sud par le Gouvernorat de Mahdia et au Nord et à l’Ouest par le gouvernorat de Sousse (voir figure 1). La côte de Monastir s'étend sur 64 km, d’Oued Hamdoun à Bekalta. Elle est une région ayant une économie diversifiée (industrielle, agricole et touristique) qui ne cesse de se développer. Le taux d’accroissement naturel de la population dans le gouvernorat de Monastir était de 2% en 2010%, ce qui est supérieur au taux national de la même année (1,05%). Ceci

est dû à la migration des régions intérieures. Des soldes migratoires positifs ont été respectivement de 6539 et de 16877 durant les deux recensements de la population de 1994 et de 20045.

5 INS, 2004

Source : CGDR Monastir, 2010.

Le gouvernorat de Monastir est un territoire fortement urbanisé (le taux d’urbanisation s’approche de 100% contre 66% au niveau national6), qui regroupait presque 515 300 habitants en 2010 (soit 4,9% de la population nationale). La densité démographique était de 505 habitants/km² en 2010 contre 67 habitants/km² au niveau national7. Comme les autres régions littorales, le gouvernorat du Monastir présente des meilleurs indicateurs socioéconomiques par rapport aux régions de l’intérieur de la Tunisie. Si l’on prend l’indicateur de mesure de la pauvreté, les écarts sont tous aussi sévères. La région du Centre-Ouest (Kairouan, Sidi Bouzid et Kasserine) est relativement la plus pauvre avec un taux de 12,84%, soit plus du triple de la moyenne nationale évaluée à 3,75% contre moins de 3% dans le gouvernorat du Monastir. Signalons que le taux d’analphabétisme est de 12,5% à

6 INS, 2011 7 INS, 2011 ; recensement général de la population et l’habitat (RGPH), 2004

Monastir contre 20,5% à l’échelle nationale. L’espérance de vie n’a cessé de grimper grâce à l’amélioration générale des conditions sanitaires et des conditions de vie, pour atteindre 77 ans à Monastir en 2009 contre 74,5 ans au niveau national8. Le clivage qui sépare la Tunisie de l’intérieur et celle du littoral se retrouve également dans le domaine de la mortalité infantile. Lorsqu’en 2009 le taux de mortalité infantile au niveau national se situait autour de 17,8‰, pour Monastir, il était de 13‰. En 2010, le revenu moyen par habitant dans le gouvernorat du Monastir était de l’ordre de 6 000 dinars (3 112 €) contre un peu plus de 5 000 dinars (2 594 €) à l’échelle nationale9. Le taux de chômage dans le gouvernorat de Monastir est de 12% contre 14% au niveau national10.

8 Ministère du Développement Régional, 2011 9 INS, 2011 10 Banque centrale de Tunisie, 2010

Le gouvernorat de Monastir est divisé en deux zones homogènes : la zone littorale et la zone intérieure. La zone intérieure a une superficie de 736 km² avec une densité de la population beaucoup plus faible (423 habitants/km² en 2010). La superficie de la zone littorale est de 288 km² avec une forte densité de la population (707 habitants/km² en 2010).

Ceux qui bénéficient le mieux des bénéfices liés aux services écologiques des îles Kuriat sont les populations de la zone littorale. Cette zone est appelée aussi la baie de Monastir et comprend 5 délégations : Monastir, Bekalta, Tebolba, Ksibet El Mediouni, et Sayada-Lamta-Bouhjar. Chacune de ses délégations abrite un port de pêche. Selon le RGPH de 2004, la population de la zone de baie de Monastir était de 177 812 habitants. Elle est passée à presque 202 000 en 2010, selon l’INS.

L’économie de la zone intérieure est basée essentiellement sur l’industrie et l’agriculture. L’économie de la zone littorale est basée sur la pêche et le tourisme. La prise en charge de la problématique écologique dans les différents plans de développement et de gestion de son territoire, ainsi que l'intérêt que porte la Tunisie au développement intégré des zones côtières, fait suite à ses engagements dans le cadre des accords de Rio en 1992 lors du sommet de la terre et particulièrement le chapitre 17 de l’Agenda 21 des Nations Unies et l’Agenda MED 21 pour la Méditerranée (1994), relatifs à la protection des océans et de toutes les mers fermées et semi-fermées et des zones côtières à travers la protection et l'utilisation rationnelle de leur ressources biologiques. Aussi l’amélioration du cadre institutionnel tunisien pour une gestion durable du littoral enclenchée en 1992 par l’adoption d’une charte du littoral et la création en 1995 de l’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL) répond à ces engagements internationaux. Depuis, la Tunisie a développé son cadre législatif et a mis en œuvre des moyens pour traduire cette volonté en action sur le terrain. C’est dans ce cadre d’attention soutenue à la protection de l’environnement littoral et marin et dans une perspective de développement durable que s’inscrivent les actions de

protection des spécificités et l’équilibre écologique des îles Kuriat engagées en 1997 par le campement saisonnier de recherche et de conservation de la tortue Caouanne (Caretta caretta). Ce campement est chargé du suivi et de la protection des sites de nidification. Il est régi par une convention entre l’Agence Nationale de Protection de l'Environnement (ANPE), l’Institut National des Sciences et Technologies de la Mer (INSTM) et le Centre des Activités régionales pour les Aires Spécialement Protégées (CAR/ASP)11 pour les années 1997 et 1998 puis élargie à l’APAL depuis 1999. L’APAL tend aujourd’hui à faire évoluer le statut actuel de la protection des iles Kuriat, celui de zone sensible régie par la loi de 1995 (loi 95-72), vers le statut d’aire marine et côtière protégée régie par la nouvelle loi de 2009 (loi 2009-49) et d’élargir la zone actuellement protégée.

L’examen des textes sectoriels [loi 95-72, décret 98-2092, décret 2000-167] montre l’absence d’une approche juridique globale de la gestion des zones littorales tunisiennes. Selon la réglementation, le littoral est protégé contre les pollutions et les nuisances les plus menaçantes pour son équilibre. Toutefois, cette législation reste impuissante face à la majorité des activités anthropiques12.

1.2. Les forces motrices du développement

Le Gouvernorat de Monastir est un pôle économique régional. Son économie repose sur les trois secteurs d’industrie, de services (y compris le tourisme), et d’agriculture. Le taux de croissance annuel moyen réel est de l’ordre de 6% au cours de la période 2000-201013. Les

11 « Le Centre d’Activités Régionales pour les Aires Spécialement Protégées (CAR/ASP) a été créé à Tunis en 1985 par décision des Parties contractantes à la Convention pour la Protection de la Mer Méditerranée contre la Pollution (Convention de Barcelone) qui lui ont confié la responsabilité d’évaluer la situation du patrimoine naturel et d’apporter son assistance aux pays méditerranéens pour la mise en œuvre du Protocole relatif aux Aires Spécialement Protégées et à la Diversité Biologique en Méditerranée (Protocole ASP/DB), qui est

entré en vigueur en 1999. » Source : http://www.rac-spa.org/fr/presentation_fr 12 Source :

http://www.memoireonline.com/12/07/740/m_protection-environnement-cotier-tunisie54.html consulté le 27/01/2012. 13 CGDR, 2010

proportions de la population occupée dans les trois secteurs étaient respectivement de 51,6%, 42,8% et 5,6% en 200814 (API, 2011). L’industrie est le secteur qui emploie le plus de personnes. Elle offre presque 65 669 emplois dont 53 878 dans le textile et habillement (TH)15. Le gouvernorat compte environ un millier d’entreprises industrielles qui travaillent majoritairement dans le domaine du TH et dont la production est essentiellement exportée vers les pays de l'Union Européenne. La valeur ajoutée de la production industrielle, au terme de l’année 2010 au prix courant national, est estimée à presque 2238 millions dinars (1160 millions €)16. Le secteur industriel de la région de Monastir représente 12% du tissu industriel de toute la Tunisie. Le quart des entreprises en TH au niveau national se trouve au gouvernorat de Monastir17. La valeur de la production nationale du TH est de l’ordre de 1958 millions dinars (1015 millions €) en 201018. Cet intense développement d'activités industrielles peut constituer une pression anthropique déstabilisant la biodiversité marine et côtière par les différents rejets urbains et industriels et l'occupation progressive du littoral. Néanmoins, les eaux des îles Kuriat semblent être épargnées par les pollutions d’origine tellurique qui affectent la baie de Monastir grâce aux courants qui structurent la circulation des eaux adjacentes aux îles.

Le secteur touristique du gouvernorat de Monastir offre une capacité de 25 449 lits (soit 12 % de la capacité nationale) pour 53 hôtels, et génère 9 000 emplois directs19. Sur la période 2000-2010 dans le gouvernorat du Monastir entre 3 et 4 millions de nuitées touristiques ont été observées chaque année (tableau 1). Au terme de l’année 2010, la valeur ajoutée du tourisme à Monastir, en prix

14 API, 2011 15 Il s'agit seulement des emplois des sociétés dont le nombre d'employés est > 10. 16 Bulletin des Statistiques de la Banque Centrale, 2011 17 API, 2011 18 INS, 2011 19 Il y a aussi une part importante de logements locatifs proposés par des particuliers, et destinés aux touristes algériens et llibyens. Ce type de tourisme informel n’est pas compté ici à cause de la non-disponibilité des données.

courant, est estimée à env. 383 millions dinars (198 millions €)20.

Tableau 1. Evolution du nombre de nuitées dans le gouvernorat du Monastir sur la période 2000-2010

Année Nombre de nuitées

2000 4 186 425

2001 4 025 150

2002 2 922 908

2003 3 042 925

2004 3 779 300

2005 4 014 187

2006 3 988 091

2007 4 096 721

2008 4 127 486

2009 3 689 586

2010 3 675 779 Source : ONTT, 2011

La région se distingue par son infrastructure moderne, qui comprend deux parcours de golf, un hippodrome, un terrain de pétanque, des terrains de tennis, des centres de plongée et un port de plaisance doté de 400 anneaux. La région a également une infrastructure de transport moderne avec un aéroport international, une gare, un métro desservant les gouvernorats de Monastir, Sousse et Mahdia, un important parc de bus, taxis et louages21. Malgré l’importance de la côte littorale du gouvernorat de Monastir, la majorité des établissements touristiques se concentrent dans la délégation de Monastir. Ce qui a provoqué la saturation des espaces réservés à cet effet. Le développement que connaît ce secteur permet au gouvernorat de Monastir d’occuper une place privilégiée dans l’économie régionale et nationale. En effet, le tourisme, essentiellement balnéaire, constitue un secteur d'activité de première importance du point de vue de ses retombées directes et indirectes. Les répercussions des flux touristiques sur l'économie Tunisienne sont majeures : environ 340 000 emplois directs et indirects et représente 6,5% de la création du PIB. L’activité touristique sur les îles Kuriat est très intense durant la période estivale. Sur la base de

20 Estimation basée sur 12% de la valeur ajoutée du tourisme à l’échelle nationale. 21 Office national de tourisme Tunisien (ONTT), 2010

l’étude sur les îles Kuriat faite en 2000, le plan de gestion prévoit l’autorisation de la visite des îles pendant la période touristique du mois de mai au mois d’octobre selon la fréquence de 200 personnes par jour, ce qui implique presque 36 000 personnes par an22. Sur la base d’observation et d’entretiens, il s’avère que les îles Kuriat sont actuellement fréquentées par presque 50 000 personnes par an, tous usagers récréatifs confondus (touristes, pêcheurs récréatifs, plongeurs…), dont la plupart sont des habitants locaux à cause de manque d’infrastructures et d’aménagements attirant les internationaux. Seuls 10% des visiteurs d’iles seraient des touristes étrangers (graphique 2). L’accroissement de 5% à 10% durant les années 1990 du nombre annuel des visiteurs, s’est traduit par une augmentation des bénéfices des activités ayant trait à ces visites (transport en bateau, restauration). Toutefois, cet accroissement peut avoir un effet négatif sur l'environnement et par suite diminuer l'attractivité de la destination et faire douter du caractère durable du niveau de fréquentation23.

Graphique 2. Estimation de la répartition des visiteurs de loisir aux îles Kuriat

Source : questionnaires directs, 2011

Parmi les autres secteurs de l'économie, l’agriculture occupe une place importante dans le développement de l’économie régionale et principalement les cultures sous serres pour lesquelles le gouvernorat occupe le premier rang au niveau national. Le Gouvernorat de Monastir est connu pour sa vocation agricole en raison de ses vastes oliveraies, ses traditionnelles exploitations maraîchères et ses cinq ports de pêche : Monastir, Ksibet El-Mediouni, Sayada, Teboulba et Bekalta. La valeur totale de la production agricole, au terme

22 APAL/SCET-TUNISIE, 2000 23 APAL/SCET-TUNISIE, 1999

de l’année 2010 au prix courant national, est estimée à 228 millions dinars (118 millions €) ce qui représente presque 5% de la production nationale agricole, et parmi laquelle l’exploitation des produits de la mer contribue à hauteur de 12% environ (graphique 3).

Graphique 3. Parts de différents produits agricoles dans la valeur ajoutée agricole dans le gouvernorat de Monastir

(en %)

Source : CRDA Monastir, 2010.

La pêche a une grande importance sociale dans le gouvernorat de Monastir. Elle est une activité traditionnelle dans la région. Le poids de la pêche dans l’ensemble des activités économiques dans le Gouvernorat de Monastir se reflète dans sa contribution à la valeur ajoutée agricole (12% environ) et aussi dans la population qu’elle emploie, soit 3 788 personnes à titre permanent (ce qui représente presque la moitié de la main d’œuvre agricole24.) La flottille est estimée à près de mille embarcations en 2010 (soit une augmentation de presque 25% par rapport à 2000) dont la moitié est motorisée. Les données sectorielles existantes pour les côtes de Monastir témoignent de la fragilité des métiers de pêche au regard de la stagnation de la production observée depuis 2006 autour des 16 000 tonnes par an; ce qui représente actuellement 16% de la production nationale. La production nationale a d’ailleurs elle-même baissé de 9,7% entre 2006 et 2010. Sur la base de ce niveau de production, le chiffre d’affaires estimé pour la zone s’élève à environ 57 millions de dinars (29,7 millions d’€) en 2010.

24 CRDA, 2010

0%

20%

40%

60%

80%

Locaux Nationaux Etrangers

0,7

26,3

28,7

32,8

11,5 Céréales

Arboriculture

Produits maraichers Produits d'animaux Produits de la mer

Cette production découle de pratiques artisanales et côtières illustrées par la taille

modeste des bateaux, la distance relativement proche des sites de pêche par rapport aux côtes, à la taille restreinte de l’équipage et aux techniques utilisées (13% de pêche côtière, 2% de pêche au chalut, 75% de pêche au feu25, et 10% d’autres pratiques). Certaines techniques de pêche telle que le chalutage ont causé localement la destruction d’herbiers, zone de frayère pour de nombreuses espèces, entrainant la diminution du stock des ressources halieutiques et de lourdes conséquences sur le plan écologique. La stagnation du niveau des captures halieutiques ainsi que les risques de diminutions de l’activité due à la dégradation du milieu marin et des stocks halieutiques pourraient non seulement affecter la pêche elle-même mais aussi d’autres activités liées à son processus de production et distribution comme la construction navale26.

Le gouvernement de Monastir fait partie du littoral tunisien qui concentre les richesses et les investissements du pays. La dynamique économique du territoire est principalement tirée par l’industrie du textile et de l’habillement et les services liés au tourisme balnéaire qui s’appuie sur un territoire fortement ancré dans une tradition socioéconomique agricole dans l’arrière pays. Actuellement, les projets de développement économique de la région de Monastir ne font pas référence aux îles Kuriat ; or l’utilité multiple de ces îles est pourtant non négligeable, tant au plan écologique qu’au plan économique, considérant les activités liées aux services écologiques rendus par ces îles.

25 C’est une pêche de nuit en utilisant une lumière artificielle pour attirer le poisson. 26Il y a une usine de construction navale à Teboulba (gouvernorat du

Monastir). Elle importe principalement les biens d’équipements de

l’Italie et fait la transformation des bateaux en Tunisie. Source : APAL

/ SCET-TUNISIE, 2000

Chapitre 2 : La protection des îles Kuriat et les projets de développement de cette protection : quels effets sur le développement territorial ?

L’objectif de ce chapitre est d’analyser l’état des lieux et l’évolution rétrospective des îles Kuriat, en mettant l’accent sur leurs modalités de gouvernance, leur état environnemental, la régulation de leurs usages et le volume des usages réalisés, et les liens entre ces îles et le développement du territoire alentour. Cette analyse contribuera à la définition des scénarios prospectifs de gestion des îles Kuriat lesquels serviront comme base pour leur évaluation économique.

2.1. Portrait de la protection des îles Kuriat en 3 dimensions : sociale, économique et écologique

Les îles Kuriat sont deux petites îles inhabitées et quasiment vides d’aménagement, distantes de 2 km l'une de l'autre et situées à l’Est-Nord-Est du Cap Monastir, à environ 16 km vers des côtes (voir figure 1). Elles ont des altitudes basses ne dépassant pas 5 m. Leur géologie de surface montre essentiellement des matériaux très récents, surtout sableux, des plages, des dunes et des sebkhas, des chotts27 et des marais maritimes. L’île la plus grande a une forme ovoïdale, d’une longueur de 3,5 km et d’une largeur de 2 km, et s’étend sur une superficie d’environ 270 ha. Les côtes orientales et méridionales de l’île se distinguent par le développement d’un cordon sableux très étendu. Les côtes septentrionales et occidentales de l’île sont généralement rocheuses. Les zones humides sont sur le long de la façade orientale et méridionale de l’île et couvrent plus du tiers de la superficie de l’île. La plus petite île possède une superficie de 50 ha, dont la majeure partie est constituée de terres plates et basses ne dépassant que très rarement 0 m d’altitude au Nord et au Nord-est, ainsi que de plaines intertidales correspondant à la zone

27 Les sebkhas et chotts sont des lacs plus ou moins salés qui se forment sous l’effet conjugué de pluies torrentielles subites et d’un ruissellement rapide dans des paysages quasi désertiques, lesquels entraînent parfois la formation de vastes étendues d’eau dans des dépressions continentales. Ils se trouvent généralement en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Dans un chott, la végétation permanente est éparse avec des îlots de verdure chaque fois que l’eau est présente. Les invertébrés y sont limités à une poignée d’espèces adaptées aux conditions xériques (caractérisé par une forte sécheresse) et les oiseaux d’eau sont rares. La sebkha, plus salée que le chott, est une dépression peu profonde renfermant de l’eau pendant de plus longues périodes; elle ne s’assèche généralement qu’au plus fort de l’été (Tiré de l’OZHM, http://www.medwetlands-obs.org/fr/content/chotts-sebkhas-dayas-et-garaets, accédé en avril 2012).

d'oscillation des marais au Sud. Comme dans la grande Kuriat, la côte de la petite Kuriat est sableuse ou rocheuse. Les côtes sablonneuses sont principalement à l’extrémité orientale de l’île et la plage y est bien développée, avec un cordon dunaire très étendu. Le reste de la côte, qui forme la majeure partie de la petite île, est rocheux. Les zones humides dans la petite île sont moins importantes et n’ont qu’une superficie de 2 ha28.

Exemples de végétation des îles Kuriat

Source : réalisation personnelle

28 APAL/SCET-TUNISIE, 1999

Les îles Kuriat possèdent un potentiel en termes de biodiversité terrestre et marine d'une importance environnementale avérée. Les différentes espèces faunistiques et floristique recensées, tant au niveau du milieu terrestre que marin, présentent un haut degré de rareté et vulnérabilité. Ces îles présentent plusieurs intérêts écologiques : lieux d’habitat, de nourrissage et/ou de reproduction pour de nombreuses espèces avifaune ou piscicoles, notamment. La biodiversité terrestre renferme une grande diversité floristique (photos 2 et 3) et faunistique (une végétation halophile, une végétation psammophile, une végétation ligneuse, des oiseaux migrateurs et de nombreuses espèces de nicheurs, la fauvette mélanocéphale, le Pinson du Nord et le Goéland railleur, l'herpétofaune et les mammifères terrestres.)

La biodiversité marine se caractérise notamment par la présence d'herbiers de posidonie, de fonds de maërl, de la grande Nacre Pinna nobilis, et de la tortue Caouanne Caretta caretta, espèce classée en danger par l’UICN. La tortue Caouanne, par ailleurs facteur d’équilibre du milieu marin, constitue l’une des raisons majeures de la protection des îles Kuriat, celles-ci étant l’un des principaux sites de nidification de la tortue Caretta caretta au sud de la Méditerranée. La nidification de la tortue Caretta caretta sur la grande Kuriat a été mise en évidence pour la première fois en 1988 alors que sur la petite Kuriat cela n'a été fait qu'en 199329.

Plongeurs sous marins explorant les herbiers de posidonie

29 APAL/SCET-TUNISIE, 1999; Bradai, 2000 ; Aguir, 2009

Ramos-Espla et Ben Mustapha (2010) ont identifié les principaux habitats marins et espèces des îles Kuriat en classifiant les biotopes marins existants et listant les biocénoses et les espèces présentes dans la partie marine. Ils ont accordé une attention particulière aux herbiers de phanérogames marines et aux espèces et habitats d’importance méditerranéenne, spécialement celles figurant dans les annexes du Protocole pour les Aires Spécialement Protégées, sous l’égide de la Convention de Barcelone (pour un recensement quantitatif des poissons et céphalopodes autour de la Grande Kuriat, voir annexe 4). Langar et al. (2011) complètent cette étude en mettant l’accent sur les éléments naturels des récifs-barrières de posidonie et les fonds de maërl. Ils ont trouvé que tous les herbiers présentent une densité foliaire proche des 700 faisceaux/m et peuvent être ainsi classés en herbiers denses à très denses selon la classification de Giraud (1979). La superficie couverte par les herbiers de posidonie, de 2959,5 ha représente presque 75% de leur projet d’AMCP. Ils ont constaté aussi que le maërl, qui couvre presque 10% de ce projet, se trouve dans des profondeurs allant de 0,5 à 3 mètres sur les fonds rocheux de la grande île et de 0,5 à presque 2 mètres de la petite île. Les fonds de maërl jouent un rôle important dans la séquestration du dioxyde de carbone. Pour une capacité de stockage annuel de 1,18 t CO2/ha/an, le total de flux de CO2 séquestré par la zone marine est égal à 14 512 t en 2010. La valeur du flux de CO2 séquestré est de 399 milliers de dinars (206 milles €) en 2010. Les îles Kuriat disposent aujourd’hui du statut de zone sensible littorale et constituent l’un des cinq sites sélectionnés pour bénéficier du statut d’AMCP par le programme national de création d'aires protégées marines et côtières en Tunisie30. Une zone sensible est définie juridiquement par l'article 2 du décret n°98-2092 du 28 octobre 1998 comme « toute zone qui présente des caractéristiques naturelles spécifiques, qui constituent un écosystème fragile ou un élément ou un

30 Langar et al., 2011

ensemble d'éléments dans ce système et qui requiert pour sa protection contre la dégradation la mise en œuvre de normes et de procédés d'aménagement prenant en compte ses spécificités et préservant les sites naturels y existants ». Ce décret dénombre 19 zones sensibles dont 15 en zones côtières (voir annexe 1). La loi 95-72 du 24 juillet 1995, relative à la création de l’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL) indique à l’article 8 que dans le cadre de la conservation des zones sensibles, l’APAL « peut avoir la maîtrise des immeubles soit par leur acquisition à l'amiable, soit le cas échéant par leur expropriation par l'Etat à son profit (conformément à la législation en vigueur relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique. L'Agence peut aussi, dans les cas où elle le juge opportun, conclure des accords de partenariat avec les propriétaires des terres situées dans les zones sensibles. Les propriétaires s'engagent dans ces accords à gérer leurs terres conformément à un cahier des charges approuvé par le Ministre chargé de l'environnement »31 (voir annexe 2). La zone sensible de protection de ponte et nidification des tortues Caouannes située principalement sur la grande Kuriat est donc gérée par l'APAL, qui exécute la politique de l'Etat dans le domaine de la protection et l'aménagement du littoral, la protection du domaine public maritime contre les empiètements et les occupations illicites et donne son approbation à tout projet d'aménagement et d'équipement sur le littoral avant son exécution32. La grande Kuriat est de plus sous occupation militaire occasionnelle pour la surveillance des côtes et faire secours aux bateaux dans le cas du mauvais temps. L'Institut National des Sciences et Technologies de la Mer (INSTM) est quant à lui chargé du suivi scientifique des espèces sur le site, notamment des tortues. Parallèlement, les îles Kuriat sont également reconnues comme Aire Spécialement Protégée d’Importance Méditerranéenne (ASPIM) dans le cadre du protocole sur les Aires Spécialement Protégées, sous l’égide de la Convention de Barcelone. A ce titre, le Centre d’Activités Régionales pour

31 JORT, 1995 32 loi 95-72, JORT, 1995

les Aires Spécialement Protégées (CAR/ASP) fournit un appui scientifique et institutionnel pour la protection des ces îles. Sur les îles Kuriat, les tortues Caouannes et les herbiers de posidonie bénéficient d’une attention particulière de la part de l’APAL, qui a adopté des mesures de protection en collaboration avec l’INSTM consistant à délimiter le périmètre concerné par la nidification des tortues marines, interdire l'accès à ce périmètre, signaler les zones de nidification des tortues à l'aide de panneaux d'information, et à renforcer le dispositif de protection des nids pendant la période de ponte (correspondant à la période estivale aussi très fréquentée par les visiteurs). Dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action pour la conservation des tortues marines, une coopération s’est établie entre le CAR/ASP et l’INSTM pour suivre la nidification des tortues Caretta Caretta aux îles Kuriat pendant les saisons de ponte. Cette coopération a été renforcée à partir de 1997, sous le patronage du Ministère de l’Environnement et de l’Aménagement du Territoire (MEATE), par la signature d’une convention tripartite entre le CAR/ASP, l’INSTM et l’Agence National pour la Protection de l’Environnement (ANPE) puis l’APAL pour suivre chaque année les périodes de nidification et d’émergence des nouveau-nés. Généralement, cette activité est réalisée par un groupe composé d’un responsable, un technicien, deux agents et deux stagiaires bénévoles durant une période de presque trois mois. Ce projet répond à 2 préoccupations: la recherche herpétologique et la conservation des tortues marines33.

Tortue Caouanne sur la plage de la grande Kuriat

33 APAL/SCET-TUNISIE, 1999

Selon les techniciens de l’INSTM, le but de la mission consiste principalement à mesurer l'importance de l'activité de nidification de la tortue marine Caretta caretta sur la grande et la petite Kuriat par le nombre des nids déposés, le succès de l'éclosion et celui de l'émergence des nouveau-nés ; recenser les problèmes qui entravent ce phénomène ; garder les nids et assister les nouveau-nés à gagner la mer ; procéder à un marquage intensif des femelles nidifiantes pour déterminer quelques paramètres de la reproduction de la tortue marine Caretta caretta nécessaires à toute action de conservation et surtout pour les estimations de populations. Sur le plan de la conservation, les nids sont protégés par des cages métalliques du piétinement et des dérangements des visiteurs et les nouveau-nés sont assistés pour ne pas finir dans les filets des pêcheurs. Les nids déposés dans des endroits jugés risqués (possibilité d’inondation ou difficulté pour les petits à rejoindre la mer) sont transférés dans des endroits plus sûrs.

Selon les responsables de CAR/ASP, les frais de la campagne de suivi de la nidification des tortues marines varient d’une année à l’autre. Ils s’élevaient à 7 711 dinars (4 000 €) en 2010. Les frais annuels du personnel relatifs à la gestion des îles sont estimés à presque 9 500 dinars (4 927 €). Toutefois, il n’y a pas réellement un budget alloué à la gestion des îles Kuriat, car il n’y a pas de personnel sur place s’occupant

spécifiquement de la gestion et de la surveillance des lieux. Le territoire terrestre des îles n'est pas aménagé et aucune habitation n’est autorisée. Dans les îles, toutefois, une personne vit sur la petite Kuriat; tandis que la grande Kuriat est en partie occupée par des militaires depuis 1989. Cette faible occupation des lieux fait que la capacité des usages pourrait être maîtrisée et elle serait adaptée à la capacité de charge des écosystèmes. Toutefois les îles Kuriat sont exposées à des dégradations environnementales du fait des différentes activités touristiques pratiquées et notamment de la concentration des pratiques en période estivale et de certaines pratiques de pêche. En l’absence de surveillance effective, des activités interdites sur des fonds de moins de 50 m telles que la pêche au chalut, aux filets traînants (seine de plage, kiss) ou à la seine tournante, sont pratiquées quasi-librement. La fréquentation des pêcheurs autour des îles Kuriat varie au cours de l’année, la période creuse étant le printemps (graphique 4). La pêche est plutôt de type professionnel et plus de 70% des pêcheurs extraient plus d’1,2 tonne de poisson par an autour des iles Kuriat (graphique 5). En outre, plus de 60% des pêcheurs fréquentent régulièrement les eaux des îles Kuriat, en effectuant plus de 50 sorties en ces lieux par an (graphique 6).

Graphique 4. Fréquentation des îles Kuriat par les pêcheurs selon

les saisons

Source : questionnaires directs, 2011.

Graphique 5. Répartition des

quantités annuelles pêchées par groupe de pêcheurs

Source : questionnaires directs, 2011.

Graphique 6. Estimation de la répartition des pêcheurs selon le

nombre de sorties par an

Source : questionnaires directs, 2011.

0%

20%

40%

60%

80%

100%

hiver printemps été automne

5%

25%

70%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%

< 600 kg 600 - 1200 kg

> 1200 kg

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Inférieur à 50

50 - 150 Supérieur à 150

Les visites aux îles Kuriat par bateau se font principalement durant la saison touristique qui commence du mois du mai jusqu’au mois d’octobre. Selon les bateliers presque 85% des visiteurs fréquentent l’île aux mois de juillet et d’août et les visites se concentrent essentiellement sur la petite Kuriat. Mais, bien que la grande Kuriat soit sous surveillance militaire, elle est aussi fréquentée par les estivants pour des pratiques balnéaires ainsi que par les visiteurs du marabout Sidi Saâd34. Les îles Kuriat ne sont pas facilement accessibles pour les visiteurs, l’appontement existant est en mauvais état ; les bateaux transportant les visiteurs s’arrêtent donc en mer face aux îles avant leur acheminement par petites embarcations. Il y a 6 bateaux d'excursion qui transportent les visiteurs de Monastir aux îles Kuriat. En moyenne 7 ouvriers travaillent à bord de chaque bateau. Il n'y a pas coordination entre les différents bateaux, ni de surveillance sur site, par conséquence les îles sont parfois sur-fréquentées en été. L'intensité des usages aux mois de juillet et d'août n'est pas adaptée à la capacité de charge. Selon le rapport de phase 2 de l’étude faite par l’APAL en coopération avec la SCET-TUNISIE sur la gestion des Îles Kuriat en 2000, le nombre moyen de visiteurs autorisés est égal à 200 personnes par jour durant la période du mai à octobre ; or en été, cette fréquentation journalière est aisément dépassée selon différentes observations. En effet, la fréquentation des plages des îles par les estivants et le dépôt des déchets solides notamment des sacs en plastique, que les tortues peuvent confondre avec les méduses (leurs principales sources d’alimentation), constituent une source de nuisance importante pour les tortues et leurs sites de nidification.

34 Le Marabout est un édifice construit autour de la sépulture d’un saint personnage et autrefois consacré à l'enseignement religieux. De nos jours, ce lieu est encore fréquenté par des gens en pèlerinage à l'occasion d'une fête religieuse ou cherchant dans le sanctuaire un havre de paix et de quiétude.

Bateau transportant les visiteurs aux îles Kuriat

Estivants sur la plage de la petite Kuriat

La pêche de loisir, quant à elle, est plus pratiquée aux alentours de la grande Kuriat que la petite Kuriat parce qu’elle est plus riche en ressources halieutiques. La grande Kuriat est caractérisée par ses côtes rocheuses et par la présence de larges banquettes de posidonie sur ses côtes sud et sud-ouest35. Entre 2000 et 2010, le nombre des pêcheurs de loisir a augmenté et est passé de presque 20 à 30 pêcheurs réguliers. Selon les investigations menées, ces pêcheurs pêcheraient près de 5 kg par sortie par personne; ce qui montre que cette pratique, outre sa dimension récréative s’avère être aussi un moyen d’améliorer les consommations alimentaires du ménage, voir, de constituer un complément de revenu. La fréquence de l’activité de pêche récréative laisse supposer qu’elle est devenue une deuxième source de revenu pour certains résidents de la côte. Il s’agit donc d’une pêche

35 Langar et al., 2011

commerciale déguisée, dont l’ampleur s’avère importante. Sur la base des entretiens directs avec certains pêcheurs de récréation, le revenu annuel moyen par pêcheur est de presque 2 000 dinars (1 037 €). Ce revenu reste tout de même très inférieur au revenu moyen par tête d’habitant dans le gouvernorat du Monastir, qui est de l’ordre de 6 342 dinars (3 288 €).

Parallèlement, le nombre de pêcheurs sous-marin aux îles Kuriat est estimé à 80 pêcheurs ; dont le revenu annuel moyen par personne est estimé à presque 5 000 dinars (2 593 €)36. Il n'y a aucune restriction d'usage spécifique aux îles Kuriat ; sauf que pour la chasse sous-marine, le chasseur doit

avoir un permis de chasse de la fédération et payer un droit de 35 dinars par an37. La plongée sous marine est également pratiquée dans les eaux des îles Kuriat, par le biais de clubs de plongée ou du fait de pratiques personnelles non marchandes. La plongée sous marine est surtout pratiquée durant la période estivale. Pour les pratiques marchandes, il y a un seul club qui concentre ses activités principalement aux îles Kuriat. En moyenne sur toute l'année il est estimé qu’environ 4 personnes qui pratiquent la plongée sous-marine chaque jour, chacun payant en moyenne 40 dinars, soit une activité générant un chiffre d’affaire estimé à 57 600 dinars (29 866 €) et une valeur ajoutée de 46 800 dinars (24 266 €)38. Selon les propos de certains ouvriers au port de plaisance de Monastir, le nombre de plongée non marchande dans les îles Kuriat est de presque 80 en 2010. Chaque plongée engage presque 15 dinars (7,8 €) de dépenses.

36 Questionnaire direct, 2011 37 Questionnaire direct, 2011 38 Sur la base d’une année comptable de 360 jours.

Mouillage de bateau à proximité des îles Kuriat

Ainsi, le pic de fréquentation multi-usage se situe essentiellement aux mois de juillet et août ce qui épargne en partie les sites de ponte des tortues Caouannes au début de la saison de ponte (juin) et à la fin lors de l’éclosion des œufs (septembre). Néanmoins des dégradations sont constatées comme au cours de différentes observations de suivi scientifique par l’INSTM durant la saison de ponte des tortues, lorsque certains nids ont été trouvés vidés de leurs œufs ou avec des œufs cassés. De plus la forte croissance des activités récréatives nautiques implique l’augmentation de la fréquence d’accostage et de mouillage des bateaux de tourisme et de plaisance (photo 9) qui engendrent de nombreuses nuisances environnementales dont destruction des herbiers de posidonie, le risque de pollution et de déversement de déchets…

2.2. Liens entre les îles Kuriat et le développement du territoire alentours

La zone littorale de Monastir est marquée par une dynamique de développement parmi les plus fortes en Tunisie : croissance très rapide de sa population, de l’urbanisation et des activités économiques. Les impacts négatifs sont constatés au niveau des écosystèmes littoraux qui sont pour la plupart fragiles. La forte dynamique urbanistique peut perturber les équilibres écosystémiques au niveau des îles Kuriat. Un déséquilibre entre d’une part la volonté de conservation de l’écosystème et d’autre part une volonté de développement socio-économique local. La politique de conservation demeure très centralisée sans

Chasseur sous-marin

réelle appropriation au niveau local. Il y a un très faible niveau de coopération entre l’APAL, les représentants locaux des différentes administrations, des collectivités territoriales et de l’agence décentralisée. Les études et l’évaluation concernant le projet d’AMCP se font par le bureau central de l’APAL basé à Tunis et il n’y a pas implication des représentants locaux pour le moment. Globalement, la situation environnementale des îles Kuriat n'est pas critique, toutefois elle reste vulnérable et la gestion d’une AMCP sur les îles Kuriat pourrait améliorer la régulation des usages et atténuer les risques liés à la sur-fréquentation estivale et au non respect des règles d’usage établies. L'idée de création de l'AMCP date de 2000, ce qui a donné lieu à la définition d'un plan de gestion en 2000 mais celui-ci n’est pas encore appliqué. La délimitation proposée par le plan de gestion de 2000 comprend l’ensemble des îles Kuriat ; les fonds sous-marins avoisinants, en particulier, l’herbier de posidonie; l’aire de nidification des tortues Caretta caretta ; les habitats caractéristiques (fonds de maërl) ; les rivages ou habitats dégradés et les zones assez fréquentées39. Les études, faites en 1999 et 2000, ont avancé des propositions de zonage qui favorisent le secteur touristique au détriment du secteur de la pêche. Ainsi, les îles Kuriat pourraient constituer un support à exploiter pour développer de nouveaux créneaux dans le domaine du tourisme (écotourisme), et développer des programmes de recherche scientifique, ces orientations ayant un effet direct sur la planification, la gestion et le suivi de l’écosystème. Selon l’APAL, actuellement, le manque d’effectivité de la protection des îles Kuriat est un problème à la fois matériel et juridique. La gestion des îles Kuriat nécessiterait la création d'un centre d'accueil dans les îles pour le suivi écologique, l’information du public et la surveillance des usages; ainsi que le recrutement d'un ingénieur et deux éco-gardes (techniciens supérieurs en pêche ou en forêts) pour mettre en œuvre les objectifs de gestion. D’autre part,

39 APAL/SCET TUNISIE, 2000

la loi de 2009 sur les AMCP est large et elle ne précise pas les modalités de conservation du site. Une fois le zonage et le plan de gestion sont définis et décidés par les autorités responsables, la sortie d’un décret d’application entérinant le projet création d’une aire marine protégée est nécessaire pour préciser toutes les modalités de gestion. La mise en œuvre d’une AMCP est donc soumise également à un processus administratif conséquent.

Graphique 7. Plan de zonage de l’AMCP proposé par Langar et al. (2011)

Source : d’après Langar et al. (2011)

Concernant plus précisément le possible zonage de la future AMCP, deux études récentes sur les habitats marins et des principales espèces des îles Kuriat ont présenté un diagnostic mis à jour et formulé des propositions de zonage pour la protection des milieux40, avec une réduction de moitié de la surface de protection qui confirme les orientations des études de 1999 et 2000. Langar et al. (2011) prévoient la fréquentation d’une zone de transition par les estivants, l’autorisation des activités récréatives nautiques dans les zones de transition et tampon et l’interdiction de toutes les activités dans des zones centrales (1280 ha) sauf pour des études et des déplacements nécessaires pour la recherche et la surveillance (graphique

40 Ramos-Espla et Ben Mustapha, 2010 ; Langar et al., 2011

7). « La superficie de la zone de transition est de 261 ha. Elle est à usage multiple et elle est créée principalement pour ne pas porter atteinte à l’activité touristique estivale. Il sera toléré toute activité de plaisance autre que la pêche et la chasse sous-marine. La navigation de plaisance sera libre, sous réserve du respect d’une limitation de vitesse de 3 nœuds. La superficie de la zone tampon est d’environ 2405 ha. La navigation y sera autorisée sous réserve du respect d’une limitation de vitesse de l’ordre de 3 nœuds. L’ancrage doit être formellement interdit. Des zones de mouillage écologique organisé doivent être installées dans la zone, particulièrement dans l’entre-deux îles à proximité de la zone de transition où les grandes navettes de transport des touristes balnéaires à destination de la petite Kuriat sont habituées à mouiller »41. Aucune activité dans la zone terrestre ne sera permise.

Concernant la pêche, les filets constituent les principaux vecteurs de dégradation de l’environnement, puisqu’ils forment près des côtes des barrages pour les nouveau-nés des tortues caouannes qui se retrouvent pris dedans. La pêche au chalut cause la dégradation de la posidonie et attrape tous les types de poisson y compris les tortues Caretta caretta42. Ce type de pêche représente l'activité la plus destructrice d’herbiers de posidonie, définis comme la base de richesse des eaux littorales.

Les risques de dégradation de la faune et la flore sont fortement augmentés par le non-

41 Langar et al., 2011 42 APAL/SCET-TUNISIE, 1999 ; Aguir, 2009 ; Questionnaires directs, 2011

respect des zones et des périodes de pêche réglementés par les textes43. L'usage d’engins prohibés tel que le Ghzel (filet de 150 à 200 m) et la tartarone (Kiss) favorisent la destruction du couvert végétal et la mort d’espèces animales considérées comme très vulnérables et très rares à l'échelle méditerranéenne. A cela s’ajoute l’intensité de la pêche non seulement commerciale mais aussi récréative, qui exercent conjointement une pression importante sur les ressources halieutiques. Les deux récentes études de Ramos-Espla et Ben Mustapha (2010) et Langar et al. (2011) proposent que toutes les activités de pêche soient interdites dans les zones centrales et la zone de transition et elles ne soient autorisées que dans la zone tampon. Selon ces deux études, la pêche traditionnelle ne sera autorisée qu’aux seuls pêcheurs habitués à travailler dans la zone tampon sous réserve de se conformer à la réglementation en vigueur relative à la pêche et n’utiliser aucun moyen destructif de l’écosystème herbier. Elles préconisent aussi l’interdiction de toute pêche récréative. La richesse naturelle des îles Kuriat leur permet d’être classées comme zones sensibles protégées. La particularité des îles est qu’elles sont inhabitées et relativement éloignées de la côte, renfermant des espèces animales et végétales adaptées au milieu, mais rares et vulnérables. Les pratiques d’activités récréatives ou extractives n’ont cessée d’augmenter ces 10 dernières années et la concentration de ces usages en certains lieux et durant la période estivale fragilisent les milieux terrestres et marins. Le statut actuel de protection des îles n’a pas permis de mettre en œuvre le plan de gestion défini en 2000. Aujourd’hui les démarches entreprises pour faire des îles Kuriat une aire marine et côtière protégée peuvent constituer l’opportunité de mettre en place les dispositions et galvaniser les moyens pour réaliser les actions prévues dans le but de surveiller la situation écologique, informer le public sur les richesses environnementales présentes et réguler les usages afin de limiter les dégradations de l’environnement.

43 Textes de 1994 et 1995 relatifs à l'exercice de la pêche

Tortue caouanne au membre supérieur gauche coupé par un bateau de pêche

Conclusion

Au sein d’un territoire particulièrement dynamique à l’échelle nationale, la description et l’analyse de l’état des îles Kuriat ont mis en évidence leur importance en tant que principale aire de nidification de la tortue Caouanne Caretta caretta en Tunisie présentant des habitats marins remarquables en très bon état, comme les herbiers de posidonie, qui méritent une protection effective. Sur la base de cette analyse rétrospective des interactions clés, des études réalisées par l’APAL et SCET-TUNISIE (1999, 2000) sur la gestion de la zone sensible des Iles

Kuriat et les diagnostics établis par Ramos-Espla et Ben Mustapha (2010) et Langar et al. (2011), la création d’une AMCP autours des îles Kuriat s’impose pour permettre une protection effective du site. Toutefois, la création d’AMCP modifiera certainement la dynamique de développement du territoire selon les effets antagonistes et elle devrait être acceptée par les populations locales, et principalement les différents usagers des activités de pêche et de tourisme. Une évaluation économique des îles Kuriat peut montrer si la création d’AMCP est bénéfique pour les populations locales et pour toute la société, et ainsi évaluer son acceptabilité économique et sociale.

Partie 2 : Analyse prospective et estimation de l’effet généré par les îles Kuriat sur le développement territorial

L’objectif de ce travail est d'évaluer l’évolution et les perspectives des bénéfices nets des îles Kuriat en considérant trois scénarios. En raison des limitations matérielles et temporelles, ainsi que de l’indisponibilité de certaines données, l'analyse se concentre sur cinq utilisations majeures de services d'écosystèmes marins fournis par les îles : pêche professionnelle, pêche récréative, tourisme (visite, baignade aux îles, plongée sous-marine), et séquestration du dioxyde de carbone, notamment dans les herbiers de posidonie et les fonds de maërl. Ce dernier service écologique génère des bénéfices à caractère collectif, tandis que les autres procurent des bénéfices aux usagers, individuellement. La deuxième partie du rapport est organisée en deux chapitres. Le premier chapitre présente les futurs possibles du développement territorial et des effets de protection des îles Kuriat. Le deuxième chapitre décrit la méthodologie qui a été utilisée pour évaluer l'impact économique local d'utilisations de services d'écosystème et affiche les résultats de cette évaluation. La conclusion résume les résultats principaux et les limites de l'étude.

Chapitre 3 : Les futurs possibles du développement territorial et des effets de protection des îles Kuriat

Dans ce chapitre nous présentons les scénarios possibles du développement du territoire et ses effets sur la protection des îles Kuriat. Pour ce faire nous avons construit trois scénarios en s’appuyant sur différentes variables contextuelles disponibles à l’échelle nationale

ou locale telles que la croissance économique, les facteurs démographiques, la mise en vigueur de réglementations existantes et l’évolution tendancielle des activités sur le territoire local. Les scénarios proposés s’inspirent de la situation économique actuelle et des

orientations nationales, méditerranéennes et internationales en matière de protection des richesses naturelles marines. Ces scénarios prospectifs se basent sur les tendances observées sur une période rétrospective, remontant jusqu’à 1998 en fonction de la disponibilité des données, pour assurer l’évaluation économique entreprise pour les îles Kuriat.

3.1. Définition du cadre géographique et temporel

Notre territoire d’étude est le gouvernorat de Monastir, qui est le lieu de résidence de la plupart des bénéficiaires des services écologiques fournis sur par les îles Kuriat.

Les usages pris en compte dans cette étude du capital naturel, ici abordé à l’échelle de l’écosystème, et qui donnent lieu à des bénéfices, sont ceux réalisés sur les îles ou à partir des services écologiques rendus par les îles.

L’horizon temporel envisagé est à moyen terme, dans la mesure où l’exercice s’arrête en 2030, avec pour référence l’année 2010. Les données de 2011 et 2012 ont parfois été estimées au regard des données disponibles actuellement et peuvent ainsi être soumises à une dynamique différente de celles qui gouvernent le reste de la période prospective.

3.2. Définition narrative et paramétrage des scénarios

En se basant sur la situation socioéconomique tunisienne, nous considérons trois scénarios de gestion future des îles Kuriat: un scénario tendanciel, un scénario de création d’AMCP et un scénario d’abandon de la protection des îles. Ces scénarios s’appuient sur un contexte socioéconomique commun, construit sur la base des variables contextuelles déjà mentionnées.

Le contexte Tunisien est actuellement peu stable compte tenu de la crise économique mondiale, de la récession connue en 2011, du chômage important (près de 18% en 2011) et de la révolution de Janvier 2011. Nous constatons aujourd’hui des tensions politiques entre les « islamistes » et les « progressistes », ce qui pourrait fortement influencer la situation socio-économique en Tunisie, notamment sur les allocations budgétaires et les activités liées à l’étranger (en particulier le tourisme et les investissements directs étrangers). Ceci dit, la Tunisie s’est engagée dans une politique de développement régional axée sur l’investissement dans les régions intérieures. Le taux d’accroissement naturel de la population dans le gouvernorat de Monastir, dont la valeur moyenne entre 1999 et 2010 était de 2,2% par an, pourrait donc ralentir et atteindre 1,7% pendant la première sous-période de 2011–2020 et 1,2% durant la deuxième sous-période de 2021–2030 suite à la réduction du flux migratoire issu des régions intérieures. Toutefois ce taux resterait plus élevé que le taux national antérieur (1,05% pendant la période de 2000 -201044 et que le taux d’accroissement à l’horizon 2034 qui devrait s’établir autour de 0,5% en 2030, selon les projections réalisées par l'INS45. Après le ralentissement de la croissance économique depuis 2009, et la récession en 2011 (-1,8%) suite à la révolution du 14 janvier, la Tunisie connait actuellement une nette amélioration économique (la croissance en 2012 est estimée à 3,5% selon la banque centrale). Ainsi nous supposons une reprise à partir de 2013 en se référant au taux de croissance annuel moyen de la période rétrospective de 2000–2010 qui était de l’ordre de 4,5%46 : le taux de croissance supposé est donc de 4% pendant la période de 2013-2020 et de 5% pendant la période de 2021-2030. A partir du PIB local du gouvernorat du Monastir délivré par le Commissariat du développement régional pour la période rétrospective, il est supposé que le PIB local évolue de façon proportionnelle à

44 INS, 2011 45 Le taux d’accroissement de la population à Monastir est élevé par rapport au taux national car le gouvernorat du Monastir est littoral et attractif : le flux migratoire annuel est de plus 17 000. 46 BCT, 2011

celle du PIB national, avec une représentation stable de 7%. D’autre part, la dynamique du secteur touristique est aussi supposée se maintenir dans le temps, vu qu’après un déclin de 35% du tourisme tunisien en 2011 suite à la révolution, nous constatons une reprise prometteuse à partir de 2012. Ainsi, la part des services marchands représente actuellement presque 45% du PIB du local contre 40% à l’échelle nationale47. Nous supposons que cette proportion ne sera pas altérée durant les prochaines vingt années. Scénario 1 : Nous supposons que le statut des îles Kuriat ne change pas et demeure une zone sensible protégée, régie par la loi 1995-72. C’est un scénario tendanciel, où les dépenses liées à l’AMCP sont indexées sur la moyenne de l’inflation sur la période rétrospective 2000-2010. Vu le processus de stabilisation nécessaire après la révolution et la tension socioéconomique actuelle, notamment l’important taux de chômage qui a atteint presque 18% en 2011, on s’attend à ce qu’il y ait des pressions sur les ressources environnementales pour satisfaire les besoins d’une population locale croissante. Ainsi ce scénario tendanciel suppose la continuité du niveau et des conditions d’usages des différents services écologiques fournis par les îles jusqu’en 2020 puis, du fait de sur-utilisation et d’externalités environnementales non régulées ou atténuées, il est supposé une dégradation progressive de la situation environnementale, conduisant à la baisse de certains bénéfices.

Graphique 8 : Evolution des coûts et bénéfices liés à l’AMCP, scénario tendanciel

47 CDR Monastir, 2011

Ceci va se traduire par une concurrence de plus en plus poussée entre les pêcheurs, qui chercheront à accroitre leurs revenus sans se préoccuper des impacts négatifs de leurs techniques de pêche48 sur la biodiversité et à la ressource halieutique future. Ce scénario suppose que les politiques de pêche ne changent pas. Il n’y a pas une application stricte des règles de pêche. La stagnation de la quantité de pêche observée dans la région de Monastir depuis 2006 va continuer jusqu'en 2020 du fait de la surexploitation des ressources halieutiques, puis diminue de 1% à partir de 2021. Le niveau général des prix de poisson continue à augmenter mais il est régulé par l’aquaculture, qui devient courante en Tunisie. Au niveau des îles Kuriat, la surveillance est effective, sauf

48 Notamment l'usage des engins prohibés tel que le Ghzel et le chalutage, qui favorisent la destruction du couvert végétal et menacent des espèces animales considérées comme très vulnérables et très rares à l'échelle de la Méditerranée

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pour la grande Kuriat où il y a intervention parfois des militaires. A moyen terme, les captures ne sont pas soutenables, d’où leur déclin supposé. Du fait de l’augmentation des prix, les bénéfices liés à la pêche professionnelle augmentent de 3% jusqu’en 2020 puis ils baissent de 2% durant la deuxième sous-période. Les pratiques récréatives d’aménités restent les mêmes mais sans organisation. Le nombre de pêcheurs récréatifs augmente suivant le taux d’accroissement démographique dans le gouvernorat du Monastir (soit un taux annuel moyen de 1,7% de 2011 à 2020 puis de 1,2% de 2021 à 2030). Les bénéfices restent stables jusqu'en 2020 puis diminuent de 1% à partir de 2021. Il y a sur-fréquentation surtout de la petite île durant la période estivale. Nous supposons que le nombre des visiteurs des îles Kuriat augmentera avec un taux de croissance de 4% sur toute la période. Le statu quo suppose que la croissance des activités liées à la plongée est tendancielle, de 3%. La non réglementation et organisation des activités récréatives ne profitent pas aux îles et entraînent des bénéfices en dessous de ceux qui étaient espérés. La forte croissance des activités récréatives nautiques durant la saison estivale implique l’augmentation de la fréquence d’accostage et de mouillage des bateaux de tourisme et de plaisance, qui engendrent de nombreuses nuisances environnementales, notamment la destruction des herbiers de posidonie, le risque de pollution et de déversement de déchets. Ces effets affecteraient négativement les bénéfices liés aux services écologiques des îles. Selon les dernières études de diagnostic de l’état des îles Kuriat49, la zone est en bon état mais le risque de vulnérabilité existe puisqu’il y a surexploitation, conflits des usages, réchauffement climatique entraînant une acidification du milieu marin, et dégradation progressive de certaines espèces faunistiques et floristiques. On suppose que la surface couverte par les herbiers de posidonie (75% de l’AMCP) et les fonds de maërl (presque 10% de

49 Ramos-Espla et Ben Mustapha (2010) et Langar et al. (2011)

l’AMCP)50 reste stable jusqu'à 2020, puis se déprécie de 1% à partir de 2021 suite au non respect des zones et des périodes de pêche réglementés par les textes et l’usage de techniques de pêche prohibées qui favorisent la destruction du couvert végétal51. Les bénéfices liés à la séquestration du dioxyde de carbone dans les herbiers de posidonie et les fonds de maërl seront par conséquent affectés négativement. Scénario 2 : Nous supposons la création d'une AMCP, régie par la loi 2009-49, qui vise le renforcement de la protection des espèces à valeur patrimoniale présentes aux îles Kuriat. La création d’AMCP, avec une surveillance opérationnelle, peut éviter et contrôler les impacts anthropiques et contribuer à la récupération de certaines espèces. Nous considérons le plan de zonage de création de l’AMCP récemment proposé par Langar et al. (2011) (c.f. première partie, chapitre 2, section 2.2.) Pour ce scénario, nous supposons que la Tunisie investit dans la conservation de son capital naturel. Les motivations possibles de cet investissement sont une préoccupation pour la conservation de l’environnement, la recherche de pérennité d’activités reposant sur les services écologiques à l’échelle nationale, ainsi que le développement de nouvelles activités respectueuses de l’environnement. La création d’AMCP marque un engagement fort pour la gestion et la mise en valeur de l’écosystème, de la biodiversité et des ressources naturelles du territoire. De par sa fonction de gestionnaire, l’organisme responsable de la gestion future d’AMCP devrait disposer de moyens d’action généralement plus puissants que ceux des collectivités locales. Le gestionnaire d’AMCP devrait être un opérateur qui compte dans le système de gouvernance locale, voire l’un des

50 Langar et al., 2011 51 Rapport national sur la biodiversité marine et côtière en Tunisie, INAT, 2002

moteurs assurant la qualité des projets de développement local.

Graphique 9 : Evolution des coûts et bénéfices liés à l’AMCP, scénario de protection

La création d’AMCP entraînera l’interdiction de certaines activités destructrices pour l’environnement marin, telles que la pêche sous-marine, les engins traînants, la pêche au chalut, la pêche sportive, et la récolte d’invertébrés. L’application de la réglementation, particulièrement les dispositions relatives à l’exercice de la pêche, doit être assurée. L’établissement des secteurs de mouillage pour les pêcheurs et des récifs artificiels anti-chalutage est nécessaire52. Dans le même cas que pour les pêcheurs, il ne sera permis que les bateaux touristiques opérant actuellement dans les îles pour éviter toute sur-fréquentation. Le nombre des visiteurs

52 Ramos-Espla et Ben Mustapha, 2010

augmente cependant davantage que dans le scénario tendanciel, du fait du développement de l’éco-tourisme et des visites guidées pour l’éducation à l’environnement. La création d’AMCP peut conduire à des effets économiques directs en stimulant l’attractivité du territoire qui peut engendrer une augmentation de la fréquentation des lieux, et dynamiser les activités marchandes. Cependant, c’est la présence ou non de structures d’accueil pour les groupes qui détermine l’importance et les retombées d’un tel service sur les ressources de site. Ce scénario prévoit donc les investissements correspondants en termes de structure d’accueil et de signalétique sur les îles Kuriat et sur la côte. Les infrastructures dont disposera l’AMCP peuvent modifier les dynamiques économiques locales et favoriser le développement d’aménités valorisables, d’où un renforcement du tourisme scientifique et de l'éco-tourisme53 et d’un taux de croissance de 5% jusqu’à 2020, puis de 6% à partir de 2021 des activités récréatives sur toute la période prospective. La création d'AMCP implique une augmentation des plongées équivalente au scénario tendanciel à 3% jusqu’à 2020 puis de 5% à partir de 2021 parce que l’AMCP serait plus attractive du fait de l’amélioration de la végétation. L’AMCP peut également agir directement sur des variables sociales, en agissant sur l’éducation à l’environnement au sein de l’AMCP ou à ses abords. Elle peut favoriser l’organisation de séjours éducatifs aux élèves et étudiants pour familiariser la population aux questions environnementales. De même, elle peut proposer une assistance adéquate aux organismes de recherche, notamment pour les programmes d’études in situ de longue durée et les observatoires, ainsi que l’organisation des missions de terrain et visites guidées aux îles, avec la participation d’experts tunisiens et

53 L'écotourisme, aussi appelé tourisme vert, est une des formes

du tourisme durable, plus centrée sur la découverte de la nature

(écosystèmes, agrosystèmes, tourisme rural, jardins écologiques, etc.).

L'UICN le définit comme "la visite de milieux naturels relativement intactes ... à faible impact négatif ... comportant une implication socio-économique des populations locales qui est à la fois active et bénéfique". Le tourisme scientifique inclut les sites dont l’objectif est la

diffusion de la culture scientifique auprès du public.

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étrangers dans le but de suivre la tortue marine, la prospection du milieu marin et l’étude des herbiers autour des îles. L’une des principales fonctions de la préservation de la biodiversité d’un espace naturel est d’offrir une grande richesse de biens naturels favorables à l’étude et à l’observation54. Les restrictions imposées par la création d’une AMCP représentent certes un coût à court et à long terme, mais elles fournissent également des bénéfices et des opportunités économiques à moyen et long terme, en s’appuyant notamment sur l’existence d’un effet réserve, à la fois biologique, économique et social55. L’effet biologique implique que la conservation permet de protéger ou restaurer des processus écologiques garants de la survie et du bon développement des espèces et des écosystèmes. Le suivi d’espèces halieutiques permet ainsi d’observer les bénéfices de l’AMCP pour la pêche professionnelle. Nous supposons donc que la surface couverte par les herbiers de posidonie et les fonds de maërl reste stable jusqu'à 2020, puis s'améliore de 1% à partir de 2021, d’où une hausse de la capacité de stockage du CO2. La protection de certaines zones des îles est souvent perçue comme négative a priori sur la pêche puisqu’elle conduit à une interdiction de captures sur ces zones. Les pêcheurs sont donc souvent opposés à la création d’AMCPs. Toutefois, certains auteurs ont estimé que l’accroissement du nombre et de la taille des poissons dans les zones protégées bénéficient aux zones alentours (« effet de débordement56 »). Nous supposons ainsi que la production de la pêche reste stable jusqu'au 2020 puis augmente de 1% à partir de 2021. Les bénéfices augmentent de 3% durant une première sous-période puis de 4% à partir de 2021. Scénario 3 : C’est un scénario de réduction des dépenses de protection de l’environnement à l’échelle nationale et l’abandon des activités de protection des iles Kuriat pour des raisons

54 Maresca et al., 2008 55 Mangos et Meinesz, 2010 56 Maresca et al., 2008

budgétaires. Cette tendance pessimiste s’appuie sur la période socioéconomique difficile, où il est supposé que l’effort est porté pour soutenir des enjeux d’ordre politique et socio-économique, quitte à le faire au détriment des problèmes environnementaux. Graphique 10 : Evolution des coûts et bénéfices liés à

l’AMCP, scénario de dégradation

Sur les iles Kuriat, ce scénario se concrétise avec le possible abandon de la politique de protection de la zone sensible, l’arrêt de la surveillance militaire de la pêche aux abords de la grande Kuriat et la relatifs aux services écologiques fournis par les îles Kuriat, avec dans un premier temps, une augmentation des captures halieutiques et une augmentation du nombre des bateaux opérant dans les îles. Ce phénomène se traduit par l’augmentation de la fréquence d’accostage et de mouillage des bateaux de plaisance et amenant les touristes, qui entrainent des risques d’effondrement de certaines espèces, de pollution et de destruction des habitats (herbiers de posidonie, fonds de

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maërl…). L'abandon de la protection a un effet néfaste sur les services écologiques (notamment la capture de CO2), en réduisant les superficies couvertes par les herbiers de posidonie et les fonds de maërl, du fait du chalutage et des ancrages sur les herbiers par les bateaux du fait de la non surveillance et de la hausse de la fréquentation par les différents types d’usagers. Nous supposons ainsi que la surface couverte par les herbiers de posidonie et les fonds de maërl diminue de 1% chaque année jusqu'à 2020 puis de 2% à partir de 2021. Le non suivi de la ponte et nidification des tortues marines Caouannes peut contribuer à la disparition de cette espèce rare dans les îles. Globalement il serait supposé une hausse des usages jusqu’à 2020 puis de leur effondrement du fait de la dégradation environnementale à partir de 2021 :

- Pour la pêche professionnelle nous supposons une hausse de 1% jusqu'à 2020 puis une baisse de 5% à partir de 2021.

- Pour la pêche récréative nous supposons que le nombre de pêcheurs varie selon la croissance démographique locale puis diminue de 5% à partir de 2021 du fait de l’effondrement du stock des espèces recherchées, tandis que les captures et les bénéfices augmentent de 4% jusqu'à 2020, puis diminuent de 5% à partir de 2021. La fréquentation touristique des îles augmente en moyenne de 6% pour la première période de 2013 à 2020 puis de 3% à partir de 2021. L’abandon de la protection pourrait avoir

un effet bénéfique sur la plongée au début de la période prospective, parce qu'il n’y a pas restrictions des usages dans toutes les zones des îles (y compris la grande Kuriat où il n’y aurait plus intervention des militaires.) Ceci nous permet de supposer un taux de croissance de 5% pour la première sous-période puis une diminution de 1% pour une deuxième sous-période suite à la dégradation de la situation écologique.

La baisse et le ralentissement des bénéfices liés à certains services écologiques marquent l’utilisation non soutenable qui en est faite et qui conduisent soit à l’effondrement de la capacité des écosystèmes à fournir le service en question (entrainant la baisse des bénéfices) soit à la dégradation de la situation écologique et des conditions d’exploitation des services écologiques fournis (qui poussent certains usagers à se tourner vers d’autres opportunités donc ralentissement des bénéfices).

Conclusion

Le développement de ces trois scénarios sert de base prospective à l’évaluation économique des effets de la protection des îles Kuriat sur le bien-être de la population, pour prédire si la création d’une AMCP serait bénéfique à la société, comparée à d’autres alternatives. Le chapitre suivant présente les résultats de l’évaluation quantitative conduite à partir des données disponibles.

Chapitre 4 : Evaluation de l’effet de protection des îles Kuriat sur le développement du territoire : variations des bénéfices et coûts

Ce chapitre aborde la question d’évaluation économique quantitative de cinq usages liés aux services écologiques fournis par les iles Kuriat, dans le cadre des scénarios présentés précédemment: la pêche professionnelle, la pêche récréative, le tourisme et la plongée sous-marine, dont l’impact sur l’économie locale est estimé en termes de valeur ajoutée, mais également la séquestration du dioxyde de carbone, notamment dans les herbiers de posidonie et les fonds de maërl, dont les bénéfices sont collectifs. Cette étude d’évaluation économique des impacts engendrés par les îles Kuriat vise une démarche basée sur l’application de l’analyse coûts bénéfices(ACB) pour chaque scénario de gestion afin d’établir le bilan de chaque programme et de permettre des comparaisons entre les programmes d’action. Techniquement, l’ACB confronte les bénéfices aux coûts de l’existence ou de la modification d’un bien.

Elle évalue donc la pertinence d’une décision, que celle-ci soit de mettre en place une action ou de maintenir le statu quo. Un projet de création d’AMCP peut être envisagé si ses bénéfices sociaux sont supérieurs à ses coûts sociaux. La démarche de l’ACB requiert la définition d’alternatives au projet que l’on veut évaluer, d’où la définition de 3 scénarios prospectifs. Son objectif final est de dégager un classement des scénarios en fonction de différents indicateurs, qui sont comparés entre les différents scénarios : la valeur actualisée nette (VAN) soit la différence entre les bénéfices et les coûts prenant en compte le taux d’actualisation, le taux de rentabilité interne (TRI) qui est le taux d’actualisation annulant la VAN, et le ratio Bénéfices / Coûts.

4.1. Caractérisation de la méthode et des objets évalués

Pour chaque scénario, les bénéfices et les coûts sont évalués. Le cadrage fait ici est proche d’EMPAFISH57 cependant certaines différences sont prises en compte. Les différents coûts pris en compte sont de trois types : le budget de fonctionnement et d'investissement engagé par le ministère de l’environnement et d’aménagement du territoire à travers l’APAL, les dépenses de surveillance et les dépenses d’éducation à l’environnement. Chacun comprend des frais de fonctionnement, des frais d’activités et des frais d’investissements. Ces différents coûts sont décrits dans le tableau 2.

Tableau 2. Description des différents coûts

Budget de fonctionnement et d'investissement

dépenses de surveillance dépenses d’éducation à l’environnement

Frais de

fonctionneme

nt

Coûts du personnel responsable de la gestion des îles.

Ces coûts concernent les deux premiers scénarios.

Coûts de recrutement de 2 éco-gardes sur la zone pour la surveillance et le contrôle

Frais de gestion liés au recrutement de deux agents pour visites guidées

Frais d’activ

ités

Frais de la campagne de suivi de la nidification

des tortues marines.

Ils concernent seulement les deux premiers

scénarios.

Frais liés aux activités de surveillance

Frais d’activités liés aux actions de promotion et diffusion des

brochures,

Frais d’investissements

Frais d'investissements engagés durant les trois premières années de la création de

l’AMCP (2013-2015) comme la réalisation d’un entrepôt en structure légère à 20 000

dinars, la réalisation d’un appontement à 20 000 dinars, la réalisation d’une structure

d’accueil à 20 000 dinars, la fixation des balises et panneaux d’information à 10 000 dinars, la réalisation d’une structure d’accueil au port de Monastir pour organisation des visites guidées à 100 000 dinars, et acquisition de matériels de

mesure et d’échantillonnage sur site et d’équipements à 34 000 dinars.

Frais d’achat d'un bateau de surveillance (zodiac)

Frais d’investissements liés à l’aménagement d’un circuit pour les

visites guidées, la formation des guides et la création d’un site web

57 Roncin et al., 2008

Nous supposons que les coûts augmentent durant toute la prospective avec un taux égal à la moyenne de taux d’inflation sur toute la période rétrospective de 2000 à 2010 qui est de l’ordre de 3,3%. Les bénéfices évalués sont les suivants:

- Bénéfices directs et indirects liés aux activités de la pêche professionnelle. Les bénéfices directs sont évalués par la valeur ajoutée de la pêche professionnelle. Les Bénéfices indirects sont estimés par 50% de la consommation intermédiaire déduite du tableau input-output à l'échelle régionale58.

- Bénéfices liés aux activités de la pêche récréative (pêche depuis la côte, pêche depuis une embarcation et chasse sous-marine)). Ce sont des bénéfices directs liés au service de fourniture de poisson. Nous considérons que ces activités sont marchandes parce qu’elles procurent des revenus monétaires aux pêcheurs et elles sont donc évaluées par leur équivalence en termes de valeur ajoutée, calculée à partir de celle de la pêche.

- Bénéfices procurés par les visites des îles. L’évaluation est faite par les dépenses engagées par les visiteurs. Cette évaluation prend en compte les retombées directes qui correspondent aux sommes dépensées par les visiteurs nationaux et touristes (faible proportion dans les îles) dans les établissements situés sur les iles ou directement liés à leur existence (visites et activités payantes, restauration). La valeur unitaire des dépenses est de 25 dinars par personne. Elle sert de base d’estimation des dépenses59. Les retombées indirectes, liées à la totalité des dépenses réalisées par les visiteurs sont aussi considérées. Dans le cas du scénario 2, nous intégrons des bénéfices liés à l’éducation à l’environnement car le projet d’AMCP prévoit la mise en œuvre de visites guidées organisées par les structures d’accueil. L’AMCP peut aussi offrir de sujets d’études pour la recherche, dans la mesure où

58 CRDA, 2010 59 Questionnaires directs, 2011

les espaces protégés représentent des contextes privilégiés avec un degré faible de perturbation et d’anthropisation des milieux, d’où le développement du tourisme scientifique qui a été mentionné.

- Bénéfices procurés par la plongée sous-marine liés à la pratique marchande et non marchande. Les bénéfices de la pratique marchande sont estimés par la valeur ajoutée du club de plongée opérant aux îles. Les bénéfices de la pratique non marchande sont estimés par les dépenses liées cette pratique.

- Bénéfices liés à la séquestration du dioxyde de carbone, notamment dans les herbiers de posidonie et les fonds de maërl. Ces bénéfices à caractère collectifs sont estimés par la valeur du flux de CO2 séquestré par an dans chacun de ces écosystèmes. En suivant les directives du plan bleu et en s’appuyant sur l’étude de Mangos et al. (2010), la valeur des bénéfices de la séquestration du dioxyde de carbone par l’aire marine des îles Kuriat notamment dans les herbiers de posidonie et les fonds de maërl peut être déterminée. La méthode d’évaluation de ce bénéfice collectif est simple60: VE = Fco2 x Vcref, où Fco2 est le flux annuel de CO2 d’origine anthropique séquestré et Vcref le prix d’une tonne de CO2.

Les usages mentionnés plus haut n’incluent pas tous les bénéfices rendus par les îles Kuriat. Il faut y ajouter les services plus proprement environnementaux rendus par l’écosystème et qui bénéficient directement et indirectement aux populations locales et à la collectivité régionale et/ou nationale dans son ensemble. On peut admettre que les services environnementaux, tels que la limitation de l’érosion, se trouvent maximisés dans les espaces naturels protégés. En Tunisie, la quantification des services dits écologiques ou environnementaux reste cependant difficile pour le moment.

60 Mangos et al., 2010

La gestion de l’AMCP peut entraîner la création d’emplois directs et indirects en équivalent temps plein, et des emplois de service à temps partiel et saisonnier, liés à la fréquentation touristique. Dans le cas du scénario 2 de création d’AMCP, des retombées directes et indirectes sur l’emploi et certaines activités sont aussi attendues du fait de la dépense d’un budget supplémentaire, provenant de l’extérieur de la zone. Cependant ces retombées économiques n’ont pas été prises en compte dans les bénéfices évalués ici. D’autres effets induits peuvent être envisagés, relevant de richesses immatérielles, telles que la valorisation des savoir-faire et des images positives associées à l’espace protégé. Ce registre de valeur peut être exploré dans plusieurs directions, notamment l’image positive du territoire protégé, vecteur de labellisation de productions locales, et la valorisation des compétences de gestion des espaces protégés qui permet, généralement, de dynamiser le développement local dans le périmètre des îles et à ses marges61.

4.2. Compte rendu des résultats dans le cadre des différents scénarios

Nous considérons dans cette section la répartition des bénéfices et des coûts relatifs à chaque scénario et appliquons un taux d'actualisation de 5%, correspondant au taux d'intérêt annuel moyen de la période rétrospective. De même la VAN, le ratio bénéfices coûts et le TRI sont calculés pour les trois scénarios. Le tableau 3 résume les résultats des différents types de bénéfices, coûts et indicateurs de l’ACB62. La VAN est considérée comme l’indicateur comparatif le plus approprié, dans la mesure où le taux de rentabilité interne ou le ratio bénéfices / coûts ne s’appliquent pas au scénario 3, où les coûts sont nuls. En outre, la littérature63 a montré que le TRI avantageait sensiblement les projets de court terme par rapport à ceux dont les bénéfices sont plus tardifs.

61 Maresca et al., 2008 63 Pearce et.al, 2006, Cost Benefits Analysis and the Environment, OECD

Tableau 3. Présentation des résultats des différents types de bénéfices, coûts et

indicateurs de l’ACB pour les trois scénarios

Indicateurs monétaires (en milliers de

dinars)

Scénario 1

Scénario 2

Scénario 3

Valeur actualisée

des Bénéfices

Pêche pro. 57 999

60 620

56 194

Pêche récréative

4 379

944

4 904

Tourisme 26 303

30 563

28 482

Plongée sous

marine

825

863

837

Stockage CO2

5 270

5 465

4 878

Total 94 775 98 455 95 295

BA scénario 2 - BA scénario 1

3 680

BA scénario 3 - BA scénario 1

520

Valeur actualisée des Coûts

Budget 308

531

51

Dépenses de

surveillance

0 362

0

Dépenses d'Educ.env

0 468

0

Total 308 1 361

51

CA scénario 2 - CA scénario 1

1 053

CA scénario 3 - CA scénario 1

-258

VAN (taux d’actualisation =5%)

94 467 97 094 95 244

VAN scénario 2 – VAN scénario 1

2627

VAN scénario 3 - VAN scénario 1

777

Moyenne du Ratio Bénéfices / Coûts

307,21

72,33

1875,83

TRI 18.02 4.10 109.27

Nous constatons que la répartition de la valeur actualisée des bénéfices selon les différents usages des îles Kuriat (pêche professionnelle, pêche récréative, tourisme, plongée sous marine, et séquestration du carbone) ne change pas d’une manière significative d’un scénario à un autre. La valeur actualisée des bénéfices liés à la pêche professionnelle est toujours la plus importante, suivie par celle du tourisme (visites des îles) puis de la séquestration du carbone64. Leurs parts dans le total de la valeur actualisée des bénéfices sont de 59 à 62% pour la pêche professionnelle, de 27 à 31% pour le tourisme, et de 5 à 6% pour la séquestration du carbone. La part de la valeur actualisée des bénéfices liés à la pêche récréative est de presque 5% dans les cas des scénarios 1 et 3 alors qu’elle tend vers zéro dans le cas du scénario 2 puisqu’avec la création d’AMCP, cette pratique serait interdite à partir de 2013. La part de la valeur actualisée des bénéfices de la plongée sous-marine est presque identique pour les trois scénarios, de l’ordre de 0,88%. Ce que nous pouvons remarquer est que la création d’AMCP profite plus au tourisme aux dépens de la pêche récréative. Les graphiques 11, 12 et 13 résument cette information.

Graphique 10. Répartition de la valeur actualisée des bénéfices selon les différents

usages (Scénario 1)

64 Pour une superficie d’aire marine des îles Kuriat de 3946 ha dont 75% sont couverts par les herbiers de posidonie et 10% par les fonds de maërl (Langar et al. (2011), le flux annuel de CO2 d’origine anthropique séquestré est égal à 14 512 tonnes en 2010. En prenant un prix du CO2 par tonne égal à 27,465 dinars (15 €/t) nous estimons la valeur des bénéfices de la séquestration du carbone à 399 milles dinars (206 mille €) en 2010. La valeur actualisée du flux de CO2 séquestré est estimée à 5 232 milles dinars (2 713 mille €).

Graphique 11. Répartition de la valeur actualisée des bénéfices selon les différents

usages (Scénario 2)

Graphique 12. Répartition de la valeur

actualisée des bénéfices selon les différents usages (Scénario 3)

La part de la valeur actualisée des bénéfices provenant de la fourniture d’aménités et de supports récréatifs (pêche récréative, tourisme et plongée sous-marine) représente entre 32 et 36% selon les scénarii. Les bénéficiaires finaux de ce service écologique sont les populations locales situées de façon permanente ou temporaire en zone côtière ainsi que les visiteurs touristiques résidents ou non résidents qui profitent du paysage et de l’accès aux espaces marins et littoraux pour leurs loisirs et leur bien-être. D’après les résultats consignés dans le tableau 1 et la figure 2, nous remarquons que la création d’AMCP affecterait différemment chacune de deux catégories d’usages extractifs et non extractifs dans le cas du scénario 2. En ce qui concerne la pêche professionnelle, sa part dans le total des bénéfices augmente et atteint presque 62%. L’impact d’AMCP sur la pêche professionnelle est double. D'une part, elle

61%

5%

28%

1% 5% Pêche professionnelle

Pêche récréative

Tourisme

Plongée sous marine

Séquestration du carbone

62%

1%

31%

1% 5% Pêche professionnelle

Pêche récréative

Tourisme

Plongée sous marine

Séquestration du carbone

59%

5%

30%

1% 5% Pêche professionnelle

Pêche récréative

Tourisme

Plongée sous marine

Séquestration du carbone

impose des restrictions des activités de pêche, particulièrement dans la zone de protection totale. D'autre part, nous nous attendons que la création d’AMCP profite aux pêcheurs par l'existence présumée de réaction en chaîne de zone de protection (dans le cas des îles Kuriat les zones centrales) aux zones de pêche et par leur effet de stabilisation sur la dynamique de stocks sur-pêchés65, pourvu que la zone de protection abrite un niveau de biomasse minimal significatif66. Cependant, ce potentiel des avantages d’AMCP est difficile à vérifier, d'abord parce que la mobilité de poisson entre la zone de protégée et les zones ouvertes à la pêche est dans la plupart des cas mal documentée et aussi parce que les avantages potentiels d’AMCP aux pêcheurs dépendent fortement du niveau d'effort de pêche dans des zones ouvertes à la pêche67. En ce qui concerne les utilisations des services non-extractifs d'écosystème marins (tourisme, plongée sous-marine et séquestration du carbone), nous constatons que la création d’AMCP produirait des effets directs positifs. En effet, les bénéfices provenant de ces trois usages non extractifs sont plus élevés dans le cas du scénario 2. Ces effets positifs proviennent directement du fait que nous accordons à l'environnement marin dans une AMCP un certain niveau de protection contre des pressions anthropiques, qui va probablement améliorer la superficie couverte par les herbiers et la qualité de certains de ses attributs qui sont de valeur aux visiteurs et aux plongeurs68. Cependant, l'opposition entre des utilisations extractives et non extractives ne devrait pas être considérée comme absolue; trop de visiteurs affecteraient négativement l'environnement marin, particulièrement quand leur activité à l'intérieur d’AMCP n'est pas correctement contrôlée69. Ce phénomène peut produire un cycle dans des avantages économiques locaux fournis par l’AMCP; par exemple la protection produit plus de visiteurs, qui endommagent à leur tour la qualité de

65 Clark, 1996; Lauck et al., 1998; Sumaila, 1998 66 Anderson, 2002 67 Hannesson, 1998 68 Alcala, 1988; Rudd et Tupper, 2002 69 Davis et al., 1995

l'écosystème marin, qu'après quelque temps des résultats de l'attrait diminué de la zone aux visiteurs et de là un nombre diminuant de visites70. Nous constatons que l’abandon de la protection dans le cas du scénario 3 est plus favorable aux pêcheurs récréatifs et aux visiteurs des îles puisqu’ils pourraient accéder à la grande Kuriat sans difficultés. Cependant, l’abandon de la protection des îles affecterait négativement l’image des îles à long terme. Les bénéfices provenant de ces deux usages augmenteraient surtout durant la première sous période de 2013 à 2020. Généralement, tous les usages augmenteraient durant cette première sous-période mais diminueraient en deuxième sous-période du fait de de la surexploitation et de la destruction des habitats naturels. Le scénario 3 serait catastrophique surtout pour les bénéfices à usage collectif car il entraîne la destruction des herbiers de posidonie et les fonds de maërl, ce qui se traduit par une diminution de la production d’oxygène, de la biomasse benthique et de la biodiversité, une modification sédimentaire avec un recul du trait de côte, une perte économique comme la disparition de certaines espèces. Selon le critère de la valeur actualisée des bénéfices, les trois scénarios sont classés par ordre de préférence comme suit : scénario 2 puis scénario 3 et finalement scénario 1. En fait, le solde des bénéfices du scénario 2 moins ceux du scénario 1 est positif et plus important que celui du scénario 3 moins le scénario 1 qui est aussi positif (voir tableau 2). La valeur actualisée des coûts se compose de trois types de frais : les frais de budget de fonctionnement d’aire marine des îles Kuriat, les dépenses de surveillance et les dépenses d'éducation à l'environnement. Les deux dernières dépenses ne sont engagées que lors de la création d’AMCP dans le cas du scénario 2. Il est évident que la valeur actualisée des coûts est élevée dans le cas du scénario 2. Le graphique 13 présente les parts des différents types des dépenses dans la valeur actualisée des coûts

70 Butler, 1980; Davis et Tisdell, 1996; Dixon et al., 1993

pour le cas du scénario 2. Il ressort que la part du budget de gestion d’AMCP serait la plus importante (presque 40% des coûts) suivie de dépenses d'éducation à l'environnement (presque 34%). Cela semble logique, puisque la création d’AMCP nécessite la disposition d’un outil de gestion confié à l’APAL et qui est doté des moyens nécessaires pour assurer le suivi et le contrôle. Dans le cas du scénario 1, les coûts sont représentés principalement par les frais de gestion de la zone sensible protégée. Ils représentent les frais annuels du personnel relatifs à la gestion des îles et les frais de la campagne de suivi de la nidification des tortues marines. Dans le cas du scénario 3, ses coûts seraient nuls à partir de 2013 avec l’abandon de la zone de protection. Graphique 13 : Répartition de la valeur actualisée des coûts selon les différents types des dépenses (Scénario 2)

D’après le tableau 3, la VAN est plus élevée dans le cas du scénario n°2. Les résultats font apparaître que le scénario n°2 est plus favorable suivi par scénario n°3. La présente étude démontre qu'il serait particulièrement bénéfique d'opter pour le projet de création d’AMCP qui permet la conservation des particularités patrimoniales des îles et qui ne sont évaluées ici que partiellement. L’évaluation économique des îles Kuriat présente certaines difficultés. Premièrement, la méthodologie développée souligne les difficultés d’estimation de tous les bénéfices relatifs aux îles en raison du manque des données (citons par exemple « l'effet réserve » appelé aussi « effet débordement».) Il est aussi difficile d’évaluer quantitativement le rôle de l’herbier de posidonie dans la lutte contre l’érosion et le rôle des tortues marines dans l’apparition des méduses et l’impact sur le tourisme balnéaire. La deuxième limite est que nous n’évaluons pas les valeurs de non usage.

39%

27%

34%

Budget

Dépenses de surveillance

Dépenses d'Education à l'environnement

Conclusion du rapport

L’analyse du développement territorial ainsi que le résultat final d’évaluation économique quantitative plaident pour la protection des îles Kuriat et la création d’une AMCP qui les englobe. De fait, les îles Kuriat sont des zones inhabitées qui se démarquent par la prépondérance de la pêche professionnelle et du tourisme, au cœur de l’espace extrêmement dynamique sur le plan économique qu’est le gouvernorat de Monastir. Leurs caractéristiques environnementales sont précieuses, tant au niveau de la biodiversité qu’à celui des services écologiques, et influent directement sur le bien-être des populations locales, bien qu’elles ne soient pas nécessairement perceptibles. Cette appréciation qualitative, qui joue en faveur de la protection des îles, est confirmée par l’analyse coûts-bénéfices qui élabore des scénarios prospectifs à l’horizon 2030, et montre que les bénéfices issus de la création d’une AMCP sont ressentis sur le long terme. En effet, si le calcul d’indicateurs tels que le TRI ou le ratio bénéfices / coûts plaident pour une exploitation maximale des ressources environnementales des îles, l’évaluation quantitative nous permet de trouver que la VAN, qui est l’indicateur le plus apte dans la mesure du de bénéfices nets soutenables, est plus élevée dans le scénario 2 de création d’AMCP, que dans les deux autres scénarios : les valeurs sont en effet respectivement de 94 467 milliers de dinars pour le scénario 1, 97 094 milliers de dinars pour le scénario 2 et 95 244 mille dinars pour le scénario 3. Les îles possèdent un potentiel très important en termes de biodiversité terrestre et marine. Par ailleurs, certaines espèces de flore et de faune sont menacées par les activités anthropiques. La protection du milieu marin des îles Kuriat à travers la création d’AMCP peut avoir un impact sur la biodiversité marine dans toutes ses dimensions éthique, scientifique et économique. Toutefois, la création d’AMCP est une condition nécessaire mais non suffisante pour optimiser les retombées socio-économiques sur les communautés locales. En fait, les modalités d'usage des ressources existantes conditionnent au premier chef l'ampleur des effets. Par exemple, l’organisation des activités touristiques dans les îles ainsi que la réglementation des activités de pêche peuvent maximiser tous les bénéfices individuels et collectifs et financer les frais de gestion de l’AMCP. L’image d’AMCP peut jouer un rôle important du développement touristique de tout le territoire du gouvernorat de Monastir. L’AMCP peut conférer une nouvelle dimension écologique aux îles Kuriat. Ce qui incite au développement de davantage de programmes de recherche et d’expérience de terrain sur le site.

Annexe 1 : Décret relatif aux zones sensibles

Décret n° 98-2092 du 28 octobre 1998, fixant la liste des grandes agglomérations urbaines et des zones sensibles qui nécessitent l'élaboration de schémas directeurs d'aménagement.

Le Président de la République,

Sur proposition des ministres de l'environnement et de 'aménagement du territoire et de l'équipement et de l'habitat,

Vu la loi n° 94-122 du 28 novembre 1994, portant promulgation du code de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme et notamment son article 7,

Vu l'avis des ministres du développement économique, de l'agriculture et de la culture,

Vu l'avis du tribunal administratif,

Décrète :

Article premier. - La liste des grandes agglomérations urbaines qui nécessitent l'élaboration de schémas directeurs d'aménagement est fixée comme suit :

1 - le grand Tunis : les circonscriptions territoriales des gouvernorats de Tunis, Ariana et Ben Arous.

2 - le grand Sousse : les circonscriptions territoriales des communes de Sousse, Hammam-Sousse, M'saken, Kalâa Kebira, Kalâa Sghira, Akouda, Kssibet-Thrayet, Zaouiet Sousse, Ezzouhour, Messaâdine.

3 - le grand Sfax : les circonscriptions territoriales des communes de Sfax, Sakiet Eddaïer, Sakiet Ezzit, El Aïn, Gremda, Chihia, Thyna.

4 - Monastir : la circonscription territoriale du gouvernorat de Monastir.

5 - Bizerte : les circonscriptions territoriales des communes de : Bizerte, Menzel Jemil, Menzel Abderrahmen.

6 - le grand Gabès : les circonscriptions territoriales des communes de grand Gabès, Ghannouch, Chenini-Nahal, El Matouiya, Ouedhref.

7 - Nabeul : les circonscriptions territoriales des communes de Nabeul, Dar Chaâbane El Fehri, Beni Khiar, El Maâmoura, Hammamet.

8 - les agglomérations urbaines des villes de Béja, Jendouba, El Kef, Siliana, Zaghouan, Kairouan, Kasserine, Sidi Bouzid, Mehdia, Gafsa, Tozeur, Kébili, Medenine, Tataouine.

9 - l'agglomération urbaine de Menzel Bourguiba - Tinja : les circonscriptions territoriales des communes de Menzel Bourguiba et Tinja.

10 - l'agglomération urbaine de Grombalia - Soliman – Menzel Bouzelfa - Beni Khalled : les circonscriptions territoriales des communes de Grombalia, Soliman, Menzel Bouzelfa, Beni Khalled.

Art. 2. - Est considérée zone sensible au sens du présent article, toute zone qui présente des caractéristiques naturelles spécifiques, qui constituent un écosystème fragile ou un élément ou un ensemble d'éléments dans ce système et qui requiert pour sa protection contre la dégradation la mise en œuvre de normes et de procédés d'aménagement prenant en compte ses spécificités et préservant les sites naturels y existants.

La liste des zones sensibles nécessitant l'élaboration de schémas directeurs d'aménagement est fixée comme suit :

1 - Tabarka - Zouaraâ,

2 - le littoral de l'extrême - Nord (entre Zouarâa et Bizerte),

3 - le littoral Est Bizerte (Bizerte - Ghar El Melh),

4 - Carthage - Sidi Bou Saïd,

5 - le littoral Ouest du Cap Bon,

6 - le littoral Est du Cap Bon,

7 - Selloum-Hergla,

8 - Khnis - Bekalta,

9 - El Ghadhabna - Echebba - Melloulech,

10 - les îles de Kerkennah,

11 - Mahrès - Skhira,

12 - Gabès - El Jorf,

13 - l'Ile de Jerba,

14 - Zarzis,

15 - El Bibane,

16 - les zones arides du Sud saharien (Tozeur-Kébili-Tataouine),

17 - les hautes steppes,

18 - les basses steppes,

19 - la zone minière de Gafsa.

Art. 3. - Les ministres de l'environnement et de l'aménagement du territoire et de l'équipement et de l'habitat sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal Officiel de la République Tunisienne.

Tunis, le 28 octobre 1998.

Zine El Abidine Ben Ali

Annexe 2 : Loi relative à la création de l’agence de protection et d'aménagement du littoral

Loi n° 95-72 du 24 juillet 1995, portant création d'une agence de protection et d'aménagement du littoral (*)

Au nom du peuple,

La Chambre des Députés ayant adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article premier - La présente loi a pour objet la création d'une agence de protection environnementale du littoral défini comme étant la zone de contact qui concrétise la relation écologique, naturelle et biologique entre la terre et la mer et leur interaction directe et indirecte.

La protection environnementale concerne notamment :

1 - Le rivage de la mer, les plages, les sabkhas, les dunes de sable, les îles, les falaises et les différentes composantes du domaine public maritime à l'exception des forteresses et autres ouvrages de défense.

2 - Les zones intérieures dans des limites variables selon le degré d'interaction climatique, naturelle et humaine entre elles et la mer, tels que les forêts littorales, les estuaires, les caps marins et les zones humides littorales.

Le périmètre de la zone littorale est fixé par décret, sur proposition du Ministre chargé de l'environnement.

Art. 2. - Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière, dénommé " Agence de Protection et d'Aménagement du Littoral ".

L'Agence dont le siège est fixé à Tunis, est placée sous la tutelle du Ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire.

La Direction de l'Agence est assurée par un Directeur Général nommé par décret.

Contrairement aux dispositions de l'article 10 de la loi n°89-9 du 1er février 1989 relative aux participations et entreprises publiques il est crée auprès de l'Agence un conseil consultatif dont la composition et les attributions seront fixés par décret.

L'organisation administrative et financière de l'Agence et les modalités de son fonctionnement sont fixées par décret, sur proposition du Ministre chargé de l'environnement.

Art. 3. - L'Agence assure l'exécution de la politique de l'Etat dans le domaine de la protection du littoral en général et du domaine public maritime en particulier.

A cette fin, elle est notamment chargée de :

- La gestion des espaces littoraux et le suivi des opérations d'aménagement et de veiller à leur conformité avec les règles et les normes fixées par les lois et règlements en vigueur relatifs à l'aménagement de ces espaces, leur utilisation et leur occupation;

- La régularisation et l'apurement des situations foncières existantes à la date de publication de la présente loi et contraires aux lois et règlements relatifs au littoral et au domaine public maritime en particulier et ce conformément à la législation en vigueur et tout en respectant le principe du caractère non saisissable, non susceptible d'hypothèque, inaliénable et imprescriptible du domaine public maritime;

- L'élaboration des études relatives à la protection du littoral et à la mise en valeur des zones naturelles et entreprendre toutes les recherches, études et expertises à cette fin;

- L'observation de l'évolution des écosystèmes littoraux à travers la mise en place et l'exploitation de systèmes informatiques spécialisés ;

Art. 4. - L'Agence est chargée de la protection du littoral contre les empiètements occasionnés notamment par les constructions et implantations contraires aux lois et règlements en vigueur. Les nouvelles implantations et les projets d'aménagement et d'équipement sont obligatoirement soumis à l'approbation préalable de l'Agence.

En plus des officiers de la police judiciaire et des agents de l'Administration qui sont habilités par des lois spéciales, les infractions aux lois et règlements relatifs au littoral et au domaine public maritime sont constatées dans des procès verbaux rédigés par des agents et des experts-contrôleurs assermentés et habilités à cette fin par le Ministère chargé de l'Environnement parmi les agents classés dans une catégorie équivalente au moins à la catégorie "A" visée dans la loi n°83-112 du 12 Décembre 1983 portant statut général des personnels de l'Etat des collectivités publiques locales et des établissements publics administratifs.

Ces agents et experts-contrôleurs exercent les fonctions de police judiciaire conformément aux dispositions du Code de Procédure Pénale.

Art. 5. - En conformité avec les dispositions de l'article 3 de la présente loi l'Agence est chargée de la régularisation et de l'apurement des situations foncières des constructions, ouvrages et implantations établis sur le domaine public maritime ou sur des parties de ce domaine, en violation des lois et règlements en vigueur.

Au cas où la régularisation nécessite la conclusion d'un contrat de concession avec l'occupant du domaine public maritime, ce contrat doit fixer la redevance d'occupation ainsi que le montant revenant à l'Agence en contrepartie des actions de protection et de réhabilitation rendus nécessaire du fait de l'occupation.

Les procédures et les modalités de la régularisation et de l'apurement sont fixées par décret. L'Agence dispose de toutes les compétences légales requises pour la réalisation de la régularisation ou de l'apurement et son exécution y compris intenter des actions devant les tribunaux compétents.

Art. 6. - L'Agence peut, conformément aux procédures en vigueur, bénéficier selon le cas du transfert de la gestion ou de l'affectation de parties du domaine public ou privé de l'Etat ou du domaine public soumis au régime forestier qui constituent des espaces naturels ou libres nécessitant protection. L'Agence assure la gestion des immeubles qui lui sont confiés ou affectés, conclue tous les accords et assume les engagements qui s'y rattachent.

Art. 7. - L'Agence prend en charge la gestion, la conservation et la préservation des terres qui sont mises à sa disposition. Elle peut transférer l'exploitation des espaces aménagés à un établissement public ou privé ou à une association autorisée et ce dans le cadre d'un accord fixant notamment la contrepartie financière et sur la base d'un cahier des charges qui fixe les usages, les modes de gestion et de préservation et les travaux autorisés qui contribuent obligatoirement à la réalisation des objectifs de l'Agence .

Art. 8. - Un décret fixe les zones sensibles, qui sont des zones caractéristiques du patrimoine naturel national ou présentant un ensemble d'éléments dans un écosystème fragile ou constituant un paysage naturel remarquable, menacé par la dégradation ou par l'utilisation irrationnelle.

Pour la conservation des zones susvisées, l'Agence peut avoir la maîtrise des immeubles soit par leur acquisition à l'amiable, soit le cas échéant par leur expropriation par l'Etat à son profit conformément à la législation en vigueur relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique.

L'Agence peut aussi, dans les cas où elle le juge opportun, conclure des accords de partenariat avec les propriétaires des terres situées dans les zones sensibles. Les propriétaires s'engagent dans ces accords à gérer leurs terres conformément à un cahier des charges approuvé par le Ministre chargé de l'environnement.

Art. 9. - L'Agence de Protection et d'Aménagement du Littoral peut, après approbation de l'autorité de tutelle, conclure avec des partenaires ou des établissements nationaux ou étrangers des accords et des contrats de prestations de services à titre onéreux s'inscrivant dans le cadre de ses activités telles que les recherches, les études et les expertises.

Art. 10. - Les ressources de l'Agence sont constituées par :

- les participations et subventions fournies par l'Etat ;

- les revenus des biens meubles et immeubles qui lui reviennent ;

- les revenus des prestations de services ;

- les dons et les legs ;

- toutes ressources créées ou qui lui sont affectées par la Loi.

Art. 11. - En cas de dissolution de l'Agence, son patrimoine fera retour à l'Etat qui exécutera les engagements contractés par elle.

La présente loi sera publiée au Journal Officiel de la République Tunisienne et exécutée comme loi de l'Etat.

Tunis, le 24 juillet 1995.

Zine El Abidine Ben Ali

(*) Travaux préparatoires : Discussion et adoption de la chambre des députés dans sa séance du 18 juillet 1995.

Annexe 3 : Loi relative aires marines et côtières protégées

Loi n° 2009-49 du 20 juillet 2009, relative aux aires marines et côtières protégées (*)

Au nom du peuple,

La chambre des députés et la chambre des conseillers ayant adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

CHAPITRE PREMIER

Dispositions générales

Article premier - La présente loi vise à la préservation de la nature et de la biodiversité dans les milieux marins et côtiers et à l’utilisation de leurs ressources naturelles dans le cadre du développement durable, et ce, par la création d’aires marines et côtières protégées.

Art. 2 - Au sens de la présente loi on entend par :

- les aires marines et côtières protégées : les espaces désignés par la loi, en vue de protéger les milieux naturels, la flore, la faune, les écosystèmes marins et côtiers présentant un intérêt particulier d’un point de vue naturel, scientifique, instructif, récréatif, ou éducatif ou qui constituent des paysages naturels remarquables devant être préservés,

- les habitats : le lieu ou type de site dans lequel un organisme ou une population existe à l’état naturel,

- la diversité biologique marine et côtière : les variétés d’organismes vivants de toute origine y compris les écosystèmes côtiers, marins, les organismes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; Elle comprend la diversité à l’intérieur des espèces et entre les espèces et les écosystèmes,

- espaces à valeur écologique : les aires et les zones qui renferment des écosystèmes c'est-à-dire des complexes dynamiques formés de communauté de micro-organismes, de plantes, d’animaux et de leur environnement non vivant, qui par leur interaction forment une unité fonctionnelle.

Art. 3 - Sont soumis au régime juridique établi par la présente loi, tous les immeubles intégrés dans les aires marines et côtières protégées, exceptés les ouvrages, les forteresses et les zones destinées à la sécurité et à la défense nationale ainsi que les ports maritimes de commerce et de pêche.

Art. 4 - L’aire marine et côtière protégée doit être d’une superficie suffisante pour assurer la préservation d’au moins un des éléments suivants :

1. les types d’écosystèmes marin et côtier et leur diversité biologique,

2. les habitats menacés de disparition dans leur aire de répartition naturelle ou dont l’aire de répartition naturelle est réduite par sa nature même ou du fait de sa régression,

3. les habitats nécessaires à la survie, la reproduction et la réinsertion d’une ou de plusieurs espèces animales ou végétales menacées d’extinction ou endémique,

4. les sites présentant une importance particulière en raison de leur intérêt scientifique, esthétique, instructif, récréatif ou éducatif.

Art. 5 - Les aires marines et côtières protégées peuvent être créées sur toute partie du littoral tel que défini par la loi portant création de l’agence de protection et d’aménagement du littoral, qu’elle soit propriété publique ou privée, si les études scientifiques précédant la création de l’aire protégée établissent que le site présente un ou plusieurs éléments parmi ceux énumérés à l’article 4 de la présente loi.

Art. 6 - Chaque fois que l’exige la nécessité de la protection et selon les cas, le transfert de la gestion ou l’affectation d’immeubles ou de parties d’immeubles relevant du domaine public ou privé de l’Etat

peuvent être opérés au profit de l’Agence de protection et d’aménagement du littoral, conformément aux procédures en vigueur dans le but de créer une aire marine et côtière.

Art. 7 - La gestion des biens immeubles privés demeure entre les mains de ceux qui en ont l’usage et les titulaires des droits réels sur lesdits immeubles dans la mesure où cela ne s’oppose pas aux impératifs de la protection et à condition que cela se réalise en conformité avec les dispositions de la présente loi.

Dans le cas où la nécessité de la protection l’exige, l’Agence de protection et d’aménagement du littoral peut acquérir ces immeubles soit par la voie amiable, soit par recours à l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Art. 8 - l’aire marine et côtière protégée peut, en fonction des exigences, être érigée en plusieurs zones avec des degrés de protection différents en vue de :

1. conserver intégralement les écosystèmes fragiles ou une ou plusieurs espèces de faunes ou de flores protégées,

2. renforcer et promouvoir la mise en valeur de la nature et de ses ressources conformément aux exigences du développement durable.

Art. 9 - Est crée auprès du ministère chargé de l’environnement un conseil consultatif dénommé « conseil national des aires marines et côtières protégées » auquel sont soumises pour avis les questions relatives à la création des aires marines et côtières protégées, la révision de leur délimitation ou leur déclassement.

Les attributions et la composition du conseil sont fixées par décret.

CHAPITRE II

De la création des aires marines et côtières protégées

Art 10 - Les aires marines et côtières protégées sont créées par décret sur proposition du ministre chargé de l’environnement et du ministre chargé des forêts et de la pêche et après enquête publique diligentée selon les procédures établies par la présente loi.

Art. 11 - L’enquête publique est diligentée par un commissaire enquêteur assermenté désigné par le ministre chargé de l’environnement.

Les attributions du commissaire enquêteur et les modalités d’exercice des ses fonctions sont fixés par décret.

Art. 12 - Le commencement de l’enquête publique, la date de sa clôture et la zone concernée par ladite enquête sont annoncés par arrêté du ministre chargé de l’environnement. Celui-ci notifie cet arrêté au Gouverneur de la région et au juge cantonal de la zone concernée, et ce, dans un délai de trois mois au moins avant la date du commencement de l’opération.

Le gouverneur ordonne l’affichage de cet avis aux sièges du gouvernorat, de la délégation et de la commune concernés, le juge cantonal ordonne l’affichage dudit avis dans son auditoire. Le même avis doit également être publié dans Le Journal Officiel de la République Tunisienne et dans deux journaux quotidiens dont l’un en langue arabe, tout cela dans un délai de deux mois au moins avant la date du commencement de l’enquête.

Art. 13 - Le commissaire enquêteur désigne son domicile au siège de la représentation régionale de l’Agence de protection et d’aménagement du littoral, s’il existe, au siège de la commune s’il existe ou au siège de la délégation. Le public en est avisé conformément aux procédures prévues à l’article 12 de la présente loi.

Le commissaire enquêteur reçoit les observations et les avis des résidents de la région concernée, ainsi que des représentants des entreprises publiques ou privées, des associations et des organisations professionnelles intervenantes dans la région et consigne les déclarations orales dans un registre côté et paraphé par le juge cantonal compétent, auquel sont annexés les observations, les oppositions et les avis

présentés par écrit ou adressés au commissaire enquêteur par lettres recommandées avec accusé de réception dans les délais fixés par l’arrêté.

A l’expiration du délai, le registre d’enquête sera clos par le commissaire enquêteur et remis au gouverneur de la région pour avis puis transmis au ministre chargé de l’environnement.

Art. 14 - Le décret portant création de l’aire marine et côtière protégée énonce les motifs de sa création, ses délimitations, les règles de son organisation, les zones qui en font partie ainsi que les interdictions ou les restrictions et leurs niveaux.

L’agence de protection et d’aménagement du littoral requiert la pré-notation des interdictions et des restrictions et leurs niveaux sur les titres de propriété des immeubles immatriculés. L’agence procède à toutes les opérations sur le terrain tendant à délimiter les zones couvertes par l’aire marine et côtière protégée et ce en plantant des bornes de délimitation apparentes et visibles.

Art. 15 - L’agence de protection et d’aménagement du littoral avise les titulaires de droits réels et ceux qui ont l’usage d’ immeubles à l’intérieur de l’aire marine et côtière protégée par lettre recommandée avec accusé de réception de la soumission de leurs droits aux prescriptions de la protection, des modifications devant y être apportées et des utilisations auxquelles il doit être mis fin.

Art. 16 - Les titulaires de droits réels sur les immeubles frappés de servitudes ont droit à une indemnisation équitable pour le préjudice matériel, réel et direct qu’ils ont subi, suite aux interdictions et restrictions portées à leur liberté de disposer de leurs biens et droits situés dans la zone protégée, si les dites interdictions et restrictions ont causé des modifications sur l’état de l’immeuble ou une réduction de la jouissance.

Art. 17 - Les propriétaires des immeubles frappés de servitudes peuvent demander à l’agence de protection et d’aménagement du littoral l’acquisition desdits immeubles si les bénéfices quelle qu’en soit la nature qu’ils en tirent habituellement se trouvent réduits de plus de la moitié par l’effet de ces servitudes.

Art. 18 - Les demandes d’indemnisation et les offres d’achat des immeubles sont adressées à l’agence de protection et d’aménagement du littoral par lettre recommandée avec accusé de réception. L’agence doit y répondre selon la même procédure et ce dans un délai de trois mois à compter de la date de réception des dites demandes.

Art. 19 - Le droit des propriétaires de réclamer à l’agence de protection et d’aménagement du littoral d’acquérir leurs immeubles assujettis est prescrit deux ans après la date de la signification de la soumission de leurs immeubles aux exigences de la protection.

Le droit à l’indemnisation du chef des préjudices subis par les titulaires des droits réels est prescrit après trois ans à compter de la date de la dite signification. Les titulaires des droits réels ou ceux qui ont l’usage des immeubles assujettis peuvent recourir au tribunal compétent dans le cas où, ils ne parviennent pas à un accord avec l’agence sur le montant de l’indemnité ou sur la valeur de l’immeuble ou dans le cas où l’agence ne répond pas à leurs demandes dans les délais qui lui sont prescrits par la loi.

Art. 20 - Est interdit tout changement de la nature des aires marines et côtières protégées ainsi que toute action impliquant une modification de son aspect, sauf pour des exigences de protection de la nature ou de développement durable et ce par autorisation du ministre chargé de l’environnement après avis du conseil consultatif des aires marines et côtières protégées.

Art. 21 - Le déclassement total ou partiel de l’aire marine et côtière et la révision de ses délimitations se font selon les mêmes procédures établies pour sa création.

CHAPITRE III

De la gestion et de l’administration des aires marines et côtières protégées

Art. 22 - La gestion des aires marines et côtières protégées est confiée à l’agence de protection et d’aménagement du littoral dans le cadre de la réalisation des objectifs de la présente loi et de ses textes d’application.

L’agence de protection et d’aménagement du littoral peut, après l’aménagement de l’aire, confier son exploitation sous forme de concession ou d’occupation temporaire ou sous toutes autres formes d’exploitation, à une entreprise publique ou privée ou à une association constituée conformément à la législation en vigueur, après avis du gouverneur de la région concernée et approbation du ministre chargé de l’environnement.

Art. 23 - Dans le cas où la zone protégée couvre des propriétés privées et que les impératifs de protection n’exigent pas leur expropriation pour cause d’utilité publique, l’agence de protection et d’aménagement du littoral peut conclure des conventions sur la base desquelles les personnes ayant un droit réel sur ces propriétés s’engagent à gérer leurs immeubles conformément à un cahier des charges approuvé par décret.

Art. 24 - La gestion des aires marines et côtières protégées est obligatoirement menée sur la base de plans de gestion approuvés par le ministre chargé de l’environnement. Lesquels plans sont établis par l’agence de protection et d’aménagement du littoral dans le cadre de commissions constituées de représentants des ministères et structures concernés, désignés par le ministre chargé de l’environnement. La composition et le mode de fonctionnement de ces commissions sont fixés par décret sur proposition du ministre chargé de l’environnement.

Art. 25 - Les plans de gestion fixent les orientations de la protection et de la valorisation et les mesures nécessaires pour la mise en œuvre de ces orientations dans les aires marines et côtières protégées. Ils comportent notamment :

- la détermination de la période d’exécution du plan de gestion,

- une description détaillée de l’aire, concernant son emplacement, ses délimitations, les différentes zones de protection qu’elle renferme et leurs niveaux et les ressources naturelles qui y existent,

- un inventaire de l’état écologique du milieu naturel de l’aire avec mention d’un suivi obligatoire de cet état et de son actualisation, et l’indication des facteurs susceptibles d’avoir un impact négatif sur elle,

- la détermination d’un mode de gestion et d’administration approprié en fonction des caractéristiques de l’aire,

- l’indication des ressources humaines et matérielles affectées à la gestion et à l’administration de l’aire protégée,

- l’indication des mesures portant organisation de l’aire ainsi que l’ensemble des dispositions auxquelles elle est soumise.

Art. 26 - Dans le cas où les exigences de la protection nécessitent que la gestion de l’aire soit effectuée directement par l’agence de protection et d’aménagement du littoral, un administrateur est désigné pour prendre en charge la gestion de l’aire, par arrêté du ministre chargé de l’environnement qui fixe ses attributions.

Les conditions et les modalités de gestion des aires marines et côtières protégées sont fixées par décret sur proposition du ministre chargé de l’environnement.

CHAPITRE IV

Du régime de protection

Art. 27 - Sont interdites, ou soumises à des restrictions ou autorisations préalables, à l’intérieur des aires marines et côtières protégées, les activités et les actions suivantes :

1. l’accès du public à l’aire protégée ou à une partie de l’aire,

2. le passage du public, autre que les habitants et les riverains, quelque soit le moyen utilisé,

3. le nourrissage des animaux non domestiqués,

4. la publicité,

5. les activités industrielles, économiques touristiques et commerciales,

6. la navigation et l’accès ou l’accostage de toute barque ou bateau même s’il est touristique,

7. La plongée sous marine,

8. le survol de l’aire protégée,

9. toute modification des constructions existantes ou toute construction nouvelle quelqu’en soit l’usage,

10. la mise à feu,

11. le prélèvement d’échantillons des espèces de la faune ou de la flore,

12. l’enlèvement de fossiles et l’extraction de minéraux,

13. La construction d’équipements de transport et de communications et l’installation de conduites de liquides et de gaz, de lignes électriques ou téléphoniques qui doivent impérativement passer par une aire marine et côtière protégée,

14. le rejet et le déversement de déchets liquides, solides, gazeux ou autres substances qui sont de nature à porter un préjudice direct ou indirect aux aires marines et côtières protégées,

15. la pêche quelqu’en soit la nature à titre professionnel ou sportif,

16. l’introduction d’armes et d explosifs, de tout moyen de pêche ou de chasse destructeur ainsi que l’introduction de matières toxiques ou polluantes,

17. tout acte intentionnel dans le but de capturer des animaux, de les blesser, ou de les tuer,

18. la dégradation ou la destruction des habitats nécessaires à la reproduction des espèces animales ou de leurs lieux de repos,

19. le dérangement intentionnel des animaux notamment en période de reproduction et de nidification et en période de dépendance des petits animaux et de migration,

20. l’introduction d’espèces animales exotiques ou génétiquement modifiées dans le périmètre de l’aire protégée,

21. le trafic de la faune ou de parties de la faune, de la flore ou de parties de la flore protégées provenant de l’aire marine et côtière protégée,

22. la cueillette, le ramassage, l’arrachage, la coupe ou le déracinement intentionnel des plantes,

23. toute activité d’exploration ou impliquant une modification de la configuration du sol ou l’exploitation du sous-sol de la partie terrestre, du fond de la mer ou de son sous-sol,

24. la recherche et les fouilles archéologiques et des épaves maritimes dans le sous-sol, dans la partie terrestre, et dans le fond de la mer et son sous-sol,

25. tout acte intentionnel de nature à porter préjudice à l’équilibre naturel,

26. l’utilisation ou l’épandage d’insecticides toxiques dans les terres limitrophes des aires marines et côtières protégées.

Le décret de création fixe les activités et les actions interdites ou soumises à des restrictions ou autorisations préalables et leurs conditions d’exercice, et ce parmi les actions et les activités sus-indiquées dans chaque aire marine et côtière protégée.

Les conditions d’exercice des actions et activités sus-indiquées sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’environnement, après avis du ministre ou des ministres concernés.

Font exception aux interdictions prévues par cet article les activités et les actions relatives à la sécurité ou à la défense nationale ou à la recherche scientifique.

Art. 28 – Nonobstant les dispositions de la législation et des règlements en vigueur, toutes les activités et les actions nécessitant une autorisation préalable à l’intérieur des aires marines et côtières protégées sont soumises à l’obligation de présenter une étude de leurs impacts prévisibles sur ces aires à l’Agence de protection et d’aménagement du littoral.

CHAPITRE V

Des dispositions pénales

Art. 29 - Les infractions prévues par la présente loi sont constatées par procès-verbaux établis par:

1. les officiers de police judiciaire visés aux numéros 2, 3, et 4 de l’article 10 du code de procédure pénale,

2. les commandants des unités navales, les officiers de la marine nationale et les agents assermentés du service national de surveillance côtière, parmi les agents de la catégorie « A » ou d’une catégorie équivalente,

3. les officiers de la marine marchande et les officiers des ports de commerce,

4. les agents assermentés de la garde nationale maritime parmi les agents de la catégorie « A » ou d’une catégorie équivalente,

5. les agents assermentés et spécialement habilités relevant de l’agence de protection et d’aménagement du littoral, parmi les agents de la catégorie « A » ou d’une catégorie équivalente,

6. les officiers et les agents des douanes parmi les agents de la catégorie « A » ou d’une catégorie équivalente,

7. les agents forestiers parmi les agents de la catégorie « A » ou d’une catégorie équivalente,

8. les agents assermentés et habilités relevant de l’agence nationale de protection de l’environnement, parmi les agents de la catégorie « A » ou d’une catégorie équivalente,

9. les agents et les experts contrôleurs assermentés et spécialement habilités par le ministère chargé de l’environnement à constater les infractions et les règlements relatifs au littoral et au domaine public maritime, parmi les agents de la catégorie « A » ou d’une catégorie équivalente,

10. les agents assermentés et habilités à contrôler la pêche parmi les agents de la catégorie «A» ou d’une catégorie équivalente.

Art. 30 - Les procès-verbaux des infractions aux dispositions de la présente loi sont établis par les agents susvisés qui constatent personnellement et directement les faits constitutifs de l’infraction ou ses conséquences. Les procès-verbaux doivent contenir les indications suivantes :

1. la date, l’heure et le lieu du procès-verbal,

2. la nature et le lieu de l’infraction commise,

3. le nom, prénom et profession du contrevenant s’il est une personne physique, ou la dénomination sociale, le siège, le nom et prénom du représentant légal si le contrevenant est une personne morale,

4. les procédures suivies pour la saisie avec mention des appareils, outils et objets saisis,

5. la constatation de l’infraction,

6. la signature du contrevenant ou de son représentant légal avec mention du refus de signer ou de l’absence,

7. le cachet de l’administration dont relève l’agent verbalisateur, son nom, prénom, sa qualité et sa signature.

Art. 31 - Les outils et les appareils qui ont servi ou qui étaient destinés à servir à l’infraction sont saisis par les agents habilités à constater les infractions prévues par la présente loi et ce conformément aux dispositions du code de procédure pénale.

Art. 32 - Les procès-verbaux établis et signés par les personnes visées à l’article 29 de la présente loi sont transmis par l’intermédiaire de l’autorité administrative dont ils dépendent au ministère chargé de l’environnement qui se charge de les transmettre, à son tour, au procureur de la république territorialement compétent.

Art. 33 - Le procureur de la république, avant la mise en mouvement de l’action publique et le tribunal saisi, tant qu’un jugement définitif n’a pas été prononcé, peuvent ordonner le recours à la transaction sur demande du contrevenant.

Le procureur de la république ou l’instance judiciaire saisie approuve la transaction conclue par écrit entre l’Agence de protection et d’aménagement du littoral et le contrevenant.

La transaction est conclue sur la base de critères et d’un barème indicatif des montants transactionnels qui sont fixés par décret, pris sur proposition du ministre chargé de l’environnement.

Les délais de prescription de l’action publique sont suspendus durant la période d’accomplissement des procédures de transaction ainsi que durant la période nécessaire à son exécution. L’exécution de la transaction entraîne l’extinction de l’action publique et l’arrêt des poursuites ou du jugement.

Art. 34 - Le produit des transactions est transféré au profit de l’Agence de protection et d’aménagement du littoral.

Art. 35 - La transaction ne peut pas être conclue dans les cas suivants :

- dans les infractions relatives aux activités et actions interdites, telles que fixées par le décret portant création de l’aire au sens de l’article 27 de la présente loi,

- si l’auteur de l’infraction a bénéficié d’une mesure de transaction au cours des deux années ayant précédé la date de l’établissement du dernier procès-verbal d’infraction,

- si le contrevenant a commis, au cours des deux années suivant la date du prononcé du dernier jugement à son encontre l’une des infractions prévues par la présente loi.

Art. 36 - Est puni d’un emprisonnement de 16 jours à un mois et d’une amende de 250 dinars à 500 dinars ou de l’une de ces deux peines quiconque aura enfreint les dispositions des paragraphes 1 à 4 de l’article 27.

Art. 37 - Est puni d’un emprisonnement de 16 jours à 3 mois et d’une amende de 1000 dinars à 20 000 dinars ou de l’une de ces deux peines sans préjudice des peines plus sévères, quiconque aura enfreint les dispositions des paragraphes 5 à 13 de l’article 27.

Art. 38 - Est puni d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 1000 dinars à 50000 dinars ou de l’une de ces deux peines sans préjudice des peines plus sévères, quiconque aura enfreint les dispositions des paragraphes 14 à 26 de l’article 27.

Art. 39 - Les peines prévues par les articles 36, 37, et 38 sont portées au double lorsque l’infraction est commise entre le coucher et la levée du soleil et aussi en cas de récidive.

Art. 40 - Nonobstant les sanctions pénales qui peuvent être prononcées conformément aux dispositions des articles 36, 37 et 38, tout contrevenant est assigné à rétablir l’état initial dans un délai ne dépassant pas six mois à compter de la date du prononcé du jugement. Le jugement ordonne l’agence de protection et d’aménagement du littoral est autorisée à procéder à la remise en état aux frais du contrevenant lorsque celui-ci refuse de le faire ou se trouve dans l’impossibilité de le faire.

Art. 41 - Le tribunal peut ordonner, aux frais du condamné, la publication du jugement dans deux quotidiens tunisiens dont l’un en langue arabe. Le tribunal fixe dans ce cas la durée de la publication.

Art. 42 - Lorsque le contrevenant est une personne morale, la peine d’emprisonnement prévue par les articles 36, 37 et 38 de la présente loi est applicable à toute personne ayant qualité pour représenter la personne morale et dont la responsabilité personnelle dans les faits commis est prouvée.

Art. 43 - Le ministre chargé de l’environnement peut, en cas d’extrême urgence, ordonner toutes les mesures nécessaires ou, le cas échéant, l’exécution des travaux qui s’imposent pour limiter l’aggravation des dommages subis des dispositions de la présente la loi.

La présente loi sera publiée au Journal Officiel de la République Tunisienne et exécutée comme loi de l'Etat.

Tunis, le 20 juillet 2009.

Zine El Abidine Ben Ali

(*) Travaux préparatoires :

Discussion et adoption par la chambre des députés dans sa séance du 23 juin 2009.

Discussion et adoption par la chambre des conseillers dans sa séance du 4 juillet 2009.

Annexe 4: Recensement des poissons et céphalopodes autour de la Grande Kuriat

Variante 1

Stations entre 1 et 6m de profondeur. Consiste à parcourir une distance (trajet parallèle à la côte) de 50 m, avec 3 répliques. Elle a été réalisée dans 3 stations (11, 15 et 19) des secteurs Ouest et Nord-ouest de la Grande Kuriat, et a permis de compter 518 individus de poissons réparties en 16 espèces.

Stations 11 15 19

Répliques 11.1 11.2 11.3 15.1 15.2 15.3 19.1 19.2

Situation 35º 48,261’ N 11º 01,110’ E

35º 47,526’ N 11º 01,082’ E

35º 48,302’ N 11º 01,902’ E

Profondeur (m) 5,4-6 5,5-5,9 5,3-5,7 3,5-4,2 1,5-2,1 1,5-1,7 1,2-2,2 1,6-2,1

Substrats (*) R,P,S R,P R,P,S R,P,C,S R,P,C,S R,C,P R,P,C R,P,C

Chromis chromis 160 24 7 - - - - -

Coris julis 2 7 2 4 - - 6 1

Diplodus annularis 1 2 - - - - - -

Diplodus sargus - 1 - 3 5 - 2 -

Diplodus vulgaris 10 12 6 8 10 5 18 22

Labrus viridis 1 - - - - - - 2

Lithognathus mormyrus

- - - - 2 - 3 -

Mullus surmuletus - 1 - - - - - -

Oblada melanura - 5 1 - - - - -

Sarpa salpa 11 - 10 - - - - 9

Seriola dumerilii - - - 1 - - - -

Serranus cabrilla 1 1 - - - - - -

Serranus scriba 2 1 1 2 3 2 - 6

Spicara smaris 120 7 - - - - - -

Spondylosoma cantharus

1 2 - - - - - -

Symphodus tinca - - - 2 1 6 2 2

Total/réplique 309 63 27 20 21 13 31 42

Spp./réplique 10 11 6 6 5 3 5 6

(*) : Substrats : (C) Cymodocea nodosa ; (P) Posidonia oceanica ; (R) roche ; (S) sable.

Variante 2

Stations entre 10 et 20m de profondeur. Elle consiste à parcourir des radiales de 50m, subdivisée chacune en 5 sections de 10m de long. Permettant de compter les poissons au niveau de chaque section, dans le but d’obtenir des résultats plus affinées qui rendent leurs exploitations beaucoup plus sûre, ce qu’a permis de recenser 3651 individus de poissons et céphalopodes répartis en 7 espèces.

Les valeurs indiquent les valeurs moyennes par radiales.

Stations/Spp. BIO1 BIO2 BIO3 BIO4 BIO5 BIO6

Date 19/10/2008 20/10/2008 21/10/2008

Coordonnées 35º49,139’ N 11º 00,241’ E

35º 48,606’ N 11º 00,994’ E

35º 46,151’ N 11º 03,643’ E

35º 47,016 N 11º 02,870 E

35º 46,614’ N 10ª 58,595’ E

35º 46,279’ N 10ª 59,009’ E

Profondeur (m) 19 10 20 10 18 11

Substrat (**) P P, DR P P P P

Anguilla anguilla - - - - 1 -

Chromis chromis

- - - 63 - -

Coris julis 14 15 16 13 5 -

Diplodus annularis

10 - 5 5 1 -

Diplodus vulgaris

2 - 9 7 2 6

Mullus surmuletus

1 - 5 - - -

Oblada melanura

- 1 4 - - -

Serranus hepatus

1 1 3 5 - -

Spicara smaris 271 182 659 262 519 250

Symphodus tinea

1 - 2 2 - -

Octopus vulgaris

- 2 - - - 3

Total 506 409 703 357 924 260

Nombre d’espèces

7 5 8 7 5 5

(**) : Substrat : (P) herbier de Posidonia ; (DR) dalles rocheuses. Précisions sur la nature du substrat des stations profondes : - Bio1: Fond monotone et homogène à herbier de Posidonia peu dense et à feuilles très courtes (-19m).

- Bio2: Herbier de Posidonia peu dense sur un fond dalles rocheuses ou à affleurement rocheux plats (-10m).

- Bio3: Herbier de Posidonia à feuilles régulières sur matte de 1,4m (-20m).

- Bio4: Herbier de Posidonia à feuilles longues sur matte de 1,3m (-10m).

- Bio5Herbier de Posidonia à feuilles longues pas de matte visible (18m).

- Bio6: Herbier de Posidonia avec une densité de 70% et à feuilles longues pas de matte visible (-11m).

Source : Ramos-Espla et Ben Mustapha, 2010.