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BULLETIN DES

Publication trimestrielle d'Etudes Culturelles sur Ie Laos

P.S. NGINN, Pr6sident dc l'Acaddmie lao

Nos 4 et 5 JANVIER - FEVRIER, MARSAVRIL . MAI . JUIN 1977

SOMMAIREPr6facePH^GNA LEUAM INSISIENMAY

AMIS DU ROYAUME LAO

L'Acad6mie Royale LaoSOMCHINE NGINN

Cours de Litt6rature LaoPHOUVONG PHIMMASONE

Nang Tan Tay ( suite )PHAM CONG SUU

Thao Sieo Savat ( suite )RAMPHANH KHAUTHISEN

Le Nouvel An YaoJACOUES El ANNIE LEMOINE

Etude Historique du Laos (ruitc)VO THU TINH

Le Tourisme au Royaume LaoHENRI GEORGIS COTIN

A propos du Tatouage i VientianeCLTCHE OE RAYMONE' GUERIN

A propos du That Louang - VientianeTHAOBOUN SOUK.THAc, KHAMLEUY'

Le Jeu de Kd-SaoMT.LE HANG MINH KIM

Apprenez Ie KhEne ( suite )KHAM.OUANE RATANAVONG

Le Tissage des Tapis au LaosMME MARIA BERNAOINE BORG

Les "M6moires" de M. NginnSOMCHINE NGINN

Le Dictionnaire Laotien-FranqaisPIERRE MARIE GAGNEUX

Lcr opiaiom erprimdes daas ces articles a'engagcnt quc leurs auteurs,

83

123

133

136

137

143

7r

t47

154

160

168

Fondateu! ctR6dacteur en Chef :

VO THU TINH190, Rue NoDg-Bone

VieDtiaEe Laos

Co.RAdacteurc :

. Pierre Marie GAGNEUX

. Mlle HANG MINH KIM

Conseillers:

. Phouvong PHIMMASONE

. Boog SOUVANNAVONG

. Khao Ouaoc

RATANAVONG

Notre couverture :

Uo manusctit aut" bay 16o "

Cctich6 dc R. GUERIN )

PRrX: AOOK

Prochainement au Num6ro 6

du

BULLETIN DES AMIS DU ROYAUME LAOVOUS LIREZ:

1- La propri6t6 fonciire selon

les pratiques coutumilres lao par Phagtra Iopnng SURYADHAY

2- Le calendrier lao Thao BoUN'SoUK

3- Le culte des Phi )r Luang'Prabang ' Tiao KhaoMaah voNGKoTRATANA

4- Le Khine et la musique lao ' Mme Arac Marie GAGNEUX

5- Les fresques murales du Phra Lak-Phra Lam ( Version lao du RAmA-

yana) au Vat OuP.Moung VO THU TINHClich6s de Raymond GUERIN

6- Le battage du riz chez les Thais

du Centre ' Mmc Annie LEMOINE

?- Les "M6moires" de M. Nginn ( II) ' Somchine NGINN

8. Nang Tan - Tay I suite ) - PHAM coNG suu

9- Le Code de Vientiane ( suite I - Phouvong PHIMMASoNE

10- Etude Historique du Laos ( suite )

Avdnement de Fa-Ngoum - vo THU TINH

1J.- Apprenez le Khdne ( suite ) Kham ouaDe RATANAVONG

12. Thao Sieo - Savat ( suite ) . Ramphaah KHAUTISEN

13- Une canne divinatoire lao - PHAM coNG SUU

14- Les divinit6s tut6laires du

Nouvel An lao TRINH HOAI THU

15- l,a danse lao - Mllc HANG MINH KIM

PREFACE

En acceptant de prdfacer ce num6ro, le quatriime, du Bulletindes Amis du Royaume Lao, je n,ai nullement l,id6e de pr6sentercette revue aux lecteurs, car ils la connaissent pour l,avoir suiviedepuis le premier num6ro.

Ce que je me propose, c,est d,exprimer plut6t les impressiorrsque je ressens devant l'heureuse 6volution dans Ie fond comme dans[a forme de ce bulletin, et surtout l,accueil encourageant qu,on luir6serve tant dans les milieux lao que dans les milieux €trangers.

Le Bulletin des Amis du Royaume Lao repr6sente, en effet,une grosse somme de travail de compilation et de recherches, dirig6e vers un but 6lev6: celui de faire connaitre le peuple lao i tra-vers son histoire, sa civilisation, sa culture, ses moeu(s et coutumes,sa langue et sa litt6rature, en un mot tout ce qui peut aider iconnaitre sa vraie pers<.rnnalit6 et son ame v6ritable.

Je n'ai pas I'ambition de rappeler ici les grandeurs d,un pas-s6 d6ji r6volu du Royaume Lao, mais c'est un fait qu'i partir duXVIIIE siicle les vicissitudes de l'histoire I'ont jet6 dans un effa.cement presque total. Il n'a pu se refaire sa place da4s le concertdes nations que depuis I'ind6pendance, et, c'est un travail pleine.ment mdritoire que celui entrepris par le Bulletin des Amis du Ro-yaume Lao pour ra,r'iver les t6moignages du pass6 et divulger, ens'appuyant sur des documents authentiques, les connaissances sur leRoyaume Lao et le peuple lao, afin qu'ils soient plus largementconnus el mieux compris.

Je tiens ir f6liciter cette Revue pour son heureuse initiative,et la recornmande particuliirement A tous ceux qui voudraient bienconnaitre et comprendre le peuple lao pour l'aimer sincirement dansun esprit de coop6ration d6sint6ress6e.

Phagna SAYAPHET CHAMPHONE, Leuam INSISIENMAY,Vice-Pr6sident du Conseil,

Ministre de l'Education Nationale,

des Beaux-Arts & des Sporrs-Jeunesse.

NOT]VELLES DE DERNIERE HEURE

Nous apprenons que treize nouveaux membres de I'ACADEMIE

RoYALE LAo ont 6t6 nomm6s par Ordonnance Royale No 132 du 31

Mars 1971; ce sont:

Mme Bounsou SANANIKoNE, MM. Chao Sathidn NA CHAMPASSAK'

Chamnan PRIXAGNAN, LOt KOUSOL, KhAM.OUAN RATANAVONG'

C)uan Sisouphanthong voNGKoK RATANA, Phiak CHoULAMoUNTI'

Maha Boualay SAVANG SENG oUTHAY, Maha Thongdy SIRISoUK,

Maha Chanthi cHANTHASOUTTHI, Kharnfong sOUvANNARATH, Kham'

si SIRIMANOTHAM Ct MAhA NOUAD OUTHEN SAKDA.

Au cours de Ia r6union du vendredi 14 Mai 1971 ) t heures,

au siEgle de I'Acad6mie, le Pr6sident provisoire, Mr' P'S' NGINN'au no; des anciens membres, souhaita la bienvenue et adressa des

compliments aux nouveaux membres qui tous, manifestdrent leur

boune volont6 de travailler Pour le bien du pays.

Phagna Leuam INSISIENMAY, Ministre de l'Education Na'

tionale, emp6ch6, fut repr6sent6 i la r6union par M. Khamphing

KETTAVoNG, son Chef de Cabinet'

L'aprEs-midi du m6me jours iL i5 heures, eul lieu l'6lection du

nouveau Bureau, laquelle a donn6 les r6sultats suivants:

Mr. P.S. NGINN : Pr6sident

Phagna Bong SOUVANNAVONG : Vice-Pr6sident

Phagna Tay KEOLUANGKHOT : Membre

Mr. Khruong PATHOUMXAD

Mme Boursou SANANIKONE

: Membre

: Membre.

La journ6e des premiers contacts entre les membres de I'Acad6-

mie Royale Lao s'est termin6e par un joyeux repas organis6 i 20

heures au Restaurant Tan-Dao'Vi6n, en l'honneur des membres

nouvellement nomm€s et de :eux du nouveau Bureau.

LE COMITE LITTERAIREEST DEVENU L'ACADEMIE

ROYALE LAOPar Ordonnance Royale No 72 dt B f6wier 1920, il est cr66

au Laos une Soci6t6 litt€raire er artistique appel6e " Acad6mieRoyale Lao ", qui remplace dEsormais le Comit6 Litt6raire.

Au moment oir l'on n'entendra plus parler de ce Comit6, lePr6sident nouvellement 6lu de I'Acad6mie Royale Lao est heureuxde donner i ceux de nos lecteurs qui s'y intEressent quelques ren-seignements sur ces deux Institutions,

Le Comit6 Litt6raire, cr66 par arr6t6 No 207 I PC du ?7 aott1951 du Premier Ministre, Pr6sident du Conseil, €tait au d€butcomfros6 de cinq menbres nomm6s par arr6t6 No 20g / ED du bseptembre 1951 du Ministre de l'Education Nationale : Phagna KouAbhay, Chao Phagna Luang Phouy Panya, Phagna Boog Souvrrrnovoog,M. Somchine P. Nginn et Maha Sila Viravong.

Arr6t6 No 207 PC : Article 3 . Le nombre des membres duComit6 Litt6raire est fix6 a vingt. cinq. Les autres membres seront6galement nomrn6s par le Ministre de l,Education Nationale surproposition du Comit6 Litt6raire en exercice, et dans la mesure oirdes candidatures seront pr6sent6es.

Les fonctions sont honorifiques.

Le Comit6 Litt6raire pnurra recevoir du Ministire de l'EducationNationale les moyens mat6riels et financiers n6cessaires i son activit6.

Le Bureau du Comitd sera compos6 d,un Pr6sident, d'un Vice-Pr6sident et d'un Secr6taire 6[us par les membres du Cornit6.

Article 4. Les buts de ce Comit6 sont, en particulier, les sui.vants :

I Examen des projets de manuels scolaires et ouvrages d,6du-cation populaire ;

2 . Etude se rapportant i la grammaire, i la langue et i lalittdrature laotiennes ;

3 - Adaptation d'ouvrages 6trangers;

4 . Examen et publicatioo d'ouvrages se rapportant ir la laagueet e k [tt6ratue laotiennes;

J

LE COMITE LITTERAIRE

5 - Fixation de l'orthographe laotienne;

6 Elaboration d'un dictionnaire ldLotien',

7 Attribution de prix annuels destin6s ir r6compenser une

ceuwe litt6raire en langue laotienne.

Le nombre des membres 6tant fix6 ir 25, d'autres personnalit6s

ont 6t6 admises : MM. Nhouy Abhay ( d6c6d6 le 1er / 10 / 63 ), TavKloluangkhot, Blanchard de la Brosse, Khoun Bilavarn' Kruong

Pathoumxad, Phouvong Phimmasone, Maha Phoumi Chittaphong( d€c€d6 en d6cembre 64 ), Thao K6ne, Nouthak Sitthimorada( d6c6d6 Ie 2616165 ).

Les membres du Bureau nomm6s eu 1951 6taient:Phagna Kou Abhay. . . Pr6sident

Chao Phagna Luang Phouy Panya. . Vice ' Pr6sident ;

Maha Sila Viravong. . Secr6taire.

Les membres du Bureau 6lus en 1952 et ensuite r66lus tous

les ans jusqu'en 1970 sont :

M. P. S. Nginn. .Pr6sident ;

Phagna Bong Souvannavong. .Vice - Pr6sident.

Voici Ies secr6taires qui se sont succ6d6:Maha Sila Viravong ( jusqu'en juin 1964 ),

Maha Phoumi Chittaphong t juillet'd6cembre 1964 ) etPhagna Phouvong Phimmasonne ( f965-1970l

xrx

Activit6s du Comit6 Litt6raircLe Comit6 Litt6raire a publi6 la revue litt6raire mensuelle

"Vannakhadisan" en langue laotienne. Apris Ia publication de dixnum6ros, elle a cess6 de paraire malheureusement, en raison des

difiicult6s d'impression. Le Comit6 a fix6 I'orthographe de la langue

lao, consid6r6e comme orthographe officielle. II s'est occup6 de

nombreuses autres publications telles que :'"Vaignakon" lao cgrammaire lao en quatre volumesl utilis€

dans tous les 6tablisscments scolaires du Royaume; le "Vachananou-

kom" lao ( dictionnaire purement laotien ) comprenant 10.249 mots,

le dictionnaire frangais-lao de 13.000 mots environ; le lexique

lao-frangais ( termes coulants ) est actuellement sous presse i le

LE COMITE LITTERAIRE 3

lexique lao-frangais ( termes sarants et royaux.l pr€pr6 parM. Nginn, seront bient6t termin6s. De nombreux textes sul lesmceurs et coutumes lao ( naissances, f6tes traditionnelles, c6r6moniesdiverses ) examin6s par le comit6, ont 6t6 publi6s et difrus6s. Deseuvres classiques ont 6t6 6dit6es en lao ou traduites en frangais;ce sont: Sinsay, SiEo-Savat, Sieng Mieng, Chanthakhat, Kalak6t,Linthong, Sourivong, Khoun Bourom, etc. Le Nangsu Thammasatlao ( Codes anciens ) dont l'original est en caractAres tham dcrit surfeuilles de latanier (8 volumes, provenant de la province deSavannakhet ), a 6t6 transcrit en lao et est pr6t i 6tre dactylo-graphi6. Des traductions ont 6t6 entreprises du laotien en frangaispar M. Nginn: Sinsay, chef-d'euvre de la litt6rature lao; Chanthakhat,autre euvre litt6raire lao. Une adaptation en lao de la "Mare auDiable" de George Sand a 6t6 publi6e en 1953. M. Thao K6ne enest I'auteur,

Les -terminologies regues des divers Services du Royaume,rassembl6es et examin6es par le Comit6 Litt6raire, forment unrecueil de termes administratifs, distribu6 dans tous les Ministdreset dans les provinces du Royaume. D'autres euvres litt6raires lao( Lokaniti, Nang Tantay, lnthignan son louk, etc...) ont 6t6 imprim6esavec l'aide de la Fondation Asie. Des projets de manuels scolaireset des manuscrits pr6sent6s par des particuliers ont 6t6 examin6set corrig6s par le Comit6 Litt6raire.

txl

Depuis sa cr6ation qui remonte au ?7 ao0t p51, le Comit6Litt6raire a fonctionn6 sans faiblir en assurant et diffusant deseuvres classiques, des ouvrages folkloriques, grammaire, dictionnaires,etc...sans compter les travaux pelsonDels du Pr6sident Nginn qui,par surcroit, rend volontiers service i des fonctionnaires de diff6rentsMinistires en leur offrant b6n6volement son concours pour lestraductions,

Compte tenu de l'6volution actuelle de Ia Nation, un vcruunanime ) 6t6 6mis par Ie Comit6 Litt6raire au cours de ses r6unionsen vue d'encourager davantage les efforts d6ploy6s et enregistr6s pnrl'6l6vation du Comit6 Litt6raire au rang d'Acad6mie sous le titre de"Rajbanditsapha" Lao.

C'est donc en vue de promouvoir et <ie d6fendre le caractirenatioDal des arts et des lettres que l'Acad6mie Royale Lao a 6t6cr66e par l'Ordonnance Royale du %! fivdet 7970.

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4 LE COMITE LITTERAIRE

Par Ordonnance Royale No 22L dt Z016 70, les personnalit€s dont

les noms suivent sont nomm6es membres de l'Acad6mie Royale Lao:

Chao Phagna Luang PhouY PanYa

M. Somchine P. NginnPhagna Bong SouvannavongM. Kruong PathoumxadM. Thao K6nePhagna Khoun BilavarnPhagna Phouvong PhimmasoneM. Souphan Blanchard de la Brosse

Phagna Tay Kioluangkhot.

L'6lection du Bureau de l'Acad6mie Lao; qui a eu lieu Ie 13

Juillet 1970, a donn6 le rdsultat suivant:

M. Somchine P. Nginn.Phagna Bong So,rru.rn.uong .

Phagna Tay KEoluangkhotPhagna Phouvong PhimmasoneM. Kruong Pathoumxad

L'Acaddmie Royale Lao, plac6e sous le pa.tronnage du MinistB-

re de l'&lucation Nationale, est un Organisme souverain en matia're artistique, litt€raire et linguistique. Il a la capacitd juridique et

peut recevoir des dons et legs.

L,e nombre des membres de l'Acad€mie Royale est lix6 !L ving'cinq au maximum.

Les membres de l'Acad6mie Rovale sont choisis parmi les per'so lalit6s lao Ag6es au moins de 45 ans, ayant une comp6tence

particulilre en matiare [nguistique, litt6raire et artistique.

Le titre de mcmbres de l'Acad6mie Royale est Purement ho'nori{ique.

Cette nouvelle Institution r6unira les hommes de bonnes meurs,de bon esprit, de bonne r6putation, les hommes de lettres, Ies pen'

seurs, les savants.., les encourage, facilite leurs 6tudes, dirige sur

eux un rayon de gloire pour perp6tuer les traditions ancestrAles

qui ont toujours honord les Eavaux de l'esPrit.

P.S. NGINN.

Pr€sident ;

Vice'Pr6sidentMembre ;Membre ;Membre .

COURS DE LITTERATURE LAOpar

Phouvong PHIMMASONE

Le prdsent ouvrage r6unit en un seul volume les publicationsdes cours et 6tudes de l'auteur sur les su,;ets suivants:

lo "Initiation i la Litt€rature laotienne", Cours et Conf€rencesde l'Ecole Frangaise d'Extr6me-Orient, Hanoi, 19,18-1949 ;

20 "La Litt6rature", Num6ro spEcial de France.Asie "Pr6sencedu Royaume Lao" ( Mars )L Mai 1956, Tome XII );

30 "La Litt6rature bouddhique lao", Num6ro spfcial de France.Asie "Pr€sence du bouddhisme" ( F6vrier i Juin 1959, Tome XVI ).

C'est au fond l'ancien "Cours d'Initiation i la Littdrature lao.tienne" donn6 par I'auteur i la Direction de I'Ecole Frangaise d'Ex.tr6me-Orient i Hanoi, dans le cadre des Cours et Conf6rences orga-nis6s en 19,18.1949 par ladite Ecole sous l'6gide de M. Paul LEVY,alors Directeur de cette Institution. Il comporte les m6mes divisionsque l'ancien Cours. Le contenu en est seul revis€, modifi€ et com.pl6t6 par les deux derniers articles mentionn6s ci.dessus.

Les d6buts de la litt€rature lao appartiennent i I'€pigraphie.C'est !r la Mission Pavie, i Ia fin du silcle dernier, qu'est revenul'honneur de relever un premier ensemble d'inscriptions remontantau.deli du XIIIe silcle. Mais, ) dire vrai, la litt€rature lao propre-ment dite ne commence gulre qu'au XVIe silcle, pdriode classiquequi devait s'6tendre presque jusqu'au XIXe. A l'origine cette litte-rature est surtout religieus€ et d'inspiration purement canonique.Comme il advient toujours en pnreil cas, les structures en sont dssez

rigides et sont r6gl6es par des Trait€s de grammaire et de versifi-catioB.

CHAPITRE PREMIER

LES SOURCES LITTERAIBES ET L'EPIGRAPEIE

Section premiire .' LES DOCUMENTS ECRITS

Parmi les monumeDts litt6raires du Laos, les inscriptions lapi'daires prr6sentent un int6r6t capital pour les recherches sur l'origineet la civilisation du peuple l,aotien.

COURS DE LITTERATURE LAO

En dehors des textes 6pigraphiques qui se prdsentent surtout

sous forme d'inscriptions sur pierre et ralement sur stdles et sur

socles de statue en bronze - nous poss6dons de nombreux documents

manuscrits sur feuilles de latanier et sur papier. Les manuscrits

sur feuilles de palmier que les Laotiens appellent K'ampi sont

grav6s au poingon. Chaque feuille comporte un texte de quatre

lignes sur les deux faces recto et velso. AprEs la gravure au sty'lei, on y passe une couche de noir de fum6e d6lay6 dans l'eau

qui fait r;ssortir l'€criture en noir sur fond blanc. Un tel manus-

c.it "o-prend une liasse d'un certain nombre de feuillets reli6s

"nt." "u* par une ou deux cordelettes passant -dans un ou deux

trorr" i trar"r" la liasse formant ainsi un phuk ( fascicule ). Le

titre de I'ouvrage avec indication du num6ro du fascicule est 6crit

en marge du premier feuillet. L'ouvrage entier comprenant plusieurs

de ces volumes, et enveloppti dans une piEce d'6toffe, constitue uD

IIl&t (paquet) portant une fiche de bois sur laquelle est inscrit le

titre du manuscrit. Lorsque I'ouvrage comporte plusieuts paquets,

la num6rotation des paquets et des fascicules suit le titre de I'ou-

rrage dans chaque fascicule et dans chaque paquet.

La division ci-dessus indiqu6e ne porte gdn6ralement que sur

des textes religieux pour r6pondre aux besoins des bonz'es dans

certaines c6r6monies, pr6dications, priEres et chants.

Les romans populaires en vers ne sont pas divis6s en fascicule

ni en paquet. Chaque roman aussi long soit-il (Sin Xay, Kalaket,

Lin T'ong, par exemple ) se pr6sente sous forme d'uoe pile 6paisse

d'otles feim6e en haut et en bas par deux ais de bois. Une ficelle

enfil€e par deux trous sert i maintenir cette liasse.

On trouve 6galement des manuscrits qui se prdsentent sous

forme d'une lolrgue feuille de papier de Po'sa pli6e en paravent

comme les Krang KhmEres et sous forme de cahier oblong ou

rectangulaire. Ce sont principalement des manuscrits lu du Nord Laos'

Telles sont les principales formes des anciens documents 6crits'

Les publications imprim6es malquent Ie d6but de Ia seconde p6riode

de la littirature moderne.

Aux sources 6pigraphiques et manuscrites s'ajouteni les tra'ditions orales qui se transmettent g6n6ralement de pEre en fils par

des conteurs, des trouvdres et des jongleurs sous forme de r6cits

et de chants.

COURS DE LITTERATURE LAO 7

Avant d'aborder l,6tude des euvres fondamentales de la litt6.rature laotienne, donnons.en d'abord les quelques caractires g6n6rauxconcernant notamment la langue et l,6criture. Nous aurons une id6edes diff6rents mornents de civilisation qui ont fagonn6 l,Amelaotienne au cours des si]cles.

Nous n'avons pas I 6tudier [a laogue ni l,6criture elles-m6mes.Nous donnerons simblement un apergu historique de leur 6volutiondans le temps et dans l,espace.

Section II .. LA LANGUE

- L'histoire de la langue du Muong Lao suit le cours deI'histoire politique et sociale de son peuple. A chaque p6riode del'histoire correspond un Age de cultu;e modol6e sui la cirrilisationdes peuples voisins.

Avant le XIVI siicle, nous ne poss6dons qu,un assez petitnombre de traditions et de l6gendes de l,ancien Etat laotieo, leMuong Xua (Jaya ) dont la capitale 6tait i Luang-prabang, tellesque les P'ongsavadane et le Khun Borom princ[alement: Noussavons simplement qu'i partir du VIe siicle, Ie pays 6tait occup6par des autochtones de culture m6n-khm}re. Au d6but de cetteperiode m6di6vale, les Lao formaient six priucipaut6s dans le yuanansous le nom de "NanTchao". Le laotien primitif est issu du sino.t'ai ancien. Le dialecte forme l,une des tiois branches principnlesdu T'ai commun :

1) - le shan et [e khamti i l,ouest dans les Sipsongp'aonasen Chine et dans la Haute Birmanie i

2 ) - le laotien et le siamois ;

3) . le tai du Tonkin, le Doi de la Chine et l,Ahom de l,Assam.Le vieux laotien est la forme archaique de la langue vulgaire

actuelle. La syntaxe est simple, la construction de la phrase 6tantlogique: sujet, qualificatifs et compl6ment de sujet, verbe, compl6.ment direct, compl6ment indirect avec emploi assez rare de pripo-sition. Elle pr6sente une cettaine analogie avec celle du parler popu.laire vietnamien.

Au XIIIe siecle, le roi Raroa K,amh6ng de Sukhot,ai cr6a en1288 l'6criture t'ai du M6nam et imposa l,are cullacAakr0jadbrigine birmane ( 638 aprEs .J.C. )

)

8 COURS DE LITTERATURE LAO

. Ce n'est qu'i partir du XIVe siicle que fut r6alis6e l'unit6

tuoti"rrrr". fn fiss i"raya Fa, prince de Luang'Prabang' chass6

J, ,oy"o.", ile.'6 ir la cour d'Angkor et mari6 avec. une .princesse

ki.eiu, "orrrtitua

le royaume lao en fixant la capitale i Luang'

i;;;; ;;;" autrefois. Le rovaume.lu L1'.xanq. c'est'i-dire du

iJirlor'a'erepi,""ts, 'appel6 plus tard "Lao Tchoua" sous Ie rigne

le f'y" Serr't 15?2'15771 par les Chinois, d'aprls le titre du sceau

r"-i"'." souverain par le MinistEle des Cultes et portant les ca'

ir"itr"" "Xirn'Irfin Siuan'Wei Wan - Siang" ( Tchao des 10 000

El6oh.no t, ' reconnut uue ire nouvelle de splendeur' De nombreux

;iii"". t"iiei"r* furent 6lev6s sous Ie rEgne de P'rava Fa ( Fa Ngum )

*r" U ait"i,ion du bonze Mahi Passaman iL la t6te d'une colonie

oiUoagl""" compos6e de religieux, de lettr6s. et. d'ouvriers que le

tr;;-F" avait fait venir d'Angkor et qui s'6tablirent i Luang'

i."U"-"g t"t. le milieu du XIVe siEcle : un monastare marqu6 par

," iigr-i"t pror"rr"rr, de l'arbre sacr6 de Ceylan un tb'at' un vihira

,r, t"-.pt" iVat Kio) et une empreinte du Pied sacr6 du Bouddha'

Dlutres monuments furent 6difi6s sous le rlgne de P'raya Sam

S6n T'ai fils de P'raya Fa: Vat Manorom avec un colossal Bud-

ih" d" brorrr" encore exitant en 1002, Vat Uposotha et une biblio-

,hEq; "; face de Vat Kdo oL furent plac€s tous les livres sacr6s

;;k. d Angkor. L'influence Khmire se fit sentir i partir de

"iit" epoqr. o-i, .orn-"ngu la p6riode historique du Lan-Xang'

La pdriode classique ne commenqa qu'i pardr du XVIe silcle

.or. L ibgnu de P'oih'isarat ( $m'1547 ) qui fut marqu6e d'une

part par l'ibolition du culte des esprits et celui du. brahmanisme

iont l" ,oi interdit toutes pratiques en ordonnant I'extension du

bouddhisme et d'autre part par la r6union i la couronne du lan'i"ng

""t1" de Lan'Na lue P'oth'isarat alla recevoir ir Xieng May

vers la fin de son rlgneTandis que dans le domaine de I'art, le Laotien chercha i

d'dmanciper des empreintes des pays voisins pour donaer i son

*u*" ,n style et un caractere propres, Ia litt6rature classique au

contraire "rbit I'ut totit6 de Ia litt6rature pilie Au d6but comme

le vieux laotien de l'6poque preclassique, Ia langue littdraire ne se

i.uaoii qr" par I'emploi ies mots d'origine sanscrito'palie Plus tard

la litt6rature religieuse voulut que la pens6e hindoue fit - maintenue

ielle qu'elle 6taii exprim6e par la langue d'origine ll fallait donc

qo. tu t.uar"tio" fti soumise a certaines rigles grammaticales de

flgon ir faire ressortir les rapports casuels par l'emploi des particules

COURS DE LITTERATURE LAO 9

servant a marquer les cas, les mdes et les temps. Toutefois lesmots resteot ici invariables, au singulier comme au pluriel, aumasculin comme au f6minin, L'orthographe d'abord dtymologique,fut plus tard phon6tique c,est-iL-dire que la morphologie des motscmprunt6s 6tait Ia m6me que celle de [a langue originelle mais latranscliption des initiales et des signes vo.:aliques resta seule 6ty_mologique.

La langue fut aiosi enrichie par l,appcrt des vocables d6riv6sdu $li et du sancrit. Noto:rs qu,i cette 6poque la litt6rature p)lietenait uue place importante dans Ia litt€rature classique. Elte iour-nissait au laotien, comme d,ailleurs aujourd'hui m6me, une bonnepartie de son vocabulaire. Elle continuait i jouir d,une grande faveurauprEs des auteurs laotiens qui cherchdrent dans ce riche tr6sor deI'Inde, l'inspiration et y puisirent les thBmes. Le sanscrit, dialectecanonique du brahmanisme et du mahayanisme disparu de I'Indochinedepuis le XIVe sidcle devant l,introduction du pirli, autre dialectehindou, langue canonique de I'Eglise bouddhique de Ceylan (Hina-yana),.ne fut employ6 en litt6rature laotienne que sous forme demots emprunt6s dont l,origine fut confirmde par l,orthographe.

La langue classique fut le reflet de la litt6rature canoniquepali et laotienne. La prose comme [a poesie fut r6gl6e par destrait6s de grammaire, de lexicographie et de m6trique.

La p6riode classique s'6tendant jusqu'au XIXe siicle, 6tait enpleine splendeur au XVIe siicle de L547 b, liTL sous Ie rEgne deSetthath'irat ( P'ra Jaya Jettha ) le v6ritable bitisseur de la villefortifi6e de Vientiane. Apris son intronisation ) Xieng-May ce roitranspolta Ia capitale de son royaume dans cette nouvelle citadellequi devint Ie centre politique du Muong-Lao. Il construisit un grand6difice pyramidale i Th'at Luang i deux kilomdtres de la porte del'Est de la citadelle et un grand nombre de temples a I'intdrieurdes murailles dont [e chef d'oeuvre architectural 6tait Ie .Ho p'ra KEoqui abritait la statue d,Emeraude apport6e de Xieng May. La p6rio-de classique 6tait a son apogde au XVIIe sous le rEgne de SuryaVamga ( 1637,1649 ). D'aprls le voyageur hollandais Van Wusthoffqui avait visit6 Vientiane en 1641, le Lan.Xang 6tait a cette 6po-que un grand centre de rayonnement intellectuel et une vEritableterre sainte du bouddhisme, poss6dant des sanctuaires les plus v6-ndr6s oir les pr6tres du Siam et du Cambodge " venaient ;nsser dixou douze ans pour y faire leurs €tudes et recevoir leurs grades,,.

)

10 COURS DE LITTERATURE LAO

Il est i noter i ce proPos que' d'aprEs une inscription de

Vat Vixun ( Luang Prabang I de 1836, i cette date le Mahathera

Kancana Arannauu.i d" Moong Pr6 ( Siam ) 6tait venu jusqu'i

Luang-Prabang pout y recevoir une copie du Tripitaka en -caracteres

th'ani ex€cut6e aux frais du Roi, du Ras'avong et des fideles de

Muoug P'r6. Cette collection comprenant 242 ouvrages soit au total

2.825 -volumes

sur feuilles de latanier formait Ia bibliothEque boud-

dhique de Muong P'r6 ) cette date.

A partir du XIXe silcle, depuis la chute de Chao Anu, dernier

roi de Vientiane en L$n, date ir laquelle l'arm6e siamoise de P'raya

Bodin Desa envahit Vientiane, Ia litt6rature Laotienne ne laissa de

vestiges qu'A Luang Prabang oir elle brilla de son dernier 6clat'

La liit6raiure modeine fit son apparition en r6action conte les rdgles

rigides et l'absence de personnalit6 du classicisme bouddhique pour

revenir vers le lyrisme de Ia litt6rature ancienne'

Section III .' L,ECRITURE

L. Finot dans ses "Recherches sur Ia litt6rature laotienne" ( 1)

nous fait savoir la diversit6 et l'dvolution du systime graphique

employ6 au Laos.

AprEs avoir montr6 les affinit6s et les dissemblances que pr6-

sentent les 6critures des divers groupes T'ai 6chelonn€s depuis leYunnan jusqu'au frontidres du Vi6t-Nam et au Nord du golle de

Siam, l'auteur a conclu que les 6critures du Laos peuvent se rame-

ner i deux types: l'Ecriture de Sukhot'ai d'une part, et l'icritureShane ou lfi des Sipsong-p'anDa de l'autre.

On admet g6n6ralement que l'inscription t'ai cr66e par le roi

Rama K'amh6ng de Sukhot'ai en 1283 est le premier mooument

existant de l'6criture t'ai au Siam et au Laos. Cette opinion se fonde

sur un passage d'une stile 6rig6e par ce souverain &ns sa capitale

vers 1296.

En analysant les systEmes de l'aphabet t'ai du Tonkin, on cons-

tate que chacun d'eux 6numEre les signes dans un ordre diff6rent

et dont aucun n'est fix6 par la tradition. C'est cette incohdrence de

l'alphabet m6me qui marque le premier - essai de l'adaptation de

l'6ciiture indienne i une langue tonique. "Rien ne s'oppose i ce que'

cet essai, si maladroit et si empirique qu'il fdt, ait r6ussi ir 6tablir

une correspondance approximative entre les consonnes et les tons'

(l) BEFEO, XVII, farc. V,

COURS DE LITTERATURE LAO

et i ddterminer les deux grandes s6ries des lettres hautes et deslettres basses qui forment la base du systime graphique t'ai " etqui correspondent les premiEres, aux occlusives sourdes et les secon-des, aux occlusives sonores de l'alphabet indien.

Il est permis alors de croire que, malgr6 leur particularisme, les6critures t'ai du Tonkin: alphabet de Hung-hoa d'influence laotienne,celui de Laichdu portant les vestiges d'un contact avec la Birmanieet auxquelles se rattachent les alphabets des phu-t,ai de Ngh6.Anvenus de Cao-bang: alphabet de "Liep.nam" (des rives du Fleuve)des t'ai de la vall6e du S6ng-Ca et celui de Qui-chAu p!€sententles diffdrents aspects de repr6sentation graphique des phonlmesconsonantiques et vocaliques du t'ai commun primitif par I'emploid'un graphisme d6rivant du systame indien. L'alphabet de Sukhot'aiserait le plus perfectionn6 de tous ces systdmes d'adaptation par lapr6sence de lettres compl6mentaires et par l'introduction de deuxsignes de notation des tons. L'Ecriture laotienne moderne et I'6cri-ture siamoise ddrivent de ce systEme.

D'oi provient cette 6criture hindoue qui inspire les alphabetst'ai? Nous savons que vers [e VIe siEcle, on usait au P€gou d'unedcriture de l'Inde du Sud que les Laotiens appellent akson khom( alphabet des Mons ou des P6gouans ) semblables aux anciens ca-racGres khmers. C'6tait l'6criture du canon brahmanique et boud.dhique en usage dans presque toute la p6ninsule indochinoise.

Les T'ai qui, i l'origine, n'avaient pns d'6criture, se servaient dece systdme dans les centres religieux et l'emportErent avec eux dansleurs migrations. Ils descendirent de leur habitat primitif du Yunnanpour se r6trnndre i une 6poque ancienne dans les pays voisins, auTonkin, au Laos et surtout en Birmanie. Les Shans progressdrentvers l'Assam qu'ils conquirent au XIIIe siecle. IIs fonditent ). lam6me 6;nque Ie royaume de Sukhot'ai au Siam. Les Laotiens,depuis leur venue de Muongth6ng ( Di6n-Bi6n.Phu ) i Luang Prabanggarddrent la forme ancienne de cette 6criture dite "shane" ou "10,'que les laotiens appelleraient plus tard au XIXe siicle, caractaresth'am ( dhamma, doctrine bouddhique ) en r6servant, en effet, uni.quement leur emploi aux textes religieux aprls la cr6ation de I'€cri.ture dite " laotienne ". Cette nouvelle 6criture fut employ6e en6pigraphie en 1838: stEle de Vat Th'at Si i Luang Prabang( l).Elle d6rive du systtme de Sutkhot'ai d'une part et de celui desShans c'est-)-dire de la forme primitive de I'6critnre th'am de

(t) Pavic, iasc. No XI.

11

12 COURS DE LITTERATURE LAO

l'autre. Le nouveau systdme fut peu employ6 aussi bien en 6pigra'phie que dans les manuscrits anciens. Son emploi est localis6 dans

le champ encore restreint de la litt€rature moderne'

Aprbs avoir ainsi pass6 en revue les traits g6n6raux qui carac'

t6riseni la diversit€, la richesse des sources de la litt6rature laotienne

de culture essentiellement indienne, - ce qui nous permettra de {aire

un classement logique des plincipaux ouvrages d'aprds leur chrono-

logie et leur genre,- nous les examinerons successivement dans l'ordre

"rrirurrt "r, nous contentant d'en 6num6rer d'autres: oeuvres 6pigra'

phiques, lyriques et 6piques, po6tiques et dramatiques, historiques

et l6gendaires, didactiques et morales.

Section IV .. L,EPIGRAPHIE

L'6criture lapidaire apparait au XIIIe sidcle : stele de Rama

K'am-h6ng (1296). Nous venons de voir qu'avant cette date l'Ecriture

shane primitive serait en usage dans le pays comme le t6moignent

les copies de manuscrits faites par les scribes quoique cette graphie

employ6e par les lapicides dis Ie XVIe sidcle i Vientiane: inscrip'

tions de Dan sai (1560) et de Th'at Luang (1566) ne ftrt r6pandue

dans les principaut6s laotiennes qu'i partir du XIXe siecle: cette

forrne d'6criture th'am est r6serv6e surtout aux inscriptions et aux

manuscrits religieux du Laos, alors que l'6criture laotienne propre'

ment dite est affect6e i tout Ie reste: litt6rature pc€tique et roma-

nesque, codes, piEces administratives, correspondances' etc.

L'6criture de Sukhot'ai est employ6e aussi fr6quemment que

les caractires th'gm dans plusieurs inscriptions.

La plupart des stales portent en haut du texte 6crit, un cercle

astronomique (jlta d'une londation religieuse ) divis6 en 12 com-

partiments oi sont rang6s les chiffres de 1 i 9 indiquant la posi-

iion des 9 plandtes (graha) dans Ies 12 signes du zodiaque (ragi)

c'est ce jita fournissant des doon6es astronomiques qui diterminela date d'un monument. D'autres 6l6ments chronologiques employ6s

sont emprunt6s aux calendriers indien et indochinois: les lres Cul-lasakrat ( 21 Mars 638 A.D. ), Mahasakrat ( 15 Mars 78 A.D. )

et P'utth'asakrat ( 544 av. J.C. ); les annries cycliques du svstime

indochinois compreuaot u'' cycle duod6naire et un cycle denaire

avec une telminologie propre doublant celle des Khrners; les mois

exprim6s par leur num6ro 6tant aussi cit6s sous leur nom iudien;les jours 6tant d6sign6s par leur num6ro ou par le nom indien pouvant

COURS DE LITTERATURE LAO

constituer un cycle de 60 jours dont les termes sont lorm6s de lam6me maniEre que pour la ddsignation des ann6es cycliques de lasdde de 60 ans; les heures 6tant aussi exprim6es par le chiffre desnat'i ( nadi ) et des Mt ( FAda : 1/4 nidi ou 6 minutes ) 6coul6esdepuis l'aurore (rung) ou la matin6e [ngai lalors que la m€thodecommune chez les T'ai consiste ) diviser le jour en 6 p6riodes (yam)ainsi que la nuit.

"La Mission Pavie a fait une premiEre 6tude d'ensemble surle domaine 6pigraphique t'ai. A. Pavie estampa i Bangkok, XiengRai, Xieng May, Lampun, Luang-Prabang 31 inscriptions d'6poquestrEs diverses et d'int6r6t trds in6gal que Ie P. Schmitt se chargeade d6chiffrer et de traduire. L'ouvrage intitul6 " Arch6ologie etHistoire " de cette mission constitue le premier corpus des inscrip.tions laotiennes que comptatent les " Notes d'Epigraphie " de L.Finot. ( I ).

Au XIIIe siEcle, depuis l'apparition des T'ai dans le M6nam,les inscriptions sanscrites n'6taient plus en usage en Indochine. Lesvestiges de la langue sanscrite prdc6dant le pali ne se r6vilent quedans I'orthographe sanscrite des mots emprunt6s employ6s dans lesinscriptions t'ai. D'aprEs une inscription khmlre de Sukhot'ai ( 1283 ),les textes palis apport6s de Ceylan furent intloduits dans leRoyaume de Sukhot'ai en 1283. Dis lors, les manuscrits pilisremplacirent les textes sanscrits dans toutes les pagodes, [a languepiLlie €tant devenue le v6hicule de la pcns6e bouddhique.

Le style dpigraphique est simple mais concis. La syntaxe n'arien de classique en dehors de rares inscriptions plLlies. L'influencehindoue ne se traduit que par l'emprunt du vocabulaire sanscrito-peli.

Les textes lapidaires pr6sentent un int€r6t plut6t arch6ologique,philologique et historique que litt6raire. Ils nous font connaitrel'6tat politique et social i une certaine 6poque de I'histoire desprincipaut6s laotiennes sous telles ou telles dynasties. IIs donnentdes faits religieux et historiques qui sont souvent confirm6s par lesannales. et par l'histoire des pays voisins ou pr les r6cits decertains voyageurs pa.rticulilrement ceux des historiens chinois.D'autres sont relatifs i l'6rection des monuments ,religieux : temples(vih)rra) et reliquaires bouddhiques (cetiya ou stupa) en faisantaussi mention dqs esclaves et d'autres objets dioffrandes consacr6s iI'entretien et au service des 6difices affect6s au culte notammentdes statues du Maitre.

(r) BEFEO, XV lagc. II, P. 27-38.

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

14 COURS DE LITTERATURE LAO

l,a litt6rature dpigraphique t'ai n'est pas aussi riche que l'6pi-graphie khmlre. Elle constitue cePendant une des principales

souices historiques du pays lao. Nous d6passerons les limites de lalitt6rature pour entret dans le domaine de I'histoire, si nous nous

attardions a dtudier toutes les inscriptions laotiennes. Pour nous donner

une id6e de la valeur de Ia litt6rature sur pierre, examinors rapi-dement quelques-unes de ces insctiptions telles que celles de Vat"Th'at et de Vat Vixun i Luang-Prabang et de Dansai (1).

Inscription de Vat-Th'atILuang'Prabang )

La stile orn6e d'un zodiaque et comportant sept lignes

d'Ecriture laotienne d6rivant du type de Sukhot'ai fut 6rig6e il'occasion d'un d€p6t de reliques {ait par P'ra Raja Ayadi Deva

la Grand'mdre Paternelle du roi Setthath'irat probablement' D'oi le

nom du temple, Vat Th'at ( pagode de la relique ). Date: 1348 A.D.TEXTE. (Traduction ).- "En Cullasakrat 910, ann6e cyclique

Iroek san (45e ann6e du Singe ), le septiEme mois, le onzilme jour

de la lune croissante, le vendredi jour ruay yi (38 jour du tigrel,i l'aurore heure p'at lan (6 h. du matin ), sous les auspices

de Ia mansion lunaire rksa hasta ( la main ) Son Altesse Royale

Rija Ayakalvlaha Deva ( la Grand'Mire paternelle du Seigneur le

Roil a d6di6 le Mahldhitu ( Grand th')rt ou grand cetiya ) et luia donn6 en versant de l'eau, des esclaves pour le service de l'arima(monastdre ) ainsi que des prestataires prour fournitures diverses isavoir: Ban k'6m, redevance en riz de 2O0 koengs; Ban K'ang,un SOn de riz dicortiqu6 Ccent mille mesures) Ban Con, 20 Koengede paddy ; Ban Mai, 5 mats ( paquets ) de noix d'arec ; Ban Cim'3 paquets de noix d'arec; Ban Xuak, 4 Paquets .de noix d'arec.Toutes les riziEres de P'u-ku-nua doivent 6tre les riziEres du

Ptra cao ( Bouddha) pour nourrir les serviteurs de ce dernier.

Que les T'ao et les Khun ( les princes et leurs conseillers ) quiviendront plus tard ne les d6saffectent de ce service"...

L'inscription mentionne les dons en rizidres ei en esclaves faitsi la pagode pour l'entretien du stupn abritant les reliques et pour

le service du temple. Aujourd'hui cet usage de faire des dons )perp6tuit€ aux vats est abandonn6. Le bonze fait des qu6tes quoti'diennes pour pourvoir i son entretien. Eo ce qui concerne les

Koengs, Mits et autres mesures il est impossible actuellement d'endonner une 6valuation pr6cise.

(1) Pavic, " Arch6ologic .t Hi.toire ",, iasc. No XV, XII et L. Fittot," Notq d'Epigraphie", BEFEO, Xv, ,arc. II, D9. 27'35,

COURS DE LITTERATURE LAO 15

Inscription de Dan SaiLe Muong de Dan-Sai se trouve sur le Nam Hung au Sud de

la boucle que fait le M€kong en aval de Paklay pour se dirigerdroit d l'Est sur Vientiane. La stdle de Dansai a pour objet lad6limitation des frontiEres entre les rois de Viengchan et d,Ayudhyaen 1560. Les deux faces de la stdle sont r6dig6es en t,ai et les deuxtextes ne pr6sentent que des differences insignifiantes. Le texte encaracteres t'ham est le texte laotien et celui en caractdres Khmersest le texte siamois. Il semble donc qu'au XVId sidcle, le royaumed'Ayudhya employait l'6criture khmdre, non seulement dans les ma-nuscrits religieux, mais encore dans les documents politiques, quoiquecet usage f0t assez restreint.

TEXTE. - ( Traduction ). " Bonheur ! Abondance de bien-6tre ! ,,

"En L482 gaka, ann6e du singe, le jour de la pleine lune d,Asadha,dimanche;2103 apris le Nirvana du Buddha, ily avait deux rois:S. M. Dharmakaraja qui r6gnait dans le Muong de Candapuri qriSatalaganahuta mahanagararatana et S. M, Parama Nahacakkavart-tigvara vara ra jadhiraja qui 6tait roi de gri Ayodhya mahatilakabhavanagara ratana. Ces deux rois, ayant en vue l'avantage de tousles 6tres et Ie succes de la religion du Buddha songdrent avec bont6i assurer la prosp6rit6 de leurs pays, i commencer par Ia richesse.

"Ils envoylrent des mandarins loyaux aux deux Uparat trnurleur dire de donner de l'eau d'une rivilre propice i I'amiti6, i lavertu, au bien supr6me.

"Les deux rois envoydrent ensuite inviter des moines vertueux,) savoir: du c6t6 de Candanapura, Mahi Upile, Cri Ariyakassapa,Maha Dharmasenipati, Buddhavilisa mahathera, Silavisuddha mahi.thera, Viriyadhikamuni avec 10 moines i la suite; du c6t6 d,Ayo-dhya, P'rak'ru Paramacarya iryamuni Silavisuddha uttamasatyasasana,le plus 6minent, P'ra k'ru Sumedharacivinna, Maha Saddhammatulya,Maha Brahmasara, Maha Rajamuni avec 10 moines i la suite.

"Les grands mandarins du c6t6 de Cri Satanaganahuta 6taientPhan Sirmriddhi maiui. Ceux du cdt6 de Cri Ayodhya 6taient... PhanVinala satyadhakta. Ils mirent l'eau rituelle dans les aiguiires decristal des deux rois et la m6ldrent de faqon ) n'en faire qu'une seule.Ils mirent I'eau de Hongsa dans les aiguiEres d'or des deux rois etla mdldrent de faqon i n'en faire qu'une seule. Ils mirent l,eau dansles aiguiEres d'or touge des deux Upardt et la m6llrent. Ils mirentde I'eau des aiguidres de cristal et de l'eau contenue dans les aiguidres

16 COURS DE LITTERATURE LAO

d'argent des deux grands mandarins et la m6lirent' Ensuite ils pro'

noncirent la formule de voeu et de promesse: "Ainsi le roi de Sa-

tanaganahuta et le roi d'Ayodhya ont r6solu dans leur coeur et

"onr.rr,, "u"" leurs mandarins de contracter amiti€ selon la coutume

antique, afin d'unir leurs deux races, Ie Suryavamg et I'Abhayavan'

9., "fin d" procurer le plus haut degr6 de bonheur, bien'6tre et

utilit6 des sztulanas, brahmanes, acaryas et i tous leurs sujets" 'jusqu'iL la fin du kalpa. Ceux qui occupeDt les hauts emplois et qui

Lnt- "1rtorit6

sur Ia terre ne doivent pas y mettre obstacle " ""Ensuite les religieux et les mandarins verslrent l'eau du

serment sur la terre. Les deux sangha furent heureux et contents,

pleins d'amiti6 pour les t'ao et il n'y eut plus aucun obstacle " "La fin du texte de l'inscription est relative i I'6rection de

"bornes de jonction".

InscriPtion de Vat Yixun( Luang Prabang )

La stile inscrite en caractdres th'am du type de la Birmanie

et dat6e de 1836 mentionne le rayonnement du centre bouddhique

de Luang Prabang sur le Laos occidental siamois: cr6ation ) Muong

P'r6 d'une bibliothlque bouddhique compos6e de 2825 manuscrits

sur feuilles de latanier copi6s i Luang Prabang. L'6criture, identique

i celle des Yuans de Xieng Mai et i celle de I'inscription du Th'at

Luang de Vieng'Can, comporte des signes de notation des tons Le

texte contient quelques phrases bAties suivant les rigles syntaxiques

de la p6riode classique.

TEXTE.- ( Traduction).- "En cullasakrat 1198, ann6e cvclique

ruav san (33e ann6e du singe) i la pleine lune du 4e mois, mardi

t'"i, lou, cyctique kla k'ay t 60. iour du porc ), on a'd6di6 des livres

sac.6s d"rr" cette pagode royale de Vihara Vijura Le dharma 6crit

sert de flamb€au ) la religion du Bouddha pendaot cinq mille ans

et sera pour nous 6ternellement le gage du Nirvana'

"En cullasakrat 1198, ann6e cvclique rU&! San Ie v6n€rable

P'ra Mahathera du nom de Kancana Aranna vasi de Ia ville de P'rE,

accompagn6 de ses disciples, partit du Muong P'r6 des Yuan, ville

situ6e ), l'ouest, et arriva ici ir la ville de Luang Prabang du Royaume

de Lan-Xang oir il apporta notamment des m6rites au roi de Luang

Prabang du nom de Mangth'a. Il constitua un comit6 pr6sid6 par

le Raslav6ng ( Rajavamqa ) de Luang P'rabang pour 6laborer des

COURS DE LITTERATURE LAO

livres sacr6s du Trai Pitaka en caractares th'am, flambeau de lareligion du Buddha pendant cinq mille ans. La consEcration eut lieui la pleine lune du ,le mois mardi t'ai, jour cyclique kla k,ay etla c6r6monie fut termin6e le jour m6me.

"On 6num6ra tous les manuscrits et l'on obtint le chiffre de242 muta comprenant ZJ25 phuks. Le paiement du prix du dessinet de l'6criture fut r6parti ainsi qu'il suit: le roi Sdmdec P,ra PenCao du Muong de Luang-Prabang 85 tang; le prince Cao Ras,avongy con:pris les frais de pr6paration des feuilles de palmier 18202bats plus 7 kas et Z dlngs: Ie produit des souscriptions desd6vots de Muong P'r6 I xang, l0 tamlungs et t0 xalungs.La dorure des volumes fut 6valu6c i f2000 d6ngs. [.e roi avaitfait confectionner 34 mats, le prince Ras'avong 177 et les fiddlesde Muong P'r6 31 ouvrages.

"Aprds la d6dicace, le P'ra Mahathera emporta ce jour-li m6metous les livres sacr6s qu'on venait de finir au nombre d,e 242 otvra-ges et alla les d6poser ) la ville de Muong P'r6 des Yuans situ6ei l'ouest pour y servir de flambeau i la religion du Buddha"

CHAPITRE II

LA POESIE ET LE CEANT, LE ROMANET LE TEEATRE

Section premiire : LA POESIE . LES EXORCISMES

La po6sie, en particulier, traduit trds fidilement les diff6rentes6tapes de l'6volution du peuple lao. Il va de soi que c'est elle quia pr6c6d€ la prose, comme Ia musique, dit.on, pr6c6da la po6sie.

Avant l'introduction du Brahmanisme et du Bouddhisme enIndochine, les peuples indochinois €taient sous l'empire de l'animisme,culte des esprits comprenant celui rendu aux anc6tres et celui des{orces de la nature, La croyance aux puissances divines tenait uneplace importante en th6ogonie chez les peuples primitifs. La vie hu.rnaine est r6gl€e par des lorces surnaturelles qui agissent sur la des-tin6e de l'homme. Un individu est capable de courir une bonne oumauvaise aventure, d'6tre recompens6 ou chAti6 prour avoir accompliune bonne ou mauvaise action vis-i-vis des g6nies. L'homme restefaible devant la nature. Comment faut-il faire, pour 6viter d'en 6trela victime, pour interpr6ter les songes, pour gu6rir les maladies,

77

r8 COURS DE LITTERATURE LAO

pour chasser les esprits m6chants qui amEnent les €pid6mies, pour

Lxpulset un esprit qui est entr6 dans le corps d'une personne et

qui la rend malade ? Il faut recourir aux mo ( docteur ) seuls qualifi€s

pour 6tre les interprltes entre les esprits et le monde des hommes'

Ls docteurs se livrent aux pratiques de Ieurs sciences: magie, sor'

cellerie, invocation, incantation magiques. Citons les mo yao ( pytbo-

nisses m6decins), mo xong (voyants ), nang t'iem (m6diums iincarnation ou doubles f6minins des g6nies qui inspirent les dan'

aes des BI d6ng en pays vietnamien ), mo du ( devins ), mo mon( sorciers ou g6omanciens ) et mo hon ( astrologues ).

D'oir le succis des exorciseurs. Alors, - comme de nos jours

d'ailleurs encore - on recourait aux m6diums qui, seuls, pourraient

servir de liens entre les esprits et les hommes.

Voici la traduction d'ure incantation magique de cette 6poque,

otr on remarquera que la syllabe Om se trouve fr6quemment repro'

duite:" Om, 6 herbe blanche !

J'emploie le talisman de l'Ange blaoc.

Om I Sathath6ti !

Om ! J'invoque la puissance de Pha In,

J'invoque la puissance de Pha-Prom,

J'invoque la puissance des g6nies infernaux !

On ! Maha saming !

J'invoque le Grand G6nie des 6tre anim6s. . . "Les premiers monuments de la litt6rature lao sont donc cons-

titu6s par les chants et les inv@atioos des gu6risseurs' qui sont ila fois d'authentiques incantatious et de v6ritables polmes €piques

oir dominent le merveilleux et le surnaturel. Citons, pour en donner

une id6e, l'Invocation pour le Serment:

Lllvrnltes

Qui peuplent tous les arbres,

Toutes les montagnes et toutes les grottes,

Toutes les riviires,Indra, Yama,Lokapala, les quatre Gardiens du Monde,

Anges et Archanges,Nous vous prions

De venir comoe t6noinsA$ister !r notre d6claration."

COURS DE LITTERATURE LAO 19

Les chants 6piques des gu6risseurs sont du domaine purementreligieux. Ils se transmettent g6n6ralement de FEre en fils et parenseignemeDt individuel. Ils constituent l,une des sources d'inspirationdes mo lam ( docteurs en chanson ) qui y ont puis6 les fictionspour illustrer leurs thBmes lyriques d'6tres fabuleux et l6geudaires.La po6sie lyrique pr6c6d6e par l'6popee apparait sous forme de po.imes que chanlent les mO lam i peu prEs comme les trouvdres,Ies troubadours, les gitanes ou les jongleurs de la France M6di6vate.

A partir du XVIe siEcle, I'ancienne source de la vieille Indo-chine fit place au riche tr6sor de l'Inde. Fortement impr6gn6 debouddhisme, le Laotien de l'6poque classique avait recueilli les sujetsde sa podsie dans la littdrature hindoue. Les vers classiques suiventla m6trique de la prosodie indienne. Aux vers polymorphes, assonan-c6s et rythm6s de l'ancienne 6pop€e, succEdent des vers rim6s, group6sen strophes et scand6s par une c6sure divisant g6n6ralement le versen deux h€mistiches. Une stance est en principe un quatrain ouune distique. Le mltre est 16916 par Ie nombre des syllabes et laquantit6. Mais la poEsie vraiment classique ne comprend que destextes ( assez rares d'ailleurs) tladuits des poEmes hindous. D'autrespodmes soumis i certaines rdgles de versification de la m6me€poque, sont loin de se soumettre i la rigueur des traitds de Iaprosodie indienne. IIs ne se rapprochent de celle-ci que par certainsaspects: compte des syllabes, c6sure, rime, stance. Le folklore estpeupl6 de mythes du panth6on hindou.

Les chants de pr6dication des bonzes rassembl6s dds avant leXIVe silcle se d6veloppent d'une fagon active au cours du XVIesidcle. Ils inspirent un grand nombre de r6cits ou romans populairesen vers et en prose dont le d6veloppement semble particuuerementremarquable au d6but du XIXe sidcle.

On peut rattacher i la po6sie classique d'autres formes depolmes d'inspiration bouddhique : didactiques, satiriques et fabliaux.

Section II: LE CHANT

Les remarques que nous venons de faire au sujet de la po6sies'appliquent 6galement au chant en ce qui concerne l'6volution dela forme, les conditions de son d6veloppement et la source inspira.trice de la matiere avec laquelle il est bAti.

Eo dehors des cantiques religieux dont nous venons de parlerles chansons les plus connues au Laos qui nous inuoduisent dans le

N COURS DE LITTERATURE LAO

secret de I'Ame laotienne et nous font connaitre son caractBre ce

sont surtout les chansons populaires.Leur valeur tient autant en effet e leur caractere populaire

qu'i leur valeur propre. Mais le Laotien a d'abord souci de chanter

la beaut€ et le charme de la nature, et rien ne met mieux en lumi'ire ce tendre penchant que [a description suivante tir6e du r6citdu voyage de Khoun Thai connu sous le nom de Chant de S6taphon:

"De li, Khoun Thai p6n6tra dans la for6t,D6passa la frontiire du pays et alla de l'avant.Le parcours sur la route dura un mois.

La troupe se d6pla9,Traversa monts et for6ts,Longea Ie chemin au milieu de la verdure sans villages

Et c6toya plusieurs montagnes couronn6es de v6g6tation.

Le trajet s'allongeant tous les jours,

Nos pelerins ext6nu€s de fatigueSe hAttrent, alors que Ia route se faisa.it chaque jour plus longue.

Ni fruits de jaquiers, ni mangues, ni citrons

Ne manquaient en ces endroits, qui en 6taient abondammentpourvus'

R6pandant leurs pa.rfums au souffle du vent.

Des fleurs embaumaient la for6t.Des fruits de la grosseur d'un grand grenier

Avaient des pulpes aussi grosses que des corbeilles.

AprEs qu'ils eurent d6pass6 cet endroit, ils p€n€tr€rent dansle Himaphane.

D'innombrables oiseaux chantirent, perch6s sur les branchesdes banians.

On apergut des arbres, et des paons et des h6rons

L'un derriEre l'autre en marche.

Partout des fleurs, en huton et 6panouies,

Vibrantes d'odeurs.Un vol des gu6pes se fit entendre,A la recherche des d€lices du pollen,Elles 6vitaient les boutons de fleurs."

Le Laotien chante l'attrait de sa bien'aim6e et tout ce qu'ilaime. Il chante quand il p6nEtre dans la for6t pour y couper le bois,

cueillir des flews, y chercher des champignons, des tubercules, des

pousses de bambou et d'autres l6gumes. Et il en donne ainsi son

impression:

COURS DE LITTERATURE LAO

"En pasmnt dans la for6t,J'ai remarqu6 beaucoup d'oiseauxQui chantaient au milieu des bois.Pos6s deux i deux sur les branchesIIs gazouillaient et ils causaient-Les uns allaient de fleur en fleurRespirant leur doux parfum.Les autres voltigeaient isol6sEt se plaignaient d'6tre tout seuls ...

Autour de moi que de parfums,Exhalent ces milliers de fleurs"

( Leflvre Pontalis )

Parmi les thEmes po6tiques les plus usuels, il va sans dire quel'amour occupe une place privil6gi6e. On ne recule pas devant l'imagequi pourrait parfois paraitre os6e i un esprit occidental. Telle cetted6claration, emprunt6e au Chant de Mahaxay:

"O banian aux feuilles 6paisses au milieu du champ,

Un oiseau veut se mettre ) votre ombre.

Que direz-vous ?

Parce qu'il est un sansonDet, refuserez-vous de lui donner asileDe crainte qu'il ne mange vos fruits?L'6charpe ne convient pas i la jupe ni Ie l6gume i la sauce.

Cuit, ce l6gume, vous ne le toucheriez pas de vos doigts.Mon corps est semblable,II vous r6pugnera d6sesp6r6ment."

Le Laotien chante 6galement quand il va i la p6che, quandil va dans son ray pour faire la cueillette des feuilles de m0rier,quand il moissonne le riz (1). Les occasions n'en manquent pas. Etla jeune fille de la campagne chante aussi bien que le jeune homme.

(l) Ainsi que l'6crit Solanae Beroard-Thierry, "le Laotieo chaate quand ilp6oltre daos la Ior6t pour y couper du bois ou y cueillir des fleurr, il chaatc

quand il mine son bullle i la riziire, il chante sur le scuil de sa !'aillo!e, Is

nuit tomb6e. M6lancolie et lanSueur, puret6 de coeur, insouciaace, tristesse"Karmique" t€int6e de passivit6, amour des paysages faoiliers, seus aigu de

l'6loignement, de I'exil, tels sont les thEmes habituels d'un lyrisme sans artificc,

du moins sans artifice de fond, car la lorme po€tique accumule i plaisir les

allit6Etions et les assooances, voire les jeux et cliquelb de mots."

("b Iirt6rature laotienoe". io Encyclop6die de la Pl6iadc, "Histoire d.!itt6ratures", I, Paris. Gallimatd, 1955.)

2l

22 COURS DE LITTERATURE LAO

Phu-bao (gargons ) et Phu-sao (filles) s'entr'aident assez souvent

dans les occupations champ6tres : p6che, chasse, repiquage et recolte

de riz. L'entr'aide entre diff6rents Sroupes de famille du voisinage

qu'on nomme van s'effectue par roulement. Et chaque van est

une occasion de f6te, de festins, de r6union et de contact entrejeunes gens des deux sexes. On s'amuse, on se r€jouit en tra-vaillant. Voici ce que dit une chanson ) ce propos:

"Je voudrais dem.urer sous ton toit,Du matin au soir 6tre avec toi,Dans les champs t'aider au travailCreuser Ia terre, arracher I'herbe,A Ia brousse allumer Ie feu,Abattre Ie bois que, vers la fin du jourEnsemble nous nous porterons".

C Lefivre Pontalis l

La nuit tombante, les Phu-bao parcourent le village aux sons

du k'6n sous I'ombre des palmiers i sucre ct des cocotiers itravers des rues 6clair6es par Ia lune tout le long des palissades

entourant des jardins renplis d'oranges, de pommes cannelles etbananes qu'embaume I'air parfum6 de fleurs d'ar6quier, de jasmirr

et de frangipanier. Sous le ciel 6toi16, on entend la plainte de

l'orgue qui accompagne Ia voix modul6e du chanteur qui passe. Lecadre est po6tique pour la r6union des couples amoureux sous Iapaillote de la verandha d la lueur d'un kabong ( torche l. Un hommeaccroupi devant unc jeune fiile assise prds d'un kabong s'adossantcontre une cloison eo bambou iui chantc des propos amoureux engesticulant aux sons m6lodieux d'un k'Qn. La jeune fille lui r6pondsous forme de phafi-a, senteoces en vers.

Une grande r6union de ce genre dite de cour d'amour groupantphu-bao et phu-sao, a lieu ) I'occasion des f6tes de famille etde village, de d6cds et d'autres c6r6monies religieuses et populaires.Le caractEre dc ces rencontres varie quelque peu d'une r6gion ir

l'autre du Nord au Sud du l-aos, mais le fond en est le m6me.

Le r6pertoire des chants du k'6n les plus r€pandus comprend lesairs de Vieng'Can, de Luang-Prabang, de Campasak, de Mahaxay,de Savannakhet, Khap Ngum (chant des piroguiers de )a Nam-Ngum),Long-Khong ( au fil de I'eau), Lam-Ti-Phoeng (chant de cueillettede la cire ).

COURS DE L]TTERATURE LAO 23

Les sujets des chansons d,amour sont tris vari6s. Avant lad6claration, Ie jeuoe homme fait allusion a sa situation p.. .uppor,ir celle de la jeune fille dans le chant d,introduction:

"Je suis Ie chok, qui sur l,6tang,Flotte a la surface de I'eau.Ses racines ne touchent pas le fond.Au ciel est suspendue la lune.Comment vais-je la toucher ?

Pour m,envoler, je n,ai pas d,ailes.Jamais je n'atteindrai la lune,,.

( Lefdvre-Pontalisl

La pudeur des jeunes filles est mise en relief 5nr le contraste decelles-ci avec les femmes marj6es ayant des enfants i

"Filles, quand vous 6tes encore jeunes,Si votre 6charpre est de deux brasses,Vous nous plaignez qu,elle soit trop courte.Mais, quand vous avez eu des enfants,Alors, n'eit-elle que trois doigts de long,Vous Ia trouvez trop longue, votre 6charpe,,.

( Lefdvre Pontalis)

Et pour les faire parler :

"C'est toujours du c6t6 du courant,Que le poisson s,6lance et nage,Car du c6te de la rive,Les p6licans et d'autres oiseauxSont aux aguets et font la p€che,,.

Aux chants d'amour nous pouvons rattacher les S&n, lettresd'amour en vers formant la po6sie 6pistolaire que les phu-bao etles Phu-sao 6changent entre eux. Les san sont plein de verve,d'amour, d'esp6rance ou de ddsespoir.

_ _ -Un spectacle assez attrayant est celui offert par des couples deMO-lam qui chanteot alternativement avec accompagnementd'un k'6n. C'est un op6ra i deux personnages, ,r, - ho.-"et une femme particulidrement . Leurs danses, leurs gestes,leurs mouvements rappellent de loin quelques ballets de lachor6graphie indienne. Ils abordent presque toutes les questions leplus souvent tir6es de l'enseignement brahmanique et bouddhique:

_)

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

24 COURS DE LITTERATURE LAO

jAtaka, vessantare, !6cits tir6s des romans laotiens, des fables et

i6g"oj"", devinettes, histoire des principaut6s laotiennes, etc "' Aux

.uj"t. d" caractere religieux se mAlent des propos grotesques et des

fleurettes impr6gn6es de galantelie, de tendresse et d'amour pour

divertir la foule qui est ainsi transport6e d'un 6lan d'enthousiasme

i voir le spectacle et e entendre les r6cits pleins de podsie Les

mo-lam possident l'art de s6duire I'assistance en lui 6voquant les

merveilles iu Paradis, la puissance d'Indra, Ia cruaut6 de Yama, les

atrocit6s de l'enfer, Ia beaut6 des paysages, les oiseaux qui chantent

dans le bois, Ia douceur de la nuit 6toil6e au clair de lune, etc "'

Section III " LE ROMAN

Ces remarques concernent sultout la litt6rature du pass6' Mais

au Laos comlne'ailleurs, il est un genre litt6raire qui, sous rdserve

de transformation, est peut-etre appel6 i une vie plus durable

encore, puisqu'il s'inscrit dans le cadre g6n6ral de la civilisation

d'aujourd'hui. II s'agit du roman' genre qui date d6jiL de longtemps

et qui fut concu pour divertir et pour enseigner i la -fois'-

Mais qui

dEfinira ce qu'est un roman, puisqu'il peut rev6tir les formes les

plus vari6es et les plus inattendues? C'6tait d6j)' vrai i l'origine,

oh il Ct"it estim6 6tre un moyen efficace de vulgarisation produi-

sant un effet heureux sur I'6tat d'esprit de la masse du peuple,

concurremment au chant et iL la pr6dication bouddhiques'

Les r6cits que nous en avons tirent leur origine des Textes

bouddhiques. Ils furent tout d'abord compos6s en caractere th'am et

.. pro." pour l'enseignement religieux. D'aprEs la forme de 1'6cri'

ture-,- i rnoins que les copies n'aient 6t6 faites selon l'6criture

moderne, sans tenir compte de la graphie du texte original ', on

peut affirmer que les manuscrits des romans en caracteres lao ne

i"rnont"nt pas au'delir du XlXe siEcle (1) alors que les pcGmes

des r6cits populaires seraient ant6rieurs au XlVe.

L€s premiers romans en date seraient en cons6quence les ro'.un" "r, iro"" 6crits en caracteles th'am tels que: Campa Si T6n,

Puddhasen et Usapar6t dont le premier "Les quatre Frangipaniers"

(l) Thao Nhouy lcs placent eulre les XVIe et XVIIe siicles Cette

datation Ee soulive aucun doute eD ce qui cooceroe les poimes des r6cits Popu'

laires qui leoolteot o€oc au_dellr du XIVe siEcle et qu'emPruoteit la plupart

dcs romals doot le plus lrappaot et lc plus origioal i cc aujet est le T'ao

B€ (te Prioce chevreau), cf. "Notes sur la versiticatioa laotieoDe" ( Bulletin

der Arlir du Laoc, ao2, 1939, P.267).

COURS DE LITTERATURE LAO 2.5

n'est qu'une paraphlase en langue vulgaire d,un texte pali ..Campara

-jltaka" et dont nous avons une version en polme 6ciit en laoiien.L'existence de cette double version d,un texte religieux dont l,uneen prose et l'autre eo vers ne peut s,expliquer que par l,originebouddhique du roman populaire. Le roman est donc n6 de la litt6.rature bouddhique et sur cette route c,est Ie roman en prose quivient avant celui en vers 6crit en caractlres laotiens. Tandis quele premier a pour objet I'enseignement religieux qui en principe sefait sous forme de pr6dication, le second est d,un emploi courant.

C'est sous cette seconde forme une les romans du titre deKalaket, Lin T'ong, Tlng On, Surivong ( I ), Cambang, T,ao 86,Sin-Xay ( 2 ), Campa Si T6n, pr6sentant leurs r6cits d,aventures d,unrythme s6duisant qui en fait l,agr6ment et l,objet de pr6dilectionnon seulement des Phu-bio (gargons ) et des Phu-sao (filles) maiseDcole et surtout des Phu-thao (vieux). On les lit dans les r6unionsparticulierement i I'occasion des naissances et des d6cEs oir il fautveiller toute la nuit. Les romans populaires dont la plupart sontexcessivement longs comprenant de 400 i plus de 400 feuillets - malgrEquelques imperfections de forme dues en partie au souci de donnerune production plut6t longue que pnr{aite, -ne renferment pas moinsd'assez belles images etde hautes pens6es morales. Et les chanteurset }es amoureux de nos jours ne manquent pas d,y puiser leur ins-piration pour composer leurs chants, Ieurs ph0ia et leurs Ban,sentences et lettres d'amour.

En ce qui concerne le contenu des romans disons d,abord queI'amour est le thime principal. Les prineipaux personnages sontpeints sous les traits les plusdivers: galanterie et courage du h6rosqui est g6n6ralement un prince, un beau gargon favoris6 pnr sesm6rites et qui est souvent un Bodhisattva tout puissant, ayant e sadisposition des armes magiques grAce auxquelles il combat et triomphe;la puissance d'Indra qui prerrd les formes diverses et qui intervientsouvent dans les combats et dans d'autres 6v6nements fAcheux pourvenir en aide au h6ros; Ia coquetterie des kinnari, danseuses dou6esd'une beaut6 remarquable, toujours gaies et d6vergond6es; Ia violence

(1) Cf. Pavie "Recherches su! la litt€rature du Cambodgc, du l,aoc etdu SiaE" pp. 55.153.

(2) Cf. D!. J. Breuguc!, "Coates et l€gclde3 du Pays hoti.!,,, pp.?2-EEet Thao Nhouy,"SiD.Xai" ( BulletiD de la Soci6ta dc! Etude. Iudochiloiles, toBcIX, No4, 193{, pp. ?5.91) ct "Po6"ic ho', ( IDdochine. Revuc bcbdooadairc,No 50 du 14 Aoot 19,11, PP. 6.9)

26 COURS DE LITTERATURE LAO

et la voracit6 des Yaksa, monstres g6ants possEdant tous les pou-voirs magiques de voler dans I'air, de prendre toutes les formes encombattant avec les almes enchant6es et qui sont les ennemis redou.tables du h€ros; la bienveillance du rusi(rsi), ermite magicien, quicommunique au h6ros ses sciences occultes pour voler dars les airs,combattre victorieusement avec des armes merveilleuses; la fid6lit6de l'h6roine qui est belle et aimante, capable cependant de fairepreuve de hardiesse pour sauver son amaDt. Tels sont les quclquespersonnages qui peuplent le folklore des romans laotiens.

[,a litt6rature laotienne, comme celle des autres pays de civili-sation indienne de la P6ninsule indochinoise: Carnbodge, Siam. Birma-nie, est d'inspiration essentiellement hindoue et profond6ment bouddhi-que. ks r6cits plovenant d'une source commune se trouvent plus oumoins alt6r6s, modifi6s ou enrichis selon l'imagination, le temp6ramentet le gott de la soci6t6 pour laqueile ils ont 6t6 congus. On en trouveainsi plusieurs versions. Le Sanselkey est par exemple la versioncambodgienne du Sin Xai de T'ao Pang K'am qu'a publi6 PAVIEdans "Les contes du Cambodge" et dont I'histoire est tir6e du Pannasajataka. Le podme Surivong correspond au Laksanavong cambodgiendont PAVIE a donn6 une longue analyse dans les " Recherchessur la litt6rature du Cambodge, du Laos et du Siam".

En ce qui concerne les romans en prose, donnons simplementle sujet de "Campa Si T6n"et "Buddhasen". Le premier est l'his-toire de 4 princes nomm6s: Campa ( frangipanierl. Il sont les Iils duroi Culani du Muong de Pancala et de Ia reine Paduma. Tu6s parla reine Angi, de leurs cendres, naquirent 4 frangipaniers. Ils furentressuscit6s par l'ermite Aggicakkhu (oeil de feu) qui avait donn6Ies noms ci-aprls aux int6ress6s d'apris Ia couleur des fleurs de

frangipanier :

- Setakumara (Prince Blanc )- Pitakumara I Prince Jaune t

. Suvannakumara ( Prince d'or l

. Vajira-Nandakumara (Prince Diamant)

Ce dernier ayant un doigt coup6, l'ermite lui avait subetitu6

un doigt de diamant qui, dirig6 vers quelqu'un peut e volont6 lui6ter ou lui rendre la vie. D'oir le nom de ce dernier prince. L'er'mite enseigna aux princes de la magie et notamment l'art de voleren l'air, et leur donna des armes merveilleuses. AprEs de nombreu-ses av€ntures, termin6es par la conqu6te de 3 royaumes de Yak, les 4

COURS DE LITTERATURE LAO Nprinces se rendir€nt i pancala. Le prince Damant gt'ndrra la nuitdans le.palais de son pire et inscrivit sur Ie front d. "" iurnl", tu"mots suivants: "Culani, roi injuste, tu traites le diamant en caillouet le caillou en diamant. Maintenant, rends-nous la p.incesse padu-ma, sinon, ton royaume sera d6truit,' et fit des dessins obscines(Angajata ) sur le front de la reine Angi et des autrcs fenlnies duha1gm. k roi, pris de peur, se soumit. R6v6lation de la v6ritableorigine des princes. Paduma redevint reine. Aogi la remplaqa commegardienne de porcs.

k 2! roman, c,esr-e-dire ,.Buddhaseu,,, est l,histoire d,unprince de ce nom, Fils du roi Lutthasen d,Inthapatthanagara(Cambodge ). Nous en trouvons la version khmdre da'ns l,histoiredes 12 jeunes filles, traduite par pAVIE dans .,Recherches sur lalitt6rature du Cambodge, du Laos et du Siam,,. AprEs son mariageavec Nang Kanri ou Kankhari, fille d,une yakiini, il se sauvapour Jegagner Angkor oi il rendit la vue i sa mire, gr6ce auxformules magiques que lui avait apprises sa femme. Au letour, iltrouva Nang Kanri morte de chagrin; il expira auprds de safemme, et Ies d6funts se transformitent er, 2 morrt"gnea'". ,roruun,11-

face- _de Luang-Prabang, dont l,une porte Ie noni de la princesse:Ph'u Nang Kanri, et l,autre, ceiui du prince: pi,u T,ao

Buddhasen.

Lhnalyse de Kalaket et un extrait du passage corrcernaut larencontre de Kalaket et de Malican suffisent pou. nous montrerla forme et le fond de l,ensemble des romans .t p"rti"ulidru."rrtde ceux en vers.

Kalaket r r I

"Surivong, roi de Baranasi, poss€dait un cheval merveilleuxnomm€ Manikap, qui pouvait voler i travers les airs et oarler lelangage des hommes. II avait poui allids Ie Garuda qui 'lui

araitdonn€ un arc prodigieux er Ie Roi de yaksa. Il r6gnair depuisplusieurs anndes et n'avait pas encore d,enfant. Les hoia consult6slui pr€dirent Ia naissance d,un fils pieux et puissaot. Sur la priErede la reine, [e roi des dieux Indra lui envoya sur la terre Deva-putra accomf,agn6 de ses quatre femmes. Le vent les avait s6par6sen cours de route.

(ll L FiDor, op. cit. BEFEO, XVII. fasc. V, p. t2r.l3O.

A COURS DE LITTERATURE LAO

Le Devaputra seul naquit de la reine qui Iui donna le nom

a" I{riut "t. Ile, trois pr"-iE'"t femmes, n€es comme filles de la

iJrr"- j" iu ".u et adndonn(es au courant sur un radeau par Ie

,oi "ffruye

d'un fait anormal, furent recueillies par un rusi (rsi)

""i f* af"* ; quand leur croissance rendit leur pr6sence dan-

i"r"ra" ,o,r, Ia uertu du solitaire, il cr€a pour elles' sur la montaSne'

i" *f"r"'-"*"e d'oir elles descendaient chaque jour pour prendre

soirr'de lrri. io,rt." troi" 6taient appel€es Nang Kinnari (nymphes)'

i-- *",tie-" femme tornb6e dans Ie Muong Phimon' y 6tait n€e

comme fille de la reine, sous [e nom de Nang Malican Er gran-

il;;;, -;1i; jeuint admirablement belle et son lire' qui la ch6-

ili;,'ht ani"" "" palais splendide avec un grand nombre de

servantes et de gardes.

Kalaket grandit dans un superbe palais q-ue son $re a fait

construire pou'r lui. Tous ses d6titt "ont ob6is' i une seule

;;;;;;;" pris: il ne doit pas aller dans la partie des jardins oir

i.i tle "rri"'a,, cheval magique Manikap' Or un jour le jeune gargon'

"r, "" ftorn""rnt dans ies jardirrs, se trouve inopin6ment devant

l'6curie du cheval, soigneusement ferm6e et entour6e de gardes' Il,eui f entrer, 1." ;"ides s'y op2osent, en ce moment' la porte

"tr".'", f" che"al soit et va de lui'-€me se courber devant Kalaket'

qui aorrt" intr6pidement sur son dos; un instant aprls il vole en

ir"i, li"r Bieni6t apparait le Himavan; Ii, sur une grande roche'

i--ilotnt." de I'arbre ' P'6'xai, Ie cheval ddpose son cavalier' Deux

p"r."q""" perchds sur I'arbte, reconnaissant en lui un Maha-Bo-

[t;;;", dJscendent le saluer et se mettre ] son service; Kalaket

i"" lfrrtg. d'aller dire i son pere qu'il rentrera dans trois ans' Les

;;;r;" s'acquittent de leur mission et reviennent pour l'accom-

trngner dans Ia suite de son voyage'

En arrivant au Muong Phimon, Ie cheval d6pose Kalaket sur

un sidge de cristal pr6par6 par Indla dans les branches du P'6-xai'

p"i" iif" qritte por.;ller btouter dans le Himavan: pour qu'il

revienne, il suffira que Ie prince pense ) Iui' Le lendemain' ayant

appri" que ce jour-li Malican ua se promener au Parc et rlu'il pourra

f;;ir-; passage, Kalaket pense ) son cheval qui a-rrive- aussit6t

"t t" "orra,.,lt ur-parc oi.tilse cache dans un fourr6 Bient6t arrive

la resplendissante Malicau erttour6e de 30 000 gardes Comment s'ap'

procher d'elle? Le jeune t6m6taire n'h6site pas ) se glisser entre

i"r guta""; pa, bonheu! les Devata cotnpatissantes le rendent invi'

"iblel Quattd Malican s'en retourne, il monte sur son char et 'entte

-1

COURS DE LITTERATURE LAO

avec elle au palais. Toujous invisible, il mange avec elle, se baigneavec elle et s'6tend sur la m6me couche. Quand tout Ie palais estendormi, il l'6veille.

"Alors le jeune homme €tend la main vers la belle et la secoue.La demoiselle s'6veille en sursaut,Ouvre les yeux et voit le jeune gargon.Il a une beaut6 pareille i celle d'Indra.Alors elle saisit son 6charpe et s'en couwe.Elle descend de son lit et joint les mains en tremblant:"Prince, dequel pays €tes-vous venu jusqu'ir moi?Je vous prie de me I'apprendre.N'6tes-vous pas l'auguste IndraDescendu dans ce pays jusqu') moi?Dites.le moi de grAce; instruisez-moiEt faites.moi connaitre d'oir vous 6tes venu."

Alors le T'ao r6pondit )L la petite princese:

"Je suis mont6 avec vous dans le char et avec vous je suis revenuVous 6tes all6e visiter le jardin des fleurs li-bas.Vous avez engag6 vos suivantes i jouer i divers jeux.

Je me suis cach6 dans les taillis pour vous regarder.En vous voyant, ma belle, j'ai brril6 pour vorxr.

A l'heure oir le soleil baisse, oir le soir apaise son ardeurVous avez donn6 l'ordre i vos serviteurs de retourner au palais.Vous 6tes mont6e sur le char et avez quitt6 le pavillon.Aussitdt je vous ai suivie, ma petite belle;je me suis plac6 sur le char, derrilre vous.Arriv6s au pa.lais, on a arr6t6 les chevaux.Vous 6tes descendue sur la berge pour prendye un bain et

vous pigner.Je me suis baign6 avec vous.Vous vous 6tes fard6e de cumin, de poudre de santal odorante.Je me suis oint et frott6 le corps avec vous.Maintenant je vous ai suivi jusqu'au palaisLe soir venu, on a pr6sent6 le plateau du diner;J'ai rrang6 et bu avec vous.

Je croyais que vous m'aviez vuEt que c'6tait i dessein que vous ne me parliez pas."

29

:TO COURS DE LITTERATURE LAO

. La princesse prenant ce bel inconnu pour P'ra In (Indra ), Ka'la.ket la d6trompe et lui d6clare son amour et sa lerme r6solutiond'6tre son mari:

"Quand un 6l6phant tient entre ses dents uue canne i sucre,

Il n'est pas ais6 de lui faire lAcher prise'"

Malican oe rend d'assez bonne grice. Le matin, le cheval vientattendre son rnai tre i la fen6tre et le reconduit au P'6xai, pour le

ramener le soir. Ce ma*ge dure quelque temps; mais un jour ariveoir les deux nourrices de la princesse, souPgonnant une intrigue, dpientleur jeune maitresse; bient6t ddifi6es, elles vont avertir le roi.

Celui.ci, au comble de l'indignation, convoque toute sa cour etdemande un homme de bonne volont6 pour arr6ter I'amant de sa fille.On dispose un pilge meurtrier sur la fenAtre de la princesse Malicanqu'on a fait plonger dans un profond sommeil magique par sortiEge.

Quand Kalaket arrive et franchit la fen6re, l'engin se d6tend et un6norme 6oieu transperce Ie cavalier et sa monture, le cheval est tu6net; Kalaket r6ussit i se trainer jusqu'au lit de son amante pourlui faire ses dernrers adieux et ses derniEres recommandations:

"Quand .ie serai mort, obtenez qu'on ne brtle pas mon corps,Mais qu'on le mette avec celui de mon chevalSur un radeau qu'on laissera partir au fil de I'eau,Peut-6tre nous reverrons-nous."

Ayaat dit, il expire.

Malgr€ la fureur du roi, Malican rdussit i cil6brer des obsiquessolennelles. Les deux corps, plac6s dans des urnes d'or sont dispos6s

sur un radeau pareil i un palais flottant et s'6loignent, emportds

doucement par le courant du fleuve, tandis que la princesse, les yeuxen pleurs les regarde disparaitre.

Un jour que Garuda se baigne dans la mer, il appergoit un radeauqui semble flotter sans direction. I[ envoie ses gens en reconnais-sance et ils rapportent les deux cadavres. Garuda croit reconnaitrele cheval volant de Suriv6ng et retrouve, dans le visage du jeune

homme, la ressemblance de son ami. Perplexe il va consulter le rusiet lui pr6sente les deux corps: l'ermite reconnait le cheval et, pourtirer au clair cette myst6rieuse affaire, il exp6die un Th6n )r Indra.Le dieu raconte toute l'histoire au P'raya ThGn qui le renvoie por-teur d'une aiguilre d'eauet d'un.sabre: I'eau est destin6e i ressus.

citer Kalaket et le sabre i ['armer. Aprds avoir suivi son cours de

@URS DE LITTERATURE LAO 3I

magie a l'ermitage, pouvu de puissantes formules, arm6 du sabred'Indra et de l'arc de Garuda, Kalaket part pour retrouver sesaulours.

Comme autrefois, il p6nltre la nuit dans la chambre de Malicanct la trorye endormie, la t6te ras6e et v6tue de la robe blanche desveuves. Il l'6veille et lui persuade i grand,peine qu,il est vivant.Ayant appris la nouvelle, le roi courrouc6 envoie des troupes cernerla maison et refuse d'accorder la main de sa fille ) Kalaiet qui lalui demande. Une lutte s'engage. Le roi cide devant la puissancemiraculeuse de Kalaket qui a lanc6 l,une des fllches d,Indrapour br0ler toute la ville et tuer tous les 6tres vivants. Il lui donneSa fille. Kalaket envoie sa fliche messagdre ir lndra, qui s,empressede faire tomber une pluie miraculeuse, grAce i laquelle les maisonsbrdl6es renaissent de leurs cendres et les morts se relivent pleins devie. Kalaket part avec sa femme sur son cheval volant.

Apris avoir 6chapp6 aux s6ductions des yakkhini, Kalaket tombesous le coup des trois kinnari dont la soeur ain6e, Van Si au moyendes formules souveraines, fait tomber sur le trio un sommeil l6thar.gique. Les Kinnari transportent Ie bel inconnu dans leur pnlais par lechemin des airs et le rendent heureux tour i tour.

Cependant Malican et le cheval avaient dormi deux joursentiers. A son r6veil, la princesse ne vit plus son mari; elle envoyale cheval i sa recherche; mais, le soir, elle l'attendit en vain ; IesDevata l'avaient 6gar6. Tenant l'arc et le sabre de son 6poux, invo-quant la protection des dieux, elle resta trois jours dans l,attente,puis se mit en route. Elle rencontra dans Ia for6t le bon roi Isunqui lui offrit d'6tre sa fille adoptive et elle v6cut tranquille dansson palais. Ouantau cheval, aprEs deux mois de recherches inutiles,il arriva maigre et ext6nu6, i I'ermitage du rusi qui le rassura surle sort de ses maitres et le fit rester avec lui.

Kalaket vivait depuis trois mois Cans l'encl.antement, lorsqu'unmatin, i son r6veil, lui revint brusquement Ie souvenir aigu deMalican. Juste i ce moment les trois Kinaari 6prouvaient [e remordsd'avoir n6glig6 pendant aussi longtemps le rusi leur gire nourricier.Elles descendent le voir et ne peuvent que s'humilier sous sesreproches; sur son ordre, elles vont chercher le prince. Le rusicalme son inqui6tude, lui rend son cheval et lui donne les troisKinnari pour 6pouses: elles devront l'accompagner pour implorer lepardon de la princesse Malican et revenir ensuite i leur maison.

P @URS DE LIT'IERATURE LAO

Apris avoir obtenu le pardon de Malican, les Kinnari s'6loi-

grr"oi ", Kalaket repart de son c6t6 avec sa femme 1s11suv6e' I,es

i""r"""rr franchissent I'oc6an, ils rencontrent un parc magnifique

."!"-rn pvillon et un bassin dont l'eau est d'un jaune brillant;tufuti""r, "'y

baigne et en sort 6clatante comme une statue d'or' Ce

[r" uput,i"t, au roi des Yaksa Mithilat : un de ses serviteurs

i;i;; qrru de" 6t.arrgers s'v sont install6s' Il s'v rend.en hAte'

;:;;; J. se montrer; la beaut6 de la jeune femme et ddcide de

l'enlever. Pour cela il endort du sommeil magique le prince et son

"n"r"t, a" transforme en un .ieune homme et se pr6sente i l'entr6e

ir- *uill"". Malican essaie d'6veiller son mari en vain' Mithilat

i;r;; "" termes gracieux ir venir au palais; elle refuse' Alors il

"tuog" a" hngage et tirant son sabre, menace de les tuer tous' Pour

sauver son mari, elle consent a le suivre'

Le soir, elle invoque Indra : le dieu la change en une guirlande

de fleurs qu'il suspend derriire le char de Mithilat; puis il va

L"iit"r fuUt "t et son che,ral et leur raconte ce qui s'est pass6'

i.a Lataille s'engage. Kalaket saisit la guirlande de fleurs sur le

"fo, i" .o" "rrrr.Li "t se la met au cou Mithilat vaincu appelle

i-"or, .""or.. ses alli6s Akkusala Kump'an, Minadit Panthavan:

tous "ont

battus. La princesse qui a repris sa forme regoit d'Indra

or, ""b." de cristal avec un arc et des fliches: tandis que les t6tes

i.u""ie"" par Kalaket, rejoignent le tronc et rePrennent vie' le*U." a" i,Ialican fait des blessures morte.lles' Elle tue Panthavan

dlon" fla"n" et Mithilat n'6vite le m6me sort qu'en Je cachant'

pporl,rurt6, il envoie i K'rut K'am ( Suvanaa Garuda ) une fllche

.i." ," message le suppliant de venir le sauver; Garuda arrive

", oU,i"* "" j-.a"", apiis l'a.'oir vertement r6pririrand6' Mithilat

ir." -iaafi,C

)L Kalaket- et lui offre sa fille en nariage La pluie

Li*"rrl"ra" ressuscite les morts. Panthavan va chercher les trois

iii."".i ", Ies apporte dans un Prasat sur son 6paule' Kalaket

iro-"" q,-r'll va rlpartir pour son pays: tous montent -dans un char

uolunt, y6n h6ng i hamsa'yantra ) fabriqu6 par Mithilat' Sr'vivong

a""rreiite- magnifiluemenl son fils avec ses cinq femmes' son cheval

et ses amis, et le fait sacrer roi'

Ces quelques remarques concerDent essentiellement le passd' Iln'est certes Pas mort. Mais certaines formes' certains genres litt6'

.rir"", a" fuii a'u"" 6vol rtion in6luctable, sont d'ores et d6jiL appel6s

COURS DE LITTERATURE LAO

i une moiodre vogue, Sans doute est-ce i travers le roman qu,auLaos comme ailleurs, s'accomplira le renouvellement n6cessaire de lalitt6rature nationale. Laissons i de plus qualift6s que nous le soinde montrer pnr l'exemple, l'inspiration et le talent, ce que sera leRoman lao de demain.

Section IV: LE THEATRE

Nous ne poss6dons aucune piice de th6itre ancien. La litt6ra-ture dramatique proprement dite n'apparait que dans la p6riodernderne.

N6anmoins le spectacle cr66 par les mo-lam, les mo-mdn, lesnAng t'iem, comportant des dialogues, des changements de costu.mes c'est.i-dire de personnages, des danses et des scines se d6roulantvers le d6nouement d'une action commune, constitue un v6ritabledrame religieux. Le th6Atre ancien serait donc n6 de la religion.

k th6dtre classique d'origine hindoue est d'importation khmEre.InEoduit au Laos vers le XIVe siicle propablement, il ne rencontrel'accueil enthousiaste du public que dans sa p6riode de ddveloppe-ment aux XVIe et XVIIe sidcles. Le d6but fut marqu6 par la cr6a-tion d'un corps de ballet pour r6pondre i une cooception purementindividuelle des souverains du pays. [.a cour royale s'organisait i lafaqon des Souverains du Camboge, de la Birmanie et du Siam. Ungrand orchestre fut cr66 comprenant les principaux instruments sui.vants : xylophone, gongs dispos6s en arc de cercle C K'ong v6ng ),conque ( trompette ) et tambourin. [r nouvel orchestre fut rdserv6uniquement pour les grandes c6r6monies, les f6tes et distractious ro.yales et pour accompagner les danses mimiques du corps de balletdu roi. Les instruments i vents: grands et pedts violons (xo.u, xo.i),mandoline, orgue (K'6n), appartenaient ir l'ancien (ou petit) orchestre.

L'6bauche du th66tre classique est le ballet-pantomime. Riche-ment par6s des costumes de th6itre : sampots, jupes, bijodx, :nasqueset diadEmes dont la forme, la couleur et [e dessin varient avec lespersonDages, les danseurs ex6cutent le ballet en s'exprimant par lejeu du geste et des pas de danse dont la pose et le mouvement aurythme de Ia musique rappellent [a chor6graphie hindoue. Les scEnes

repr6sent6es sont g6n6ralement tir6es des r6cits du Ramayana. Unpeu plus tard, une personne chante pour accompagner les dansesdes acteu.rs. Puis ce sont ces derniers eux-m6mes qui parlent, quichantent, qui gesticulent et qui dansent. Nous sommes cette fois-ci

*)

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

u. C'URS DE LITTERATURE LAO

en pr6sence de v6ritables scEnes d'op6ra oir se m6lent des person.

nages grotesques. Les acteurs du th6Atre classique sont surtout desgens de m6tier et rarcment d'amateurs.

L'art dramatique se transmet par enseignemeut individuel. L'ac.tion faisant l'objet principal du drame, avec ses differentes p6rip€tiesest emprunt6e aux r6cits de I'histoire, du jataka, du roman laotiener de la vie courante. [,es personnages sont ir peu pras les memesque ceux des romans dont nous venons de parler c'est.i-dire qu'ilssont repr6sent6s sous les m6mes traits avec la m6me physionomie,le m6me caractere et la m6me psychologie oue les personnages des

ronans comme d'ailleurs ceux des contes et der l6gendes du Pays.

k thdAtre est donc intimement uni i la litt6rature. La poesie,

le roman et l'histoire qui forment l'expression litt6raire sont adapt6sau th6itre avec de l6geres modificatioDs dans leurs textes. Donnonsun exemple de cette r6alisation dramatique tir6 du "T'ao Surivong".Cette pilce a pour titre le nom du hdros du roman qui en donneI'action. En voici un extrait relatif iL la scine: "Nang Kaison et lechasseur" qui se passe dans une for6t. Nang Kaison 6tait s6par6e deson ruri au cours d'un naufrage (l). Les vagues l'avaient jet6e surle rivage. Elle avait parcouru la for6t pendant quatre mois. V6tuede feuilles d'arbres, i bout de force, elle vint s'asseoir sur un tertreen pensant iL son mari et i son malheur.

"Nang Kaison". - O mon bien-aim6, Etes.vous sur le bord,6tes.vous sur les flots ? Auriez.vous 6t6 la proie des f6roces monstresde [a mer? Sur le rivage n'6tes.vous pas aussi expos6 aux fauves?

O vous, g6nies qui peuplez mers et plages, ayez piti6 de mespleurs, n'avez-vous pas vu mon bien-aim6? Dites-moi vers quel lieuje le trouverai ? Je veux le suivre, le servir toujours.

O immenses for6ts et vous, arbres verts qui croissez pnr couple,fleurs 6closes, contemplez-"ous muets mon malheur sans pareil?

Quand ce sort implacable arrache i mon amour, la moiti6 de mon6tre, mon prince bien-aim6, n'aurez-vous pas peine de ma douleur etde mon abandon, ne m'aiderez-vous pas? Je veux le retrouver, sinonje vous prie, Iaites-moi mourir"

(Elle ne cesse d'appeler, de prier, de se plaindre. Epuis6e elletombe 6vanouie. Un aboiement de chien. Un vieux chasseur apparait ).

Le chasseur.- ( A part):

(l) Pavic, "Rccherchcs ru. h litt6rature du Cambodge, du Leoc ct du

Si!6", p. 101 - 103.

@URS DE LITTERATURE LAO

Il se peut que quelque revenant tente ma vieille(Quand il tend son arc, i[ voit une femme ).

35

exp6rience.

Etes-vous g6nie des bois ou cr6ature humaine? D,ot pouvez_vous venir sous ce costume de feuilles? Vous semblez malheureuse,pourquoi donc 6tes.vous seule?

Nang KAiSon.. O bon vieillard, mon mari et moi avons faitnaufrage en mer et en vue des c6tes, les vagues furieuses nous ont#par6s. Recueillez, je vous prie une pauvre infortun6e, ayez piti6de son malheur; je serai votre servante et ferai mon pocsible pourvous faire content de cette bonne action. euand je retrourrerai monmari, il recompensera, ayez-en co:rfiance, votre coeur g6n6reux.

Le chasseuf.-Ne soyez pas inquidte, je pnurvoirai i vos besoins.( L,e chasseur conduit Nang Kaison vers sa maison. )

CHAPITRE III

LES CONTES ET LEGENDESSous cette rubrique, nous classons les histoires courtes et plai-

santes recueillies g6n6ralement de la bouche des conteurs et les textessur les traditions l6gendaires et historiques du peuple laotien.

Section prcm;ire : LES CONTES

Nous poss6dons une importante collection de contes laotiens.La plupart en sont tir6s du Pancatantra indien dont nous connais-sons la diffusion dans tout I'Extr6me-Orient.

Ce n'est peut.6tre pourtant pas le plus caract6ristique de la li.tdrature lao. Mais nous quittons ici la po6sie proprement dite. Com-me l'6crit ercore Solange Bernard-Thierry, "les contes comiques ontun succes tout particulier, L'astucieux gavroche qui, au Cambodge,est connu sous le nom de Thmenh Chey ( ll, est appeld ici XiengMieng. Il pr6sente Ie m6me esprit frondeur et se livre aux nr6mesfac6ties, donnant lieu i une souriante satire de la soci6t6, valable

(f) Cl, e ce sujet Pierc Bitard, "Essai sur la latit. sociale danr la

lin6Eture du Caobodge" ( "Bullerin de ta Soci6t6 der Etudes Iod{rchiDoi!e!,,,Saigotr, 1951, 3| trimestre ) et "La merveilleuse histoirc de Thoeah Cheyl'Altucieux" ( Fraoce-Arie, Nor U6.!17); Solangc Beroard Thierry, "Le Cam.bodge i traverr sa litt6ratore " (ibid. Nou4-I15, coD$cr6 i "pr6sence duCaobodge" et Guy Porde "P.r*orr"gu" comiques der Cooter populairer Cro.bodaieues" ( ibid. ).

36 COURS DE LITTERATURE LAO

aussi bien pour le Laos que pour le Cambodge et le Siam L'His-

ioir" dr', ih"uu" e-1oi"o"n6 par Ies Champignors- est -un

conte

;;;;. Une sorte -de

Gargantua ['ao est le- FrEre.. Sept'Jarres

;;;?; ""pi j"t'". de riz par jour' II est le h6ros d'une "geste"

comique 6crite en vers assez archaiques' pleine d'exploits tour ir

iJ*-1-,".qr"" et miraculeux et d'une verve originale oir sont tour'

,ci" ?" Jeir"i"" l'indiscipline des bonzes' la naivet6 des pavsans' les

."i*"""" ,.r"f*, l'avarice des bourgeois Verve comique spontan6e'

qu'Irl"ro" amertume ne vient jamats ternir" ( 1)'

Avant de donner une analyse sommaire du recueil. de fables

et de contes, tdchons d'abord d'en esquisser rapidement Ie contour

"LeLi. Ora est Ie contenu de I'ensembie? Le cadre est celui de

i""'ri"' "i"t"t,": la plaine avec ses rizidres' les montagnes' la

,iuia.", t"" villes, les villages, la mer' Ia for6t" Le r6cit. est court'

au""n" a"a"tiption des paysages u'a lieu comme dans .les

romans''il" -

p"t*n"ug"" , hommei, animaux et €tres surnaturels' ont leur

psychologie.

Le conte est un drame en raccourci g6n6ralement comique'

Torrt". 1"" classes de la soci6t6 y sont repr6sent6es: le roi et sa

-"r,-f"t ministres, les conseillers du roi, Ie clerg6' Ia bourgeoisie'

i;-;r;"", les aitisans, les m6decins et sorciers' etc ' ; chaque

;H;;' repr6sente certains caractEres proples : la s6duction de

il;imm;, u iidatite de I'esclave, la pi6t6 filiale' l'amour maternel'

"i"... lf "'o"""p" de ses travaux quotidiens: chasse' t'che' commerce

en convoi par voie d'eau ou de terre' etc ' ' '

En nous faisant p6n6trer dans la vie intime des Laotiens' le

conte nous r6vtle Ia croyance et les pratiques superstitieuses de ces

a"r"Lt". -ff

nous montre la puissance et la - bienveillance d'Indra

assist6 de ses devata souvent confondus avec les gdnies locaux' Les

iat*-*., souvent des 6tres surnaturels poss6dant une lorce mira-

"ut"r"" t"t" que Ie g6ant Ai Cet Hai ( FrEre Sept Jarres ) et ses

*pi "ornp"gnon.

de route capables de porter -11..arbre

entier ou un

!i!rrt"ri'.""t I'6paule ainsi que le Bcuf Phijisan qui traine 100

chars remplis de pie.res et de sable par exemple'

Les traditions indiennes et indochinoises sont rigoureusement

ob""roJ"" t' ,""p..t du serviteur )r l'6gard de son maitre' autorit6

iir"io" -a"

.oou"..in de l'ancien temp6' ob6issance i la volontE

;;i;-; a"n. a"" cas prr6vus par Ia coutume tels que celui de

iuirr"t "te""r". un criminel dans la nuit sans jugement' veilles

(1) oP' cit'

I

COURS DE LITTERATURE LAO 37

annonc6es lrar les cops, nomioation i un emploi public ir titre der6compense des actes de m6rite et de courage, etc.,.

Ces fabliaux font irr6sistiblement penser i La Fontaine, et l,onconnait la raison de cette identit6 qui n,est pas le moins dumonde due au hasard. On n'a pas attendu le fabuliste frangais pourblAmer "la grenouille qui veut se laire aussi grosse que t. Ueut,,,. bien qu'il s'agisse ici d'un crapnud-buffle . et "les lrenouilles quidemandeat un roi ", ni pour prou.,er que " l,union fait la fo.cj,,,comme le montre l'histoire d,un Roi des Rats qui parvient ) chasserun Chat sauvage grAce au concours de toute sa tribu.

Ces contes, qui constituent l'essentiel de la litt6rature profane,peuvent 6tre class6s en trois cat6gories. Les plus plaisants et-les plustypiques sont peut-6tre ceux auxquels nous venons de faire allusion.Mais il convient de mentionner 6galement les contes judiciaires, quisont g6n6ralement les commentaires des diff6rents articles de l,ancienCode lao, et ceux du Pancatantra, qui occupent une place i part.Par Ie fonds et la forme, ils rappellent les Mille et Une Nuits ; la reineTantai tient le r6le de la sultane Sch6h6razade, mais au lieu des'adresser au roi, elle parle d sa servante, Kulatthi, au cours deslongues veill6es dans la chambre royale.

DIVISION:

l) - le Pancatantra,

2) - les Contes judiciaires;

3) . les Contes comiques.

A. Pancatantra laotien. La collection des cinq ouvragesdu nom de pakon ( Pakarana ), sauf le cinquiBme traitE intitul6Sangkh'aDakon qui est une glose sur des textes du Vinaya,coostitue le Pancatantra laotien, recueil de fables et de contesd'origine indienne. Voici les quatre.premiers ouvrages qui groupentles contes de m6me caractare dans un cadre corrlmun :

lr . Nant'apakon ( Nandapakaranal, le beuf Nanda.

2 ) - Mandapakon ( Mandukapakarana), les grenouilles.

3r . Pisapakon rPisacapakarar&), les D6mons.

4t - Sakunapakon t Sakunapskarane ), les oiseaux.

38 COURS DE LIT-TERATURE LAO

Le disp,ositif de cette s6rie de contes rappelle celui du "Livre

aes Uitte et une Nuits". La conteuse est la reine Tantai ( Tantai

ft{"n"i""i:, nom qui correspond i ceux des narratrices Nang Tantrai

i". ;'E ,,rol"n" de N".rg Tantrai" siamois et Dyah Tantri du Pan-

".turrtr. j"r.o.i" du titre de "Tantri"' Dans les trois versions Ie nom

i"- t"' "o","".., Tantai, Tantrai ou Tantri est une alt6ration de

;T"rrtr"r"y"" (Tisserand, conteur) indiquant ainsi l'origine du titreprimitif "Tantra" ( Recueil de fables et de cootes J

Il existe au Laos un autre recueil de contes ayant pour titre

"Mulla-Tantai" qui est une compilation de contes judiciaires stmbla-

ble u., "Xo"rg K"nttuy" cambodgien, livre sa:r€ (sAtra) faisant

partie de" codes. Dans le texte cambodgien, le roi qui rend les sen'

iences i la fin des contes est un Bodhisatva'

Le titre de la collection des cootes judiciaires laotiens indique, au

ooint de vue de la iorme, une certaine relation entre le Pancatantra

li l" M,r[u-Tun,ai. En effet, on reurarque dans I'un et dans I'autre

la forme ordinaire des contes indiens dont voici les traits essentiels:

emboit.-errt des r6cits, discussion appuy6e d'une parabole' fable

interrompue par les r6cits des personnages entrant en sclne dont

les transitions sont ainsi marqu6es par leur agencement'

C'est cette forme particuliare des r6cits qui a donn€ le nom iIa conteuse Tantri ou Tantrai qui d6dve de deux mots sanscrits

ayant le meme sens: Tantravaya ( tisseur) et kaittri (fileur) Nous

sauorrs qu'au Cambodge, comme d'ailleurs au Siam et au Laos, le mot

sanscrit Karttri se prononce KAntrei orr KAnui qui donne par m6ta-

plasme au [,aos: Tantrai, Tantai, Cantrai, Cantai, Canti' C'est pour

cette raison qu'au Siam la narratrice s'appelle aussi bien Nang Tan-

trai que Nang Kantrai dans plusieurs textes, tandis qu'a-u Laos elle

porte' le no- de Nang Tantrai, de Nang Cantai ou Nang Mulla-

Tantai. L'un de ces diff6rents noms lui convient, parce que' conrme

l;a dit Lorgeou ir propos de Nang Tantrai, la narratrice " entrelace

ses r6cits mmme la trame d'un tapis aux couleurs vari6es'"

Nous venons de signaler plus haut que Mulla-Tantai est letitre d'un recueil de contes judiciaires. Il est aussi celui d'un Pan-

catantra laotien dont une tecension a 6t6 recueillie et traduite par

le Dr. J. BRENGUES dans les "Contes et L6gendes du pays laotien"'

Dans cette derniire ccllection, le nom de la conteuse Nang Mulla'Tantai serait le nom du titre primitif de l'ouvrage "Mulla'TantaiMula-Tantra (Recueil de contes ). Et c'est ce mot qui aurait donn6 le

II

COURS DE LITTERATURE LAO 39

titre i l'un des recueils de contes judiciaires .,Mulla.Tantai,,, malgr6

la diff6rence du contenu avec celui traduit par A. Leclire dans les"Contes laotiens et contes cambodgiens,, dont la source est Ia m6meque celle des cootes judiciaires du Cambodge faisant Snrtie de lacollection de "Koeng kAnteay",

Le cadre g6n6ral de Ia version laotienne du pancatantra hiDdouest constitu6 par les r6cits que fait Nang Tan.Tai, fille de t,Uparatdu roi Manda -Cakkavatti-Raja du pays d,Uddhodana, e sa servanteKulatthi au cours de leur veill6e dans Ia chambre du roi. Chaque pa-karana comporte un cadre secondaire:

Dans le Nandapakarana, la scEne se passe dans une for6tse trouvant entre la ville de Putthavatti d,oir est partie la caravanede mille charrettes du setthi Dhammapala et la frontiire du paysd,Uddhodana, Les prrsonnages comprennent: le boeuf Nanda'U-sabhafaja faisant prartie du convoi, Ie lion royal Rajasiha dunom de Pingala, Ie renard premier ministre t Mahamanti ) duLion et les chiens. Abandonn6 dans la for6t par son maitre, le boeufrencontre le lion et les deux animaux se lient d'amiti6. Malgr6 lerapport des chiens et l,assurance du lion qui lui a dit qu,il ne faut pess'6mouvoir d'un bruit qu'on entend de loin en lui contant l,histoired'un chien et du tambour vide, le renard cherche i rompre l,amiti6entre les deux amis. A l'un et i l,autre il coi.rte des r6cits divers ensorte que le Nandapnkarana comporte au total vingt contes, des r6citssecondaires des personnages des contes qui sont enchass6s dans ceux.ci et dont le dernier peut 6tre intitul6 "Le roi qui comprend lelangage des b6tes". Le renard parvient enfin i provoquer Ii combatentre les deux amis, le Lion et le Beuf, qui meurent tous lesdeux. Nanda renait au ciel, Pingala dans le monde des hommes etle renard aux enfers.

L'histoire de Mandukapakarana se d6roule dans le ro.yaume des grenouilles ( K6p khiet ) dont le roi Maha-t,ibot. Un ser-pent afiam6 demande l venir habiter prmi le prupledes grenouilles.k roi refuse, mais sur l,insistance du serpent, i[ r6unit son peupleen assembl6e g6n6rale. Le d6bat commence. Les grenouilles et leserpent preDnent chacun la parole ) tour de r6le en faisant des r6citspour appuyer chacun son point de vue: histoire des singes indisci-plin6s et des singes cupides qui deviennent la proie du Phi xua( genius loci), histoire de Rama, etc..... Malgr6 l,opposition et l,avis6clair6 de son peuple, le roi permet au serpent de pr6n€trer dans

40 COURS DE LIT-TERATURE LAO

son domaine. Le serpent mange alors toutes les grenouilles et leur

roi. Nang Tantai J6ja devenue reine recommande i sa servante

ii"f""frll-'.* T'ao'ptava, Mahamanti, Senapati' Purohita' d'agir

uu"" frra"""" pour 6,iter le malheur qui peut leur arriver comme

aux grenouilles.

Le Pieacapak&rana raconte une dispute entre les Piaacs( d6.;;i n"i

-i.]t-,ri Indra dans une guerre contre les Dev&

(dieux) au sujet du partage des parts du roi des dieux. (Indla)'

i,i6;;; ; i u""o'd, il se- d6cideni i 6lire un chef Mais il faut

0""-"" a'"t"i"t ait certaine qualit6' Laquelle ? Tel est l'objet de la

discussion. Trois Pisaca entrent en sctne pour prendre Part- au ddbat

;-;;;;;"; "i"cun son opinion d'un r6cit' Il faut avoir la chance'

;i; -f;'r il faut l'habilet6, dit l'autre, 6tre sage' dit le troisiEme'

L-f"i-"i r""."i" I'histoire de Subhadrakumara, fils de I'Amat Subho'

;il;r" de Ramvarajadhani avant pour I9i Cakravudhamja qui

i*i -"ft"nr" itlt le mandarin charg6 de veiller au palais' Le jeu'

". 'i"iiJ*l""rara fait la garde en remPlacement-. de son $re'

i;-i;i;;;;; la nuit, le roi se llve pour tuer I'officier de garde'

Mais le jeune homme reste toujours 6veill6, se rappelant des trois

maximes de son maitre :

1)- Si l'endroit est agr6able, ne dormez pas;

2 )- Si une femme insiste, ne l'6coutez pas;

3). Si vous voulez manger, ne soyez pas paresseux'

Interrog6 par le roi, il lui donne des explications en lui

racontant une histoire iL l'appui des trois maximes'

Le Sakunapakarana est un r6cit relatif' ir l'6lection du

roi des oiseaux qrrl uyunt assist6 au barattement de la mer fait par

i;; ;;;t le. A"rn"'"t admir6 la discipline' d6cident de se donner

"" Li p"* Ztr,e. l'an rchie. Le choix se Porte sur Ie- cygne H6ng

G";; ui "* t" corbeau. Il faut 6prouver d'abord leur - force en

[;];J", traeerser Ia mer' Le cvgne seul peut passer e l'autre

rive.Le corbeau €puis6 de fatigue tombe dans l'eau

- et.ne peut

6tre s.or6 qr" pu, l" cygne i ion retour' Portd sur Ie dos de ce

i"-f"t, fi eisi proclam6 -uuinqrr"u'

au retour' Mais les oiseaux don-

,rant "h"c.ra,

sa pr6f6rence i I'un et i l'autre des concurrents en

;;;;";;;; ipirrioo d'o.,e histoire' Au cours de cette d6lib6ration

.iiiri'r. -*r-Suuunnu'Gu,udut" ja qui leur demande ce qu'ils font'

COURS DE LITTERATURE LAO 4I

Les oiseaux r6pondent qu,ils 6lisent un roi pour les prot€ger enI'absence du Garuda qui demeure loin. Le Garuda les'group" pu,espices, aprds avoir donn6 un chef i chaque Sroupe, il J retire.

Tels sont les r€cits faits par la princesse Tantaya Mahadevi irso_n- esclave Kulatthi. Nang Tantai termines es r€cits trnr l,histoire del'6l6phant et de la souris. Le roi des 6l6phants et celui Jes sourisse lilrent d,amiti€. En rEponse I ses minlstres qui lui faisaient desremontraDces, le roi des 6l6phants leur fit savoir que les grandsrecourent souvent au service des petits et qu,on a souvent besoind'un plus petit que soi: pour coudre un v6iement, il faut une ai-guille.

_ . B- - Contee judiciaires. - Les contes judiciaires sont engdn€ral les commentaires des diff6rents articles du Code laotien aux.quels ils sont annex6s. Ils sont quelquefois rtiunis sous forme devolumes i part avec le tiue de Nangsu Kotmaf FriepT'iep t Texte de droit comment6 ). Tels in, f". ,""o"il a". gacontes traduits par P. LeclEre dans "Contes laotiens et Contes cam-bodgiens" et des 6 contes traduits par Ie Dr. Br"rrgr"" d.o. .,Con.tes et ldgendes du Pays laotien,, et dont la plupar-t se refouventdans le "Mulla-Tantai', de Luang prabang.

Les deux r6cits jumeaux ci.apris (l) suffisent i nous donerune sentences qui sont gdn6ralement reDdus par le roi.

La barque coulde et Ies deux boeufs"En_ ce temps.li, un commergant 6tranger au royaume vint

arrec sa barque pour vendre et acheter des marchandises. En route,il attacha son bateau i l,une des rives dans Ia brousse. Deux bceufsqui se trouvaient en face de son bateau, l,un sur la rive gauche, l,autresur la rive droite, en se voyant tout a coup euent un d6sir trisvif de se battre. IIs descendirent l,un et l,autre dans la rividre ets'y battirent si bien qu,ils firent chavirer le bateau et que toutesles marchandises qu,il contenait furent submerg6es et perdues. Lecommergaot 6tranger s,en alla porter plainte au roi. Celui.ci ayant6cout6 son rdcit, r6fl6chit un instaut et lui dit:

"Puisque tu as 6prouv6 ce d6sagr6ment dans mon royaume, jevais te payer- la moiti6 du prix des marchandises que tu as perdues.Tu perdras l'autre moiti6',.

(1) Llclarc. op. cit. cortcs Do3 VIII] p, 41.44.

42 COURS DE LIT'TERATURE LAO

"Le commerqant 6tranger accepta avec recomaissance. le juge'

ment d; roi et pensa que ie malheur qui 6tait sur lui 6tait pass6"'

La foese Pleine d'or

"Un jour un commercant qui traversait le royaume avec cinq

cents charrettes conduites 1nr cinq cents conducteurs' entra dans la

for6t pour chercher de ['eau ( pour s€s attelages ) Il n'en trouva

poirrt, *"i. il d6couvrit une fosse toute pleine d'or' Il se disposait'i s'app.oprier cette fortuDe 6norme, lorsque des chasseurs survintent'

Voy*i qu" cet or avait 6t6 ddcouvert sur le territoire du royaume'

ils L pessirent d'aller informer le roi de la trouvaille du commer'

g"rrt. Lu toi fit comparaitre le commergant, l'interrogea et rendit

cette sentence :

"Puisque tu as trouv6 tout cet or dans mon royaume, il est it

moi parce que toute la terre du royaume est mrenne' Cependant

"orna. ""n, toi qui l'as d6couvert je n'aurais pas eu connaissance

de cet or, il est juste que tu en aies ta Part"'

Et le roi ordonna que la moiti6 de l'or trouv6 par le commer'

garrt trri fOt remise et que l'autre moiti6 fit vers6e au tr6sor royal"'

L'apologue des deux r6cits qui se retrouvent dans. le "Koeng

KAntray; du Cambodge avec une l6glre variante pourrait 6tre celui'ci'

"Lr roi doit prendre sa part des malheurs qui surviennent dans

son royaume et sa part des aubaines qu'on y fait"'.(A' LeclEre )'

En comparant ces deux sentences avec le 6i jugement rendu

par le P'aya Culla Photisat ( 1), nous constatons que les deux recueils

"ppurti"rrn"nt i deux 6poques diff6rentes' Le premier, celui d'A'

Le"la.e, doit 6tre post6rieur i la date de l'abolition du culte des

gEnies (l5Z), tandis que l'autre, celui de J' Brengues, serait ant6'

ii"* "r,

XVIe sidcle' Voici la sent6nce rendue par le P'aya Culla

Photisat dans l'affaire du roturier Khukasa qui a trouv6 dans le

ceur d'un arbre un s6n d'or (120kg.1:

" Celui qui trouve un E6sor dans l'6tendue des terres du

P'aya Culla Photisat doit aller tout droit en avertir ce P'aya: une

p"ati" "r,

sera vers6e au tr6sor royal; une partie i celui qui a

irouv6 le tr6sor; une partie sera employ€e en sacrifice en l'honneul

du Gdnie du tr6sor . . .. "

(l) J. BRENGUES, op. cit. "D6coo"ertc d'ua tr6sor co feod&l du boia", p' 63-6{.

COURS DE L]TTERATURE LAO

Nous venons de dire que certains contes judiciaires descollections pr6cit6es se retrouvent dans le " Mulla-Tantai,, deLuang Prabang qui est un recueil de coDtes comportant des sen.tences, des 6nigmes, des apologues et des paraboles. L,histoire sed6roule dans le Muong de Bahalanagara (grand Royaume ) sous lele rEgne de quatre rois dont les deux derniers p,aya Mulla Tantaiet P'aya Anatta ont regu le nom du premier des deux consid€rdcomme le h6ros d'un roman qui a inspir6 le titre de l,ouvrage.P'aya Mulla.Tantai est, en effet, le premier souverain, qui, par sonintelligence et par sa sagesse, attributs de la puissance d,un roi, a6t6 proclam6 Ekaraja pnr cent.et.un rois voisins. Les princi;nuxpersonnages se distinguent surtout par l,6quit6, la sagesse et lebon sens de leurs sentences et des solutions qu,il ont donn6es aux6nigmes propos6es par certains souverains i d'autres sous peine dede payer tribut. Les transitions des r6cits encastr6s les uns dansles autres rappellent celles du Pancatantra. Les anecdotes du" Mulla - Tantai " mettent en lumiEre la valeur de l,intelligen:e, lavictoire de la force spirituelle sur la force mat6rielle, l,estime qu,onr6serve aux personnes cultiv6es. On 6vite souvent les conflits parson intelligence et un souverain 6claA6 6vite souvent la gue[e ettriomphe par la diplomatie.

Voici un exemple (l) de ces r6cits:" Le Muong de Kolabakamaha Nagara €tait menac6 par des

troupes ennemies qui allaient p6n6uer dans Ie royaume, lorsque leroi P'aya Kolabapakaraja ordonna au g6n6ral Jayasenapati de serendre sur la frontidre i la t6te d'une atm6e pour refouler lesadversaires.

Avant de partir, le G6n6ral donna les recommandations sui-vantes i son perroquet: "Perroquet, surveille bien Ia maison pendantmon absence pour que !,ersonne ne vienne troubler notre domicile,,.

Il adresse les m6mes pnroles i la chienne et ;r soo petit char.g6s de garder la cour de son habitation et i[ partit.

Une ouit au clair de lune, le roi sortit discratement du Palaiset se dirigea vers la maison du G6n6ral. Il p6n6tra dans la cour..La Chieune le vit ainsi que le petit chien qui se mit aussit6t iaboyer. La chienne salua le roi et dit ) son petit de ne pns aboyer,car c'€tait le roi:

."Aboyer [e roi c'est attirer le malheur sur Soi',, dit-elle.

(1) "Mulla-Taotsi", ms. EFEO. Lp. lp. r39.148.

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

44 COURS DE LITTERATURE LAO

Le souverain entra dans la maison de Jayasenapati- Il se d6'

"fr"r*-, i" p"t oqu", le vit et devina son intention' Il se demanda

;;;;;,li fourruit "-pc"h"r le monarque de violer la ,.femme de

;-;;il iont la grdce et la beaut6 s6duisirent le roi' Il se d&ida

"iJirr--a,''ru"orti. ir rin artifice qui lui semblait le plus efficace en

cette occurrence. Et il s'adressa i la chienne en les termes:

"Ma chire amie, nous ne pouvons pas dormir cette- nuit' Je

vais vous conter une histoire 6nigmatique Nul autre que ,le souve'

rain qui est sup6rieur au genre humain ne sera capable de deviner

i.-""n-" a, "o"L dont .,oici te r6cit. Il y avait une fois un roi du

..- i" f"f.r" qui r6gnait sur le Muong de Kolaya'- A ]'6poque;;-J;; [

-,n urqol fi, venir un cultivateur et lui dit: "Tu

i.u" ."-"t'le paddy dans ma rizidre'" L'esclave ex6cuta l'ordre

r-.""f. eptEs t .a-"ill", il entoura le terrain de culture d'une pa''u"'*i". t"f" ne suffit pas. ll devrait tuer les oiseaux qui vien'

Jiaient d6to.er les semences. Il saisit une arbalEte et pdn6tra dans

iu iot6t poot faire Ia chasse aux oiseaux' Pendant son absence' un

"orb"uu "oruitt pour dEtruire les semences' Mes amis chiens' con'

naissez'vous cette histoire? "

Et la chienne de r6Pondre:

-"MAme si je connais le fait en question, je n'eaais pas vous

le dire. Nors sommes en effet Ies anirnaux qui respectcrt le Seigneur"''- ---i" itr" Kolabapaka, au lieu de p6n6trer dans la -chambre

de

l,6pouse do-g6n6ral Jaya, resta devant la porte pour 6couter l'en'

tretien de ces animaux'

,"Le perroquet connait ma veritable intention en me voyant ici'

se dit-il; 1" to"tui Jayasenapati dis son retour- et je prendrai sa

i"*.".- j"'r" dois pa"iouchet ici avec elle, car le perroquet divul-

guera le secret".

Aprls cette r6flexion, le

hitivement qu'il oubliAt ses

aussit6t le Palais.

l,e lendemain, la dame, ayant trouv6 les souliers royaux' fut

"toodLit", craignant la colEre du roi' Le perroquet lui --raconta

* !"i ";;t"i, [s#. La dame l'envoya au champ de bataille pour

en informer son mari.

Jayasenapati remPolta la vicioire aprEs avoir detruit l'arm6e

"rro".i".-- ft 'fit b"r.r"orp de prisonniers et saisit de nombreux

souverain descendit la maison si

souliers dbr a Ia Porte. ll regagna

COURS DE LITTERATURE LAO ,T5

6l6phants et chevaux qu,il emmena avec lui au retour. Il s,arr6tai mi-chemin dans un village avant de regagner la capitale.

-"Je ne dois pas rentrer pr6cipitamment, pensa.t_il, car lesouverain est amoureux de ma femme. Le roi possgde une 6nergiepareille i la chaleur du feu capable de tout brGler i son contact.Il peut me tuer sans faute. Il est pr6f6rable que je le tienne aucourant de ce qui s'6tait 5nss6 entre nous d,une fagon aussidiscrite que possible".

Aussit6t, il envoya au roi un messager porteur d'une lettredont voici la teneur:

'- Sire, J'ai complatemenr dispers6 les troupes ennemies. Commer6sultat de la victoire j'ai pu saisir beaucoup d,6l€phants et dechevaux et faire de nombreux prisonnaiers. Arriv6 dans un endroit,j'ai fait un terrible songr, que voici: j,ai vu un beau lac i l,eautris limpide digne de devenir une piscine royale. Mais en r6alit6,c'est le patrimoine d'un loup. Un lion habitant une grotte voisine,sortit de sa demeure d'or pour venir se baigner dans le lac. Il yrencontra le loup en train de se plonger dans l,eau. Il retourna ison pa.lais d'or bAti dans la grotte, estimant qu,il serait indignepour un roi Rajasimha de se baigner au m6me endroit qu,un loup,c'est admirable ? Je n'ai jamais vu d,6v6nement pareil. Le r6veme fait peur. J'ai donc I'honneur de vous en rendre compte,,.

.. Le P'aya Kolabapaka comprit le sens profond de l,€nigme." Mon officier doit connaitre ce que j,ai faii et il doit avoir peurde moi maintenant ", pensa-t-il Il dit alors au messager de rapportersa r6ponse au G6n6ral:

-"Le songe provient d'un fait susceptible de porter bonheurau G6n6ral Jaya qui peut, en cons6quence, revenir sans crainte,,.

In{orm6 par son messager et persuad6 qu'aucun danger nel'attendait, le G6n€ral rentra chez lui. Sa femme lui montra lessouliers d'or du roi, Jaya chercha le moyen de restituer les chaus-sures au souverain salns que personne en s0t la v6ritable provenance.L'orde fut donn6 de parer richement la route reliant la maison deJaya au Palais royal Ie jour oir I'El6phant Sacr6 sera ramend i laCour apris le retour de la victorieuse bataille. Jayasena mit leschaussures royales sur le palanquin. Le public qui regardaitl'El6phant sacr6 marcher triomphalement portant sur son palanquinles souliers du Roi applaudit fr6n6tiquement en hurlani: .'Si

le

.16 COURS DE LITTERATURE LAO

monarque 6tait en personne au champ de bataille, la victoire serait

plus biillante, rien que la pr6sence de ses souliers suffit cependant

i mettre les ennemis en d6route ".Arriv6 au Palais, le G6n6ral se prosterna devant [e roi et lui

raconta le succds de son arm6e sous l'6gide de la puissance royale'

Le souverain appr6cia vivement le courage et l'intelligence de

l'officier. Pour r6compenser le service 6minent et d6vou6 que son

serviteur a rendu au pays et a lui'm6me, il lui accorda un avan-

cement au grade de Rucijayasena Mahapati administrant un terri'

toire dont le ressort s'6tendait sur mille villages "'Signalons simplement en Passant que "Sieu Savat" est un

recueil du m6me genre dont le cadre et le contenu seul varient' De'

venu orphelin, Sieu'Savat s'embarque dans un bateau pour chercher

fortune. Au cours du voyage. il pGe des questions d'apparence

absurde au capitaine. La fille de ce dernier trouve cependaot en lui

uo honme spirituel, connaissant Ie sens profond des 6nigmes' Elle

l'6pouse. Sieu.Savat devient un grand juge apris avoir gagn6 la fa-

,eu, du roi. Les sentences qu'il rend sont d'une sagesse remarquable,

C - Contes comiques. ' Les contes i rires sont des r6cits

comportsnt des plaisanteries grotesques et parfois mordantes' Les

orod'ucti<.rns du glnre comique d6notent une certaine originalit6 d'oir

i'anciennet6 des contes que t6moigne d'ailleurs la forme archaique

de l" larrgu". "Frlre Sept Jarres" ( AX Cet Eai I est- un ouvrage

"i ,,"r, d-" ce genre' Cltte sorte de Gargantua de Ia l6gende lao'

tienne est l'hisioire d'Ay Cet Eai dont la nourriture exige sept

jares de riz par jour. Le h6ros est un g6ant surhuinain dont l'or'

iio" **r"t ur, -orn"nt de sa naissance est de la taille d'un pilon

iL riz. Les habitants de son village le regardent comme un monstre

qui fait la terreur de tous. L'histoire de scs aventures est impr€'

9o6" d" g.o,".qr.e et de miraculeux: scEnes comiques de la coquet'

ieri" d".l"rrr"" filles et de leur crainte, transports des arbres effec'

tu6s par irtre Sept Jarres sur son 6paule, pouvoirs autant. miracu'

leurx de ses sept comPagnons de route Cl-ingo, Chasseur d'€cureuils'

Batteur de Vent, Grilieur de Beuf, Porteur d'El6phant, Grand Arc-

en-ciel ou Trois Mares, Porteur d'arbre sur I'oreille ), travers6e

d'un fleuve en sautant d'une rive a l'8utre, combat contre les

d€mons, corstruction d'un escalier par Ies huit g6ants pour monter

au ciel afin de se marier avec les ,nymples c6lestes, rupture de

l'6chelle par le vent et mort des g6ants i la suite de leur chute'

COURS DE LITTERATURE LAO 47

"Eua Lan Bua Eet" (Le chauve empoisonn6 ;nr les cham_pignons ) appnrtient au m6me genr€ par

""" i6"it. boriesqoe".

. D,autres contes comiques et m0me satiriques s,adressent i cer-taines clas,ses de la sei6t6 Snur d6peindre ieurs d6fauts: naivet€du paysan, cupidit6 et avarice du bourgeois, autorit6 trop absoluedu roi, @h6s des bonzes manquant ir leur discipline, et les r6citsde m6saventures @ntre les moines sont nombreux. Beaucoup rap.pllent les contes de Bocace.

Le h6roe le plui rus6 mais mauvais plaisant et peu scrupu-leux est _Xieng.Mieng qui correspond i Thmen chei'cambodgienet i Si Thanonchai ( Dhananjaya ) au Siam.

Scction II: LES LEGENDES

- Les l6gendes les plus connues qui en g6n6ral ne portent pasl,empreinte du bouddhisme sont celles relat6es par les ptngsavadanou aalales des principaut€s laotiennee. Voici les principales' chroni-ques laotiennes:

1) Nit'an Khun B6r6m ( Histoire de Khun B6r6m ).Khun B6r6m est le fils d'Indra envoy6 du ciel ;nur fonder le ro-yaume du Lan.xang. L,histoire commence aux origines l6eendairesdu royaume et s'arr6te i l,avlnement du p,raya S6n en fS-ZZ.

Z) - P'dngsavadan Muong Lao ( Annales du Laos ).Le contenu est presque le m6me que celui de l,histoire de KhunB6r6m. On y trouve les contes de Buddhasena et de Cant,a p,anit

3t - P'6ngsayaden Kasat Vieng-Can ( Chronique desrois de Vientiane ). La chronique est pr6c€d6e pnr un r6sum€ del'histoire du I4n-{ane depuis I'av}nement de Fa.Ngum jusqu,il'6tablissement de la capitale i Vientiane en lS30; eli-e s'arr€te en190L

4) - P,un P'ra Bang ( Histoire du p,ra Bang)

5 ) . P'un P'ra K6o ( Histoire de la Statue d,EmeraudeP'raK6o)

. 6 ) - Nit'an P'raya Cuong Lun. . C,est une chroniquedes principaut€s du Laos occidentil pendant les t oi.

--l"rrri.r.quarts du XIIe silcle.

48 COURS DE LITTERATURE LAO

7)- U renganidana" Texte assez h6t€roglne renfermant

a* rt!ai",i."' if Brddhu, des mdtempsycoses' des miracles et par'

ffi fi.ioJ--drl i"o. ", xvt" silcle: P'6th'isarat et Java Jettha

probablement.

A cette liste, on peut ajouter encore quelques - chroniques lo-

""r*i"ri".'"n""'iJ ;i'b"hintdan Muong Ph'u Khieu"

A;;";;;;; e; M"o',g il'i Khi",' I 't Nong san6 (chronique du

i,ffi;il;t s";o i' i p'"tiet" principaut6 s-e trouve- actuellement

;;;i,;i,i "J-oi. ",,,i" Suvannaphum et Khora-t La fondation

;" ;';;;t;;;"ipuotc, "elo" les Annales du Nord' aurait pr6'

"Jaa ""U" d'Avudhil oir se trouve l'6tang de Sano'

Les textes pr6cit6s nous fournissent des donn6es sur les ori-

gines l6gendaires du Muong Lan Xang'

Les dieux et les g6nies protecteurs du Laos comprennent

atU"ii-." p"tit monde Jes g6nies universels cui, lout ,les divinit6s

i" f. -yit.r'f.gr" hindoue et -ensuite

celui des g6nies locaux' D'a-

Irx-f"- lr*"[rie compar6e donn6e par le "Khun B6r6m"' voici

i"-ir.i"'i"" --aZnies (Phi ) qui gouvernent le monde .et dont

iiia"Je -"r""'r." a"ro du

'panth6on hindou a .6t6 .ainsi

6tablie:

i';r"*'ir,lr, Th6n Fa ou Pii Fa ( Indra ) assist6 de l'architecte

;i;i; 'i't*"til;

( Vievakarman); puis les qratre Phi'Then

ii-,"" Crt"f* Lokapata) -gui

gouvernent le monde. et surveillent

le" ho-m". et les animaux qui font le bien ou le mal' Ces derniers

i"i .o* f"t* ordres deux diviuit6s inf6rieures: Nang. Th'orani

iOi"t*f l, d6esse de la terre qui surveille l'eau- des libations et

i,il fi;h;i; i Mani'Mekhala,' d6esse de la mer) qui surveille les

i'l-*i", TL" kr,un ", ,out les hommes qui font le bien ou le mal'

Elles rendent compte aux quatre Lokapala du bien,ou- du- mal accom-

oU *, 1". hommes' Elles sont class6es parmi les "Phi Xy Muong"'

fi"fr ;;;"-d"-lu euta" des frontiBres du Muong i chaque point

;;;i;;i-;";-h pi-rp",t sont des serpents protecteurs du pav:

appartenant ir la race des Naga et d'auues des l.,evat8'

En dehors des "Phi Xua Muong", les autres g6nies locaux sont

les $ il;;; N"k (Nagaraja, g6nies des eaux ) . qui vivent dans les

r"pfa".- l"'.- ri.'ii.es, f le,' cinfl'et't et sur les rochers de leurs

rives. Ce sont des serPents qui peuvent aussi prendre la forme

hurnaine.

La fondation du Muong Lan'Xang serait le r6sultat du partage

a". aI- -uooe -fuli

par les P'r6m inf6rieurs (Brahma)' C'est la

@URS DE LITTERATURE LAO 49

th€orie de la coamogonie bouddhique. Selon une autre hytrnthlser6pnndant aux traditions indochinoises, la d6limitation des {ronti}resd, p"y. serait l'euvre de deux rusi (rsi), ermites du nom deThong et de Lvadarasi.

Bien avant l'arrivde des deux saints i l,origine de la pdriodecoemique, le ciel et la terre communiquaient, Le royaume cElesteavait i sa t6te le P'raya ThGn, sur terre l,humanit6 orimitive6tait gouvem6e par trois Khun (chefs): Une dispute avait lieuentre le roi du ciel et les trois chefs de la terre. Le premier fitinonder le monde d'en bas par un d6luge. GrAce i un iadeau, lestrois derniers purent monter jusqu,au ciel et obtenir le Snrdon dudieu qui les renvoya sur terre avec un buffle "oa-" "uj"".r.A leur descente, les trois Khun se fixErent ir Na Noy Oy Nu( Muong Th6ng ). AprEs trois ans, le bufle mourut. Une liane poussade ses narines Inrtant trois courges. Un des Khun du nom deKhun Pu Lan Xeng, ayant entendu du bruit dans les courges ii leur maturit6, perga les fruits i l,aide d,un fer rouge puis il'aide d'un ciseau. De nombreux hommes sortirent pu,

""a o..lr"rtua"a,ceux soitis les premiers par les lrous du fer rouge sont noirs etportent des cheveux en chignon, et ceux passant lnr les entaillesdu ciseau ont le teint clair et les cheveux couits. Les premierssont les Kha et les seconds les Thi. Telle est l,origine dls deuxraces qui peuplent [e Laos.

Le Khun Pu Lan Xoeng enseigna aux fils de ta courge Iaconstruction des maisons, les rites du mariage et des fun6railles, lerespect des parents et le culte des ancEtres. Les hommes se multi-pliirent. Les trois Khun ne suffireot plus pour les gouverner. LeP'raya Th6n leur envoya encore deux Khun qui, pour leur incapa-cit6, furent plus tard rappel6s au ciel.

L'histoire des deux rusi susvis6s commence a p,artir de cette€poque. Aprls avoir fix6 les limites des Etats d,en bas, I,ain6 desermites monta au ciel pour demander i Indra l,envoi d,un sage chefcharg6 de gouverner les royaumes t'ai. Le p,raya Th6n expddia surterre son fils Khun B6r6m. Plus tard Indra fit couper le pont derotin unissant le ciel i la terre. Depuis ce temps, les dieux et leshommes ne communiquent plus ensemble.

Une liane 6norme poussa de la terre et couvrit tout le ciel,cachant ainsi la lumidre du soleil. Pu Thao yoe et sa femme M6Ya Ngam qui €taient descendus du ciel en m6me temts que Khun

50 COURS DE LITTERATURE LAO

B6r6m, faisant Snrtie de sa suite, acceptlrent de couper la liane icondition qu'aprls leur mort on leur donndt des offrandes et qu'ils

fussent invoqu6s au commencement des repas et des autres occupa'

tions. L'engagement fut tenu de part et d'autre. Il liane fut cou1t'e

et le soleif redonnait de la lumiire pour 6clairer le monde des hom'

mes- Le souvenir des 6poux est de no! jours 6voqu6 dans l'usage

au moment des repas et des occupations de dire : "Ma Yoe; Kin Yoe"(venez, Yoe; mangez, Yoe ). On a l'habitude d'appeler les 6poux par

leur uom familier : Pu Yae, Ya Yae. I[ en est de m6me au cours du

nouvel an dans les dansses de Pu Yoe, Ya Yoe oir les acteurs por'

taDt d'6Dormes masques repr6seDtant les 6poux et l'6l6phant de

Khun B6r6m iouent le r6le des personnages de la l6gende'

AprEs la mort de Khun B6r6m et de ses deux femqges des'

cerrdue" du ciel en m6me temps que leur mari, les sept fils des

d6funts, quitterent Muong Theng ( Dien'Bien'Phu ), apris avoir adress6

de po6tiques idieux aux champs de ce centre de Na Noy Oy Nu,

berceau de leur race pout pren&e chacun la direction d'un des sept

futurs toyaumes indochinois assign6s par leur SGre dont ci-8prEs

l'6num6ration (l):- Muong Xieng D6ng-Xieng T'ong ( Luang Prabang ) pour

Khun Lo;- Xieng Khuang ( TrAn Ninh) pour Cet Cuong;- Ho ( Yunnan ) Pour Yi Pha Lan;- Prakan ( Annam ) Pour Cao Cu XonS;. Yuan (Xieng'Mai ) pour Cao Sai Fong;- Si Ayudhya (Siam) pour Cao Kham Phin;- Hongsa ( P6gou) Pour T'ao Lokkom.

Les deux premiers muong constituent les principaut€s laotien-

nes ( muong lao). D'apras la charte de VatKlo faisant partie de

l'histoire di P'ra Bang (P'un P'ra Bang), le mot l&o peut 6tre

celui de Khun Lo et celui du mot. pali alt6r6 labu (courgel de-

venu l8o ( gens n6s de la courge ), par m6taplasrne (chute de lavoyelle u et changement de b en vl. Le nom de Khun Lo, selon

Itcriture, peut aussi se prononc€r en effet Lao qui doit 6tre d'ori-gine KhmEre et qui signifie: "Beau, bien, bon'.

Le Muong Xieng D6ng Xieng T'ong dont la caPitale 6tait

Luang P'rabang 6tait occup6e par une tribu Kha. A l'6poque Ju

paruge des Etats par les deux rusi, les autochtones 6taient donc de

ru"" khu, Lu nom du Muong provient d'un arbre gigantesque Mai'

(1) L. Fiiot, op. cit. BEFEO XVII. Farc, V, pp 161 ' 162'

I

COURS DE LITTERATURE LAO 51

T'ong se trouvant au confluent du Mdkong et du Nam-K,an et decelui d'un petit ruisseau Nam D6ng au Sud de Luang prabang. Lesermites avaient choisi cet emplacement pour l,installation du centredu muong de Xieng Dong Xieng T'ong. Ayant plant6 des bornes,ils les avaient arrosdes d'eau c6leste dont le reste fut conserv6dans une glotte sur la rive droite du M6kong en face de l,embou.chure du Nam K'an. On appelle cette grotte "Tham nam t,ieng,,( grotte l l'eau stable ), parce que le niveau de I'eau en resretoujours le m6me, C'est cette eau qui sert au sacre des rois,

Khun Lo fut maite du royaume aprEs avoir chass€ Ie Chefkha. Le Muong s'apprelait aussi Muong Xua ( Java ) du nom deKhun Xua, fils et successeur de Khun Lo. On l'appela 6galementMuong Xua Lan Xang ou simplement Muong Lan-Xang du nom del'emplacement de la capitale rappelant un pAturage (lan) des 616-phants (Xang) repr6sent6s 1nr deux montagnes: Ph'u Xang Luanget Ph'u Xang Noy r 14or, du Grand El6phant et Mont du PetitEl6phant I se trouvant l'une au Sud et l'autre i l'Est de la ville.

CHAPITRE IV

LES TEXTES BOUDDEIQUESLa litt6rature religieuse est la plus riche de toutes les bran-

ches de la litt6rature laotienne dont elle constitue un imporrantnoyau. La litt6rature bouddhique, qui occupe une place importantedans l'enseignement religieux, exerce sur Ia masse du peuple Laoune grande influence dans le domaine de l'6ducation morale. Ellecomprend les textes canoniques et les ouvrages extracanoniques.

Section premiAre: LE CANON

La litt6rature canonique est repr6sent6e par le Tripitakat canon bouddhique ) comprenant trois collections: Sutta ( DiscourslYinaya ( Discipline ) et Abhidhamma ( Dosmatique ).

Aux livres canoniques, nous pouvons rattacher les ouvragesde compilation ult6rieure comprenant les hymnes et les sermonstir6s du Tripitaka et constituant ce qu'on appelle le Paritta(Parittam:.

e. Tripitaka.. De nombreux textes pali ont disparu. Onn'en trouve plus que des traductions, des gloses (nigSay8) ou des

52 COURS DE LIT'TERATURE LAO

briber pali De servant que de pr6lude i de- longues amplifications en

langue vulgaire, des commentaires t Atthakatha, tika, yojana l,des surcDnmentaires et des r6rum6s'

Le YinayapitSka comprend I'ensemble des textes discipli'naires qui rtglent la conduite ext6rieure des moineg. Les ouvrages

concernant la disciptine des religieux sont nombreux.Ils sont group'6s

dans les cinq parties du Yinayapitakt, ( vinai ha ):

ParajikaPacittiyaMahavaggaParivaraCullavagga.

Le texte canonique du Vinayapitaka est en pali. D'autres ou'vrages repr€sentent les uns der gections ou des chapitres isol€s du

Vinaya ei les autres des gloses, des commenhires et des ruanuels

divers: abr6g6 du Vinaya (Vinai rom), formulaire de la confession

pubtique t Patimokkha ), formulaire des actes liturgiques ( Kam-may;ca ), c€r6monial de l'ordination ( Buat nak ).' Les plus

connus des surcommentaires qui pr6sentent un int 6r6t particulier pour

I'histoire de la litt6rature laotienne sont les commentatres de laSamantapasadika de Buddhaghosa ( commentaire classique sur

le Vinaya), lesquels jouissent d'une grande faveur en Birmanie d'oir

ils ont 6t6 introduits au Laos. Ce sont:

1)- l8 Saratthadipani par Sariputta de Cevlan t XIIe siicle )

Z t- la Yaiirabuddhitika par Vijirabuddhi de Cevlan( XVe siCcle );

gl. la Vimativinideni par Kassapa ee l'Inde du Sud'

La collection des ? pakarana de l'Abhidhamma (Ad'

hidhamrna Cet KamP'i ) comprend aussi les trait6s s6pa'r6s: livres

canoniques, sommaire du texte, commentaires et surcommentaires'Voici les sept parties de I'Abhidhamma:

Dhammasaris gani (ou Dhammasari gini)VibhangaKatthavatthuPuggalapannatti ( ou Puggalapanatti )DhatukathaYamakaPatthana

COURS DE LITTERATURE LAO 53

Il est I noter que l'ouvrage d'Anuruddha de Ceylan iotitul6Abhidhammatthasangaha fond€ sur les T livres de l,Abhi.dhamma existe i [a suite de la grammaire de Kaccayana sous letitre de SaddhasangahS comme dans un manuscrit de Mandalay.

Le suttapitaka comprend cinq nikaya suivants:

Digha -

AnguttaraMajjhimaKhuddaka

Samyutta ou Samyuttaka

Tandis que les suttante des 4 premiers nikaya sootdispos6s suivant un certain ordre, le dernier nikaya comprend lesceuvres diverses et ind6pendantes sans aucun lien inteme et decaractlres assez diff6rents, les uns €tant en vers, les autres enprose et le reste du genre mixte. C'est ainsi qu,on trouve denombreux AUttA inddpendants qui se trouveDt i t,6tat isol6.B3augoup de textes de cette section de Pitaka passent dans leParitta. Les plus_ irbportants des nombreux our."gi, faisant partiedu cinquilme niksya sont ceux formant les collections duDhammapada, Cl) du Buddhavamsa, des anthologies etdu Jatakam. k Theragatha et la Therigatha consrituentIes anthologies po6tiques des religieux et des religieuses. La pct'siedes nonnes trouvent plus de faveur que celle des PEres de l,Eglise.A celte cat6gorie nous pouvons rattacher la Suttasangaha,snthologie fond6e sur les textes du Suttapitaka que la traditionbirmane compte parmi les 6l6ments du Khuddakanikaya avec Mi-Iindalanha ( Questions de Millinda ) (z), le Netiipakaranaet le PetakoDadesa.

(f) Cf. F. HU, "Lc Dhrooapada,, ( Bibliothlqu! Oricatalc Elz6v6ricanc,E. Lcroux, Parir, 1878 ).

(2) Cf. L. FINOT, "Lcc euestioor dc Milida,,ct E. SPECHT .tP. PELLIOT, pour ler vcroioa: chiDoir€r. C,aet uaa r6ri. de dialogucr entrc lcroi Milinda et lc rooioe Nagascaa lut ccrtaiDs poiDt! de la doctrinc bouddhiquc:rialit6 de l'iodividu, idcDtita dc la Fttoouc, ctictcrcc dc l,lae, a6tcoprycor,LarEa, !aE.sra, trilelDa, ctc. . . Cettc joutc dial.ctiquc c.t tras appr6ci6c daDrc. Eilicu laoti.!. Oo r rccoouu dapuia loDgtelop! pur Ic ooo iadico Miliodalc roi grec M6oendrc qui a 16g!6 .u lc panjab vcrr lc Ilc silclc avaot J.C.coErltc .tr taEoigscnt d'aillcun lcr cobl&oer de !r. Eoonlic!. MasrodrcEalilcatr pottr laa idaaa at lq crorrauccr dcr sujcta irdiclr du royruociodo.grcc ul iot6ret ryED.thiquc qui lui v.lut ulc lrrgc ct duiblc aopulerir!.

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

54 COURS DE LITTERATURE LAO

Le jatakam, collection de r€cits sur les vies ant6rieures du

Buddha 'Gotama,

constitue le noyau central de toute la litt6rature

bpuddhique du Laos. Il comPorte des r6cits de toutes sortes:

"*,.. ,rrorur*, comiques, satiriques, paraboliques, fabliaux, etc" ' qui

[rarquent les diff6rentes 6tapes qu'a traversd-es le Maitre dans sa

longue carridre de Bodhisattva en Passant par les diverses conditions

de "la vie animale, humaine ou divine. Les r6cits en vers (gatha)

revetent le calactlre de texte canooique, ceux en prose celui de

commentaire. Le Jatakam comprend 22 nipata (mahanipata)'Cette collection qui a 6t6 traduite en laotien est connue sous le

nom de Ea roi xat t cinq cents jataka ). Le livre XIIe du Jata'

kam f mahanipata ) lorme une collection particulilre des Sip-xat(Dix jataka ). -Ell"

""t la plus c€libre et Ia plus appr6ci6e des

";[*,i;-;;. i"tat a. Des dix jataka, le Yessantarajatakaest le plus r6findu en pr€dication et en images comme sujet de

pr6dileciion des milieux bouddhistes qui l'utilisent )L des fins

6difi"nr"., tant pour certaines c6r6monies religieuses que pour les

fresques murales des monastEres (Vat), On en trouve 6galement

des chapitres sdpar6s de mdme qu'un r6sum6 de l'histoire en abr6gd

dans l'ouvrage intituld Mahajati rom.En dehors des deux collections pr6c6dentes nous poss6dons

encore un recueil des jataka du titre de IIa sip xat ou Pan-nasajatakam ( cinquante jataka)' La recension laotienne du

Panna-sajatakam correspond i peu prls i celle en pali des collections

birmane et khmdre a.'ec quelques diff6rences ielatives au titre des

jataka et i l'ordre des r€cits. La collection birmane publi6e I-Rungorn

sous le titre de Zimm0 Pannaga aurait 6t6 faite

d'apris un manuscrit Provenant de Xieng-Mai'De nombreux jataka existent i l'6tat isol6 sous les titres

divers en langue vulgaire ou en langue litt6raire d6signant l'6tat

de Bodisattva: animal, roi (raja) prince (kumara), sage (pandita )'

riche bourgeois (setthi), etc... Tels sont par exemple les jataka

ci-apris: Mk noi (le petit oiseau l, P'raya K'an K'ak (Le roi des

crapauds ), Punnakasetthi (Le richard Punnaka), etc "B. Paritta. - Les paritta (sk. parita ) ou manta

(sk. mantra) sont des formules magiques g6n6ralement en vers

oali ( satha ) tir6es des textes canoniques qu'on r6cite pour se

pr6r"rri, contre les diff6rents dangers qui menacent la vie

i,umaine, maladie, disette, morsure des serpents, incendies, etc.'"'Ll"rr"i"rrrr. collection des paritta connue sous le nom de Parittam

COURS DE LITTERATURE LAO 55

s'est grossie d'6l6ments nouveaux de composition plus r6cente ensorte que le Parittam occupe une p1""" irrt".-idi"ire entre tecanon et [a litt6rature postcanonique.

La composition du Paritam varie d,unselon le nombre et la nature des morceauxrecueil. On reconnait trois types de ces recueils:

Sattaparittam ( Les Z paritta IDvadasaparittam ( Les 12 paritta)

manuscrit i l'autrefaisant I'objet du

Catubharanavaram ( Les 4 bharanavara )La collection laotienne pr6sente quelques diff6rences dans la

disgrosition des pafitta avec celles du Cambodge et du Siam.La r6citation du texte sacr6 est pr6c6d6e pa.r une invitation

aux d6it6s ( devata I qui subissent ainsi l,e{fet du pnritta. Les dieuxet g6nies qui contr6lent les forces naturelles interviennent a la suitede I'invocation pour ex6cuter les voeux. Les textes r6cit6s sont aussiconnus sous le nom de sut (sk. sutra, r6citation). On trouve uneautre collection de Parittam c,est-i-dire une seconde classilica.tion des Paritta formant trois recueils de Sut:

Sut m6n noy ( Petite R6citation )Sut m6n kang ( Moyenne R6citation )Sut mdn nhai ( Grande R€citation )

La plupart des paritta ou sutta de Ia collection du parittase retrouvent 6videmment dans les trois derniers recueils gut dontle Sut m6n nhai est le Patimokkha rtr.

En dehors de ces trois recueils de aut, il existe encore d,au-tres sut ind6pendants dont ci-aprds les principaux: Sadda (Sadda.sutta), Bodhisattva, Iti pi s6, Ban t6n, Catuvik ( Catuvisati-sutta ),Dibbamanta, Uppat tr€t pnkan t Uppatasantipakaranam ). Ce sont no.tamment des litanies, des versets, des formules de b6n6diction dontla vertu est d'6carter surtout les calamit6s ( uppata ).

Section II: LF,S OUVRAGES POSTCANONIeUES

La lit6rature religieuse para et extracanonique est coDstitu6epar des ouvrages bouddhiques sur les dieux, les buddha. et les saints,les lieux de culte, l'enseignement. doctrinal, les m6rites et lesd6mdrites

(1) Su. le PatiooLkha, Cf. le patiootrhar0tra dea Sarvtdiar dc L. Fiaorct la yer.ioo cbiDoise de Karro&a jiva ttadurre prr E. Huber (Jouraal A.i..tique, Noe. Dec. !913, pp. {65. SSg).

56 COURS DE LITTERATT-IRE LAO

Le bouddhisme accorde un r6le trls effac6 aux -dieux dans

r"" ..ovu.*" comme dans les l6gendes' Cependant Indra o"c"pe

;;;;-i;*;t"nt" du". le domaine litt6raire' En efiet' il est

".*rIJ ".-'-" -

,.,n" .orr" de Providence' Il est le protecteur des

ilffi; J;;:- Il iuuoti"" les bons et punit -les .

mcchauts C'est

"" il"" ir""r"ulant et juste qui fait r6gner I'ordte, la justice et

h- ;; ;" le monde. C'est pourquoi de nombreux -orrvtages sont

lLl""tc"-], ";";; des dieux tels que : Histoire d'Indra' Histoi'

;;;i;;"-;,;ttogeant le liEvre, Indra parcourant le monde' Ques-

it" ir"a*, Indrl ordonnant la chute d'une 6toile'

Les l6gendes hagiographiques qui parlent 9" l1,"iu ,des

sainti

intcr"o"ri--ptr" I'imlgiiotion - populaire que les l€genJes divines

noi"i."", ielles qui lr6disent l'aveoir comme les ouvrages concer'

nant Ie Bodhisattva Maitreya.Parmi les histoires des autres saints: Ananda' UPagutta (1)

Maggalana, celles concernant ces deux derniers sont les plus popu'

i;1t"":,;;;;""; la description du monde c6leste et celui de I'enfer'

il; Mili comme Moggaluna, a fait le voyage. dans. le monde des

if."" .i "'rrisit6

ensuitel'enfer' T6moin de la b6atitude qui rEgne au

p"t ai" ", des supplices terribles ir l'enfer, P'ra Malai' i son retour

.rti"tt", ,t"rt."i les uffreuses nouvelles des cpndamn€s aux peines

tri";;;h e 1",rr" pur"n,. i qui ild ont recommand€ la pratique des

oeuvres mEritoires notamment les actes de charitd

Les r6cits des saints au Nibbana (sk' Nirvana ) sont aussi tres

.oore"ie..- no,u-*ent ceux de Gavampati, d'Ananda' de Mahakassapa

de Sariputta, de Dabba et de Bimba'

(1) cf. DUROTSELLE (BEFEO. VI, p' 4U)' L',hittoire d'uPasutta P!6ten'

te uae ce aiDe lelatioo avec la l6te d'illumination des stuln co Novembre ( 12 moir )

etduM6longil,occasiondelaf6tedeseaux(coursedepirogues)enoctobre(lli Eok ), Elles eat tras coaBue eD Basse'Biraaaie oir tous les aal' au mois

de D6ceobre, a lieu eo soa houeur une grande fetc apPel& Ia "F€te des Lwoilres"'

La l6geade rapporte qu'au g6u6 de la f6te de d6dicace d'ua graod stupa blti sur les

bord" du G"og., le roi Agoka lut troubl6 daos l'exercice de ra pi6t6 Par Mara ( dicu

de l,aloour, du pech6, de la mort), Tout le p€uPle et une foule imraeose de aoiocs

a'aaseEbllretrt pour rendre hoooage au ooounert entour6 Pat ua eaclos dc laoDcr

qui brdlirent brillaomeat. Mara luscita veot et Pluie Pour dteiodre lee laopel et en'

tra""r le" boo-r8." au stupa. Le Theta UPagutta ioterviat pout lutte! contre Mal.'

Agola, lc premicr eopercur dc l'Isde r'gaalt I PataliPutn ( Pat[a)' Petit'filr dc

Chaodragupta Mawya' 6tait l. glDd protectcur ct'lc Yulgtiratcu du bouddhilE '

COURS DE LITTERATURE LAO 57

- Il_ est est i noter que Ia l6gende de Jambupati offre un int€r6t

particulier par la qualit6 de sa composition. Jam-bupati, roi d,Uttara.pnncala, suzerain de cent-et.un roi vassaux, 6tait iun des plus puis.sants souverains du Jambudvitrn. Malgr6 son orgueil bas6 sur l,-id6ede sa haute puissance, le Buddha pai-vint i t"

"-o"ririJ *-iri rnon.trant i plusieurs reprises sa miraculeuse puissance. Le Buddha s,6taittransform6 en Rajadhiraja (Roi des rois) auquel Jambupati vint ren-dre hommage dans sa merveilleuse cit6. II lui fit ,,oir 'l,enfer et leBuddha reprit sa lorme naturelle. Et trnur parvenir au Ni.ua.ra Jam.bupati demanda son ordination. Cette

-l6gende justilie le f.i d,_,

"o"_tume royal des bouddhas par6s qui reppr6sentent ainsi le Maitre sousl'aspect du Rajadhiraja. Elle apporte Jonc un 6clairciss"."oi i.por-tant i l'6tude des images bouddhiques faisant l,objet de Ia scienceiconographique.

. Apris _les

l€gendes hagiographiques, les r6cis d,ordre religieuxles plus go0t6s sont les histoires des reliques du Buddha. Les reli-quesen question sont les restes mortels du Maitre (Dhatu, sarira ): dent,cheveux, clavicules et autres parties du corps et les souvenirs mat6.riels du passage du saint sur terre: empreintes du pied (pada), objetet usteDsiles divers appartenant i l,omniscient Maitre ainsi que lestraces de ces objets sacr6s. Il existe d,assez nombreux ouvragesconcemant les_ reliques, tels que ceux relatifs i la dent de Ceyllan,aux cheveux de Rangoun, i l,arbre sacr€ de Ia Bodhi de Ceylan, auxempreintes du pied du Bouddha, aux stupa abritant les reiiques deforme g6n6ralement pyramidale, tronconique ou semisph€rique: ShweDagon dela r6gion de Rangoun (Birmanie ), .trpu i" Rangor.r, etde Xieng Rung ( Birmanie ), de Phnom et de Xien! Sen ( Siami d,Ing.Hang de Savannakhet et de Th,at Luang de VLntiane (Laos). La"Sangruam dhatu" ( R6union des r-eliques ) ."t ,n" pr6di"tioodu Buddha relative ) Ia d6cadence de la docirine pendant [a dur6edes ciuq.mille ans de la religion bouddhique dont la fin sera marqu6epar la r6union miraculeuse des reliques au pied de l,arbre sacr6.

Le reste des ouvrages de la littErature extracanonique est cons-titud pa! des trait6s de doctrine et de pi6t6: abr6g€s de doctrine,traitd de cosmologie, notions de doctrine, oeuures de perfections etde m6rites, textes de rdcitation, etc.... Le plus cellbre abr6g€de docr.rine est le Vigguddhimagga de BuJdhaghosa ( La voiede Purification ). Les trait6s de cosmologie sont ceux qui parlent des;nuvoirs sprrituels, €l6ments spirituels de I'omniscience, mdrites du

58 COURS DE LITTERATURE I'AO

Buddha, Classif icatioD des 6tats psvchologiq-ues' Pr6dication *ligl::-1":

Emotion religieuse, Instruction abr6g6-e' Les manuels. de Perlectlons

ii;"ioai i-t u et des m6rites t Anisamsa I sont les plus appr€'

ci6s parmi les sermons.

Les textes sur les actes avantageux ( anisamsa ) font connaitre

Haei i". u."ianl"tes de l'Indochine et les aspirations qui dictent

il;"iii l" prei!' ,"r" que les aum6nes et offrandes sous forme de

il;;.. -;;

borsies, de nourritures et de vatements' Ies observations

i". ,ic."t"" i"ligieu* ( sila ), les copies et les rEcitations des textes

au"rea, ",".. Les avflntages que Plocurent ks divers,actes pieux

*ont pr6uo. par ces textes ( song, anisamaa)' "Les hommes qul

"r"""'.* de" fleur" de toutes sortes: fleurs de cocotier' de jasmin'

i;;;il;" ; corail, de lotus, d'acacia, etc " et en font hommage au

il;il, ";til.ma, au Sangha, ir un cetiva' i un arbre.de .la

Bodhi'

;-;;;;;., -*

grand prorit' S'ib souhaitent obtenir la dignit6 de roi

Lfff;;;;i *rr"i r"" ^hommes, ils l'obtiennent; la condition de deva

ffr'i "Uf*ti".rt la condition de roi des dieux ils I'obtiennent; la con'

il,b. a" sr"i;"a, ils I'obtiennent, Ie Nibbana' ils l'obtieunent; oir

"";li. .iff*,, ils sont honor6s des hommes et des dieux"' dit l'auteur

lu ; Son* Dok Mai" (Fruit de I'offrande de fleurs) dans un passage

de cet ouvrage (2 ).

I1 faut classer dans Ia catdgorie des song les textes dont la

,"citJ* .rffit ) procurer les a"antages souhait6s par .le {iddle et

dont volci les priniipaux types: Cundasukarikasutta' Unnas'savijaYa, P-et mun et Lem Luang'

Le Cundasukarikasutta comprend les litanies "Iti pi so" et un

Ctog.1', -."i" .or. tottn" de i6cit relatif i Bhammikapandita qui

r""?f,1" ciel pour avoir enseign6 le Cundasukarikasutta aux dieux

;;; ;;tt";,;1'6tat de Budiha Gotama aPres un certain nombre

d'existences.

L'Unhassavijaya a pour but de procurer de- la long6"it6

;, ""tri q,-,i r6cite le

-sutta comme moyen de pr6servation contre les

Lfm,e. et Ia loi du Karma. Voici ce que dit i ce sulet la formule

( gatha ) i r6citer: (3 ).

"Il y a le Dhamma Unhassavijaya, sans parei]dans.le monde pour

t'utuntu-gl i" tors les 6tres: reqois'le' d:lu llul lui)' on 6chappe

aux chAliments royaux, aux d6mons appel6s Phl' aux tigres' aux

;;;;;, au poisr' qu'on a ing6r6, ir la mort pr6matur6e; on est

(1)(2) cf.J. Breoguer, "Un Petit Bo€uf" ( Coates ct Ligcades du Pavr

laotieu), PP' 27 ' '11'(3) Cl. L. Firot, Op. cit' BEFEO xvu fisc' v' 9' 76'

COURS DE LITTERATURE LAO 59

affranchi de toute auue mort que la mort en temps normal. par lapuissance de ce dhamma, que le deva soit torjn,rrs her.eux;

. "En se_ soumettant aux prEceptes du Buddha et en pratiquantsa loi, par la puissance de ce (dhamma), que le deva soii toujoursheureux;

_ "En _ honorant, m6ditant, rdcitant avec respect les Ecritures, en

Ecoutant l'enseignement des textes sact6s, on accroit Ia dur6e de saue;

."En rendant hommage au Joyau Buddha, remdde supr6me etexcellent, salutaire aux dieux et aux hommes, pu, lu iri"*n""bienfaisante du Buddha, que tous les accidents t,€frrgn;ni

"t qu"tes douleurs s'apaisent;

.''En rendant hommage au Joyau Dhamma, remede suprEme etexcellent, qui calme [a souffran,e, par la puissance bienfaissantedu.Dhamma, que tous les accidents t;6purgrrent et que t;; mahdiesgudrissent ;

.''En rendant hommage au Joyau Sangha, remdde supr6me etexcellent, digne d'offrandes et d,hospitalit6, pnr la puismnce bien_faisante du Sangha, que tous les accident. i,6pu.gn"nt et que tesmaladies gu6rissent,,.

, Le Lem Luang ( grand volume ) et le p0t Mun ( LesQuatre vingt mille ) c,est.i.dire les 84.000 Dhamma-fhandhaou unit6s que renferment Ie Tripitaka sont fond6s sur l,id6e qu,enr6citant le titre d'un texte religieux on assimile tout le m6ritedans la r6citation du texte entier.

L'ouvrage intitul6 Saddavimala pr6sente un certain pointcommun avec les textes de r6citation ayant pour effet la suppres.sion des p6ch6s. En effet, les Z trait6s de l?bhidhamma qui pr6.sentent chacun un rapport avec les sens ( la vue, I,ouie, le gt0t,le toucher, et l'excitation de l,esprit ) et ave. un septiem; 6l6mentqui est la chaleur vitale ou le souffle ont le pouvoir d,effa-cer Jes p6ch6s commis au moyen de la fonction orjanique corres_pondante. Mais le trait6 m6rite une place i part, 6tant donn6 l,esti.me que lui accorde la classe des gens cultiv6s du Laos. C,est unecompilation en langue laotienne de date inconnue. Rien n,indiquequ'elle soit traduite d'ua original pali.

. "Le Saddavimala, dit L. Finot, se donne corDme un manuel il'usage des religieux Yogacara, c,est-i'dire qui s,adonaent ir" p.u.

@ COURS DE LITTERATURE LAO

tiques mystiques du Yoga. Il se propose de leur fournir des. thlmes

iil""a.i"-iear,uiio, tihi,a,,B,). -Cei

thimes sont assez vari6s: ils

;;; i. *orul", la phvsique, l'anatomie' la physiologie' l'em-

i*olorl" et avant tout, Ia grammaire Bien entendu' la connaissauce

;;;;;a i. ,"s 616-"nt, "1

d" t"t fonctions n'est envisag6e ici que

;;-;;'L";" des exercices spirituels, et Ia grammaire n'est qu'un

-^r"i""i"a Dour atteindre ) une connaissance transcendante des

r"pp.li'" qr,'.*istent entre les sons, l'homme et l'univers' O-n trou'

r"-ia r"" s6rie d'op€rations qui rappellent curieusement Ies pre'

-'l"ri ieg"i"*"ots ie Ia p"n"6" it'ditt'n" dans les Brahmanas' Il,, ".t *.-iu.qu'?, Ia thlse de la cr6ation de membres par les trai-

ii. aJ ieir-,,iarr"mma qui n'6voque le souvenir de Ia vieille thdorie

i;"ore" f"u""ff. les oblets ,," to"t qu" l'6cho des.mots du Veda

Jt"in"t. C.. conception; singulidres, bien que la r6daction soit pro-

UuUt"rn"", assez r6cente, plongent donc par leurs racines dans une

tradition fort ancienne, dont il n'est pas sans int6r6t de constater

;;;;;i;;""" jusqu'iL notre 6p<xlue au sein des communaut6s boud'

dhiques t 11.

CHAPITRE V

LES TRAITES TECENIQUES

Plus austdres sont les livres d'enseignement g€n6ral et les

trait6s essentiellement techniques. Ils comportent des ouvrages sur

la grammaire, la m6trique, la lexicographie et des trait6s -essentiel-Iement techliques, les glstra tels que le dhamragistra tdroit)' le hora'

gistra (manciel, Ie vaidyagistra ( m6decine ) etc"'Les manuels de grammaire ou de m6trique et les lexiques cons'

tituent bien une partie annexe de la litt6rature canonique, puisqu'ils

sont destin6s i 6ire appris par cceur afin de rendre le disciple ca'

pable de p6n6trer Ie sens de la Parole du Maitre, qui est enseign6e

en pili dans les communaut6s religieuses. Le nombre des ouvrages

de 'grammaire ou de lexicographie est particulidrement remarquable'

L. llupart d'entre eux, comme certains textes religieux, auraient 6t6

introduit" du P6gou au Laos entre les XIIe et XlVe siEcles' Il va

de soi qu'ils ne sladressent qu'i un nombre restreint de lecteurs'

Section Premidre : LA GRAMMAIRE

Les manuels de grammaire, comme ceux relatifs i la versi'

fication et les lexiques, peuvent 6tre consid6r6s comme une partie

(1) Cf. L. Filot, oP. cit. BEFEO XVII, faac V, p 77

COURS DE LITTERATURE LAO

annexe de Ia litt6rature canonique. Ils sont, en effet destia6s i€tre appris Ixrr cceur pour p6n6trer le sens de la Parole duBouddha enseign€e en pAli dans les communaut6s religieuses.

A cet effet, Ies sutta de Kaccayana constituent la base deI'enseignement grammatical. La collection laotienne est connue sousle nom de Sut Sadda et comporte huit fascicules s6par6s repr6-sentant les 8 chapitres de l'ouvrage ;

Sandhi teuphonie ), Nlma (nom), Karaka (cas), Samlsa ( com-pos6s), Taddhita ( suffixes secondaires ), Akhyeta (verbe ), Kita( Suffixe primaires ), Unadi ( suffixes particuliers).

Il existe de nombreux ouvrages grammaticaux dont la plupart,comme d'ailleurs un certain nombre de texles religieux, auraient6t6 iatroduits du P6gou au Laos entre les XIIe et XIVe siEcles. Voiciles principaux trait6s pouvant 6tre attribu6s aux auteurs birmans etsinghalais:

Le Suttaniddesa de Chapata ou Saddhammajotipala, trait6grammatical le plus ancien dont l'auteur est un moine birman dePagan ( XIIe sidcle ) ;

Le Sappaphet accompagn6 d'un nissaya et d'un commen-taire corresprondrait au Saddathabhedacinta connu lxrl sontitre abr€gt Saddabheda et attribu6 i Saddhammasiri de Pagan(XIIe - XIIIe siicles ) ;

Les Saddabindutika, commentaire sur le Saddabindude Kyazwa, roi de Pagan t 1234);

Les Kaccayanasara - samvannana, commentaire surle Kaccayanasa r6sum6 de Kaccayana compos6 par Mahayasa auP6gou ( XIVe siicle ) ;

Le Subodhalamkara, trait6 de rhdtorique attribu6 i Sang.harakkhita de Ceylan (XIIe siicle .

Section II; METRIQUE ET LEXICOGRAPHIE

Citons Ie Vuttodaya de Sangharakkhita de Ceylan (XIIe siicleltrait6 de m6trique pAlie et ses nombreux commentaires.

Quant au lexique pAIi - laotien, il n'en reste plus que le pre.mier fascicule d'Akkharasap de la classique Abhidhanap-padipika.

61

62 @URS DE LITTERATURE LAO

Sectron I[L' CASTRA

Cette branche de la litt6rature semble 6tre pauvre du fait que

la collection publique ne comporte qu'un nombre restreint de ma'

nuscrits de "" g"rrt" rBibliothEque royale de Luang Prabang et Bibli

othique de I'Ecole Franqaise d'Extr6me'Orient )' II est a noter cepen'

dant que de nombreux trait6s techniques sont pr6cieusement d6tenus

pu, 1"r.,r" possesseurs qui n'enseignent pas leurs sciences comme les

moines.

L'ancien code intitulE " Ratthasat " ( P. ratthasittha )

ou Kotmay lao est I'une des principales sources des anciennes

coutumes: mariage, divorce, successions, esclavages, adultEre, viol,

d6lits divers, etc.. . .

Retenons seulement le.Ilorgistra et Ie nitigAstra auquel

se rattachent des recueils de proverbes qui nous int6ressent du point

de vue des croyances, des pratiques superstitieuses et des moralit6s'

Le horaglstra (astrologie, horoscopeJ est un manuel de divi'nation. Il donne des indications concernant les moments favorables

et les jours fastes et n6fastes pour accomplir certains actes tels que

le voyage, la constluction d'une maison, l'enterrement, le mariage,

etc ... En ce qui concerue le mariage, il ne suffit pas de c6l6brer les

noces Ie jour faste, pour 6viter la mort pr6matur6e du rnari, la

mort de la fpmme ) la suite d'un accouchement et Ie divorce, il fautencore que les fianc6s et leurs F€res pr6sentent des signes de com-

patibilit6s. A ce point de vue les ann6es de naissance des premiers

iont class6es en cinq groupes d'6l6ments d'aprbs le tableau ci'apris:

El6mentEauTerreFeuBoisFer

D6signation des ann6es :

Rat, PorcBcuf , Tigre, DragonSerpent, ChevalLilvre, ChienChivre, Singe, Coq.

Le mariage ne sera autoris6 que lorsque les int6ress6s sont

n6s dans les ann6es correspondant aux 6l6ments sympathisants, par

exemple l'ann6e du Rat ou Porc (eau) avec l'ann6e du Boeuf, du

Tigre, ou du Dragon (terre). Il est contre'indiqu6, quand les ann6es

de naissance correspondent aux 6l6ments antagonistes, tels que I'eau

et Ie feu par exemple. Il en est de m6me pour les pdres des fianc6s

mais la relation entre leurs ann6es de naissance s'6tablit autrement'

COURS DE LITTERATURE LAO G'

A ce point de vue les int6ress6s sont qualili€s de dieu, d,homme etd'ogre d'apris leur annde de naissance. Le mariage n,est pernisqu'au cas oU les palents sont soit dans la m6me cat6gorie de dieu,d'homme ou d'ogre, soit l'un dieu et l'autre homme. Il n,est pasindiqu6 dans les autres cas entre les enfaots de ceux qualifi6s l,und'ogre et l'autre, d'homme ou de dieu. Il existe encore d'autres pro-c6d6s de calculs concernant le mariage et l'avenir des mari6s,

Le horagistra ci-dessus n'est qu'un exemple de traitd surles nombreuses pratiques superstitieuses des Laotiens.

Le nitigirstra (trait6 de politique ) est repr6senti par leRirjasavani qui est une glose des githi tir6es d'ouvragesdivers d'origine brahmanique et sanscrits cit€s dans le texte. L'ou.vrage comprend 3 chapitres:

1) - le roi lrlja)2) - le gouvernement (rijakarya)3t - les devoirs du Roi ( rljakiccal.Le souverain tcakkavatti) doit poss6der les quatre "616.

ments de popularit6 " ( sangahavattha ) suivants : lib6ralit6,affabilit6, gouvernement bienfaisant, impartialit6. Il doit remplir lescinq " devoirs royaux" ( rijadhamma ) r€sultant des cinq qualit6ssuivantes: connaissance de Ia r6colte, compr6hension des hommes,bont6, parole aimable, sagesse administrative. II faut connaitre laquantit6 de Ia r6colte pour en effectuer le pr6livement du dixiemeau profit du roi- La compr6hension des hommes de troupe consiste) payer Ia solde des soldats r6guliirement et a suspendre lesexp6ditions pendant les trois mois de Ia saison des pluies. La bont6consiste e Iaire des pr6ts aux infortun6s sans e:iiger d'int6r6tspendant trois ans et i accomplir d'autres actes de bienveillancepou! captiver Ie ceur des hommes comme un chasseur prendle gibier dans ses r6ts. Le langage aimable est le compldment de labont6. La sagesse en matiire administrative consiste i faire r€gnerla paix et i prot6ger Ie peuple.

Le roi brille par cinq "actes convenables" t vajna-kan xop ):punition des m6chants, honneur t6moign6 aux gens de bien, con.science du mal, rdsistance contre les d6sirs d6fendus, adresse iatteindre Ie but.

Il dispose de quaue " moyens " ( upiya) suivants:

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

64 COURS DE LITTERATURE LAO

1) - ChAtiment ( mort, confiscation, supplices );2 ) - D6suaion ( 6loigner l'affection et l'amour, susciter la violeace,

conqu6rir I'attachement | ;

3) - Conciliation ( r6ciprocit6 de services, discernement des

honneurs d0s aux personnes influentes, affirmation des

liens d'amiti6, d6claration de subordination) ;

4) - Largesses ( cinq sortes de don: d6penser sa richesse acquise

en lib6ralit6s supr6mes, moyennes et inf6rieures; faire des

pr6sents en letour de ceux qu'on a regus; donner des

choses pr6cieuses sans motif ant6rieur; ne pas rEclamer

son d0; accorder des exemptions de taxes );

II possdde cinq "attributs royaux" ( rijanubhlval ; SplendeurCplovenant du tr6sor et de I'autorit6 ), pers6v6rance, pouvoir rnagique,

puissance souveraine et sagesse.

Il posside sept "qualit6s royales" (rijaguna): celle d'Indra,du Soleil, de Vaya, de Yama, Varuna, de la Lune et de la Terre.Selon [a glose, voici les qualit6s compar6es i celles des divinit6s: ilr6pand Ia bont6 sur le peuple (Indra r6pand la pluie sur la terre):it d6truit les agents de d6sordre ( le soleil siche l'humidit6l; il con'vertit Ies m6chants et fait progresser les bons ( le vent souffle sur

toutes les cr6atures ) ; il r6compense les justes et punit Ies coupsbles( Yama conduit les hommes vertueux au ciel et les criminels aux en'fers); il aplanit pour faire r6gner la paix Cl'eau devient calme ); ilr6jouit le coeur des hommes (la clart6 de la lune donne la joiet:

il aime tous ses sujets (la terre porte tous les hommes, grands etpetits, sans distinction t.

Le roi posslde en6n dix "vertus royales" ( rljadhamma t:lib6ralit6, moralit6, d€tachement, droiture, {ouceur, aust6rit6, calme,

mod6ration, patience, esprit de conciliation.

Quant au Gouvernement, l'ouvrage 5numlre les sePt 616-

ments du gouvemement et ses divers orgauismes:

1) - Maitre ( Roi )

2)-Ministres au nombre de six: g6n6ral, chapelain, charg6du plateau d'or, tr6sorier, porte-lance, et pclte-glaive quisont respectivement l'essieu, le miroir, l'eil, la colonne,

Ie plre et le gardien du royaume. Il existe en outre sixmandarins secondaires: portier, messager, peintre, cuisi'nier, mEdecin et comptable et six compagnons chaeun

respectivement iL la t6te des gardiens du harem, des

I

COURS DE LITTERATURE LAO 65

secr6taires, des bourreaux, des porte clefs, des petits ser.viteurs et des esclaves.

3 ). Villes fortifi6es et compagne.4).Villes er villages prot6g 6s !,ar des obstacles naturels ou

artificiels pour surveiiller les routes et arreter la marchede l'ennemi.

5 ). Tr6sor y compris les magasins royaux dont le but est d'as.sister les malheureux er de r6m6dier a la disette.

6)-Amis du roi choisis;nrmi ceux qui ne possldent pas leshuit d6fauts suivants: indolence, bavardage, entetement,violence, malveillance, fourberie, caprice, inconsid6ration.

Une autre caract6ristique du roi est [a possession de sept "bienspr6cieux" ( mang:ala ou fatana ): roue, 6l6phant, cheval, femme,joyau, banquier et gtlndral. Les biens dont il s'agit possedent cer.taines qualit6s et sont exempts de certains d6fauts qui les distin-guent du commun des hommes, des animaux et des choses ordinai-res pa.r certains caracteres 6num6r6s dans des trait6s sp6ciaux :

Lakkhanasatra, Cintamani-Sriratana joti-paropaka-ranasitra, Naralakkhana.

En ce qui conceme les devoirs du roi (r]jakicca), voicice qui lui incombe de faire et de ne pas faire:

- combattre et d6truire les ennemis;- ne pas boire de Iiqueur enivrante;. prot€ger trois mandarins qualifi6s de: Sol du Pays, Oeil du

pays et Ceinture du pays ;

- nourrir quatre hommes comme sa propre mlre: chapelain,astrologue, ministre et m6decin.

On peut rattacher au Nitiglstra le Sattaharadhammatraitant des devoirs du fonctionnaire et des recueils de proverbeset de sentences tels que le Suph'asit ( Subhasita), P'in samsay, K:em son, Pu son lan, Lan son pu. La plupart deces manuscrits sont 6crits en distiques r6unis parfois en quatrains parle sens. Les vers ont en gtn6ral cinq ou sept pieds. Les maximesne soot sugg6r6es que par une comparaison. Voici quelques exemplestir€s des diff6rentes sources pour donner une id6e de cette litt6rature.

Suph'asitC'est un recueil de maximes sur la vie pratique t1).

(t) l-. Fiaor, op. cit., BEFEO XVU, pp. 1,17.148.

66 COURS DE LITTERATURE LAO

"Les lotus ont beau naitre dans Ia boue; Ies poissons les

caressent et s6journent parmi eux en amis" ( l'homme de bien est

toujours recherch6, f0t-il dans une humble condition ) t1).

"On a beau avoir beaucoup de science et de talents; il fautdes protections pour Parvenir"

"La fleur est toujours recherch6e des abeilles ; m6me si elles

en sont tras loin, elles accourent i son parfum"(2)

P'in sam say ( 3)

Le titre du manuscrit P'in sam say ( La vina d trois cordes )

fait allusion i trois cordes d'un instrument de musique qu'est laVina. Les poimes comprenant des vers de cinq pieds sont de

trois sortes d'aprds la nature des devoirs prescrits: celui de faire,celui de ne pas faire et celui de ne faire que ce qu'il convient de

faire. En voici quelques exemples,

- "Prdflres-tu aller vite, porte un l6ger fardeau".- "Aimons r6ciproquement ceux qui nous aiment".

-"Ne porte pas une charge au-del) de ta force" (Ne forgonspas nos talents ),

- "Veux-tu connaitre, applique'toi d apprendre" ( C'est en for-geant qu'on devient forgeron ).

- "Ne cours pas aussi vite qu'un courrier" (Ne fais pas Iagrenouille ).

- "Ne m6prise pas une veuve" (Ne juge pas une personne

par I'apparence. L'habit ne fait pas le moine ).

"Pour parler, regarde l'heure; pour demander, regarde le

moment" ( Battre le fer tant qu'i[ est chaud).

' "Ne fornique pas avec Ia femme de ton h6te" ( Comme Ieproverbe cambodgien: Ne d6pose pas ton ordure i I'en-

droit oL tu as mang6 (oi l'on t'a requ) (4).

( I )( 2) CI.F. Hi "Le Dhammapada" p. 15. No 58: "Au milieu d'un tas d'imrDon'

dices jetEes sur la grande route peut naitre un lotus ravissant d la pule odeur".

No 56 : "Le plus d6licieux parfum est celui qu'exhalent les hommes de bien ".( 3 ) Ms de Mr. Par-]l L6vy-

t4) Dr. Pauaerier, "S.o!.o"e" et Ploverbes caobodgiens' No238, BEFEO

XV, Fasc. 3, p. 70.

COURS DE LITTERATURE LAO 67

Pu son lan (1)Le manuscrit "Pu son lan" ( Conseils du grand-plre i son

petit-fils) avec en contre-partie les "Conseils du petit.fils I son grand-plre" (Lan son pu) renferme de nombreux proverbes et senten-ces. Les vers qui composent le poEme ayant sept pieds, sont dispo-s6s en g6n€ral, en distiques et en quatrains.

Voici urr exemple d'une stance des Conseils du Grand,Pire:"Les bienfaits de vivre en soci6t6 sont nombreux.On te fait traverser les cours d'eau par pirogue.On t'appelle quand on voit un tigre;Quand un buffle sorti de l'6table p6nitre dans la rizilre.On discute des faits.On honore le comportement du maitre.On donne de la graadeur au roi.On peut circuler sur la route.Tu peux faire des cadeaux.Tu peux emprunter des objets,Gu6rir Ia fiivre occasionn6e par les Phi.Tu peux employer et voir (ces objets ) de tes yeux".

(folio 6 recto)Les id6es sont exprim6es sous lorme d'images ( m6taphores et

m6tonymies) Les profits que se procure la soci6t6 d6coulent deI'organisation sociale dont les diff6rents organismes sont marqu6spar les figures de rh6torique contenues dans chaque vers: bac. chas.se, entr'aide agricole, parlement, enseignement, souverain, route,r6gime des emprunts, m6decine.

Une trds originale figure de rh6torique est celle indiquant lerapport entre Ie prince, le mandarin ou le notable et les habitants:

-"II faut connaitre la coutume de vivre et celle de manger"( folio 4 verso )

-"Quand l'eau se retire, les fourmis peuvent manger les poissons;

Quand l'eau monte, les poissons peuvent manger les fourmis",( folio 5 recto)

"Vivre" et "Fourmis" d6signent la population, le peuple; "manger"et "poissons" l'administration; "eau" l'abondance, la richesse.

"Manger" un village, un pays veut dire "administrer" un village,"gouverner"

(1) Ms. de Mr. Paul L6vy, Quelques proverbes laoticE! de Xieag.Mai tra-duits par G.E. Geriai dam le "Journal of Siam Society" eD lg04, "Oo Siaoe..Proverbt and ldiotlatic ExpEssioD!", soat rir6! dti "Pu Son lao", et publi& daot

la revuc "Vajiranar" ea 1899, voir pp. 43, 106-112.

68 COURS DE LIT'TERATURE LAO

uD pays. Pourquoi "manger" pour "administrer"? Pour comprendre['id6e, comparons la avec celle exprimie dans: "Les fourmis mangentles poissons" et "les poissons mangent les fourmis". Il est pr6vudans le RljasaYani que la "connaissance de la r6colte" est I'undes "6l6ments de popularit6" du roi, coosistant )r connaitre laquantit6 de la moisson pour en effectuer le pr6ldvement du dixilmeau profit du roi, et que le tr6sor royal auquel sont annex6s lesmagasins royaux, est un des " 6[6ments" du gouvemement et dontle but est d'assister les malheureux et de !6m6dier i la disette.Lorsque Ie pays vit dans Ia prosp6rit6, le roi vit donc aux d6pensde la population. En cas de disette, c'est l'inverse qui se produit.

Dans le premier cas, c'est l'eau qui monte: le poisson mangela fourmi. Dans le second cas, c'est l'eau qui descend: la fourmimange le poisson. C'est sur cette notion des finances publiquesfond6es sur le produit des imp6ts des contribuables qui alimententle Tr6sor nourricier du personnel des fonctionnaires de I'admi.nistration publique qu'est bas6e I'id6e de gestion dans le mot" manger ".

De nombreuses maximes sont emprunt6es ) la litt6raturebouddhique. Parmi d'autres dont la plupart n'existent que sousforme de traditions populaires orales oir on en trouve qui pr6-sentent quelque analogie avec les proverbes m6n, cambodgiens etsiamois comme ceux r6pondant aux thdmes de l'Occident. En voiciquelques exemples:

" Un homme louche ne le prends pas dans la communaut6 "( Pu gon lan ). M6fie-toi d'un homme louche et d'un bufile auxcornes d6ploy6es (Proverbe siamois ). Ceux qui sont marqu6s en B.( Borgne, Boiteux, Bossu, etc... J ne valent rien (1).

" Lisse ext6rieurement, l'int6rieur est une figue". Splendideext6rieuremeDt mais vide au dedans ( Proverbe siamois ) - Comme lapomme de Sodome : Ravissante ext6rieurement, mais i f int6rieurplein de cendres. " Comme les pommes du rivage de la Mer Morte,Toutes cendres pour le go0t " - Byron (2).

" En montant i terre on rencontre le tigre, en descendanten pirogue on trouve le crocodile " (Tomber de Charybde enScylta ) (3).

( 1) G.E. GERINI, "Oa Siaacsc Proverbs aod ldiooatic Erprcssiotr.", p. 21.

(2) G.E. GERINI, op. cit. No 1?5, p. 99.( 3 ) M. J. CUAZ , "Marucl dc Couv.rlatio! FraDco-hotie!tre" , No u, p.262.

)

COURS DE LITTERATURE LAO

En fuyant le tigre, on rencontre le crocodile, en montant surl'arbre, on rencontre un nid de gu6pes ( Proverbe siamois ) (lJ Enfuyant ltnnemi, on rencontre le tigre, en montant sur un arbre,on rencontre une couleuvre (Proverbe M6n). (Un loup vous harclled'un c6t6 et un chien de l'autre -Horace) (ll.

Aux recueils de maximes nous pouvons rattacher ceux des de.vinettes qui sont tres apprdciees du public laotien. En dehors d'unevingtaine de charades et devinettes publi6es par M.J' Cuaz dans

son "Manuel de Conversation Franco-Laotienne", nous ne poss6dons

pas de recueils s6par6s de devinettes qui n'existent que sous formede contes notamment dans les manuscrits de contes judiciaires telsque le "Mulla-Tantai". Voici quelques-unes des devinettes avec leursens mis entre parenthEses:

"Plus pointu que ce qui est pointu Cl'esprit )' Plus l6ger que

ce qui est l6ger (Etre pui, sans ffch6 ni faute). Plus rapide que ce

qui est rapide Cla pens6e). Plus fort que ce qui est fort . Avoirbeaucoup de vertus ). Plus lourd que ce qui est loutd (N'avoir surla conscience que fautes et p6ch6s ) (2).

"Un coq rouge couche sur le c6t6 au haut d'un arbre (La

fleur du bananier ) (3).

"Habill6e de blanc dans son eDfance, de vert i l'6ge nubile, et

de rouge dans son extrdme vieillesse (La gousse du piment ) (3).

En r6sum6, le vaste domaine de la litt6rature laotienne n'a€t6 explor6 jusqu'ici qu'en un petit nombre de points. Seuls les

documents traduits du laotien nous permettent d'avoir ule notionsommaire de cette litt6rature qui joue cependant un r6le importantdans l'investigation des faits anciens en apportaot de pr6cieux

€claircissements ir I'histoire et i l'arch6ologie. Si nos devanciers ont

frayl la route et ont mis e d6couvert une Partie des richesses, ilreste enco(e beaucoup I faire pour exploiter le reste du tr&or.Cette litt6rature qui cristallise la pen#e des anciens, ' uae fois mise

i la portde du public des hommes savants' . permettra i ceux' ci

de faire une 6tude plus approfondie sur le royonnement'de l'dme

d'un peuple et de son g6nie dans le pass6.

rt) c.E. GERINI, op. cit., No 21, p. 7l et No 26, p. 125.

(21 J. BreBSuca, 'Crater et kgeodes du Pays laotico", CoEtc du

Corbeau qui eeut Earr8e! lc Yer, P. 26.

(3) M.J. CUAZ, op. cit. No tl .t 16, PP.z?o-tTL.

69

@URS DE LITTERATURE LAO

INSCRIPTIONS SUR STELES( Clich€s dc R. CUERIN)

DOCUMENTS ECRTTSA. Papier pli6 eo prraveat.

B. Feuilles de Iataaier.(Clich6s de VO THU TINHr

Conte des Mille et Une Nuits LaoNANG TAN TAY tryIgTome I: Nanthapakone tSuik)

( Tnductior lib.e )par PHAM CONG Slru

Puis, Vasuphakhagaa et Thamana se pr6sentirent c6r6monieu-sement devant Ie Roi Lion:

- --"Sire, lui dirent-ils, les graves incidents dont nous sommest6moins nous donnent le pressentiment qu,un grand a.ig", .*".Votre auguste personne. Ayant conscience de notre. deuoi-. ae fideleset d6vou€s serviteurs qui est de la d6fendre m6me au *i"-d" oo,r"vre, nous nous empressons de venir en informer Votre Majest6.,.,,

- Ils n'avaient pas encore 6ni de parler que [e Roi Lion, intri-gu6, les interrompit pour leur demander 6aur"u."-"ot, -

...."Mais, voyons, de quel danger shgit.il. Etes - vous certainqu'il me menace r6ellement ?,,

. S0r d'avoir pu impressionner le Roi Lion, Vasuphakhagna semit alors d d6biter :

. ."Sire, nous pensons qu,il est de notre deyoir de porter e votreha rte connaissance que le Boeuf Nanthaka

"o..ui"" i-ror. ,r"frir.Il dit du mal de vous i cor et i cri et il n,h6site fas "i f"'i-r" ur,*,devant nous. Nul doute que ce sale bovin nourrii t" ta"i" a"**lode s'emparer du tr6ne pour r6gner i votre place i"".-"""" f.re,.J[e, sl un monarque use de son autorit6 pour retirer i ses fiddlesservite-urs des fonctions qu,il leur a confi6es depuis longtemps pourles offrir au premier quidam venu, nous sommea sdrs- que pareilacte attirera des malheurs i son royaume, ainsi qu,il est arriv6jadis au roi Ketsathummarat.,,

- Piqu6 dans sa curiosit6, le roi pingkhala s,empressa de luidemander :

"Qu'est "e

que cette histoire?,'Et, Vasuphakhagna de conter:

Eistoire du Roi Ketsathummarat"Jadis, le roi Vithummarat avait, pour l,aider dans l,administra.

tion de son royaume, huit grands ministres. coaseilf"ra. S"" - nf", fu

f, Suite aur auru6roc l, 2, 3 du Bulletiu dcr Aoir du Royauoe Lro.

NANG TAN TAY

le prince h6ritier Ketsathummalat' avait, lui aussi' huit assistants'

mai c'6taient plut6t des flagorneurs que d'utiles auxiliaires'

. Un jour, les ennemis attaquBrent Ia frontidre du royaume' Le

roi Vithummarat y d€$cha ses huit ministres qui r6ussirent i les

."porl.""r. Tres saiisfuii de leurs exploits, le souverain' les 6leva au

titie de "d6fenseurs du roYaume"'

Pareils faits d'armes, r6compeos6s par de tels hooneurs' ne

-unqre."r, pas cependant de susciter la jalousie des flagorneurs du

.,.ince h6ritier. Clmme il fallait s'y attendre, ceux'ci complotdrent

io,rr 1., r"ire destituer. Ils vinrent donc voir Ie prince et lui dirent

ainsi :

-"Monseigneur, les huit ministres de Sa Majest6 le Roi sont

maintenant riih"s "t puissants, i tel point qu'ils sont devenus

orgueilleux et arrogants, et ils vont jusqu') oublier m6me que suc-

c6lant ir votre auguste pire, vous serez un beau jour leur souverain'

Maintes fois d6ji ils se sont montr6s irrtiv6rencieux i votre 6gard'

Vous pouvez d'ailleurs le v6rifier vous'm6me, en Ieur donnant'

pa. e"e-ple, l'ordre de vous fournir comme Sages de leur r6v6rence

certairr" objet" pr6cieux. Vous aurez ainsi l'occasion de voir com'

ment, au milieu de leur opulence, ils accueilleront vos ordres-"

Lh-dessus, le prince Ketsathummarat envoya ses flagolneurs

remettre aux huit ministres un message leur enjoignant de lui

offrir de l'or, de I'argent et des pierres prdcieuses Les huit ministres

du roi regurent les messagers en grande pompe, et firent de leur

mieux poui donner satisfaction au prince h6ritier' Mais les messagers,

non seulement accaparlrent et se partagerent tout ce que les minis-

tres purent offrir au prince, mais ils en vinrent encore' i dire icelui-ci qu'ils refusaient d'ex6cuter ses ordres'

Naturellement, Ie prince en fut trds fich6, mais il sut

r6primer sa colire.' Des ann6es passirent sans qu'aucun incident vint troubler leurs

relations. Mais le roi, devenu vieux, mourut et le prince Ketsa-

thummarat lui succ€da. Avec le pouvoir, sa haine se ranima, et'

pour venger l'affront d'antan, son premier acte fut de mettre a

mort les huit ministres de son plre pour les remplacer par ses

huit flagorneurs. C'est alors que commencdrent ses malheurs, car,

cupides et incapables, les nouveaux ministres ne surent aider Ieur

,oi a gorlu"rrr", sagement le pays, et finirent par mener le royaume

vers Ia d6cadence et Ie peuple vers [a misire'

NANG TAN TAY

A quelques temps de li, un roi voisin, Tungkhapon, profitantde la faiblesse du royaume, Ieva une forte arm6e et parrint sanspeine i s'en emparer. La rage et le d6sespoir au ceur, le roiKetsathummarat abandonna son pays, son tr6nl et son peuple pouraller se r6fugier dans la for6t,'.

Et Vasuphakhagna de conclure:-"C'est pourquoi, Sire, nous nous permettons d,attirer l,atten_

tion de Votre Majest6 sur ce fait, au demeurant gros de cons6-

_quences, que si vous remplacez vos anciens et borrs setviteurs par

des blancs becs doot l'inexp6rience et l,incapacit6 n,ont d,6gales queleurs flagorneries, nul doute que vous aurez les m6mes malheursque le roi Ketsa thummarat,'.

Et il a jouta:."Dans un royaume, le pouvoir supr6me appartient au Roi et au

Roi seul. Il n'en reste pas moins vrai qu,il se doit de distinguer lesbons des mauvais serviteurs suivant la sagesse de oos pEres. Favori.ser les nouveaux venus au d€triment des anciens et leur confier,de surcroit, d'importantes fonctions, est u:re mauvaise politique quid6g6ndre en grand danger si ces nouveaux venus sont des gensdont on ignore absolument les origines et le loyalisme. Sur ce pointnous croyons devoir rappeler i votre souvenir ce vieux dicton- quiconseille de ne jamais garder sous son toit des personnes d,originedouteuse. Autrement, nous comaitrons le malheureux sort de lapuce qui donne l'hospitalit6 i la punaise.,,

Apeur6 par le spectre d'un malheur possible, le Roi Lion de-manda:

-"Qu'est-ce que cette histoire ?

Et Vasuphakhagna raconta alors:

La Puce et la Punaise - Le Crabe et le H6ron"Jadis, il y avait une puce appel6e Amakhothip, qui habitait

le lit de Kosalarat, roi du prays Kosalavilay. Elle vivait du sang duroi Kosalarat, qu'elle sugait quotidiennement sans que ce monarques'en rendit compte, tellement sa pipire 6tait douce.

Un jour, Chanthala, une grosse punaise, vint lui demanderasile afin d'avoir le bonheur de go0ter du sang royal. La pucelui dit alors:

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

74 NANG TAN TAY

-"Je suis aux legrets de ne pouvoir te garder, car ta piq0re

est douloureuse et tu lisqueras de tuer Ie roi tout en causant ma

propre perte. Je ne me fais plus d'illusions lir-dessus, car nous vi'vrons exactement l'aventure du crabe qui a pinc6 Ie h6ron jusqu'iL

l'en faire mouri r".Intrigu6e par cette comparaison, la punaise s'empressa de de-

mander i la puce de lui conter cette aventure, ce qu'elle fit:"Il y avait, aux abords d'une immense for6t, dans le pays

Matsimavisay, un 6tang trds poissonneux qu'on appelait Etang Ka-thutha. Un hairon. aussi vieux que malin, y viut chercher nourriture.Pris de panique, tous les poissons s'en allirent chercher refuge, quisous les plantes aquatiques, qui sous les rochers du fond. En unclin d'oeil, l'6tang se trouva vid6 de ses habitants.

Notre h6ron sentit son coeur serr6 devant ce spectacle de d6.

solation, mais il ne d6sesp6ra pas, car il avait imagin6 un strata-gime qu'il r€solut de mettre a ex6cution avec d'autant plus de c6'l6rit6 que n'ayant trouv6 rien i manger il sentait d6j) des fourmisdans son estomac.

Son strataglme ? En bien, il se tint debout sur une patte etpleura ) chaudes larmes. Ce que voyant, quelques petits poissons,

pouss6s par Ia curiosit6, sortirent de leurs retuges et se hasardlrentdans les parages oir il se tenait, afin de le voir de plus prds.

L'arriv6e de ce menu fretin n'avait toutefois chang6 en rienl'attitude de notre h6ron qui, au grand 6tonnement de tous, continuainvariablement de pleurer haut-sur.patte.

-"Vraiment, ce h6ron en a assez des poissons", dit Ie plus A96

des petits poissons, et il se mit, en se tenant toutefois i une dis-tance respectable, ) I'interpeller en ces termes:

-"Eh Monsieur H6ron, comment se fait-il que vous 6tre si triste?ga ne vous dit rien, les poissons. Vous avez l'air d'en avoir assez".

Sentaut que Ies poissons vont 6tre pris au piEge, Ie h6ron 16-

pliqua doucement :

-"J'en ai assez, c'est bien le cas de le dire, car depuis quej'ai vu l'ermite Himanaphone qui m'a enseign6 que tuer les b6tesest un Fch6 mortel, j'ai chang6 de r6gime et chang6 de philosophie.Je ne tue plus les b6tes quelles qu'elles soient, et, pour me nourrirje suis actuellement un r6gime v6g€tarien. Etudiant le "tham" pour

laire des pridres au Bouddha, j'ai maintenant conscience des actes

NANG TAN TAY

humahitaires. Ce matin en passant par le pays Outrana, j'ai apprisque le roi a ordonn6 aux p6cheurs de venir jeter leurs filets danscet 6tang. C'est dire que vous allez 6tre pris dans cette rafle, et,comme j'ai grand piti6 de vous, je suis venu ici exprds pour vousen prdvenir. J'6tais d6sold de ne trouver personne, c'est prourquoi jepleure sur votre solt si je dois partir de ces lieux sans prouvoirparler i aucun de vous".

Les poissons, afrol6s par cette noulelle, lui demardirent si,dans sa graode mansu6tude, il n'aurait pas une solution qui pourraitleur sauver la vic. A quoi, notre h6ron r6pondit:

-"Il y a, au pays Thacsinabot, un grand et profond 6tang oirl'eau est saine et ciaire. Si vous veniez vous y r6fugier, vous seriezcertains d'6tre hors de danger ".

Le plus dg€ des poissons demanda alors:-"Comment pouvons-nous y aller ?

."Si vous n'y voyez pas d'inconv,5nient, dit le h6ron, je vous ytransporterai, un par un, en vous logeant dans mon bec ".

Les petits poissons s'eo alldrent donner l'alerte aux grandspoissons encore fig€s dans leurs refuges, et tous, apres d6lib6ration,jugdrent prudent de mettre le h6ron i l'6preuve en lui confiantd'abord un des leurs pour un premier voyage de reconnaissance. Leh6ron accepta la proposition des poissons avec empressemenr. II pritdonc le "poisson d6l6gu6 " dans son bec et s'envola le d6poser toutbonnement dans l'€tang de Thacsinabot, oi il le laissa nager etprendre ses 6bats pendant de longs instants avant de le ramener deIa m6me fagon i son ancienne demeure.

Le voyant rentr6 sain et sauf, tous les poissons commencErenti avoir confiance dans Ie h6roo, et, effray6s par Ie spectre d'unerafle de grande eovergure, tous brilaient de partir vers les nou-veaux lieux dont leur d6l6gu6 fit un tableau si attrayant que chacuuvoulut 6tre le premier ) quitter I'6tang.

Pour I'6vacuation de toute cette population, le h6ron dut faireplusieurs voyages, mais ir chaque voyage il maogea son passager, sibien qu'en fin de compte, il finit par gober tout le banc de pois-

sons de l'6tang Kathutha.

Pendant ce temps, un gros crabe, nomm6 Chanthalakacta, quicohabitait avec les poissons, regardait avec des yeux pleins de soup-gons les va-et-vient du h6ron. Il doutait, en effet, de la bonne foi

76 NANG TAN TAY

de ce dernier, et en vint m6me jusqu'i croire que, de la fagon dontils sont transport6s i bord de l'appareil, ses amis poissons n'arrivaientcertainement pas i destination mais auraient bel et bien 6t6 d6vo-r6s par celui-li m6me qui s'6rigeait en leur Providence. Pour enavoir [e coeur net, il alla donc voir le h6ron e son retour d,undes derniers voyages, et lui demanda de l'emmener.

Le h€ron ne s'attendant pas i une telle demande du crabe.Il se dit : " Jusqu'ici je n'ai jamais mang6 que des poissons.Je n'ai ps encore l'occasion de go0ter du crabe. C'est bien le mo.ment de l'essayer".

Rdflexions faites, le h6ron ouvrit son long bec pour saisir lecrabe. Mais ce dermier refusa de se laisser emporter ainsi. Il dit:

."Attendez, Monsieur H6ron, je viens de sortir d'une mue etma carapace est encore trop molle pour trnuvoir supporter la pres-sion de votre bec. D'autre part, si vous ne me tenez pns solidementje risquerai de tomber en plein vol et de me tuer dans ma chute.Aussi, pens6-je que dans I'6tat oi je suis, la meilleure solution est.que vous me laissiez pendre i votre col-,'

k hdron 6tait loin de croire i une ruse du crabe. Il acceptadonc la proposition de ce dernier et s'envola, le crabe pendu i soncou, et le ceur satisfait i la pens6e que cette {ois il allait go0terdu crabe.

Arrivd sur les lieux, le crabe trouva l,6tang plein d,ar6tes depoissons, ce qui le confirma dans sa pens6e que ses malheureuxamis avaient bel et bien 6t6 d6vor6s par le h6ron. De ses pinces,il serra alors fortement le col du h6ron en criant:

-"Ramine moi imm6diatement vers Kathutha et je te lib6rerai.Sinon, toi et moi, nous mourrons ensemble".

Cela dit, le crabe serra ses pinces plus fort, et lb h6ron, n'enpouvant d'efforts et de douleurs, se r6signa d faire demi tour. Maisle crabe serra si fort en cours de route qu'i peine arriv6 Ie h6rontomba raide mort".

Et la puce de conclure:-"Ma chdre punaise, tes mandibules sont aussi puissantes que

les pinces du crabe. Je crains fort qu'en sugant Ie sang du roi, tucauseras sa mort, aussi bien ne puis-je, i mon grand regret, t,h6.berger."

NANG TAN TAY

La punaise supplia:

.. -"Ma chire puce, je conviens que ma piq0re fait mal, maiselle ne tuera pas pour autant le roi et ainsi il ne t,arri"era pasd'ennui.. D'ailleurs je m,y mettrai de mon mieux pou lr,i fui."moins de mal possible et, i moins d'6tre immoral, cornment veux_tuqu-e je

_ puisse te causer quelque malheur, e toi qui me fais l,au-

m6ne de ton hospitalit6,,.

La pouce sentit son coeur s,attendrir devant les supplicationsde la punaise. Elle l,accepta, et dls lors, les deux dames'* p"r,".glrent Ie m6me menu, apr6s s,6tre partag6 le m6me logement.

. Un soir, pendant que Ie roi Kosalarat dormait profond6ment,la punaise, sortant de son refuge et oubliant sa promesse, vint piquer Ie roi pour _gotter un peu du sang royal. La piqore 6tait sidouloureuse que le roi se riveilla

"n "urr"rt, .t, "ttr*"ni un "ierg.,il se mit i la recherche de la b6te qui avait eu l,audace de s,at.

taquer i la personne royale.

On congoit ais6ment la coldre du roi, contrari6 d,6tre r6veill€au beau milieu de son sommeil. La punaise se sauva donc promp.tement, mais la puce, 6tonn6e par ce remue_m6nage si bruyant et siinaccoutum6, sortit de dessous le lit pour voir ce qui s,est pass6, etfut abattue par le roi. Ainsi mourut la puce pour avoir h6Lrg6 lapunaise".

Arriv6 i ce point de son histoire, Vasuphakhagna dit au RoiLion:

."Sire, celui dont nous ne connaissons pas les ant6c6dents et quiveut partager notre domicile est vraiment un grand danger prour nous,comme vous le voyez dans l,histoire de la puce et de la punaiseque je viens de raconter".

Et il ajoura:

_ ."Actuellement, Votre Majest6 toldre la pr6sence du Bceuf Nan-thaka dans notre royaume. Vous lui avez, je surcroit,

"o.rfi6 d,ia.

portantes fonctions alors que vous ignorez tout de son origine. C,estli un grand danger pour vous et pour notre royaume, aussi croyons-nous devoir vous en pr6venir afin que vous pr;niez toutes mesuresqui s'imposent maintenant qu,il est encore temps,'.

Le Roi Lion resta toutefois prerplexe. Il se dit: ,.A n,entendre

qu'un son de cloche, on pourrait 6tre amen6 i prendre des dEcisions

78 NANG TAN TAY

econ€es. II serait pr6f6rable de faire ouwir une enqu6te pour con-

naitre la v6rit6 et j'agirai eu cons6quence"'

Il dit alors i Vasuphakhagna:

."Si le Beuf Nanthaka est tel que vous me le d6crivez, je

pense que je devrai lui donner un #rieux avertissement pour qu'il

change son comPortement".

Vasuphathagna s'empressa de r6pliquer:

-"Oh, non Sire, ne le faites pas. Pour mener i bien une en'

qu6te, il laut au pr6alable en garder le secret"'

-"Dans ce cas, dit le Roi Lion, j'ai besoin de r6fl6chir m0re-

ment avant de prendre une d6cision i son endroit' D'ailleurs' ce n'est

pas commode de provoquer un animal aussi gros que Nanthaka "'"-"Sire, ne jugez pas les gens sur leur taille' Vous voyez bien

que la mer est immense, et pourtant elle est incapable d'opposer

une r6sistance a un petit oiseau..'."

Intrigud, le Roi Lion demanda alors:

-"Qu'est-ce que cette histoire ?"

Et, Vasuphalbagna de conter: ( i suivre )

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Conte Judiciaire Lao

THAO SIEO SAVAT (II] fi(Traduction libre )

RAMPHANH KHAUTISEN

. . . Apris le mariage de Thao Sieo Savat avec sa 6lle, le capitainedonna aux deux €poux des maisons magnifiques, des bijoux pr6ci-eux et leur recommanda d'6tre pieux et charitables envers lesmalheureux et les humbles. Un jour il leur dit:

-"J'aurais voulu vous emmener iL [a Cour pour vous pr6senterau Roi du royaume du Charnpa. Mars ce roi n'est pas un bon roi.Il n'observe pas les rEgles de la Cour, ne respecte pas les comman-dements et ne suit pas les rites de Ia religion. II pers6cute les

brahmanes et les bonzes et fait fi des Indra Oubat, Phomma Oubat,f)awa Oubat c'est i dire des sanctions d'Indra, des divinit6s et des

g6nies de la ville et du pays. Les serviteurs se modelant sur leur chef,personne i la Cour ne croit aux sermons des brahmanes et des bonzes.

C'est pourquoi, Ies dieux commencent i le punir en laissant le ro-yaume tomber dans les troubles et Ie peuple souffrir des calamit6s de

toutes sortes. Mauvais esprits et diables hantent le palais, et effray6par ces apparitions dont il ne sait comment se d6fendre, il ordonneque chaque nuit 500 hommes solides, pris au hasard parmi Ia popu'lation, viennent monter la garde autour de sa chambre. Mais, fai-sant la ronde au milieu de la nuit, il trouve toujours ces sentinellesendormies sous l'effet magique des diables et des mauvais esprits.Dans sa colire, il les fit mettre a mort, et, chaque matin, c'est unspe:tacle 6coeurant que de voir la population accourir au palais pour

identifier qui son pEre, qui son frire, qui son fils et ramasser chacun

leurs cadavres. Ce qui doit p6tir de cet 6tat de choses ce sont les

champs et les riziires qui, faute de main-d'oeuvre, sont laiss6s en

friche. Le pays vit ainsi dans la terreur et dans la haine."

-"C'qst mon tour, ajouta le capitaine, de venir cette ouit monterIa faction dans son palais. J'ai Ie pressentiment que je ne pourraipas r6sister aux effets magiques des diables et que je serai tu6 sur

l'ordre du roi s'il me trouve endormi. Mes chers enfants, je vous

fais donc adieu, vivez unis et heureux. Mais avant de nous quitterpour toujours, je vais vous conter quelques histoires sur ce qu'on

appelle le "DESTIN de l'homme".

fi. Suire au No 3 du Bulletin de3 AEis du Royaumc Llo

80 THAO SIEO SAVAT

"...I1 y avait jadis un brahmane, fils de millionnaire, qui,pour obtenir des relations coupables avec une veuve, Iui avait pro.mis mille barres d'or. Mais revenant peu apris sur sa parole, ilenvoya quelqu'un tuer cette veuve afin de n'avoir pas i lui payer.Il advint cependant qu'apras sa mort cette veuve renaquit et, sousla forme d'une mouette, r6ussit, malgr6 sa petitesse, i saigner ettuer Ie fils de ce brahmane pour le punir de son crime".

"II y avait jadis aussi un jeune homme d'une autre lamille debrahmane qui, vivant avec ses parents, Ies comblait de pr6ve.nances. Bient6t il se maria avec Ia femme que ces derniers avaientchoisie'pour lui et tous les quatre vivaient sous le m6me toit.

Quelques temps apres, le $re et la mdre devinrent aveugles,et la bru ne voulut plus se peiner pour prendre soins d'eux. Un jourelle disait i son mari:

."Ch6ri, tes parents sont aveugles et ils ne peuvent plus rienfaire. Si tu ne t'en d6barrasses pas je m'en irai."

Sous la pression de sa femme qui ne cessait de le harceler, lejeune homme c6da, et, un jour il emmena ses parents dans la for€tdans l'intention de les tuer. Quand ils parvinrent a une haute futaie,il leur dit:

-"Papa et maman, restez ici. Je vais chercher de l'eau et jeserai de retour dans un instant".

Puis, avant de tirer son 6p6e pour les tuer, il cria: " Au se-cours, au secours. Voili cinq cents brigands qui viennent nous cam.brioler". En donnant cette fausse alerte, le jeune homme voulutfaire croire i ses parents qui ne voyaient rien que c'6taient desbrigands et non leur propre fils qui les auraient tu6s.

Mais en entendant cet appel au secours, Ie vieillard et sa fem.me pressentaient un danger pour leur fils, aussi bien lui dirent-ilsspontan€ment:

-"Mon enfant, sauve-toi vite. Tu es encore jeune, tu dois vivrepou! toi-mame et pour ta femme, tandis que nous, nous somme sd6jii vieux, nous pouvons bien mourir i ta place".

Le jeune homme fut tellement 6mu par ces paroles qui lui di-saient combien l'affection de ses parents 6tait grande, si grandequ'ils pouvaient m6me sacrifier leurs vies pour sauver la sienne,qu'il fut saisi de repentirs et qu'd l'instant m6me il revint sur sesintentions criminelles. Il simula donc une lutte d6fensive contre des

THAO SIEO SAVAT 8I

brigands imaginaires et rassura ses parents ainsi : "Mes chers parents,maintenant vous n'avez plus rien i craindre, j,ai d6jl pu chasser lesmalfaiteurs. Rentrons".

De retour au logis, il s'apetgut que sa femme fut l,instigateurde ce crime de parricide qu'il avait failli commettre, et, dans sacolire, il Ia tua".

Et le capitaine de conclure: "Mes chers enfants, i y bien 16_fl6chir, somme toute, ce n'est que le DESI'IN DE L,HOMME.Personne ici bas ne peut y 6chapper ni en changer le cours. Moi-m€me, s'il m'arrivait d'6tre tu6 par ordre du roi aprds cette nuit defaction c'en serait bien mon propre DESTIN. Rien ne servira doncde m'en plaindre".

A ces mots, Thao Sieo Savat r6pliqua: "PEre, quand le morceaude viande n'est pas encore complltement tranch6, la lame du couteaun'a pns encore touch6 le dessus du billot. Quand l,eau n,arrive qu,ihauteur du cou, on a encore le moyen de sonder le lit du fleuve.C'est dire que tout n'est pas encore perdu. Quand la patrie est endanger, c'est bien le devoir du citoyen comme eelui de l,enfantde se sacrifier pour la sauver. Cette nuit, j'irai au palais i votreplace. Vous savez bien que je suis de ceux qui n'ont pas la frousseet qui regardent le danger le froid au yeux".

Ainsi dit, il prit ses effets et s'en alla au palais monter lagarde autour de la chambre du roi avec des hommes pris de nou.veau parmi la Snpulation.

Suivant les conseils de son ptre, Thao Sieo Savat fit des prii-res pour demander aux dieux de lui donner des forces et la lucidit6n6cessaires pour r6sister contre les effets magiques des diables etdes mauvais esprits. Vers minuit le roi se r6veilla, et, comme d,ha-bitude, fit une ronde lnur v6rifier de lui-m6me la vigilance de seshommes. Mais, ceux-ci, comme leurs pr6dEcesseurs, 6taient tous en.dormis. Seu[ Thao Siao Savat restait 6veill6, et, quand le monarques'approchait de lui, il lui adressa cette formule incantatoire:

-"Khatesi, Khatesi Kinkaranang ahang pitanang samani"v(l

nlrnsnlrni nln;syu, glslunlulSyutu (1)

Effray6 d'entendre ainsi, le roi se retira aussit6t dans sachambre. Mais peu apris il sortit pour faire une deuxiime ronde, etalors, Thao Sieo Savat lui adressa une autre formule incantatoire:

(l) Jc connais cc qu. voua 6te! en trarD dc frirc

82 THAO SIEO SAVAT

-"Asachan 6 6 no Sangvet d6 sang ma pr6n na yak hua thi no"

ti'sa"ul alsufrraor n s"rurtJuui tJ t nui311fiu r rlLe roi prit peur, Il rentra dans sa chambre, mais obs6d6 par

ies paroles magiques, il sortit aussit6t pour une troisiime ronde.

Cette fois-ci, Thao Sieo Savat adressa une nouvelle formule incan-

tatoire:-"Pheung cha bo pheung cha lak kha na nay chay hou leo"

trirc:irilravinnru:lulagir"ar r z I

La peur du roi redoubla, et le jour cornmenca ir poindre

quand il retoumait dans sa chambre. Lir il se mit i m6diter sur

l'aventure de la veille : " Je n'ai jamais rencontr€ de ma vie un

homme pareil. Il m'inspire de la crainte alors que tout Ie monde

a peur de moi. Serait.il un g6nie que les dieux auraient envoy6 icipour sauver la vie de ces 500 gardes? Ou bien un sage qui pourrait

m'aider i sauver le royaume des m6faits des diables et des mauvais

esprits? Je veux bien savoir qui il est."

Lorsque le jour parut, les gardes endormis sous I'elfet magique

des ennemis invisibles du roi se r6veillErent 6tonn6s de se voirencore vivants. Ils rentrlrent chez eux, mais le roi les rappela et

les r6unissant devant son palais, leur demanda:

."Etes.rrous endormis hier soir'i"'Sauf Thao Sieo Savat, tous r6Pondirent par I'afiirmative.

Intrigu6, le rois leur demanda alors:

-"Dans ce cas, quel 6tait celui d'entre vous qui parlait troisfois quand je venais faire la ronde.?"

Thao Siao Savat r6pondit:

."Sire, c'6tait moi, votre humble serviteur"

Le roi lui ordonna alors de lui expliquer ce qu'il voudrait

dire par ces trois formules incantatoires.

Et ce fut ainsi que Thao Sieo Savat d6bitait:

( i suivre )

(1) Merveilleux. 6 mcrveilleux. J'ai piti6 dc lui mais ccla Dc fait dte'(2) Gtac. !r la parole, mai! satrs avoi! begoin de la parole, Ie cocur a

' d6jl bien compric.

LE NOUVEL AN YAOtrPAT ]ACQUES & ANNIE LEMOINE

Les Yao, ou plut6t les Mien selon le nom qu'ils se donnent

eux-m6mes, f6tent la fil de I'ann€e en m6me temps que les Chiloisdont ils ont adopt6 le calendrier'

Pour les prdsenter en deux mots on peut dire que les Mienfont partie des aborigines de Ia Chine, au m6me titre que les

Hmong ( ou Mlo ).

Si ces derniers comptaient parmi les populations n6olithiquesdu Nord et du Centle, on attribue en g6n6ral aux Mien une ori'gine plus m€ridionale, dans les montagnes c6tidres de la province

actuelle du Tchekiang. En fait le problEme de leur origine n'ajamais encore 6t6 d6finitivement r6solu. . Leur hab,tat actuel en

Chine va du Hounan au Kouangtong en passalt par le Kouangsi,

Ie Koueitcheou et le Yunnan.

Les linguistes ont rrlunj les langues de ces populations dans

un m6me groupe linguistique; le gloupe M ao'Yao qui rassemble

une petite dizaine de Iangues diff6rentes, tant "Miao" que "Yao"'De rn6me que les Hmong du Laos ne rep!6sentent qu'une variet6

de Miao ( ou Mlo ), les Mien 6galement ne forment qu'une brauche

des Yao. Les noms de Miao et Yao peuvent 6tre consid6r6s comme

des sobriquets historiques donn6s par les Chinois Han i ces popu'

lations. Qu'il nous soit permis de remalquer que tout le monde

gagnerait, les int6ress6s et les autres, ir utiliser leur nom v6ritable;

il est dorrc vraisemblable que cette 6conomie se r6alisera un jour'

Les Mien (et autres "Yao") sont arriv6s en Indochine dans

Ia deuxiime partie du siEcle dernier' fuyant une Chine dtr Sud

boulevers6e par les d6sordres et les r6bellions contre Ie joug Mand'

chou. IIs se sont install6s principalement au Tonkin, oir on d6nom-

bre encore quelque 120.000 Mien et apParent€s (on les appelle lh

soit Yao.soit Man), puis au Laos et en Thailande en suivant une

orientation g6n6rale Nord-Est-Sud-Ouest. Si on en compte un peu

plus de 10.000 en Thailande, il n'est point assur6 qu'il atteignent

ce no-b.e au Laos. Encore sont-ils dispers6s entre les Provinces du

Haut-MEkhong (de Namtha ir Ban Houeisay ) de Louang Phrabang et

de Saiyaboury. A part I'important gloupement de la Nam Kheung

fl Nous rcpreooos ici, revu et augmen!6, un articlc d6ji paru daas les No '['7 ct 8 de la revue mensuelle l'Unit6 NatiOnale(eon6e 1969 )'Les auteuru'

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

84 LE NOUVEL AN YAO

au Nord de Ban Houeisay, les autres 6tablisscments "Yao" se pr6.sentent comme de petites communaut6s, de la valeur de deux outrois villages, n'exc6dant guire 1000 individus en habitat ccntigu.Cependant, malgrd une certaine r€gression d6mcgraphiquc, les obser-vateurs ne peuvent maoquer de remarquet l'dmouvant attachemcntde ce peuple en loie de disparition aux traditions siculaires qui lelattachett i son pass6 en Chine. Les autres peuples du Laos, Acommencer par les Lao, venus aussi de Chine, p,lus t6t, nuis dansIes m6mes conditions, sont, nous semble-t-il, directement concern6spar Ies ef{orts d'une petite civilisation r6sistant contre toute attente,auk grands courants nivellateurs de l'llistoire. ancierrre et moderne.

Le cas des Mien est assez particulier car leur civilisation sem-ble avoir h6rit6 d'une sous-culture chinoise ancienne. Les Chinoisreconnaissent en quelque sorte le fait non sans le <i6former consi-d6rablement comme dans ce mythe d'origine retenu dans les chro.uiques historiques chinoises:

"Autrefois I'Empereur Kao Hsin avait pour ennemi les X,iuanJong. Il s'inqui6tait de leurs m6faits, mais avait 6chou6 dansses exp6dirions punitives r6p6t6es. Il recherchait dans le Royaumequelqu'un capable de capturer la t6te du g6n6ral !Vou, chef desK'iuan Jong, et avait promis 20.000 onces d,or, un territoire de10.000 familles et sa propre fille en mariage i celui qui y par-viendrait. Or I'Empereur avait un chien, nomm6 pan Hou, aupoil de cinq couleurs. L'6dit ne fut pas plus t6t publi€ quePan Hou se rendit auprEs du tr6oe, tenant dans sa gueule unet6te hurnaine. Les ministres surpris l'examinerent et cldcouvrirentque ce n'6tait autle que Ia t6te du G6n6ral Wou. L,Empereur6tait tout heureux, mais il pensait par devers lui que pan Hou nepourrait ni 6pouser sa fille ni recevoir un fief. II voulait bien 16-compenser le chien mais il ne savait pas comrnent. euand safille entendit Ia nouvelle, elle insista pour que l,Empereur ne re-vienne pas sur sa parole et accomplisse sa prornesse. L,Empereurd0t marier sa fille i Pan Hou. Quand Pan Hou efit acquis sa fem.me il Ia porta dans la Montagne du Sud, il s,arr6ta dans une ca-verne rocheuse dans un endroit environn6 de pr6cipices hors de touteatteinte humaine. L'Empereur 6tait triste en pensant i sa fille.Il en-voya des messagers pour la chercher, mais la foudre et les tem$-tes les retardaient. Trois ann6es s'6coulErent, Douze enfants dtaientn6s, six gargons et six filles. Aprds Ia mort de pan Hou ils se ma-rilrent ensernble- Ils tissaient les {ibres des 6corces d,arbre, et les

LE NOUVEL AN YAO

teignaient avec des graines d'herbe. Ils affectionnaient les vete-rf,ents tres color6s, mais toujours avec une forme de queue i ['ar-ridre, Enfin, la rndre retourna auprds de I'Empereur faire une p€ti-tion. Celui-ci envoya ur messager accueillir les enfants. Ils portai-ent des v€tements tach6s et ray6s et parlaient une langue diffdren-te. Ils pr6fEraient les montagnes et les vall6es et ne se plaisaientpas dans les plaines. L'Empereur combla leur d6sir en leur don.nant pour domaine de c6ldbres montagnes et de vastes mar6cages.Plus tard ils se r6pandirent sous le nom dc Man Yi."

Ce mythe fort ancien, qu'on trouve dans l'Histoire des IIan .Post6rieurs (25-220 de notre dre) atteste I'anciennet6 incontestabledu peuple Mien. Inutile de pr6ciser que la tradition Mien voit leschoses autrement, bien qu'elle reconnaisse Pan Hou Pien Hungen mien) comme anc6tre fondateur. Aujourd'hui comme toujours lesMien se considerent comme "les descendants du Roi Pan", PienHung fun $ fa b4t De leur c6t6 les Chinois ont 6t6 tellementabus6s par cette histoire qu'il n'est pas rare d'en rencontrer, et desplus instruits, qui sont persuad6s que les Yao, descendants d'unchien, en conservent Ia trace dans leur anatomie sous la formed'un petit appendice caudal !

En fait, ce mythe, dont nous n'entreprendrons pas l'analyse ici,nous apprend surtout I'intimitt! historique des Mien et des Chinois.Al&s que, par exemple, les Hmong se situent presque compldte.ment en dehors de la tradition chinoise, les lvlien constituent parrapport aux Chinois quelque chose de comparable ) ce que sont lesThai Lu' ou les Thai Dam traditionels par rapport aux Thai deBangkok actuels. Les Mien d'ailleurs utilisent couramment 1'6criturechinoise qu'ils se transmettent de pd.re en fils. Leur tradition est6crite en caractares chinois dans les livres qui servent d ex6cuterles rites. La langue de ces rituels est un m6lange de chinois et demien, ce qui interdit leur accEs i qui ne posside i la fois la lan-gue mien et l'€criture chinoise. Pour les travaux agricoles et la di.vison du temps ils suivent le calendrier chinois dans une versionplus ancienne que celle des almanachs publi6s chaque ann6e i HongKong ou ) Saigon. S'ils peuvent s'en procurer, ils utilisent aussices almanachs, mais A titre comparatif.

En 1969, le Nouvel An Chinois avait lieu le 17 F6vrier. ChezIes IVIien la d€termination de la date n'est pas toujours ais6e. Ra.res sont ceux qui possEdent un calendrier. On se rEunit donc chez

86 LE NOUVEL AN YAO

Petits gargons Mien pench6s sur lcurs cxercice dc calligraphic au giaceau.

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LE NOUVEL AN yAO 87

le chef du village pour mettre au point en commun le calendrier.Cette ann6e-li par exemple, il y avait conflit entre le calendrierancien qu'ils utilisent et les almanachs modernes. Ils choisitent de scrallier au plus grand nombre et adopGrent le jour fix6 par leeChinois.

Chez les Mien, comme en beaucoup de civilisatioas archaiques,la fin de l'ann6e ndcessite un ensembL d" ,it"s cgmpiexes dotrtnous ne donnerons ici que le squelette, une description e"UuJo"d6passaat largement le cadre d,un article. L'ensemLle de ces ritesse dit: "Passer I'an, remercier les g6nies et les saints ( ancetres )et s'acquitter de ses dettes envers--eux,,. Fn effet, une portie impor.taate des rites est une sorte de f€te de la Toussaiat L.-. oor,rallons le voir ci-aprBs.

Ir progra"""e des rites de Nouvet Aa peut s,6taler sur uaeou leux semaines, ou biea 6tre contract6 eu quelquea joun au ps.sage de l'aa,

Il conporte toujours cinq 6tapes (l):. Remerciements aux G.6nies teia u mien 6. *rt. Rappel des Soldats Bieou s3 peng $ {l"A. Raport Annuel bua 34 hnyang *+A#-'. Sortie pour.cueillir des deurs ts'wut ;r chc s{ cieou ukhuage*&&?t. Salut i l,Ann& paai 3{ hnyang so ri+

_. Les quatre dernilres se d6roulent enue le demier jour deI'ann6e r6volue et la fin du premier jour de I'ann6e nouvelle. Lapemiire peut avoir lieu d,uue dizaine & joua avaat lq fitr de l,ao.a6e jusqu? l'avaot.veille.

l- Bemerciementg cux G6nies

. Tout commence tr€s t6t, bien avant le jour. Vers 5h. ) dumatm_ oD attrape le gros cochon qu'on a r6serv6 pour la f6te. C,esten g6ndral un monstre de 200 i 300 tg et lt fiut bi!i-to.r, l"shommes de la maison pour le tirer tantiien qu" ."1 I l,iot6ri"*..- - On le hisse sur un banc de la cuisine Snur l,Egorger plus IPaise,, en lui enfongant jusqu,au manche un graad Jouiu* Ui"o,dff la, sorse. Lu- suog s'6chappe i gros bouillons tandis que lavrctune lance ses demiers cris. On le iecueille daas une cuvette au

88 LE NOUVEL AN YAO

fond garni d'eau sal6e pour pr6cipiter la coagulation. Tout i l'heu'

re le ilap" de sang agr6ment6 d'herbes odolantes passera de convi '

ve en convive au cours du banquet.

Pendant ce temps les femmes ont fait chauffer de l'eau dans une

grande marmite; le plus souvent, car il faut bien se moderniser un

peu, c'est une moiti6 de ftt d'essence d6coup6e et convertie en marmi 'ie. Le cochon mort est entrain6 vers la salle de bain oil femmes

et jeunes gens se mettent en devoir de l'6bouillanter avant de

racler les soies.

Dans la salle commune d'autres membres de la maisonn€e oat

nettoy6 soigneusem€nt une longue et haute table, sorte de d6barrag

en temtrs ordinaire, qui jouxte I'autel des g6nies et des anc6tres,

mien sl p'ai aa {t ,f . On la gamit de feuilles de

bananier puis on y place le cochon d6coup6 en quartiers, aprlsqu'on en aie retir6 l'6chine dorsale. On reconstitue l'animal en

frenant soin de disposer Ia t6te du cdt6 de l'autel, Pos6s i nSme

l'animal, on installe aussit6t deux petits sacs en toile blanche con'

teDant du riz d6cortiqu6 et une Piastre en argent. Ils se -nomment:8se kien, en prononciation chinoise et sai 33 cen $ tf f eD

langue quotidienne, et sont destin6s iL tous les "Maitres", c'est tr

dire aux diverses cat6gories d"'Hommes.m6decine" qui ont pu op6rer

dans la maison au cours de l'ann6e 6coul6e' Ils sont couronn6s par

une longue lettre sur papier de bambou pli6e en huit: "la lettresal6e", yen 32 fien 34 !1. {6 ,ainsi nomm6e parce qu'elle contientune pinc6e de sel envelopp6e dans une feuille de bananier' La lettrecst-elle m6me entour6e pa.r un tsei sl kcng sl ,fi. {r c'est } direune feuille de papier dans laquelle on a perfor6 i l'aide d'une petitegouge des entailles 6voquant la forme d'uae piice de monnaie. Cespapiers ccnstituent la monnaie d6volue aux g6nies et aux morts. Ily a quinze rangEes verticales de "piEces", car trois rang6es formentuae unitd €t il faut cinq unit6s pour envelopper la " lettre sal6e ".Un fil rouge maintient le tout. La "lettre" ne contient aucun mes'

sage. C'est tout simplement une invitation i tous les Maitres.

Devaat le cochon on dispose encore:

- un brfile - parfum, hung $ leou ", 4&. i gauche;

. un bol d'eau, Bwi b4 yen 5{, && e droite ;

. cinq coupes de vin de lotus, pyaa 33 llwi $ lin 33

khua tiu sn tgan s4r-ff {. {,)E } ,ali8n6es devaatle br0le-parfum et le bol d'eau.

LE NOUVEL .\N YAO 69

Pr6.cDtrtioa ritu.llc du cocho!, colo&e vert6brsl. 6tac ct ri!.1r.5 cE 6vidcucc.Oa aotere eDcore le br0l..p.rIuo, le bol d,e!u, .t les cioq coupcr I elcool. Ospcut apelccvoi!, prls du tnir,ardire ler Sai $ Cen $ ff ri ct, go! leiudc L drc, lc livrc de 8€DAloriG t eili.lc.

L'offrandc au via, kwin 3{ tiu s4 fiI:E . r,offt"i.ot ticnr dra! lrllraia,_droite ua. bouteille d'alcool dc riz, t.ndit que de le oaio gauche il fnppeler "comer diviqa1el5es,, rur l,autel pour.ttircr l,att.!tio! dca GaDi.t

E}

*j

_-r-

90 LE NOUVEL AN YAO

sur le c6t6 droit de l'autel et en avant des coupes une

paire de "cornes divinatoires"' semblables i celles qu'uti'

iisent aussi les Hmong' Alors que ces derniers les tail'lent parfois dans des comes de buflle, les Mien les font

excluiivement en racine du bambou que les Lao mnnais'

,"o, "oo"

le nom de mai khom'Devant I'autel, on peut voir, pos6es sur ua van des liasses dc

feuilles de monnaie accompagn6es d'aures {euilles de papier sur

i""""Jf". on a imprim6 plusieurs images de chevaux avec- leur pa'

i"i'-;;. C".ooi les tsei sr maa r21 fr(,$ "les che'

,lu, a" "ur;"t".

Ils scnt igrprim6s )L l'aide d'une planchette grav6e'

maa 12; pen 54 ,E e " planchette I chevaux" -qu'on a

.oJJr.- a'*.t" de Chine t 2 )' Ces feuilles orn6es de th6ories de

.["u"r" t"nt placdes desscus chaque feuille d'argent, car ces che'

ouur on, pour mission de transporter l'argent vers son destinataire

a-. fe".aaa. C'est pourquoi chaque {euille de "chevaux" se trouve

J..rou" tu feuille d'argent, l6gErement d6cal6e afin gu'uo bord d6'

Dasse.

Puis les unes et tes autres sont roul'6es ensemble pour for',", d". petits Paquets nou6s avec uae paille de riz, ku' sl

kaan sl 6-f . C". rouleaux sont rassembl6s et li6s par quatre:

un rouleau de 4 feuilles d'argent et 4 feuilles de chevaux 6quiva'

lent I 120 parts, dessus un rouleau de deux leuilles de chaque, va'

lant 60 parts, puis deux rouleaux de deux feuilles valant l'uu 36 parts'

t;urtr" il p..ir' Too, serviront i gratifier les G6nies lors de lariribution g6n6rale.

Iolge dc chctal lccoEPagn dc rot pclcfrcdcr d'apr& ua 'sttsp'gc

de la Plaochc I graver'

LE NOUVEL AN YAO

Le cochon est pr6t. Dernier d6tail, on amdne en hite de lacuisine Ie foie et les poumons qu'on vient de faire bouillir et onles joint i I'animal ainsi reconstitu€.

Assez curieusement, la regle veut que ce soit un voisin quivienne ex6cuter ce rite domestique. L'ex€cutant est assis sur unbanc ou bien accroupi. Il commence par choquer l'uae contre l,autreles cornes divinatoires, disant:

REMERCIEMENT AUX GENIES DES QUATRE SAISONS

POUR L'ANNEE KI YEOU (3)

. "Moi, le m6dium, je m'avance de trois pas, jusqu'au milieude la salle de s6jour, et frappe l'une contre l'autre les cornes di.vinatoires, me permettant d'importuner les G6nies, Cela fait 59 ansque la dernidre dynastie a disparu et que le Grand Empereur aremis son mandat i la R6publique. En cette grande ann6e Ki Yeou,le 19 du douzibme mois, aux heures du Dragon et du Serpent, jerepr6sente le Maitre de maison, Lnom de l'int6ress6 ), sa femme ettous les membres gargons et filles de sa {amille, qui ont allum6l'encens.

"Dans la paltie amont de la maison, sur la haute table oir com.mence i fumer un brdle. par{um d'encens parfum6, on a plac6 unbol d'eau pure, cinq coupes de vin de lotus, une bouteille d'alco.ol de riz, un cochon entier, des mets crus et des mets cuits,....le tout sur la haute table-

"Quelle que soit l'importance de vos occupations, quelle quesoit votre humeur du moment, vous avcz une raison de vous r6u.nir avec le Maitre de maison et tous ceux de sa maisonn6e, gar-qons et filles, petits et grands qui ont allum6 l'encens: comme uneann6e a quatre saisons,.elle a aussi ses catastrophes et ses difficul-t6s, ses joies et ses malheurs. Au pljntemps on a attrap6 et sacri-{i6 un coq ?r cr6te rouge et on l'a offert sur ce m6me autel. Ona d6rang6 la foule des Anc6tres et des Ascendants de cet autelpour qu'ils reviennent et reEoivent clairement riotre message. Onleur a promis un ccchon petit ou gros pour I'ann6e afin qu'ilsprotEgent des catastrophes et des difficult6s; on leur a promis en-core des chevaux de papier et de I'argent de papier blanc, pourqu'ils protEgent du malheur (nom de l'int6ress6 ) et toute sa mai-sonn6e, gargons et filles, fleurs blanches et fleurs rouges, alin quenul malheur ne survienne aux gargons, nulle peine aux filles.

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92 LE NOUVEL AN YAO

"Avec I'hiver, l'ann6e touche i sa fin, on s'achemine vers les

remerciements i l'Au-deli, qui a pu exercer sa protection du d6buti la fin de I'ann6e. Le Maitre de maison, A la venue de l'hiver,Ie 19 du douzidme mois, comme l'ann6e touchait ir sa fin, a sacri'66 un ccchon annuel Ldes quatre saisons) et l'a pr6sent6 sur latable en remerciement ir l'Au-deli. Il est pass6 par la main des vi'vants, il n'est pas pass6 par leur bouche, pour le plus grand b6n6'

fice des G6nies et des Saints..

"Aujourd'hui je me permets d'importuner tous les soldats etg6n6raux de t'6tage inf6rieur de cet autel: Ie G6nie-Dragon Gar-dien de la Demeure, le Pdre et la Mdre Roi et Reine du Foyer,tous les Anc6tres et les Ascendants de cet autel, tous les rois et

les g6n6raux, toutes les Soeurs Immortelles., ,."Une ann6e a quatre saisons: Ie printemps, l'616, l'automne et

l'hiver. L'hiver venu, on rend grAce i l'Au'deli, demandant au

Maitre d'interroger les cornes divinatoires pour gu6rir rapidementla maladie.

"En ce jour d'hiver, j'invite humblement l'Au-dela i venirrecevoir les r€merciements et les actions de gr6ce. Tout le monde

s'est donn6 de la peine, maintenant viennent les remerciements.Nous remercions clairement I'Au-deli. Que les chemins de l'Au-de'Ii soient tranquilles, que Ies voies de ce monde soient paisibles.

On ne pourra pas dire par la suite que le Maitre de maison a

maltrait6 l'Au-delir.

"On a d6jiL remerci6 les G6nies, honor6 les Saints, on Peut main'tenant dire que dans l'autre Monde il y a des Vrais Saints Effi-caces, des G6nies sages et puissants. Au passage dans une nouvel'le ann6e, nous comptons sur Ie retour de I'Au'delh pour prot,6ger

toute la maisonn6e de (nom de l'int6ress6 ), garqons et filles, fleursblanches et fleurs rouges, qu'aucun malheur ne survienne aux unset aux autres.

"Tout le monde va avoir ses sept 6toiles chang6es (on ne saitpas encore ce que l'avenir nous r6serve ) et changera aussi Ia GrandeOurse, et mdme l'6toile Cu zodiaque qui rEgle I'ann6e. Tout le monde

va changer d'habits et de chaussures. Qu'en cette nouvelle ann6e

l'argent destin6 i cete maison veuille bien y lentrer, que des gains

extraordinaires viennent l'augmenter ! Que les cultures rendent bien!Que le commerce prospdre ! Que l'6levage s'accroisse ! Qu'c I fasse

des gains d'or et d'argent! Que toutes les entreprises aboutissent...

LE NOLTVEL YAO e3

"Alors on pourra dire quc l'Au.delh a des Saints efficaces etdes G6nies puissants. Que l'avenir ne contredise pa.s nos pe.roleslnss6es! Revenez prot6get cette maison, des auvents jusqu,au solm6me, prot€gez ses cochons et sa basse-cour!eue les cinq chemiulde la montagne verte nous conduisent i la fortune, qu,i lint6rieurde la maison diparaissent les arr6t6s mandarinaux, qu'l l,extdrieurs'6vanouissent les maladies et les tigres ! eue la maison soitinterdite aux rats, que les champs i I'ext6rieur leur soient aussiilterdits .. . .

"J,invite les Saints i descendre de cheval et e se rassetD.bler. Que les Gdnies prennent place l"

- Cette lo-ngue citation ne repr6sente que l,"expos6 des raisons,,kcng sr thong ee in ss yeou ur ?f, {. El A , l,exorded'un rite fort long dont nous n_e donnerons ici que le d6coupage.Il est suivi par trois s6ries d'invirations aux G6nies. B" init,selon les rlgles de courtoisie Mien, ule ilvitation, quelte qu,ellesoit, ne saurait 6tre entendue et agr66e que si on la r€itire troisIois de suite. A la troisilme fois la personne invit6e se d6range,Les Mien nomment chacune de ces r6pdtitions d,un nom sp6cial,indiquant par li que chacune d'elle a son importance et qu,on nesaurait la n€gliger. Elles se prdsentent dans l'otdte suivant :

*. Tzaao ( chinois ts'eou) " Rapporter au Tr6ne,' ( terEe,, lmploy6 par les Chinois pour les rapports i l,empereur );

Sff . Ts'iag ( chinois ts'ing ) " Inviter, Prier de,';3[. Oou (chinois Houol "Presser de , insister etc,,,.,

Et par un ralfinement de courtoisie, chacune des trois invi.tes est encore r6it&6e trois fois... Ensuite a lieu l,Ofrrandedu Vin kwin sl tiu 5d

^fifi! . , suivie par le partage de l,Argentde papier, pun sa tsei s{ r\& . Alors on ,, sacrifie des coqspour marq,'fr de leur sang les soldats et le baaquet,, tAi sicar 33 ts&i 3{ peng 33 tsai 31 yin $ dt*B6$.6i€ .

Pour ce faire on a dispos6, entre l,autel et la po e prin.cipale, un grand van au centre duquel se tlouve un grand bolou une petite cuvette en 6mail. Tout autour, le long du borddu van, se trouvent rangdes en cercle douze petites Lsses iL th6en porcelaine chinoise. Si le Maitre de maison n,en possidepoint un nombre suffisant, il les fait alterner avec des bols. Du o6.t6 amont on a plant6 trois petits fanions : un louge, uo blanc,uD Doir. Ce soat les banniEres des soldats.

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

9{ LE NOUVEL AN YAO

A cdt6 des petits drapeaux le Maitre de maison Plante 8ekim gl tsin rz di q, , ," petit couteau en fer avec un a!'neau gami de rondelles, sonnant les unes contre les autres lors'qu'on l'agite. C'est une tEplique d'un type d'6p6e chinois, qui

sett dans la plupart des rites d'exorcisme.

Comme le sacrifice des coqs demande un certaia noobred'actions simultan6es, le maitre de rituel fait appel i uu ou

deux assistants pour tenir les poulets, les prdsenter aur gEnier

et les 6gorger en temlx voulu.

La "tablc du baDquet" yin 33 tt'ia $ d. + ( E'i. tis.ific litta'ntcoclt "char", aaot dout. unc allurioa t h fotoa aondc du vro)

Avant de procder au sacrifice des poulets, le Maitre de

raison entreprend d'inviter les gdnies I "fermer le cercle et

I s'insuller i la table du banquet, I distinguer clairement les

poulets sacrifi€s" qui se r6partissent comme guit: .

"- un poulet pour les Soldats de l'Autel Inf€rieur" pour leSeigneur de la Cuisine et le Gardien de la Demeure, pour les

Anc€tres de cette lign6e et Pour ceux des ligndes alli6es'

- u! poulet pour tous les Rois-Anc€tres, conducteure de

deuil, du Maitre de Yin et de Yang, Fa Ting ( le maitre de

rituel ),

' un poulet pour tous les Rois'AncAtres, conducteuls de deuil'du Maitre Fa Tzoi ('le second du maitre de rituel ),

- un poulet pour les deux ascendants qui veillent sur lac&6oonie,

t

LE NOUVEL AN YAO

en tout cinq poulets".

Suit une 6nurn6ration d6taill6e de tous les G6nies convi6s,tandis que le Maitre de maison sollicite une r6ponse en langantde temps en temps les "cornes divinatoires". Puis il se saisitd'un beau poulet:

."Veuillez venir ) Ia table ronde du banquet. Voici un coqi cr6te rouge pour r6jouir l'Au-delh et tous les Saintsde ce brtle-parfum. Avant de verser le sang, sacrifionsquelques plumes. Je pr6sente la t6te vels la gauche deI'assembl6e, la queue vers la droite. Je sacrifie pour tousles of{iciers et soldats, pour tous Ies Anc6tres lointains, pourtous les Rois Efficaces, pour toutes les Soeurs Immortelles,pour les douze G6nies Inspecteurs, Gardiens des Portes,pour le Jeune Homme protecteur des Auvents, pour leSeigneur gardien du cheptel, pour Ie Jeune Homme Gar-dien du village, pour le Vieux Monsieur Protecteur de laCommunaut6 .. . "

Tout en parlant i ses h6tes de l'Au-deli il a arrach6quelques plumes de poulet qu'il a fait tomber au dessus des pe'tites tasses en cercle sur le van. II contioue:

-"On a d'abord sacrifi6 les plumes, maintenant on va le tuer aucouteau tranchant- Ensuite on sacrifiera le sang. Avant de ver-ser Ie sang on a arrach6 quelques plumes. Par le sacrificedes plumes on a obtenu la r6ponse, par celui du sang onobtient l'efficacit6. La t6te de Ia victime est tourn6e versla gauche, sa queue vers Ia droite de l'assembl6e, A gauche

sont les soldats, ir droite les g6n6raux. Je verse le sang

sur les douze coupes de vin de riz, sur la table du banquet.."

Cependant il a tranch6 d'un geste vif la gorge du pouletet fait couler le sang dans les douze tasses et dans le grandbol du milieu. II fait tomber un peu de riz sur la vaisselle en-sanglant6e, puis va marquer de sang et de plumes l'autel, revientvers la Porte Principale et colle sur le chambranle quelquesplumes sanglantes, ir l'intention des Gardiens des Portes.

Les autres protagonistes ont prcc6d6 de m6me, chacun avec son

poulet, d6posant i mesure les poulets morts su! I'autel. Le maitre de

rituel s'est saisi maintenant d'un bouteille d'alcool de riz dont i[ serti boire aux convives de l'Au-deli. L'alcool se m6lange au sang

95

96 LE NOUVEL AN YAO

E! trri! d. coDsulter 1.. g6!i.3 l ls "tablc du b!!quer" tur lsquellc oa t)Gut

voit le slug r6PaDdu.

I

LE NOWEL AN YAO Y7

r€pandu en une d€coction opaque. On ramine les poulets mons tr la'table du banquet" et llL, comme il sied i toute victime sactifi€e, ooleur d6die en guise de viatique, quelques feuilles de monnaie deI Au-del}, que l'o!r brtle aussit6t aprEs.

- La communion au snng de poulet termin6e, on range le vau, lesdrapeaux, l'6p€e d'argent et les tasses. On peut procddi alors I unedistribution g6n6rale d'argent :

. pua_ 4s tsbi sl sieou $ leng 12 fu&, s{ mlen sl kc' orsing s{ kwe se taan $ liu ,A,&{( 4|efu&fi-ftlg i .

Et la c6r6monie est close.

2- Rappel des eoldateSelon que le Maitre de maison a choisi de c€lEbrer le Remercie.

Eent des G6nies ) l'avance, ou non, la c6r6monie est suivie du baa.quet ou du rite suivant: le Rappel des Soldats. En ce cas les rites necotnmencent que lhvant-veille du Nouvel An et s,enchainent les unsaux autles sut un rythme rapide. Le Rappel des Soldats, Sieou as

?eng 31 .. n'int6resse que ceux qui ont franchi quelque degr6dans la hi€rarchie religieuse. A chaque degr6 corresponi un nombrede- soldats attach6s ) sa personne comme-des anges gardiens. Aufaite de la hi6rarchie on a droit )r 120 soldats, uidis qlue son 6pouse n'en regoit que 60: Au bas de l,6chelle, le premiei degr6 nedonne droit. qu'i 36 soldats et seulement 24 pour son 6pouse. Lesc&6monies, de passage hi6rarchique donnent lieu i de grandesddpenses de richesse et sanctionnent dgalement le rang en cemonde et celui qu'on acquiert dans I'Au-d;la.

Le rassemblement des soldats avant la fin de I'ann6e est une d.che importante, car d'eur d6pend la protection efficace de la maison.n€e contre Ies maladies et les mauvais g6nies.

.Le rite,que, pour cette fois, nous ne d€crirons pas eD d€tail, setereine par la paie des soldats.

Ia paie donne lieu i un dialogue entre I'officiant ct les int&es.s6s. Ce dialogue s'engage par l,interm6diaire des cornes divinatoires,qui se chargent de rEpondre "Oui,, ou ,,Non,, I chaque question pos6e.Ia- discussion tourne principalement au suJet de la solde et l,on peutvoir l'officiant rajouter par petits paquets iL la somme initiale jusiu'lce que les comes divinatoires expiiment la satislaction des intCressds.Lorsque celle.ci est trop longue ir venfu le ton monte et lbfiicia:rt pro.teste aulxes des g6nieo

98 LE NOUVEL AN YAO

Cette premilre c6r6monie peut ette suivie ou non d'uae sEaoce

de M6diums, put s4 tong 33 $ q. ffais elle n'a lieu que lorsque lamaisonn6e a essuy6 des d6boires au cours de l'ann6e. EIIe vise appa.

remment ) conjurer le mauvais sort en interrogeant les soldats. Pourcela la m6thode divinatoire est trop limit6e, il est ndcessaire que lessoldats s'incament dans les m6diums. Les m6diums Mien ressemblentbeaucoup aux m6diums chinois Tong Ki, dont les Ba D6ng des Vietna.miens ne sont qu'un pile reflet.

Quand une s€ance de m€diums suit l'appel des soldats, la premi.ire c6r6monie s'interrompt avant la paie des troupes. L'argent en pa-pier rassembl6 $le-m6le dans un grand van est pos6 sur la table.auteltandis qu'on va qu6rir dans le village un orchestre et des volontairesm6diums.

L'orchestre est t6t form6. Il s'installe i gauche de l'entr6e prin.cipale, l'essentiel €tant de ddgager cette entr6e, par oir les soldats peu-vent p:n6trer. Il se compose d'un tambour de labrication locale, d'unepaire de cymbales de cuivre et d'un !ong. Le rythme est trls rapide etfoumira un support sonore aux m6diums. Un premier m6dium s'avance,il s'installe sur un banc dispos6 au milieu de la pi]ce et qui ressemblecoome un frire au banc des chamanes Hmong. Il se recueille uoinstant puis se met tout de suite i trembler, selon [e uode familieraux chamanes Hmong: jambes repli6es sous le siige, coudes au corps etpoings serr6s. Mais il ne porte ni masque ni attirail chamanique.

Il commence i trembler de tout son corps tout m poussant unesorte de hennissement, indiquant par mimique tout en restant assis :

1. qu'il monte i cheval (main droite figurant la t€te du cheval, brasgauche repli6 derriEre le dos), 2. qu'il chevauche le dragon c6leste( bras droit lev6 vers le ciel, bras gauche derriEre le dos), 3 . qu'il voledans le ciel (deux bras lev6s ). Puis, tout ceci s'6tant pass€ trls vite ilse llve et part sur [e pied gauche, jambe droite pli6e sous le coude etfgurant le cheval. Il va vers le {oyer qui se trouye }L droite du banc,prls de l'entr6e secondaire et li, il s'accroupit sur le feu qui a 6t6 plusou moins 6touff6, ramasse ir poigndes de la cendre chaude dont il s'as.Perge pour se purifier avant d'approcher l'autel et les esprits. S'6tant"lav6" il repart vers l'autel ir cloche-pieds, c'est-ir-dire i cheval commeil est venu.

Parvenu devant lfautel, il prend une poign€e de riz, fait un gested'invitation suivi d'une courte r6v6rence iL l'6gard des esprits.soldats,Duis se retourne et jette le riz ir la vol€e en direction de la porte prin-

LE NOUVEL AN YAO

cipale. Alors il balance les bras lat6ralement, faisant semblant de "ba.layer les soldats".

Cependant un deuxiEme m6dium, puis un troisilme s'installentsur le banc reproduisant Ies m6mes gestes. La piEce est un instant obs.curcie par Ia cendre qui vole de toute part.

Le premier conduit toujours la danse: il live la Jambe droite ettourn6 vers l'autel, le coude droit pos6 sur le genoux droit, il simuleen balanqant I'arant- bras un drapeau flottant au vent. Ce sont:

1) les soldats du drapeau rouge,2i les soldats du drapeau bleu.

Ensuite, i cloche-pied sur le pied droit, la main gauche derriErele dos et le tranchant de la main droite parallEle )r lbreille, il 6voque"le Grand Prince ) l'6p6e i dcuble trarrchant" et, changeant de piedet portant de la main gauche, "le Grand G6*ral au sabre meurtrier".Puis, tournant sur lui-rn6me en imitant un cavalier, il 6voque "celui quiretourne ir cheval vers son pays natal", changeant de figure, la maingauche lev6e, la droite derriEre le dos, il 6voque "Le G6n6ral DragonC6leste" et, les deux bras lev6s, "le Grand Prince qui vole dans Ie

Ciel". Enfur, se frappant la poitrine avec les deux poings, il regoit les"soldats du tounerre de bronz€ et du tonnerre de fer".

Les autres m6diums, cependant, sont parvenus eux aussi i l'auteloir ils ex6cutent avec d6calage la nr6me pantomime.

Le meneur de jeu lance ) nouveau du riz, il revient vers l'autelen sautant des deux pieds, mains aux hanches, en 6cartant et joignantalternatirement les pieds, disant: "Que les soldats prennent place tousensemble" ei il impose Ie p'oucc, [e majeur et l'auriculaire de chaquemain sur le bord de l'autel. S'appuyant sur ces six <ioigts, il se baissevers la rang6e de coupes et boit des li:vres dans chacune des cinq cou-pes, disant :

-"Ca, Cavaliers et Soldats de I'autel. Anc6tres de cette maison, An-ciens, vieux et jeunes, hommes ou femmes, Ascendants de cette lign6e,descendez de char ou de cheval, tous pied i terre, buvez, je vous priel"

Et s'appuyant sur ses six doigts, il se baisse vers la rang6e decoupes et boit des ldvres dans chacune des cinq coupes d'alcool de riz.

Il se redresse. On lui tend une paire de cornes divinatoires en

lui demandant des nouvelles des g6nies.

-"Ah! Consultons les cornes ! Anc6tres de cette maison, Cavalierset Soldats de cet autel, Ascendants de cette lign6e, allez-vous bien

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100 LE NOUVEL AN YAO

ou non? Etes-vous en bon 6tat? Je bats les cornes trois fois (joi.gnant le geste i la parole ). Ah! ils sont en bonne sant6, rien i signaler, tout va bien, seulement il y a encore des soldats 6gay€s,des soldats dispers6s en petit nombre. ...

(Il se tourne maintenant vers l'assistance, adoss6 i l'autel et lesyeux ferm6s. II tient l'extr6mit6 de de sa queue occipitale - selon lamode mandchoue de l'ancienne Chine-et semble tirer son inspirationde ses cheveux qu'il fait rouler entre ses doigts. )

-"Voila un an, deux ans, trois, quatre ann6es pass6es qu'on peutdire que les soldats sont dispers6s en trop grand nombre, il n'y arien de sp6cial i dire. Oh! consultons les cornes, Anc6tres de toute lamaisonn6e, Pdre et Mdre fondateurs de cette maisorr et vous, Princeset g6n6raux. . . Passez moi les cornes. .."

Il les jette en disant :

." Anciens qui veillez sur toute chose. venez!. . . Ah! Cass6!"(Les deux cornes montrent l'une sa face interne, l'autre sa faceexerne) Passez-nroi les cornes,"

L'assistant a ramass6 les cornes et les lui tend. Il les jette pourIa troisiEme fois:

-" Les cornes montrent leur c6t6 Yin (le dos); ils disent,Maitre de maison, que quelques soldats seulement se sont 6gar6s.C'est tout ce qu'ils disent. . ."

Ce court passage, que nous venons de d6crire aussi fiddlement quepossible a6n que le lecteur puisse se repr6senter la scdne, n'est que leprologu. de toute uue s6rie de tableaux. Les m6diums peuvent 6tte ennombre variant de deux i dix. Cela d6pend de l'assistance et sans dou-te aussi des succls obtenus par les premiers qui se sont lanc6s. S'ils neparviennent i rien, on court en chercher d'autres qui s'6lancent i leurtour. L'issue de la s6ance, aprls quelques num6ros de groupes endiabl6set le sacrifice de quelques poulets, voit Ie rdglemenr long et minu.tieux de Ia solde des soldats, comme nous l'avons pr6cEdemmentd6crit. Tout cet algent est ensuite br0l6 pour qu'il puisse atteindreses destinataires dans I'Au.deli.

Avec ou sans s6ance de m6diums, le Rappel des Soldats estsuivi d'un grand banquet, oir tout le monde dans le village, y com-pris les 6trangers, se trouve convi6. Il n'y a pas d'heure fixe pource banquet, il a lieu lorsque [a viande sacrifi6e a pu 6tre pr6pnr6epar la cuisine. En ces derniers jours de l'ann6e il n'est pas rarequ'on fasse trois ou quatre banquets de la sorte chaque jour. Aussi

LE NOUVEL AN YAO IOI

ceriains pr6ferent d6caler la c6r6monie d'un jour afn de trnuvoirconvier tous les h6tes qu'ils d6sirent au banquet.

Ce sont ces banquets que les 6trangers ) Ia vie quotidiennedes Mien connaissent Ie mieux. On y fait de joyeuses agapes etet l'alcool emplit toujours les verres. Comme le mobilier ne peutfournir une table assez longue pour Ie banquet, on y supplEe par un6chafaudage de planches pos6es enue les perites tables ordinaires. Onrecouvre le tout de larges feuilles de bananier. Et on aligne des petitestasses ) th6 de porcelaine chinoise tout au long de la table. Lorsquetous les invit6s soDt d6ja Ii, arcroupis en attendant au coin du feu, leMaitre de maisoo, mais le plus souvent un substitut, invoque les anc6.tres, en les conviant i propitier ce repas. II est assis tout seul en boutde table, l'invocation dure facilement une demi-heure. AprEs quoi toutle monde s'assied en tenant compte des pr6s6ances, les plus honorablesoccupent le haut de la table, soit la partie qui lait iace i la porte dtn-tr€e principale, sur le devant de Ia maison.

[Jn fils de [a maison, promu grand 6chanson, verse de l'alcool ila ronde. Cependant les convives n'y touchent pas et se contente dbb.server un silence iL peine troubl€ par une ou deux conversations ensourdine. L'6chanson refait un tour de la table, cette fois en tenant ila main une tasse d'alcool qu'il offre poliment tmain gauche soutenantson coude droit) i chaque invit6. Celui-ci la regoit, l'approche de sonvisage en un geste de salutation, puis la retourne sans y avoir touch6.Telles sont les rigles de courtoisie Mien. Lorsque I'6chanson a Iait letour de [a table, les convives l'arrGtent au passage et, s'6tant saisis dela coupe pleir:e qui se trouve devant eux, ils lui rendent la m6me poli.tess€. Puis les vieux qui occupent le haut boui de Ia table commencenti r6citer tous ensemble une longue formule propitiatoire, termin6e cettefois par une libation collective. Le banquet est ouvert.

Pendant que tout le monde boit, chacun encourageant ses voisinsde la voix et du geste: "Hop Tiou", les femmes vigilantes ont port6sur la table les petits plats de banquet, qui doivent accompagner le vin.C)n peut voir des intestins frits, du prcrc bouilli, agr6ment6 de sauce desoja. des nouilles de riz au porc, etc. . .

La sauce ici est le soja et non le "nam pa", on l'agramente de pi-ments 6cras6s. La verdure est repr6sent6e par des feuilles de choux.pomme pos6es i port6e de chacua. Au milieu du repas les femmes appor.tent le sang caill6 m6lang6 ) du riz grill6 puis pil6. La cuvette circuled'un convive i I'autre, chacun utilisant la n:6me cuiller. Enfin dernier

102 LE NOUVEL AN YAO

mets d6lectable, surgit un plat de riz gluant m6lang6 de sang depoulet, vestige du sacrifice intervenu pendant Ia phase ultime du Rap.pel des Soldats. Aprds que chacun aie bien bu et mang6, on fait circu-ler un peu de riz gluant, pour ceux qui auraient encore faim. Lespremiers rassasi6s quittent la table un i un, tandis que d'autres lesremplacent.

Le banquet donne lieu parfois i des joutes po6tiques, qui sont au-tant de d6fis i boire. Les Mien qui pratiquent encore cette trEs vieilletradition bachique doir'ent 6tre trds vers6s dans l'art des vers de cir.constance accornmod6s aux thdmes de l'adrrersaire,

Tard dans la nuit du 28 de Ia dernidre lune on entend dans le vil-lage quelques d6tonations pour rire: plaisanteries d'ivrognes, parfoissuivies de tirs d'arme de guerre, si on a pu inviter un militaireiL Ia fAte.

3 - Rapport annuelLe Rappel des Soldats, g6nies gardiens des habitants de la maison

n'6tait qu'un rite pr6liminaire. Les pr6paratils directs de Nouvel An necommeDcent que dans la jouro6e du 29 luaaire ( en 1969 par exemple,c'6tait le 15 ou Ie 16 {6vrier, selon les maisonn6es). Au milieu de l'a-prtss.midi, les fils de la maison rEfectionnent l'autel domestique. On en-live co:nplltement les d6cors de papier de I'ann6e pr6c6dente pour lesremplacer par des neufs. C'est urte op6ration longue et minutieuse quiprend tout le reste de la journ6e jusqu'au soir.

[,e d6cor de l'autel se compose d'une grande feuille de papier debambou confectionn6 au village servant de support. Par dessus on colledes motifs g6om6triques naifs, d6coup6s au ciseau, en forme de dents descie, d'6toiles etc. dans du papier glac6 de couleur brillante, rouge, vertbleu, jaune, etc. Ce papier provient des boutiques chinoises du march6le plus proche. Les Mien utilisent comme partout en Asie, la colle deriz faite i Ia maison, qu'ils obtiennent en faisant chaulfer du riz pil6en poudre dans un r6cipient au coin du loyer.

Lorsque l'autel est pr6t, quelqu'un de la famille, le fils ain6 ou le;Ere ou bien un officiant recrut6 dans une maison voisine, procide de.vant l'autel au Rapport Annuel, boua hnyang boua fouei. tadisposition de l'autel est !r peu prds la rn6me que pour le Remerciementaux G6nies. Cependant elle comporte obligatoirement: ) I'int6rieur del'autel un brdle - parfum, un bol d'eau, une lampe, un petit sac de riz,Bge kien, et un poulet bouilli. Sur le c6t6 gauche se tient une bougieallum6e. Lampes ou bougies, et encens, sont un emprunt, entre autres,i la tradition chinoise; en effet la fum6ede l'encens guideles g6nies

. LE NOUVEL AN YAO IO3

pendant.le jour, tandis que Ia lumidre des lampes et des bougies leurmontre le chemin la nuit. Ainsi 6clair6 l,autel est tout illuminE i l,in.t6rieur comme i l'ext6rieur. Sur le rebord et devant lu port" on a ais-pos6 cinq coupes pour I'alcool. Enfin sur la table adjacente, on peutvoir le m6me dispositif 6tal6 au large: le centre 6turri o"",ri6 p". ,osac ssekien flanqu6 de chaque c6t6 de 4 galettes ae "e"u-t et ae rizgluant empil6es l'une sur l,autre landis que sont aligndes au bord dela table 5 autres coupes d,alcool.

Tous ces objets sont ou neufs ou cens6s l,6tre, ainsi que le veut latradition Mien. A {aire tous ces pr6paratifs l,apias-midi

"leit ecoul6bien vite et le soleil d6cline d6ji i l,horizon.

On approche du soir. Tandis qu,i l,ext6rieur de la maison, on en.tend des coups de feu de bienvenue, le pr6pos6 au Rapport, qui estaussi un maitre de rituel, s,approche de l,autel domestiqug et frappantpar trois fois les cornes divinatoires l,une contre l,uuir", il s,adresseaux G6nies et aux Anc6tres:

.- -"Je m'adresse aux Saints, devant et derridre, je frappe trois foisl'une contre l'autre les cornes divinatoires, priant les Su;rri" .i aerurr-geant les G6nies Chairvoyants. Voild 59 ans que le Grand Empereur arendu ( son mandat) et que n_ous sommes sous Ia juridiction de ia R6pu-blique f4) en I'ann6e wou-chen (nom de l,ann6e chinoise en cours).Aprts le Printemps, l'Et6. I'Automne, depuis I,Hiver, nous sommes par.venus justemenr au 30 du douzidme mois, dans les heures ( S ) Chen etYeou (c.).d. entre 3 h de l,aprds-midi

"i Zt t. J" t6moigne-que* le Mai.

tre d_e maison Tang Fa Kouang et sa maisonn6e, aes pirtes i Ia sallede s€Jour, et ) l'autel principal ont remplac6 ) neul le brirle-parfumancien et les b6tons d'encens, le bol d,eau et les cinq coupes de vin delotus, les ssekien et le bol de riz, l'argent pour l,".r""n" d, Maitreli,les galettes de riz gluant et de s6same, l,hrii" de la lampe, te" borgiesde cire et les fleurs diverses et pr6cieuses. Je n,invite p;s n,importequel g-6nie, n'importe quel saint (d6funt). Je -" pe.met" de d6ralrgerMes Seigneurs les Ancitres i l,encens toujours allum6. Messires deI'Administration, Mes Seigneurs les Trois plrs du Grand lao,les 96-n6raux de l'autel d'en haut ( 6tage sup6rieur de l,autel ),les

".,uli"r" deI'autel dtn bas, soldats et g6nrlraux de l,autel du milieu, que tous re.viennent!

"Quels que soient les chemins que vous preniez et quelle que soit vo.tre coquetterie ( apparamment les g6nies aiment i se laire piier! ) vousavez une raison pour rencontrer le Maitre de maison: chaque ann6e a

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

104 LE NOI'VEL AN YAO

ses Drofits. chaque ann6e a ses t6moignages de reconnaissance Le Pria'

i"*i"l ir'rar" ts'ing Ming (6) lt 'l?

(f6te des morts) alors que

les ieuilles n'ont pas encore pouss6' Puis vient encore I'!'tc' oD retour'

"it" *f pout les labours et les semailles Au d6but du Printemps mJ**a" q"" les pousses entrent dans la vall6e' En Automne au SeptiE'

."-l{"i., I "" la grande f6te de Mou Lien E l8 ' la grande f6te

i;ft;; Yun t-zlf i-. , on olfre de l'aigent i ceux de I'Au'deli'

;"rbli; point ni les lrEres ain6s, ni les honorables belles'soeurs' car

i" p-.oeirie du tombeau protEge celle.de [a maisonn6e' On. assure la

pti.peti e du Palais Fun6raire pour qu'il proGge Ia prosp6rit6 de nos

geos.

"En hiver I'ann6e se termine, en Passant i une nouvelle ann6e' oremercie pour cette grande prosp6rit6, et on pr6sente le RapPort

Annuel iL l'Au'deli."Au cours de I'ann6e Wou-Chen qui se termine le Maitre de mai'

so, n'" pu. obtenu de grande prospr6rit6 dont il puisse -remercier

l'Au'lefa. t f" effet, le chei de famille a 6t6 malade une bonne partie de

i.riee ;. ,oit "pp"ruitte

de signe de gu6rison)' Mais sit6t -pass6

le

Nouvel An, le u, l;12,Ie 13, le 14, le 15,ou Ie 16, du Premier-Mois, tous

les parents'retou;neront au Temple Ancestral ( ir l'occasion du-mariage

du fils ain6 de la maison) pour rendre grAce aux Saints et inforrner

l'Au-deli. Au passagc de l'ann6e nous pr6sentons d'abord le Rapport'

demain aux heures yen et mao (soit entre 3h et 5h du matin et 5h et

7h ), le Maitre de maison aimerait sortir cueillir des fleurs, il retoumera

vous olfrir ir boire et se r6jouir avec vous. Demain Ie Maitre de maison

ignore si ce sera une lille ou ul homure, qui ira d'abord' Qui que ce

siit qu'il en ait du profit CIes Mien vont symboliquement cueillir des

fleurs dis l'auLe di premier jour de l'ann€e, ces fleurs symbolisent

prosp6rit6 et prog6niture nombreuse. ) ! Que ce soit un homme ou une

iemme qoi rnu."lh" "n

tete, que ce soit un homme ou une femme qui

mette le pieds dehors en premier, qu'il en ait du profitl Qu'ils mar'

chent i I Est, au Sud, i liOuest ou au Nord, qu'ils en aient du pro'

fit. Qu'ils puissent se partager les fleurs. Que tenant des fleurs &ns

"h"qi" rnuin, dans la gauche ils tiennent de I'or, dans la main droite

de i'argent et retourn;t ainsi saluer I'Au'deld pour l'ann6e nouvelle,

saluer la chance, saluer les profits iL venir, saluer pour ouvrir les nuages

B l'Est, saluer pour ouvrii la porte du maitre ir l'6cole de qui on

dEsire se mettre, qu'on puisse le visiter et €tudier ses techniques'

Le maitre se prosterne pour obtenir la prosp6rit6, le disciple se pros'

terne pour demander l'eificacit6. Les ,ieux se prosternent pour de'

LE NOUVEL AN YAO ro5

mander la vie 6ternelle, les jeunee pour obtenir une longue vie etune jeunesse durable, De m6me que les fleurs 6closent, que la chairgrandisse vite et parvienne ) maturit6 (ce qui veut dire..que les en.fants chejtifs grandissent bien,'). eue les tr6sors que l,auenir nousr€serve entrent dans la maison, que des richesses inattendues viennentles augmenrer. Tout cela d6pend justement de l,efficacit6 de l,Au.delir,de la sagesse et de l'habilet6 des Vrais Saints. eue tous les G6niesEfficaces rallient le br0le-prfum, que tous les Saints reviennent eD.semble. Le premier arriv6 sera le Dragon, le maitre, sera l,arbitre detoute grice, pour soutenir et prendre soin de la maisona6e, prot6ger l,a.bondance des gnulaillers et des porcheries, Lorsque nous ;ravirons lamontagne pour demander [a lortune que les "d6crets mandarinaux,,(soit mort et maladie, envoy6s de l,Au.delil des Six Chemins se dis.persent ....

. _ "Arr6tez votre char, que tous les Saints descendent de chevat, que

les Gdnies prennent place",

Ansi se termine l'exorde du Rapport Annuel. La traduction int6grale que nous venons de donner, bas6e sur la transcription mot e motdu texte enregistr6 lors du Nouvel An Mien 1969, ne .epr6sente quetrois pages et demie d'un texte qui en compte au total ;e centaine.Oa pourra s'6tonner d'une telle prolixit6 du iituel.

Elle est due principalement i la coutume d€ji signal6e de r6it6rerau moins trois fojs toute invitation, mais aussi I liprolif6ration desG6nies qui peuplent l,Au.delir,

L'exorde est d'abord suivie de l,6num6ration des divers G6niesIovit6s, L'officiant commence en pr6cisant :

."Je n'invite pas n'importe quel G6nie, n'importe quel Saint,'.

. _ La thiogonie des Mien nous parait fortement marqu6e par le panth6on Taoiste chinois. On y trouve incorpor6 ,nu borrrr" partie desdleux et immortels taoistes. Le faite de la hi6rarchie c6leste est occup6Par la trinit6 des Trois purs faam 33 ts'ing 33

= jf ( chinois San

1's'ing). Chacun de ces dieux, selon la traditifn cninoisJ est le souve.ratn d'un ciel "pur". Le terme de',pur,, s,appliquant aussi bien au dieuqu'au ciel oi il r6side, Les purs se distinguent i,un l,autre comme: yUIt_i,lg^ry de J.ade,,J. ;f Chang fs;i"s p,.i,o*";;; Ji,tet l 'ar I s'lng "Pur Eminent,, { ;f . IIs ,e nomment respectivement:

,,, ,, ,(Yu Ts'ingl Yuan Che T'ien Tsouen L4 ^4

-LeVcn€rable C6leste du Commencement Originel,,;

106 LE NOUVEL AN YAO

- (Chang Ts'ing) LingPaoT'ien Tsouen ff f n4 "r"V6n6rable C6leste des Tr6sors Efficaces";

.(T'aiTs'ing) Tao Tt Tchen Kiun{&"&# "Le sei'

"""r. VC.i,oUi" io" Tuo "t de la Vertu", connu encore comme Tt&i

'Ct rog Lao Kiun *,.1* A "Le TrEs Haut Vieux Seigneur"'

,r-o.!-p-u. l".qr"ls les TaoisteJd6signent Lao Tseu I'auteur du Tao

To King "Classique du Tao et de la Vertu"'

Les Mien nomment familiErement ces trois divinit6s :

Yuan Shi .f-*6 tchinois Yual Che) ou Leng Shi ( chinoir

Ling Che) fi-*$Leng Pou ff f (chinois Ling Pao)

To Ta {.& ( chinois Tao Tti)

Elles sont entour6es d'un grand nombre de divinit6s de statut iE'

I6rieur, hi6rarchis6es les unes par raPpolt aux autres. la tradition

Mien a s6lectionn6 les plus importantes d'entre elles en une collection

de 24 images, peintures en couleur selon la tradition chinoise' Ces pein'

tures sont conserv6es pr6cieusement et rarement expos6es, en des occa'

sions exceptionnelles comme les fua6railles par exemple' On y trouve

i c6t6 des Trois Purs les images repr6sentant:

ryA :"le Maitre des Saints", sorte de

ministre de gauche des Trois Purs,

J. g : " l'Empereur dg Jade ", sorte de

ministre de droite,

$ X. fp ' "Le Maitre C6leste de la famille Li",

- Tch'ans T'in Sai : " Le Maitre C6leste' de la {amille- lk x1f Tchans",- Eoi Fan &,*' : "Hoi Fan",

- Tai Wai ,rEt : " le Grand Conn6table",

' Pa Taan Yuan-Chouai : " Le Mar6chal qui garde

)Ltgf-bF t,Autel,,,' Tang Yuan Chouai fF i- g,f : " Le Mar6chal dc la famil'

le Teng",' Tseou Yuan-Chouai i{- i- g'tr : " Le Mar6chal de la famil'

le Tseou".

. S6ng Tsieou

- Nyut Eung

. Li T'in Sai

L07LE NOUVEL AN YAO

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r08 LE NOUVEL AN YAO

Tous sont des figures bien connues de l'icoDographie taoiste(8). On y trouve, m6l6es aux divinit6s mythiques comme la Triadedes Trois Purs et l'Empereur de Jade, des personnages pseudo-his-

toriques comme Tchang Tao Ling, "le Maitre C6leste des Tchang",anc6tre mythique de Tchang Lou, le chef des Turbans Jaunes deI'Ouest, et des personnages historiques r6els comme Hoi Fan, engui il faut reconnaitre Tchang Kio; le Chef des Turbans Jaunes deI'Est. Les Turbans Jaules 6taient une secte taoiste arm6e qui, en184 de notre dre faillit renverser l'Empire des Han. L'ombre deI'Eglise militante vaincue devait planer sur I'organisation religieusedu Taoisme chinois et des mouvements similaires jusqu'i nos jours,

Aux Turbans Jaunes aussi doivent se rattacher les divers Mar6chaux.Mais ces figures individualis6es sont encore accompagndes de tableauxcollectils oi l'on a repr6sent6:

- Eeng Fei ft A : l'Administration C6leste domiu6epar la Triade des Purs,

. Teou Tsong ,;tr F : les Ancitres,

- Caa ss Fin sg E*-, : les Ascendants de la maisonn6e.Seuls ces derniers sont distingu6s nominalement, chaque chefde lign6e poss€dant un livre g6n6alogique caa $ fin 33

geou 33 F*.,+ qu'on r6cite ir chaque invocation i l'Au.del).

Enfin on trouve encore deux peintures concernant plus particuliEre.ment les tites fun6raires;

- Teiep 1r tin u ling ez hung szlr."F!.EJ- "les Roirdes Dix Palais Infernaux" qui d6peignent les p6rdgrinationsde l'6me dans les dix loges des Enfers ;

' Ta Tao Long K'iao ^{-{E

+$ " Ie Pont de Dra-gon du Grand Tao", tableau d6peignant l'ordonnance du deuil,avec tout le Panth6on venant accueillir en son sein le fidale.

Cc sont ces divinitds que les Mien invitent I enten&e le Rap.port Aanuel. Lorsque l'officiant juge qu'il a r6uni toutes les diviaitds, les divers Gdnies et les AncQtres, il entreprend de leur serviri boire en versant de l'alcool i plusieurs reprises dans les cinq petitescoupes align6es sur ['autel. Les libations sont nombreuses et r6p6t6es,w le nombre important d'invit6s. Aprds les libations, l'officiant an-tronce aux Gtinies et Anc6tres qu'il va proc6der l une distribution

LE NOUVEL AN YAO

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110 LE NOUVEL AN YAO

d'argent en papier monnaie de I'Au-deliL. Il fait une pause, Ie tempsde s'6claircir la voix. Entre- temps les gensde la maison ont amen6su! son c6t6 gauche un plein van de nonnaie de papier. Ce sont desfeuilles de confection locale, d€coup6es en rectangles r6guliers et surIesquelles on a imprimd au moyen d'une gouge une vague forme depidce de n:onnaie. L'officiant s'est accroupi aupr€s du van et a saisidans sa main gauche une Iiasse de papier, tandis que sa main droitefait mine de les compter:

- "Aujourd'hui. a cette heure, je vieos avec amour verser del'argent )r I'Au-deli, de l'argent i tous les Saints de cet autel,aux Anc6tres i l'encens toujours allum6, aux Administrateurs, auGrand Tao dse Trois Purs, aux quatre Tigres du Palais C6leste, itous les Saints de ce br0le-parfum, i tous les g6nies, je Ie verse.

Qu'il soit partag6 6quitablement et en toute clart6. H6las je crainsque les jeunes n'aient pas su battre la monuaie convenablement (enfait, cornme les piEces sont marqu6es sur le papier en frappant surune gouge, il arrive que l'instrument coupe mal le papier, de m6mes'il s'agit de figures imprim€es sur le papier i I'aide d'un bois grav6,l'image peut n'6tre pas nette ) que l'image des chevaux qu'ils ont im-prim6s n'apparaisse pras bien. Je m'incline devant l'Au-deli. Amenezun comptable pour partager l'argent et le papier. Que le prartage soitclair et 6quitable".

Sans s'interrrompre, l'officiant a pris une premi€re feuille et illa pose gnr terre devant lui:

- "Je verse de l'argent et du papier, l'argent pour €tre tous reve-nus, pour 6tre descendus de char ou de cheval, Ouvrez la.main et ten.dez-la pour recevoir, puis mettez dans vos poches..."

Il a pris une deuxiime feuille de papier dans la liasse et la d6.pose ) son tour. Ses gestes sont lents et pr6cis. Il continuera i poserde l'argent pendant toute la longue 6num6ration suivante:

. "...Revenez encore une fois, je vous offre de l'argent pour boire.Venez encore, voici de I'argent pour prier. Et voici encore de l,argentpour augmenter I'encens, changer l'eau et l'huile de la lampe, les bou-gies de cire, la lampe brillar,te qui montre le chemin aux Saints. Voiciencore de I'argent pour vous r6jouir, pour vous r6unir et boire ensem-ble. Ouvrez la main et Recevez. ...

"Quel que soit Ie chemin que vous preniez, quelle que soitvotre d6sir de vous faire prier, vous avez une raison pour rencontrerle Maitre de maison. Depuis les origines. 'quand le Saint Roi pan

LE NOUVEL AN YAO

Kou cr6a les douze clans, les descendants des Yao qui ont travers6les montagnes (9 ) ont toujours accueilli leurs anc6tres. Ils ont suivil'exemple des ancieos. Chaque homme a ses anc6tres et ne se hasar.de point i les abandonner. On a de l'iot6r6t, oD n'ose point aban.donner cet int6r6t. Chaque ann6e a ses profits, chaque ann6e a scsactions de glace.

"Cette ann6e la maison n'a pas encore rendu les bienfaits etremerci6 ses bienfaiteurs i cause de sa pauvret6 et de ses difficult6s.Les animaux domestiques n'6taient pas bien nombreux, on n'en avaitpoint pour sacrilier.

"Je vous informe instamment. Je vous offre I'argent de l'Au-delir.Evitez de vous quereller, de vous ficher. Avec cet argent il ne fautpas vous conduire mal: arr6ter les gens de [a rrraison, faire des rap-ports sur eux (aux Juges dcs EnIers ). D'abord r6jouissez-vous de cetargent, changez-vous les id6es.

"Voici de l'argent pour faire passer son mal ) celui qui soutfre,qu'on d6barrasse sa peau du mal jaune, qu'on gu6risse ses maux depoitrine et de ventre. Quand la lune montera dans le ciel,'qu'il se d6.barasse de la maladie ! Qu'elle quitte son corps! Quand la lune tombeladans le fleuve, qu'il abandonne sa maladie, qu'elle quitte son lit! Voicide l'argent pour qu'elle quitte le couteau et son 6tui, le cheval et laselle. Voici de l'argent pour que I'homme quitte la maladie et que lamaladie Ie quitte. Celui qui donne cet argent, sa vie est trls fragile,interc6dez pour son destin. Voici de l'argent pour prolonger sa vie, re-tenir son destin, gour soutenir son.existence chancelante, recoller sondestin bris6,..

"Voici de l'argent pour aourrir soldats et g6n6raux, couvrir leursfrais de route, I'argent pour que soldats ou g6n6raux protegent la mai.sonn6e. Ouvrez ]a main et recevez. Aujourd'hui nous faisons notre rap.port annuel i l'Au-deh. A partir du deuxidme jour de l,an, notrs pour-rons vous renvoyer. Demain, aux heures yen et mao le coq d'or bat.tra des aifes et commencera ir chanrer. Que l'Au-deliL iasse venir del'abondance i foison, beaucoup d'or et encore plus d'argent et les fassepasser avec I'argent du Maitre de maison etc". , .

Comme pr6c6demment il faut encore obtenir l,accord des G6.nies et des Saints. L'officiant Ies interroge longuement avec les cornesdivinatoires, rajoutant 9i et l) de l'argent lorsque le compte n,y est pas,Finalement il y met le feu sans cesser de jeter ses cornes, qui t6moi.gnent de la satisfaction des G6nies et des Ancetres.

111

LE NOUVEL AN YAO

Le Maitre de maison brtle le papier motrnaie au Pied de son autel

domestique fraichement refait :r neuf . On peut voir eDcore une feuille de

papier moDsaie acctoch6e )r l'6tui en vannerie oir sont ranS6es les peiotures

des g6aies.

ti

LE NOUVEL AN YAO

Cependant, avant de les br0ler, il a soustraitlets de papier pour les remettre aux assitants, les

u3

pa ie des bil.de la maison,

qui en collent 2 sur I'autel, un sur le lit des h6tes, un sur le paniersuspendu dans le voisinage de l'autel et qui contient les images desG6nies, un sur la poutre principale, deux sur la porte d'entr6e princi-pale face i Ia pente. un sur chaque autre porte, un dans chaque cham-bre, un sur chaque coIlre ou valise, sur le poulailler, la porcherie, lesgreniers, la forge etc. Tout cet argent est destin6 i propitier les di-vers g6nies protecteurs de ces objets ou de ces parties de la maison.A chaque fois on prononce Ia lormule suivante:

"Au passage de l'An,au passage de I'Ann6e, j'accroche le pur, j'a,croche le blanc, j'accroche Ie dragon, j'accroche le ph6nix, l'argent dela f6te."

Le soir du m6me jour, tout le monde a ralli6 la maison. Commechez Ies Chinois le passage d'une ana€e i l'autre est un 6venementprincipalement familial. Chacun retourne chez soi et les membres 6loi-gn6s de la famille se d6placent sp6cialement pour passer en commua ldf6te. Les membres d'une m6me lign6e, habitant d'autres maisons, voired'autres villages, se r6unissent chez le chef de leur lign6e. Ils sont tousli, dans la grande salle de s6jour. Les plus jeunes assis en cercle au.tour du foyer, les vieux couch6s et fumant de l'opium en bavardant.De temps en temps on entend glouglouter une pipe i eau. Les petitsenfants sont trds excit6s et courent en tout sens dans la maison, pous-sant des cris aigus et se faisant rire i qui mieux mieux. Les femmesvont bient6t se coucher dans leurs chambres avec les petits enfants, etles filles en g6n6ral. Vers minuir il ne reste plus que Iei hommes et les!,etits gargons i veiller autour du foyer. Ils se livent et vont chercherdes nattes qu'ils installent par terre au pied de l,autel domestique. Lesplus fatigu€s se couchent, n:ejs ne dorment pas. Cette nuit les marisne dorment pas avec leur femme. Chaque prBre repose, ses jbunes fils dses c6t6s. Comme il fait assez froid, les petits gargons sont enfouisesous les couvertures. Certains sommeillent, d'autres veillent avecleurs ain6s. Le calme s'est rdtabli et regne sur la maisonn6e, et c,est apeine si on perSoit d'un lit i l'autre le balardage des vieux....

4- Sortie pour cueillir des fleurs.

Soudain voili qu'un coq lance son premier cccorico, bient6t imit6par tous les coqs du village. Il est i peine.2h4O du matin. Contraire.ment aux autres jours de l'ann6e, c'est le signal d'un branle.bas g6n6.

unefils

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

114 LE NOUVEL AN YAO

ral dans la maisonn6e. Un Lruit infernal 6branle Ie village. Tous lesjeunes gargons sortent ert pleine nuit faire partir des p6tards, les jeu-

nes gens tirent eu l'air avec leurs fusils i pierre. C'est i qui fera laplus grosse explosion en l'honneur de l'ann6e nouvelle Ces salves

n'ont cependant rien de gratuit. Elles sont cens6es prot6ger ceux quipartent cueillir les fleurs, En effet, les jeunes gens et adolescents nonmari6s, garqons et filles, vont partir en groupe, maisonn6e par maison-n6e, jusqu'i un petit taillis, i l'ext6rieur, voire i l'int6rieur du villa-ge, la distance ne comptant pas, Li on a plant6 au cr6puscule une ouplusieurs branches de fleurs artificielles. Ces fleurs symbolisent les fleursde p6cher, {leurs du premier mois selon la tradition, fleurs du mois de

d6cembre en r6alit6, 6tant donn6 le d6calage du calendrier, du climatet des saisons. Les Mien, comme Ies Hmong aminent des plans de p6-

cher avec eux partout oi il s'installent. Seulement Ie climat tropicald'altitude ne coincide plus avec les dictons du calendrier. Au NouvelAn les fleurs de pEcher sont d6ja tomb6es, il faut fabriquer des fleursartifrcielles.

Ce travail est r6serv6 aux jeunes et aux lemmes. Le'support selaune branche de p6cher si possible, Ies fleurs sont figur6es par des ron.delles de pulpe de pamplemousse ou de moelle d'arbuste de 2cm d'dpai-seur et 2cm de diamdtre. Les femmes ont pr6par6 deux casseroles deteinture, une de teinture rouge, l'autre de teinture bleue. Elles teignentles rondelles 1/3 en rouge, 1/3 en bleu et laissent l'autre tiers en blanc.Puis les jeunes gargons iichent les "fleurs" sur les branches. Le r6sultatest un ravissant petit arbre couvert de "fleurs" de trois couleurs.

Avant le d6part du groupe qui va cueillir les fleurs, Ie Maitre demaison pr6vient bridvement les g6nies et les anc6tres et les invite i sejoindre i la petite troupe, pour les prot6ger et surtout assurer Ia con-

trepartie magique de leur action: qu'ils raminent outre les fleurs,richesse et {icondit6 dans la maisonn6e.

La pr6rence autour d'eux des G,6nies et des Anc6tres rend Ia pe-

tite troupe d'adolescents silencieuse et craintive. On accepte difficile-ment Ia pr6cence d'un t6moin 6tranger qui pourrait offenser les g6nies.

On Iui recommande en tout cas de ne pas faire marcher son flash. Ilpourrait photographier Ies g6nies et pire, les {aire fuir, en une occasionaussi solennelle.

Cependant, dans la maison, au milieu du vacarme g6n6ral s'6ld-vent soudain de petites voix incertaines, h6sitantes. Ce sont celles despetits gargons enfouis sorrs les couvertures. Pendant que les adoles-

LE NOUVEL AN YAO 115

cents, Ieurs ain6s, sont partis cueillir les {leurs de l'an nouveau, ilsr6citent consciencieusement Ie texte de leurs 6tudes chinoises, Car ils'agit de montrer aux Ancdtres que les plus jeunes de leurs descen-dants ne manquent point d'application i l'6tude. Nous avons d6jisoulign6 l'importance que rev6tait I'6tude des caractEres chinois dansl'emploi du temps des jeules enfants, En effet, la connaissance del'6criture chinoise est pour eux la seule voie pour acc6der au lituelcontenu dars les lirres. L'atandon de l'6criture chinoise entraineraitun abandon du rituel, de la tradition et et des anc€tles. Et nous avonsvu au cours du Rapport Annuel, i quel point les ancitres et leursdescendants 6taient li6s par l,int6r6t r6ciproque.

Le texte que les petrts enfants r6cite est tir6 de l,Almanach an-nuel chinois. Il s'agit du Tseog K'ouang Hsien Wen,un recueil tardif de maxi:aes et de proverbes d'inspiration confu-c6enne. Ce texte sentencieux Iait terriblement insoiite dans la bouchede ces enlants qui n'ont guiire plus de 7 ou 8 ans:

. 'Les 6crits sages d'autrefois nous enseignent sans relAche, Ras-semblons des rimes touJours davantage. Il faut avoir beaucoup vu etbeaucoup entendu. Plut6t que d'observer le pr6sent, il vaut mieuxexaminer le pass6. Sans le pass6 il n'y aurait pas de pr6sent. Qui seconnait bien soi.rn6me, connait aussi autrui. Comparez vos sentiments) ceux d'autrui. Quand il y a du vin, on le boit avec des inrimes.On r6cite des vers i qui s'y connait. On peut voir des connaissancespar tout Ie monde, combien peut-on compte! d'amis intimes? Ceux-ci onles rencontre avec autant de plasir qu'i la premidre lencontre. Devenusvieux, on ne s'en repent point. Celui qui vit au bord de l,eau connaitle caractdre des poissons, celui qui habite Ia montagne connait [e chantdes oiseaux,.."

Le texte complet comporte 14 pages et les petits gargons ont par-Iois des trous de m6moire. Par{ois une petite voix s'arr6te ou tr6buchesur un mot. Le plre souffle la suite ou corrige. Elle reprend bient6t lefiI, chantonnante et fr6[e...

Dans l'action, le temps passe vite. Il est d6ji cinq heures du ma-tin. Les jeunes gens sont rentr6s et on dricore l,autel avec leurs fleurs.Leur retour a 6t6 saiu6 de coups de lusil comme leur d6part. En prin-cipe on tire 4 coups pour l'ann6e qui vient, paranalogie avec les quatresaisons de l'airn6e. Les petits enfants ont r6cit6 toutes leurs legons demorale. Les grands se sont remis i somnoler sur les lits, Les jeunes,eux, ont attendu le jour autour du feu. Mais voici que les femmes

116 LE NOUVEL AN YAO

L'Autel doncstique oru6 dc fleurs au jour d. I'a!.

LE NOUVEL AN YAO IL7

se Event et rallument le fourneau de la cuisine. Peu I peu chacuns'6broue.

On plie les couvertures et on roule les nattes, on balaie soigrreu.sement dans Ia salle commune. Alors que les rayons horizontaux dusoleil p6nEtrent par la porte principale et vont baigrer de lumiire l,au.tel dcmestique, le Maitre de maison rassemble ses gens pour "Saluerl'Ann6e" pai 34 hnyang 34 ,?+

5- Salut i I'ann6eTout le monde s'est v6tu d'habits neufs. Les femmes et l€s jeunes

6lles sont 6blouissantes dans leurs pantalons brod6s. Les hommes ontrev6tu aussi des costumes neufs. Tout le monde se rassemble, les plusag6s se tenant plus pris de I'autel tandis que les jeunes restmt en ar,riBre, Chacun tient dans sa main des feuilles de papier monnaie oubien quelques bdtons d'encens. A chaque fois que le IVlaitre de maisonprcnoncera Ie rnct de "saluer" ils salueront avec ensemble, en inclinantle 'uuste presque i la perpendiculaire Les mains jointes A hauteur dudu front sont ramen6es en arriEre tandis qu'on se redresse, Le Maitrede maison, v6ritable Pater Familias se tient ples de l.autel. Mais aulieu des formules habituelles, il commence ainsi:

- "A l'occasion de la grande ann€e Ki.Yeou (1969) ne faites pasdes reprocheq i ceux de ce monde et i leurs descendants. Nous saluonsl'an nouveau, revenez pour prot6ger ces gens d'un grand pays, d'unegrande dyndstie, qui assistent le Maitre de maison pour Saluerl'Ann6e. Ce sont des gens de renom, des 6trangers consid6rables".

Le lecteur devine qu'il s'agit ici des auteurs, m6l6s aux gens de lamaison pour suivre et enregistrer correctement le rite. Tout sEjourd'6tranger dans une raaison doit 6tre signal6 aux g6nies, i plus forteraison leur participation aux rites. Le Maitre de maison Continue:

."N'y voyez pas de faute, ne le prenez point en mal, revmez ajou.ter du bonheur, augmenter la prosp6rit6. Foule des Ascendants loin.tains Mrs. les Anc6tres, Ies Administrateurs et les Trois Purs, et tousles Saints, n'y voyez point de faute ! Ces gens de France vont emporter(les paroles qu'ils onl enregistr6es) pour augmenter le bonheur et laprosp6rit6. En cette nouvelle ann6e, venez tousrecevoir nos salutations.A l'occasion de l'ann6e Ki-Yeou nous saluons l'ann6e, nous saluons lebonheur, nous saluons Ie profit, nous saluons la prosp6rit6, Nous sa.luons une r6colte abondante , Ll et LZ r6coltes abondantes. Nous saluonsune p6riode de paix, 1l et 12 p6riodes de tranquillit6. Nous saluons

'i

118 LE NOUVEL AN YAO

Toute la famille prostern6e d€lriEre le Maitre de maison, salue l'a!D€e.

Tourn€s maintenant vers la porte, ils saluent ta sortie des calami!6s,(Ces deux derniires photos sont dues ,r l'obligeance de Peter KANDRE)

H

'.,t

I

LE NOUVEL AN YAO 119

pour que vienne une pleine maison de gens, de l,or et de l,argentplein nos greniers. Nous saluons l,intelligence qui entre dans Ies corps,la face qui devient brillante et luisante, le pinceau qui entre dans lamain, nous saluons pour que ceux qui 6trdient r6ussissent dans leurs6tudes. Qu'i l'avenir, en suivant les Anc6tres, on obtienne des r6sul.tats: du bonheur,de la prosp6ritd et des ressources abondantes. eu,aprisavoir salu6, toute chose se remette en ordre,'.

Jusqu'ici Ies acteurs ont salu6 tourn6s vers l,autel. Maintenant ilsse retournent vers la porte d'entr6e principale.

. "Quant aux 7 calamites et 8 difficult6s: les d6crets de maladiescontagieuses, les d6crets de tigres et de mandarins, les fun6railles, labouche blanche, Ies v6tements <ie deuil, Ies larmes du malheur et de lapeur, nous Ies saluons toutes pour qu'en cette grande nouvelle ann6e,elles passent la porte et s'en aillent au loin".

A ce moment. avec un ensemble par{ait tous les acteurs se sonttourn6s vers la porte et saluent le d6part des calamit6s. II faut jete!alors ce qu'on'tient i la main, i travers la porte d,entr6e. Chacun semunit de nouveaux billets de papier tandis que Ie Maitre de maisoncontinue:

- "Quant aux 7 calamit6s et 8 difficult6s, nous saluons pour qu,icompter de cette ann6e les 6pid6mies de printemps, d,6t6, d,automneet d'hiver sortent. Nous saluons pour que la mort d,un enfant, les troismorts successives, la s6cheresse et les grands d6sastres, la perte des ri-chesses et des tr6sors, les pertes d'or et d'argent, la perte de l,6pouse,la perte de l'6poux, sortent par la porte du Ciel Occidental et s,en ail-lent errer au loin. Nous nous prosternons pour faire sortir les talismansd'6pid6mies, de maladies, de mauvais fonctionnaires, les v6tements dedeuil et les sept calamit6s qui viennent par la porte du deuil, qu'ilspassent tous la porte, Nous nous prosternons pour faire sortir les troismauvaises influences et les six d6fauts nuisibles de qui s,adonne auplaisir: les maux de t6te, des oreilles, des yeux, de la bouche, du cou,des poumons, des mains, du ventre, des pieds,',

Les'expulsions se poursuivent. On en vient aux voeux et les mem-bres de la maisonn6e se tournent alors vers I'autel pour se prosterner:

- "Nous saluons le retour des 1000 bonheurs, des 10.000 abondan-ces, de 1'or et de l'argent en quantit6. Nous saluons pour que revien.nent dans la maison 1,000 ans sans soii, 10.000 ans sans Iamine, debons gargons et de bonnes filles en grand nombre. Nous saluonsl'avEnement des heures yen et mao du premier jour du premier mois

L20 LE NOUVEL AN YAO

de la grande ann6e Ki-Yeou. Nous saluons l'argent de l'ann6e, nous

"duorr-" les AncAtres Fondateurs, l'Administration, Ies Trois Purs,

que tout le monde regoive de I'argent"'

Les salutations sont 6nies. Tous les assistants jettent leurs Papiers

en tas au pied de l'autel et le Maitre de maison y met Ie feu, non

sans recourmencer ses voeux en interrogeant les g6nies avec les coraes

divinatoires Pour Plus de siret6'

La maisonn6e s'est e nouveau dispers6e, chacun retournant I ses

occupations. Il rdg:re dans la maison une atmosphile de DiEanche'

Bear"oup ne sachant que faire de leur oisivet6. tournent en rond ou

s'accroupissent l'air absent au coin du {eu. DEs l'aube les femmes sont

all6es ramasser les oeufs frais dans leurs poulaillers. Elle les ont faitbouillir dans une casserole de teinture rouge. IIne fois les oeufs durs

et rouges on les enlerme chacun dans un petit filet en ficelle' Et cha'

qo" -Er" et grand'mire appelle les petits pour leur accrocher ces oeufs

autour du co;. Bient6t tous les enfants ont leur euf. Leurs petites

mains deviennent vite toutes rouges i toucher la teinture encore fraiche

et leur visage aussi quand il s'essaient i les manger.

Vers 8h du matin, tous les chefs de rnaisonn6e du village se ras'

semblent dans la maison du chef de village' Chacun apporte deux bi'tons d'encens et des fleurs sauvages. Une fois r6unis ils s'en vont, chef

de viltage en t6te, saluer les g6nies tut6laires du terlitoire dont l'autel

se trouve dans la for6t. H6las ! ils ne veulent emmener d'6tranger

avec eux,...

Les hommes revenus, leurs femmes leur font i manger. Chez le

chef du village on a tu6 et bouilli deux poulets qu'il portera au d6but

de l'aprds-midi au g6uie tut6laire du telritoire Pour son repas de Nou'vel An.

Apres toutes les activit6s de la nuit et du matin, la vie reprend

son calme habituel. Vers midi, le village s'endort doucement sous un

soleil tropical. Dans l'aprls.midi le Maitre de maison Place un plateau

au pied de la porte principale. On peut voir 5 coupes d'alcool, un poulet

bouillli et 3 bdtons d'encens' Il invite ses parents et grandi parents el

ceux de sa femme i venir manger et boire. Cetie petite c6r6monie

individuelle peut se laire Ie premier, le 2 ou le 3 de I'an nouveau'

Pour tous maintenant la I0te est devenue loisir' Les jeunes gens se

promenent par Ie village dans leurs habits neufs' Les enfants mangent

i"rl.. o"rrf" ,org"s et se gavent de galettes de riz gluant' Les femmes

\

LE NOUVEL AN YAO I2I

reprenneDt leur ouvrage de broderie. Les vieux fument, bavardent oudorment.

Pendant trois jours l'oisivet6 est de regle, l,ennui aussi. On nevoit point les jeux de balles qui font vibrer les villages Hmong. par.fois, cepeadant, i l'occasion des visites qu,on se rend entre pare;ts, lesjeunes filles de la maison fement toutes les issues, mettent une tableen travers de la porte d'entrde principale et obligent tous les visiteursi boire avant de Ieur livrer passage. Ces agapes joyeuses se terminentsouvent par des joutes po6tiques. Le soir les jeunes gens nubiles serdunissent en petits groupes dans le village.,..

Au premier jour du mois donn6 sous le signe yen dans le calen.drier, le village esr interdit, nul de peut y p6n6trer ui en sortir pen.dant deux jours.

_ , Enfin au troisieme jour de l,an, on renvoie G6nies et Anc6tres,les f€tes sont teroin6es. On retourne aur rays dls ta lev6e de I,In-terdit.

Notice BiographiqueJACQUES LEMoINE, Docteur en Ethnologie, Chargd de Recherche

au Centre National de la Recherche Scientifique, a travaill6 pen.dant huit ans au Laos. D'abord sur les Hmong (Mlo) puis surles Mien ( Yao ).

ANNIE LEMOINE, sa femme, a travaill6 d,abord en Indondsie,puis en Thailande, et au Laos.

NOTES(l) Dalrs h traDscriptioa phoo6tiquc de! citatioa! €! MIEN, aorir avooe rdoptl

gour lce toar dca :ymbolea cbiffr6s. Lc MIEN cooportc ait to!! r6parti! .qttlir registre! ct r.c€v!t!t quatrc modulatioaa diff6Ert.a. Si rour prcaolc uae6cbellc dc li 5, lee toor scroat ryEboli.a. coEEG .uit:

5l+ 2433325l+

32L

121

tn LE NOUYEL AN YAO

(2) Souvcot, per rouci d'Icoaooi., o! flit ulc lortc dc .ui. dc Prilh dr ritbr0ltc, €tcodus d'cas.

(31 No|lr dc I'aaa& chioolsc .coul&. L: tcrt. qui .uit . at€ carc8idla dabut

1970, il .'a8i!s!it dooc de l'aaa€c 1969' L'ala€c lg70 .'cst loEEac Wou'

Ch.!, f971 r'appcllcra Kcag.Hiu' Lcr Chioois lot.trt lc tct[p! .cloD E!cyclc dc roiraatc aoo6et; chaque .nD€a cst r.P!6aeataa Det ua biadac eon.

9o!a d'ua dcr Di: Troacs Cdlc.tcr t T'iEN KAN, .t d'u!c dcr Doorc

Bnochcr Tcrcrtrcr ( TI TCHE ). Par lc frit du d€cahgc dcr dcur rlricroD obticat coiraatc bi!6uel .v.!t dG r.ve[ir I ulc .u6c dc mtoc soo.C.ttc Dotltio[ du tcEpr .rt aocotc .n

"igu€u! I T.iwa! ct drnr lcr co.

lodcr &iooisco d'Asic du Sud.E r. ED Chioc coltilcorrl., cllc ! ata tto-plac& par lc calo&ict gr6gorien.

({) h prcuitrc r6publiquc chiaoi* r ata foud& c! 19u.

C5) Lcr Chinoir divioieat la joum6c ca 12 b,, chacusc cquivllcolc I 2 [curatoccidcltalcr. lh uiili!.i.ot pour lca d6sigtcr l. ddc duod6Dri.. d.t doura

Brrachcc Tdrcltre.

t6) Ftte dG. oortr cbiaoirc du 3)ac ooir.

(?) n .'dgir d! la fete dcr oorts chiooirc du s.ptiln. ooi!. Mou Uc!, bolra

Diaur alla chatchd aa luarc aur Eofcrs, L'aaaivcrrairc de ar lailsascc toEbc

lc 30 du r.ptialde !ooi! ct Errqu. Ia liu dc ccttc Tour.lirt qui clEEclcclc 15: Tchoag Yuaa.

(8) Ou trcurcr. dcr rcascigucncltr coEplcolBt.itcr rur lc Troiroc f,Irtoriqur

daoa lc livre posrhuu. d. G. Mrsp6ro, LE TAOISME, Patir 1950, Publiotiourdu Mu*c Guioct.

c9) KOUO CHAN YAO ,e. r! rslcr CLiaois coDoailr€at lc.r MieD.

, ctrt lc ooro courtat lour laqla l

Note Bibliographique !Oo trouvera des informations compl6mentaires sur la soci€t€

Mica (YaoI- dans PETER KANDRE, "Autonomy and Integration of Social

Systems : The Lu Mien ( Yao or Man ) Mountain Population andtheir Neighbors", in p. KUNDSTATER, Southeast Asian Tribes,Minorities and Nations" ( PrincetoD, N)67 ).

ETUDE HISTORIQUE DU LAOS (Iv) fi

DeuziCme parlie - Chapitre IILES SOURCES DE L'EISTOIRE DU LANXANG

par VO THU TINH

Le Laos doit avoir exist6 depuis les temps les plus recu[6s, mais"la tradition indigine ne sair rien de la pEriode qui s,6tend entre lemythique Khun Borom, fils du l6gendaire Khun Lo, et le XIVi sidcle.Elle censerve seulement une liste de noms de chefs ( l ) d6sign6s d,a-bord par le titre Khun, puis par celui de T,ao, enfin p., celuide p,ra-gna (Cf.L. FINOT, Recherches sur la litt6rature laotienne, BEFEO,t. XVII, fasc.S, p. 164 ).

En effet, la periode pr6historique du Laos reste plut6t ,.l6gen.

daire" bien qu'elle soit tris rapprochde des temps modernes, et cen'est qu'A partir du XIVts siicle, que sa pr6sence fut effectivementsignal6e dans les documents 6pigraphiques des pays voisins, et que soDhistoire commenga i 6tre enregistr€e dans les Annales locales.

La partie vraiment historique de notre Etude ne saurait donccortmencer qu'avec Fa-Ngoum, et c'est i travers les dpigraphies, An_nales et Histoires, tant locales qu'6trangdres confront6es ensemble,que nous h pr6sentons i nos lecteurs.

I.- Documents 6pigraphiques1.. Une stlle 6rig6e en 72f.2 pr le roi de Sukhot,ai, Rama Kham

Hing, i Xieng May, mentionnait pour la premilre fois Iapr6gence du Laos appel6 par le nom de ."-. d"ur grandes villesVieng Chan.Vieng Kham qui, ) l'est, fermaient les frontiCres de sonroyaume: "Ils (les Thais de Sukhot'ai ) ont soumis i l,orient les vil-les de Saluoog, Songg€o, LumpAcay, Sogdthao, les rives du fleuveKhong ( ligne U5) jusqu'i Vieng Chan. Vieng Kham ( ligne 116) quifont frontilre ,' ( Cf.A.PAVIE, Mission Pavie ea Indochine, paris1898, tome II, p. 193 ).

2.. Une stlle 6rig6e sur l'ordre de l,empereur d,Annam, MinhT6ng Thu'o'ng Holng en 1335 sur une monbgne, i la frontiire [ao.vietnamienne de la province du Ngh6.An, comm6mora la victoire del'empereur en 1334 sur les troupes du Laos, d6sign6 dans l,inscrip-

!. Suit. rur auolrol 1,2,5 - lg71, du Bullctiardcr Aoir du Royauac lro.

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ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

I24 E"TUDE HISTORIOUE DU LAOS

tion Bous le nom de AI-LAO (cf. L6 Thanh Kh6i, Le viet-Nam, t{istoire et Civilisation, Paris 1955, p. 183 ).

Cette stlle reste encore de nos jours et on peut encore y lire les

inscriptions grav6es profondEment dans la pierre ( f. TrAn Trong Kim,Vi6tnam Su' Lu'o'c ou Pr6cis d'Histoire du Vi6tnam, TAn Vi6t, Sai-gon 1949, p.165).

3.' Enfin, une stele 6rig6e dans Ia montagne Khao Phra Bat Yaii l'ouest de Sukhot'ai, par Ie roi siamois Dharmaraja II en 1370 en

souvenir d'un pelerrnage qu'il fit dans cette r6gion, indique le nomde FA-NOM (Fa-Ngoum) Roi de Luangprabang par.

mi les rois r€gnant alors sur les pays voisins (Cf.G COEDES, Recueildes inscriptions du Siam, lire partie, Inscriptions du Sukhot'ai, Bibliot.r:at. Vajaraaana, Service arch6ologique, Bangkok 1924, No 4, pp.767-

tl? t.

II- Documents 6critsI. ANNALES LOCALES

at En langue laoLa principale chronique lao est le "Nithan Khoun Bprom". Elle

couvre la friode s'6tendant des origines l6gendaires lusqu'i l'av!'nement du roi Manthathourat ( 1817-1836 ).

Le texte original est 6crit en caractEres 'tham' ( 2 ) sur des feuil-les de latanier ou "bay lan". On en trouve plusieurs exemplaires ila Bibliothique Royale de Luangprabang oir ils sont consetv6s sous

les Nqs R.34il, R.344, et, ir la Bibliothique du Vat Ho Phra'KEo iVientiane, sous les Nos 8 L14, E 77, E-12 et E-11.

Du texte original, on a tir6:- Deux transcliptions partielles, s'arr6tant au livre II, c'est i dire

I la fin du rline de FaNgoum dans l'6criture lao moderne intitul6es.

a' Nithan Khoun Borom Rasathirath, par Maha Sila VIRA'VONGS ( Edit. du Ministire des Cultes, Vientiane, 1967 ) ;

b- Nangsu Phun Khoun Borom Rasathirath, par }vlaha ChoumCHITAPHoT ( Edition du Comit€ Litt6raire, Vientiane, 1967 );

- Une traduction en frangais par Auguste PAVIE intitul6e "His-toire du pays de Laa Chhang, Hom Khao" dans " Mission Pavieen Indochine", (op. citi, ppl.l-77), Cette version s'art€te au Livre IVhclus t jusqu'i la fin du rlgne de Setthathilat: f548-1571) et termin6epar cette mention: "Le 10 eme jour du 3Eme mois, An Lovai Cholla

ETUDE HISTORIQUE DU LAOS

Saccarach 1219 ( 1857 AD. ),(4) cette copie a 6t6 termin6e. Le Livre a

eu pour auteur: Maha Akavora Lacakou Titsapanha, Chef du Vat Pa-

houc, qui avait pour but de la faire parvenir i la post6rir6 jusque

5.000 ans 6coul6s."

Puis6s dans le Nithan Khoun Borom, un certain nombre de livresd'Histoire du Laos ont 6t6 6crits, tels quei

- Phongsavadan Hlng Pathet Lao (Edit. gouvernementale, Hanoi 197)- Phongsavadan Muong Luangprabang (Edit. Bibliothdque Nationale

Vientiane, 1969 )Maha Sila VIRAVONGS ( Vientiane 1957 )par Tiao Kham Manh Vongk6t Rattana

( Vierltiane 1961)Lao, par Oukham Phomvongsa (Vientane

125

- Phongsavadan Lao, par- Phongsavadan Sat Lao,

- Khoam P6n Ma Khong1958 ).

Particulilrement, le Phongsavadan Lao tEdit 1957) du MahaSila VIRAVONGS "a 6t6 traduit en anglais ( ler octobre 1958) i I'u'sage des experts am6ricains. Il est dommage que les traducteuls aientomis Ia pr6face, v6rjtable introduction a toute histoire future du Laosqui indique les critdres adopt6s par l'auteur dans Ia s6lection des laitshistoriques" (Cf.C. Archaimbault, Les Annales de l'ancien royaumede S'ieng Khwang, BEFEO, t. LIII, fasc.2, 1967, p.563).

C'est dommage, en effet, car le "Nithan Khoun Borom" a 6t6 re-copi6 plusieurs fois en plusieurs ouvrages, par plusieurs personnes eti des p6riodes diff6rentes, ce qui a donn6 lieu a des erreurs et des d6'tails qui sur certains {aits diffEraient d'un ouvrage } l'autre. La pr6'face de Maha Sila Viravongs est justement une analyse des faits his-toriques qu'il rapporte.

Il la reprit n6anmoins dix ans plus tard pour pr6senter au publicsa deuxiime publication, le "Nithan Khoun Borom Rasathiiat"( Edition1967, op.cit. ).

Pour les raisons que nous avons expos6es, nous pensons bien faired'en donner aux lecteuls Ie condens6 ci-dessous:

Apris une recensioo des ouvrages existants, Maha Sila Viravongsen arrive i conclure qu'il existe 5 versions du"Nithan Khoun Borom"

VERSION 1 - La premidre version fut 6crite au d6but du XVIdsilcle par les V6n6rables Th6p Louang et Moung Khoung Sithi surl'ordre de S.M. [e Roi Visourrrat ( 1501'1520 ), ainsi qu'il est indiqu6 ]la fin de l'ouvrage.

126 ETUDE HISTORIQUE DU LAOS

VERSION 2- La deuxidme version fut dcrite par le V6o€rableAnrinha Vongs6, mais aucune date n'y est explicitement indiqu6e;Maha Sila Viravongs pense toutefois qu'elle parut vers Ia fin du XVIBsilcle, sous le rdgrre Ju Roi Sine Soulintha ( 1580-1582 ) car il est indi.qud i la fin de cet ouvrage que: "Stne Soulintha voulant se proclamerroi, rencontra l'opposition de Phagna Chanh qu'il fit tuer et monta su!le tr6ne. L'histoire de Ia dynastie du Grand Rrand Ror Khoun Borom,plein de vertus, se voit ainsi perp€tuer. O 6rudits et 6crivains, compl6-tez cette illustre histoire lnr des 6vdnements que vous avez vus et en-tendus, mais que nous, nous avons omis de signaler ici. En ce quiconcerne la pr6sente p€riode ( rEgne de Sine Soulintha ), iln,y a rienqui soit digne d'6tre signal6".

Le silence volontairement gard6 sur la fagon dont Sdne Soulin-tha s'empara du tr6ne, parait ironiquement dirig6 contre ce dernierpa.r le chroniqueur, Ie V6n6rable Arinha Vongso, coatemporain deI'usurpateur.

- VERSION 3.- La troisiime version, parue sous le titre de"Phongsavadan Muong Phouan" ou Histoire de Muong Phouan ( XiengKbouang), est une oeuvre anonyme, non dat6e. Elle repqit I'histoiredu Laos depuis Khoun Borom et continua la version 2 jusqu'i l'an 16Z7 ,ce qui laissc supposer qu'iUe fr.rt 6crite sous le rlgne du roi Mon-KAocL6n-?) (3).

- VERSION 4.- La quatrilme version fut, selon toute probabilit6,6crite en l'an 1070 de I'dre Choula Sakarat, (4) correspondant i I'an1708 AD. du rdgne de Saya Settha II, appel6 encor€ encore Sai OngHu6 ( 1700-1735 AD) datation bas6e sur un detail trouv6 dans cetteversion: "l'an 1070 de l'Ere Choula Sakarat, le 4ime jour de la luned6croissante, vendredi midi, un relique du Bouddha apparut i Phya-Sisoutha Sinalang, dans la pagode de Pasak Luang. En effet, cedernier vehant chercher une coupe qu'il avait d6pos6e devant [e PhraBang de cette pagode, y trouva des cheveux du Bouddha (que lesg6nies y avaient apport6s i son insu). Il Ie pr6senta au Sup€rieur dela pagode et, a ce moment, on entendit un grand coup de tonnerredans le ciel ..." ( 3 ).

- VERSION 5- La cinquidme version, 6crite trnr Houa PhanhMuong Boun, n'est pas non plus dat6e. Elle s'arr6te toutefois avec lafin du rEgne du roi Manthathourat, ce qui laisse penser qu'elle parutsous le rlgne de ce roi c'est i dire au d6but du XIXd siicle (3).

ETUDE HISTORIQUE DU LAOS 12?

- Pour rdcapituler, les cinq versions sus-6num6r6es peuvent etreclass6es dans 2 groupes:

. le groupe A: comprenant Ies trois premidres 1,2 et 3;- le groupe B: comprenant les deux derniEres 4 et 5.Le critdre adopt6 pour cette classification est la similitude deg

faits relat6s dans chacune d'elles.

Ainsi, Ies deux dernidres versions - 4 et S. s,accordent pour indi-quer que: "Phagna Lang n'ayant pas gouvern6 Ie 6nys suivant lespr6ceptes royaux, il fut destitu6 et exild dans une grotte de pakOu et remplac6 par son fils Phagna Khamph6ng. Lorsque ce derniereut un fils, il envoya des messagers demander i phagna Lang delui donner un nom, ce i quoi Phagna Lang r6pondit: .f/ous

m,avezaccus6 d'6tre un mauvais roi et m,avez expuls6 du pays, pourquoivenez-vous me demander des avis? Phi fa pha! phi fa pha!,, (euele ciel vous foudroie, que Ie ciel vous foudroieJ s,6cria.t.il alors. Enrecevant cette r6ponse, Phagna Khamph6ng, sans autrement s,eninqui6ter, appela son fils "Phi-Fa,, qui signifie G6nie du Ciel. Bient6tPhi-Fa, pour avoir des relations coupables avec une concubinekhmdre de son pdre, fut chass6 du royaume et ne r6gna pas. Il ser6lugia ir Ia Cour d'Angkor avec son fils Fa-Ngoum_ Et, plus tard,sur la route de retour au Laos, Fa-Ngoum fit tuer son p,Eie phi.Fapour pouvoir monter sur le trdne.,,

Mais, sur Phi.Fa et son fils Fa-Ngoum, les trois premiires ver.sions . 1, 2 et 3 . ne signalent pas la s6duction d,une des femmes de sonpire pr Phi-Fa, ni son exil, ni m6me le parricide de F.a-Ngoum.D'aprEs ces versions, pour avoir dis sa naissance une dentition pr6coce(33 dents ), Fa-Ngoum fut consid6r6 par les mandarins comme demauvais augure pour le royaume et, comme te[, fut expulsd du pays,abandonn6 sur un radeau avec 33 esclaves et plusieurs girdes. Son perePhi-Fa ne l'accompagna pas, mais resta ) Luangprabang et montadans la suite sur le tr6ne. A sa mort, Phi -Fa eut pour sucresseurson jeune frire Phagna Kham Hiao, mais celui-ci se suicida ir l,ap-proche des troupes de Fa-Ngoum.

Concernant le retour de Fa-Ngoum au Laos, ces versions ra.content que: "Sur l'ordre du roi d'Angkor, les devins du royaumerassembl6s pour faire des pr6dictions sur l,avenir du prince Fa-Ngoum d6clardrent sur un meme ton que: "Les parents d; ce jeunehomme sont d6jiL morts et qu'actuellement c'est son oncle qui est surle tr6ne de son pays; que ce jeune prince reprendra son tr6ne et qu,il

W ETURE HISIORIQUE DU LAOS

r6snera non seulement ir Xieng Dong'Xieng Thong mais encore iX[ng May et Ayuthya oL s'6tendra son empire"'

Telles sont entre autres les contradictions qu'on trouve dans

les diif6rentes versions tir6es du Nithan Khoun Borom' contladictions

dues, comme nous I'avons indiqu6 plus haut, au {ait que ces ver-

aion" uu"i"rr, 6t6 recopi€es plusieurs iois par plusieurs personnes ii", 6poqr"" di{f6rentes et, sans doute, quelque peu iufluenc6es par

les circonstances iocales.

Pour les d€partager, Maha Sila Viravongs estime que les ver-

"ions d,, Groupe A'r1,2 et 3), sont plus vraisemblables que celles

du Groupe B-(4 et 5): son appr6ciation s'appuie sur un- passage

irorrr6 duns l'une d'eutre elles, dans lequel il est dit qu'au cours

d" *r, """r" qui eut lieu aprEs la prise de Vientiane' Fa'Ngoum

"ruit "*por6 i ses sujets son programe de politique int6rieure ban-

nissant toute e{fusion de saug. Il semblerait donc illogique de croire

lo" "" grurra roi e0t mis son pire i mort pour monter sur le tr6ne'

"" qoi

"rt 6t6 en contradiction avec son comportement personnel et sa

poliiique tout ir la {ois. "Pareilles versions devraient donc 6tre 6car-

i6"" u, profit d'autres qui pr6sentent les faits sous un angle plus

Iogique c'est I dire Plus objectif"'

Et Maha Sila Viravongs de conclure: "Il est regrettable que les

ouvrages traitant de l'Histoire du Laos et parus jusqu'i prtisent en

hnguJ frangaise, anglaise et m6me en lao, aient commenc6 l'avdne'

meit du Fondateur du Royaume du Lane'Xang par l'inconduite de

son pdre qui lui valut d'6tre banni du tr6ne et d'6tre chass6 du ro-

yaume, et'dans certain ouvrage, par le crime- de -parricide commis

'[, ""

gruod roi lui-m6me pour monter sur Ie tr6ne ] la place de

son prdre".

b I En langue frangaiseDe tous ces ouvages, Ie plus populaire est, sans doute, l"'Histoi-

re du Laos frangais" far Paul Le Boulanger (Paris 1931): "s'appu-

yuut "..r,

I"" Arrnale" de LuangPrabang, - l'article de De .P6lacot

t 5)

!t les versions de Pavie, cet ouvrage "sincire et de bonne {oi" -

comme l'indique Ia pr6face - intr.duit entre les textes la relation qui

manquait. N'L6sitant point ) relier tel fait rapport6 par l'une des ver-

aio*'a tul u,rtr" "utr" figurant dans un second texte, grapillant en

outre les dates de-ci del) sans jamais indiquer les sources, I'auteur non

sans art a r6ussi ir pr6senter cette coh6rence comme inh6rente aux ver-

ETUDE HISTORIOUE DU LAOS lN

sions. GrAce l cette coh6rence, cette "Histoire,, demeurde populaire,sert toujours de r6{6rence aux historiens du Sud.Est,, ( Cf. C. Archaim-bault, op. cit., p: 563 ).

Plus r6cemment, l'article "Les Annales de l,ancien r<.ryaume deS'ieng.Khwang" par C. Archaimbault (op. cit.) est une minurieuserecension de 4 textes lao relatifs i I'histoire du Muong phouan( dont 3 manuscrits et 1 ouvrage 6dit6 en 1952 par Tiao KhamManhVongkdt Ratana sous le titre de Phongsavadao Muong phouau ),qui sont sans doute des variantes de Ia VERSION 3 du NithanKhounBor6m cit6e par Maha Sila Viravongs. "Dans l,apparat criti.que, pr6cise C.Atchaimbault, nous avons soigneusement soulign6 lesdivergences, volontairement masqu6es trnr les "historiens,,, qui exis.tent entre les diff6rents textes. Si [a lecture de ce commentairepouvait d6courager toute tentative d'dlaborer un jour une "histoire,,du Laos, nous estimerions n'avoir point complEtement perdu notle

. temps" ( Ibid. p: 561).

2 - Sources 6trang0res

Les sources 6trangdres qui fournissent les dons6es sur lrhistoircdu Laos sont peu nombreuses.

a/- En premier lieu il faut citer les A nnales chinoisestenues depuis la plus haute antiquiti. C,est d,elles que sont tir6sles auciens renseignements cootribuant )r l,6laboration des hypothisessur I'origine des Laos (voir lEre partie de la pr6sente 6tude) pardes auteurs occidentaux bien connus:

. D.G. Hall ( A history of South.East Asia, London, 1964 );- G. Coedds, (Les Etats hindouis6s d,Indochine et d,Indon6sie,

Nlle Edit. Paris 1964 ).

b/- Puis viennent les A nnales Thai, relarivement plusnombreuses, constituant les principales sources d'un ouvrage d,histoire6crit en langue lao par Thao Ou-Kham phom Vongsa, intitul6"Khoam P6n Ma Khong Lao" (Origine des Lao), (op.cit6X6),

c/ Les Annales du Vietnam font aussi mention des rela.tions diplomatiques et des guerres avec Ie Laos. Ces rares renseigne.ments sont presque tous relat6s dans lt.s ouvrages d,histoire dcrispar des auteurs vietnamiens tels que:

. L6 Thanh Kh6i ( Le Vi6tnam, Histoire et Civilisation, Paris, lgSS );

r3O ETUDE HISTORIQUE DU LAOS

- Trin Trong Kim (Vi6tuam Su'Luoc, ou }listoire du Vi6tnam'7E 6dit. Saigoo' 1964 ).

d/ Quant aux Annales du Camboge et de la Birma-ni, nous n'avoos eu l'occasion d'en prendie connaissance qu'i travers

les rdf6rences cit6es par D.G. Hall et G. Coedas dans leurs ouvrages

sus-mentionn6s. o o o

Telles sont les sources dans lesquelles nous avons puis6 les rensei'

gnements qui constituent le cadre i notre Etude historique du Laos'

Saos doute sont'elles encore incomplltes, et' ce qui plus est, certains

faits sont contradictoires. Nous les p!€sentons n6anmoins i nos lec-

teurs, sans prise de position aucune, notre travail 6tant un travail de

compilation.

D'ailleurs, "l'insuffisance et la contradiction des documents his'

toriques sont les obstacles communs aux Annales de presque tous les

pays du monde" (Cf. Philologie et Histoire, Conf6rence du P' Pee-

ieis, Florennes, 1908 ). "On n'a rien ou presque rien sur-la Gaule

chr6tienne, et il y a, pour reprendre le mot de Kurth, un "d6lugede contradictions" sur la R6volution frangaise par exemple On

peut en avoir sur un point d6termin6 qui soient aux trois'quarts

contradictoires. Le travail d'un historien consiste i err d6m6ler levrai du faux. C'est [a pierre d'achoppement des historiens, il leur

faut poss6der I'art de critiquer et d'interpr6ter les textes" ( Cf. J.

Suberville, Thdorie de I'art et des genres litt6raires, Paris, 6d Edit',p.421). Nous n'avons pas cette comp6tence malheureusement' Toute-

iois, notre Etude historique du Laos devant commencer avec Fa-

Ngoum, nous croyons, pour situer les faits, pouvoir reprendre ici une

assertion de H. Masp6ro ( Cf. La frontiire de I'Annam et du Cam'

bodge, BEFEO t. XVI[, 3, p.36 ): "Les Annales de Vieng Chan et

de Luang'Prabang attribuent la conqu6te de Vieng Chan au roi

Fa-Ngoum et placent ces Iaits dans la seconde moiti6 du XlVisiEcle. Comme le successeur de ce Fa-Ngoum, le roi Sam Sen Thai,regut en 1404 [e titre chinois de SIUAN WEI CHE, ( 7 ) la date

des chroniques laotiennes ne doit pas etre troP inexacte. Tous les

documents Etrangers, en se complEtant mutuellement, Permettent ainsi

de reconnaitre, sinon de fagon absolue du moins avec quelque appro-

ximation, le moment oir prir fin la domination cambodgienne en

pays laotien".

ETUDE HISTORIQUE DU LAOS

Nous pouvons m6me ajouter: les donn6es 6pigraphiques quenous avons 6oum6r6es ci-dessus contribuent encore ir confirmer lachronologie avanc6e par les Annales locales relative i I'avinemeotde ce grand roi qui, le premier, ouvrit I'ire de grandeur du Laospar la fondation du Royaume du Lane Xang s'6tendant de la Chineau Nord jusqu'i Sambor au Sud et de Khorat i l'Ouest jusqu'iLaobao i l'Est, et par la r6alisation de la premiire unit6 laotienne.

( ir suivre I

NOTES(1)- Liste des rois de Khoun Lo i FnNgoum: Khoun

Lo, Khoun.Swa Lao, Khoun Soung, Khoun Khet, Khoun Khoum,Khoun Khip, Koun Khap, Khoun Khoa, Khoun Khane, Khoun Phdng,Khoun Ph6ng, Khoun Pheung, Khoun Phi, KhounKham, Khoun Houng,Thao Thlne, Thao Nhoung,'lhao Phin, Thao Phat, Thao Vang, Pha-gna Lang, Phagna Kham Ph6ng, (P. Le Boulanger, o.c.,pp: 39'40) etPhagna Kham Ngiao, Phagna Kham Hiao, Fa Ngoum.

( 2) Ecriture "tham": Vers le VIi siEcle, on usait au P6-gou d'une 6criture de l'Inde du Sud que les Laotiens appellent"aksone khom" (alphabet des M6ns ou des P6gouaos ) semblablesaux anciens caracteres khmers. C'6tait l'6criture du canon brahtua-nique et bouddhique eo usage dans presque Ia p6ninsule indochi-noise. Les T'ai qui, i l'origine, n'avaient pas d'€criture se servaientde ce systime dans les centres religieux et l'ernportdrent avec euxdans leurs migrations. Ils descendirent de leur habitat primitif duYunnan pour se r6pandre i une 6poque ancienne dans les pays "oi-sins au Tonkin, au Laos et surtout en Birmanie. Les Shans progres.sBrent vers l'Assam qu'ils conquirent au XIIId siicle. .Ils fonddrenti la m6me 6poque le Royaume de Sukhot'ai au Siam. Les Laotiens,depuis leur venue de Muong Theng (Di6n Br6nPhu) i Luang Prabanggardirent Ia forme ancienne de cette 6criture dite "shane" ou "li"que les Laotiens appelleraient plus tard au XIXE silcle, caractire"tham" (dl'amma: doctrine bouddhique ) en r6servant, en e{{et,uniquement leur emploi aux textes religieux aprds la cr6ation dcl'6criture dite "laotienne" (Cf. Phouvong Phimmasone, Cours et Con-f6renccs, EFEO 1949 - Cf. 6galement Cours de Littirature Lao per lem6me auteur dans [e pr€sent num6ro ].

(3) concernant ces datations, notons en passant que

dans la version tladuite par A. Pavie dans "Mission Pavie" top.cit.)

I31

L32 ETUDE HISTORTQUE DU LAOS

le r6cit s'arr6tant au XVI} siEcle, mais l'ouvrage fut r€dig6 3 sitclesplus tard, c'est-i-dire au XIX} silcle. Ainsi nons pr6sentons lesdatations du Maha Sila avec beaucoup de r6serves.

(4). Les Bres employ6es dans les Annales loo:. Choula Sakarat ou Petite Ere, commence en l'an 638 de

l'Bre ch6tienne, atteint 1333 ann6es en avril l97l;. Phra Bouthachao Sakarat ou Ere Bouddhique, ant6rieut de

544 aas de l'Ere chr6tienne, compte 2514 ann6es en avril 1971.

( 5) De P6licot: "Le TrAh.Ninh historique" dans "ReweIndochinoise" 1906, (pp:569.580; 661.665; 755.767 ). Triir.Ninh est lenom vi6tnamien de l'ancien Muong Phouan ( Xieng.Khouang ).

(6) Ou Kham Phom Vongsa a succomb6 l Nongkhay( Thailande ) dans la nuit du Z2 au 23 novembre 1970 des suites d'unecrise cardiaque. . . Une d6l6gation ( des journalistes du Laos ). . . . ANongkhay pour saluer la d6pouille mortelle de M. OuKham Phom.Vongsa, journaliste et historien thai qui a v6cu longtemps au Laos etcontribu6 beaucoup i la promotion de la presse priv6e lao. Il 6tait6galement l'6diteur de la revue bilingue lao-thai "Xao KhoDg',, c,est.i.dire "Les peuples du M€kong", ( Cf. Lao Presse du ZA.XI.[S7OI,

(71 Siuan Wei Che g Et l*- signifie litt6ratement:"proclamer/ordre et consolation /seigneur ou ambassadeur,, (en Siao-Vi6tnamien: Tuy6n-Uj,-Siit = Seigneur reprEsentant l,Empereur potrprcclamer les ordres royaux et ( apporter) des consolations (des sou-tieas ) ir la population.

LE TOURISME AU ROYAUME LAOPAt HENRI GEORGES COTIN

Ex-Erpert de I,ONUErpelr de la MAET d6tacb6 !r la prEeidercc du Co&eil

Tout pays a ses kaut6s naturelles. A cet (gard, Ia nature a6t6 assez g6n6reuse pour notre royaume qui pourrait, s,il n,yavait, h6las, la guerre, attirer de nombreux touristes- En atten-dant cette paix b6nie, voyons ce qui vaudrait une '.Invitation auvoyage" au pays du Million d'El6phants.

L'antique Lane Xang est un vaste plateau primaire, Autour dece noyau volcanique se sont form6s les plaines et les montsdes 6poques secondaires et tertiaires. Cette origine, moins mythiqueque la l6gende, a donn6 au Laos ses paysages vari6s dont certainssont d'une ind6niable beaut6.

A l'extr6me nord, dans Ia province de Phongsaly, la nature esttourmentde. Hautes montagnes, 6troites vall€es, gorges abruptes.Jouxtant la Chine c'est le pittoresque pays des mdo, des kha mou,des kha kh6h, des lolo. . . . . minorit(s ethniques d,origines chinoise,thaie et m6n-khmire. Planteurs de pav6ts, brlleurs de rays, contre.bandiers i l'occasion, ils vont et viennement librement d,un c6t6 dela frontidre i l'autre. Les for6ts sont denses dans notre grand nord.Le climat est assez rigoureux en hiver, mais sain. Les populationsportent des costumes bigarr6s, des bijoux souvent 6tonnants,d'argent, de bronze, accroch6s aux vestes, suspendus aux ceintules,au cou, souvent, gonfl6 par le goitre.

Dexendons plus bas. Par Ia vall6e de la Nam Tha ou de laNam Ou. Celle.ci mEne ) la charmante petite ville deLuang-Prabang oi se trouve la Cour Royale. Le paysage est pluscalme. Les plaines s'6largrssent. Les habitants, lao lu, thai. . . . sontrassembl6s dans de pittoresques villages aux silos abondants.

Vers l'est, c'est Sarnneua, pays des thai neua au milieu desquelson trouve des ilots ethniques mdo, yao, kha lu, quelques phou phuoc.montagrlards primitifs. Le paysage est accident6. Certaines r6gionsne sont accessibles que par avion. Une seule vall6e, celle du S6ngMa qui se jette i Ia mer en traeersant le nord Vietnam, iThanh.Hoa. C'est le grenier ir riz de la province de Samneua, l,unde ceux que contr6le en ce moment le Pathet-Lao.

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

134 LE TOURISME AU ROYAUME LAO

Plus au sud: le plateau du Tranninh, oir se trouve Ia fameuseplaine des Jarres. Ces monuments pr6historiques d6concertent encore

les ethnologues. La for€t y est souvent "europ6enne" par

ses aspects. Pins nombreux, certains gigantesques, chAtaigniers,p6chers, pruniers, dahlias, violettes rappellent irr6sistiblement ladoulce France.

Descendons toujours. A partir de maintenant, nous nous

trouvons dans les grandes plaines fertiles qui jouxtent le M6kong.C'est l'habitat le plus dens" des lao cultivateurs et dcheurs. Cetteartere nourriciere qui vient des hauteurs hymalayeones, ce fleuve"tant6t d6sert, tant6t oc6an", suivant les saisons, est vraiment la

colonne vert6brale du royaume. Il est, par endroits, majestueux,roulant des flots d'un limon rougeitre et fertilisant.

En D6cembre, les couchers de soleil sur cette nappe liquidesont adrnirables. Chatoiement multicolore. F6erique ballet lumineux,bref, qui meurt en quelques minutes. La nuit vient aussitdt, trans-parente et fraiche. Portds par Ie silence et les clapotis, on entendles chants aigus des bateliers, de petites lumidres dansent sur le

fleuve suivant le balancement des barques... 6ternelle po6sie dumonde. . .

Vientiane, la CitE de santal, Thakhek, Paks6, S.avannakhet,Saravane sont les noms po6tigues et sonores que vous entendez si

vous descendez le M6kong. Le spectacle est toujours changeant.Vous verrez vivre dans leur simplicitd les villages riverains pleinsd'enfants. La for6t clairiEre vient parfois plonger ses racines jusque

dans les eaux fluviales. Si Ia chance vous sourit, vous pourrezsurprendre sur les berges sableuses quelques cerfs assoiff6s, des

paons solennels, un couple de crocodiles, immobiles comme des

souches, mais l'oeil glac€ aux aguets.

PIus au sud, vous vous trouverez tout a coup au milieu de

centaines d'iles:les iles de Kong. Cbarmant dEsordre naturel, Iabyrin-the o l'on navigue doucement sans fil d'Ariane. Plus loin encore,Ies chutes du Khone, i quelques kilomdtres du pays khmer. Derniergrondement du M6kong laotien, derniEre coldre, avant la mer.

Le Laos est 6galement Ie pays des pagodes. Il y en a des

milliers. Tout village en a construit au moins une. Le peuple laoest en effet trds religieux. Comme les frangais constructeursd'6glises et de cath6drales au Moyen-Age, les lao furent de grandsbdtisseurs de pagodes. Ils le sont encore aujourd'hui.

"t

LE TOURISME AU ROYAUME LAO $5

_ De ce temps de foi i[ reste des monuments d,une grandebeaut6 architecturale. Wat May, Wat Visoun, Wat fiui t uorg,Wat Xieag Thong, i Luang-prabang, Wat Sisakhet, Wui O"g fr,Wat IntrBng, Wat Phra Kdo, i Vientiane, Wat That Inhang, irSavannakhet, Ies ruines de Wat phou, i paks6, sont des t6moi.gnages du g6nie cr6ateur du peuple lao.

Nous avons cit6 les monuments les plus grands du royaume.II existe_ cependant, p'ar centaines, d,autres palodes plus petites,plus modestes, nichdes dans les villages 6loignis.-Ce .ont 6grt.*"rrtdes r6ussites de cet art religieux lao qui s,exprime par le bois,le pis6, Ies couleurs franches que l,oo reirouve jun" les scdnes deIa vie du Buddha peintes sur des murs blanchis i la chaux dans lestyle naif. Malheureusement, Ies invasions des silcles pass6s ont d6-truit de nombreux tr6sors achitecturaux. A Vientiane, par exemple,11,:o1." du sac de la ville par les siamois, sous le iEgne du roi.{NOU, perirent des chefs-d,oeuvre incomparables dont J parl6 lehollandais Wolstu{f.....

Que peut encore trouver au Laos le touriste ? S,il est. chas-seur, il est dans un pays oir le gibier abonde encore. Les trois.quartsdu royaume sont couverts de for6ts. L,6l6phant se rencontrepartout. Egalement le gaur, piice royale. Le tigre chasse lui_m6medu nord au sud. Le cerf-cheval, le gracieux cerf des marais, Iebanteng, le buffle, Ie boeuf sauvage, le sanglier, le bouquetin,l'ours, la panthere, l'agouti... peuplent les for6is lao. Lu ,,pir-",;ne manque ps: le praon, le prerdreau, les canards, la b6cassine, leph6nix, la caille... Ce n'est peut-6tre pas le' pradis des chasseurscomme en Afrique noire, mais on peut trouver plaisir i venirchasser au Laos.

_N-ous avons ) tr8s grands traits, donn6 des aperqus sur lespossibilit6s du tourisme au Laos et nous eslBrons qoe l" lectr.e decet article incitera les lecteurs i se rendre au pays do Sao Van Dy( 1).IIs ne trouveront plus l'h€roine, -ortu dep,ri" longtemps. Mais ilstrouvero_nt certainement, malgr6 les imperfections de l,accueil, leclimat lao, fait de gaiet6, de douceur "i d. po""i". On a dit quele royaume 6tait une Polyn6sie terrestre. Sans la guerre actuelle, eten tenant compte de certaines exigences de la litt6rature, ce seraittErfaitement vrai. Nous vous donnons rendez-vous. D'Octobre d F-6-vrier, si possible, c'est-i-dire i la saison slche, celle oir la popula_tion lib6r6e des travaux des champs, se consacre aux bouns folklo-riques i souhait. Nous n,en avons Ims parl6. Il faut venir les voir.

(l) Cf. Aialbelt.J. in Mceurs du ljlos (2zo pagcs ) - paris. Chalpeotier . 19oS:Rooan sut les meurs lao du d6but dc ce silcle.

136

A PROPOS DU

..TATOUAGE DANS LA REGION DE VIENTIANE"CVr,rir Bulletin des Amis du Rovaume Lao' no 3 ' I9?O)

Un vieillard lao de la r6gion dc VieDliane aux bu6te et blas

( Photo coomuoiquEe Par Mr' Raymond GUERIN )

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A PROPOS DU..THAT LOUANG DE VIENTIANE,,

- L'article de Phagna Bong Souvanaavong ,,Le That Louang deVientiane", paru dans le numdro 3 de notre bulletin, a suscit6 denombreuses r6actions parmi nos lecteurs, en particulier ceux qui, parvocatiou ou par curiosit6, s,int6ressent aux 6tudes religieuses, et ar-ch6ologiques sur le Laos. R6actions tris diverses, tant-s,en faut. Lesuns f6licitent l'auteur de ses r6v6lations sur le monument, d,autresont pens6 bien faire en ajoutant i son article quelques ierrseigrr..ments compldmentaires, d'autres, enfin, croient devoii donner de lastatue debout dans le cloitre une description plus minutieuse, ainsiqu'une identification et une signification qu,ils croient plus prochesde la r6alit6 que celles de l,auteur.

Nous adressons aux uns et aux autres nos sinclres remerciementspour l'attention qu'ils portent i notre publication. Sans trancher Ied6bat, nous nous faisons un devoir de publier ici les Notes qu'ils nousont adress6es parce qu'elles pr6sentent un int6r6t certain. Nous es_p6rons que malgr6 ces divergences de vues et d,interpretations surcertains points, nous dirons m6me grAce ) ces divergences, nos lecteursauront une documentation complite sur le That Louang dd Vientianequ'ils pourront dis lors apprendre i mieux connaitre.

N.D.L.R.

I. NOTES SUR LA S]ATL]E DU THAT LOUANGDE VIENTIANE

par THAO BOUN. SOUK

Avant. m6me d'aborder la question de sa datation, la statue duThat Luang de Vientiane ne manque pas de poser certains probld_mes d6licats, celui de son identificatiol en pariiculier.

.. Henri PARMENTIER, dans la premiire partie de ses notes(."L'art du Laos" tome I, p. t2l) l,identifie au iuddha-pari... maisdans Ia seconde partie (ibidem, p. ng et tome II, photo Irio, 99T) il *ravise et l'identifie correctement ] un Bodhisattva portant un,.vajra,,.Voici dlailleurs la description qu,il en donne:

A PROPOS DU..THAT LOUANG DE VIENTIANE

Fig. I : VAJRA ' 3tYle indier'| '( a'uprls O SfCfnL "L'art du Bouddhisme" p' 246)

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A PROPOS DU ..THA-T LOUANG DE VIENTIANE" I39

". . . il est v6tu d'uoe tutique, ) moins qu'il ne porte seulementqu'un sarong, [e bas du v6tement s'dpanouit en deux cornes inf6-rieures accol6es au mur du fond. Il a une coiffure conique au largediaddme, des bracelets de bras et d'avant-bras mais, contre l,ordi-naire, ses orei es aux lobes distendus n'oot pas regu de bijoux; Iescoudes l6gdrement pli6s, il tient dans ses deux mains plac6es l,uneau-dessus de l'autre devant Ia ceinture un attribut bizarre oir (cer-tains ) cherchent une figuration obscine, c'cst en fait, un "vajra,,..,,,

Le vajra, symbole de la_ foudre, de la force, de la puret6, dudiamant (en lao : ph6t - ct!-g. ) est dans l,iconographie indienne,l'un des attributs rradirionnels du dieu INDRA; ses reprdsentationsont pris des formes diverses, en particulier celles de la massue etdu battant de cloche. (Cf. Iig. I).

Dans Ie bouddhisme th6ravadin, le vajra n'est jamais consid6r6comme l'un des attributs du Buddha, mais dans le Grand V6hicule(Mahayana), ". . . exemple de transfert aux bodhisatt.ra de traitsappartenrlnt originelleurent aux divinit6s brahmaniques. .,1 L. RENOU& J. FILLIOZAT, "L'Inde classique", p. 575 ), le dieu INDRA, porteurdu vajra, est assiuril6 i un bodhisattva appel6 " VAJRApANI,,, le"Porteur de Foudre',, tras souvent associ6 d,ailleurs au bodhisattva"PADMAPANI", le "Porteur de Lotus,', appel6 aussi parfois "LOKE-CVARA", le "Protecteur du Monde".

Dans Ie bouddhisme tantrique ou Vajrayana ( "Le V6hicule dediamant"t, le vajra, reprenant Ia tradition brahmanique ancrenne,est devenu le syu:bole du principe masculin, oppos6 au principe f6-minin symbolis6 par la cloche ( "Gantha"l. (Cf. SECKEL D. "L,artdu bouddhisme", p. 246), ce qui explique qu'on le trouve souvententre les mains du Buddha, mais dans l'iconographie iib€taine pres-que exclusivement,

Nous sommes donc amen6s pnr les consid6rations qui pr6cadenti identifier Ia statue debout dans Ie cloitre du That Louang au Bo-dhisattva VAJRAPANI, divinit6 secondaire du bouddhisme mahayanaet A penser que, comme telle, cette statue pourait 6tre ant6rieure )la r6forme de Fa-Ngoum au XIVd silcle. II est, d'ailleurs, iDt6ressantde noter qu'il existe au Mus6e du Vat Ho Phra-Klo une autre re-pr6sentation, 6galement en pierre, de VAJRAPANI, assis, tenant le"vajra" i deux mains, perpendiculairement a son ventre i la hauteurdu nombril t pidce No 444r. Cette statue, malheureusement sans t6te,n'est pas sans analogies avec la piece No B 13,I du Mus6e de

140 A PROPOS DU ..THAT LOUANG DE VIENTIANE"

Phnompenh (Cf . GITEAU M. "Guide du Mus6e National", p.48), dat6e

du XIR-XIIId sidcle, ce qui pourrait confirmer la datation donn6e

ci-dessus i la statue du That Louang.

Pour conclure enfin, l'assimilation faite actuellement par laplupart des fidtsles, du vajra avec urr phallus, Iaisserait i penser

quC h simple croyance populaire a su rejoindre ici l'un des som'

mets de la philosophie bouddhique. Une telle interpr6tation me

parait sujette i caution, 6tant doon6 qu'elle s'appuie sur des vestiges

en mau.,ais 6tat de conservation, en particulier la stile de Setthathirat,dont la traduction est palfois sujette i des variantes suivant le

sens que I'on donne aux expressions anciennes. Cette interpr6tationsemble, en outre, n'avoir 6t6 faite qu'i partir de la fin du XIXdsiEcle par des fidlles pieux mais peu avertis, dans le cadre du vieux

culte animiste de la f6conditd dont il subsiste encore au Laos tant de

traces: Fetes des fus6es, f6tes des pirogues... interpr6tation qui se

serait ensuite int6gr6e dans la religion bouddhique par l'interm6diaire du traditionnel symbolisme des that. Sur ce point, il serait in-t6ressant de pouvoir retrouver l'origine et la date de la priire que

les fiddles r6citent au pied de Ia statue du That Luang, car c'estpeut-6tre elle qui est ) l'o;igine de tout.

II. NOTES SUR LES OBJETS A VOCATION RELIGIEUSE

CONTENUS DANS UN PARAMI DU THAT LOUANG

Ertrait de l"'Ex.voto du That-Luaog de Vieng Chan"

par Lou:s FINOT, in BEFEO, IU-4-1903, pp. 660-663,

Commuaiqu6 par THAO KHAMLEUY

"En 1896, l'une de ces pyramides secondaires fut 6ventr6e parla foudre. L'int6rieur contenait quelques objets en or et en argentqui furent recueillis et conserv6s i la R6sidence Sup6rieure. GrAcei l'obligeance de M. Mah6, Rdsident Sup6rieur par int6rim, nous

avons pu r6cemment en avoir la communication.

Ces objets, au nombre de cinq, sont les suivants:

1- Deux petites stdles d'or, d'environ 5 cm de haut sur 2 cm delarge et 2 cm d'6paisseur, pesant respectivernenl 122 et 134 gram-mes. Toutes deux portent une inscription de 4lignes grav6e en creuxtFic. II, A et B).

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A PROPOS DU ..THAT LOUANG DE VIENTIANE" 141

2- Deux feuilles d'or, mesurant, I'une 49 cm de long et 55 murde large, I'autre 48 cm de long et 58 mm de large. Elles sont l6ge-rement mutil€es i droite.

Chacuae de ces feuilles porte 6 lignes d'6criture grav6es encreux.

3- Une gaine d'argent de forme conique. tFig. II ,C).Les stiles et les feuilles d'or, simples ex.voto, d6pos6s sans

doute dans le That lors de sa construction, portent un texte palid'un caractire purement religieux, dont il ne ressort aucune infor-mation historique.

Chacune des steles ne contient qu'un mot. La premidre:

"adhi tthana.paramatthaparami ",et la seconde:

"metta-upaparami".

Il y a, suivant la doctrine buddhique, dix "perfections", ;um.mi ou paramita, parmi lesquelles la r6solution, "adhitthana", et labont6, "metta". Chacune de ces perfections a, outre son degre normal,un deg6 inf6rieur, "upaparami", et un deg!6 sup6rieur, ";nramattha.parami". La premiale de nos stdles pourrait donc se traduire: "Degr6sup6rieur de la perlection de r6solution"; et la seconde: "Degr6inf6rieur de la perfection de bont6". Si chacune des parami i cha.cun de ces trois degr6s fut inscrite sur autant de stales, il y auraitencore dans les petits That 28 objets de ce genre.

Les deux feuilles d'or contiennent le m€me texte :

..."J'ai parcouru un cycle de multiples naissances, cherchaot sans letrouver le Constructeur de la Maison. Douloureuse est. la naissancer6p6t6e. O Constructeur de la Maison, tu es d6couvelt; tu ne bAtirasplus la Maison; tous les chevrons sont bris6s et le faite est d6moli;Ie coeur attach6 )r l'annihilation est Ixrrvenu i I'extinction du d6sir.

"De l'ignorance procddent les impressions, des impressions laconnaissance, de la connaissance le nom et la forme, du nom et de[a forme les six organes des sens, des six organes des sens le con-tact, du contact le sentiment, du sentiment le d€sir, du d6sir l'effort,de l'elfort l'existence, de l'existeoce la naissance, de la naissancela vieillesse et Ia mort, la tristesse et le chagrin, la souffrance,la m6lancolie et le d6sespoir; telle est l'origine de toute la massede la douleur. Mais de I'extinctiou complEte de I'ignorance naitl'extinction des impressions, de l'extinction des impressions l'extinc.

112 A PROPOS DU ..THAT LOUANG DE VIENTIANE''

tion de la connaissance, etc. .. ; ainsi a lieu l'extinction de toutela masse de Ia .louleur. Oi maintenant, 6 moines, je vous donne cetavertissement : Ies choses de ce monde sont 6ph6mires; c'est parl'application que vous devez arriver au but."

Les deux morceaux qui pr6cddent sont tir6s d'une de ces

chresthomaties religieuses connues sous le nom de bhanavara et quicomprennent des extraits du Tripitaka destin6s i 6tre r6cit6s par lesmoines. Les vers du d6but sur Ia suppression du d6sir sont em-prunt6s au Dhammatrnda, vv. 153-154. La formule du paticcasamup-pada ou de l'enchainement des causes se retlouve notamment dansle Vagga I ( Bodhivagga ) de l'Udaoam, section du Khuddakapathadu Suttapitaka.

L'6criture est celle qu'on emploie au Laos pour les textes reli'gieux et qui est connue sous le nom de caractire Tham( =dhamma ).

EIle o{fre plusieurs vari6t6s; celle de nos feuilles d'or est tr}s voi-sine de l'6criture birmane.

La date de ces ex-voto est apparemment celle du stupa lui-m6me.Selon M.L. de La jonquitsre ( VieugChan, BEFEO, I,III ) " une stilecomm6morative de I'6rection du monument porte la date de sakarach948 = 1586 A.D," A cette 6poque en effet le Laos 6tait dans une6troite d6pendance de la Birmanie, et cette situation s'accorde bienavec le style purement birman du stupa et avec Ie caractdre quepr6sente l'6criture des ex-voto".

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LE JEU RITUEL DE KE SAOgMlle HANG MINH KII{

Yeuk ! Yeuk ! .... H6 ! (1) C'est au milieu de ces acclamationsfr6n6tiques de la foule qui encourage les uns, pousse les autres etapplaudit les vainqueurs, que deux 6quipes compos6es, [,une de fem-mes, l'autre d,hommes, tirent de toutes leurs forces sur chaque moiti6d'une longue perche et essaient avec fureur d,emmener celle du campadversaire darts le leur.

Le plus souvent, Ies plus robustes et les plus grands de taille setiennent aux extrdmes bouts, comme des chefs d,6quiqe qui se doiventd'€tre A I'arriEre pour mieux observer et diriger la lutte.

C'est le jeu de la perche. un genre de sport qui se pratique danstous les pays et en toutes occasions. Il est jou6 non seulement par lesjeunes gens mais encore par des enfants qui, ) d6faut de perche s,im-provisent une longue et grosse corde,

II existe,au Laos un jeu en_tous points pareil, appel6 le jeu deAe-SAO ( LLD8,1J ;((rr: tirer; SIC: perche) lequel rev6t toutefoisun caractile rituel du fait qu'il n'est pratiqu6 qu,au cours des c6r6.monies offerteF une fois par an au g6nie-gardien du village (ou duquartier ) et selon les rigles inpos6es par ces c6r6monies m6mes.

L'originc du jeu de Ke.Sao est obscure. On s,explique m6medifficilement le but pour lequel on le destine, les raisons pour les-quelles on le pratique et les avantages qu'on en retire. Sans douteest.ce li une fagon de cor:naitre, par l,issue du jeu, Ia volont6 dug6nie- gardien, toujours est-il qu'il attire un monde nombreux erdonne plus d'animation et de gaiet6 aux c6r6monies qui eussent 6t6monotones et lastidieuses.

Le Jeu de Ke-Sao a lieu, suivant l'usage, dans l,intervalle du8e au 15e jour de [a lune croissante du 4e mois i Luang prabang etdu 7d mois aux autres provinces. Quand, les semailles iermindes, lapopulation jouit d'un petit r6pit dans l'attente du repiquage et destravaux des champs qui l'occuperont jusqu'au l?i mois.

A la diff6rence des autres jeux rituels, le jeu de Ke.Sao n,apas de chef d'organisation. Au jour choisi, une foule nombreuses'assemble dans l'enceinte du Ho-Ban (urri.u) temple d6di6 au cultedu g6nie-gardien, qui consiste en une maisonnette i une seule piEce,

fi . D'apris les aote dc Phagna Borihan SuLsa, Boag SOUVANNAVONG.(t) Yeuk: cri d'eDcouEgcEetrt - H6: cri dc victoirc.

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

L44 LE JEU RITUEL DE KESAO

pratiquement vide et d6nu6e de toutes d6corations' Pendant une

grand-e pattie de I'annde, Ie temple est peu ou -m6Te-.9as fr6quent6'

irais ce'.1ours-lir il est trop petit pour contenir les fidEles, aussi bien

uue large tente a 6t6 dress€e tout prds du Ho pour abriter tout ce mon-

de et seivir en m6me temps de place oir I'on officie les c6r6monies'

Les fidlles s'assoient sur des nattes pos6es i m6me le sol' en

demi-cercles derriEre une jeune femme, richement habill6e, assise

elle aussi devant un 6talage d'offrandes qui se composent g€n6ra'

Iement d'une bouteille d'alcool de riz, d'un flacon de parfum' de

cornets de fleurs multicolores et de cierges allum6es C'est la "nang

thiem, ( u1.tr,lD r celle qui, au nom de Ia communaut6, 'a prier le

g€nie-gardiJn "de ,,eni, "r, homme" et qui va lui servir ensuite de

iort"-furol". Il est de tradition que pour Iaire ces priires, la "nang'

ihi"-; doit avoir sa main droite en trnsition de salut i hauteur de sa

poitline, sa main gauche tenant une coupe de fleurs et de cierges et

s'adresser ainsi au g6nies:

-"O g6nie et divinit6s, vous qui avez tant de pouvoirs, je vous

pr6sente i tous mes respectueuses salutations. En ce jour' je m'adresse

i celui d'entre uous qui aime et estime Ia jeune fille qui est en moi'

Venez, venez, si Ie coeur vous en dit; cette jeune lille est pr6te )r

vous offrir de bonne grAce sa Perssonne et sa vie. O, venez, t'enez"'

Les fidEles observent un silence religieux Pendant tout le temps

que "nang thiem" fait ses priEres, comme pour communier avec elle

et t6moig-rre, leur respect au g6nie qu'elle invite i venir' Au bout

d'rn certain moment, la main gauche de "nang thiem" se met a t!em-

bler, ce qui signifie que le g6nie arrive, et, lorsque tout le bras

tremble convuls-iu"*"ni "n

m6me temps que Ie corps 'bouge, "nang

thiem" n'est plus autre chose que l'incarnation du g6nie ou le g6nie

Iui-m6me apparu dans la personne de "nang thiem".

On l'habille alors suivant Ie sexe du g6nie qu'elle incarne,

mais d'une fagon g6n6rale on lui passe des vEtements de couleurs

trls vives consistant en une jupe de femme ( sin ), ou un sarong' une

chemise d'homrne et une ceinture, et on lui coiffe Ia t6te avec un

turban. Et, lorsque qu'elle eut achevE de s'habiller ainsi elle prend

une gorg6e d'alcool, se ldve et se met :r ex6cuter seule une danse

appel6e "phone nang thiem", (phone: danse ) avec laccompagnement

d" L *o"iqr" doo""rerse du khine, scand6e par Ie son du "khia"(rd..1t ) deux morceaux de bambou qu'on frappe pour battre Ia me'

sule.

!

LE JEU RITUEL DE KESAO 145

Les fidlles se mettent alors i lui pnser des questions sur des su-jets qu'ils tiennent i coeur de connaitle, notamment sur les jouts Ivenir dans le village, la future r6colte, ce qu,il faut faire, ce qu,il {aut6viter, etc.,.. et "nang thiem,, rEpond i tous avec d,autant plus d,assu.rance que c'est le g6nie lui.mdme qui parle et tous y croient avec lam6me ferveur.

Dehors, jeunes gens et jeunes filles, auxquels se mElent despersonnes d'un certain Age, s,assemblent grur organiser le jeu de"Ke-Sao" qui, traditionnellement, fait partie du p.-ogru.n-" des cer6.monies offertes au g6nie en ce jour anniversaire. Ils attendent toutefoisune heure avanc6e, comme si ce jeu, trnr pudeur humaine ou par lavolont6 du g6nie, doit se d6rouler dans le clair.obscur.

Comme dans le jeu sportif de la perche, une 6quipe d,hom_mes et une 6quipe de femmes tirent avec la m6me fureur sur chaquemoiti6 d'une longue perche, et les spectateurs qui crient et applaujis-sent a se fendre la gorge sont emport6s par le m6me enthou;iasme etle m6me d6sir de voir leur 6quipe pr6f6r6e remporter la victoire. Ily a toutefois lieu de remarquer que l,ardeur de lutter comme la volon-t6 de vaiocre ne dure pas dans le camp des hommes, non pas parcequ'ils sont galants et veulent m6nager le sexe faible. mais bien parceque dans ce jeu rituel de Ke-Sao, la tradition veut que la victoirefinale revienne )r 1'6quipe f6minine, ce quj serait un bon augure pourl'avenir et le bonheur du village. C'est ainsi que certains holm*." es-timent devoir quitter Ieur camp pour aller renforcer celui des femmessi, au plus fort de Ia lutte, ils trouvent celles-ci trop faibles pours'assurer la victoire. Il y a ici un paradoxe qui 6tonne mais qui est ce-pendant une des formes du matriarcat, et la seule cornpensationpour les hommes c'est d'avoir pu profiter de Ia marge de lilett6 queIeur confErent les rites pour toucher, serrer la taille de leurs compa_gnes de jeu.

De telles 6treintes, en d'autres occasions seront punies d,amendepar le code p6nal lao. aussi. ce jeu est-il des plus attrayants et l,onne s'6tonne pas s'il se prolonge trds tard dans la nuit- Les partici-pants se relayent sans discontinuit6 mais au deli de la 36 manche,il cesse d'6tre un jeu rituel pour devenir un amusement entre hom.mes et femmes du village.

Ainsi que nous l'avons indiqu6 plus haut, le jeu de Ke-Sao neprend un caractdre rituel que s'il est gouvem6 1nr certaines rdglesconsacr6es par les rites des c6r6monies offertes au g6nie-gardien.Ces rigles sont:

146 LE .TEU RITUEL DE KESAO

- les 6quipes qui s'affrontent dans la lutte doivent 6tre mm'pos&s I'une de femmes et I'autre d'hommes;

- le jeu doit se d6rouler de.,ant le Ho ban ( uicilu )' temple

d6di6 au culte du g6nie ;

- il doit avoir lieu pendant les c6r6monies anniversaires offertes

au g6nie, et dans l'intervalle du tld au 15i jour de la lune croissante

drl ie -ois dans les provinces, du 4E mois i Luaug Prabang devant

les Ho Ban Lakkham ( Jruchri'l) ou encore au Ho Pa de Ban IUun-

nu t uitJru"luquul ) et Ho Vang Na (uij2ur) {1)

De nos jours, le culte du g6nie'gardien tend i disparaitre dans

les grandes villes, oir les croyances aux bienfaits des esprits dimi-

,rrl"ri, .ut" doute devant l'6volution de la soci6t6' C'est ainsi que le

Ho.Kang (uinr2) et le Ho Pak-Passact uithott'ldn) ir Vientiane sont

derrerru"- de" puiodor,. entretenus le premier par les Chinois, Ie se-

cond pa.r les Vietnamiens qui associent leurs h6ros nationaux au

culte.

Ce culte (2) existe encore dans les bourgs 6loign6s ou dans les

campagnes, oir la population croit encore aux fant6mes, aux revenants

"o-aa .r* forces occultes, sans l'empAcher pour autant i se rendre

assid0ment dans les pagodes. Il y a lh un paradoxe qu'on ne P€ut sans

doute expliquer que par le fait que ces croyances font partie d'un

h6ritage moral plusieurs fois mill6naire et que certaines d'entre elles

peuvent sans inconv6nients coexister avec Ies sciences modemes'

NOTES

(1) A Luang-Prabang, au ieu de "Ke'Suo" oo emploic uoc cordc i la

place de la pelche. Ea efiet le mot "sao" ( Jlc ) dans "Ke'sao" vieot du

Eot 'Sao" (s1c) qui signife "tircr". C'est un terme coploy6 par les

3ampaliers pour d6signer l'sctio! de "tirer les eobarcatioas aur les rapides

avec uae cordc cotrstitu6e Pat 3 liarc3 de rotin eatrelac6es". Avanl le jeu, oo

attache I chaque bout de la corde un comet de feuillc de baaanier coute'

Da[t du b6tel et dcs aoix d'.tec; oo allume ler cierge et arrosc la corde

avec de I'alcool. Aprls 3 mauchcs, l'6quipe gagoante etacute u.Be daose 1rcur

"taquiner" l'autre. ( ReDseigneoeats dtc l l'obligeaocc de Tiao Kham Maab

VONGKOT RATANA ).

I

APPRENEZ LE KHENE- IllrKHAM OUANE RATANAVO!"G

CINOUIEIiIE PARTIE

L'ACCOMPAGNEMENT c"ri,.'

trs norcs.ouplaes '3r

drave ou ooter doubl.er * Dra..nr.Dr,om.. ",,, J.L.J t-* rA/FA',.L(murh/L').d b,rJoo pol {.''11 '"ppt'q** '"- d.* -F. 'i-1"ou, s' i l"n,sn). Tourr nor€ Ddie duD. FUL ban. (4,!/Je* sinpl., c'*ra.dirc non coupLe.

C.(e p.arique du coupla* des mler p.r ctaves $.an uo.{aute d'h,fronie apr.lte sxsi 6mua trr "I6ul.r d'et!v.!".Mat €llc e rappliquc ici qu'n b padi. balodiqu.d'ae6pasn€enr. Elle vie c*nti.ll.wat A r.nlder L .b!nt;ce qli n'.st pss abellent inrerdit Fr la !*L d lomdi.. IconeieDt de snsidai.r ici 16 noE. coupl&i e doubL€s .obb.''Unisn", lratiq@ ouanle drs l'aenure de ch.DB .hd.u i

EXERCICE 16

Bemarque: P.atiqEr er .&rcic. .n r€f€..@ ayec l€r eha@amlyriqu€s des [email protected]. ddn& plus tar. L.s doigra! d.c !@rd! y$nr dav.lopsts. ll @Dvieor d'eD .cqua.ir l.uroBlti@ obolu F

2,3. t97o du Bulr.ri. dr Aln du Rrtu. L&.

148 APPRENEZ LE KHENE

III

!9

.io ..1.

(8.t8)

SCHEMAS ANALYTIOUES DES PRINCIPAUX ACCORDS, fORMESSLTR LES 7 NOTES DE I,A CAMME,

Ces *h6oas fom lsrii€ d. l,€xercice No 16 ci.desu,. Il. d€-velopp€,l l$ doisr6r qu,il faut utitiser dac I,Ei. 16.

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II

VII.-r

(^).... rr(.)-Iv'(Lcdtt) Y

lot{v

I

Remarque: Les accords et les doigt6s-types pr6sent6s ci.dessusn'excluent pas d'autres combinaisons que le joueur exp6riment6 peuttrouver au 916 de son inspiration et de son talent.

L'exercice 16 ci.dessus suppose que le joueur posslde ddjiparfaitement les doigt6s coupl6s de la gamme. Il s,agit maintenantde cultiver de nouveaux r6flexes supertrns6s correspondant aux doig-t6s des accords. Quand le joueur aura bien poss6d6 les 9 formules.cl6s d'accords, il sera d6sormais en mesure d,improviset' un accom-pagnement assez satisfaisant sur une musique donn6e, selon la cadence

, .24 3voutue (?, 7- ou ? notamment ).

Il lui est recommand6 alors de revenir aux exercices simplesNo4 (la gamme ) et No 5 ( Frbre Jacques ) congus initialement en vuede dessiller les doigts du joueur par la production de notes biend6tach6es. Pour cette fois-ci, le joueur s,appliquera i mettre lesaccords sur la musique donnEe et i marquer le rythme en s,aidantdes sch6mas analytiques compl6mentaires de l,exercice 16.

II pourra ensuite s,attaquer i l,exercice 9 ( Shadow Waltz) quipermet de produire de tris jolis accords.

(l suivre)

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153

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LE TISSAGE DES TAPIS AU LAOSMOC MARIA BERNADINE BORG

Il est un temps oil, devant la concurence des tissus manufac-

tur€s import6s de I'6tranger, le tissage des 6toffes lao subit une

r6gression inqui6tante. I-a scolarisation, d'autre part, attire de plus

.r, plr" ro" leunes filles vers une carridre intellectuelle et leur faitd6laisser sinon abandonner ce m6tier traditionnel, car elles pr6firentacheter leurs jupes au march,S que de chercher i en acqu6rir parmi

Ies produits locaux.

Afin de pr6server cet art en peril et de substituer ir la technique

de la basse.lisse un moyen d'expression nouveau qui ne dEpayse pas

les tisseuses lao puisque la gestuelle est a p€u prEs la m6me lors-

qu'on ex6cute un tissu d6cor6, I'id6e est venue d'introduire au Laos,

il y a quelques temps, une technique, nouvelle certes pour ce Pays,

mais ayant fait ses preuves dans d'autres: celle du tissage des tapis

i points nou6s ou i poils ras sur des m6tiers verticaux i haute'lisse'

GrAce i leur habilet6 naturelle et iL leur applications, les apprenties

sont devenues en quelques mois d'excellentes tisseuses, et, d'ores etd6jir, elles parviennent i ex6cuter des ouvrages allant de la descen'

te de lit de 0m70/1m40 au grand tapis de salon de 2m50/3m50.

La formation fait des progrds de g6ants. AprEs un an d'appren'tissage, 150 tisseuses ont 6t6 jug6es aptes A ce m6tier, tandis que l0invalides, anciens combattants, y trouvent un moyen de gagner leurvie sans 6tre handicap6s par les blessures qu'ils ont regues.

En ce qui concelne les motifs, ils sont jusqu'i pr6sent inspir6s

des tissages lao et parfois m6me des sculptures des portes et fen6'

tres des pagodes, et cette premiire exp6rimentation a permis de

rassemblei et de mettre au point une tlentaine de modBles Mais,

avec des initiatives nouvelles, des recherches continuent de fagon ipouvoir disposer d'une gamme assez large et assez vari6e Pour satis-

iui.e le. goits du public, tout en cr6ant une production ayant les

caractares typiquement lao, et dont les prix de vente pourlont con'

currencer avec ceux des produits similaires import6s de certains pays

6trangers, ce qui .permettra leur exportation dls que le tisasge aura

pri" au Lao" une ainpleur d6passant la consommation locale'

II y a li un travail i longue ech6ance, mais les r6sultats obte-

nus garantissent pleinement l'avenir, et nous avons la certitude de

pntrenir, lentement sans doute mais sorement, aux buts que se pro-

pose le d6veloppement artisanal et industriel du Laos'

LE TISSAGE DES TAPIS AU LAOS 155

I. MOTIFS POLYCI{ROMES DES TISSAGES LAO scrvaot dc ood csdt. l'6Lboratio! det oaqucttcs pour le. tepir (Clich6! dc Mr pierre BORG).

156 LE TISSAGE DES TAPIS AU LAOS

II. ELABORATION DES MAOUETTES POUR LES TAPIS. En haut: Colofttioa

d* aaqucttcs. EE bas: Dilf6rcuu oodllcs Dr6ts I 6tre utilis6g'( clich6s dc Mr Pierc BoRG )

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157LE TISSAGE DES TAPIS AU LAOS

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158 LE TISSAGE DES TAPIS AU LAOS

IV.- PRODUCTION.' ED b.!: TaPi. t pointt !ou" dont 16 d6con ( flcur6

dc lotus).ont inspir6s dcs bois 3culpt6. dcs Vat de Luang'Prabaag' En haut:

Tapis t poilts Dou6s dotrt lce dEcots soot iptpL6g dc' Eotift d's tissaS" dc

VicoriaD. ct dc Sao Ncua. ( Clich€s Mr Picrrc BORG )

LE TISSAGE DES TAPIS AU LAOS 159

II-

ffisfirfit*rtffitffis*

V.. PRODUCTION,- EE hlut : T.pi. I poitrts oou6., d6cor I Sclnc d. BACI,iatpir6e des tiasager Thai Neua. En Bas: Tapis i poiDts aou6s ; Mme BORG, la

.p6cialiste dc la FONDATION ASIE, agenouill6c avec les tisscuscs autout du "Pha

Khouaah" commc deas unc sclD. rraditioruellc du BACI. (Cl. de Mr P. BORG )

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160 LES .,MEMOIRES" DE M. NGINN

De gauche d droite j Kbam ouaa F€lir NGINN, Dco Vaa Thai, D6 Huag,

Deo Van Kim, Nguy6n Van Nguy6a, TrAn Vao Ky, Nguy6o Phu Khai,

Tiao Phetsarath, Deo Vaa Mun, Nguyan Vaa Xi€o, Doal Ky, Deo Vaa Loag .

Assrs ,' Soochiae Pierre NGINN, Nguy€o Vaa Th6ag.

De gauche d droite: KhaE Oua!, Fraaqois NGINN, Soo Ok (aur tcc

geooux de soo plre ), Naag Som Li, M! Ouan Si, Nang Kham Pirl (devant sa Earc),

Somchine.

llf+'i,*r.tr L l.*r.

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!r

LES "MEMOIRES'' DE M. NGINNM. Somchiae NGINN a 6cdt eD laoti.! ses M6eoire3 sous Ie tittc trlr

6vocaleur de NOSTALGIE DU PASSE.

Ce livre, 6dit6 par la Foadatioo quj portc soE EorD vieii de paraitrc, SutDotre dematrde, l'auteur a bien voulu oous feirc la traductioB d'ua passage quc

Doui DouB faisoor uu plafui de publi€r ci_ap*s. NDLR.

Bient6t octog6naire, j'ai eu l'id6e d'6crire mes m6moires, m6-moires qui seront peut.atre utiles a nos jeunes gens car ils Ieurpermettraient de comparer la vie, combien t'nible, d'6colier et defonctionnaire d'auEefois i celle d'aujourd'hui, si heureuse.

Mon enfance.

Je suis n6 le lundi 6 Juin 1892 au quartier d6nomm€ "Pa Kham"( for6t de tamariniers ) de Luang-Prabang.

Ce quartier du Palais Royal 6tait en effet plein d'arbresi tamarinb. Ma mire, ME Onsi, avait sept enfants dont je reparleraiplus tard. Elle 6tait Luangprabanaise. Mon pire Nginn, d'originecambodgienne, compagnon d'Auguste Pavie, avait pris le pr6nom deFmnqois aprds sa naturalisation frangaise. Mon pr6nom "Somchine"est synonyme de " Somkhit, Somkhut ou Somnuk " qui'signifient"digne de r6flexion" et non "m6lange de chinois" comme la plupartdes Lao le comprennent maintenant. "Chin" en efiet vient du pAli

"chinta ou chintana" qui veut dire "pens6e, r6flexion". Mon prinomfrangais "Pierre" m'a 6t6 donn6 par mes camarades de classe duLycde Lavoisier i Paris. Ils m'appelaient d'ailleurs plut6t "Pierrot";ce pr6nom m'est rest6,

J'ai 6t6 un enfant pleurnicheur, turbulent, d6sob6issaat, et t6tu.Il m'arrivait de pleurer pendant des heures sans que personne puisse

me consoler. Un soir que b6b6 Somchine pleurait plus qu'i l'accou.tum6e - de neuf heures ) minuit - sans aucrur motif, em$chantainsi toute la famille de dormir, sa mlre, dans I'intention de ledistraire, dit iL Ia nourrice: "Tu feras bien de le sortir un peu. Ila besoin de se promener". Aussitdt sortie, cette derniire apergutsur la v6randa un voleur qui sauta de la maison, suivi d'un autre, enfuite tous deux poursuivis par un chien, qui aboyait aprls eux. Il€tait minuit. Rentr6 dans la maison, b6b6 cessa de pleurer. Il y avaitbien en cette fois li un motif, encole qu'inexplicable i ses pleurs...

t62 LES ,.MEMOIRES'' DE M- NGINN

Un jour, il avait 3 ou 4 ans, Maman donne i Somchine une

boule de riz gluant avec un de ces petits poissons grill6s dont il 6taitfriand. Tout i coup, son frEre ain6 Kham-Ouan survient; on coupe

le poisson en deux pour lui en donner la moiti6. Le t6tu se met alorsi crier de toutes ses forces et i trEpigner de colire. Son frlre finitpa.r lui rendre sa part, mais Somchine refusa en disant: "Je verx que

Ies deux moiti6s soieot soud6es pour en faire un poissou eotier!Autrement, rien !r faire!" Tel 6tait mon caractdre en cette 6poquelointaine.

Un soir, Somchine 6tait m6content de son lrire je ne sais pourquel motif. Vers 7 heures, il alla se cacher dans la for6t de tama'riniers pour causer, pensait-il, de l'angoisse ! la famille et pourqu'on infligeAt une punition i son ain6. Tous les membres de laIamille se mirent en vain d la recheche du "disparu" qui, i minuitayant sommeil, torturi pa.r Ia faim et piqu6 par les moustiques, se

r6signa i lentrer tout penaud ) Ia maison. Et [a Maman reprocha dKham.Ouan son attitude i l'6gard de son jeune frire....

Somchine dtait curieux au point de commettre des choses ind6.centes, honteuses; aussi, un jour que Papa lui avait donn6 des sous,

au lieu d'acheter des gAteaux, il en employa une partie pour r6com-penser sa nourrice i qui il avait demand6 de relever sa jupe et delui montrer Ia partie "int6ressante" de la temme-

A l'dge de 5 ans, je fus confi6 avec mon frdre qui en avait 7,i la premiEre 6cole frangaise "l'Ecole Pavie" cr66e par le Consulatde France i Siing Mdn, en face de Luang-Prabang. Chaque matin,porteurs d'une gamelle, nous traversions Ie M6khong en pirogue irames. Nous prenions notre repas de midi A l'6cole et nous renEionsle soir, i 5 heures. Je ne me souviens pas du tout de cette friodede ma vie: quels 6taient nos instituteurs? ce qu'ils nous enseignai-eDt? Je l'ignore. Mais d'aprls ce qu'on m'a dit, nous ne retenionspns grand' chose de ce qu'on nous avait enseign6. On m'a dit enou tre qu'un Prince Lao, nomm6 Tiao Khao, bonzillon i Vat May,6tait notre condisciple. Qui 6tait ce Prince? On ne peut le savoir,parce que Tiao Khao n'6tait que son surnom d'enfance.

Membre de la Mission Pavie de 1885 i 1895, mon plre, avantde prendre sa retraite i Vientiane en 1910, travaillait i Ia R6sidence

Sup6rieure au Laos. II exerga les fonctions de d6l6gu6 administta'til et d'agent commercial iL Silng Sin, puis !r Paklay.

\-

ILES "MEMOIRES" DE M. NGINN 163

En 1901, Papa nous confia, mon frere et moi, a la premidre 6colefrangaise cr66e i Vientiane, i l'emplacement actuel de la pr6fecture.C'6tait une construction en bambou i 3 salles de classe, 6lev6 sur unterrain vague oi se trouvait un unique jujubier.

Nous 6tions pensionnaires chez Mr. Thi6u, notre instituteur.C'€tait un Vi6tnamien mari6 i Naug Kom, Laotienne de Ban SouanMon. Nous payions chacun 3 piastres (1) par mois, pour prix de notrepension. Nos camarades de pensionnat 6taient assez nombreux, maisje ne me souviens que de quelques noms: Thao Phan CXiengLhoang),Thao Kham Rattanavong (qui vient de mourir en d6cembre l9Z0 iBan Poung ), Thao Kham ( venu de la Thailande ), Sieng pa (de Bori-khan), Nguy€n-Ngoc-Hap ( Vi6tnamien ). Dimanche, jeudi et joursf6ri6s, les internes sous la conduite du plus A96 allaient dans Iafor6t couper du bois de chauffage pour la cuisine de Mme Thi6u,cueillir des "bon" (arum esculentum ) pour les porcs 6lev6s par notremaitre, et chercher dans les mares des liserons d'eau pour les fairecuire i la vapeur afin d'en manger avec le nuoc-mam (saumurevi6tnamienne ). Le b6be de Mme Thi6u 6tait confi6 i la garde deSoruchine, le plus jeune 61dve. Chacun de nous avait ses occupa-tions dans Ie {onctionnement du m6nage Thi6u et disposait de trdspeu de temps pour 6tudier i Ia maison.

Les 6lAves vivaient dans la crainte des chdtiments corporelsque leur faisait subir l'instituteur. Ils recevaient en classe des coupsde rigle et m6me des couls de rotin, et c'est pour cette raisonque Somchine, le turbulent, est d6venu un €lEve sage, puis unhomme sage.

Thao Kham, ig6 de 18 ans, nouvellement venu de Thailandene savait pas encore lire. Il avait donc recours ir Thao Phan quilisait courramment pour lui apprendre le syllabaire. -"Volontiers, luidit-rl, a condition que tu acceptes de faire ce que je vais te dire.Quand j'aurai besoin d'aller aux cabinets, tu m'attendras i la portemuni de quoi essuyer. Quand j'aurai termin6, je te ferais signe,'.Et Thao Kham n'a lns manqu6 de le faire. On verra qu'il deviendraplus tard Khrou Kham (instituteur Kham).

Du temps que j'Ctais 6colier...Aprds avoir €t€ transf6r6e ailleurs, je ne me souviens plus oi,

l'6cole de Vientiane fut €tablie i I'emplacement actuel du groupescolaire Taflorin.

(l) Piartre indochiuoise i Eonnaie d'argent Desant 2? grammes.

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164 LES .'MEMOIRES" DE M. NGINN

C'est vels 1902 que le premier professeur frangais, M. Bory,arriva i Vieutiane. II y enseignait.

De caractlre doux, bienveillant envers ses 6l6ves, il 6tait tresaim6 d'eux. Il y est rest6 i peine une ann6e et fut remplac6 par M.Roland(1) qui, au contraire, agissait brutalement envers les jeunes

Lao. Cependant, sa m6thode d'enseignement 6tait pratique; ses expli'cations claires et int6ressantes attiraient l'attention de son jeune

auditoire. Je me rappelle qu'il nous avait remis i nous, 6lBves des

cours moyen et sup6rieur, respectivemet Ie deuxiame et le troi'siEme livret de la rrr6thode de Lecture et de I-angage i l'usage des

6lives indigbnes et 6traDgers africains par L. Machuet. C'6tait pourmoi un v6ritable plaisir d'apprendre par c@ur les morceaux choisis

en vers plac6s i la fin du troisilme livret, et de les r6citer enclasse pour obtenir les f6licitations du maitre. C'est ainsi que jesais encore par ceur certains poimes tels les fables de Ia Fontaine:"La poule aux oeufs d'or", "le laboureur et ses enfants", "le loupet l'agneau", "la laitiire et Ie pot au lait," "le loup et Ie chien",la fable de Ratisbonne : "le poulet et Ie renard" et celle de Flo-rian; "la guenon, le singe et la noix"; les beaux podmes "un songe"de Sully-Prudhomme, "le pauvre colporteur" de l,amartine, "la car-te de France" de H. Durand. J'ai eu l'occasion de r6citer ce der-nier poime i la fin de mon allocution r6pondant aux 6loges deS.E. l'Ambassadeur de France au Laos qui, avec Madame Andr6ROSS, avait bien voulu, organiser, Ie 25 f6vrier 1970, une soir6efranco"lao d I'H6tel de l'Ambassade, i l'occasion de ma promotionet de celle de mon colligue Andr6 Baudon dans l'Ordre des PalmesAcad6miques.

Les 6ldves de M. Roland 6taient autant que je m'en souviens:Thao Kou ( SithandoneJ, Thao Bounlidng (Attapeu), Thao Soth etThao Noklo (les deux frires de Mahasay ). Ce ne sont que despr6noms, car les noms patronymiques ne furent cr6€s qu'en 1941.

Nous parlions tous correctement frangais. Un certain nombred'entre nous ont €t6 demand6s soit comme interprdtes i titre priv6,soit comme employ6s administratifs. Thao Bounlidng, pere de MmeKruong Pathoumxad, et Thao Nokdo, p*re du Dr Koukdo Saycocie,furent admis i I'Ecole de M6decine de Hanoi.

Thao Soth, pere de Mme Bounxou Sananikone, devenu instituteurm'avait pr6c6d6 comme directeur de l'6cole de Pak-Hinboun, ancienchef-lieu de la prov ince de Khammouan. C'6tait un Ionctionnaire

(1) cf, Poime "A moo professeur RolaDd" (Bulletin des Amis du

Royatmc Lao No 3 )

ILES ..MEMOIRES" DE M, NGINN

tres instruit tant en franqais qu'eo thailandais, mais i[ pr6f6ra quitterl'Enseignement pour un rn6tier plus lucratif. Thao Kou, quelques-uns deses cousins de Khong, 'fhao Siine, fils du Chaomuong de Savanoakhet,Thao No Ngeun, pEre du Gdn€ral Phoumi Nosa van et du Dr. PhouvongNosavan, mon frEre et moi-m6me, titulaires d'une bourse au ColldgeChasscloup - Laubat, nous nous rendimes i Saigon, en 1905; nousfaisions notre premier voyage i travers Ie M6khong jusqu'en Co.chinchine. J'(tais 6melveill6 mais je me dispense d'en faire la des-cription pour ne pas allonger mon r6cit. Nous 6tions pensionnairesau CollEge. Il nous fallait resp€cter stlictement Ies heures du r6veil,des repas, de la sieste, de l'6tude et du coucher. Nous nous exer-cions i manger trEs vite, parce que notre surveillant tapait desmains pour nous donner le signal de commencer i manger et frap-pa.it de nouveau les mains pou! nous commander de nous lever detable. Il faisait de rn6me pour le lever, I'entr6e en classe, etc. . .

Thao Kou, rnon ami Ie plus intime, 6tait de m6me Age et de m6metaille que moi. Nos lits 6taient voisins, noys mangions i la m€metable, nous nous baignions ensemble, nous lavions notre lir:ge eusem.ble. N'ayant pas de fer i repasser, nous glissions nos v6tementssous notre matelas plusieurs jours avant le cong6 suivant, Jeudi,dimanche et jours f6ri6s, nous sortions en ville ou dang Ie JardinBotanique (lJ sous la conduite de notre surveillant. Avant chaquesortie, il nous passait en revue pour s'assurer de Ia propret6 de nosv6temerits. Celui d'entre nous qui aurait eu une tache sur son habitaurait risqu6 i coup str d'6tre priv6 de promenade. Thao Kou mepretait son v6tement quaud Ie mien n'6tait pas lav6 i temps. Jefaisais de m6me quand le sien n'6tait pas pr6t, c'est que nous avionsla m6me taille. Jusqu'ici je n'ai pas r6v6l6 Ie nom de cet ami inti-me. Il est vrai qu'il ne portait pas encore de nom patronymique.Mais nous verrons plus loin qu'ii deviendra l'un des plus grandspersonnages du Royaume.

Ma vie d'6tudiant

GrAce i I'intervention de M. Auguste Pavie, protecteur de notrepGre, il nous avait 6t6 accord6 une bourse i mon frEre et d moi pourpoursuivre nos 6tudes en France. M. Parent, Commis des ServicesCivils de I'Indochine, avait 6t6 d6sign6 par Ie R6sident Sup6rieurau Laos comme notre correspondant. Nous partimes de Vientianeau ddbut de juin 1906 avec M. Parent, embarqu6s sur une des

(1) et Zoologique oir se rlouve le Mus6e Blanchard dc la Brosre.

165

166 LES "MEMOIRES" DE M. NGINN

chaloupes des Messageries Fluviales qui 6taient le "Trentinian", le"Colombert", le "Garcerie", le "Pavie" et Ie bateau de l,Admjnis-tralion locale: le "Galli6ni". PIus au Sud nous changions de chalou-pes; elles 6taient plus petites: c'6taient le "Massi,'et le "Haiphong,,.A Khone-Nord nous prenions un chemin de fer nous conduisant iKhone-Sud au bout de trois quarts d'heure. De li le "Passak',, bateauplus grand, nous amena i Phnom-Penh, puis i Saigon. Le "Vientiane',faisait 6galement le service dans cette partie du M6khong.

A Saigon, M. Parent nous emmena chez le tailleur pour nousfaire confectionner des v6tements et des chaussures. Le completpour I'hiver codtait moins de vingt piastres et les souliers cinq pias-tres la paire.

Nous embarquAmes sur I"'Ernest Simon". J'en 6tais 6merveill6,n'ayant jamais vu de paquebot des Messsageries Maritimes. Nousvoyagions en deuxidme classe. Les cabines 6taient bien am6nag6es,il y avait de vastes salons et de grandes salles i manger. Nousprenions quatre ou cinq repas 1xr jour. A bord, I,id6e me vint dedonner des nouvelles i nos parents pour leur raconter toutes les t€!i-peties de notre voyage, mais il me fallait pour cela 6crire en fran.gais. Pourquoi ? C'est tout simplement parce que je n'avais jamaiseu d'insti.tuteur lao pour m'enseigner la langue laotienne. Mais, sedemandera-t-on encore, comment M. Ngimr a,t-il pu se d6brouillerpnur devenir professeur de laotien de l'Enseignement secondaire etm6me sup6rieur?-Vous verrez par la suite qu,apris mon entr6e dansl'Administration, tous rnes efforts tcndront non seulement i rendreIes services pour lesquels j'6tais pay6 mais aussi i cultiver monsavoir au maximun.

Nous arrivArnes ) Marseille aprEs vingt-huit jours tle navigationsans avoir trop souffert du mal de mer. Li, un ami de M. parentvint le chercher en auto. Nous avons donc voyag6 sur la routeN{arseille-Paris en passant par Ies grandes villes: Avignon, Lyon, Dijon.Ce r6seau longe les montagnes du Jura, des Alpes et.l,Est duMassil Central, mais traverse aussi les riches plaines de Bourgogneet de Provence. Les merveilleux paysages qui se d6roulaient ir nosyeux 6taient pour moi trop nouveaux pour que je puisse en profiterpleinement. Notre correspondant nous emmena chez lui, rue Valen.tin Hauy-je ne me rappelle pas Ie num6ro. Quelques jours plus tard,il nous confia i I'Ecole Coloniale (1) 2, Avenue de l,Obslrvatoire.Le Directeur, M. Etienne Aymonier, nous pr6senta a M. F6lix Jourda,6conome et i M. Albert Sidoisne, surveillant d,internat devenu

(t) Elle fut translormEe en Ecole Nationale de la France d,Outre.meret porte aujourd'hui le nom d'INtilut des Hautes 6tudes d,Ou!!€-mer.

-!

LES "MEMOIRES,' DE M, NGINN T67

biblioth6caire. Nous faisions connaissance avec M. et Mme Merceret,concierges, qui m'aimaient beaucoup. DEs qu'ils m'apergurent de loin,ils me dirent: "gentil tout plein"l

J'6tais ravi de me trouver a l'internat avec les princes Chitta.rath et Ph6tsalath qui 6taient arriv6s en France un an avant moi.Les autres internes indochinois 6taient les princes du Cambodge:Chanthal6kha Norodom, Souphanouvong Sisovat, K6tsary Sisovat, unCambodgien: L6ng Saem ( devenu plus tard Chef de la province deTakEo), des fils et neveux de Deo,van-Tri (1): Deo-Van-Long, Deo-Van-Mun, Deo.Van-Thai, Deo-Van-Kim et plusieurs Vi€tnamiens:Nguy6n-Van.Nguy6n, Nguy6n-Van-Xi6m, Nguy6n-Phu.Khai, D6-Hung,Nguy6n.Giap, TrAn.Van-Ky, Doan.Ky, Nguy6n-Van,Th6ng.

Les princes Chittarath, Ph6tsarath, mon frire et moi nous al-lions quelques jours plus tard rendre visite i M. Auguste Pavie )r

Auteuil. Ayant plis sa retraite comme Ministre Pl6nipotentiaire, ilhabitait 15, rue Erlanger, avec Madame Pavie, qui 6tait encore jeuneet leur fils unique Paul. Le vieillard n'avait plus sa longue barbecomme au temps de son exploration en Indochine.

Nous assistions [e soir aux conf6rences destin6es aux 6ldves.administpateurs des Services Civils. Paralldlement ir nos 6tudessup6rieures, nous suivions les cours de l'6cole primaire sup6rieureLavoisier (rue Denfert-Rochereau ) devenue aujourd'hui Lyc6e. Enoutre, un professeur, M. Goupillon, 6tait d6sign6 comme r6pdtiteurpour les internes indochinois. Il 6tait sp6cialement charg6 de nousfaire un cours de perfectionnement de langue frangaise. Pour parlerun 1eu de mon s6jour i Paris durant ma jeunesse, je crois bienfaire en reproduisant ici l'article intitul6 "Comment j'ai vu laFrance" jadis publi6 dans "Kinnary", revue de cultuie franco- laoNo 3 du mois d'octobre 1946.

( ir suivre )

(l) Chcf des Pavillons Noirs.

Compte rendu Bibliograqhique

I. "DICTIONNAIRELAOTIEN .FRANCAIS''

par MARC REINHORNTome I: 968 page3-illwl!6-reli6 totll.rt 21a.27

Tome II r iL pataitre.

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15, Quai Atratole France - PARIS VII - ( 75 )

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Le Centre National de [a Recherche Scientifique, vient de

faire paraitre le Tome I du "Dictionnaire laotien-frangais" de MarcREINTIORN, Ie Tome II doit suivre dans quelques mois.

Dans le domarne, relativement limit6 dans Ie temps et dansI'espace, mais en contrepartie, i peu prls totalement vierge, des

€tudes laotiennes, Ia pa.rution de cet ouvrage constitue non seule-ment la cons6cration de dizaines d'ann6es de travail 1rcur son auteur,mais aussi, une v6ritable r6volution lnur ses disciples et pour tousceux qui, laotiens, frangais ou 6trangers, s'int6ressent i Ia cultureet ) la civilisation Lao.

Professeur ir I'Institut National des Langues Orienta.les de Paris,Marc REINHORN est nE en 1917 ir Vientiane, i l'ombre des flarn-boyants de PHYA VAT, la plus grande pagode de la capitale, cons-

truite au XVIdme sidcle par le Roi SETTHATHIRATH, et de [a-quelle rien oe subsistait plus, ir l'6poque, que les ruines imposantesd'un immcnse Buddha envahi par le lierre dont le sourire plein decompassion constituait, par del)L m6me les injures du temps, un appeli Ia m6ditation et a l'6tude. Marc REINHORN a donc ainsi consacr6sa vie i I'6tude et tout particulierement i celle de la langue laotienne, sa Iangue maternelle. Dans l'lntroduction de son dictionnaire(p. XVIII), il dresse le raccourci saisissant de prEs de trente aDs

de travaux: ". . . dis 1943, alors que nous 6tions i Vientiane,nous avons commenc6 un travail lexicographique pour appro{ondirl'6tude du laotien. En 1953 nous avons confi6 au Centre Militaired'Information et de Sp6cialisation pour l'Outre.Mer notre manuscritqui a 6t6 ron6ot6 en 5 fascicules totalisant 634 pages. L'6dition de1956 comprend en plus une partie introductive.de XXI lxrges conte.nant notamment Ia phon€tique laotienne. En 1959 le C.M.I.S.O.M. ena fait une troisilme 6dition, sans d'ailleurs nous en aviser. . . "

IDICTIONNAIRE LAOTIEN.FRANCAIS 169

En 1969, devant Ia demande croissante i Vientiane d,ouvragesscientifiques, Marc REINHORN autorisa la Mission Cuiiu."tt"

"t t"Mission Militaire Frangaise au Laos, d r66diter

"orioirr*_.rr,, .onlexique de 1953, r66dition qui fut trds ,"pla"-.rri'lpr*" .t quivient d'6tre fort heureusement relay6e pu, iu pu.utio.r'i, ,roru"u,dictionnaire.

Il existait en effet lort peu d'ouvrages lexicographiques bilin-gues sur la langue laotienne. Le lexique fiangais-lao"tiei a"- Uon."i.gneur CUAZ et le dictionnaire Iaotien-franiais de Guignard, tousdeux publids ) Hong Kong au d6but du sidcie, et"i"nt-Lf"n in.o*,plets, ils ne comportaient point, en particulier, la ,ro,uiion d". ,orr"ils 6taient en outre devenus introuuatles malgr6 une ,eJJiiion to"ut""semi-clandestine" et saus uom d,auteur, a. Lriqr" l" f"ig cUaZdans les ann6es soixante.

Le Comit6 litt6raire avait lourtant bien encourag6 la pubJica_tion de deux "dictionnaires', (en r6alit6 des lexiqiesi frangis-laotiens

- Le premier, paru en 1962, avait pour auteur urr ,,Comit6 deprofesseurs de lettres,,. Il avait 6t6 r6alL€ de fagon plut6t simpliste,

en prenant la suite int6grale des mots du ,,petii Larousse illustr6,,et en en donnant une vague explication_traduction en.langue lao.

On y trouvait des mots aussi*courants qr., ,.Ch.omique, dyauriqr.,

6broicien, interfolier, etc. ! !,, par ailleurs, il lourmillait de'coquilleset m6me d'erreurs graves, on y trouvait par exemple:"capital re) adj.: ciagurac2,,!ce qui revenait i confondre l,adjectif qualiiicatif avec le nom

I6minin . - -

_ La seconde, paru en J.969 6tait d0 i M. SOMCHINE p. NGINN,Professeur de littirature lao, Secr6taire perp6tuel de I ecad6mielaotienne, et qui plus est: fils de Fr.ngoi" i{GiNN, t" propr" int"r-pritd d'Auguste PAVIE. Cet ouvrage capital, au vocabulaire modernefort 6tendu, n,en restait pas moins un lexique, ca. les exemplesd'emploi y 6taient rares et la phonEtique n,y 6iaii pas not6e.

Par ailleurs, d'assez nombreux ..vocabulaires,, sp6cialis6s avaient

€16 publi6s depuis uhe dizaine d,ann6es: ,,Terminologie _ili,ui.",,,

'Vocabulaire math6matique,,, "Noms vernaculair". i"" -pi".*,,,

""...Le grand m6rite de Marc REINHORN a justement "on'.iJ I *uoi,Iaire la synthise de toutes ces publications, 6liminant les erreurs

170 DICTIONNAIRE LAOTIEN.FRANCAIS

les cas douteux, les locutions aberrantes' et en donnant e cet ou'

;:'r;"#;;:.'- p"t"o"""r fait d'une 6rudition discrite mais cer-

,"irr'.- ", "ur,ou, d'une profonde connaissance de la culture laotienne'

Pr6c6d6 d'une Introduction d'une cinquantaine de -pages'

sur

laouelle nous reviendrons tout i l'heure' Ie Tome I .du Dictionnaire

I-"^]--i" i "^',* .te Marc REINHORN couvre l'alphabet Iao de la

il;#i;;;i; -t",*

" tar e14 pages' tormat Zrxz?' soit. environ

ililt ';" lr- "*i'"""io"t l! ' ' ' i'olt'u'aee imprim6 en off'set de

i;';";;;;"-"'",,r1,::-"i,"Tff ,i"" jil:",:::il*i";:;l"ilitoile plastifi6e, ce qul Pour l

p".-"i.iri"*", est absolument indispensable'

Ce qui {ait I'int6rAt capital de cet ouvrage' c'est que' pour la

o."*if.-" i-., t". uocables y sont r6pertori6s dans .leur contexte

[;';;;;.; .oi, dun' de Petites phrases' g6ndralement extrai '

tes d'oeuvres litt6raires'

Ainsi pour pour Ie mot "ri" (kJ)' non seulement sont r6per'

.ri6;.;;"'J; irincipales signi{ications lorsqu'il. est emplov€ seul

o-,r- "., "o*po"l,iorr, mais surtJut une douzaine d'exemples-

- viennent

ii;;"'*i;;;1;i lorsqu'utilis6 comme adverbe ass6v6ratil ou con'

ffi;i;; ;;;Jq,r",'"", it est trds diflicilement traduisible en {ran-

ili. p""" que ju"tement, typiquement caract6ristique de la construc'

tion des Phrases laotiennes:

" t..rr:i.iltl,i,Jrclr"i.r1 : aller ou ne pas aller' 94 ne fait rien'

"nrirrnl,rtifiqni' : Ia Peine' chacun en a

(cai): "le coeur", l'auteur donne 117 expressions ou mots

"orip*C", a"pri" "lono" (cai kht) "6tre endurant'' josgu')' "toielo-"

gir, cai) "enrager"; Ie record est atteint ^uec

"L" "l'excr6ment' le

,i"ia";'a.r, Iidnurn6ration des diverses significations' -seul

ou en

""-*t,a", va de la page 237 ir la page 250!' ' C'est dire si

1'6tude en a 6t6 exhaustive'

En ce qui concerne la botanique et la zoologie le dictionnaire

".t p*-iiq""i"n, complet, pour l'entomologie il donne-de nombreuses

i"ari"r.it -"r. dans ce domaine aucune 6tude scientifique d'ensem'

;;';;-;;"";" 6t6 publi6e Dans le domaine de Ia g6ographie comme

i"".-*fri de l'histoire, l'auteur a 6t6 oblig6 de se limiter aux mots

loo .lr,< imoortants mais une fois encore' il a di' bien souvent faire

i,"'rt:*'a""1t."il, ""t' r"t at'a* s6rieuses' Iir aussi' sont i peu pras

DICTIONNAIRE LAOTIEN.FRANCAIS L7L

inexistantes. Le vocabulaire moderne et notamment le vocabulairepolitique, sont suffisamment repr6sent6s, puisqu,on y ,.ouu. pu,exempte aussi bien "svqrii3ort:,, ( satanivittanu )"la maison de la Radio,, que, '.c-nnru.r"oi6u,, t cAkkapatninom)"l'imp6rialisme,,, mots de cr6ation toute r6cente.

Cet effort de modernisation n,a cependant pas emSch6, bienau contraire, Marc REINHORN, de faire figurei dans son diction.n-aire,.comme il avait d6ji commenc6 i le faire dan" soi le*ique de1953, les trds nombreux mots laotiens d,origine pAli."un"crii-J, uocu-bulaire religieux, dont il est indispensable d1 poruoi. i.or"", f" ."".lorsque I'on veut traduire des textes anciens, Ies manuscrits surfeuilles de latanier en particulier. Si bien que t,on f"ri-" tfir*",maintenant que l'on est enfin en possession d,..,., ortil de travailmoderne et complet pour s,aitaquer de fagon waiment sci.ntifiqueI cette grande m6connue qu,est Ia civilisation laotienne.

. . Cet -outil remarquable pr6sente- 6videmment quelques imprer-

fections d'ordre mineur et ce serait faire injure "u*'l"",luri "o_."i l'auteur que de ne les poinr signaler ici,

Quelques in6vitables erreurs de typographie:p. XXXVIII: drtucn (campwak): le proupe

il faut lire: .,le groupe,,p. 657 : csoeegiau (set k6n sw)n): le num6roteur

il faut lire : "le num6rateur,,-

Le lecteur intelligent avait d,ailleurs rectifi6 de lui m6me....M'appuyant maintenant sur Ia longue amiti6 qui me lie i

Marc REINHORN qui fut et demeure mon Maitre, je ." pir."ttruiles quelques observations suivantes:

. T"l d'abord une remarque sur l,ordre de classement des motsdans le Dictionnaire. L,6criture laotienne ne reconnait comme ,.let-tres" que ses ?7 g61se1rn"a, les voyelles consid6r6es comme de sim.ples signes diacritiques forment un groupe tohlement ind6pendantde celui des consonnes. Pour le classemerri d". rnot. dans le'diction_naire on a donc [e choix entre deux solutions:

Ou bien: on classe les mots d,aprds leur 6criture, c,est i direuniquement d'aprls leurs

"oo.o.rn".f les critires d" ,rnger*rrt .orrt

alors, dans I'ordre:

L72 DICTIONNAIRE LAOTIEN'FRANCAIS

10 - Ia consonne initiale2o - la consonne {inale3o - Ia voYelle

Exemple: n-n, nrn, ffn, '.. ri2, n"9,71,... n-u, nru, fiu,"'C'est le proc6d6 qui a 6t6 employ6 par le Comit6 Litt6raire pour lar6daction du "Dictionnaire de la langue lao" (cau?untJu,lsla.rc)publi6 i Vientiane en 1960.

Ou bien: on classe les mots d'aprds leur prononciation, c'est idire en tenant compte des voyelles; les critires de rangement sont

alors, dans l'ordre :

- 10 - la consonne initiale- 20 - la voYelle- 30 - la consonne finale.

Exemple: n:n, ri'2, riu,... n1n' ,)lr, nlu'... ffn, 82, 8,"''C'est cette dernidre solution qu'a adopt6 Marc REINHORN dans

son dictionnaire, ce qui risque, sans doute de g6ner un peu ceux

qui ont l'habitude de se servir du Dictionnaire du Comit6 Litt6rairemais il est vrai qu'ils sont si peu nombreux'. ..

En ce qui concerne le lexique proprement dit, les critiques que

l'on peut faire ne sont que des remarques de d6tail, comme l'on peut

"o 1ulrg srrr tous les dictionnaires; je me suis amus6 cependant i en

noter quelques unes:

p. 36 : nttrio (katey ) a. "impuissant ' assexu6 hermaphrodi'

tet'. Gt adjectif, pris substantivement, a plut6t maintenant le sens

de simple "travesti" (le gargon d6guis6 en fille ).

p. 117: fiuur8 Ckinnati) n. "Kinnari, sorte de nymphe, de

faunesse, peronDage licencieux l€gendaire au buste f6minin, portant

des ailes, le reste .du corps est celui d'un oiseau". Cette d6finitionme parait un peu "m6chante" pour les Kinnari, gracieuses et 16'

gendaires petites divinit6s au buste de jeune fille sur un corps

d'oiseau, bavardes et espilgles, mais toujours dispos6es ) venir en

aide au beau Prince dans la d6tresse, pr6tes i tout pour le conso-

ler, au besoin m6me, pr6tes i l'6pouser, mais pour quelque temps

seulement, car les Kinnari sont avant tout 6prises de libert6' "p. 141 : LDo (k6ti) o. "la comdte; la clart6, la splendeur;

I'enselgne, le chef';. Ce mot posside, en plus une signification

astronomique pr6cise: c'est le "Noeud descendant de l'orbite lunaire",ou intersection de cette orbite avec le plan de l'6cliptique' K6tou

DICTIONNAIRE LAOTIEN.FRANCAIS 1?3

est diam6tralement oppos6 i s:ur (rahir) :"le nceud ascendant,,cCf. Tiao PHETSARATH "Astronbmie Lao: le calendrier,, . en sia.mois - Bangkok D51 .p. 68).

p. 429 | itnr (cik6) zoo. "le l6zard bruo".Ce mot est employ6 depuis quelques ann6es dans un sens as.

sez familier, dbrigine thailaDdaise: le trnresseux, le "dragueur', le"blouson dor6". Tout r6cemment on a meme labriqu6 le substantiff6minin correspondant 3fr (ciki): la "dragueuss,,.

'

p.621 : S*",r.,, c-o (sisaket,vat) n. "sisaket (nom de pagodesnotamment: pagode de Vientiane oir se {ont Ies c6r6monies desGrand et Petit Serments )". A Vientiane: la c6r6monie du PetitSerment qui avait lieu au Nouvel An Lao (15 avrill a 6t6 suppri-m6e depuis 1945. Par ailleurs depuis 1954 la F6te du Grand Ser,ment ( l&me mois ne se cElibre plus au Vat Sisaket mais auVat Ong Tu. Vat Sisaket est maintenant une annexe du Mus6ed'Arts Religieux du Vat H6 Phra Kio auquel il sert de r6serveet de d6p6t.

Enfin, pour terminer, en ce qui conceme l,Introduction (pagesIX ir XXIXI: on ne peut qu'en regretter la briEvet6, tant les autresouvrages sur la langue lao sont rares incomplets ou p€rirn6s. I1 con.vient de souligner en particulier, le clart6 de l'expo# sur la langueet l'6criture ( pages lX i XVII) dans laquelle la partie phon€tiquea 6t6 particuliirement soign6e: c'est la premiBre fois qu'est publideune telle 6tude sur la langue laotienne, cette 6tude 6tait jadisr6serv6e au seuls 6ldves de Marc REINHORN ir l'Ecole des Lan-gues Oricntales. A noter simplement ( page [) que les graphies: uruij t u, urj, signal6es par l'auteur comme "archaisantes", sont de'nouveau admises et m6me conseilldes ( Grammaire Lao du Comit6Litt6raire, Fiition 1967 - page 25); elles avait en effet disparu desdes programmes de l'enseignement il y a quelques ann€es pour 6treremplac6es par les graphies siamisantes: ura, ulo, rru, u D. Par con.tre, les autres graphies anciennes, signal6es i la page XV, n'ontpas €t6 r6tablies.

Toujours dans son introduction, aprBs avoit donn6 une biblio-graphie tr€s complite d'ouvrages linguistiques, en langues europ€-ennes, lao et thailandaises ( pages XXV ) XXVI[), l'auteur dresseune s6rie de tableaux thdmatiques du plus haut int6r6t: trnids etmesures, monnaies, chronologie et st#cificateur, puis il donne deux .

cartes du Pays Lao, une reproduction du calendrier laotien de l'ann6e

ເພື່ອຄົ້ນຄວ້າ

ເພື່ອສຶກສາ

ເພື່ອວິທຍາທານ

N4 DICTIONNAIRE LAOTIEN.FRANCAIS

Lg67 (13m C.S. ) et enfin l'horoscope et la rose des vents, au sujet

desquels on ne peut que regretter d'ailleurr l'ahsence d'un petit

"o-*errtai." qui serait bien utile aux d6butants"' mais un diction'

naire est "u"rrt

toot un catalogue de mots et Marc REINHORN,avec sagesse, n'a pas voulu faire du sien une encycloffdie: dans

t'6tat actsel des Etudes Laotiennes, c'est en effet un objectif encore

bien lointain... A Vientiane. Mars.197lpar Picrre Marie GAGNEUX

Aacien 6llvc de l'Ecole Natioaalc de! L'Dguer OticDtales

II- "SERPENTS DU LAOS"P"' J. DEUVE

- Ouvnge de la collection "Matooirc dc I'Officc dc [a Rccherchc

Scieatifique et Technique d'Outre ' aer" No 39 ' 1970 ' 251 Prget'

3 cattes. 18 Iig. 32 planchee I table d'idestificatio!'

O.R.S.T'O.M. - Service Ccatral dc Documeatatioa '7o -71 route d'Aulaay ' 93 BONDY ' Fraoce ' Prir : 72 F'

Par sa pr6sentation, cet ouvrage de syst6matique doit 6tre utile

tant aux herp6tologues sp6cialistes de cette r6gion du monde qu'aux

professionnels du Laos et du Sud Est asiatique int6ress6s ou oblig6s

ie conoait.e les serpents de leurs pays, forestiers, v6t6rinaires; fon'ctionnaires de l'Agriculture. Il doit 6tre indispensable au Service de

Sant6, aux Ecole de M6decine et aux h6pitaux qui ont si fr6quem-

ment a traiter de cas d'envenimation et pour qui rien n'existe au

Laos dans ce domaine, Il doit enfin 6tre un outil de travail indis'pensable aux Ecoles de formation t'dagogiques et i l'Enseignement

iu Laos, tant sup6rieur que secondaire ou primaire. Apet effet, les

noms vernaculaires en cractares lao ont €t6 signal6s dans l'ouvrage'

Cet ouvrage est non seulement utilisable au Laos, mais dans

Ies pays voisins. Sur les 96 estrices ddcrites, Eli) exisent au Vidtnam(Noid et Sud ), 4l au Cambodge, 61 en Thailande,62 en Birmanie,63 en Chine du Sud, 50 en Malaisie, 45 au Bengale et en Assam"

En ce qui concerne les esplces venimeuses, il d6crit pratiquement

tous les serpents hautement venimeux du Sud-Est Asiatique'

Un chapitre est, en particulier, consacr6 entierement aux ser'

Irnts venimeux. Il comporte des tables de d6termination rapide des

Lt'ces ueni-erses n'utilisant qu'un minimun de caractBres simples

Il traite 6galement du traitement des morsures.( Communiqu6 )

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