enquête sur le concept biologique de l'organique

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MATHIEU LECLERC DÉPARTEMENT D’ANTHROPOLOGIE Enquête sur le concept biologique de l’organique Avant-propos ……………………………………………………………………………………p.2 Introduction……………………………………………………………………………………...p.3 Observations …………………………………………………………………………………….p.4 Entrevue ………………………………………………………………………………………..p.14 Analyse discursive ……………………………………………………………………………..p.20 1

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MATHIEU LECLERC

DÉPARTEMENT D’ANTHROPOLOGIE

Enquête sur le concept biologique de l’organique

Avant-propos ……………………………………………………………………………………p.2

Introduction……………………………………………………………………………………...p.3

Observations …………………………………………………………………………………….p.4

Entrevue ………………………………………………………………………………………..p.14

Analyse discursive ……………………………………………………………………………..p.20

1

Avant-propos

Je crois que la culture anthropologique est responsable tout en

étant victime de préjugés réducteurs dans La Culture populaire.

L’héritage historique et théorique de l’anthropologie est encore

plus mauvais en termes de xénophobie que les «  Indiana Jones » et les

« Avatar », notamment avec les cas de la colonisation et du

développement international. Le malaise anthropologique du film

Avatar n’est pas symbolisé par la haine de l’autre, ni même

l’incompréhension des traditions. Il semble apparaître sous

l’angle de la destruction par le regard, comme si au moment de

regarder scientifiquement l’aspect sacré de l’action humaine cela

engendrerait son effritement. Le travail que je présente s’est

fait dans une sensation dichotomique entre l’impression de me

dénoncer moi-même tout en étant du côté des délateurs et la

crainte du ridicule en pensant avoir trouvé le germe d’un filon

humain.

2

L’étymologie du mot biologie se réfère à l’étude ainsi qu’à

l’analyse objective du vivant. Dans le contexte de cette

recherche, il s’agit d’un terme qui désigne des pratiques

humaines valorisant l’expression naturelle du vivant dans les

domaines de l’agriculture et de l’alimentation. Elles

s’identifient comme étant le contraire des techniques appliquées

issues de l’industrie militaro-agroalimentaire américain. Cette

définition dépasse aussi les techniques agricoles propres au

biologique, elle cherche à codifier les comportements adéquats

que font ou devraient faire les humains pour l’avenir. Il s’agit

d’une quête de sens qui ne situe pas l’homme comme l’unité

fondamentale de l’existence, tel que l’humanisme le conçoit, mais

c’est un courant de pensée qui dispose de règles écologiques où

l’espèce humaine doit se comporter vis-à-vis de son environnement

3

direct et global, social et privé, selon un ensemble de code. Le

présent travail est constitué en une première partie de récolte

de données lors d’observations et d’entrevues puis d’une analyse

discursive sur le parcours du symbole « Organic ».

En 1971, l’une des premières définitions anglo-saxonne du

mot désignant la production d’aliments biologiques, dans le cadre

de certifications légales, fut diffusée dans le « Organic

Farmer : Certified by Organic Gardening and Farming Magazine » :

« Organically-grown food is food grown without pesticides; grown

without artificial fertilizers; grown in soil whose humus content

is increased by additions of organic matter; grown in soil whose

mineral content is increased with applications of natural mineral

fertilizers; has not been treated with preservatives, hormones,

antibiotics, etc.1» Les fermiers du California Certified Organic

Farmers (CCOF) allié d’autres associations ont littéralement

fondé un système communautaire, voir un lobby, basé sur un marché

d’échange et d’économie parallèle. En pratique, l’agriculture

biologique, en plus d’être un mode de vie qui se distingue de

celui des producteurs conventionnels, a pour but de sensibiliser

les citoyens en dénonçant, depuis les années ’60, les pratiques

dangereuses déclenchées par les complexes militaro-industriels.

L’évolution du discours de l’alimentation biologique s’est

complexifiée jusqu’à nos jours, mais les sensibilisations à 1 Nowacek, David M. et Nowacek, Rebecca S. : The Organic Foods System: Its Discursive Achievements and Prospects, College English, Vol. 70, No. 4, Special Focus: Food (Mar., 2008), pp. 403-420

4

l’économie locale ainsi qu’à la santé des écosystèmes restent

pourtant le noyau inchangé de l’Organic. Les différents couverts

de cette résistance prennent les formes de la spiritualité, de

l’identité citoyenne, de la santé physique, psychologique et

écologique. Ce présent travail est une sélection d’observations

et d’entrevue pertinentes à la problématique citée plus haut

ensuite, une analyse discursive pourra être faite en fonction

d’abord des éléments recueillis.

Observations

Les premières conceptualisations du terme permaculture

apparaissent au début du XXe siècle. En 1910 avec Cyril G.

Hopkins lorsqu’il nomme en anglais la « permanent agriculture »

comme un système d’agriculture qui utilise les propriétés

autofertiles des plantes sur le site comme moyen de régénération.

Selon certains auteurs déjà au XVIIIe siècle les techniques de

base auraient déjà été recensées pour créer des jardins

fonctionnant de la même façon que ce que nous nommons

permaculture aujourd’hui. Dans une définition récente de la

permaculture, celle-ci stipule qu’elle est basée sur un système

éthique où les producteurs doivent prendre soin de la Nature en

reconstituant le capital naturel, de l’Humain en prenant soin de

soi-même, de ses proches et de ses voisins et partager

équitablement, limiter la consommation et partager ses surplus2.

David Holmgren est officiellement le cofondateur de la 2 http://permacultureprinciples.com/fr/fr_ethics_earth.php vu le 2014-07-28

5

permaculture avec Bill Mollison en 1978. Il serait aussi à

« l’origine des fondations conceptuelles et philosophiques d'une

culture durable ». C’est pourquoi il est plus juste de considérer

l’invention de la permaculture comme l’aboutissement et la

manifestation d’une création philosophique d’abord et ensuite

comme un système ralliant la pensée et l’environnement sur le

plan holiste.

17/05/2014 Observation #1 « Observation comparée »

L’atelier a débuté à 9h et s’est terminé comme prévu à 12h.

À l’entrée de la boutique, située à l’intérieur de la maison, des

livres démonstrateurs et des pamphlets ont été disposés sur un

comptoir. Les livres traitent de l’environnement, de permaculture

et de jardinage. Les pamphlets publicitaires, sur le comptoir,

témoignent d’un réseau élargi de Panier Nature. Entre autres, le

guide 2013 de l’achat à la ferme dans Lanaudière, le calendrier

d’activités 2014 de la Société d’horticulture et d’écologie de

Saint-Calixte, une ville à côté de Saint-Lin-des-Laurentides, et

des dates pour les visites du jardin de Panier Nature. Il y est

aussi présenté des dates pour les camps de jours. Des savons

fabriqués sur place sont présentés pour leur vente sur le

comptoir d’en face.

D’entrée de jeu, je me suis présenté, lors d’un tour de

table, dans l’atelier, en tant qu’étudiant en anthropologie. J’ai

6

expliqué que mes intérêts étaient d’abord la compréhension de ce

que signifiait au quotidien le mode de vie entourant

l’alimentation biologique. Il s’en est suivi une digression forte

intéressante où les sept femmes se sont mises à discuter de leur

rapport vis-à-vis du mode de vie normalisé par la mondialisation.

Dans ce dialogue, elles ont comparé le mode de vie qu’elles

recherchent toutes à incarner. Celui-ci se confronte à celui du

mode capitaliste. Des questions sur la temporalité, la santé et

l’économie ont été développées. Madame Robin considère que de

traverser les bains de foule et attendre aux files d’attente ne

seraient pas une économie de temps. Elle estime sauver de

l’argent et du temps en cultivant ses légumes, et ce même si elle

compare ses efforts aux prix des grands détaillants comme

Walmart. Cette opinion semble être partagée par le reste de

l’assemblée. Les pertes d’énergies au retour de la maison après

avoir fait l’épicerie et le niveau de valorisation que l’on a en

récoltant ses légumes à même son jardin, fait en sorte que, pour

eux, il est plus avantageux d’entretenir une permaculture. Autour

de cette table, deux jeunes mères s’entendent aussi pour dire que

leur désir d’offrir à leurs enfants un jardin en santé est un

objectif important. Si le désir de transmission semble se faire

spontanément, il est surtout aussi une règle philosophique

importante pour les permaculteurs. L’individu dans cette

philosophie de vie n’est pas au centre de la nature et doit

donner au suivant pour continuer à faire partie d’une dynamique

7

holiste. Cela permet en même temps le renforcement populaire de

ce type de jardin.

Les bienfaits de la permaculture ont été soulignés par Annie

Robin, la propriétaire de Panier Nature et l’animatrice dudit

atelier. Selon elle, ces biens faits sautent aux yeux lorsqu'on

les compare aux mauvaises habitudes normalisées par le système

capitaliste. Elle considère l'invention de la permaculture comme

une invention créative, puisqu’à partir du moment où l’on en

possède une, le monde moderne et ses vicissitudes nous affectent

beaucoup moins. De plus, le propre de la permaculture est qu’il

ne nécessite que peu d’entretien une fois mis sur pied. L’image

du fermier sacrifié et enchaîné à sa terre, condamné à répéter

toujours les mêmes gestes, ne s’applique pas au métier d’Annie,

il s’agit plutôt d’une façon d’aborder la production alimentaire

plus simple et moins exigeante. Dans le cas de Panier Nature, il

s’agit aussi d’un entrepôt de créativité puisqu’elle sert

directement aux différents ateliers qui sont donnés plusieurs

fois par semaine toute l’année. La permaculture est comprise

comme étant littéralement un dôme où la biodiversité s’exprime.

Un lieu donc, diamétralement opposé aux villes qui peuvent quand

même se trouver au beau milieu d’une ville.

En commençant son exposé, madame Robin commence avec une

citation de nature scientifique, ladite recherche aurait stipulé

8

que 80% des micro-organismes à même le sol ne sont pas connu.

Alors, comment prétendre une réelle compréhension de la nature de

la part des scientifiques? Cette citation semble permettre aux

spectateurs de se donner la permission de réfléchir au-delà des

règles instituées. Elle enchaîne sur la nécessité de l’azote pour

les plantes à tiges longues, elle décrit la manière dont les

agriculteurs de masses implantent chimiquement un azote non

produit naturellement, cela entraînerait des cancers de la

prostate et une perte de la fertilité. Ce préambule est riche

dans la mesure où il porte en lui-même une frontière extrêmement

bien circonscrite entre les « Nous-Bios » vis-à-vis « l’Autre »,

soit l’industrie polluante de masse et les mauvaises habitudes

individuelles qui servent les industries. L’atelier a donc

commencé à l’intérieur pour faire les présentations, puis nous

sommes allés faire le tour du jardin pendant 90 minutes. Nous

nous sommes ensuite redirigés à l’intérieur et avons repris nos

places. L’heure restante était employée à l’élaboration des

principes théoriques nécessaire à l’implantation des

permacultures.

Annie Robin compare son travail à une pratique religieuse.

Elle va dans les écoles et faits des expositions d’agriculture

écologique un peu partout, notamment à Saint-Calixte pour éduquer

les citoyens. Pour elle, si une chose mérite bien d’être sacrée,

c’est la « Vie ». Or, c’est exactement ce qu’elle enseigne. Par

conséquent, elle se sait dans une direction spirituelle et de

9

santé. Elle sensibilise, entre autres, à l’importance de ne pas

gaspiller la nourriture, c’est une perte financière pour tout le

monde, selon elle. Finalement, une permaculture de 30 pieds par

30 pieds serait suffisante pour alimenter une famille de 4

personnes pour l’été. Pour être autonome à l’année, cela

nécessiterait une superficie de 70 pieds par 70 pieds. Elles ne

nécessitent pas de drainage et n’utilisent pas de monocultures ou

d’azote chimique. Au contraire, elles permettent en plus une

augmentation de la biodiversité dans la région, une particularité

aux permacultures. Elles forment à elles seules des microclimats

nécessaires à la biodiversité et permettent la sauvegarde

d’espèces en danger, comme certains papillons et certains

oiseaux. Toujours selon Annie Robin, les permacultures de

campagnes ont influencé les gens en banlieue à faire pousser des

jardins à même leurs terrains et parfois aussi en face de leur

maison. Cela à causer des complications légales, mais dans

l’avenir ce genre de plantation serait voué à s’étendre.

28/05/2014 Observation #2 « Conversation interpersonnelle »

L’événement s’est déroulé vers 15h chez Prunelle et Ortie,

un « magasin général d’aliments naturels », à Saint-Jérôme. Les

heures d’ouvertures du magasin sont de 10h à 18h les mardis et

mercredis et de 10h à 19h30 les jeudis et vendredis. Le couple de

propriétaires a décidé de réduire leurs heures de travail

essentiellement pour des raisons familiales décrites plus bas.

10

Une cliente d’environ 60 ans qui est à sa préretraite se

présente au comptoir et demande à Sylvie, la propriétaire, des

produits pour améliorer son système immunitaire et contrer un

état de fatigue. Sylvie lui recommande des tisanes d’ortie et

d’avoine. Sylvie est naturopathe et certifiée dans le domaine des

plantes médicinales. La propriétaire bénéficie d’une

reconnaissance de son expertise dans ces domaines par ses

clients. La nièce de celle-ci est atteinte de graves problèmes de

santé mentale et n’a pas pu s’occuper de sa fille dès sa

naissance. Alors qu’elle est en train de préparer les tisanes, un

client déjà dans le magasin, âgé d’environ 60 ans, lui demande

pourquoi elle a changé récemment ses heures et ses jours

d’ouverture. Suite aux démarches d’adoption qu’ils ont faites,

Sylvie et Luc, le conjoint de Sylvie, ils ont obtenu la garde

légale de l’enfant de leur nièce. Ils veulent donc consacrer du

temps à son éducation. Les deux clients au comptoir se

réjouissent de l’issue des démarches légales qui se sont

échelonnées sur plusieurs mois. Ils étaient manifestement au

courant de ces démarches antérieures. Ce faisant, Sylvie préfère

donner des ateliers, telle que des formations professionnelles en

naturopathie et en aromathérapie plutôt que de passer toute la

journée au magasin. Elle mentionne à quel point ils sont chanceux

d’avoir une clientèle aussi compréhensive et supportant, puisque

la réaction des clients fut de s’adapter, et ce à plusieurs

reprises, aux différentes conditions de vie des propriétaires.

11

Elle ajoute, dans le même ordre d’idée, qu’au mois de juillet

passé, avec l’appui de leurs clients, ils ont choisi de fermer

pour prendre des congés et, à sa joie, ils n’ont pourtant pas

perdu leur clientèle. Eux-mêmes, les deux clients, se sont

considérés en retour chanceux devant la qualité des produits et

des informations qu’ils ne retrouvent nulle part ailleurs.

Par ailleurs, les clients et Sylvie ont décidé de s‘échanger

des recettes de cuisine, la cliente souhaitait remettre une

recette à l’homme, mais ne l’avait pas avec elle, alors que

Sylvie l’avait déjà reçu de cette cliente. Sylvie a donc fait une

photocopie sur place pour le client. Devant tant de convivialité,

Il retourna dans son auto chercher une carte d’affaires

présentant ses services en massothérapie. À la retraite depuis

peu, il explique à quel point il prend soin de sa santé, mais

depuis qu’il fréquente ce magasin il a perdu du poids et se sent

encore mieux. Il pratique la massothérapie pour rendre service et

ne donne pas ses coordonnées à n’importe qui. Après avoir payé

ses achats, il quitta le magasin. Suite à cette conversation, la

cliente avoue à Sylvie qu’elle trouve cet homme de son goût et

lui demande si elle le connaît. Complice, elle répond qu’il se

présente chaque mercredi pour acheter ses produits. Elle ajoute à

la blague qu’un jour elle accrochera la photo du premier couple

créé chez Prunelle et Ortie avec comme sous-entendu que ces deux

derniers clients figureraient à cette photo. L’événement s’est

déroulé en trente minutes et aucun autre client ne s’est présenté

12

durant leur conversation. La clientèle de Sylvie est

essentiellement constituée de personnes dans les alentours de la

cinquantaine et se présente souvent durant la journée et moins

fréquemment en soirée.

Si le changement d’horaire a forcé les clients observés à

modifier leurs habitudes, ils n’en ont toutefois pas parlé. Il

est probable que, malgré les désagréments, l’expérience qu’ils

vivent en étant soudés par des valeurs partagées forge davantage

leur complicité, voire une intimité relative. L’ambiance

conviviale et le sentiment d’appartenance autour des valeurs de

la santé sont l’élément social central à la cohésion de ce

marché, et c'est dans ce contexte que des rencontres plus intimes

semblent pouvoir se faire, elle n'est cependant pas un prétexte

pour fonder de nouveaux couples.

Par rapport au changement d’horaire, les propriétaires ne

sont pas naïfs au point de laisser leur marché s’envoler pour un

mois de congé, il s’agit bien évidemment d’une entente informelle

entre les administrateurs et les clients. Encore une fois, il

s’agit d’une importance partagée et d’une expression de «

socialisation directe » (j’invente le terme, mais je veux aussi

parler de communication autant auditive que corporelle,

d’implication de soi, de temps, d’argent, voire d’enthousiasme

envers les autres). Envers les clients, cela semble être un gage

13

de lien solide qui favorise les relations commerciales. Ce double

jeu est primordial pour qu’il puisse y avoir une réactualisation

des rapports. Il s’agissait bien plus d’éloges réciproques, de

reconnaissance des valeurs similaires et de réactualisation des

identités individuelles en fonction du cadre communautaire. Il

s’agit donc de dons intéressés de la part de tous, où tous

trouvent leur compte. Sylvie et Luc, reconnaissent leurs clients

au point où ils les accueillent par leur prénom. Durant

l'événement, Céline et Richard ont tout de suite été accueillis

par la propriétaire. Tout cela a sans doute une incidence

importante dans la mesure où les rapports de socialisation sont

essentiels pour ce marché, vraiment marginalisé. Pour que ce

marché puisse prendre racine dans la vie des gens, il doit faire

écho aux besoins d’une certaine couche de la population, mais à

cela, des avantages, pour Sylvie et Luc, leur sont certainement

associés. D’autre part, cette forme de socialisation est peut-

être une conséquence due aux liants sociaux qu’engendrent leurs

valeurs communes.

Pour revenir à cette forme marginale de socialisation, le

fait que les propriétaires souhaitent tant associer leur commerce

à ce que fut autrefois un marché général, cela renvoie moins à la

nostalgie qu’à une compréhension des besoins communautaires des

clients, bien qu’il puisse y avoir un désir de retour au «

magasin général » d'autrefois. Le marché général étant

probablement un centre de rencontre aussi populaire que l’église

14

… Les grandes différences avec le passé sont, d'une part, les

valeurs qui ne sont plus les mêmes, mais aussi, le type de

clientèle est devenu plus spécialisé et mieux informé sur les

conséquences d'une mauvaise alimentation. Selon une employée du

magasin Prunelle et Ortie, la moyenne d'âge de leurs clients est

de 50 ans et de façon globale les gens sont âgés de 30 à 60 ans.

Ils ne sont pas fortement incités à consommer chez un marchand

marginal, les aliments sont plus chers et leur accessibilité est

plus restreinte qu’aux grands marchés.

31/04/2014 Observation #3 « Les objets et leurs usages »

La collecte des « paniers écologiques » ou « paniers bios »

a eu lieu au même endroit que l’atelier sur les permacultures du

17 mai, à la ferme Panier Nature, dans Lanaudière, à St-Lin-

Laurentides au 1172 Rang Double. Les « paniers bios » ou «

paniers écologiques » sont des événements, qui ont aussi lieu

chez Prunelle et Ortie, BioSattva et la plupart des « fermiers de

familles » membres d’Équiterre, où des clients achètent des

aliments biologiques et écologiques indépendamment des

supermarchés. Équiterre est un groupe de « développement de

projets dans le domaine de l’agriculture, du transport, du

commerce, de l’énergie, de la consommation responsable et de la

lutte aux changements climatiques »3. À mon arrivée chez Panier

Nature, deux hommes repartaient avec leurs paniers d’aliments.

Selon l’horaire officiel, les ouvertures sont de 13h à 16h. Ces 3 http://equiterre.org/a-propos vu le 2014-08-01

15

événements ont lieu le printemps et l’automne, le samedi aux deux

semaines. L’employée faisait rouler, à elle seule et ses deux

enfants, la vente des paniers. Ils participaient, comme leur

mère, à l’organisation du lieu.

Deux individus âgés dans la moitié de la trentaine voulaient

des trucs et des exemples de plantations pour leur jardin

communautaire. Ils étaient effectivement prêts à faire le voyage

de Saint-Eustache uniquement pour prendre des informations afin

d’améliorer l’organisation de leur communauté de jardiniers ainsi

que la diversité de leurs plantations. La ferme visitée semble

avoir une réputation qui la précède. Grâce aux ateliers, aux

camps de jours durant le mois d’août ainsi qu’à l’internet,

l’existence de la ferme est connue par un grand nombre d’adepte.

L’exemple de cette permaculture est frappant puisqu’elle vise

pratiquement la complète autosuffisance pour elle-même, mais

aussi pour tous ceux voulant faire de même. L’objectif de Panier

Nature est de faire en sorte qu’un maximum de gens devienne à

l’aise avec leur propre permaculture, sans avoir à imposer un

tribut sur ses membres et clients.

Les modes de paiement, lors de l’achat des paniers, sont

légaux, mais très traditionnels. Une calculatrice est employée

pour additionner les coûts en fruits et légumes, mais aussi en

plantes médicinales, une balance électronique est utilisée pour

16

calculer, entre autres choses, le poids des produits médicinaux.

Il n’y a pas de guichet électronique pour payer par débit ou

crédit, les paiements se font uniquement par argent comptant et

la commis, tantôt Annie ou Joëlle, son employée, inscrit les

ventes avec un crayon de bois dans un cahier d’archive en papier.

À l’entrée de la boutique, des livres et des pamphlets sont sur

un comptoir. Des savons fabriqués sur place sont présentés pour

leur vente sur le comptoir d’en face, le corridor entre ces deux

comptoirs débouche sur un bureau et une salle de bain. Ce

corridor est coupé perpendiculairement par un autre. À gauche,

une porte patio scelle l’accès sur la terrasse, alors qu’à droite

l’atelier et l’accueil font office d’un même endroit. En

attendant les prochains « bénéficiaires », pour ne pas dire

clients, sur la terrasse, j’ai remarqué un four en argile et en

foin. Les enfants m’ont expliqué que l’argile naturelle sur le

terrain de la ferme avait été utilisée pour le fabriquer, une

cheminée de fourneau ancien a pourtant été récupérée sur le four

artisanal. Ce four fut construit dans l’idée de produire du pain,

il est aussi utilisé lors des ateliers de pains.

Un nouveau couple est arrivé. Ils étaient âgés d’environ 70

ans, l’homme a le diabète et il explique à Joëlle qu’il ne fait

plus confiance aux institutions médicales. Il préfère l’approche

« écolo-bio » et dit lui-même qu’il refuse « les injections de

produits chimiques ». Ayant utilisé les médicaments prescrits par

son médecin, il préfère désormais se tourner vers les approches

17

alternatives en achetant des médicaments bios. Ce client croit

que le système de gouvernance actuel est en partie lié à

l’évolution de sa maladie puisqu’il a exécuté à la lettre les

prescriptions de son médecin, mais la situation s’est aggravée.

Sa femme est enthousiaste, je comprends qu’elle est une nouvelle

cliente et qu’elle apprécie sa conversation avec Joëlle, elle ne

sait pas que je suis là pour l’observation. Je comprends que

Panier Nature a beaucoup de produits thérapeutiques et plus tard

je vais comprendre que le groupe, en fait, s’est spécialisé dans

ce domaine pour des « raisons pratiques ».

Si j’ai dû, au départ, marchander ma présence en offrant mon

bénévolat pour les paniers bios, il m’a plutôt fallu rappeler à

Joëlle que je voulais m’impliquer lorsqu’il n’y avait pas de

clients. Alors je suis allé remplir son arrosoir d’eau, acte plus

symbolique qu’autre chose … Annie n’a jamais arrosé son jardin,

elle est cependant obligée d’arroser les plantes de sa serre.

Elle économise sa dépendance en eau du robinet avec un baril en

plastique muni d’un robinet vers le bas, sur une table à

l’extérieur, pour accumuler l’eau de pluie. Le baril a une sorte

de treillis pour laisser entrer l’eau sans la laisser s’échapper

par la condensation et pour empêcher que les oiseaux et les

feuilles viennent corrompre l’eau.

18

Une cliente régulière est arrivée, lors de l’échange sur le

comptoir principal de la boutique, Joëlle et la cliente ont

échangé des trucs de cuisine tout en continuant leur conversation

débutée antérieurement à sa visite du 31 mai. Elle semble

troublée par ma visite, puisqu’elle comprend que ma présence est

exceptionnelle. Dans leur conversation, elles expliquent à quel

point une recette concernant la courge semble délicieuse, mais

elles ne sont pas capables de préparer la courge à la hauteur de

ladite recette. La cliente a donc choisi sur la table un autre

légume. La classification des fruits et légumes de base vendus

par Panier Nature est de la liliacée (oignon, ail), 1 légume

racine (carottes, pommes de terre, yam), 1 légume feuille

(laitue, fines herbes, germination), 1 choix du fermier (céleri,

poivron, zucchini, champignon, etc.), 7 portions de fruits

(pomme, orange, banane, poire, kiwi, pamplemousse selon la

disponibilité) plus les paniers valent chère plus les choix du

fermier augmentent comme pour le nombre de portions de fruit .

Cela explique pourquoi la dame avait pris un zucchini plutôt que

la courge. Le choix du fermier est en fait le choix du client

selon la disponibilité de ces aliments en boutique. Bien souvent

les légumes viennent à manquer et Panier Nature fait affaire avec

d’autres producteurs écologiques des environs.

Panier Nature n’offre pas de paniers bios l’été. Annie a

atteint une limite de production, disait-elle lors de son

atelier. Pour servir des produits l’été elle devrait agrandir la

19

culture sur son terrain, ce qu’elle ne veut pas, entre autres

pour des raisons idéologiques. Elle ne cherche pas à faire de la

production de masse, bien qu’elle le pourrait. Elle maintient une

autosuffisance pour elle-même et vise à partager ce modèle pour

le plus grand nombre, exactement selon le « code » des

permacultures. L’été est en fait, pour elle, la saison où elle

accueille des visiteurs, des enfants comme des adultes, et donne

des ateliers et de l’information « sur le fonctionnement de la

vie ». En fait, Panier Nature fait surtout pousser des plantes

médicinales durant l’été et les traites dans un four spécialisé à

cette tâche. Selon Joëlle, cela est avantageux puisqu’elles

peuvent s’occuper à différentes tâches. Au lieu de s’occuper de

la simple production de légumes et de fruits, elles offrent donc

un choix diversifié de produits et par conséquent d’ateliers.

Joëlle m’a donc précisé qu’il s’agit d’un choix stratégique, mais

aussi créatif. Elles laissent donc les paniers bios à «

Équiterre » de Saint-Lin durant l’été. Équiterre est un mouvement

de société qui veut inciter les différentes sphères de la société

à faire des choix écologiques, équitable et solidaire4.

L’objectif principal de Panier Nature est à l’image du mode de

fonctionnement d’une permaculture, c’est-à-dire un modèle

d’organisation systémique qui prend en considération l’ensemble

des facteurs de l’écosystème, mais aussi du besoin des clients

par rapport à ce que la permaculture a à offrir. Par conséquent,

l’agrandissement du terrain et des profits économiques ne sont

pas une priorité, bien que l’argent soit contraignant, l’objectif4 http://www.equiterre.org/a-propos 2014-07-28

20

demeure l’autosuffisance alimentaire pour tous et la valorisation

de la créativité par l’horticulture thérapeutique.

Les clients sont tous âgés de trente ans et plus, ils sont

généralement plus vieux et recherchent un type de rapport humain

différent, une réciprocité différente et ils partagent des

valeurs différentes qu’aux supermarchés. La santé et la recherche

d’une alimentation écologique sont intimement liées et, selon

Annie et Joëlle, les rapports sociaux ont une incidence sur les

sphères de leur réalité. Pour les fondateurs du lieu, le concept

de la permaculture est un engagement sans concession basé sur des

valeurs profondes. Ils ont des croyances spiritualistes fondées

sur leur quotidien. D’une certaine façon, leur vie de tous les

jours peut être comparée à une pratique ascétique ayant des

conséquences positives dans leur vie. Cependant, leur grande

ouverture et la diffusion quasi gratuite des formations attirent

un genre différent de clients. « L’inquiétude des hybrides » (des

gens faisant des compromis entre les profits économiques tout en

reconnaissant des biens faits pour leur santé). Plus

concrètement, à mesure que l’alimentation écologique se fait

récupérer par le phénomène de la mondialisation, les valeurs

écologiques sur le sujet de l’alimentation tant à disparaître. Ce

phénomène reconnu par plusieurs intellectuels est aussi remarqué

par Panier Nature et Prunelle et Ortie.

21

Entrevue

L’organisation du territoire sur lequel est située la ferme

de madame Robin est pensée de manière à maximiser ses intérêts,

bien qu’elle possède environ 22 acres et qu’elle en utilise moins

de 10%. L’exemple de cette ferme est particulièrement intéressant

dans la mesure où son interdépendance se situe dans ses relations

économiques et morales avec la région de la MRC de Montcalm et

ses bénéficiaires. C’est parce que les propriétaires ne font pas

de production massive qu’ils peuvent se concentrer sur un modèle

économique, de production et de valeurs différent.

M.L. : Pourquoi vous ne produisez pas davantage?

A.R. : À un moment donné je m’enlignais vers la production, on avait même commencé, mais à un moment donnéj’ai fait un choix, production ou tu t’en vas dans l’éducatif ou tu t’en va dans la transformation des aliments. Moi j’ai choisi de faire un peu de production etjuste un peu et transformation pour montrer aux gens que ça se fait. C’est des choses que j’aime faire aussi, pis je pense que les gens le sentent puis à un moment donné ily a des écoles qui ont commencé à entendre parler de nous autres. Parce que j’ai aussi fait des camps de jour. J’ai commencé avec 6 enfants, ça fait boule de neige l’année d’après je me suis construit un groupe déjà de 20 personnes. (À la suite de quoi, les gens et professeurs enont entendu parler et c’est suite à la construction des camps qu’elle a commencé à aller faire de l’information dans les écoles). Je n’ai pas de plan de carrière, c’est vraiment de bouche à oreille que je me suis construite un réseau.

22

M.L. : Je pensais que les camps de jours étaient dus à votre implication dans les écoles.

A.R. : Non, à un moment donné c’est tous les enfants qui voulaient venir, fait que les parents et les professeurs m’ont dit, hey ça te tenterais pas de venir faire ça dans les écoles? On aime ce que tu fais. (…) Puis à un moment donné, j’ai eu deux contrats avec la S.A.D.C. (la Société d’aide au développement de la collectivité) de la Matawinie5, pour recommercialiser toutes les plantes des forêts. Je fais toute la partie de transformation artisanale des plantes, je n’ai pas du tout couru après cecontrat.

Par sa ferme, Annie Robin permet d’aider la collectivité,

mais c’est en ce sens-là, justement parce qu’elle a des

connexions avec des municipalités, les écoles et des centres

communautaires qu’elle obtient une visibilité et de la

réciprocité pour ses efforts. La société d’aide au développement

de la collectivité a approché Panier Nature d’une part pour

permettre le développement local et parce que la ferme, sur son

territoire, permettait la réception de ce genre d’échange. Ce

qui a permis l’existence de ce type de ferme aujourd’hui au-delà

de ses propriétaires peut être dû à un changement invisible ou

subtil dans les consciences humaines. Un désir d’apporter une

part de changement à l’intérieur de la société, mais il est

surtout bâti par des membres concertés autour d’idéaux

communautaires et à contre-courant.

5 La MRC de Matawinie est situé dans la partie nord de la région de Lanaudièreet s’étend sur 10 615 km², elle comprend 15 municipalités et une réserve Atikamek.

23

A.R. : (…) la madame de soixante ans qui arrive pour la première fois, si tu y impose tes valeurs à va dire hey, ce n’est pas pour moi là ici, je ne reviendrai pas, t’sais? Fait que, faut faire attention jusqu’où on véhicule nos valeurs. Faut respecter aussi où est-ce que la personne elle est. C’est sûr qu’en partant l’écologie on la met d’emblée, c’est écrit ferme éducative et écologique, ça c’est clair que quelqu’un qui va venir ici qui a n’importe quel âge y va trouver ça. Après ça, par exemple, ça s’est tout mon passé, j’ai étudié en psycho, j’ai fait mon cégep en psycho pis mon université en sexologie, beaucoup de cours d’anthropologie aussi. Faut faire attention jusqu’où on va, on perd beaucoup de monde sinon. Joëlle disait : ça pas de bon sang, mais en même temps elle trouvait que j’avais raison parce que souvent des monsieurs/madames qui arrivent ici parce qu’ils ont unbobo qui sont hyper-médicalisés, mais qui viennent ici parce qu’ils ont trop d’effets secondaires, eux autres, ils faut les prendre pour les emmener à changer leurs comportements, à les faire comprendre qu’ils doivent prendre possession de leur corps, ils doivent prendre possessions de leurs vies, souvent c’est leur médecin qui prend soin d’eux, leur pharmacien qui veille sur eux, ils ont aucune emprise sur leur corps, pas de pouvoir sur leurpropre santé. C’est sûr qu’en arrière y’a toute le conceptde reprendre pouvoir sur nos vie. De s’autosuffire et de se reconstruire de A à Z, mais tu ne peux pas dire ça à quelqu’un qui est pris dans le système, de changer. Il faut y aller comme là où elle est rendue. (…)

Madame Robin ne répond pas directement à la question

initiale sur les raisons du faible niveau de production de sa

ferme. Elle a choisi de faire un peu de production, juste un peu

de transformation et de l’éducation. Elle décrit ce qu’elle fait,

24

les choix stratégiques de sa production, ses activités

diversifiés ainsi que son rayonnement dans sa collectivité

immédiate, la région ainsi que la province. De plus, elle élabore

sa stratégie d’influence auprès des personnes intéressées. Il

s’agit d’une pédagogie sensée être respectueuse pour chacun axée

sur le changement. Cette technique pédagogique est fondée sur le

concept de la reprise du pouvoir de sa vie, toute la notion de

l’empowerment ou « capacitation », « développement du pouvoir

d'agir », « autonomisation », « responsabilisation », «

émancipation » ou « pouvoir-faire »6. Un concept à l’origine au

XXe siècle « En 1965, un groupe de psychologues l'utilise dans le

cadre de pratiques de psychologie communautaire. La notion

d'empowerment va alors se diffuser dans de nombreux champs, puis

être utilisée dans les politiques publiques de lutte contre la

pauvreté. » Les travailleurs sociaux et tous les autres

intervenants ont aussi pratiqué ce genre d’approches au Québec :

« il existe une langue tradition d’empowerment en service social

même si l’approche du mot est relativement récente »7. Madame

Robin a travaillé dans le passé en tant que sexologue dans le

service public, elle est concernée avec l’approche depuis

longtemps et elle sait comment l’appliquer avec les habitués de

sa ferme.

6 http://fr.wikipedia.org/wiki/Empowerment 7 Ninacs, Wiliam A. : Empowerment et service social : approches et enjeux, service social, vol. 44, #1, 1995, p.69-93

25

A.R. : Oui, en arrière-plan il y a des objectifs de changement, pour quelqu’un ça peut prendre un an avant d’arriver à quelque chose avec quelqu’un. Je te l’dis y’a des monsieurs/madames tout le monde, c’est incroyable le cheminement qu’ils ont fait dans leur ouverture à toute ces notions-là (la santé et l’alimentation locale et biologique). C’était du monde surmédicalisé, surmédicamenté qui mangeait juste des chips pis du coke! C’est rendu qu’ils ont des paniers bios avec nous autres, un petit jardin l’été, qui font leurs plantes médicinales,c’est comme hallucinant là! C’est des gens qui arrivaient ici, ils étaient verts et maintenant ils sont tous rose. Mais oui ce qu’on veut, c’est que les gens respectent le plus possible la nature et qu’ils s’en servent. Qui viennent pas magasiner toute leur fin de semaine, qui viennent jardiner à la place durant toute leur fin de semaine.

M.L. : J’imagine que ces gens-là se créent un réseau, ces gens-là qui changent et qui évoluent avec Panier Nature, c’est quand même un point de repère important, c’est bien implanté, vous faites des ateliers, il y a moyen de se réactualiser …

A.R. : Continuellement, pour nous autre aussi. Les groupesqui viennent ici, y’a des permaculteurs qui viennent ici, y’a des points de chutes ici. Souvent ils font au Québec un rassemblement par année de permaculteurs natifs du Québec et d’Europe, mais c’est un incontournable, ils viennent chez Panier Nature, à chaque année. Là j’ai une date, je pense que c’est au mois d’août, le 21 août quelque chose de même, ils viennent ici et c’est clair qu’ils passent la journée ici, c’est du monde qui viennentà travers le monde entier, les échanges c’est extraordinaire, une trentaine de personnes c’est tellementle fun. Tu vois c’est suite à ça que la serre a été construite (la toute première serre au Québec ne nécessitant pas d’électricité et fonctionnelle à l’année).C’est le groupe de permaculteurs de v’là deux ans qui l’ont construite.

26

Le développement donc des permacultures, mais aussi de

l’alimentation biologique et écologique se fait par à un réseau

d’individus autant en dehors et à l’intérieur du cadre politique

gouvernementale. Madame Robin manifeste clairement une position

qu’elle et un grand nombre de permaculteurs ont. En tant que lieu

de rassemblement, Panier Nature permet en partie la

réactualisation des liens solidaires entre horticulteurs et

permaculteurs. Ce type de solidarité est l’une des « règles »

dans le guide du permaculteur. Il est toutefois intéressant de se

demander si l’économie locale permet l’intégration sociale ou si

c’est l’inverse. D’une certaine façon la culture des services

sociaux ont grandement influencé madame Robin, l’idée des jardins

pour regrouper au même endroit les gens atteint du sida par des

jardins vient de son milieu de travail. Je considère plutôt que

l’éducation ou la sensibilisation d’une identité citoyenne est

d’abord fondamentale pour stimuler les individus vers des prises

de positions et des réflexions critiques sur le monde qui les

entoure. Donc, le processus de la sensibilisation citoyenne et

l’application d’un sentiment d’appartenance à un lieu concret

collectif semble se passer uniquement ou presque dans les

jardins, au Québec.

Les politiques internationales ne valorisent plus les

identités nationales, encore moins régionales. Les forces de

27

productions sont orientées vers des projets mondialistes qui

peuvent ne pas inspirer certains individus. Avec la

délocalisation des entreprises vers l’Asie et l’effritement des

identités nationales par la déportation des capitaux vers des

enjeux d’ordres mondialistes, les régions, pour ne pas dire les

régions d’Occident, se retrouvent, d’une certaine façon, avec un

manque de projets communautaires. L’écart des riches et des

pauvres s’agrandit ironiquement. Selon Statistique Canada, les

familles les plus fortunées ont augmenté leurs revenus de 24%

entre 1989 et 2004 alors que celui des familles les moins nanties

ont reculés de 8% durant cette même période. Selon Stéphanie

Grammond, journaliste à La Presse, de nombreuses multinationales

ont délocalisé leurs industries dans les pays plus pauvres, où

leur taux de change avantage les industriels. Cela a engendré le

chômage pour de nombreux travailleurs dans les pays développés,

mais, en plus, les progrès technologiques ont mis aussi au

chômage une partie des travailleurs peu qualifiés. L’OCDE

(L’Organisation de Coopération et de Développement Économiques) a

signalée une augmentation des emplois non conventionnels, non

syndiqués et à temps partiel renforcissant ainsi la disparité des

salaires8. Il est possible que dans l’obsession du projet

mondialiste des gens ne s’y reconnaissent tout simplement pas et

que l’entretien de permacultures soit un projet plus valorisant

8 Grimard, Stéphanie : http://affaires.lapresse.ca/economie/canada/201105/13/01-4399274-ecart-entre-riches-et-pauvres-le-fosse-se-creuse.php 2014-07-28

28

et concret que l’abstraction médiatique et de leurs mauvaises

nouvelles systématisées.

A.R. : Oui, on est un carrefour de rencontres aussi. Le cégep ici à Joliette en horticulture, Panier Nature c’est un incontournable, à chaque année ils viennent faire un petit stage ici, c’est même un incontournable au niveau duCarrefour Jeunesse emploi.

M.L. : On peut se trouver un emploi ici?

A.R. : En fait c’est un endroit de stage. À chaque année ils viennent environ six ou sept fois en groupe, souvent c’est des groupes d’évaluations. Ils vont envoyer leurs jeunes travailler et j’ai des intervenants qui viennent évaluer leurs potentiels de travail. Sinon, ça peut être carrément des stagiaires qui viennent une fois par semainependant X temps, parce que c’est un milieu de travail intéressant. Du fait que je les accueille aussi, parce quece n’est pas partout qu’on les accueille.

M.L. : Pourquoi, parce qu’ils sont en difficulté?

A.R. : Oui, oui, oui, c’est vraiment des jeunes qui souvent, ils ont un parcours difficile.

M.L. : Est-ce que c’est ça que Joëlle voulait me dire par l’horticulture thérapeutique?

A.R. : Oui, hortithérapie, au Québec ce n’est pas tellement développé, mais ailleurs dans le monde oui.

M.L. : Est-ce qu’avec Carrefour Jeunesse Emploi il a moyende le développer

A.R. : Oui, tu vois depuis l’année passée il y a un petitréseau de personnes avec un handicap intellectuel qui nousont trouvé, ils ont beaucoup aimé la façon qu’on pouvait travailler avec les groupes, on en a de plus en plus, soitdes fois des stagiaires qui ont des difficultés intellectuels et des groupes qui viennent un peu comme un

29

camp de jour, ils viennent toute la journée, ça c’est vraiment le fun aussi

M.L. : Oui des enfants du camp de jour?

A.R. : Même des adultes aussi (adultes avec des déficiences intellectuellement). Je dis ça parce que c’estune plaque tournante au-delà de la permaculture aussi.

M.L. : Jusqu’où vous cherchez la création d’un réseau qui vise une plus grande indépendance individuelle? Vous allezvivre des contraintes économiques, mais non je me rends compte que vous n’en avez même pas parce que vous avez plein d’échanges.

A.R. : Oui c’est ça, à un moment donné il n’y aura plus personne qui va revenir, ben non, c’est de plus en plus demonde, peut-être pas de plus en plus, mais toujours correct, j’en voudrais pas trop non plus, parce que moi, j’me dis, j’enseigne quand même l’équilibre un peu dans toute t’sais, fait que moi-même je dois avoir un équilibredans vie, t’sais si je commence à être une multinationale,y’a pas de danger que ça arrive (rire), ça aurait pas de sens, j’enseigne une autre façon de vivre, faut pas que j’embarque dans un système capitaliste au boute parce qu’au fond, si ma première visée c’est de faire de l’argent, dans le fond ça fait mon affaire qu’il ait justeassez de monde tout le temps, je te dirais que c’est toujours ça qui se passe de façon naturelle au dirait que c’est ça qui se passe. Justement, il y en a que je rends complètement autonome donc ils s’en vont, ils viennent faire un tour une fois de temps en temps, mais c’est pu eux autres les clients, ils prennent une partie (de la clientèle) du monde aussi, eux autres, parce que je te dirais que Panier Nature c’est de plus en plus connu, maisj’ai formé plein de monde qui font la même chose que moi maintenant.

Je pense pouvoir démontrer que les activités de Panier

Nature sont fondées à partir d’une critique du système

30

capitaliste, de la marchandisation des rapports sociaux qu’il

engendre et de l’aliénation des savoirs traditionnels. Qu’il ne

s’agit pas d’un copier-coller avec les raisons historique de

l’émergence de l’Organic et qu’il existe une certaine cohérence

dans les propos et le temps lié au discours de la santé holiste.

Son approche de production se distingue de l’agriculture

conventionnelle et même biologique. En effet, le fermier œuvrant

dans la monoculture de maïs, par exemple, produit à l’acre une

quantité beaucoup plus grande au mètre carré. Mon informatrice

produit un volume de fruits et de légumes moins important, mais

sa productivité ne s’arrête pas là : elle se distingue en

expérimentant un autre système dans les rapports sociaux par des

liens de productions et d’affaires différents. Meilleur santé,

apprentissage, amélioration des connaissances, réseau élargi,

renforcement de l’autonomie de chacun, son action fait sens pour

elle-même et pour son réseau élargie. En somme, elle produit du

« tissu social », tout comme le font dans le cadre de leur

travail d’autres travailleurs sociaux.

A.R. : il se crée plein de petits réseaux, mais c’est comme si le gros ici il continue quand même à être petit, mais assez gros, comprends-tu qu’est-ce que je veux dire? Parce que si je ne formerais pas ces gens-là je me retrouverais à faire ça du matin au soir, faudrait que j’engage du monde pour dédoubler les cours, je ne veux pasfaire ça non plus, je ne veux pas m’enfermer dans mon ordinateur à juste faire de l’administration, gérer les employés, faire des payes non, ça m’intéresse pas ça, faitque pour ça, il faut que je reste petit. Mais c’est dur

31

resté petit quand t’es de plus en plus connu, mais moi je pense que qu’est-ce qui fait que je réussis, c’est que moije fais des petits noyaux de temps en temps qui se partentailleurs. Il y en a plein, plein qui sont venu ici pour separtir une permaculture comme la mienne et qui disaient écoute voudrais-tu m’aider moi je voudrais partir ça dans ma région là, je leur dit oui, pis je leur fait même gratuitement. Ben c’est des gens qui sont venus déjà prendre des cours mais… Ouais, puis il y a un regroupementle Montcalm, ça s’appelle Action Montcalm, c’est plein, plein, plein de partenaires avec des subventions, eux autres, puis euh c’est dans le cadre de « Bien Manger, Bien Bouger » et tout là…

Ces gens qui vivent une proximité d’achat différente marque

le territoire sur lequel ils se déplacent. Des producteurs comme

les propriétaires de Panier Nature ont fait le choix, puisqu’ils

possèdent un terrain d’une vingtaine d’acres, de ne produire que

sur une infime partie de leur terrain. Le choix entre une grosse

production, l’éducation et la transformation des aliments étant

trop pour une seule personne, Madame Robin a préféré produire ces

trois domaines à une échelle qui lui convenait le mieux ainsi,

elle « s’est attirée » une clientèle pour participer à des

ateliers et acheter des paniers biologiques, mais aussi pour

faire ce qu’elle aime faire. Ce résultat dans l’organisation a

aussi un impact important sur le terrain de la propriétaire tout

comme sur sa localité et même à l’extérieur de l’Amérique. Des

permaculteurs d’Europe viennent à chaque année pour échanger des

conseils. La taille relativement petite de sa production lui

permet en plus de s’occuper d’animaux comme des poules et des

32

chèvres, des choses qu’elle ne pourrait pas faire si elle se

serait spécialisée dans la grande production. Autrement dit, la

taille de cette permaculture, et c’est probablement le cas pour

l’ensemble des permacultures, est configurée en fonction d’un

système moral dynamique en constante influence avec sa région et

l’extérieur ce qui lui prévaut d’être à jour dans le discours de

l’alimentation biologique.

Analyse discursive

Cette partie du travail vise à déterminer les façons dont

s’organisent les gens autour de valeurs et d’intérêts se référant

de près et de loin au terme « Organic » ou plus concrètement sur

l’alimentation biologique. Il s’agit d’analyser les changements

d’interprétations entre chaque processus de transformation du

produit biologique entre les producteurs, les commerçants, les

épiceries jusqu’aux restaurateurs. Les façons d’utiliser la

nourriture et les problématiques dites écoresponsables ne sont

probablement pas vécues selon les stéréotypes les plus courants.

Où se situe le consommateur moyen entre les sollicitations

publicitaires qui encouragent l’alimentation biologique et les

modèles de vies spirituels/écologistes les plus « ascétiques »?

Comment les grands détaillants et les marchés mondiaux affectent-

ils leurs ventes face à la demande d’aliments exempts d’OGM et de

pesticides? Ce genre de questions s’intègrent dans un système

épistémologique triptyque inter-reliant les évolutions

33

discursives du terme « alimentation biologique », du mode de vie

ascétique au quotidien chez les producteurs/consommateurs

d’aliments « bios » et des marchés qui structures les différentes

communautés de fermiers, dont eux-mêmes jouent un rôle dans les

marchés mondiaux. Il est certain que le consommateur moyen ne se

pose pas le quart de ces questions. Il n’y aura donc aucune

association automatique faite dans cette partie entre la santé,

la spiritualité où le communautarisme comprise dans

l’alimentation biologique ni même du prestige social, dans la

consommation exclusive d’aliments plus dispendieux, qui peut

vraisemblablement être rattaché par certains individus au

biologique.

Analyse discursive : des transformations symboliques

La pratique de l’agriculture « engagée » ou écoresponsable

est un domaine donc qui se définit à l’origine contre l’idéologie

jugée néfaste ou carrément mauvaise du modèle capitaliste. Par

conséquent, les responsabilités et les significations qui sont

rattachées à l’étiquette « Organic » présupposent tout un spectre

de valeurs et de codes moraux afin de contraster avec le

développement agroalimentaire conventionnel. Or, ces différentes

entités qui affirment suivre la voie de l’agriculture et/ou de

l’économie biologiques manifestent des interprétations

différentes du même concept. Par exemple, il est de nos jours

fréquent que de grands producteurs convertissent une partie de

34

leur production en zone biologique, mais pas son entièreté, les

raisons viennent souvent de subventions émises par le

gouvernement en fonction du prix plus élevé des aliments

biologiques, cette combinaison engendre un profit que certains

producteurs au final convoitent plus que de produire des produits

sains.

Si le discours du biologique est aussi éclaté c’est qu’il

constitue une somme d’interactions et d’associations qui lui

confère un pouvoir prenant plusieurs formes différentes, en

s’insérant dans tous les domaines de l’alimentation, mais aussi

dans le « fair-trade », c’est-à-dire une protection pour les

travailleurs dans le domaine de la production et de la

distribution, ainsi qu’en valorisant les entreprises locales, ce

type d’éléments contribuent à faire sa force puisqu’ils se

propagent dans différent domaine et devient de moins en moins

stigmatisé. Le courant de pensée, antérieurement à sa définition

en 1971, circulait déjà et prenait corps dans des revues et des

associations. Le discours continue, mais sous différentes formes,

à influencer les sociétés. Cela peut même être une motivation

pour se lancer en affaire comme BioSattva, une entreprise de Val-

David, dans les Laurentides, axée sur les paniers biologiques qui

connaît désormais un développement qui la permet de devenir une

petite épicerie à temps partiel. Au départ, cette entreprise à

vue le jour dans le sous-sol de ses créateurs, ce qui les a

motivés à faire ce projet, c’était la démocratisation de l’accès

35

aux aliments biologiques. De plus en plus de consommateurs

changent leurs habitudes pour aller vers une alimentation plus

organique, comme l’alimentation biologique leur semble positive

sur la santé, cela peut être suffisant pour motiver ces gens. Le

caractère multiforme et perméable du discours fait sa force, mais

le fait qu’il coûte plus cher fait en sorte qu’il soit aussi

contraignant.

Pierre Bourdieu au sujet de la différenciation des pouvoirs

et de leurs circuits de légitimation explique que les discours

bien circonscrits à un seul domaine particulier est beaucoup plus

facile à casser : « [le pouvoir] ne se réalise et ne se manifeste

qu’au travers de tout un ensemble de champs unis par une

véritable solidarité organique, (…) il s’exerce, de façon invisible et

anonyme, au travers des actions et des réactions, en apparence

anarchiques, mais en fait structuralement contraintes, d’agents

et d’institutions insérés dans des champs à la fois concurrents

et complémentaires9». Les pouvoirs institués agissent ainsi, mais

pas nécessairement les courants marginaux, justement fragilisés

par leur facette stigmatisée. Ce qui permet le système de pensée

biologique dans les zones de pouvoir contesté, et c’est ce qui

fait sa force, est précisément la solidarité organique au sens où

Bourdieu l’entend, c’est-à-dire qu’il est un phénomène qui a des

propriétés fluide et difficilement maîtrisable en tout point

symboliquement. Par conséquent, le symbole biologique est aussi

9 Bourdieu, Pierre : Méditations Pascaliennes p. 148, Éditions du Seuil, 199736

dévié de ses aspirations d’origine. S’il s’intègre aussi bien

dans des domaines complémentaires et contradictoires, ce symbole

est réutilisé par des structures non engagées par le code éthique

du bio qu’endosse aussi le code du permaculteur. Parce qu’il

bénéficie d’une grande exposition par les grandes épiceries et

les pharmacies, il est en proie à des déformations. Le biologique

est autant une affaire des très grandes entreprises et des

gouvernements, désormais le Ketchup biologique est sur les

tablettes spécialisées des supermarchés. Cela prouve une parfaite

hybridation entre différents symboles particulièrement puissants

dans l’alimentation. C’est le recyclage d’une entité non-

mainstream par un symbole de la mondialisation, le biologique

n’est donc pas qu’une allégeance philosophique ou identitaire

comme on peut retrouver chez des producteurs localement

impliqués.

Analyse discursive : le rôle des producteurs et les distributeurs

Les réappropriations des définitions de l’alimentation

biologique sont le produit de l’ensemble des interactions

humaines autour du sujet. Il s’agit donc de relations

systémiques, c’est-à-dire que les éléments qui constituent

l’organe biologique sont interdépendants et s’influencent à

l’intérieur de ce système, les subventions et les demandes de

subventions par le gouvernement, l’appuient d’ONG, l’intérêt de

la santé, l’inquiétude des changements climatiques, le discours

37

sur l’essoufflement de l’économie ne sont que quelques exemples

qui concertent certains individus à se mobiliser et à se joindre

à des propositions de changements. Les perceptions des acteurs

internes et externes de l’objet « Organic » ont aussi un rôle dans

sa réactualisation. Les acteurs les plus engagés se tenant le

plus près à la définition du CCOF (California Certified Organic

Farmers) sont les producteurs et les distributeurs de confession

qui se servent des aliments biologiques pour véhiculer leur

système de croyances. Au quotidien, leurs relations avec leurs

employés, clients, associés et même le gouvernement, façonnent

les définitions du terme biologique et cela modifie, au fil du

temps, la nature du sujet biologique. Au Québec, le courant de

pensée biologique se concrétise sous des formes variées. Il peut

se présenter au public, entre autres, par des ateliers tels que

Panier Nature et Prunelle Ortie proposent, d’informations et de

formations. Les possibilités vont du cours d’herboristerie à la

manière dont on peut créer son propre jardin écologique.

Contrairement aux systèmes d’alimentations conventionnels,

les chaînes de production marginales sont plus flexibles.

Paradoxalement, les producteurs peuvent faire de la distribution

et avoir droit à des financements particuliers, comme pour les

petits distributeurs. Le FABQ (Fédération d’Agriculture

Biologique du Québec) propose des guides de transition en

agriculture biologique, ils sont accompagnés, en page couverture,

d’une authentification du ministère du Développement durable, de

38

l’Environnement et des Parcs, ces ministères sont des éléments

importants qui soutiennent le projet et rendent à leur façon

possible un certain type d’agriculture biologique, mais il est

faux de croire qu’ils en permettent son entièreté. Les

producteurs qui emploient ce virage uniquement par pragmatisme

sont reconnaissables. Ils n’ont pas d’ateliers et ne tiennent pas

particulièrement à faire la promotion de leur entreprise bien

qu’il puisse en être fier. Une minorité de producteurs

choisissent de partager leur passion. Les ateliers que l’on

retrouve chez les petits commerçants et les petits producteurs

ont plus de chance d’être dirigés par des gens sincères. L’écart

des comportements entre la théorie et la pratique n’est pas

vraiment permis et son objet de conversion est justement le

passage à l’action, par l’alimentation et l’entretien, direct ou

indirect, des territoires à zones écologiques. Ces gens semblent

être à l’origine de la diffusion de ce courant de pensée

continuellement en transformation. Ces transformations se

définissent premièrement face au système qui adapte ses

politiques et ses stratégies commerciales comme avec le

capitalisme vert, ce concept peut s'entendre comme un système

économique de forme capitaliste qui respecterait le rythme de

renouvellement des ressources et le fonctionnement de la

biosphère. Deuxièmement, ils peuvent surgir à même sa définition

par ceux qui prétendent l’incarner. Les constructions

d’habitations écologiques à bases de matériaux recyclés et/ou

écologiques, appeler le earthship est une manifestation

39

matérielle d’une préoccupation philosophique tout comme les

constructions de permacultures. Ces deux inventions sont

relativement récentes, elles le sont surtout parce qu’elles ont

été récupérées dans un cadre moral et épistémologique

politiquement plus vaste que leur simple création. Elles sont

porteuses d’une position particulière vis-à-vis l’État.

Un des arguments critiques envers l’existence du «

biologique » est fait contre l’agriculture biologique dite

pragmatique et sur sa position vis-à-vis de l’agriculture

conventionnelle. Le modèle biologique semble comporter des

lacunes lorsqu’il est utilisé en dehors des petites plantations

locales. En 2008 le département d’agriculture des États-Unis

(USDA) a conclu dans sa plus grande recherche jamais faite sur la

production organique, selon Entine, le rapport a signalé que

d’arriver à une production similaire, les zones agricoles

organiques doivent être augmentées de 1,5 à 2 fois celles des

zones conventionnelles. Les cas de fraudes ont aussi eu cours

dans le secteur de l’alimentation biologique10. Malgré les belles

valeurs et les codes éthiques vertueux que proposent les

structures concertées dans la réactualisation du terme Organic,

des cas de remplissage par des aliments conventionnels ont déjà

été recensés. En 2013, les autorités allemandes ont identifié

plus de 200 fermes suspectes de vendre des œufs ont plein prix 10 Entine, Jon : http://www.ethicalcorp.com/supply-chains/organic-food-%E2%80%93-what-%E2%80%98organic%E2%80%99-label-really-worth , 12 juin 2013, vule 2014-08-02

40

alors qu’ils étaient, en fait, classifiés conventionnels. Un pire

cas en Italie durant la même année s’est produit dans la ville de

Pesaro, au nord-est sur la côte méditerranéenne. Des fraudeurs

auraient utilisé de fausses certifications biologiques pour

différentes compagnies dans l’Europe.

Analyse discursive : Lutte de classe

Les consommateurs interprètent l’alimentation biologique en

fonction des influences qu’ils reçoivent et de leurs valeurs. Le

biologique peut être récupéré pour faire des plaisanteries et

émettre des préjugés. Connaître l’allégeance alimentaire des

individus ne peut pas nous dire si ces gens sont pour ou contre

le modèle économique conventionnel ou alternatif. Le fait est que

la plupart des gens qui consomment des alimentations biologiques

peuvent se permettre de dépenser plus et peuvent très bien le

faire uniquement pour leur santé, alors que d’autres ont la

possibilité d’instrumentaliser l’icône « mangez bio » pour faire

passer leurs fantasmes idéologiques. Les adhérents de ce courant

politique et alimentaire sont souvent vêtus de façon différente

du monde séculier et parfois, ils sont qualifiés comme des gens

zélés, accroc aux aliments crus que « personne » n’aime. Il

arrive que le bio se fasse déconstruire pour qualifier un

extrémisme alimentaire.

41

La santé est une valeur prédominante au Québec, c’est

parfois un enjeu d’élection important. C’est aussi ce qui stimula

certaines épiceries dans le développement des aliments

biologiques, c’est même une stratégie marketing pour IGA et

Walmart. Luc Dupont, professeur au département de communication à

l’Université d’Ottawa11, prétend qu’en 2004 les profits engendrés

par le bio furent de 11 milliards alors que les estimés pour

l’année 2014 s’élèvent à plus de 35 milliards aux États-Unis.

Toujours selon M. Dupont, 91% des clients de Walmart ont affirmé

être prêt à acheter des aliments santé et/ou bio à un prix

compétitif. Il y a donc selon lui un potentiel de réaménagement

de l’espace des supermarchés avec le bio. Les nouvelles

générations sont en train de changer les chaînes d’alimentations,

l’icône du capitalisme, Coca-Cola, revisite ses ingrédients,

c’est un premier point de bascule. À Madrid, en Espagne, les

usines Coca-Cola ont fermé et ont engendré le licenciement de

plus d’un millier de salariés. Selon Courrier International, les

grèves ont tellement sensibilisé la population qu’une baisse des

ventes de 48,6% s’est effectuée12. Luc Dupont fait référence au

Capitalisme vert, il considère que ce modèle est le seul viable

pour qu’un changement d’alimentation puisse avoir lieu à

l’échelle mondiale. Malgré cela, la solidarité organique et le

11 Dupont, Luc : http://radio-canadapodcast.com/emissions/bien_dans_son_assiette/2013-2014/archives.asp?date=2014-05-07 vu le 2014-07-3112 Drouet, Camille : http://www.courrierinternational.com/article/2014/06/18/le-boycott-de-coca-cola-a-fonctionne vu 2014-07-23

42

partage d’un modèle anticapitaliste par l’autosuffisance se

développent aussi.

Contrairement aux grandes surfaces, d’autres types de

producteurs et de distributeurs plus puritains sur la notion

d’origine du mot « Organic », agissent en valorisant des gestes

simples du quotidien. Pour constater des changements à l’échelle

micro, l’analyse de terrain est indispensable, ainsi, des fermes

comme Panier Nature, ne fait pas que valoriser la santé par

l’alimentation, mais privilégie un modèle de réciprocité beaucoup

plus égalitaire que celui des supermarchés. J’interprète donc

cela comme d’un espace sémiotique où il y a un pluralisme des

positions politiques et pragmatiques lorsque l’on évoque le sujet

complexe du terme biologique dans l’agriculture. Alors, le

spectre des circonstances vis-à-vis des différents sens associés

au terme est aussi complexe, mais il est souvent comprit entre un

«  feel good purchase », souvent critiqué, et un acte philosophique.

Les consommateurs se retrouvent donc au beau milieu d’une lutte

idéologique et de classe où les grandes entreprises prétendent à

la valorisation des produits du terroir et locaux, et même le

fond jusqu’à un certain point, versus des producteurs bios

engagés qui proposent un art de vivre par l’alimentation et

l’artisanat.

43

Le rapport entre les petits distributeurs et les

consommateurs est fondamental chez des petites entreprises, les

aliments et les produits naturels sont le médium par lequel ils

véhiculent tout un système de représentations, somme toute, assez

similaire de celui des producteurs. Ce cheminement des valeurs se

fait par une proximité sociale incomparable des grands

détaillants. Du point de vue du consommateur, pour qu’il change

ses habitudes plus pragmatiques en allant uniquement chez Walmart

pour faire tous ses achats, il a besoin d’une bonne raison,

d’autant plus que le bio est plus dispendieux. Les ateliers

servent à titre informatif, pour les consommateurs, d’améliorer

sa compréhension du système morale qu’entour le trajet

biologique.

Restructuration de la hiérarchie dans les États

Selon Alain Deneault, lorsque les entreprises privées ont eu

le pouvoir d’appliquer des « méthodes saines de gestion », durant

le XXe siècle, c’est parce que les investisseurs ont délégué aux

entreprises des programmes de « corporate governance ». Ces

entrepreneurs ont désormais pu codifier les normes de travail et

réduire l’influence de l’État, pour les accommoder, à tel point

que la balance du pouvoir s’est inversée : « la gouvernance

cherche maintenant à codifier les modes de fonctionnement de la

collectivité dans son ensemble à partir du lexique qu’elle a déjà

développé pour faciliter la gestion des sociétés privées 13». La 13 DENAULT, ALAIN : GOUVERNANCE : Le management totalitaire, p.46

44

notion d’horizontalité chez Deneault fait référence à l’absence

théorique de hiérarchie trop stricte, où tous les employés

fonctionneraient sur le même plan d’égalité. Deneault parle de la

prétention des entreprises à l’horizontalité, c’est-à-dire de

l’existence de cocus « démocratique », des cellules

interdépendantes les unes aux autres constituants des noyaux

relativement autonomes. Les entreprises chargées à l’exercice de

la gouvernance, donc, auraient la prétention de diffuser un

modèle structural idéalisé d’égalité. Dans les faits, la fiction

de l’horizontalité pour fonder d’impitoyables hiérarchies

engendre des conséquences psychiques graves pouvant aller

jusqu’au suicide, puisque les victimes ne savent pas comment

octroyer le blâme de l’austérité, une politique économique

mondiale, ailleurs qu’à eux-mêmes. Ce genre de violence peut être

qualifié de violence symbolique particulièrement efficace. Devant

l’incompréhension des changements perpétuels liés à

l’industrialisation en continu, l’individualisation est de plus

en plus fragilisée à mesure que les techniques qui supportent les

chocs industriels se remplacent les unes aux autres. Ce

phénomène, selon Bernard Stiegler, philosophe français, détruit

les circuits de construction sociale qui étaient en vigueur, mais

en général il se recompose - à partir de l’ « échappement » et de

la « stupeur » du choc - une nouvelle forme de vie collective14.

La perte des repères stables est un phénomène qui arrive durant

et après chaque grande période historique, mais nous sommes dans

14 Stiegler, Bernard : La bêtise : https://www.youtube.com/watch?v=FCf-S8mQSZk vu le 2014-08-02

45

une période où nous faisons ces découvertes continuellement.

L’agriculture écologique et locale pose des bases solides qui

permettent la régularité des comportements et le sentiment

d’accomplissement à l’intérieur de son agir individuel, les

techniques propres à cet agir stimule l’implication directe entre

les différents individus d’un présent ou futur groupe. Ce cadre

théorique favorise une analyse d’un monde pluriel, dynamique et

probablement au bord d’une crise importante, mais il empêche la

sensation d’une stigmatisation des classes inférieures face aux

décisions des élites.

Religiosité et intégration sociale

À partir du moment où une tranche de consommateurs apprécie

réellement le virage biologique, permettre la vie communautaire

dans les localités pour les producteurs et les distributeurs est

autant une vocation qu’un plan stratégique. En fait, c’est la

ligne de conduite du permaculteur. Les ateliers qui ont pour

sujet l’alimentation biologique sont souvent complémentaires à

tous les autres ateliers qui visent la santé. Le travail de

Delisle va dans le même sens que ce que j’ai constaté : « nos

études de terrain démontrent clairement que la santé parfaite est

directement liée au concept de santé globale ou holistique et

qu’elle ne peut ainsi être séparée facilement d’un cheminement

spirituel 15». Par conséquent, les associations sont souvent vite

15 Delisle, Sara : Quête de santé et cheminement spirituel : une règle commune ralliant la diversité de certains vécus spirituels contemporains, 2013

46

faites entre une préoccupation écologique où l’individu se sent

directement concerné et différents courants syncrétiques et

spirituels. Parfois, il ne suffit que d’un seul pas pour franchir

cette frontière. Cet état de fait semble même être parodié par

Pierre Fogliat. Dans le cadre de l’événement Convergence

Permaculture qui eut lieu cet été, Pierre Foglia, journaliste du

journal La Presse, dans sa chronique du 17 juillet, cite les

organisateurs d’une tente Open Heart qui prétend : «faire briller

votre lumière en partageant vos dons et votre énergie tout en

reconnectant avec votre enfant intérieur». Or, même dans des

lieux politisés où se trouvent des modèles de jardins nouveaux

genre des mouvements syncrétiques et/ou New Age vendent leurs

services.

La santé, d’après les recherches de Sara Delisle, est un

repère important qui détermine l’efficacité de certaines

disciplines spirituelles. Cependant, l’alimentation biologique et

la spiritualité, au sens large, ont beau partager un discours

similaire sur la santé, ils n’ont pas les mêmes objectifs. La

curiosité spirituelle et la quête de la santé sont des sujets qui

s’influencent, mais ne se mélangent pas d’emblée. Selon Sara

Delisle, au Québec, des disciplines qui, à prime abord valorisent

la santé, comme le yoga ou les stands de méditation, peuvent être

utilisées pour des raisons qui servent des intérêts préalablement

spirituels. Par contre, la portée politique de l’économie locale

n’est pas engendrée par des pratiques spirituelles. La légitimité

47

spirituelle par la santé est un discours autonome, de facto, il

peut être un outil d’assistance supplémentaire ou de légitimation

d’un pouvoir plus large. La liberté que procure l’agir individuel

des membres de la ferme et du marché a débouché, lors de mes

observations de terrains, vers une identification de leur soi

agrandi. La comparaison est intéressante avec le travail de

Delisle puisqu’elle définit une contrainte idéologique alors que

j’ai observé une légitimité : « l’individu contemporain demeure

libre de se créer une existence et une identité totalement

originale et à son image, pour autant que la santé demeure au

centre de ses préoccupations, sa santé globale bien sûr :

physique, psychologique, émotionnelle, sociale et spirituelle.

Nous observons bien l’existence d’un nouveau dogme qui est lié à

celui de devoir être bien portant et de devoir cheminer. Dans nos

enquêtes de terrain, il est clairement démontré que l’on doit prendre

soin de soi 16». Que ce soit du côté des spiritualistes ou de celui

de l’agriculture new age, la santé est donc un argument qui permet

une légitimité d’être parallèlement au modèle capitaliste et un

code normatif et de conduites.

Pour les municipalités, les jardins collectifs peuvent être

pertinents puisqu’ils sont une possibilité d’éveille vers

l’implication sociale, rien à voir avec l’éveil spirituel. Cela

peut enrayer une partie des utilisateurs de l’aide sociale et «

démarginaliser » la santé mentale : « Ces projets sont, par

16 Delisle, Sara : Quête de santé et cheminement spirituel, 201348

exemple, des occasions de créer des liens avec d’autres résidents

du quartier (social), d’apprendre à composter (environnement), de

bouger (santé physique) et d’apprendre les rouages de

l’agriculture biologique (alimentation). Ainsi, le jardin

collectif urbain, en tant que micro-sociosytème à l’image du

monde, devient un terreau éducatif fertile, où se déroulent de

petites révolutions quotidiennes.17» Le jardin séculier répond à

une nécessité de service public, il n’est pas comme son cousin

spirituel dans l’explication holiste du sens de la collectivité.

Le jardin collectif et la permaculture utilisent sensiblement les

mêmes outils. Ils répondent en fait à des besoins différents.

Partant du concept de Mauss où la religion et le politique

sont des éléments étroitement reliés : « Aussi bien disions-nous

que les choses sacrées sont choses sociales. Même nous allons

maintenant plus loin. À notre avis est conçu comme sacré tout ce

qui, pour le groupe et ses membres, qualifie la société. Si les

dieux chacun à leur heure sortent du temple et deviennent

profanes nous voyons par contre des choses humaines, mais

sociales, la patrie, la propriété, le travail, la personne

humaine y entrer l’une après l’autre.18» Ainsi, la santé et

l’intégrité-critique sont des éléments séculiers, mais prônés

dans les jardins collectifs. Néanmoins, ces jardins peuvent être

17 Legault, Anne-Marie : Le jardin collectif urbain : Un projet éducatif holistique et fondamentalement politique18 Mauss, Marcel : Introduction à l’analyse de quelques phénomènes religieux, 1906

49

mis en place par une combinaison d’associations hétérogènes qui

rendent les discours perméables entre eux. Notamment le cas de

Panier Nature et Action Montcalm, une ONG qui vise « la

mobilisation des communautés locales en tant qu’élément clé de

l’acquisition et du maintien de saines habitudes de vie ». Action

Montcalm considère aussi les jardins collectifs comme un moyen

d’intégration sociale. Le constat fut le même par le Regroupement

des Jardins Collectifs du Québec. Ce regroupement précise que sa

contribution a facilité l’intégration des gens et des familles

sur le plan social, économique ou culturel et permet la création

de réseaux locaux de solidarité.

Les événements, les animations ainsi que les heures

d’ouverture qui sont rattachés aux jardins collectifs sont des

moments ritualisés qui renforcent la cohésion du groupe et

modifient ses représentations. À défaut de religion d’État et de

services sociaux vraiment concertés sur le sujet, l’intégration

sociale n’est pas vraiment incarnée par un système de référence

précis autre que le Regroupement des Jardins Collectifs au

Québec, le RCJQ. L’intégration sociale se situe principalement

dans la citoyenneté et dans l’emploi. Aujourd’hui, les valeurs de

l’entre aide et de la solidarité sont des qualificatifs que l’on

associe plutôt à la personnalité. Partager un terrain commun

c’est bien ce qui caractérise la citoyenneté, mais qu’en est-il

de posséder un terrain commun à l’intérieur de sa municipalité?

Il semble y avoir un vide politique à l’échelle des régions de

50

Montréal, et les jardins collectifs permettent à leurs

participants de construire une « syntaxe discursive » (puisqu’ils

l’inventent) dans le domaine de l’identité locale et citoyenne.

Le jardin est un texte

L’exercice de l’entretien des permacultures est un bon moyen

de s’approprier les plantes autochtones du Québec. Ce système

codifié, bien que naturel, en est aussi un sur le plan social et

politique, il témoigne des préoccupations morales de ceux et

celles qui s’en occupent. Avant que les permacultures ne

deviennent des sites archéologiques, ces territoires, aujourd’hui

dispersés partout autour du monde témoignent de préoccupations

liées à la survie. Selon Jordan, l’invention de n’importe quel

type de jardin, c’est-à-dire aussi bien l’invention contemporaine

des permacultures et des jardins collectifs, vient d’un désir de

changement pour l’avenir, à elle seule cette invention est le

marqueur d’un discours indépendant : « In terms of gardens,

collective memory appears in highly centralized sites (…), but

also in small projects tucked into out-of-the-way valleys and

plains. Through interpretive materials, guided tours, brochures

and informational plaques, these “memories” shape public

understandings of the rural past, of food and politics, place and

identity19». La permaculture et les autres modèles d’agricultures

alternatifs sont un concept qui s’affiche comme le reflet d’un

19 Jordan, Jennifer A. : Landscapes of European Memory: Biodiversity and Collective Remembrance

51

malaise lié au modèle de gestion capitaliste en proposant un

système de valeurs différent, des jugements moraux ainsi que des

technicités alternatif. Ces propositions risquent d’avoir un

impact sur la manière dont nous allons repenser les différentes

classifications de jardins dans le futur.

L’analyse discursive s’est d’abord fondée sur des observations

puis sur une littérature universitaire et sur celle de

l’internet. Les dernières innovations dans le domaine de la

construction écologique et de du jardin ne sont pas encore

pleinement recensées. L’internet est un outil important autant

dans l’apprentissage de ces nouvelles techniques que dans sa

diffusion et sa mise en place. L’axe principal de ma recherche

s’est fait par une description d’une lutte de classe autant des

entreprises mondialistes que des producteurs locaux autour du

symbole de l’Organic, un symbole aussi flou et subversif que celui

de la santé. Les producteurs locaux semblent afficher des

intentions de réciprocité plus égales par une économie locale,

dans un monde idéalisé, qui se baserait sans argent. Enfin,

l’utilisation des jardins de la part des municipalités et des ONG

ne se fait pas selon les mêmes usages, ces jardins ne sont pas

créés dès le départ pour les mêmes besoins. L’avenir dira si les

jardins collectifs, les permacultures ainsi que les potagers de

banlieues se regrouperont pour ne former qu’un seul type de

jardin ayant ainsi les mêmes objectifs.

52

Bibliographie :

Bourdieu, Pierre : Méditations Pascaliennes p. 148, Éditions du

Seuil, 1997

Delisle, Sara : Quête de santé et cheminement spirituel : une

règle commune ralliant la diversité de certains vécus spirituels

contemporains, 2013

Denault, Alain : GOUVERNANCE : Le management totalitaire

Drouet, Camille :

http://www.courrierinternational.com/article/2014/06/18/le-

boycott-de-coca-cola-a-fonctionne vu 2014-07-23

Dupont, Luc :

http://radio-canadapodcast.com/emissions/bien_dans_son_assiette/2

013-2014/archives.asp?date=2014-05-07 vu le 2014-07-31

Entine, Jon : http://www.ethicalcorp.com/supply-chains/organic-

food-%E2%80%93-what-%E2%80%98organic%E2%80%99-label-really-worth,

12 juin 2013

Grimard, Stéphanie :

http://affaires.lapresse.ca/economie/canada/201105/13/01-4399274-

ecart-entre-riches-et-pauvres-le-fosse-se-creuse.php

Jordan, Jennifer A. : Landscapes of European Memory: Biodiversity

and Collective Remembrance

53

Legault, Anne-Marie : Le jardin collectif urbain : Un projet

éducatif holistique et fondamentalement politique

Mauss, Marcel : Introduction à l’analyse de quelques phénomènes

religieux, 1906

Ninacs, Wiliam A. : Empowerment et service social : approches et

enjeux, service social, vol. 44, #1, 1995, p.69-93

Nowacek, David M. et Nowacek, Rebecca S. : The Organic Foods

System: Its Discursive Achievements and Prospects, College

English, Vol. 70, No. 4, Special Focus: Food (Mar., 2008), pp.

403-420

Stiegler, Bernard : La bêtise : https://www.youtube.com/watch?

v=FCf-S8mQSZk

54