ÉlÉments de la chaine opÉratoire-fonctionnelle des burins de noailles de bilancino (florence,...

22
ÉLÉMENTS DE LA CHAINE OPÉRATOIRE-FONCTIONNELLE DES BURINS DE NOAILLES DE BILANCINO (FLORENCE, ITALIE) Bianca Maria ARANGUREN, Laura LONGO, Pasquino PALLECCHI, Anna REVEDIN Résumé : Le débat sur la catégorie des outils, traditionnellement classés sous le terme de burin, généralement défini comme “outil destiné au travail des matières dures, en particulier des matières osseuses” s’enrichit par conséquent de l’apport, encore que préliminaire, de l’étude de l’industrie de Bilancino, où deux processus techniques très différents ont été identifiés à l’intérieur de la même catégorie des burins. Le premier se rapportant aux burins de Noailles : la reconstitution de leur chaîne opératoire et fonctionnelle a permis de parvenir à une identification non seulement morphologique mais aussi morpho-technique et fonctionnelle de ce type d’artéfact, qui s’avère effectivement un outil destiné selon toute vraisemblance au travail des fibres végétales et non au débitage des matières dures, selon la définition traditionnelle. Les chutes provenant de ce type de burin peuvent très difficilement être utilisées en raison de leur très petite taille et il convient par conséquent d’exclure une utilisation des burins de Noailles également comme nucléus. Un second processus technique a déjà été identifié dès les premières phases de travail de remontage : nous avons identifié des “burins” qui sont clairement des nucleus. Il s’agit toutefois dans ce cas d’un processus d’une importance accessoire sur le site de Bilancino, caractérisé par la forte spécialisation dans la production et l’utilisation des burins de Noailles. Mots-Clés : Abstract: Although in the Bilancino site the first refitting studies have identified another specialized Burins operative chain, related with bladelet production, the whole functional chain played in Bilancino demonstrates that the site was devoted to the production and utilisation of the Noailles burins for a specific task, and the most confirmed hypothesis is related to the soft vegetal working like the processing of hygrophilus herbs. We propose to re-evaluate the importance of soft vegetal materials differently utilizable in the economy of the Upper Paleolithic (see Pavlov 1). Keywords: À proximité de Florence, aux pieds de l’Apennin, le site de Bilancino offre une possibilité extraordinaire d’étude de la chaîne opératoire des burins de Noailles : on a en effet découvert une paléosurface [figure 1] de plus de 120 m 2 en excellentes conditions de conservation, ayant permis de mettre en lumière plusieurs zones de débitage de silex, locaux (Aranguren et al. 2004) ou d’autres provenances, et un foyer structuré (Aranguren et al. 2001) qui a été extrait pour permettre sa fouille en laboratoire et pour réaliser les moulages des différents phases fonctionnelles. Toute la paléosurface a été informatisée (Aranguren et al. 2002) [figure 2] et l’analyse spatiale est en cours. Le site est celui d’un campement saisonnier avec une activité intense de débitage des silex pour la production d’une industrie caractérisée par un haut degré de spécialisation (Aranguren et Revedin, 2001a). Pour la plupart il s’agit d’outils, des burins sur retouche de type Noailles ; la fabrication et l’utilisation de ces outils sur les lieux sont démontrées par la présence des éléments de leur chaîne opératoire-fonctionnelle ainsi que par les traces d’utilisation. L’analyse préliminaire des surfaces reportant une altération des bords fonctionnels des burins de Noailles a porté sur un échantillon de 48 artéfacts. La sélection a été faite en tenant compte des différentes morpho- logies d’outils et en particulier des différentes phases d’usage et d’utilisation des artéfacts. Pratiquement toute la chaîne opératoire-fonctionnelle étant représentée sur le site de Bilancino, l’adoption d’un critère de potentialité et d’efficacité lié à la morphologie a prévalu dans le choix des artéfacts à analyser. ArchéoLogiques 2 Luxembourg, 2006 p. 000 Titre de l’ouvrage 06_Aranguren.indd 87 13/10/06 19:48:09

Upload: iipp

Post on 20-Nov-2023

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

ÉLÉMENTS DE LA CHAINE OPÉRATOIRE-FONCTIONNELLE DES BURINS DE NOAILLES DE BILANCINO (FLORENCE, ITALIE)

Bianca Maria ARANGUREN, Laura LONGO, Pasquino PALLECCHI, Anna REVEDIN

Résumé : Le débat sur la catégorie des outils, traditionnellement classés sous le terme de burin, généralement défini comme “outil destiné au travail des matières dures, en particulier des matières osseuses” s’enrichit par conséquent de l’apport, encore que préliminaire, de l’étude de l’industrie de Bilancino, où deux processus techniques très différents ont été identifiés à l’intérieur de la même catégorie des burins. Le premier se rapportant aux burins de Noailles : la reconstitution de leur chaîne opératoire et fonctionnelle a permis de parvenir à une identification non seulement morphologique mais aussi morpho-technique et fonctionnelle de ce type d’artéfact, qui s’avère effectivement un outil destiné selon toute vraisemblance au travail des fibres végétales et non au débitage des matières dures, selon la définition traditionnelle. Les chutes provenant de ce type de burin peuvent très difficilement être utilisées en raison de leur très petite taille et il convient par conséquent d’exclure une utilisation des burins de Noailles également comme nucléus. Un second processus technique a déjà été identifié dès les premières phases de travail de remontage : nous avons identifié des “burins” qui sont clairement des nucleus. Il s’agit toutefois dans ce cas d’un processus d’une importance accessoire sur le site de Bilancino, caractérisé par la forte spécialisation dans la production et l’utilisation des burins de Noailles.

Mots-Clés :

Abstract: Although in the Bilancino site the first refitting studies have identified another specialized Burins operative chain, related with bladelet production, the whole functional chain played in Bilancino demonstrates that the site was devoted to the production and utilisation of the Noailles burins for a specific task, and the most confirmed hypothesis is related to the soft vegetal working like the processing of hygrophilus herbs. We propose to re-evaluate the importance of soft vegetal materials differently utilizable in the economy of the Upper Paleolithic (see Pavlov 1).

Keywords:

À proximité de Florence, aux pieds de l’Apennin, le site de Bilancino offre une possibilité extraordinaire d’étude de la chaîne opératoire des burins de Noailles : on a en effet découvert une paléosurface [figure 1] de plus de 120 m2 en excellentes conditions de conservation, ayant permis de mettre en lumière plusieurs zones de débitage de silex, locaux (Aranguren et al. 2004) ou d’autres provenances, et un foyer structuré (Aranguren et al. 2001) qui a été extrait pour permettre sa fouille en laboratoire et pour réaliser les moulages des différents phases fonctionnelles. Toute la paléosurface a été informatisée (Aranguren et al. 2002) [figure 2] et l’analyse spatiale est en cours. Le site est celui d’un campement saisonnier avec une activité intense de débitage des silex pour la production d’une industrie caractérisée par un haut degré de spécialisation (Aranguren et Revedin, 2001a). Pour la plupart il s’agit d’outils, des burins sur retouche de type Noailles ; la fabrication et l’utilisation de ces outils sur les lieux sont démontrées par la présence des éléments de leur chaîne opératoire-fonctionnelle ainsi que par les traces d’utilisation.

L’analyse préliminaire des surfaces reportant une altération des bords fonctionnels des burins de Noailles a porté sur un échantillon de 48 artéfacts. La sélection a été faite en tenant compte des différentes morpho-logies d’outils et en particulier des différentes phases d’usage et d’utilisation des artéfacts. Pratiquement toute la chaîne opératoire-fonctionnelle étant représentée sur le site de Bilancino, l’adoption d’un critère de potentialité et d’efficacité lié à la morphologie a prévalu dans le choix des artéfacts à analyser.

ArchéoLogiques 2Luxembourg, 2006p. 000

Titre de l’ouvrage

06_Aranguren.indd 87 13/10/06 19:48:09

BIANCA MARIA ARANGUREN / LAURA LONGO / PASQUINO PALLECCHI / ANNA REVEDIN

88

Cette étude permettra par conséquent de définir les modes de fabrication et d’utilisation de ce type d’outils, et de parvenir à une identification non seulement morphologique mais aussi véritablement morphotechnique du burin de Noailles.

Figure 1 - Bilancino (Florence, Italie) : localisation des fouilles

a

b

c

d

e

f

gh

i

jk

l

m

n

o

p

qr

s

t

u

v

w

yz

45 44 43 42 41 40 39 38 37 36 35 34 33 32 31 30 29 28 27 26 25 24 23 22 21 20 19 18 17 16 15 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5

0 2 m

Foyer

Paléosurface

Gênes

Bologne

Florence

Ravenne

Pise

Rimini

2000 m1500 m1000 m500 m200 m100 m0 m

PôPô

0 25 50 km

M e r M é d i t e r r a n é e

M e r A d r i a t i q u e

Bilancino

06_Aranguren.indd 88 13/10/06 19:48:14

ÉLÉMENTS DE LA CHAINE OPÉRATOIRE-FONCTIONNELLE DES BURINS DE NOAILLES DE BILANCINO

89

Figure 2 - La paléosurface, secteur droit - en haut : particulier ; en bas : informatisation

06_Aranguren.indd 89 13/10/06 19:48:18

BIANCA MARIA ARANGUREN / LAURA LONGO / PASQUINO PALLECCHI / ANNA REVEDIN

90

L’industrie de Bilancino (b.a., a.r.)

Tout le complexe est constitué de quelques 15 000 artéfacts [figure 3a] ; parmi ceux-ci 10 % sont des outils (analysés avec la typologie Laplace 1972, 1964), dans 1 % des cas il s’agit de nucleus et dans 2 % de chutes de burin (analysées avec la typologie proposée dans Aranguren et Revedin 2001b).

La matière première utilisée est essentiellement constituée par deux groupes : un groupe de silex et de jaspes locaux et l’autre de silex allochtones de meilleure qualité. En termes de pourcentage [figure 3b], la répartition de la matière première sur tout le complexe lithique indique une utilisation presque identique du matériel local et du silex allochtone ; si par contre l’on observe uniquement les outils, cette répartition sou-ligne la prédominance du silex allochtone qui, dans ce cas, représente 70 % de la matière utilisée, démon-trant le caractère intentionnel du choix d’un matériau de meilleure qualité pour la fabrication des outils.

Parmi les outils, 1 500 environ, les burins sont prédominants, avec une majorité (80 %) de burins de Noailles (presque 900, y compris les multiples), représentant par conséquent un échantillon très significatif. On constate également la présence de microgravettes et de lamelles principalement à dos marginal (9 %), troncatures (7 %) et de grattoirs (6 %), avec toutefois un substrat faiblement présent (5 %) comprenant principalement des encoches (3 % du total de l’industrie). Concernant encore les troncatures, on remarquera que ce groupe comprend, comme nous l’analyserons de manière plus détaillée ci-dessous, plusieurs proto-noailles et d’autres éléments pouvant également être mis en rapport avec la chaîne opératoire de Noailles.

Les burins de Noailles correspondent au type classique [figure 4 1-11] caractérisé par un enlèvement de très petites dimensions et par la fréquence des encoches d’arrêt (de Sonneville-Bordes, Perrot 1956 ; Delporte 1968, Djindjian 1977, Demars, Laurent 1989).

Nous examinerons ici uniquement la phase de la chaîne opératoire à partir du choix du support, car les phases précédentes que sont l’approvisionnement en matière première (thème que nous ne ferons que survoler), la préparation du nucleus et le débitage, seront analysées après l’examen des remontages, pour reconstruire la chaîne opératoire générale de l’ensemble du site, dans tous les cas conditionnée par l’extrême spécialisation du site.

Figure 3 - Répartition : a - des artefacts, b - de la matière première sur tout le complexe lithique, c - sur les outils

silex allochtone

matériel local

silex allochtone

matériel local

matériel local

matériel local

outils

nucléus

chutes

éclats

a

b c

29,5 %24,6 %

4,9 %

4,1 %

20,5 %

16,5 %

44,5 %

6,0 %3,8 %

1,9 %

29,0 %

14,7 %

87,1 %

2,3 %0,7 %

9,8 %

06_Aranguren.indd 90 13/10/06 19:48:21

Figure 4 - Burins de Noailles : 1-11, simples ; 12-14, doubles jumeau ; 15-23 doubles opposée (23 avec nouvelle troncature)

06_Aranguren.indd 91 13/10/06 19:48:22

BIANCA MARIA ARANGUREN / LAURA LONGO / PASQUINO PALLECCHI / ANNA REVEDIN

92

Figure 5 - Burins de Noailles triples, 1-4 ; Burin réaffûté, 5 ; Rebuts de burin, 6-8 ; burin sur support fragmenté, 9 ; burin avec chute, 10 ; burins avec cassure proximale, 11-14 ; protonoailles, 15-19

06_Aranguren.indd 92 13/10/06 19:48:22

ÉLÉMENTS DE LA CHAINE OPÉRATOIRE-FONCTIONNELLE DES BURINS DE NOAILLES DE BILANCINO

93

Identification des éléments

Burins de Noailles

Ils comprennent des burins sur troncature généralement oblique ou sur retouche abrupte, concave dans certains cas ; les dimensions des supports utilisés varient dans la plupart des cas de 20 à 30 mm, pouvant rarement atteindre 40 mm, et les dimensions du biseau ne dépassent pas 2 mm ; au-delà de cette limite les burins sur troncature n’ont plus été considérés comme appartenant au type Noailles.

Certains caractères morpho-techniques, comme l’orientation de l’outil sur le support, la largeur et l’angle du biseau (les angles mesurés sont compris dans 50 % des cas entre 60-70°C, dans le reste des cas 50°C et 80°C) et la longueur des enlèvements sont enregistrés dans la base de données pour un échantillon de 268 burins. Compte tenu du caractère extrêmement répétitif et de la standardisation des outillages, que ce soit du point de vue morphologique ou du point de vue technique, une version synthétique de la fiche a été mise au point dans un second temps, en prévoyant uniquement l’indication du type primaire (Burin sur retouche/burin sur retouche à encoche d’arrêt) et secondaire (Noailles/non Noailles) ; elle omet donc la description de la retouche principale et complémentaire et des données typométriques se rapportant aux burins. Les burins étudiés appartiennent par conséquent à chacun des types primaires et au seul type secondaire “Noailles” ; on peut ajouter à chacun des types primaires la connotation “obsolète”, c’est-à-dire avec biseau désormais inutilisable. La fréquence de burins sans encoche d’arrêt (paraNoailles) est à peu près équivalente (ou peut-être légèrement supérieure) à celle des éléments avec encoche (Noailles).

Burins doubles Noailles Para Noailles Mixtes Total

Opposés même bord (B.B) 19 11 2 32

Opposés bords différents (B×B) 15 12 9 36

Jumeaux (B-B) 9 10 14 33

Total 43 33 25 101

Burins triples Noailles Mixtes Total

Noailles/non Noailles 6 6

non Noailles/Noailles 4 4

non Noailles/paraNoailles 1 1

Total 10 1 11

Parmi les burins multiples de nombreux burins obsolètes ont été identifiés [figure 4 12-14, avec flèche hachurée) (Aranguren et Revedin 2001a), ils sont donc oblitérés par la troncature refaite en vue de la fabrication d’un nouveau burin. Ce type de “ravivage” est déjà bien défini : “affûtage par troncature et nouvel enlèvement par coup de burin sur le bord opposé” (Inizan et al. 1995, figure 55 5), et a déjà été relevé par Pradel dans le niveau à burins de Noailles d’Oreille-d’Enfer (Pradel 1959, figure 1 3, 5), et dans une étude plus générale sur les traces d’utilisation des burins (Pradel 1973).

L’analyse des burins multiples permet certaines observations :• le pourcentage élevé de pièces multiples démontre qu’un support approprié était utilisé intensément,

surtout dans le cas de support en silex d’importation : environ 85 % des burins multiples sont réalisés à partir de silex allochtone.

Dans le cas des burins doubles :• le second burin était généralement (2/3) réalisé sur l’extrémité opposée [figure 4 15-21] ; si le second

burin est réalisé sur le même côté, dans certains cas il se présente avec une encoche commune, dans d’autres avec des encoches distinctes. Il est possible de trouver sur le même support des burins avec ou sans encoches ;

06_Aranguren.indd 93 13/10/06 19:48:24

BIANCA MARIA ARANGUREN / LAURA LONGO / PASQUINO PALLECCHI / ANNA REVEDIN

94

• dans un plus faible nombre de cas (environ 1/3) le second burin est jumeau du précédent [figure 4 12-14], il est donc réalisé sur la même extrémité : dans ce cas l’un des deux burins est toujours obsolète, ce qui signifie qu’ils n’étaient pas réalisés et donc utilisés au même moment mais successivement. Il fallait alors créer un nouvel angle aigu entre les deux marges (transversale et latérale) : cette exigence peut être satisfaite comme suit : 1. dans de rares cas, moyennant l’arrangement de la troncature existante par retouche partielle : on

obtient ainsi un burin jumeau sur troncature concave [figure 4 13-14] ; dans le seul cas dans lequel les deux burins sont utilisés de manière contemporaine, la pièce est cassée dans la longitude pour former deux instruments distincts ;

2. ou bien, plus souvent, en refaisant une nouvelle troncature oblique avec une orientation opposée par rapport à la précédente, cette retaille emporte le premier burin, dont seules restent la partie de l’enlèvement (sans celle du départ du coup) et l’éventuelle encoche d’arrêt (= burin obsolète). Ceci pouvait être réalisé soit au moyen d’une retouche totale de la troncature existante [figure 4 22], soit en éliminant, par cassure la zone apicale de l’outil : cette action produit ce que nous avons appelé “scarto di bulino” ou “rebut de burin” ; sur le support restant une nouvelle troncature était réalisée à partir de la cassure [figure 4 23]. La plus faible fréquence de burins jumeaux par rapport aux burins opposés semblerait donc due à la difficulté d’intervenir sur une partie du support déjà modifiée par l’outil précédent.

Les burins triples [figure 5 1-4], sont tous – sauf 1 élément – avec une encoche d’arrêt ; ils sont nécessairement composés de deux burins jumeaux et d’un burin opposé et l’un des deux burins jumeaux est naturellement obsolète ; il est dans certains cas possible d’identifier l’ordre d’exécution/utilisation des trois outils grâce à la superposition des encoches d’arrêt : on peut émettre l’hypothèse que la séquence d’utilisation du support la plus habituelle était : 1° burin – 2° burin opposé – 3° jumeau.

Une séquence différente semble documentée dans un cas : il s’agit d’un burin jumeau, étant obsolète avec une troncature réalisée sur l’extrémité opposée, probablement en vue de la réalisation un troisième burin (protoNoailles).

Burins réaffûtés

Certains burins présentant un, voir au maximum deux enlèvements de très faibles dimensions à partir du biseau, ont été considérés comme des éléments réaffûtés. Ils se distinguent des burins ravivés, c’est-à-dire avec un second coup de burin exportant donc le premier, car dans le cas des burins réaffûtés les coups sont tellement petits qu’ils n’oblitèrent pas le premier enlèvement de burin [figure 5 5].

Rebuts de burin

On l’a dit, certains fragments de burin peuvent être interprétés comme des “rebuts de burin” [figure5 6-8], c’est-à-dire le résultat intentionnel de l’élimination de l’ancien outil pour refaire un nouvel outil ; cette opération produit un burin obsolète en plus du rebut, dont on a découvert une quinzaine d’exemplaires constitués de fragments de petites dimensions, ayant conservé la troncature et le biseau du vieux burin, avec uniquement le démarrage de l’enlèvement ; dans certains cas la fragmentation est intervenue par flexion, dans d’autres cas avec un coup sur la surface dorsale. On notera que les “rebuts de burin” sont tous en silex allochtone et presque tous concentrés dans l’une des zones de travail identifiées sur la paléosurface.

06_Aranguren.indd 94 13/10/06 19:48:25

ÉLÉMENTS DE LA CHAINE OPÉRATOIRE-FONCTIONNELLE DES BURINS DE NOAILLES DE BILANCINO

95

Fragments de burin ou burins sur support fragmenté

Les burins avec cassure proximale sont aussi nombreux [figure 5 1-14] ; on envisage dans ce cas une cassure intentionnelle, dans le but probablement d’obtenir un support avec des dimensions plus appropriées ; dans certains cas le redimensionnement supposé pouvait se faire après l’exécution de l’outil, mais on ne peut le distinguer d’un accident intervenu en phase d’utilisation ; la réutilisation du fragment de base est également documentée, par exemple par l’exemplaire de figure 5 9, où on constate la réutilisation d’un nouveau burin avec encoche d’arrêt partant de la cassure. Il existe ensuite d’autres éléments fragmentaires que l’on peut clairement rapprocher de la chaîne opératoire de Noailles, mais pour lesquels une interprétation sûre est difficile.

Burins en cours de préparation ou protonoailles

Les burins en cours de préparation ou protonoailles sont caractérisés par la troncature oblique et par l’encoche d’arrêt [figure 5 15-18] ; la troncature n’atteint généralement pas la marge destinée à recevoir le coup, qui devient donc de forme convexe, accentuée par l’encoche et dans certains cas régularisée par une fine retouche servant à prédéterminer la direction de la recoupe en la maintenant à proximité du bord de la marge, de manière à ce que la chute soit de petites dimensions ; on retrouve la retouche du bord également sur un bon nombre de chutes [figure 5 10] ; cette morphologie des protonoailles se retrouve également sur certaines pièces sans encoche d’arrêt, qui peuvent donc être attribuables à une phase préparatoire de paranoailles, dans les autres cas il n’est pas possible de les distinguer d’une troncature simple.

Dans cette catégorie, il est possible d’intégrer également des éléments avec retouche latérale pouvant être interprétés comme s’agissant de phases préparatoires de paranoailles sur retouche latérale (B21).

Parmi les burins multiples il existe aussi et bien évidemment des burins en cours de préparation. Dans la plupart des cas il s’agit de troncatures obliques opposées au burin de Noailles [figure 5 19], et dans un cas la nouvelle troncature oblitère l’un des deux burins de Noailles opposés [figure 4 23].

Chutes

On dénombre environ 200 chutes de Bilancino qui ont été classées selon une typologie que nous avons spécialement crée, pour introduire ce groupe d’artéfacts aujourd’hui répertoriés dans les complexes lithiques, dans l’étude techno-typologique de l’industrie.

La classification [figure 6] que nous avons proposé envisage un groupe typologique de chutes de burin intitulé C (chute)1, divisé en deux classes : C1, chutes primaires et C2, chutes secondaires. La première classe comprend 5 types primaires :

• C11 chute primaire simple ;• C12 chute primaire avec retouche préliminaire distale ;• C13 chute primaire avec retouche préliminaire proximale ;• C14 chute primaire avec retouche préliminaire proximale + distale ;• C15 chute primaire avec retouche préliminaire totale.La classe C2 prévoit par contre seulement deux types primaires : • C21 chute secondaire simple ;• C22 chute secondaire avec retouche préliminaire.

1. La lettre R (qui pouvait être utilisée pour “ritaglio” [Chute]) est déjà utilisée dans la typologie Laplace pour les racloirs.

06_Aranguren.indd 95 13/10/06 19:48:26

BIANCA MARIA ARANGUREN / LAURA LONGO / PASQUINO PALLECCHI / ANNA REVEDIN

96

L’identification de types secondaires est effectué par la présence éventuelle des accidents de taille proposée par J. Tixier (Tixier et al. 1980, figure 25) : p, chute outrepassée ; r, chute réfléchie ; t, chute torse.

Pour identifier le burin de provenance, une formule de description a été mise au point ; elle enregistre la localisation et les dimensions du support et des chutes, sans oublier la matière première.

Dans le groupe des chutes de Bilancino, caractérisé par la très faible dimension de la chute, la classe la plus fortement représentée est celle des chutes primaires (C1), à l’intérieur de laquelle le type avec retouche préliminaire proximale est prédominant (59 %), puis vient le type de chute primaire simple ; les chutes secondaires sont plus rares (23 %) et parmi elles les types avec chute simple sont prépondérants (71 %).

Le grand nombre d’éléments avec retouche préparatoire [figure 5 10] à proximité de la zone d’impact (caractérisant les chutes de type C13, C14 et C15, soit 72 % des chutes primaires) est lié à une exigence de type technique pour la réalisation des burins de Noailles : la retouche préparatoire servait à guider le coup le long du bord pour obtenir une chute de dimensions particulièrement réduites.

Figure 6 - Typologie de chutes de burin (ARANGUREN et REVEDIN, 2001b)

06_Aranguren.indd 96 13/10/06 19:48:27

ÉLÉMENTS DE LA CHAINE OPÉRATOIRE-FONCTIONNELLE DES BURINS DE NOAILLES DE BILANCINO

97

Les chutes type C12 et C14, caractérisées par la présence de retouche distale, correspondent à des chutes avec retouche d’arrêt (burins de Noailles), avec ou sans retouche préparatoire.

En ce qui concerne les chutes de type secondaire, dans le cas des burins de Noailles de Bilancino, il faut selon nous plutôt les associer à la correction d’un coup mal fait plutôt qu’au ravivage du burin qui, comme on l’a vu, est réalisé d’une autre manière (burins réaffûtés ou refaits à partir de la même pièce).

Il existe encore sur le site de Bilancino des cas dans lesquels la chute a ensuite été retouchée pour obtenir un outil, mais la rareté de ces éléments conduit à penser que ces événements sont tout à fait occasionnels.

Analyses des traces d’utilisation (l.l, p.p.)

L’observation des artéfacts a porté sur un échantillon comprenant toutes les catégories morphologiques de la chaîne opératoire des burins de Noailles. Dans cette phase préliminaire de recherche, 48 artéfacts ont été sélectionnés sur un groupe plus important d’environ 100 burins. La première phase d’échantillonnage s’est appuyée sur une observation binoculaire (jusqu’à 80 × WILD). Après identification des pièces à retenir, compte tenu de la présence d’altérations “macroscopiques” sur les biseaux et sur les pans, l’étude s’est poursuivie avec l’observation en microscopie optique à forts grossissements (Leica DMLM jusqu’à 400 ×), puis un groupe assez important (38) de ces artéfacts a été analysé par microscopie électronique (Philips scanning electron microscope) ; ceci a également permis d’effectuer des microanalyses (EDAX) pour déterminer la composition chimique de certains résidus ayant adhéré aux surfaces sur lesquelles on constate des traces d’utilisation.

Les artéfacts analysées au SEM n’ont pas été métallisés ce qui permet leur traitement ultérieur en vue de l’extraction future des débris organiques présents sur un bon nombre d’entre eux.

L’échantillon soumis à une analyse fonctionnelle comprend toute les catégories morphologiques des burins de Noailles de Bilancino : burins jumeaux, burins jumeaux concaves, burins triples, rebuts de burin et chutes.

Burins triples : ils sont 7 à présenter des traces d’utilisation, situées sur le biseau et sur le pan. Les résidus organiques sont interprétés comme fragments de végétaux et ils sont dans un cas associés à des stries en position orthogonale par rapport au pan [figure 7a].

Burins jumeaux : il sont 3 à présenter un léger arrondissement des côtes du pan, des résidus et une légère ligne discontinue d’écaillures le long des bords du pan. Les écaillures, principalement de type conchoïdal, se présentent avec un axe légèrement incliné par rapport au pan [figure 7b].

Burins jumeaux concaves : ils sont 2 à présenter des stries sur le pan mais aucun arrondissement du bord [figure 7c] n’a été relevé.

Rebuts de burin : ils sont 6 à présenter un arrondissement et quelques écaillures sur les côtes du pan, avec des résidus de taille et de morphologie standard (on relève à plusieurs reprises la présence de deux morphologies de résidus organiques mais l’analyse EDAX indique systématiquement la présence de chlore) [figures 7d-e, 8].

Compte tenu des travaux précédents sur les burins (Knecht 1988), aucun toutefois n’étant consacré à l’étude des burins de Noailles et en l’absence par conséquent de travaux de référence, cette étude a été conduite sur la base d’une approche intégrée prenant en considération les différents aspects susceptibles de conduire à l’interprétation de la fonctionnalité éventuelle d’un type d’artéfacts.

On a en premier lieu considéré l’ergonomie des supports. Les burins de Bilancino ne sont pas réalisés sur des supports de grandes dimensions ; ceux observés pour l’analyse des traces varient de 2,5 à 5 cm de longueur. Ils sont en outre tous réalisés sur support plat, avec par conséquent une épaisseur moyenne inférieure à 0,4 cm. Le biseau est d’environ 0,2 cm et la longueur du pan dépasse très rarement 2,5 cm. Ces données sont importantes dans l’analyse du potentiel fonctionnel de ces petits artéfacts qui pour jouer de toute leur

06_Aranguren.indd 97 13/10/06 19:48:28

BIANCA MARIA ARANGUREN / LAURA LONGO / PASQUINO PALLECCHI / ANNA REVEDIN

98

efficacité devraient être placés sur un manche. Cette donnée n’est toutefois pas confirmée par les analyses préliminaires faites à ce jour et devra quoi qu’il en soit faire l’objet d’une étude plus approfondie.

L’expérimentation a en effet montré que l’effrangement des fibres végétales est possible en tenant l’outil à mains nues mais serait incontestablement plus efficace si l’opération était réalisée en introduisant la partie de l’outil qui effectue le travail sur un manche qui en augmente considérablement l’ergonomie.

Sur le site de Bilancino, plusieurs matières premières siliceuses ont été employées : non seulement du jaspe mais aussi du silex et parmi le silex la provenance et les caractéristiques structurelles peuvent être différentes. Ceci ne semble pas avoir constitué un problème particulier pour les gravettiens car toutes les matières premières ont été utilisées, même s’il faut noter une certaine prédominance d’intensité d’utilisation des bords actifs des burins obtenus à partir de supports en silex allochtone. Cet aspect, c’est-à-dire le degré variable de réponse aux sollicitations d’utilisation des différents types de matière première devra être également approfondi. À ce propos en effet, on a observé 6 rebuts de burin présentant encore des traces du biseau complètement utilisé et donc “obsolète”, tous obtenus sur du silex allochtone, celui qui est considéré de meilleure qualité.

Figure 7 - a : biseau du burin triple avec des stries orientées perpendiculairement au pan ; b : ligne d’écaillures du type conchoïdal sur le pan ; c : face ventrale du burin avec des stries à côté du pan ; d : résidu organique à l’intérieur d’une

écaillure ; e : résidu organique probablement d’origine végétale, mais pas encore déterminé

a b

c d

e

06_Aranguren.indd 98 13/10/06 19:48:29

ÉLÉMENTS DE LA CHAINE OPÉRATOIRE-FONCTIONNELLE DES BURINS DE NOAILLES DE BILANCINO

99

Comme déjà observé par Aranguren et Revedin (Aranguren et Revedin 2001a), on a pu confronter certaines données analytiques avec des contextes ethnographiques grâce à la connaissance actuelle de l’existence d’outils appelés arfinden, utilisés dans le travail de la canne palustre (Typha), ce végétal caractéristique des zones marécageuses (Aranguren et al. 2003a), ces outils étant conservés au Centre ethnographique de la Civilisation palustre de Villanova de Bagnacavallo (Ravenna).

L’analyse microscopique des biseaux et des pans a permis également l’identification de résidus organiques sur les bords actifs. Il existe au moins 3 morphologies différentes de résidus, l’une d’elles, – incontestablement celle que l’on retrouve le plus fréquemment – est représentée sur la figure 7a. Notons qu’elles sont localisées uniquement dans la partie active de l’outil et que les nombreuses microanalyses effectuées ont toujours montré la présence de chlore [figures 7e, 8]. Associé à la morphologie du débris et aux caractéristiques des traces – polissage et stries – cette donnée nous incite à penser que le burin de Noailles de Bilancino fut effectivement un outil destiné au travail et à la transformation des matières végétales.

Cette observation ouvre le débat sur la nécessité d’une nouvelle évaluation de l’importance que les matières périssables, en particulier les matières végétales non particulièrement dures – ou tendres – peuvent avoir eu dans les économies de subsistance des populations du paléolithique supérieur (Soffer et al. 1998, 1999, 2001).

Figure 8 - EDAX analyse du résidu organique

C K

NaK

MgK

AIK

SIK

O K P K

S K

CIK

CaK

K K

Tilt: 15.0

Label:

KV: 25.0 Take-off: 36.2

Untitled: 0

Tc: 40

12-Jul-3 11:33:09LSEC : 45FS : 3458

Res: 138Det Type: UTW+

1.00 1.50 2.50 3.00 3.50 4.00 4.500.50 2.00

06_Aranguren.indd 99 13/10/06 19:48:30

BIANCA MARIA ARANGUREN / LAURA LONGO / PASQUINO PALLECCHI / ANNA REVEDIN

100

Conclusions (b.a., l.l., p.p., a.r.)

Pour résumer, dans la chaîne opératoire des burins de Noailles de Bilancino [figure 9], on notera comme suit :

• le support est normalement constitué d’un éclat ou d’une fine lamelle, parfois la base, en particulier lorsqu’elle était épaisse, était emportée par cassure ;

• puis une troncature fortement oblique ou concave (cette dernière rarement toutefois), était réalisée, sans toucher la zone de la marge adjacente sur le côté de la pièce ;

• souvent le bord latéral était retouché pour préparer une morphologie favorable au coup de burin ; la nécessité de retoucher préalablement le bord de la pièce était évaluée au fur et à mesure en fonction de la morphologie du support ;

• la prédisposition d’une encoche d’arrêt dépendait également de la morphologie du support, comme semble d’ailleurs en attester la présence de burins avec ou sans encoche sur la même pièce ;

• de toute évidence, ces outils s’abîmaient au cours de leur utilisation, rendant leur réfaction nécessaire ; surtout dans le cas de burins réalisés dans du silex de qualité supérieure (allochtone), le même support était utilisé plusieurs fois, en modifiant ou en retirant la troncature : c’est de cette manière que naissent d’une part les “burins obsolètes” et de l’autre les “rebuts de burin” (en italien “scarti di bulino”) ;

• la réutilisation d’un même support avec un ordre de rotation et l’usure rapide du bord actif rend peu vraisemblable l’hypothèse qui voudrait que les burins de Noailles aient été emmanchés, emmanchement dont en effet aucune trace n’a pour le moment été retrouvée.

• le biseau et le pan étaient les parties de l’artéfact ayant un rôle fonctionnel ; on y a relevé des traces d’utilisation et des débris organiques ;

• un pourcentage très élevé de l’échantillon analysé (87 %) porte des résidus adhérents au bord fonctionnel. Ces résidus ne sont pas visibles sur les portions restantes de l’artéfact ni sur d’autres catégories typologiques, encore en phase d’analyse, tels que les abrupts ;

• l’intensité des traces d’utilisation semble plutôt standardisée : bien que le choix de support en silex allochtone soit prépondérant dans le cas d’une réutilisation intense, le degré d’arrondissement et les stries sont observés de la même manière sur tous les types de matière première.

La chaîne opératoire et fonctionnelle du burin de Noailles de Bilancino démontre la production et l’utilisation sur les lieux de ces outils ; sur la base des confrontations ethnographiques et de l’analyse des traces d’utilisation, on pense qu’ils étaient destinés à travailler les matières végétales, en particulier probablement les herbes palustres.

Il est en outre intéressant de relever le degré différent d’utilisation des différentes matières premières employées ; le silex importé pourrait être de meilleure qualité en terme de résistance à l’usure par rapport au jaspe et au silex locaux.

Le débat sur la catégorie des outils, traditionnellement classés sous le terme de burin, généralement défini comme “outil destiné au travail des matières dures, en particulier des matières osseuses” s’enrichit par conséquent de l’apport, encore que préliminaire, de l’étude de l’industrie de Bilancino, où deux processus techniques très différents ont été identifiés à l’intérieur de la même catégorie des burins. Le premier se rapportant aux burins de Noailles : la reconstitution de leur chaîne opératoire et fonctionnelle a permis de parvenir à une identification non seulement morphologique mais aussi morpho-technique et fonctionnelle de ce type d’artéfact, qui s’avère effectivement un outil destiné selon toute vraisemblance au travail des fibres végétales et non au débitage des matières dures, selon la définition traditionnelle. Les chutes provenant de ce type de burin peuvent très difficilement être utilisées en raison de leur très petite taille et il convient par conséquent d’exclure une utilisation des burins de Noailles également comme nucleus. Un second processus technique a déjà été identifié dès les premières phases de travail de remontage (Aranguren et al. 2003b) : nous avons identifié des “burins” qui sont clairement des nucléus. Dans ce cas la technique de débitage,

06_Aranguren.indd 100 13/10/06 19:48:31

ÉLÉMENTS DE LA CHAINE OPÉRATOIRE-FONCTIONNELLE DES BURINS DE NOAILLES DE BILANCINO

101

hautement spécialisée, déjà connue dans les contextes de l’aurignacien et du gravettien français, est destinée à la production de supports lamellaires avec une morphologie prédéfini, qui selon toute probabilité devaient servir à la production d’armatures à dos. Il s’agit toutefois dans ce cas d’un processus d’une importance accessoire sur le site de Bilancino, caractérisé par la forte spécialisation dans la production et l’utilisation des burins de Noailles.

(Traduction par Florence Duhamel)

Figure 9 - La chaîne opératoire des burins de Noailles de Bilancino

06_Aranguren.indd 101 13/10/06 19:48:32

BIANCA MARIA ARANGUREN / LAURA LONGO / PASQUINO PALLECCHI / ANNA REVEDIN

102

THE OPERATIVE CHAIN OF THE NOAILLES BURIN: TIPOLOGY, TECHNOLOGY AND FUNCTIONALITY

The site of Bilancino is located at the base of the Apennine Mountains chain, nearby Florence, Tuscany, Italy. It represents a special case for the study of the Noailles burins operative/functional chain.

An exceptionally well preserved paleosurface, of about 120 square metres [figure 1], has been excavated and rendered several areas devoted to the knapping of local and imported flint (Aranguren et al. 2004), a hearth structure (Aranguren et al. 2001) [figure 2], which have been duly excavated in laboratory. The paleosurface has been digitally recorded (Aranguren et al. 2002) [figure 7] and the spatial analysis is still in progress.

The site is interpreted as a seasonal camp-site, characterized by the intense production of a lithic assemblage with a very high specialization degree (Aranguren and Revedin 2001a).

Noailles burins represent the majority of the tools : 15 000 artefacts, 1 500 tools among which 900 are Noailles burins; their manufacture and utilization in place are testified by the presence of all the operative chain elements as well as by their use-wear traces.

By comparing the degree of raw materials transformation, regarding their petrographic attribution and geological origin, they were used about in the same percentage [figure 10]. While, by considering only the retouched artefacts, it strikes that the 70 % are represented by imported flint, showing an intentional choice for the better quality raw material [figure 3].

The Noailles burins belong to the classical type [figure 4 1-11] characterized by a removal of extremely reduced dimensions and by the frequency of stop notches (de Sonneville-Bordes and Perrot 1956; Delporte 1968, Djindjian 1977, Demars and Laurent 1989).

We will present the reconstruction of the operative chain from the blank choice to its exploitation.

Noailles Burins

They include truncation burin, usually oblique or on abrupt distal retouch, rarely concave; blanks dimensions are between 20-30 mm, rarely go up to 40 mm. The bit (biseaux) length doesn’t exceed the 2 mm, diversely the burins are not considered as Noailles type.

Among the multiple burins, have been described what we called “obsolete burins” [figure 4 12-14], that is to say, that the bit (biseaux) was removed by the following truncation in order to re-sharpen it. This kind of rejuvenation is already known in the literature (Inizan et al. 1995, figure 55 5; Pradel 1959, figure 1 3, 5, 1973).

The analysis of the multiple burins allows us some consideration:• the high percentage of the multiple tools demonstrate that “good” blank was intensively exploited. This

is even more striking when considering the raw material quality: infact the 85 % of the multiple ones is made on imported flint;

• the analysis of the double burins shows that the “opposite type” [figure 4 15-21] is more frequent than the “twin type”;

• the twins [figure 4 12-14] are always composed of an “obsolete” one that demonstrate, in our opinion, the consequential utilization of the tool.

The rejuvenation of the functional area request the modification of the truncation that, in some cases, is deepened by forming a real concavity [figure 4 13-14] to prepare the right angle for the new burin. In the great part of the cases the truncation was re-prepared by stricking on the opposite direction changing the inclination of the truncation itself. This last operation produces some artefacts that we called “reject of burins”.

06_Aranguren.indd 102 13/10/06 19:48:32

ÉLÉMENTS DE LA CHAINE OPÉRATOIRE-FONCTIONNELLE DES BURINS DE NOAILLES DE BILANCINO

103

All the triple burins (10) but one presents the stopping notch [figure 5 1-4]. The standard production sequence seems to be: the creation of the two opposite biseaux, one of which is successively stroke transforming it in a twin.

Rejuvenated burin

We consider among this group some tools that show very tiny scarring on the bit (biseaux) that don’t obliterate the principal spall [figure 5 5].

Reject of burins and burins on fragmented blank

They derive from the intentional removal of the old functional part in order to create a new active portion. This operation may produce an “obsolete burin” and a “reject of burin”, represented by small fragments with a truncation and a bit (biseaux) [figure 5 6-8]. To be notice that all the reject of burins are made of imported flint.

Even frequent are the burins obtained on fracturated blanks [figure 5 11-14]. In some cases the intentionality of the fracture is related to the reduction of the dimensions (of the blank) as documented in the case of figure 5 9, where on the proximal fragment another burin was stroke.

Burins in progress or the so called Protonoailles

The Protonoailles are characterized by the presence of the oblique truncation and the stopping notch [figure 5 15-18]. The truncation generally doesn’t reach the very end of the truncated edge that became even more convex by the presence of the notch. In a certain amount of cases the very edge of this side is prepared with a marginal retouch (that we found also on the majority of the burin spalls, e. g. figure 5 10). The same operative sequence could be seen on the multiple burins: they show primarily oblique truncation opposite to the burin [figure 5 19].

Burin spalls

This group is composed of about 200 pieces which variability allowed us to propose a typology [figure 6] in order to describe their techno-typological characteristics to adapt the Laplace (Laplace 1972, 1964), proposal applying its criteria (see Aranguren and Revedin 2001b). The C (like chute) group is divided into 2 classes: - C1, first order burin spalls, that includes 5 primary types and - C2, second order burin spalls, that includes 2 primary types.

At Bilancino some retouched burin spalls could be considered actually a tool, but the transformation of the spall in a tool has to be considered absolutely occasional.

The use-wear analysis

This preliminary communication concerns a sample of 48 tools representing all the morphological categories of the Noailles burins operative chain. Lithics have been analysed both with the high power approach (MO) and than by their observation with the SEM. The real tools have been observed since the Low Vacquum SEM doesn’t request to metallize the artefacts.

By taking into account the previous work published either on experimental approach and on use-wear analyses we have considered in the study of Bilancino: - the ergonomy of the tools (physics of tool manipulation), the relationship between blank dimensions and the tools active portion, in order to evaluate

06_Aranguren.indd 103 13/10/06 19:48:33

BIANCA MARIA ARANGUREN / LAURA LONGO / PASQUINO PALLECCHI / ANNA REVEDIN

104

their possible utilization on which sort of hardness materials (resistance to fracturing); - the relationship between raw material quality and degree of exploitation (production == rejuvenation == utilization == rejuvenation…); - the localization of the active portion (in the sample always restricted to the bit and the nearest areas of the facet edge and plane) and of the organic residues; the ethnographic comparison (the tool named as arfinden was utilized in the transformation chain of hygrophilus herbs in the valleys in the nearby of Ravenna, see Aranguren et al. 2004).

Conclusions

Summarizing the principal steps of the Noailles burins operative chain [figure 9]:1. Choice of the blank: - the blank is both very thin flakes and bladelets; - the base, sometimes, when

thick, was fractured.2. Preparation of the burin: a very oblique (rarely concave) truncation was prepared; - often the adjacent

edge was prepared (marginal retouch) in order to predetermine the stroke; - the eventual preparation of the stopping notch.

Both this last operations were applied to the exploitation strategy of the blank.3. Rejuvenation of the functional area: the intense utilization of the bits necessitates the frequent re-

sharpening of the active part by subsequent removal of the exploited functional area by applying the technique exposed above.

The use-ware analysis shows that the active, functional areas of the Noailles burins were the bit and the pan [figure 7a-b-c]; these active portions of the tools are characterized by the presence, in many cases (87 %), of preserved organic residues [figure 7d-e].

Organic residues present almost 3 different morphologies, one more frequent [figure 7a], but all of them contain Chlorine [figure 8]. Also this element , together with use-wear typology and residue morphology let us believe that the Noailles burins were effectively used for the processing of soft vegetables.

Although in the Bilancino site the first refitting studies have identified another specialized Burins operative chain, related with bladelet production (Aranguren et al. 2003b), the whole functional chain played in Bilancino demonstrates that the site was devoted to the production and utilisation of the Noailles burins for a specific task, and the most confirmed hypothesis is related to the soft vegetal working like the processing of hygrophilus herbs (Aranguren and Revedin 2001a, Aranguren et al. 2003a). We propose to re-evaluate the importance of soft vegetal materials differently utilizable in the economy of the Upper Paleolithic (see Pavlov 1 : Soffer et al. 1998, 1999).

Bianca Maria ArangurenSoprintendenza Archeologica della Toscana

Via della Pergola 65, I-50121 Firenze, Italie

[email protected]

Laura LongoMuseo di Storia Naturale di Verona

Lungadige Porta Vittoria 9, I-37129 Verona, Italie

[email protected]

Pasquino PallecchiSoprintendenza Archeologica della Toscana

Via della Pergola 65, I-50121 Firenze, Italie

[email protected]

Anna RevedinIstituto Italiano di Préhistoria e Protohistoria

Via S.Egidio 21, I-50122 Firenze I, Italie

[email protected]

06_Aranguren.indd 104 13/10/06 19:48:34

ÉLÉMENTS DE LA CHAINE OPÉRATOIRE-FONCTIONNELLE DES BURINS DE NOAILLES DE BILANCINO

105

Adovasio et al. 1999, Adovasio J.M., Soffer O., Klima B.,

Svoboda J.A., Textil, kosìkarstvì a sìte v mladém paleolitu

Moravy, Archeologické rozhledy, 51, 1, 1999, p. 58-94.

Aranguren et al. 2003b, Aranguren B., Baglioni L.,

Revedin A., Nuclei a morfologia bulinoide: prime osserva-

zioni sulla produzione lamellare gravettiana di Bilancino

(Firenze), Rivista di Scienze preistoriche, Firenze, 53, 2003b,

p. 569-580.

Aranguren et al. 2003a, Aranguren B., Giachi G.,

Mariotti Lippi M., Mori Secci M., Paci S., Revedin A.,

Rodolfi G., Paleoecological data on the Gravettian settle-

ment of Bilancino (Florence, Italy), in: Le rôle de l’environne-

ment dans les comportements des chasseurs-cueilleurs préhistori-

ques, Patou-Mathis M., Bocherens H. Eds., Oxford, BAR.,

2003a, p. 171-179 (BAR international series ; 1105 / Congrès

UISPP ; 14).

Aranguren et al. 2001, Aranguren B., Giachi G.,

Pallecchi P., Revedin A., Primi dati sul focolare gravet-

tiano di Bilancino, in: Atti della XXXIV Riunione Scientifica

“Preistoria e Protostoria della Toscana”, Firenze 1999, Istituto

Italiano Di Preistoria E Protostoria Ed., Firenze, IIPP, 2001,

p. 337-348.

Aranguren et Revedin 1997, Aranguren B., Revedin A.,

Il ciottolo inciso e utilizzato dall’insediamento gravettiano di

Bilancino e i “ciottoli a cuppelle” in Italia, Rivista di Scienze

preistoriche, 48, 1997, p. 187-222.

Aranguren et Revedin 1998, Aranguren B., Revedin A.,

L’habitat gravettien de Bilancino (Barberino di Mugello -

Italie centrale), in: The first humans and their cultural mani-

festations - Lower Middle Palaeolithic - The Upper Palaeolithic,

Facchini F., Palma Di Cesnola A., Piperno M. et al. Eds.,

Forlí, ABACO, 1998, p. 511-516 (Actes du 13e Congrès de

l’UISPP, Forlí 1996, volume 2).

Aranguren et Revedin 2001a, Aranguren B., Revedin A.,

Interprétation fonctionnelle d’un site gravettien à burins de

Noailles, L’Anthropologie (Paris), Paris, 105, 4, 2001a, p. 533-

545.

Aranguren et Revedin 2001b, Aranguren B., Revedin A.,

Note tecniche e tipologiche sui ritgli di bulino, Rivista di

Scienze preistoriche, Firenze, 51, 2001b, p. 455-464.

Aranguren et al. 2002, Aranguren B., Revedin A.,

Bartolacci S., Moranti R., L’insediamento gravettiano di

Bilancino (Firenze), in: Analisi informatizzata e trattamento

dati delle strutture di abitato di età preistorica e protostorica in

Italia, Peretto C. Ed., Firenze, IIPP, 2002, p. 71-81 (Origines.

Progetti ; 1).

Aranguren et al. 2004, Aranguren B., Revedin A.,

Sozzi M., Vannucci M.L., Vannucci S., First Results on

Provisioning Sources of Siliceous Raw Materials for Gravet-

tian Artefacts from Bilancino (Florence, Italy), in: Section 6 :

Le Paléolithique supérieur : sessions générales et posters, Dewez

M.C., Noiret P., Teheux E. et al. Eds., Oxford, Archaeopress,

2004, p. 119-126 (BAR international series ; 1240 / Congrès

UISPP ; 14).

Delporte 1968, Delporte H., L’abri du Facteur a Tursac

(Dordogne), Gallia Préhistoire, 11, 1, 1968, p. 1-112.

Demars et Laurent 1989, Demars P.-Y., Laurent P., Types

d’outils lithiques du Paléolithique supérieur en Europe, Paris,

CNRS, 1989, 178 p. (Cahiers du Quaternaire ; 14).

Djindjian 1977, Djindjian F., Burin de Noailles, burin sur

troncature et sur cassure : statistique descriptive appliquée

à l’analyse typologique, Bulletin de la Société préhistorique

française, 74, 5, 1977, p. 145-154.

Inizan et al. 1995, Inizan M.-L., Reduron M., Roche H.,

Tixier J., Technologie de la pierre taillée, suivi par un diction-

naire multilingue allemand, anglais, arabe, espagnol, français,

grec, italien, portugais, Meudon, Centre de Recherches et

d’Études préhistoriques / CNRS, 1995, 199 p. (Préhistoire de

la pierre taillée ; 4).

Knecht 1988, Knecht H. Ed., Upper paleolithic burins:

type, form and function, Oxford, BAR, 1988, 192 p. (BAR

international series ; 434).

Bibliographie

06_Aranguren.indd 105 13/10/06 19:48:35

BIANCA MARIA ARANGUREN / LAURA LONGO / PASQUINO PALLECCHI / ANNA REVEDIN

106

Laplace-Jauretche 1964, Laplace-Jauretche G., Essai de

typologie systématique, Ferrara, Universita degli Studi, 1964,

85 p. (Annali dell’Università di Ferrara. Sezione 15: Paleonto-

logia umana e paletnologia - Supplemento ; 1).

Laplace-Jauretche 1974, Laplace-Jauretche G., La typo-

logie analytique et structurale : base rationnelle d’étude des

industries lithiques et osseuses, in: Banques de données archéo-

logiques, Borillo M., Gardin J.-C. Eds., Paris, CNRS, 1974,

p. 92-143 (Colloques nationaux du Centre National de la

Recherche Scientifique ; 932).

Pradel 1959, Pradel L., Le niveau de Noailles d’Oreille-

d’Enfer, commune des Eyzies-de-Tayac (Dordogne), Bulletin

de la Société préhistorique française, Paris, 56, 1959, p. 229-

235.

Pradel 1973, Pradel L., Traces d’usage sur les burins du

Paléolithique supérieur, Bulletin de la Société préhistorique

française, 70, 1973, p. 90-96.

Soffer et al. 1998, Soffer O., Adovasio J.M., Hyland D.C.,

Klima B., Svoboda J.A., Perishable technologies and the

genesis of the Eastern Gravettian, Anthropologie (Brno), 36,

1-2, 1998, p. 43-68.

Soffer et al. 2000, Soffer O., Adovasio J.M., Illing-

worth J.S., Amirkhanov H.A., Praslov N.D., Street M.,

Palaeolithic perishables made permanent, Antiquity, Oxford,

74, 286, 2000, p. 812-821.

Sonneville-Bordes (De) et Perrot 1956, Sonneville-

Bordes (De) D., Perrot J., Lexique typologique du Paléo-

lithique supérieur : outillage lithique. IV – Burins, Bulletin

de la Société préhistorique française, 53, 1956, p. 408-412.

Tixier et al. 1980, Tixier J., Inizan M.-L., Roche H.,

Dauvois M., Préhistoire de la pierre taillée I : Terminologie et

technologie, Valbonne, CREP, 1980, 123 p.

06_Aranguren.indd 106 13/10/06 19:48:36

06_Aranguren.indd 107 13/10/06 19:48:37

06_Aranguren.indd 108 13/10/06 19:48:37