décompte individuel des frais de chauffage et d’eau chaude : quelle efficacité pour les...
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Maîtrise universitaire en management public (MAP)
Mention Gestion de l’environnement
Décompte individuel des frais de chauffage et
d’eau chaude : quelle efficacité pour les
économies d’énergie et historique de
l’instrument à Genève
Travail de mémoire de Joris Vaucher
Sous la direction des professeurs
Franco Romerio & Frédéric Varone
Genève, 2014
I
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidé à réaliser cette recherche :
Les professeurs Frédéric Varone et Franco Romerio, pour leurs bons conseils et leur
soutien.
Les collaborateurs de l’OCEN, qui ont beaucoup contribué à la qualité de cette recherche
en répondant à mes questions et en me fournissant les documents utiles.
Les nombreuses personnes qui m’ont fourni des informations lors d’interviews, au
téléphone ou par échanges d’emails.
Ma famille et mes amis, pour leur soutien.
Ce mémoire a partiellement été réalisé au cours d’un stage de cinq mois à plein temps à
l’Office cantonal de l’énergie de Genève (OCEN), de août à fin décembre 2013. Cet
environnement était très favorable à ma recherche, car il m’a permis d’obtenir des
informations plus facilement et de mieux connaître les « coulisses » de la politique
énergétique genevoise. Je remercie Christian Freudiger (mon responsable de stage) et Rémy
Beck (le directeur scientifique) d’avoir accepté ma demande de stage.
II
Résumé
Réduire la consommation d’énergie est une nécessité et un défi majeur de notre époque.
Dans un pays tempéré comme la Suisse, le chauffage et l’eau chaude sanitaire
représentent environ la moitié de la consommation d’énergie totale. On a beaucoup misé
sur la technique pour atteindre des objectifs d’économie d’énergie depuis les chocs
pétroliers, mais moins sur les comportements où il y a pourtant un grand potentiel. Les
décomptes individuels sont l’un des principaux instruments qui ont été utilisés à cette fin.
Il s’agit d’un moyen technique qui permet d’encourager les comportements économes
grâce à l’incitatif financier et à l’information sur la consommation qu’il rend possible.
L’incitatif par l’information est encore peu connu et utilisé en Suisse.
Bien que l’efficacité des décomptes individuels pour les économies d’énergie ait été
démontrée à de maintes reprises et depuis longtemps, leur mise en œuvre varie
beaucoup selon les cantons. Leur efficacité est d’ailleurs encore niée ou nuancée par
des acteurs clés de la politique et de l’administration genevoise. Ceci explique d’une part
qu’ils n’aient pas été généralisés suite à l’acceptation d’une initiative populaire genevoise
puis d’une loi fédérale qui l’exigeaient, mais aussi leur très faible mise en œuvre dans
les catégories de bâtiments où ils sont obligatoires depuis 1993.
Les raisons invoquées par ces personnes pour s’opposer à cet instrument sont une
remise en question de son efficacité et/ou de sa rentabilité à l’échelle de l’immeuble, puis
la proposition d’alternatives présentées comme étant plus justes et plus efficientes. Nous
discutons de la pertinence de ces arguments et des effets qu’ont eu les alternatives
choisies.
Le coût de la mise en œuvre pour les autorités compétentes (contrôles, sanctions) a
aussi été un argument en défaveur de l’instrument. Le gouvernement allemand a
pourtant réussi à le généraliser simplement en changeant une loi. Celle-ci donne aux
locataires le droit d’exiger un rabais de 15% sur la facture d’énergie en l’absence de
décomptes, ce qui a suffisamment incité les propriétaires à les installer. Cette loi de 1981
est étonnamment méconnue en Suisse encore aujourd’hui, bien qu’un rapport sur le
DIFC en Suisse commandé par l’OFEN à l’institut privé d’évaluation des politiques
publiques Interface et publié en 2008 recommande de s’inspirer de cette méthode.
Selon nous, les décomptes individuels devraient être généralisés si l’on cherche à
diminuer les émissions de GES avec une taxe CO2. Sans décomptes, les locataires –
largement majoritaires en Suisse- et leurs propriétaires ne sont tout simplement pas des
groupes cibles de la taxe, d’autant plus dans un contexte de crise du logement.
L’« investor-user-dilemma » serait le principal obstacle aux rénovations et autres
opérations visant à diminuer la consommation d’énergie des logements collectifs. Des
pistes visant à atténuer ce problème sont discutées ou proposées à la fin de ce rapport.
III
Table des matières
Liste des acronymes .......................................................................................................... V
1 - PROBLEMATIQUE ......................................................................................................... 1 Nécessité d’agir vite et de manière efficace pour réduire les émissions de GES .................................... 1 Avantages à agir sur les comportements ................................................................................................................ 4 Pourquoi les logements collectifs sont particulièrement intéressants pour les économies d’énergie ............................................................................................................................................................................... 6 Particularités du contexte actuel en Suisse et à Genève ................................................................................... 7 Plan du travail et questions de recherche............................................................................................................... 7
2 - OBJECTIFS ET FONCTIONNEMENT DU DIFC ................................................................... 9 Historique du chauffage et de son utilisation ........................................................................................................ 9 Le problème de l’aléa moral ....................................................................................................................................... 12 Objectifs du DIF(E)C ...................................................................................................................................................... 13 Fonctionnement .............................................................................................................................................................. 13
3 - LIMITES DE LA TECHNIQUE ET IMPORTANCE D’AGIR SUR LES COMPORTEMENTS ........ 17 Pourquoi la technique ne suffit pas ......................................................................................................................... 17 Corrélations entre attitudes, opinions, milieux socioculturels et comportements de consommation .................................................................................................................................................................. 19 L’utilité des feedbacks et autres informations sur la consommation ........................................................ 22
4 - QUELLE EFFICACITE DES DECOMPTES INDIVIDUELS DE CHALEUR? ............................... 29 Efficacité du DIFC ............................................................................................................................................................ 29 Analyse coûts-bénéfices du rapport d’Interface (DIFC + DIFEC) ................................................................ 39 Efficacité des décomptes individuels de frais d’eau et d’eau chaude (DIFE et DIFEC) ...................... 41 Analyse coûts-bénéfices pour le DIFEC seul (sans DIFC) ............................................................................... 45 Le DIFC est-il un complément ou une alternative à l’équilibrage des chauffages ? ............................. 46 Y-a-t-il un « vol de chaleur » lié au DIFC ? ............................................................................................................. 48
5 – Les multiples bénéfices de l’efficacité énergétique + conséquences possibles d’une
forte hausse du prix de l’énergie sur le DIFC ( en annexe) ............................................ 50
6 - HISTORIQUE DU DIFC EN SUISSE ET A GENEVE ............................................................ 51 Bref historique de la politique énergétique fédérale ....................................................................................... 51 Historique du DIFC en Suisse ..................................................................................................................................... 56 Historique de la politique énergétique du bâtiment et du DIF(E)C à Genève........................................ 61 Acceptabilité des décomptes individuels à Genève et Suisse ....................................................................... 71 Brève évaluation de la politique genevoise du « Bon IDC ou DIFC » et comparaison avec Bâle-Ville et Zürich .................................................................................................................................................................... 73 La généralisation du DIFC est-elle un frein aux rénovations ? ..................................................................... 83
7 – Obstacles à la mise en œuvre de la politique énergétique du bâtiment à Genève ( en annexe) .......................................................................................................................... 85
8 –LES DECOMPTES INDIVIDUELS DEVRAIENT ILS ETRE INDISPENSABLES AVEC LA TAXE CO2 ? ...................................................................................................................... 86
9 – LIMITES DE LA LOI DE 2010 SUR LE REPORT DE LA BAISSE PREVISIBLE DES CHARGES SUR LES LOYERS & PROPOSITION DE PROJET DE LOI ............................................................... 92 Limites de la loi actuelle sur le report de la baisse prévisible des charges (BPC) sur le loyer: ...... 92 Proposition de projet de loi : « Loi des 50/50 » ................................................................................................. 97 Autre proposition : report du coût des travaux et rénovations sur les charges plutôt que sur les loyers .................................................................................................................................................................................... 99
IV
10 - TABLEAU COMPARATIF DES POLITIQUES D’ECONOMIE D’ENERGIE PRESENTEES ...... 100
11 – TABLEAU CHRONOLOGIQUE DU DIFC ET DE LA POLITIQUE ENERGETIQUE DU BATIMENT .................................................................................................................... 102
CONCLUSION & RECOMMANDATIONS .......................................................................... 106
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 114
ANNEXES ...................................................................................................................... 124 Exemple de fiche de décompte pour le chauffage et l’eau chaude (Aubort SA) ................................. 124 Motion « pour que le Conseil d’Etat applique la loi sur l’énergie sans tarder ! » de juin 2013 .... 125 Réponse du Conseil d’Etat à la question écrite urgente de M. François Lefort : La loi sur l'énergie a-t-elle eu l'effet incitatif attendu sur les rénovations énergétiques des bâtiments ? ..................... 127 Chapitre 5 – LES MULTIPLES BENEFICES DE L’EFFICACITE ENERGETIQUE + CONSEQUENCES POSSIBLES D’UNE FORTE HAUSSE DU PRIX DE L’ENERGIE SUR LE DIFC .......................................... 129 Chapitre 7 : OBSTACLES A LA MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE ENERGETIQUE DU BATIMENT A GENEVE ........................................................................................................................................................................ 136
V
Liste des acronymes
BPC : Baisse prévisible des charges
DIFC : Décompte individuel des frais de chauffage
DIFEC : Décompte individuel des frais d’eau chaude
DIF(E)C : Décompte individuel des frais de chauffage et d’eau chaude
DIFE : Décompte individuel des frais d’eau
ECS : Eau chaude sanitaire
GES : Gaz à effet de serre
IDC : Indice de dépense de chaleur
MDE : Maîtrise de la demande d’énergie
PAC : Pompe à chaleur
T : Température
1
1 - PROBLEMATIQUE
Nécessité d’agir vite et de manière efficace pour réduire les émissions de GES
A part quelques rares exceptions, les scientifiques s’accordent aujourd’hui pour souligner la
gravité des menaces qui résultent de l’impact de l’homme sur l’environnement, et notamment
du réchauffement climatique. La concentration atmosphérique du principal GES émis par
l’homme, le CO2, était d’environ 280ppm (parts par million) avant l’ère industrielle. Ce taux a
fortement augmenté depuis cette époque. Il a récemment dépassé les 400 ppm, alors que
550ppm serait le seuil « ultime » à ne pas dépasser pour éviter que l’humanité ne « coure à sa
perte » selon le Rapport Stern de 2006 (LRD 2006, p.6). Selon le dernier rapport du Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), au moins la moitié du
réchauffement climatique serait de cause humaine (site du GIEC). Il est donc indispensable de
freiner la tendance illustrée par le graphique ci-dessous en réduisant fortement notre
consommation de combustibles fossiles, un « virage énergétique » qui exige des efforts
considérables. D’après le GIEC, les pays industrialisés devraient avoir pour objectif de
réduire leurs émissions de CO2 de 80 à 95% d’ici 2050 (Ibid.). La combustion
d’hydrocarbures émet aussi des polluants toxiques (dioxyde de soufre, SO2, et d’azote, NO2)
qui ont des conséquences négatives sur la santé de nombreuses personnes, bien que ces
polluants ont pu être fortement réduits grâce aux progrès techniques.
(Source: National Oceanic & Atmospheric Administration.)
2
Ce second graphique montre que le taux de CO2 dans l’atmosphère n’a pas été aussi élevé
depuis des centaines de milliers d’années. La température de l’atmosphère est corrélée
positivement au taux de CO2 (source: NASA)
Autres impacts négatifs de cette consommation d’hydrocarbures :
Les impacts sur l’environnement et la santé ne sont pas les seuls aspects négatifs de la
consommation d’hydrocarbures. Elle signifie aussi une dépendance vis-à-vis des pays
producteurs, puisque nous importons la totalité de cette énergie. Ceci représente un risque
puisque nous ne pouvons nous passer de cette énergie actuellement. Bien que la Suisse n’en
souffre pas autant que des pays voisins, la facture de pétrole représente aussi un fardeau pour
la balance commerciale. L’impact varie suivant les fluctuations -assez imprévisibles- du
cours. Enfin, le marché du pétrole est à la source de nombreux conflits à travers le monde et
sa consommation a un impact généralement négatif sur la sécurité globale.
Part des besoins thermiques des bâtiments dans le total de la consommation
d’énergie:
Les besoins thermiques des bâtiments représenteraient entre un quart et un tiers de l’énergie
mondiale totale (Lachal p.3). Dans un pays tempéré comme la Suisse, où le chauffage est
indispensable et fonctionne près de sept mois pas an, les bâtiments absorbent 46% de la
consommation nationale totale d'énergie et 49% de la consommation totale d’énergies fossiles
(Conseil Fédéral 2012). Cette part est plus importante à Genève1. Le mazout et le gaz sont les
agents énergétiques qui sont de loin les plus utilisés à Genève. Les autres sources d’énergie
comme les pompes à chaleur (PAC) ou les pellets de bois se développent, mais leur part reste
1 Consommation du canton de Genève en térajoules selon la source d’énergie, pour l’année 2012: 10’731
d’électricité (sans le CERN), 10’547 de gaz naturel, 8’313 de mazout, 8’665 de carburants (sans les carburants
pour l’aviation) et 163 de bois de chauffage (OCSTAT A). Le total de l’énergie livrée aux consommateurs finals
était donc de 38’419 térajoules. Si on additionne le gaz naturel, le mazout et le bois de chauffage, on obtient
19’023 térajoules soit 49,5% pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire (ECS) et les cuisinières à gaz. Les SIG
estiment que 44% de l’énergie du canton est utilisée pour le chauffage et l’ECS (site éco21 A). Mais si l’on
prend en compte uniquement l’énergie fossile, les deux tiers sont utilisés pour le chauffage et l’eau chaude
sanitaire, puisque le carburant ne représente que 31,5% du total.
3
encore faible. On ne peut s’attendre à un recours prochain et à large échelle pour ces sources
d’énergie qui sont limitées. Le bois est encore peu exploité mais ne pourra vraisemblablement
pas remplacer le mazout ou le gaz, et il n’est pas possible d’envisager un recours massif à
l’électricité (pour les PAC) dans les prochaines années : L’arrêt programmé des centrales
nucléaires en Suisse exige des économies d’électricité et il sera difficile de répondre à la
demande d’électricité qui se profile. Il y a aussi le fait qu’une part de l’électricité est produite
avec des hydrocarbures (10% avec du gaz pour l’électricité consommée à Genève en 2012,
charbon en Allemagne, etc.), ce qui implique que la consommation d’électricité pour les
besoins thermiques pourrait avoir un bilan CO2 pire que celui d’utiliser directement du
mazout ou du gaz durant certaines heures ou périodes de l’année2. En un mot, la quantité
d’énergie utilisée pour les besoins thermiques est tout simplement trop grande pour envisager
une transition prochaine à l’électricité et au bois.
Importance de réduire la consommation d’énergie thermiq ue pour effectuer la
transition énergétique:
Dans la mesure où il est peu envisageable de couvrir la totalité de nos besoins énergétiques
actuels par de l’énergie renouvelable à court ou moyen terme, cette transition énergétique
nécessite d’abord une sensible amélioration de l’efficacité énergétique, c’est à dire qu’il faut
réduire la quantité d’énergie nécessaire pour fournir les mêmes services. En améliorant
l’efficacité énergétique (thermique) des bâtiments et en consommant moins d’énergie dans
l’ensemble de la société3, nous rapprochons la date à laquelle nous pourrons nous passer
d’énergie fossile. Nous sommes progressivement passé d’une politique de l’offre à une
politique de la demande en matière d’énergie : Pendant longtemps, on s’est seulement posé la
question de savoir comment répondre à la demande sans se préoccuper de sa nature. Il y a
désormais bien plus de moyens investis sur le terrain et dans la recherche pour essayer de
maîtriser cette demande. Le leitmotiv selon lequel « l’énergie la moins chère, la meilleure
pour l’environnement, la plus locale, la plus « durable » est celle que l’on ne consomme pas »
gagne du terrain.
Potentiel d’amélioration:
En Suisse comme dans les autres pays industrialisés de la zone tempérée, un gros potentiel
d’économie d’énergie encore peu exploité se trouve donc dans le domaine du bâtiment, par
l’assainissement et la construction de nouveaux bâtiments moins gourmands en énergie.
L’énergie absorbée pour le chauffage et l’eau chaude pourrait être réduite d’un tiers voire de
moitié pour les bâtiments existants. Quant aux nouveaux bâtiments, leur efficacité énergétique
pourrait être améliorée d’un facteur 5 ou plus en comparaison au parc immobilier actuel
(Jakob 2004, p.172). Un gros potentiel d’économie d’énergie fossile réside aussi dans le
développement des énergies renouvelables, comme le solaire thermique pour l’eau chaude.
2 « Certaines soirées d’hiver, lorsque les éclairages et les chauffages électriques sont enclenchés et que la
consommation est au plus fort, le kWh distribué par les prises helvétiques peut même tripler ses émissions de
CO2, avec plus de 300 grammes. Du point de vue climatique, c’est même pire que de se chauffer directement au
mazout – à la différence que les polluants de l’air sont émis à l’étranger. » (energie-environnement.ch A, p.13) 3 Le but n’est pas seulement d’améliorer l’efficacité énergétique mais aussi de faire en sorte que la demande
d’énergie totale de la société diminue (efficacité énergétique et économies d’énergie). La demande d’énergie
totale peut croitre en parallèle à une amélioration de l’efficacité énergétique, en raison de l’effet rebond et du
développement (plus de bâtiments, d’appareils etc.)
4
Avantages à agir sur les comportements
Pourquoi la technologie et la technique ne suffisent pas :
La technologie est perçue par beaucoup comme la (seule) solution aux défis énergétiques et
problèmes environnementaux. Cette croyance, souvent alimentée par la presse (LRD 2006
p.24), provoque un état d’attente dans lequel on ne remet pas en question les comportements
puisque les solutions doivent venir de la technologie. Un grand nombre de personnes, même
conscientes des défis environnementaux, ne changent rien à leurs comportements qui sont
pourtant une cause importante du problème. On attend d’avoir de l’isolation et des systèmes
de chauffage plus performants, de l’énergie « verte » en abondance et bon marché, des
voitures « propres » performantes et abordables, que les scientifiques trouvent une solution
technique pour stopper le réchauffement climatique, etc. Il s’agit ici de « santé » de la planète,
mais on retrouve le même état d’esprit chez nombre de personnes qui prennent peu soin de
leur santé physique dans l’idée que la médecine actuelle et les progrès attendus permettront de
les « réparer » lorsqu’ils en auront besoins, un phénomène d’aléa moral coûteux pour le
système de santé.
C’est prendre un gros risque que de faire aveuglément confiance à la technique, puisque rien
ne prouve que des solutions seront trouvées à temps pour lutter de manière efficace contre le
réchauffement climatique et les autres pollutions liées à la consommation d’énergie fossile.
Quant à la consommation d’énergie en général et dans le bâtiment, la technique est certes un
élément central mais les comportements des utilisateurs le sont tout autant. Il serait même
plus efficace et moins couteux d’investir premièrement dans le « capital comportemental »
(Beretti, Figuières et Grolleau, 2013) selon un nombre croissant de chercheurs. Les résultats
obtenus grâce à la technologie sont généralement bien meilleurs sur le papier que dans la
réalité à cause des comportements des habitants qui ne correspondent pas à ce que les
techniciens voudraient. Il y a d’une part les mauvaises habitudes, et d’autre part l’effet
rebond : « Si vous habitez un bâtiment économe, vous serez tenté de le chauffer un peu plus.
C’est une réallocation des gains vers plus d’insouciance. Toutes les études sur l’utilisation
rationnelle de l’énergie révèlent cet effet. Si vous rénovez un bâtiment et obtenez un gain de
50% d’économies d’énergie, 10 à 20% de ce gain seront perdus parce que les locataires
mettront moins de pulls, ouvriront plus les fenêtres, etc. C’est une règle sociologique »
(Lachal 2006, p.8). Une étude menée par Jean-Marc Zgraggen (sous la direction de Bernard
Lachal) sur un bâtiment Minergie genevois dans les années 2000 montre que la performance
réelle du bâtiment est moins bonne que prévu, même si la consommation d’énergie reste
faible par rapport à la moyenne des bâtiments : alors que la demande de chauffage prévue est
de 53MJ/m2/an, la performance réelle (technique) nécessite en fait 54MJ/m
2 en plus et le
comportement des habitants (bien moins adapté que prévu) implique encore une
consommation de 82MJ/m2 supplémentaire (Zgraggen & Lachal 2009, p.48). Cet exemple
illustre bien à quel point les comportements peuvent être un obstacle à l’atteinte d’objectifs
techniquement réalisables.
5
Gros potentiel d’économie d’énergie possible en influant les comportements :
L’International Energy Agency estime qu’environ 30% de la consommation d’énergie dépend
du comportement des utilisateurs. Il s’agit donc de l’économie potentielle que l’on peut
atteindre en cherchant à modifier les habitudes des gens. Et il s’agit de changements qui ne
nuisent ni au confort ni aux habitudes, comme arrêter de laisser des fenêtres ouvertes
inutilement tout en maintenant la température intérieure habituelle, adopter une conduite plus
écologique en voiture tout en se déplaçant autant, etc. Les économies potentielles sont
évidemment bien plus étendues avec une modification plus profonde des comportements
voire des modes de vie.
Comment influencer les comportements ?
Tout le monde ou presque est d’accord avec l’idée que c’est une bonne chose que
d’économiser l’énergie, du moins tant que ça ne diminue pas le confort. Mais il y a tout un
monde entre l’acceptation que les économies sont bénéfiques ou nécessaires, la volonté de
changer les comportements et le changement effectif des comportements. Les études des
chercheurs sur la question (notamment des psychologues et des sociologues) montrent que la
sensibilisation ne suffit pas, et qu’il est utile de recourir à d’autres stratégies de
communication pour pousser les gens à changer. On peut qualifier certaines stratégies de
manipulation. Elles s’inspirent d’ailleurs parfois de méthodes qui ont fait leurs preuves dans
le marketing. La différence est que c’est ici « pour le bien de la population » et pas pour en
tirer un profit financier. La communication personnalisée peut être très efficace, d’où l’intérêt
de mesurer la consommation effective et de permettre aux gens de comparer leur
consommation dans le temps et avec celle de leur voisinage.
Le rôle des décomptes individualisés de frais d’énergie thermique :
Le décompte individuel des frais d’énergie est un moyen de limiter une consommation en
influençant les comportements, consommation que l’on ne peut pas limiter par la technique
pour une question d’acceptabilité. Par exemple, bien que ce soit techniquement envisageable,
il n’est pas acceptable de rationnaliser la consommation d’eau chaude sanitaire (ECS) par
appartement à un nombre de litres défini. A l’instar des décomptes d’électricité ou de gaz qui
sont généralisés à Genève, il existe ainsi deux autres décomptes permettant de facturer
l’énergie thermique selon la consommation effective : le décompte individuel des frais de
chauffage (DIFC) et le décompte individuel des frais d’eau chaude (DIFEC). Ces décomptes
sont généralisés dans plusieurs pays et cantons mais encore très peu utilisés à Genève.
6
Afin d’alléger le texte, le terme « locataires » est désormais utilisé comme terme générique
pour faire référence à tous ceux qui habitent ou utilisent des biens immobiliers dans des
bâtiments comprenant deux preneurs de chaleur ou plus. Le terme « logements collectifs »
peut aussi comprendre les bureaux, commerces ou industries avec deux preneurs de
chaleur ou plus.
Pourquoi les logements collectifs sont particulièrement intéressants pour les
économies d’énergie
Ils représentent le gros de la consommation d’énergie des bâtiments :
Les résidents ou utilisateurs d’immeubles représentent le gros de la consommation d’énergie
des bâtiments. La majorité de la population suisse habite en effet dans des immeubles, et
d’autant plus dans un canton urbain comme Genève avec près de neuf résidents permanents
sur dix. Une grande partie des services, commerces et industries sont aussi situés dans des
immeubles avec plusieurs « preneurs de chaleur » sur le même système de chauffage. En
Suisse, les ménages représentent 65% de la demande d’énergie de chauffage, versus 25%
pour les services et 10% pour l’industrie (energie-environnement.ch A, p.6). Des mesures
d’économies efficaces dans les logements collectifs pourraient considérablement contribuer à
atteindre les objectifs d’économie d’énergie fixés par la Confédération et le canton.
Ils représentent deux groupes trop peu incités aux économies d’énergie :
Les propriétaires n’ont pas suffisamment d’incitatif à investir pour les économies d’énergie
puisque ce sont les locataires qui la paient. Dans le contexte genevois actuel, les propriétaires
n’ont pas de difficulté à trouver des locataires ou des entreprises qui louent leurs biens à un
prix élevé, même si ceux-ci sont peu efficaces au niveau énergétique. Cela ne les incite pas à
améliorer l’efficacité thermique dans le but de rendre leurs biens plus attractifs sur le marché
de l’immobilier.
Les habitants ou occupants (bureaux et commerces) d’immeubles non-équipés du DIFC ont
eux aussi peu d’incitatifs individuels aux économies d’énergies, puisqu’ils ne la paient
généralement pas en fonction de leur consommation effective mais selon des critères fixes
(généralement selon la surface ou le volume). Ils ont un intérêt à ce que la consommation
d’énergie de leur immeuble baisse pour payer moins de charges, mais très peu d’intérêt
personnel à économiser l’énergie puisque le bénéfice est dilué à l’ensemble des preneurs de
chaleur.
Les bâtiments locatifs représentent donc un énorme potentiel d’économie à Genève. Il
faudrait idéalement d’une part inciter les propriétaires à agir sur l’efficacité thermique de
leurs bâtiments et d’autre part les locataires à changer leurs comportements pour consommer
moins.
7
Particularités du contexte actuel en Suisse et à Genève
Crise du logement :
La crise du logement s’étend à la plus grande partie du territoire suisse depuis plusieurs
années, voire plusieurs décennies à Genève. Ceci est dû à plusieurs facteurs, dont la rareté du
sol et un solde migratoire positif. Comme on l’a déjà mentionné, cette pénurie de logements
n’encourage pas les propriétaires à investir dans des biens qu’ils n’ont aucune peine à louer à
un prix élevé, souvent le prix maximal autorisé par la loi à Genève et plus, même s’ils sont
mal isolés et ont par conséquent des charges élevées. A Genève, les investissements pour les
rénovations sont d’autant moins attractifs que la répercussion de leur coût sur les loyers est
limitée par la Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation
(LDTR). Dans un tel contexte, on dit donc souvent que « ce sont les propriétaires qui
investissent et les locataires qui économisent » (Lachal 1999, p.2) lorsqu’il s’agit
d’investissements pour les économies d’énergie (investor-user-dilemma).
Un pays de locataires :
En 1999, seuls 32% des logements de Suisse étaient occupés par leur propriétaire, versus plus
de 50% en Italie et en France, « soit le plus faible taux d’Europe » (Lachal 1999, p.1). Ce taux
est encore plus bas à Genève, soit 15.8% au recensement de 2000 (OCSTAT 3, p.4). Le
nombre de personnes qui achètent leur logement tend toutefois à croître au fil des ans. Nous
avons donc à Genève une situation dans laquelle plus des trois quarts des habitants, les
locataires qui habitent des immeubles, n’ont quasiment pas d’intérêt individuel à économiser
l’énergie et ne peuvent agir pour prendre des mesures techniques visant à limiter la
consommation d’énergie dans leur immeuble. Par « contexte actuel », il faut aussi compter le
fait que l’énergie n’est pas assez chère pour rendre les économies d’énergie assez
intéressantes financièrement pour les propriétaires, et pour pousser les locataires à réclamer
plus de mesures pour diminuer la consommation d’énergie et donc les charges.
Plan du travail et questions de recherche
Les décomptes individuels de chaleur, dont les objectifs et le fonctionnement sont décrit dans
le chapitre 2, sont le sujet central du présent travail. D’autres sujets connexes sont abordés ou
analysés afin de présenter un « tout » cohérent qui permette de visionner l’ensemble de la
problématique à laquelle se rapporte l’instrument. Les limites de la technique et l’importance
de miser aussi sur le changement des comportements sont abordées dans le chapitre 3. Le
potentiel des feedbacks sur la consommation est présenté dans le même chapitre. Il s’agit d’un
instrument « gratuit » et facile à mettre en œuvre qui est encore trop peu exploité en Suisse là
où le DIFC existe, mais aussi pour l’électricité. L’efficacité et le rapport coûts-bénéfices (au
niveau de l’immeuble) des décomptes individuels de chaleur sont analysés dans le chapitre 4.
Bien que le débat se soit essentiellement limité à l’analyse coûts-bénéfices au niveau de
l’immeuble dans l’administration genevoise, les décomptes individuels permettent d’atteindre
d’autres bénéfices qui sont abordés dans le chapitre 5. Il s’agit de l’application du principe de
l’utilisateur-payeur, des économies d’énergie, de la diminution des émissions de CO2 et des
avantages économiques à une échelle plus large que celle du bâtiment. Le chapitre 6 décrit
l’historique du DIFC en Suisse et à Genève et analyse les raisons de la non mise en œuvre à
Genève d’un instrument qui a pourtant été imposé par deux processus démocratiques et qui
8
devrait être installé dans une grande partie du parc immobilier selon la loi. Y sont aussi
analysées les raisons du choix d’une alternative au DIFC et ce que cette dernière a apporté
comme résultats. La principale explication pour cette non mise en œuvre de l’instrument et du
choix d’une alternative serait l’opposition au DIFC de la part de certains fonctionnaires et de
magistrats. Les principaux obstacles à la bonne mise en œuvre de la politique énergétique du
bâtiment à Genève sont décrits dans le chapitre 7. Le chapitre 8 est lui consacré au lien entre
taxe CO2 et DIFC : les décomptes devraient être indispensables si l’on cherche à faire baisser
la consommation de combustibles dans les logements collectifs avec la taxe CO2. Sans
décomptes individuels, la taxe n’a tout simplement pas de groupe cible. Une proposition de
projet de loi qui pourrait potentiellement créer un meilleur incitatif aux économies d’énergies
pour les propriétaires sans pour autant désengager les locataires est présentée dans le chapitre
9. Enfin, deux tableaux récapitulatifs permettent de comparer les diverses mesures
d’économies d’énergie abordées et l’historique du DIFC (chapitres 10 et 11).
Principales questions de recherche :
Efficacité des décomptes individuels de frais de chauffage et d’eau chaude:
- Quelles économies d’énergie peut-on réaliser grâce à cet instrument ?
- Dans quelle mesure des outils de communication liés aux décomptes individuels
(feedbacks) peuvent-ils en améliorer l’impact, et pourquoi nous ne les utilisons pas
systématiquement en Suisse ?
- La facturation selon les décomptes individuels de chaleur permet-elle de suffisamment
influencer les comportements de consommation pour que le rapport coûts-bénéfices de
l’instrument soit positif ? Quels bénéfices doit-on considérer ?
Historique des décomptes individuels à Genève :
- Si la population genevoise l’a demandé (initiative « L’énergie notre affaire » en 1986)
avant que la Confédération ne l’impose elle aussi, et si l’instrument est efficace et
apprécié par la population, pourquoi est-il si peu utilisé à Genève aujourd’hui ?
Bilan et perspectives, trois décennies après l’initiative « L’énergie, notre affaire » :
- Quel est l’impact des alternatives au DIFC qui ont été choisies à Genève, soit la
politique du « Bon IDC ou DIFC » et l’équilibrage des chauffages ?
- Les décomptes individuels de chaleur sont-ils indispensables à l’atteinte d’objectifs
d’économies d’énergie dans les logements collectifs par le levier de la taxe CO2 ?
Proposition de projet de loi :
- Est ce qu’un partage de la facture de l’énergie thermique entre les locataires et les
propriétaires pourrait partiellement résoudre l’« investor-user-dilemma » pour les
économies d’énergie dans les bâtiments locatifs à Genève ?
9
2 - OBJECTIFS ET FONCTIONNEMENT DU DIFC
Historique du chauffage et de son utilisation
Jusqu’au milieu du 20ème
siècle, les maisons et les villes sont conçues pour s’adapter au
climat, et principalement pour bien protéger du froid hivernal dans un pays comme la Suisse.
Malgré cela, les températures intérieures et les quantités d’ECS produites offrent pendant
longtemps un confort qu’on qualifierait aujourd’hui de spartiate (Lachal 1999 p.1). Le
chauffage central et l’eau chaude au robinet n’ont été généralisés que récemment dans nos
régions (Ibid.). Cette généralisation d’un confort auquel on s’est vite habitué, au point de le
considérer comme allant de soi, a considérablement augmenté notre consommation
énergétique et surtout de combustibles fossiles. La moyenne de température des foyers
britanniques est par exemple passée de 17 à 21°C environ (en hiver) en trois décennies (Shove
2004 p.18). Les locataires genevois chaufferaient eux aujourd’hui en moyenne à 22-23°C
(Lachal 2006, p.11). Le chauffage central apporte beaucoup de confort aux habitants
d’appartement qui s’épargnent ainsi une corvée (monter le combustible, entretien etc.), mais
ce système, bien qu’il nécessite moins d’énergie pour une température de chauffe égale des
espaces d’un bâtiment, a engendré une augmentation de la consommation de combustible. La
facilité de se chauffer plus, simplement en tournant une vanne et en ne payant pas selon sa
consommation effective n’incitait en effet pas aux économies. Une étude comparative entre
différents pays européens d’Angioletti (1992) faisait ainsi ressortir que « les pays anglo-
saxons ont une consommation raisonnable, grâce au faible taux d’équipement de chauffage
central » (cité par Lachal 1999, p.3).
Bien que le nombre de m2 de logement par habitant a augmenté au cours des dernières
décennies4, la consommation d’énergie totale pour le chauffage baisse légèrement avec le
temps grâce aux progrès techniques. Les logements les plus énergivores, qui représentent plus
de la moitié du parc immobilier de Genève, datent majoritairement des années 1960-70 et sont
dépourvus d’isolation (site éco21 A). Ils ont été construits avant la crise pétrolière, alors que
l’énergie était trop bon marché pour qu’on se préoccupe plus d’efficacité énergétique et qu’on
parlait encore peu des impacts sur l’environnement. Le potentiel d’économies d’énergie est
spécialement élevé dans ces bâtiments. Depuis les années 1970, la consommation d’énergie
des nouveaux bâtiments se réduit considérablement. La loi exige actuellement que les
bâtiments aient un Indice de dépense de chaleur5 (IDC) –qui comprend l’ECS- inférieur à
4 Le nombre d’habitants par pièce en Suisse est passé de 0.79 en 1970 à 0,59 en 2000. A Genève, il est passé de
0,94, soit presque un habitant par pièce, en 1960, à 0,84 en 1970 et 0,65 en 2000 (OFS 1). La surface par
habitant est passée de 59m2 en 1985 à 65m
2 en 1999 et pourrait être de 70m
2 aux alentours de 2020 en Suisse
(Lachal 1999, p.2). 5 «L'indice de dépense de chaleur (IDC) exprimé en mégajoules par mètre carré et par an [MJ/m
2·a] représente la
quantité annuelle d'énergie consommée pour la production de chaleur (chauffage et eau chaude sanitaire "ECS"),
ramenée à un mètre carré de plancher chauffé (SRE), et corrigée en fonction des données climatiques (degrés-
jours*) de l'année considérée.» (SIA).
*Comment ont évolué les degrés-jours chauffage à Genève ?
Les jours de chauffage décrivent les journées qui doivent être normalement chauffées. Le nombre de jours de
chauffage diminue très nettement partout en Suisse. A Genève, alors qu'on comptait en moyenne 225 jours
chauffés dans les années 1960, il n'en reste plus qu'environ 190 à l'heure actuelle. Un maximum de 244 jours
chauffés a été relevé en 1965. Les nombres minimaux de jours chauffés ont été de 181 en 2006, 182 en 2009 et
183 en 2011. (météosuisse)
10
210MJ/m2/an (Ibid). Il s’agit du maximum légal mais il est possible de construire de façon à
consommer bien moins encore.
La chaudière sert généralement aussi à chauffer l’ECS. Chauffer cette eau représente entre 20
et 30% de l’énergie thermique annuelle dans les bâtiments «traditionnels » (Ibid) et environ
50% dans les bâtiments MINERGIE actuels.
Pendant longtemps et jusqu’aux années 1950, le chauffage est essentiellement lié à la
cuisinière et à la cheminée, au cœur du foyer, une source de chaleur contrôlée et maîtrisée
(Dobre et Juan p.292). L’introduction du chauffage central provoque une « perte de maîtrise
de l’ensemble du système technique» pour la plupart des habitants (Ibid.). « Lorsqu’il n’y a
pas ou peu de prise directe, chez soi, sur un « ordre lointain » qui régit le chauffage collectif,
ou lorsque le chauffage est perçu comme un élément d’un macro-système technique qu’on ne
comprend pas et qu’on ne maîtrise pas, la chaleur est une donnée subie, sur laquelle on peut
renoncer à agir » (Ibid.).
«Nous avons observé, surtout en habitat collectif et de la part des personnes les plus
éloignées de la technique, une tendance à s’en remettre aux techniciens et aux gestionnaires
pour réguler le chauffage, dans une sorte de « délégation de compétence ». Cette attitude a
d’ailleurs longtemps été confortée par les gestionnaires qui voulaient autant que possible
éviter que les habitants n’interviennent sur les dispositifs techniques, de crainte qu’il n’en
résulte des dommages. De fait, les gestionnaires ont leur part dans la régulation du chauffage
par le réglage de la température demandée à la chaudière centrale. Une pratique courante
consiste à augmenter la température du chauffage pour éviter les plaintes et les conflits avec
les habitants. De manière plus générale, le « mauvais exemple » des « grands autres »
(gestionnaires, Etat, entreprises, collectivités locales...) nourrit les tendances à la délégation,
dans une sorte de « à quoi bon » faire des efforts alors que je suis en bout de chaîne et
dépendant dans ma consommation. » (Ibid.).
Le chauffage est un « élément central du confort moderne », un « facteur déterminant de la
qualité de vie au foyer » (Ibid p.289.). « Etre en chemise et tee-shirt chez soi, même en hiver
semble être devenu une norme de bien être », alors que « réhabiliter le pull-over à l’intérieur
permettrait des économies substantielles. » (Ibid.).
Des enquêtes sur le chauffage réalisées par les auteurs Christophe Beslay et Marie-Christine
Zelem en France ont montré qu’économiser de l’énergie est « plutôt bien perçu, d’abord
associé au respect de l’environnement puis aux économies financières, et beaucoup moins
souvent à une perte de confort, à la restriction ou à un retour en arrière. Ces dispositions
favorables sont confortées par le fait que plus d’une personne sur quatre a le sentiment de
consommer inutilement du chauffage, à commencer par ceux qui se plaignent d’avoir trop
chaud en hiver. Elles renvoient aussi au prix du chauffage, considéré comme cher, mais dont
on sait qu’il coûtera de plus en plus cher. Dans ces conditions, huit personnes sur dix
déclarent qu’il est plutôt ou tout à fait envisageable de changer leurs habitudes en matière de
chauffage pour préserver l’environnement. Nous savons qu’il n’en est rien. En fait, les
11
dispositions sociales ne suffisent pas à orienter les pratiques, tant d’autres aspects sont
importants. » (Ibid. p.290).
A l’instar des habitudes d’éclairage, du ménage ou de la cuisine, les habitudes de chauffage
s’inscrivent la plupart du temps dans un contexte familial ou de milieu de vie partagé par
plusieurs personnes. Il y a donc des intérêts plus ou moins divergents et des négociations
entre les membres d’un ménage avec leur pouvoir respectif au sein de celui-ci.
Les mêmes auteurs réalisent une typologie des pratiques de chauffage en cinq catégories
(Ibid. p.293) :
- Les « actifs économes ». soucieux d’économiser l’énergie pour des raisons économiques ou
environnementales, ils adoptent des pratiques énergétiques actives, avec, par exemple,
l’habitude de systématiquement fermer les robinets de radiateurs lors des absences ou des
aérations. Ces personnes ont en quelque sorte atteint un «seuil d’effort» ou un «seuil de
contrainte» (skoda, 1985) au-delà duquel il leur paraît difficile d’aller.
- Les « oublieux ». Comme le groupe précédent, ils ont des dispositions aux économies
d’énergie, mais n’ont pas acquis les habitudes ou les routines permettant de les traduire
dans leurs pratiques quotidiennes. S’il leur arrive de fermer les robinets en cas d’absence
prolongée, de courte durée ou lors des aérations, ce n’est pas une réelle habitude, c’est
«parfois», lorsqu’ils y pensent, mais ils reconnaissent ne pas s’en occuper beaucoup et n’y
penser pas assez souvent.
- Les « contraints », dont les pratiques sont limitées par des problèmes d’installation de
chauffage (radiateurs bloqués, fuites d’eau, problème d’isolation...). Ils ont en général trop
froid en hiver.
- Les « inertes ». Les routines semblent trop profondément ancrées et sans doute
satisfaisantes du point de vue du confort et du coût financier, pour que les habitudes soient
faciles à modifier. Ce sont des gens pour qui la technique est un monde étranger et qui ont
tendance à déléguer la gestion de leur chauffage.
- Les « réfractaires » qui privilégient leur confort, quel qu’en soit le coût.
Il existe plus de pratiques de chauffage différentes, mais cette typologie peut permettre de se
rendre compte des principales catégories. Ces catégories « sont le résultat d’un compromis
entre plusieurs éléments: 1) des aspirations au confort, un idéal de chaleur, une température
ou un «climat» pour «être bien chez soi», qui varient selon les âges, les gens, les cultures... et
comportent des marges d’acceptabilité; 2) le système technique du chauffage (la chaudière,
les radiateurs, les robinets...) et les éléments structurels du logement (étage, exposition,
isolation...), qui induisent fortement à la fois les usages et la consommation d’énergie. Il doit
être considéré comme un acteur à part entière, certes non humain, des pratiques de
chauffage; 3) la sensibilité aux économies d’énergie, des «dispositions particulières» à «faire
attention» à sa consommation, qu’il s’agisse de réaliser des économies financières ou de
participer à la protection de l’environnement; 4) des habitudes, des routines, plus ou moins
profondément intériorisées et qu’il est difficile de changer; 5) un contexte social (familial, de
voisinage, entre copropriétaires, entre locataires et organismes gestionnaire...), plus ou
moins conflictuel, plus ou moins incitatif aux économies d’énergie; 6) les capacités
financières des ménages qui rendent plus ou moins supportables les coûts de l’énergie.»
12
Le problème de l’aléa moral
Un bien payé par un groupe de personnes ou par l’ensemble de la communauté est souvent
gaspillé par des individus pour lesquels ce bien a une gratuité apparente, ou qui veulent être
sûr d’en avoir pour leur argent et du coup en consomment plus que nécessaire. Dans le cas du
chauffage et de l’ECS des logements collectifs, les quantités consommées par habitant
peuvent fortement varier, que ces biens soient « compris » dans les charges ou facturées selon
la consommation effective. Il est difficile de définir quelle devrait être la « bonne » quantité
d’énergie consommée par personne pour le chauffage et l’eau chaude. Pour simplifier, nous
qualifierons de surconsommation le comportement des personnes qui consomment plus
d’énergie que la moyenne sans que cela ne réponde à un réel besoin.
Les différences de comportements de consommation peuvent être expliquées par des valeurs,
des habitudes ou des besoins différents, et il faut différencier les comportements conscients,
« en connaissance de cause », ou inconscients. De réels besoins peuvent expliquer des
consommations plus élevées, comme le cas d’une personne âgée et frileuse qui a besoin d’une
température plus élevée dans son logement. Quant aux valeurs, elles sont surtout d’ordre
environnemental ou moral, soit la volonté de ne pas gaspiller pour éviter de polluer
inutilement et/ou parce que l’énergie représente une charge partagée par tous les locataires et
qu’il ne faut pas la gaspiller. D’autres individus ne se posent tout simplement pas de questions
sur leurs comportements de consommation (ce qu’on peut qualifier de comportements
« inconscients », ce sont juste leurs habitudes de consommation) ou surconsomment l’énergie
en connaissance de cause sans être sensibles aux questions morales ou environnementales
mentionnées ci-dessus. Il faut aussi considérer que nombre de personnes ne savent pas si elles
surconsomment ou pas quand elles n’ont pas la possibilité de le savoir en comparant.
Le phénomène de l’aléa moral, qu’Adam Smith considérait comme résultant de « la
maximisation de l’intérêt individuel sans prise en compte des conséquences défavorables de
la décision sur l’utilité collective », explique relativement bien le problème du gaspillage
conscient des ressources. Le problème de l’aléa moral s’applique aussi au problème des
externalités négatives des comportements de surconsommation d’énergie sur
l’environnement, et donc toute la société, indépendamment du fait de payer selon sa
consommation ou pas.
La lutte contre l’aléa moral est une question importante pour l’Etat, nombre de compagnies et
en particulier les assureurs, mais c’est plus généralement un problème de société. Pour ce qui
est de l’énergie dans les logements, on essaye de lutter contre le phénomène d’une part au
travers de la sensibilisation et d’autre part avec des incitatifs financiers. De nombreuses
études démontrent que faire payer les consommateurs selon leur consommation effective là où
ce n’était pas le cas auparavant permet la plupart du temps d’atteindre des économies
substantielles.
Les compteurs individuels d’électricité et de gaz ont été installés dès que ça a été possible en
Suisse, mais ça n’a pas été le cas partout pour le chauffage et l’ECS. Comme on l’a vu, la
généralisation des chauffages centralisés au mazout se fait dans une période où les énergies
fossiles sont meilleur marché qu’aujourd’hui. On ne cherche donc pas à répartir les coûts du
chauffage selon la consommation essentiellement pour une question de rentabilité. Ce sont les
chocs pétroliers des années 1970, avec la forte hausse du cours du pétrole et la prise de
13
conscience des risques liés à la dépendance de l’étranger pour l’approvisionnement en énergie
qui amènent le DIFC à l’agenda politique. Plusieurs pays légifèrent sur la question dans les
années qui suivent.
Objectifs du DIF(E)C
A l’époque où il met le DIFC à l’agenda politique, le principal objectif du gouvernement
fédéral est d’économiser de l’énergie, bien qu’il permette d’atteindre d’autres objectifs
comme plus d’équité dans le payement des charges (Interface p.17). Après les chocs
pétroliers, on considère aussi les économies d’énergie dans un but stratégique, pour être
moins dépendant de l’étranger. L’instrument permet aussi d’économiser de l’argent, au niveau
macro assurément mais pas toujours à l’échelle de l’immeuble. C’est aussi un outil
d’information, puisque c’est l’unique moyen d’informer les utilisateurs sur leur
consommation effective.
Modèle causal du DIFC:
(Source : Interface)
Fonctionnement
Deux types de mesure:
Les bâtiments récents sont généralement conçus avec une seule entrée d’ECS et de chauffage
par appartement, alors que les bâtiments plus anciens ont plus souvent plusieurs colonnes
d’eau qui passent par des pièces différentes. L’eau du robinet de la salle de bain peut donc
venir d’une autre colonne que celle de la cuisine, tout comme pour les radiateurs. On peut
utiliser des compteurs d’eau classiques pour les décomptes individuels dans les appartements
14
récents, soit un pour l’ECS et un autre pour le chauffage6, mais on doit généralement utiliser
des répartiteurs de frais de chauffage pour les anciens bâtiments. Ces répartiteurs enregistrent
la chaleur dégagée par chaque radiateur. Il faut donc en fixer un sur chaque unité. On équipe
toujours plus d’immeubles avec des répartiteurs qui transmettent les données mesurées par
ondes radio, ce qui évite de devoir les relever à l’intérieur des appartements.
Les conditions d’un bon fonctionnement du DIFC :
La facturation selon la consommation n’est efficace et équitable que si les utilisateurs ont la
possibilité de bien contrôler leur consommation. Les vannes thermostatiques sont donc une
condition, puisqu’elles permettent aux utilisateurs de fixer une température souhaitée dans
chaque pièce. Il est plus difficile de régler précisément la température sans ces vannes, et ça
ne permet pas de fermer automatiquement les radiateurs lors d’apports de chaleur externes
(soleil par les fenêtres, augmentation de la T externe) ou interne (cuisinière, cheminée).
Répartition des frais de chaleur avec le DIFC & clé de répartition :
Frais généraux : Il y a en général entre 30 et 50% de frais généraux, qui sont indépendants de
la consommation des unités facturées (appartements, bureaux). Le reste, soit entre 50 et 70%,
est facturé en fonction de la consommation. Pour le chauffage, les frais généraux comportent
notamment les coûts de l’électricité pour le fonctionnement du chauffage, le ramonage,
l’entretien et le chauffage des locaux communs. Ils sont généralement répartis selon la surface
ou le volume d’habitation (source: ASC). La facturation de l’ECS se fait quant à elle
uniquement selon la consommation effective.
Clé de répartition des frais : La clé de répartition des frais permet de palier au fait que pour
un niveau de confort thermique égal, les appartements d’un même immeuble ont besoin de
consommer des quantités d’énergie différentes selon leur situation : orientation nord ou sud,
sous le toit, entouré d’autres appartements ou de murs donnant sur l’extérieur, colonne d’eau
chaude dans le mur, etc. Un calcul de pondération qui prend en compte ces paramètres est
effectué, de façon à ce que pour un confort thermique égal, un appartement orienté plein sud
et entouré d’autres appartements paie le même montant qu’un appartement situé au nord et
dans un angle de l’immeuble. Les aménagements qui sont destinés à améliorer le confort et
qui sont spécifiques à certains appartements, comme les grandes baies vitrées d’un
appartement en attique, ne sont pas pris en compte et donc pas compensés. Deux méthodes de
calcul peuvent être utilisées pour calculer ces pondérations : la méthode de la pièce de
référence et la méthode de la réduction (OFEN 2004 p.9). Des entreprises spécialisées sont
mandatées pour faire ces calculs, et souvent aussi pour calculer les frais qui doivent être
facturés aux différents appartements à chaque période de chauffe. Les progrès informatiques
des dernières années donnent la possibilité aux régies de le faire elles-mêmes (une fois la clé
de répartition établie). Alors que la plupart des régies outre-Sarine mandatent encore des
bureaux d’ingénieurs pour le faire, les régies romandes préfèrent la plupart du temps le faire
elles-mêmes mais ce sont toujours les entreprises spécialisées qui relèvent les compteurs et
leur fournissent les données (source : entretien O. Aubort).
6 Le compteur pour l’ECS mesure seulement le volume d’eau. Celui pour le chauffage mesure aussi la T
d’entrée et de sortie de l’eau afin quantifier l’énergie qui a été libérée dans le logement.
15
Qui paie quoi pour les frais d’installation du DIFC et ceux liés à son fonctionnement :
Les prescriptions légales en matière de loyers (OFEN 2004, p.7) :
Le bail dans le Code des obligations (CO), titre huitième, modification du 15 décembre 1989 et l’Ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d’habitations et de locaux commerciaux (OBLF). L’installation ultérieure d’équipements pour la saisie de la consommation d’eau différenciée dans des immeubles entraîne pour le propriétaire des frais supplémentaires qu’il peut répercuter sur le locataire. Pendant la durée du bail, le report de ces frais sur le loyer n’est toutefois admis que dans les limites des dispositions légales contraignantes en matière de baux à loyer ainsi que du contrat de bail. Il n’est pas possible, dans ce document, de donner une description exhaustive de la situation juridique. Seuls seront dès lors abordés les éléments essentiels. Pour les questions particulières, il conviendra de se reporter aux dispositions légales et aux publications qui y ont trait. Les propriétaires et les locataires se renseigneront auprès de leurs associations respectives et auprès de la commission de conciliation. Comme nous l’avons déjà mentionné, le propriétaire peut faire supporter au locataire les frais résultant de mesures prises pour économiser les ressources. Les règles d’imputation diffèrent selon qu’il s’agit de frais d’investissement ou de frais d’exploitation. Règles matérielles Imputation des frais d’investissement (art. 260 et 269d CO et art. 14 OBLF) L’installation de nouveaux dispositifs dans un bâtiment entraîne une amélioration durable de l’immeuble. Elle permet donc au bailleur de majorer le loyer. Une telle majoration n’est pas abusive dans la mesure où elle respecte un taux approprié pour l’intérêt, l’amortissement et l’entretien de l’investissement. Selon le genre d’installation, le taux d’imputation de la plus-value se définit d’après la durée de vie probable et le coût de l’entretien. Il est aussi déterminé par le taux d’intérêt de référence en vigueur au moment du report. Aujourd’hui, les taux de report (y compris le 1 % pour l’entretien) indiqués au tableau de la page 6 sont considérés comme acceptables. Imputation des frais d’exploitation (art. 257a et 257b OR et art.4à8OBLF) Parallèlement aux frais d’investissement pouvant entraîner une augmentation du loyer, des frais d’exploitation sont générés dont il faut tenir compte annuellement selon les règles en vigueur pour les frais accessoires. Les frais d’exploitation découlant du décompte individuel des frais d’eau comprennent notamment les dépenses effectives pour l’entretien, la maintenance et le dépannage des compteurs, les frais de pile éventuels ainsi que les coûts engendrés par le décompte (relevé des appareils, détermination de la répartition des coûts et calcul des montants partiels à payer par les différents locataires). Règles formelles d’imputation (Art. 269d CO et art. 19 et 20 OBLF) Si le bailleur souhaite répercuter les frais d’investissement et d’exploitation susmentionnés pendant la durée du bail, il doit communiquer au locataire les augmentations de loyer et de charges correspondantes selon les règles s’appliquant aux modifications contractuelles unilatérales. Il convient de respecter ici les délais légaux d’annonce et de résiliation. Le CO prévoit que l’avis de majoration doit parvenir au locataire dix jours avant le début du délai de résiliation et qu’il faut utiliser le formulaire prescrit. Toute personne ne connaissant pas
16
ces règles précisément a tout intérêt à s’informer auprès d’organismes consultatifs sous peine que la majoration de loyer soit nulle ou annulable (voir chap. 7.3).
Note : Dans les faits, à Genève, les frais d’installation et d’utilisation ne sont pas toujours
répercutables sur les loyers, en raison notamment du « plafond » de la LDTR.
Quelles actions permettent aux utilisateurs de consommer moins d’énergie ?
Si les conseils pour économiser l’énergie n’arrivent pas directement dans la boîte aux lettres
des habitants d’immeubles équipés du DIFC, il n’est pas difficile pour eux de se procurer une
liste des actions à entreprendre, sur Internet ou auprès de l’administration. Voici une liste non
exhaustive de conseils couramment donnés :
• Baisser la température ambiante de 1°C permet une économie d’environ 6-7% de la
consommation d’énergie pour le chauffage
• Régler la température de chaque pièce selon les besoins avec les vannes
thermostatiques
• Aérer brièvement mais intensivement
• Réduire la température lors des absences
• Libérer les radiateurs (éviter de mettre des meubles devant ou de les cacher derrière
des rideaux, etc.)
• Fermer les volets ou baisser les stores durant la nuit pour constituer une isolation
supplémentaire
• Prendre des douches courtes et éviter les bains
• Economiser l’eau chaude en fermant le robinet quand on se savonne sous la douche,
en faisant la vaisselle etc.
• Installation d’économiseurs d’eau sur les robinets et douches
•
… Etc. : On trouve des brochures qui donnent de multiples conseils pour diminuer sa
consommation même dans les détails de la vie quotidienne.
Les locataires peuvent aussi prendre des mesures pratiques, comme poser des films
plastiques thermo rétractables ou des feuilles d’acrylique rigides sur les fenêtres en hiver
(surtout où il y a du simple vitrage). C’est une pratique courante dans les appartements
locatifs au Canada, ou l’on trouve des kits d’installation dans la plupart des quincailleries et
où leur pose est recommandée par le gouvernement (Ressources naturelles Canada).
17
3 - LIMITES DE LA TECHNIQUE ET IMPORTANCE D’AGIR SUR LES
COMPORTEMENTS
«The role of human social behavior has been largely overlooked in energy analysis,
despite the fact that it significantly amplifies and dampens the effects of technology-
based efficiency improvements» (Lutzenhiser 1993 p.248).
Pourquoi la technique ne suffit pas
La technique permet d’améliorer l’efficacité énergétique et de réduire la consommation
d’énergie totale de la société. Les avancées dans le domaine du bâtiment, des transports et des
technologies utilisées par les divers appareils ont ainsi permis de fortement limiter la
croissance de la demande d’énergie7. Mais le comportement des utilisateurs joue un rôle
déterminant dans la consommation d’énergie finale. L’utilisateur d’une automobile
économique en carburant consommera par exemple bien plus que les ingénieurs l’avaient
prévu s’il roule toujours à haut régime, d’où l’enseignement d’une méthode de conduite
économique aux nouveaux conducteurs en Suisse. Un logement très bien isolé aura aussi un
IDC plus élevé que prévu si les habitants laissent des fenêtres ouvertes en hiver ou prennent
des bains d’eau chaude tous les jours.
La connaissance de l’importance qu’il faudrait accorder aux comportements dans les
politiques d’économie d’énergie ne date pas d’hier. Les analyses engagées par le Centre de
Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie (CRÉDOC) depuis le début
des années 1970 dans différents domaines de consommation à fort impact environnemental
(énergie, eau, déchets ménagers) conduisent déjà à penser que la promotion des économies
d’énergie doit passer par des politiques qui prennent en compte les comportements des
usagers et structurent leurs pratiques (Dujin et al. 2008, p.246).
On observe presque partout de grandes variations des quantités d’énergie consommées entre
des ménages comparables8 (Lutzenhiser 1993 p.249), une preuve que le facteur
comportemental est primordial pour expliquer la surconsommation. Dans un article paru en
1993, Lutzenhiser relève le fait que les recherches et les politiques basées sur les PTEM
(physical-technical-economic model) ne prennent pas en compte les acteurs dans le système
énergétique, et que l’on a donc sous-estimé l’importance des comportements et des influences
non-économiques (Ibid.). Ceci bien que de nombreuses études sur les économies d’énergie
entreprises dans les années 1970-80 suggèrent déjà que les comportements humains et les
processus sociaux devraient être considérés comme centraux (Ibid p.250). Ces études ont
exploré les interactions comportementales entre les hommes et les bâtiments, les appareils et
plus généralement avec les technologies afin de mieux comprendre les flux énergétiques.
7 Il faut toutefois tenir compte de l’effet rebond et de la multiplication du nombre d’appareils, de voitures, de
transports de marchandises ou de personnes etc. 8 « In fact, studies of nearly identical units, occupied by demographically similar families, have reported large
(e.g. 200-300%) variations in energy use. Variability is also notable at the end-use (appliance, heating, hot
water use) level.» (Lutzenhiser 1993, p.249)
18
Selon l’IEADSM (International Energy Agency, Demand Side Management Programme), il
est estimé que plus de 30% de la demande d’énergie dépend du comportement des
utilisateurs9.
Malgré ces recommandations vieilles de plusieurs décennies, on accorde encore peu
d’importance aux aspects purement comportementaux en Suisse. On pourrait dire que c’est la
« méthode » ou la « vision » des ingénieurs qui est largement appliquée, alors qu’il serait
efficace de combiner à la fois les mesures techniques et des stratégies de communication
inspirées des sciences sociales (sociologie, psychologie, anthropologie, « marketing ») qui
visent à influencer les comportements.
Le DIF(E)C est intéressant sur ce point, puisque c’est un outil technique qui encourage un
changement comportemental : Ce n’est pas le fait d’installer des compteurs et de facturer
selon la consommation effective qui diminue la consommation d’énergie, mais bien le
changement des comportements en conséquence de ces décomptes individuels. La
communication est un élément crucial puisqu’elle permet de faire le lien entre l’aspect
technique du DIFC d’une part et les comportements de consommation d’autre part. Cette
communication va du simple fait d’informer sur l’existence du décompte individuel et donc
que l’utilisateur est facturé selon sa consommation effective10
à fournir des informations plus
détaillées qui permettent au consommateur d’observer l’évolution de sa consommation ou de
comparer avec la consommation moyenne des logements du même immeuble ou du quartier,
ce qui peut d’autant plus contribuer à modifier les comportements (Lutzenhiser 1993 p.255).
Enfin, la communication peut comporter des techniques d’influence ou de « manipulation »
similaires à celles utilisées dans le marketing. Ces techniques sont souvent plus efficaces que
la communication simplement informative qui a tendance à considérer le groupe cible comme
étant rationnel, ce qui n’est pas toujours le cas :
«Les promoteurs des différentes politiques de MDE (maîtrise de la demande d’énergie)
semblent postuler l’existence d’un consommateur rationnel supposé comprendre les enjeux
des démarches de MDE et les intégrer dans ses pratiques au quotidien. Or, le modèle de
l’acteur économiquement rationnel n’existe qu’en théorie. Le calcul économique n’est pas
son seul registre d’action.» (...) «Si le consommateur tend à adhérer au message de MDE
lorsque les informations proposées confortent son propre système de valeur, il tend à les
ignorer lorsqu’elles n’entrent pas dans son système de référence. On comprend alors
combien il importe que les valeurs que sous-tend toute politique de MDE soient en phase avec
celles qui motivent les individus. Les consommateurs sont, de fait, peu disposés à changer
leurs habitudes en matière d’éclairage, de chauffage ou de réfrigération.» (Dobre et Juan
p.292).
9 «It is estimated that up to 30% of energy demand is locked in the socalled ‘behavioural wedge’. This ‘wedge’
includes people’s energyusing habits, as well as their purchasing decisions of energy (in)efficient technologies.
The best ideas, policies, and programmes have failed again and again in achieving a lasting reduction of energy
consumption. This ‘market failure’ of energy efficiency is often due to the vagaries of human behaviour and
choice. Therefore, we believe that a better understanding of human behaviour in energy use is key to achieving a
transition to a sustainable energy system.». (Rotmann 2012, p.14) 10
Ce qui n’est étonnamment pas toujours le cas en Suisse.
19
La rationalité est aussi partiellement liée à une question d’échelle : au niveau d’une industrie
ou d’une entreprise de bureaux, les calculs d’économie d’énergie sont essentiellement
rationnels et économiques, alors qu’ils font appel à des valeurs plus subjectives et à la
psychologie pour les ménages.
Corrélations entre attitudes, opinions, milieux socioculturels et comportements de
consommation
Une gamme d’attitudes et d’opinions ont été corrélés avec des comportements d’économie
(ex: sentiments d’obligation, croyance en l’importance des économies d’énergie, foi en la
science, croyance de l’importance de l’individu dans la société) ainsi qu’avec des
comportement opposés aux économies (ex: confort et questions de santé) (Lutzenhiser p.252).
Certains chercheurs ont supposé que le désir de confort peut être en compétition
(contradictoire) avec les valeurs pro économies d’énergie, et ont montré que la perception du
confort diffère entre les « pro » et les « anti »-économies (Ibid.).
Une série d’études ont aussi tenté de modéliser le procédé de « decision making » que les
psychologues pensent être sous-jacent aux comportements d’économie d’énergie (Ibid.). Ces
études ont souvent utilisé le modèle général de Fishbein-Ajzen (F-A), qui voit les intentions et
les comportements comme le résultat d’une balance dynamique entre l’attitude de preneur de
décision individuel et les influences de l’environnement.
D’autres modèles alternatifs considèrent à la fois les contraintes contextuelles et les attitudes
liées à l’énergie. Ils ont montré que les forces relatives de l’attitude et du contexte peuvent
dépendre de la complexité, de la difficulté et du coût du comportement en question (Ibid.).
Coltrane et al. (1986) font eux le lien entre des connaissances provenant d’études de
psychologie et la question des économies d’énergie et le design des programmes. Ils
identifient un certain nombre de domaines qui devraient être centraux pour les planificateurs,
par exemple l’importance de fournir des informations précises et personnalisées aux
consommateurs (cité par : Ibid p.253). De telles informations pour le chauffage et l’ECS ne
sont possibles qu’avec le DIFC s’il y a une chaudière centralisée.
Selon Lutzenhiser, il y a un consensus dans la littérature pour dire que les modèles adéquats
de comportements d’utilisation de l’énergie doivent être liés plus directement au « contexte
social de l’action individuelle » (Ibid.). Ceci découle de points de vues de sociologues et
d’anthropologues qui pensent que, « dans la mesure où le comportement humain est
intrinsèquement social et collectif, ses principes organisationnels fondamentaux ne peuvent
pas être découverts par l’étude des individus ». Des chercheurs ont donc pris comme unité
d’analyse des familles et des groupes sociaux plus larges11
.
Plusieurs études semblent indiquer que la consommation d’énergie est déterminée par des
variables socio-économiques, alors que les comportements liés aux économies d’énergie
11
Les relevés effectués par l’entreprise vaudoise spécialisée dans les décomptes de chaleur Alfred Aubort SA
montrent effectivement des différences significatives des quantités d’énergie consommées suivant les milieux
sociaux (source : entretien O. Aubort).
20
(changement du comportement) seraient principalement déterminés par des facteurs
psychologiques (Abrahamse et Steg 2009 p.719). Des variables comme le revenu influencent
nettement les opportunités de consommer plus ou moins d’énergie car le nombre d’appareils,
la taille du logement ou le confort changent beaucoup en fonction de cette variable. En
général, la consommation d’énergie augmente donc en fonction du revenu (Ibid.). La
réduction de la consommation d’énergie nécessite elle des efforts conscients pour changer son
comportement (Ibid.). Abrahamse et Steg découvrent que la consommation directe et
indirecte12
d’énergie, ainsi que les économies directes et indirectes sont déterminées par
différents « sets de variables » (Ibid.). Ils pensent que cette découverte peut être importante
pour la création des instruments des politiques publiques, car on peut mieux cibler des
variables psychologiques spécifiques, par exemple améliorer le niveau de perception du
contrôle sur le comportement («enhancing levels of perceived behavioral control») (Ibid
p.720) et ainsi obtenir de meilleurs résultats. Ces chercheurs démontrent que les économies
d’énergie sont corrélées positivement à la perception du contrôle sur son propre
comportement (Ibid. p.718). Plus les gens pensent qu’ils sont capables de changer leur
comportement et économiser de l’énergie et plus ils en économisent effectivement, bien que
la corrélation ne soit pas forte (Ibid.). Si la croyance en sa capacité à changer ses
comportements aide à passer à l’acte, les décomptes individuels seraient utiles pour la
conforter puisqu’ils permettent d’illustrer « noir sur blanc » l’impact du changement de
comportement.
Lien entre préoccupations environnementales et actions :
«Le peuple, entouré de flatteurs, parvient difficilement à triompher de lui-même.
Chaque fois qu’on veut obtenir de lui qu’il s’impose une privation ou une gêne, même
dans un but que sa raison approuve, il commence presque toujours par s’y refuser.»
(Alexis De Tocqueville, De la démocratie en Amérique)
Bien qu’aujourd’hui « tout porte à penser » que la préoccupation pour les enjeux
environnementaux mobilise les citoyens et oriente leur comportement (Dujin et al 2008 p.4),
la sensibilité à ces enjeux « reste relativement indépendante des comportements effectifs »
(Ibid.). On observe donc souvent une incohérence entre les préoccupations des citoyens et
leurs actions. Selon le Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de
Vie (CREDOC), il est donc important de s’intéresser aux « structures qui conditionnent13
»
12
La consommation indirecte se fait surtout par les produits que l’on consomme (énergie grise). Par exemple,
quelqu’un qui achète souvent de la nourriture importée de loin avec beaucoup d'emballages aura une plus grande
consommation d’énergie indirecte que quelqu’un qui achète des produits locaux et/ou peu emballés. 13
« Les travaux du CRÉDOC sur la mise en place du tri sélectif ont en effet montré que l’adoption par les
ménages de la pratique du tri des déchets était moins liée à leur conscience écologique qu’à la mise en place
d’une offre de service public (système de poubelles, taxes et redevances d’enlèvement des ordures ménagères),
qui inscrit le geste individuel du tri dans un cadre collectif canalisé. Il faut réfléchir à un mécanisme équivalent
de canalisation des comportements dans le domaine de la consommation d’énergie. Il pourrait s’agir par
exemple d’un système collectif de rationalisation des consommations d’eau et d’énergie à l’échelle des
immeubles collectifs. Sa mise en œuvre pourrait s’appuyer sur un acteur de proximité particulièrement
important pour le secteur résidentiel-tertiaire, le syndic d’immeuble, qui est généralement soucieux de faire
21
les comportements plutôt que de trop se reposer sur la simple diffusion d’une conscience des
enjeux environnementaux (Ibid.). Il est important d’avoir une structure qui aide à ce que ces
préoccupations se traduisent par des actions. Le citoyen conquis (pas l’idée qu’il faut agir
pour l’environnement) a donc aussi besoin d’un encadrement au niveau de l’infrastructure et
de l’information pour transformer au mieux ses préoccupations en actions. Un conquis sera
par exemple plus enclin à trier ses déchets si le centre de tri le plus proche se trouve à 200m
plutôt que 1km. En récompensant le bon comportement, le DIFC peut avoir ce rôle
d’encouragement pour des conquis qui n’agissent pas encore totalement selon leurs
convictions.
Modélisations de comportements :
Les modélisations de comportements (behavioural models) sont utiles pour comprendre
comment agissent les consommateurs et pourquoi ils agissent ainsi. Ces modélisations
peuvent être très différents d’une théorie à l’autre (Axsen and Kurani 2012, cité par European
Environment Agency 2013 p.12). Voici un exemple de modèle simplifié:
(Source: European Environment Agency 2013 p.12).
On voit dans la figure ci-dessus que les facteurs qui influencent les comportements et les
habitudes de consommation sont dynamiques, c’est à dire qu’ils changent au cours du temps,
ce qui rend les comportements quelque peu irrationnels et plus ou moins imprévisibles (Ibid.).
baisser les charges de gestion des bâtiments. L’une des principales mesures que les syndics pourraient mettre en
œuvre consiste à baisser le niveau de température fourni par les installations de chauffage collectif et de
fourniture d’eau chaude. Autrement dit, si les leviers de l’information et de l’incitation sont indispensables pour
orienter le message public, ils ne sont pas suffisants à eux seuls et doivent être complétés par des mesures plus
structurelles. Infléchir les comportements vers la maîtrise des dépenses d’énergie (la MDE) nécessite,
aujourd’hui, de peser plus fortement sur les leviers de la consommation et de la gestion collective des usages
individuels ». (Ibid.)
22
Selon Elizabeth Shove (Shove, 2003), les habitudes de consommation routinières sont
contrôlées dans une large mesure par les normes sociales, et sont passablement formées par
les facteurs culturels et économiques. Nous ne serions généralement pas conscients de nos
habitudes routinières. Une des principales conclusions de cette recherche est qu’il faudrait
plutôt se concentrer sur l’évolution des normes sociales que des comportements individuels
(European Environment Agency 2013 p.13). Shove défend aussi l’idée qu’il existe une
relation étroite entre le type de comportements et les infrastructures (Shove 2010), la façon
dont les gens consomment l’énergie s’ils possèdent des smart meters ou non par exemple
(Ibid.).
Impact de la facturation selon la consommation effective sur la quantité
consommée:
Une large étude de l’OCDE a montré que les ménages auxquels on facture l’eau selon leur
consommation effective en consomment environ 20% moins que ceux pour qui l’eau est
comprise dans le loyer (OCDE 2011 p.2). Les premiers sont aussi plus enclins à s’équiper
d’économiseurs d’eau (Ibid.). L’étude montre aussi que les ménages qui paient pour les
déchets ménagers (taxe au sac) émettent moins de déchets et recyclent plus, ou que
l’augmentation du prix du carburant diminue l’utilisation de véhicules à essence (Ibid.). Cette
étude confirme aussi l’influence que peut avoir sur le comportement des utilisateurs le fait
d’informer sur la quantité consommée. Elle leur permet de connaître leur niveau de
consommation. L’étude montre que le fait de mesurer la consommation d’une ressource et de
la facturer a un impact sur la prise de décision des gens même si le prix est très faible (Ibid.).
Une étude du CREDOC où l’on a chiffré la consommation de deux ménages de tailles
similaires (nb personnes et espace) et où l’un avait des comportements économes et l’autre
non, a pourtant montré que les gains (financiers) découlant d’un comportement économe « ne
sont finalement que modérément incitatifs » au regard de la multiplicité des gestes quotidiens
que cela implique de changer (Dujin et al. 2008 p.2) ». Le fait de facturer selon la
consommation effective peut donc provoquer un changement de comportements même si le
rapport coûts-bénéfices de ce changement n’est pas « vendeur ».
L’utilité des feedbacks et autres informations sur la consommation
Rendre l’énergie «visible»:
La consommation d’énergie domestique est encore « invisible » pour des millions
d’utilisateurs et c’est là l’une des principales causes de gaspillage14
. Il est très difficile de
rendre les gens conscients de la quantité d’énergie qu’ils consomment sans leur fournir des
informations qui leur permettent de le visualiser. Et informer sur la quantité consommée n’est
pas suffisant puisque nombre de personnes ont besoins d’aide pour interpréter ce feedback et
savoir quelles sont les bonnes actions à entreprendre (pour économiser de l’énergie) (Darby
14
“Domestic energy consumption is still largely invisible to millions of users and this is a prime cause of much
wastage. Feedback on consumption is necessary for energy savings. It is not always sufficient – sometimes
people need help in interpreting their feedback and in deciding what courses of action to take – but without
feedback it is impossible to learn effectively.” (Darby 2006 p.17).
23
2006 p.17). La chaleur émanant des chauffages est une énergie particulièrement invisible.
Contrairement à de l’eau qui coule ou une ampoule allumée, on perçoit mal l’énergie
gaspillée lorsque les radiateurs sont chauds avec les fenêtres ouvertes15
. Ce chapitre montre
quels sont les effets que l’on peut attendre des feedbacks sur la consommation et des
benchmarks qui permettent aux consommateurs de comparer leur propre consommation dans
le temps et avec celle des autres ménages. Le but est de montrer que le DIFC a un potentiel
qui n’est pas assez exploité et qui pourrait améliorer son efficacité et donc son rapport coûts-
bénéfices à moindres frais. Les décomptes de DIFC en Suisse ne fournissent trop souvent
qu’une fiche de calcul démontrant pourquoi l’utilisateur doit payer le montant demandé, sans
aucune comparaison temporelle ou avec le voisinage avec une présentation visuelle facile à
analyser. On ne compte donc quasiment que sur l’argument financier pour inciter les gens à
moins consommer d’énergie, alors que le fait d’informer sur le niveau de consommation peut
selon le cas avoir un impact encore plus important. (Voir exemple de fiche de décompte en
annexe).
Le «smart metering»
Les smart meters, qui indiquent la consommation d’électricité d’un ménage en temps réel, se
sont révélés efficaces pour permettre aux gens de prendre conscience de leur consommation et
changer leurs habitudes. En Allemagne, une expérience a été menée pour mesurer les effets de
l’information sur la consommation de chauffage en temps réel, à la manière des smart meters
pour l’électricité16
. Le système permet aux utilisateurs de connaître leur consommation via un
portail Internet et de mieux agir pour gérer leur consommation. Les premiers ménages à avoir
testé le système ont réduit leur consommation de 15% en moyenne (Deutsche Energie-
Agentur). Il faut prendre en compte que, le DIF(E)C étant généralisé en Allemagne, il s’agit
d’une économie supplémentaire.
Les feedbacks sur la consommation jouent donc un rôle essentiel pour sensibiliser sur la
consommation d’énergie et inciter les utilisateurs à modifier leurs comportements. Il existe
différentes façons de fournir un feedback aux utilisateurs: direct feedback, indirect feedback,
inadvertent feedback et les audits énergétiques (Darby 2006, cité par European Environment
Agency 2013). On considère comme direct feedback les systèmes qui permettent de donner
des informations sur la consommation en temps réel, comme les smart meters.
Darby (2006) étudie 38 projets de feedback sur la consommation réalisés entre 1975 et 2000
(European Environment Agency 2013 p.17). Bien qu’il soit difficile de comparer et
catégoriser ces études, l’auteur conclut que les feedbacks directs et indirects ont un impact
positif important sur la sensibilisation et les économies d’énergie. Le tableau ci-
dessous montre les économies atteintes par différentes expériences de feedback indirect. C’est
15
Une fenêtre basculante qui demeure ouverte pendant 10 heures lorsque la température extérieure est inférieure
un appartement de 3 pièces). (OFEN 2004 p.32). L’impact est donc bien plus important que de laisser une
lumière allumée, un geste pourtant « médiatisé » comme un symbole des pertes d’énergie dans les logements. 16
L’expérience est le fruit d’une collaboration entre la Deutsche Energie-Agentur (dena), ista Deutschland
GmbH (une compagnie de compteurs), la Deutscher Mieterbund e.V. (association des propriétaires allemands) et
le ministère fédéral allemand des transports, des constructions et du développement urbain (BMVBS)
24
essentiellement le feedback indirect qui nous intéresse car c’est celui qui se prête le plus à ce
qu’on peut réaliser actuellement avec DIF(E)C.
(source : European Environment Agency 2013 p.17)
Effets des informations supplémentaires permettant de comparer sa
consommation :
Les « factures améliorées » (« enhanced billing ») sont un type de feedbacks indirects qui
peuvent prendre différentes formes, comme la comparaison de la consommation de
l’utilisateur avec un niveau de référence nominal, la moyenne du voisinage ou avec son
historique de consommation. Le rapport de Darby montre que les économies réalisées grâce
au feedback indirect sont en général plus faibles que celles obtenues grâce au feedback direct.
Cependant et comme on l’a vu ci-dessus, les économies sont tout de même substantielles et
peuvent surtout être obtenues à moindre coût (Ibid pp.18-19). En effet, alors que le feedback
direct nécessite une technologie moderne, il ne coûte quasiment rien d’ajouter des
informations sur la facture d’électricité ou de chauffage dans le cas où le décompte individuel
est déjà effectif. Les données qui permettent à l’utilisateur de comparer sa consommation avec
la moyenne de son immeuble ou des périodes de chauffe précédentes sont toutes disponibles,
il suffit donc de les imprimer avec la facture et de rendre ces informations facilement
compréhensibles pour leur destinataire. Il est important d’accompagner aussi ces factures
d’autres mesures d’encouragement aux économies d’énergie (conseils pratiques,
sensibilisation, ...).
La comparaison avec d’autres ménages permet aux habitants de situer leur consommation par
rapport aux autres, et c’est un bon incitatif pour améliorer les habitudes de consommation
(développé plus bas). Pour ce qui est du chauffage dans les logements collectifs, il faut
comparer ce qui est comparable : informer les habitants sur leur consommation par rapport à
la moyenne de leur immeuble est plus recommandé qu’une comparaison avec la rue ou le
quartier puisque ça dépend de l’efficacité thermique du bâtiment. La comparaison de la
consommation d’eau chaude peut, elle, être faite entre tous les immeubles.
Une étude du gouvernement britannique (Ispos Mori, 2011, cité par Ibid p.20) a été faite pour
savoir quels sont les benchmarks à joindre aux factures qui sont les plus efficaces pour
influencer les comportements, et c’est la comparaison avec le voisinage qui serait la plus
efficace. Sans comparaison avec le voisinage, l’utilisateur peut difficilement savoir si sa
consommation d’énergie est « excessive » ou pas. Un benchmark peut être la moyenne du
25
voisinage pour ceux qui sont en dessous. Ou par exemple la moyenne des 20 ou 10% les plus
économes pour ceux qui sont en dessous de la moyenne.
Effet des normes sociales sur les comportements de consommation:
Plusieurs expériences montrent que le fait d’indiquer qu’un comportement est celui que la
société juge souhaitable est efficace pour encourager ceux qui ne l’on pas fait à adopter ce
comportement. Indiquer qu’un comportement est adopté par la majorité de la population et
qu’il est donc une « norme » a aussi cet effet. Cela peut être un bon moyen d’encourager un
groupe minoritaire à changer certaines habitudes, pour autant que le comportement le plus
répandu soit justement celui qui est recommandé ou du moins que l’on arrive à le faire penser
au groupe cible. Un message indiquant qu’une majorité a un mauvais comportement
(surchauffer l’habitation par exemple) peut au contraire parfois être contre-productif (Cialdini
2003), ceci à la fois sur le groupe qui a le mauvais comportement (certains peuvent être
rassurés par le fait que la majorité fait comme eux et moins se sentir incités à changer) et
surtout sur ceux qui ont le comportement exemplaire (il peuvent ainsi être encouragés à
« relâcher les efforts » puisqu’ils en font « déjà assez » par exemple). On parle alors d’« effet
boomerang » (Schultz et al. 2007 p.430). Au contraire, une campagne indiquant que les
personnes qui ont un mauvais comportement sont moins nombreuses qu’on ne le pense a un
effet positif pour inciter les gens à ne pas adopter ou continuer le comportement en question
(Ibid.). Un message complémentaire indiquant ce qui est « bon » ou « mauvais » peut
accroître cet effet même si les gens le savent bien (Ibid.).
Exemple d’une expérimentation de Shultz et al. sur 290 ménages californiens (Ibid.) :
Les ménages reçoivent un feedback sur leur consommation d’énergie des semaines
précédentes et des informations sur la consommation moyenne des autres habitations du
voisinage. Les ménages sont séparés en deux catégories à chaque période de mesure: ceux qui
ont une consommation supérieure à la moyenne et ceux qui sont en dessous. Ces deux
groupes sont alors séparés en deux de façon aléatoire. La moitié reçoit seulement une
indication sur la consommation (au-dessus ou au-dessous de la moyenne) («only the
descriptive normative information»), et le deuxième reçoit en plus des émoticônes souriants
() ou grimaçants () sur la facture suivant sa consommation par rapport à la moyenne («the
descriptive normative information plus an injunctive message conveying that their energy
consumption was either approved or disapproved») (Ibid.).
Hypothèses:
«We had three main predictions. First, we expected that descriptive normative
information would decrease energy consumption in households consuming more energy
than their neighborhood average. Such a result would be indicative of the constructive
power of social norms, demonstrating that normative information can facilitate
proenvironmental behavior. Second, we expected that descriptive normative
information would increase energy consumption -that is, produce an undesirable
boomerang effect- in households consuming less energy than their neighborhood
average. Such a result would be indicative of the destructive power of social norms,
demonstrating that a well-intended application of normative information can actually
serve to decrease proenvironmental behavior. Third, we expected that providing both
26
descriptive normative information and an in- junctive message that other people
approve of low-consumption behavior would prevent the undesirable boomerang effect
in households consuming less energy than their neighborhood average; that is, we
expected these households to continue to consume at low rates. Such a result would be
indicative of the reconstructive power of injunctive messages to eliminate the untoward
effects of a descriptive norm.» (Ibid.).
Les résultats sont les suivants: comme attendu, le feedback uniquement descriptif provoque
une baisse significative de la consommation d’énergie chez ceux qui sont au-dessus de la
moyenne (Ibid. p.431). Ce résultat illustre le potentiel constructif des normes sociales (Ibid.).
Au contraire, le feedback fournit aux ménages qui consomment moins provoque, comme
attendu, une augmentation de la consommation d’énergie (effet boomerang). Soit un exemple
d’effet pervers de communication sur les normes sociales. Quant aux feedbacks avec les
messages injonctifs ajoutés, les ménages qui consomment moins que la moyenne continuent
de consommer la même quantité (on annule l’effet boomerang) et les ménages qui
consommaient plus diminuent aussi leur consommation (Ibid p.432).
Schultz (1999) observe que des ménages qui reçoivent des informations sur les habitudes de
recyclage d’une « famille moyenne » (modèle) du voisinage trient davantage leurs déchets par
la suite, ou qu’une communication similaire augmente la réutilisation des linges de bains de
plus de 28% dans les hôtels (Goldstein, Cialdini et Griskevicius, cité par Nolan et al. 2008
p.914) (plutôt que de les donner à laver après la première utilisation en les laissant au sol), des
messages qui ont bien plus d’effet que ceux qui incitent à adopter ce comportement pour
protéger l’environnement. Plusieurs études montrent que ces influences de la norme sont
souvent inconscientes, soit parce que le stimulus qui amène à se conformer est trop subtil
pour être perceptible, ou que la personne nie qu’il ait une réelle influence sur son
comportement (Nolan et al. 2008 p.914) : « (...) individuals place greater weight on
introspective thoughts and beliefs related to their decision to conform than to the behavioral
evidence of their conformity. For example, if Jane is told that most students at her university
support a change in the early decision policy, then she is more likely to support the change in
policy herself, compared to those who are told that most students do not support the change.
However, when asked why she supports the change in policy, Jane is likely to cite personal
thoughts and reasoning as the most influential cause for her support.» (Ibid p.915).
Dans une autre étude, en Californie, on a demandé aux personnes d’indiquer, s’ils le faisaient,
les raisons qui les amenaient à économiser l’énergie (Ibid.). Il devaient classer les raisons
suivantes suivant l’importance accordée, de 1 à 4 (pas du tout important à extrêmement
important): Lorsque vous choisissez d’économiser de l’énergie, ce qui est important pour
vous est:
- qu’utiliser moins d’énergie permet d’économiser de l’argent
- que ça permet de protéger l’environnement
- que la société en bénéficie
- que beaucoup de gens essayent d’économiser l’énergie (Ibid.).
La réponse la plus courante était la protection de l’environnement, suivi par le bénéfice pour
la société, les économies d’argent, et en dernier parce que beaucoup de gens le font aussi (Ibid
p.916). La plupart de gens pensent donc agir pour le bien de l’environnement et les
générations suivantes, et ne sont pas très enclins à penser que le comportement des autres
influence le leur. Malgré cela, les chercheurs observent une forte corrélation entre ce que les
répondants pensent que les habitants du voisinage font pour économiser l’énergie et la
description qu’ils donnent de leur propre comportement (Ibid p.917).
27
Puisque cette étude ne permet pas de tirer de conclusions solides, les chercheurs opèrent alors
une recherche sur le terrain. Le but est d’observer quel est l’impact de différentes
informations sur les comportements (Ibid.). On envoie des messages encourageant à
économiser l’énergie à un groupe de ménages californiens séparé en quatre sous-groupes de
façon aléatoire (981 ménages de la classe moyenne au total) et on observe les effets sur leur
consommation effective en relevant les compteurs d’électricité. Les messages sont accrochés
aux poignées des portes des maisons, et encouragent à adopter un des quatre comportements
permettant d’économiser de l’énergie: prendre des douches plus courtes, éteindre les lumières
inutilement allumées, éteindre l’air conditionné la nuit et utiliser des ventilateurs plutôt que
l’air conditionné (Ibid p.918). Il y a 20 messages différents, soit un pour chaque
comportement dans les 5 conditions (informatif, trois messages non-normatifs et un message
normatif). Les messages informatif indiquent seulement que l’on peut réaliser des économies
d’énergie en adoptant le comportement. Les trois messages non-normatifs sont ceux qui
étaient définis comme ayant le plus d’influence parmi les répondants de la première étude,
soit la protection de l’environnement, le bénéfice pour la société et les économies d’argent. Le
message normatif contient un message du type « 99% des gens de votre voisinage déclarent
éteindre des lumières inutilement allumées pour économiser de l’énergie » en plus d’un des
trois arguments non-normatifs. 509 ménages acceptent de répondre aux questions des
chercheurs et qu’on relève leurs compteurs d’électricité. Sur ces 509 ménages, 371 répondants
disent avoir vu et lu le message sur leur porte, c’est le groupe qui est pris en compte pour les
conclusions de l’expérience.
Les participants répondent à la question « Dans quelle mesure l’information qu’on vous a
distribué vous a motivé à économiser de l’énergie? » sur une échelle de 1 (pas du tout) à 4
(totalement). Les résultats sont similaires à ceux de la première étude, où les motifs
environnementaux et de responsabilité sociale sont ceux qui sont identifiés comme les plus
influents pour économiser l’énergie (Ibid p.919).
L’analyse du relevé des compteurs montre que les personnes ayant reçu un message normatif
consomment significativement moins d’énergie que toutes les autres catégories à court (un
mois) et « long » terme (deux mois) (Ibid.). On constate là aussi que les résidents interrogés
pensent que l’argument normatif est le moins motivant alors que c’est celui qui a en fait le
plus d’impact sur leur comportement.
Cette expérience permet donc de constater que les gens sont influencés par ce que font les
autres même s’ils ne l’avouent ou ne le remarquent pas. Les auteurs font le parallèle entre ce
déni d’influence de la majorité auprès des répondants et d’autres études qui ont montré qu’on
observe le même phénomène lorsqu’il s’agit de l’influence d’une minorité (il est prouvé que
les membres d’un groupe sous-estiment souvent l’influence qu’ont sur eux les membres
minoritaires du groupe) (Aebischer, Hewstone, & Henderson, 1984; Alvaro & Crano, 1996;
Crano, 2001; Maas & Clark, 1993. Cité par Nolan 2008, p.921).
Il est peut-être tout aussi intéressant de constater ce qui ne fonctionne pas, c’est à dire que
l’argument normatif a bien mieux fonctionné que les autres arguments, qui sont pourtant
largement utilisés dans les campagnes de préventions dans le domaine. Leur efficacité est très
discutable si l’on en croit les résultats de cette recherche. Les campagnes encourageant à avoir
les bons comportements, dont mieux protéger l’environnement, seraient généralement peu
efficaces (Schultz 2002, cité par Nolan 2008 p.921). Une explication peut être que les
personnes qui sont sensibles à ces messages se soucient déjà de l’environnement et ont déjà
adopté des comportements économes, que l’on prêche donc à des convaincus. Il est alors utile
de trouver des arguments pour convaincre les autres, dont une partie ne trouve peut-être pas
28
d’autre raison d’économiser l’énergie que le fait de se conformer à une « majorité ». C’est là
tout l’intérêt des arguments normatifs selon Cialdini et d’autres chercheurs : la comparaison
serait l’un des seuls moyens efficaces de pousser les gens qui ne se soucient pas de
l’environnement à faire des efforts. Ces études montrent le potentiel supplémentaire que
pourrait avoir le DIF(E)C si on l’accompagne de « factures améliorées ».
Il ne faudrait pas pour autant arrêter de sensibiliser les citoyens sur la consommation
d’énergie, surtout pour celle qui est nécessaire au chauffage et à la production d’eau chaude,
car la proportion de gens qui savent que près de la moitié de l’énergie du canton de Genève
(et les deux tiers de l’énergie fossile) est utilisée à cette fin est probablement très faible, même
chez les gens sensibles à l’écologie. Et d’une manière générale, les gens savent mal qu’est ce
qui consomme de l’énergie : « Moreover, people know little about the energy use related to
their behaviour. For example, when assessing the energy use of appliances, people tend to
rely on a simple heuristic: they think that energy use is related to the size of appliances. The
larger the appliance, the more energy it is believed to use (Baird and Brier, 1981; Schuitema
and Steg, 2005b). Obviously, this heuristic is not always accurate. Moreover, people
underestimate the energy use involved in heating water, which suggests that people are not
well aware of the fact that energy sources are needed to do this » (Schuitema and Steg,
2005b) (cité par Steg 2008 p.4450).
29
4 - QUELLE EFFICACITE DES DECOMPTES INDIVIDUELS DE CHALEUR?
Il y a essentiellement deux débats concernant le DIFC : Le premier porte sur la question de
savoir s’il permet de faire des économies d’énergie significatives, et le deuxième sur son
efficience par rapport à d’autres mesures envisageables, pour autant qu’un certain degré
d’efficacité soit reconnu. Nous discutons d’abord de la question de l’efficacité, puis du
rapport coûts-bénéfices dans un deuxième temps.
Le DIFC est-il substituable ?
La question de l’efficience du DIFC par rapport à d’autres mesures pose la question de savoir
si l’on peut atteindre les mêmes économies ou mieux à meilleur prix. Si le seul objectif est
d’atteindre environ 15% d’économies d’énergie pour le chauffage et l’eau chaude dans un
bâtiment (et que l’on considère que le DIFC permet d’atteindre cela), le DIFC est substituable
car on peut envisager d’autres solutions éventuellement moins coûteuses (travaux,
optimisation du système de chauffage, etc.). Mais le DIFC n’est pas substituable si l’on
souhaite non seulement des économies d’énergies mais également d’appliquer le principe de
l’utilisateur/pollueur-payeur (équité), de sensibiliser les utilisateurs à leur consommation
d’énergie et d’influencer leurs comportements.
Efficacité du DIFC
Y-a-t-il encore un débat sur l’efficacité du DIFC aujourd’hui? Pas selon l’OFEN : « Si
l'efficacité du système, instauré progressivement sur tout le territoire suisse depuis les années
1980, n'est pas contestée, la mise en œuvre de cette mesure de politique énergétique est
encore à l'état d'embryon dans de nombreux cantons. » (OFEN 2008). Il y a pourtant encore
beaucoup d’opposition à l’instrument, et les affirmations selon lesquelles « ça ne marche
pas », « que les gens ne changent leur comportement que temporairement » ou encore qu’il
provoque d’importants « vols de chaleur » sont courantes. Le faible degré de mise en œuvre
de l’instrument à Genève et dans plusieurs cantons l’illustre bien (voir chap.6). Il est donc
opportun d’y consacrer un chapitre pour clarifier ces points. Il est difficile d’évaluer
l’efficacité potentielle supplémentaire du DIFC puisqu’on n’utilise peu ou pas les outils de
communication développés dans le chapitre précédent, mais on pourrait faire l’hypothèse –
prudente- d’une économie supplémentaire d’environ 5% et plus. La faible part du budget
moyen des ménages allouée à l’énergie en Suisse laisse supposer que la communication
pourrait être autant voire davantage efficace que l’argument financier pour de nombreux
ménages.
Facteurs influençant le degré d’efficacité des décomptes:
- Qualité de la communication
- Niveau de vie des habitants et prix de l’énergie
- Préoccupation des habitants pour l’environnement et les économies d’énergie, croyance en
sa capacité à changer ses comportements et en l’importance de l’action individuelle, niveau
d’éducation, etc.
- L’efficacité dépend aussi du réglage du système de chauffage. Un mauvais réglage implique
souvent une surchauffe d’une partie des appartements, et les habitants sont plus encouragés
30
à pallier manuellement à ce problème technique avec le DIFC. Ce point est développé plus
loin dans ce chapitre.
L’influence de ces facteurs diffère suivant la façon dont ils sont combinés. Toutes choses
étant égales par ailleurs, l’effet d’une sensibilisation sur les moyens de réduire sa
consommation et sa facture d’énergie sera différent selon le pouvoir d’achat du ménage, les
préoccupations environnementales des habitants, la croyance en l’importance des
comportements individuels, etc.
Qualité de la communication:
Les fiches de décompte des frais de chauffage et d’ECS que nous avons consulté dans le cadre
de cette étude n’informent l’habitant que sur le prix qu’il doit payer. Il n’y a pas
d’information sur la consommation des périodes de chauffe précédentes ou la même période
de l’année précédente, de la moyenne du bâtiments ou encore de conseils pour économiser
l’énergie (voir exemple de fiche de décompte en annexe). Il y a même des bâtiments où une
partie des habitants ignorent qu’ils sont facturés selon leur consommation effective. Seules
43% des gérances sondées par Interface informent systématiquement les locataires sur le
fonctionnement du DIFC lorsqu’ils emménagent dans l’immeuble et 22.3% le font
« souvent » (Interface p.84). Mais la même question posée aux locataires lors d’un sondage
montre que seuls 35% disent avoir été informés (Ibid.). 45.5% des gérances du même sondage
informeraient les locataires de la consommation moyenne du bâtiment, et 42.1% sur la
consommation des années précédentes (Ibid p.85). Pourtant, aucune des personnes
interviewées dans le cadre de notre recherche (Amt für Energie de Bâle-Ville, OCEN, OFEN,
professionnels des décomptes, etc.) n’avait connaissance de l’existence de cas de « factures
améliorées » permettant de comparer la consommation dans le temps et avec les autres
ménages. Les quelques exemples de fiches de décomptes que nous avons pu examiner ne
fournissaient pas ces informations. Nous pouvons donc affirmer que la pratique est peu voire
pas courante en Suisse romande et à Bâle-Ville. Il est aussi possible que des régies informent
les locataires mais que ce soit plus présenté sous une forme qui s’adresse à des techniciens
qu’à un large public. Un chiffre noyé parmi d’autres n’est pas aussi explicite qu’un large
graphique coloré avec la consommation des années précédentes et celle de la moyenne du
voisinage.
Niveau de vie des habitants et consommation d’énergie:
La part du revenu allouée à l’énergie pour le chauffage et l’eau chaude varie selon le pouvoir
d’achat des habitants, le type d’habitation (niveau d’efficacité thermique) et le cours du
pétrole. Le prix des hydrocarbures varie peu d’un pays à l’autre en Europe en comparaison
aux salaires et aux prix d’autres biens de consommation courants, ce qui implique des écarts
importants dans la part moyenne du revenu allouée à l’énergie. Les Suisses sont généralement
« défavorisés17
» par rapport à leurs voisins pour le prix des biens courants18
, mais ce n’est
pas le cas pour l’énergie. Le pouvoir d’achat et la part du revenu allouée à l’énergie des
17
Entre guillemets parce que ça ne prend pas en compte le pouvoir d’achat ou la qualité des produits 18
Selon « l’Indice Big Mac », la Suisse est par exemple le troisième pays au monde ou ce sandwich est vendu le
plus cher, après la Norvège et la Suède
31
ménages sont des facteurs explicatifs de la volonté d’économiser l’énergie -ou pas- avec le
DIFC. Mais comme nous l’avons vu, le simple fait qu’un bien soit facturer selon la
consommation a déjà un impact pour beaucoup, même si le prix du bien en question est très
faible (effet psychologique de savoir que l’on paie selon sa consommation). L’incitatif
financier est probablement encore le plus important, même si la part de la population qui se
dit préoccupée pour l’environnement a tendance à croître dans les pays de l’OCDE. Une
enquête a montré que 85% des ménages « qui ont cherché à limiter leur consommation de
chauffage l’ont fait pour des raisons purement financières » en France en 2010 (Calvet et al.
p.3). En Ecosse, un tiers des ménages dépenserait plus de 10% de ses revenus en électricité et
gaz, et le renchérissement des prix de l’énergie de ces dernières années aurait conduit à plus
que doubler le nombre de ménages en situation de « pauvreté énergétique » depuis 2002
(LRD 2006 p.6). En France, il est connu que de nombreux habitants d’appartement, surtout
dans les quartiers défavorisés, ne peuvent s’offrir le luxe de chauffer comme les autres et
n’utilisent pas ou très peu leur chauffage individuel (précarité énergétique19
). Ceci s’explique
par le fait que les chauffages centralisés sont bien moins répandus en France, il y a donc plus
de chaudières individuelles. La consommation d’énergie pour le chauffage et l’ECS a
considérablement baissé ces dernières années en Allemagne, soit une baisse de 10% entre
2005 et 2009 malgré une augmentation de 2.2% du nombre de logements et une surface
moyenne accrue de 2.5% (Statistisches Bundesamt 2010). La réduction entre 2000 et 2009 est
de plus de 20% (Ibid.). Bien que les progrès en terme d’isolation y contribuent beaucoup,
l’augmentation du prix des hydrocarbures des dernières années -et donc les comportements
d’économie- explique aussi cette baisse (Ibid.). Le prix du gaz y a augmenté de 31% et le
mazout 43.8% entre 2005 et 2008 (Ibid.). La généralisation du DIF(E)C en Allemagne
implique qu’une part importante des habitants de logements collectifs a été sensible à cette
augmentation du prix de l’énergie. Bien que l’économie allemande se porte bien, la précarité
est courante et concerne aussi une partie des travailleurs. 600’000 ménages pauvres y ont du
mal à payer leur facture d’énergie (Chauveau 2013). La précarité énergétique est une
problématique qui commence à y être plus médiatisée et qui a été abordée lors des dernières
élections en Allemagne. Il est évidemment problématique que ces personnes ne puissent pas
se chauffer et utiliser de l’eau chaude autant qu’elles le souhaiteraient « à cause du DIFC »,
surtout si elles en souffrent. Mais on peut penser qu’en l’absence de DIFC et donc d’incitatif à
consommer moins, les logements seraient inabordables pour beaucoup en raison des charges
élevées.
19
Selon la loi, une personne est en situation de précarité énergétique lorsqu’elle « éprouve dans son logement
des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins
élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat.énergétique ». 3,8
millions de ménages en France métropolitaine sont en situation de précarité énergétique dans leur logement (le
foyer dépense plus de 10% de son budget pour ses factures d’énergie). + La mesure objective de la précarité
énergétique consiste à identifier les ménages dont les dépenses d’énergie sont excessives au regard de leurs
ressources. On considère qu’un foyer qui dépense plus de 10% de son budget pour payer ses factures
énergétiques est en situation de précarité énergétique. + La France compte 3,8 millions de ménages en situation
de précarité énergétiques soit 14,4 % des ménages (environ 8 millions de personnes). 70 % de ces ménages sont
parmi les plus modestes. Il s’agit de propriétaires (19,5 %), de personnes de plus de 65 ans ( 25,4% ) et
d’habitants de maisons individuelles ( 17,1%) (Gouvernement français)
32
Il est difficile d’évaluer la précarité énergétique en Suisse, puisque les charges énergétiques
pour le chauffage et l’eau chaude sont généralement « fixes20
». La facture d’énergie
thermique peut donc être associée au loyer en l’absence de DIFC. Certains évaluent la part de
la population touchée par la précarité à 10% en Suisse, mais ces personnes n’utilisent pas
moins d’énergie que les autres à cause de leur faible revenu si elles sont locataires et qu’il n’y
a pas de DIFC. Selon Olivier Aubort, directeur de l’entreprise d’installation de compteurs et
de décomptes Alfred Aubort SA, Les logements subventionnés sont pourtant souvent ceux qui
consomment le plus d’énergie pour l’eau chaude, même s’ils sont facturés selon leur
consommation. Le système des acomptes pour les charges implique que même s’ils
consomment beaucoup il reçoivent généralement de l’argent en retour à la fin de la période de
décompte (Source : entretien). Il s’agit là d’une limite du système actuel. Il serait bien plus
incitatif que les acomptes soient moins élevés et que ceux qui consomment plus que la
moyenne reçoivent une facture à la fin de la période de décompte. Ceci contribuerait aussi à
ce que l’instrument soit plus perçu comme une opportunité d’économies financières pour cette
population.
Préoccupation des habitants pour l’environnement et les économies d’énergie, croyance en
sa capacité à changer ses comportements et en l’importance de l’action individuelle :
Les personnes sensibles à la protection de l’environnement et convaincues de l’importance de
l’action individuelle sont déjà nombreuses à faire attention à leur consommation d’énergie,
mais le fait que le DIFC récompense les comportements économes peut les pousser à mieux
transformer leurs convictions en actions. Le tableau suivant montre qu’une majorité de
personnes pourtant déjà sensibles à la protection de l’environnement sondées par Interface ont
changé leurs habitudes suite à l’introduction du DIFC. Près de la moitié des personnes qui se
soucient moins de l’environnement ont changé leurs habitudes. Les personnes plus diplômées
seraient plus enclines à changer leur comportement pour le bienfait sur l’environnement, alors
que les moins diplômés associeraient plus les économies d’énergie à des économies d’argent
(ADEME 2007 A p.6).
(Source : Interface p.67)
20
Les habitants paient généralement plus que les charges effectives, et la régie rembourse l'excédent à la fin de la
période de chauffe.
33
Historique des évaluations du DIFC:
Lorsque les journaux romands commencent à publier des articles sur le DIFC, à la fin des
années 1970 et dans les années 1980, des possibilités d’économies supérieures à 15%, voir
25% et plus sont souvent mentionnées. Quelques années plus tard, on parle plutôt
d’économies entre 15 et 20%. Des expériences allemandes (RFA) servent souvent de
référence dans la presse ou des documents officiels. Le chiffre plus prudent de 15% est le plus
communément cité ensuite et jusqu’à aujourd’hui, que ce soit par l’administration fédérale,
l’International Energy Agency (IEA) ou les administrations de pays voisins. Les études
examinées dans le cadre de cette recherche démontrent en effet des économies de cet ordre de
grandeur.
Certains facteurs peuvent influencer les résultats des expérimentations. Il y a les facteurs
techniques (meilleure gestion du chauffage en parallèle à l’expérience ?), le fait que les
habitants se savent observés ou pas ou le type de communication.
Au début des années 80, le canton de Bâle Campagne et l’OFEN font une expérimentation sur
1200 appartements. Les résultats montrent une diminution de la consommation d’énergie de
14% dans un premier temps et de 23% en moyenne les années suivantes (Gazette de
Lausanne, 7 septembre 1985). 85% des locataires interrogés estiment que le DIFC
« encourage les locataires à économiser l’énergie », et 80% estiment ce nouveau système plus
équitable (Ibid.).
En 1992, l’OFEN publie une brochure sur le DIFC où six expériences menées par l’entreprise
RAPP Wärmetechnik AG sont mentionnées. L’économie d’énergie moyenne sur plus de
3'000 logements anciens est de 16.8% (OFEN 1992 p.44).
Etude Genevoise entre 1986 et 1989:
Cette expérience est menée par l’OCEN sur un groupe de dix immeubles (environ 250
appartements) représentatifs du parc immobilier genevois. Elle se limite à mesurer les
économies d’énergie pour le chauffage, il n’y a pas de décomptes individuels pour l’ECS.
L’économie moyenne de chauffage est de 21.2% la première année, 27% la deuxième et
26.4% la troisième (moyenne de 24.8%). Ces chiffres démontrent donc que les changements
de comportements ne sont pas que temporaires, du moins sur trois ans. L’économie est
calculée par rapport à la moyenne des deux années précédant l’expérience (Ottin et Spierer
1990 p.38).
Aucune modification des systèmes de chauffe ou de l’enveloppe des bâtiments n’est faite
durant l’expérience, mais des vannes thermostatiques sont installées en même temps que le
DIFC dans cinq immeubles. On ne peut donc pas isoler l’effet du DIFC dans ces immeubles
dont la baisse de consommation sur trois ans est de 25% en moyenne. Il n’y a que deux
immeubles qui sont déjà équipés de vannes thermostatiques avant l’expérience, et l’économie
moyenne y est de 28.2%. Deux immeubles conservent des vannes classiques durant
l’expérience, et leur économie moyenne est de 20.9%. Enfin, le dernier immeuble (référence)
n’a pas de répartiteurs donc pas de DIFC mais les habitants sont informés sur les économies
34
d’énergie et l’économie moyenne est de 9.6% (Ibid.). Les locataires ont été régulièrement
informés de l’avancée de l’étude, ce qui a possiblement influencé leur comportement.
En 1989, Bernard Aebischer, alors maître d’enseignement et de recherche au Centre
universitaire d’étude des problèmes de l’énergie de l’EPFZ, recommande de prolonger
davantage l’expérience pour qu’elle soit concluante, puisque les habitants peuvent moins faire
attention à leur consommation après quelques temps (Pellegrini 1988). Il pense cependant que
l’économie est exceptionnelle, et ajoute : « Cela fait dix ans que nous préconisons de telles
mesures, mais c’est aux politiciens maintenant d’agir dans ce sens » (A.C. Journal de
Genève, 5 avril 1989). Dans le procès-verbal des séances du Groupe technique DIFC en date
du 8 février 199021
: il est dit qu’« en réponse à la critique d’ingénieurs disant que les
comportements changent après l’introduction du DIFC mais que les mauvaises habitudes
reprennent après quelque temps, la commission propose de poursuivre l’expérience au-delà
de trois années. ». L’étude n’est finalement pas poursuivie parce que la loi qui « fixe le sort »
du DIFC à Genève (la politique du « bon IDC ou DIFC », voir chap.6 sur l’historique) est
votée la même année (entretien E. Spierer).
Importance de communiquer sur l’utilisation du chauffage : Dans un procès-verbal sur
l’expérimentation, il est dit que « le problème de l’information est à analyser soigneusement.
L’introduction du DIFC sans l’appui d’une information de qualité atteignant son objectif est
moins intéressante. En effet, il paraît évident que les meilleurs résultats ne peuvent être
obtenus sans offrir le «mode d’emploi» du DIFC aux utilisateurs, en particulier en ce qui
concerne les vannes thermostatiques ».
Malgré ce qu’on pourrait croire, bien des personnes n’ont aucune idée de comment fonctionne
une vanne thermostatique encore aujourd’hui. Il y a donc une économie potentielle à réaliser
déjà de ce côté là. Les vannes thermostatiques engendrent des pertes plus importantes que les
vannes classiques dans certains cas, lorsque les fenêtres sont ouvertes et le chauffage aussi par
exemple.
Une enquête auprès des locataires des immeubles participants à l’expérience de Genève22
,
avec 154 répondants sur 268 (58%) donne les résultats suivants:
- Favorables au DIFC : 139, défavorables : 9, neutre : 8
- Comportement modifié : 40, pas modifié : 68, un peu : 46
Des répondants au questionnaire indiquent qu’ils sont favorables à l’utilisation de ces
décomptes même s’ils n’ont pas changé leur comportement en conséquence (souvent parce
qu’ils sont déjà économes). Les résultats ci-dessus montrent aussi que seuls 9 répondants sur
154 y sont opposés. Il est possible qu’il s’agisse de personnes qui ont subi des augmentations
de leurs charges parce qu’ils consomment bien plus que la moyenne. Les commentaires
ajoutés aux questionnaires sont généralement très favorables au DIFC.
21
Environ p.34 doc « Commission consultative sur le DIFC (info locataires)» 22
Source: «Questionnaires aux habitants des immeubles concernés par le DIFC». Cote du document: 2005 va
12.2.67, cote de l’emplacement: M-A 46/9/6 à M-A 47/1/3 (Archives d’Etat)
35
Dans le rapport préliminaire de l’expérience, il est calculé (p.14) qu’« en supposant que
l’augmentation du prix du combustible suive celle du coût de la vie, la rentabilité du DIFC
sera assurée si l’économie de combustible dépasse 16.3%23
». Mais ce chiffre tient compte de
l’installation des vannes thermostatiques. Si l’immeuble en est déjà pourvu, il est dit que la
rentabilité du DIFC « est assurée » si l’économie de combustible dépasse 10.8%. Ceci alors
que le coût de l’énergie était plus bas qu’aujourd’hui.
Etude de l’Ökozentrums Langenbruck:
Le rapport de synthèse des résultats des évaluations du programme Energie 2000, paru en
1996, relate les conclusions d’une grande étude sur l’efficacité du DIFC menée en Suisse par
l’Ökozentrums Langenbruck (BL). L’efficacité de l’instrument y est encore démontrée sur
une durée de quatre ans.
«L’étude d’impact du DIFC confirme les résultats obtenus précédemment en Suisse et à
l’étranger. Pour ce faire, on a enregistré l’évolution de la consommation d’énergie dans un
échantillon de 218 immeubles choisis arbitrairement sur tout le territoire suisse et
comportant 2113 consommateurs de chaleur, cela, en excluant l’incidence des
assainissements et du climat. La comparaison de la consommation d’énergie sur plusieurs
années avant et après l’installation du DIFC a mis en évidence une réduction moyenne de
14%».
«L’actualisation des données de consommation d’une année supplémentaire montre que
l’économie d’énergie reste également constante en moyenne sur plusieurs années (quatre). La
crainte, souvent exprimée, que l’effet du DIFC s’atténuerait avec le temps («effet de
routine»), n’est donc pas confirmée, tout au moins au cours des quatre premières années
après l’installation du système.» (Balthasar et Frey-Eigenmann 1996, p.30). Nous ne savons
pas s’il s’agit de 14% d’économie d’énergie thermique totale grâce au DIFC, ou si c’est
seulement pour le chauffage. Il n’est en effet pas mentionné si le DIFEC était aussi installé.
Interface se base sur cette étude pour partir du postulat d’une économie de 15% pour son
analyse coûts-bénéfices de l’instrument. Ils citent deux autres expériences suisses qui
corroborent ce chiffre : « Diese Zahl [15%] stimmt recht gut mit den Werten überein, die für
den Kanton Basel-Landschaft im Jahre 1990 erhoben worden sind (vgl. dazu Linder et al.
1990, S. 88−89) oder in einer Pilotuntersuchung der Stadt Zürich aus dem Jahre 1989
ermittelt worden sind (IPSO 1989). » (Interface p.106).
Etude du COSTIC (France) :
L’Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) parraine
une recherche sur l’efficac ité des décomptes de chauffage, qui est menée de 2004
à 2006 par le Centre d’études et de formation pour le génie climatique et
l’équipement technique du bâtiment (COSTIC) et Christophe Bellay, sociologue
23
«Expérience pilote de DIFC». «Bilan de la procédure de consultation DIFC». Cote du document: 2005 va
12.2.67, cote d’emplacement: M-A 46/9/6 à M-A 47/1/3
36
du Centre national de recherche (CNRS/Certop24
) (ADEME 2007 B). La pose de
répartiteur permet des économies d’énergie allant de 10 à 20% selon les cas.
L’étude est menée sur 7 sites parisiens (des HLM et des immeubles « de standing »), 260
logements en tout. Un sondage auprès des habitants de ces immeubles montre qu’au moins
30% modifient leurs comportements suite à l’installation des répartiteurs, malgré l’absence
d’une « grande action de communication » (Ibid. Dossier de presse p.3). Le dispositif
encouragerait ici surtout les personnes qui ont déjà des comportements plus économes et sont
sensibilisés aux économies d’énergie et à la protection de l’environnement à faire mieux. Les
femmes sont plus nombreuses à changer leurs comportements, soit 40% contre 25%
seulement chez les hommes, mais ça dépend du niveau social et éducatif : plus le niveau
d’éducation augmente et plus on s’approche de la parité.
(Ibid p.3)
Remarque: la catégorie « radiateurs constamment fermés » signifie qu’un ou plusieurs
radiateurs sont constamment fermés et pas forcément que le logement n’est plus chauffé.
Le sondage fait aussi ressortir une opinion favorable quasi unanime pour l’instrument:
(Ibid p.4)
Quant aux « objectifs ressentis », 39% répondent « Diminuer les consommations d’énergie »
56% « Favoriser l’équité et la transparence », et 6% « Vendre des appareils et un service »
(Ibid.). Il y a donc une majorité qui perçoit l’objectif d’équité comme plus important, avant
les économies d’énergie. Le tableau montre aussi que le principe d’équité est très apprécié,
même « plus » que les économies (99% vs 87%) bien que les deux sont très favorables.
24
Centre d’études et de recherches travail organisation pouvoirs
37
L’étude permet de classer les habitants qui n’ont pas modifié leurs habitudes avec
l’instrument en plusieurs catégories (Ibid.):
- Les moins informés sur l’expérimentation et l’individualisation et/ou qui n’en ont
pas compris les principes.
- Les « actifs économes », ceux qui avaient déjà des pratiques énergétiques
actives et très économes, avec l’habitude de systématiquement fermer les robinets
de radiateurs lors des absences ou des aérations. Ces personnes ont atteint un «
seuil d’effort » au- delà duquel il leur paraît difficile d’aller.
- Les « contraints », ceux dont les pratiques sont limitées par des problèmes
d’installation de chauffage (robinets bloqués, fuites d’eau...).
- Les « inactifs », ceux qui n’ont pas l’habitude d’utiliser les robinets de radiateurs.
Pratiquement aucun des « inactifs » pour la gestion du chauffage n’a changé ses
habitudes. Dans ces cas, les routines semblent trop profondément ancrées et sans
doute satisfaisantes du point de vue du confort et du coût financier ; ce sont aussi
des gens pour qui la technique est un monde étranger.
- Les « réfractaires » qui privilégient leur confort et dont pratiquement aucun n’a
changé ses habitudes.
-
Etude d’Interface:
Cette étude est commandée par l’OFEN à l’institut privé de consulting et d’évaluation des
politiques publiques Interface. Le rapport est publié en 2008. Il s’agit de l’étude la plus
récente et la plus vaste sur le thème du DIFC dont on dispose en Suisse, c’est pourquoi nous y
faisons souvent référence dans le présent travail.
Les chercheurs d’Interface souhaitent vérifier que le pourcentage d’économie d’environ 15%
dont ils se servent comme postulat pour l’analyse coûts-bénéfices de l’instrument est
plausible. Ils utilisent les données de deux entreprises de décompte des frais de chauffage
pour un total de 330 appartements, avec correction selon les degré-jours. Les données portent
sur cinq ans mais les chercheurs partent d’un présupposé « curieux », à savoir que les
habitants qui changent leur comportement en conséquence du DIFC le font uniquement après
avoir reçu et pris en compte le montant de la première facture d’énergie liée au décompte
individuel25
, et pas aussi déjà à partir du moment où ils savent qu’ils sont facturés selon leur
consommation effective. Interface ne se base donc que sur les cinq années après
l’introduction de l’instrument pour juger de son efficacité, sans comparer avec la
consommation des habitants d’avant l’utilisation des décomptes.
Les autres études comparent toutes la consommation avant et après la mise en place de
l’instrument, et font ressortir qu’une part importante du changement a lieu dès que les gens
savent qu’ils sont facturés selon leur consommation, donc aussi avant de recevoir leur
première facture individuelle. On remarque une deuxième baisse de la consommation après
réception du premier décompte, et on peut penser que cela concerne surtout les gros
25
„Zur Überprüfung der Wirkung der VHKA nehmen wir an, dass die Veränderung der Verbräuche im zweiten
und dritten Jahr auf die VHKA zurückzuführen sind: Erst zu diesem Zeitpunkt können die Mietenden auf Grund
der Verbrauchszahlen aus dem Vorjahr reagieren.“ (Interface p.106)
38
consommateurs d’eau chaude et de chauffage qui voient du coup leurs charges augmenter par
rapport à avant.
Cette étude sur cinq années montre une diminution de la consommation par rapport à la
première facture liée au DIFC: elle réduit de 7.3% en cinq ans dans le premier groupe
d’appartements et 13.2% dans le deuxième (Interface pp. 107-109). Cette étude ne permet pas
de savoir de combien la consommation a baissé depuis avant l’introduction des décomptes,
mais les graphiques illustrent bien qu’il n’y a pas un retour aux anciens comportements, la
cinquième année ayant au contraire la deuxième valeur de consommation la plus basse dans la
premier groupe, et la plus basse dans le deuxième, ce qui reflète une évolution des
comportements allant dans le sens souhaité sur le long terme.
Nous n’avons pas trouvé d’étude prouvant que les personnes qui ont changé leurs
comportements après l’installation du DIFC reprennent leurs vieilles habitudes au bout d’un
certain temps, bien que c’est un argument couramment utilisé par les détracteurs de
l’instrument.
Discussion de l’impact du DIFC selon Interface:
L’étude d’Interface « démontre » par le diagramme ci-dessus (Interface p.71) que le DIFC
aurait un impact sur le comportement de 17% des locataires seulement. Mais nous pouvons
émettre des réserves quant aux déductions présentées. Premièrement, 38,9% des locataires ne
sont pas influencés par le DIFC parce qu’il n’y en a pas dans leur immeuble (ou que du moins
ils ne sont pas au courant), ce qui est très logique mais pas pertinent pour parler d’effet de
l’instrument. Une grande part du groupe restant est ensuite considérée comme non influencée
39
puisque les sondés ne se souviennent pas du montant de leur dernière facture. Puis les auteurs
considèrent encore que ceux qui n’ont pas compris la méthode de facturation (clé de
répartition, charges fixes et variables) ne sont pas influencés par l’instrument. Le fait de ne
pas se souvenir du montant de sa dernière facture ou de ne pas connaître la façon dont les frais
sont répartis (pondération selon l’orientation de l’appartement etc.) implique-t-il forcément
qu’on n’essaye pas d’économiser l’énergie si on est facturé selon sa consommation effective?
C’est en tout cas ce que considèrent ces chercheurs d’Interface. Le fait que les locataires
sachent qu’ils sont facturés selon leur consommation effective est pourtant ce qui a
probablement le plus d’influence, et les études qui montrent une baisse de la consommation
aussitôt que le décompte individuel est effectif (avant la première facture) le montrent bien.
Sur les quatre filtres, le dernier est lui pertinent: il s’agit de savoir si les répondants ont
changé leur comportement suite à l’introduction du DIFC, et ils sont 268 sur un total de 443,
soit environ 60% à l’avoir fait. Cette question aurait été plus utile pour estimer l’efficacité si
elle était posée directement au groupe qui sait qu’il est facturé selon sa consommation
effective, soit la deuxième étape de sélection du tableau ci-dessus.
Analyse coûts-bénéfices du rapport d’Interface (DIFC + DIFEC)
Interface part du postulat d’une économie d’énergie de 15% pour son analyse du rapport
coûts-bénéfices. Ils se basent sur une étude faite par une association de locataires. Tous les
frais liés au DIFC y sont pris en compte (coût de l’amortissement des installations par an et
coûts de l’entretien et des relevés) et comparés aux bénéfices (économie de combustible). La
procédure de calcul utilisée est aussi reconnue par l’association des propriétaires
(Hauseigentümerverband), ce qui renforce sa crédibilité (Interface p.97). Le premier calcul
montre un bénéfice de 76 francs par an, pour un vieil appartement (années 1970) de 3,5 pièces
et 100m2 consommant 15l de mazout par m
2 et par an, avec le prix du mazout de septembre
2007 (0.8 franc le litre). On considère une économie de 15%, soit 2.25l de mazout en moins
par m2. Les chercheurs d’Interface font leurs propres estimations afin de voir si ce résultat est
plausible. Ils collaborent avec des entreprises de compteurs (Techem, Neovac et Rapp
Wärmetechnik)26
pour refaire le même calcul avec plusieurs alternatives de coûts. Ils trouvent
un bénéfice du même ordre de grandeur que celui calculé par l’association de locataires.
Les mêmes calculs sont ensuite opérés avec des variantes: dans le cas d’une consommation de
12 et 8 litres de mazout par m2, le dernier correspondant à la limite pour obtenir le label
Minergie lors d’une rénovation, et de même avec des prix de l’énergie plus bas et plus haut;
0.4 et 1.6 franc le litre et un taux d'intérêts de 6% plus élevé pour le matériel. Enfin,
l’économie d’énergie réalisée est aussi fixée à 10% au lieu de 15%.
26
Des soupçons d’entente cartelaire pèsent sur ces trois grandes entreprises, et un prix des compteurs
artificiellement haut nuit au rapport coûts-bénéfices de l’instrument. Il serait intéressant d’approfondir le sujet
dans une autre recherche (calcul de l'indice de Herfindahl-Hirschman, comparaison avec les prix d’autres pays,
etc.)
40
Toute chose étant égale par ailleurs (une seule variante change à la fois) les coûts sont
désormais légèrement supérieurs aux bénéfices lorsque la consommation est de 8 l/m2 ou que
le prix du mazout est de 0.4 franc.
Les coûts sont différents pour les nouveaux bâtiments: comme on l’a vu, il n’y a en général
besoin que de deux compteurs par appartement (un pour le chauffage et un pour l’eau
chaude), et le relevé est simplifié et un peu moins coûteux. Les chercheurs d’Interface
choisissent de calculer selon la consommation d’énergie moyenne des nouveaux bâtiments en
2005 selon SuisseEnergie, soit 8 litres de mazout par m2 et par an pour le chauffage et l’ECS.
Ils prennent aussi en compte le coût de l’installation des vannes thermostatiques dans le
calcul, alors que les nouveaux bâtiments en sont équipés de façon standard, ce qui est un non-
sens selon nous. On devrait soustraire les frais liés aux vannes thermostatiques dans le tableau
ci-dessous, ce qui implique 18.20.- de plus pour la solde finale à chaque fois. Ils obtiennent
les résultats suivants avec quelques variantes:
Remarque: Il y a une erreur dans la variante 7 (« Absolut Verbrauchsreduktion 2l (m
2/a) »): il ne
devrait pas y avoir de solde positive. De plus, les coûts y sont de 99.55 francs alors qu’ils devraient
être de 90.55 francs puisqu’un meilleur IDC n’implique pas plus de frais pour l’installation et le
fonctionnement des décomptes individuels. Il y a aussi une erreur dans la dernière colonne, puisqu’ils
ont soustrait 29.20 francs pour l’amortissement des vannes thermostatiques alors qu’il est indiqué que
ce coût est de 18.20 francs à la page 104).
41
Les bénéfices sont moins intéressants, mais il faut ajouter 18.20.- à chaque solde pour les
vannes thermostatiques (donc deux soldes positives en plus et la dernière colonne ne devrait
pas être une « variante ») et considérer les variantes les plus plausibles. La variante d’un prix
du mazout de 0.4 franc par litre est peu plausible à l’avenir (le cours varie actuellement entre
1 et 1.10 franc par litre).
Dans les cas où la solde est négative, cela représente au plus quelques francs par ans, par
exemple -8.35 francs par an et donc -70 centimes par mois avec un mazout à 0.8 franc si
l’économie d’énergie est de seulement 10% (en soustrayant les frais pour les vannes
thermostatiques qui sont standardisées). Avec un mazout à 1 franc le litre, on a une solde de
7.65 francs par an dans ce cas-là. On peut considérer qu’une solde négative de quelques
francs par an devrait être considérée comme acceptable dans la population si ça permet de
réaliser des économies d’énergie et instaurer le principe de l’utilisateur payeur pour le
chauffage et l’eau chaude. Un sondage d’Interface a montré que « Les frais liés au DIFC ne
sont pas jugés trop élevés et l’exactitude des calculs est considérée comme suffisante dans la
majorité des cas » (Interface p.13).
Remarque : le DIFEC est aussi pris en compte dans ces calculs, mais nous rappelons qu’il ne
dépend pas de l’IDC du bâtiment, c’est donc essentiellement le coût du DIFC qui est discuté
ici.
Efficacité des décomptes individuels de frais d’eau et d’eau chaude (DIFE et DIFEC)
L’énergie liée à la consommation d’eau (froide et chaude) représente une grosse part du total
de la consommation des bâtiments, donc des charges importantes mais aussi croissantes en
proportion et en absolu. Les quantités consommées peuvent énormément varier d’un
appartement à l’autre. Qu’il s’agisse d’eau chaude ou froide, consommer de l’eau nécessite
une importante dépense énergétique. Economiser de l’eau froide c’est donc aussi économiser
de l’énergie, celle nécessaire à sa purification (avant et après utilisation) et sa distribution.
L’eau froide coûtait plus cher que l’énergie nécessaire à la chauffer jusqu’à il y a quelques
années (maintenant c’est un peu plus cher de la chauffer27
), ce qui est un argument en faveur
d’un décompte individuel aussi pour l’eau. Ce sont toujours les propriétaires qui paient l’eau
dans les cantons romands, mais l’énergie nécessaire pour la chauffer est à la charge des
locataires. Sans DIFEC, la répartition des frais pour l’eau chaude se fait par rapport à la
surface ou au volume du logement (comme pour le chauffage) parce qu’il est plus compliqué
d’établir cette répartition selon un autre modèle, comme le nombre d’habitants du logement
(trop variable). Les décomptes individuels d’eau (froide) sont courants dans certains cantons
alémaniques : il est simplement indiqué que les locataires paient l’eau selon leur
consommation dans le bail (que ce n’est donc pas le propriétaire qui la paie). Il est peu
probable que ce soit instauré prochainement dans les cantons romands, et encore moins à
27
Le prix moyen de l’eau en Suisse est d’environ 3.20/m3 (taxe d’épuration de l’eau usée comprise). A Genève,
le prix du m3 d’eau est de 1.29 franc, plus la taxe d’épuration de 1.70 franc, donc un total de 3 francs (TTC)
(source : SIG). Le prix moyen pour chauffer 1m3 d’eau avec du mazout est lui de 3.80 francs avec un prix du
mazout à 1fr/l (soit légèrement inférieur au cours actuel).
42
Genève en raison d’une virulente défense des « avantages » acquis par les locataires par
certains milieux politiques et les associations de défense des locataires.
Quant au décompte individuel des frais d’eau chaude (DIFEC), il s’agit en fait d’un
« décompte individuel des frais d’énergie nécessaire à chauffer l’eau » puisque l’eau qui est
chauffée est aussi payée par le propriétaire. Le fait que les écarts de consommation d’eau
(chaude ou froide) ne dépendent pas de l’efficacité thermique du bâtiment et que l’efficacité
du DIFEC ne dépend pas de l’IDC du bâtiment explique que l’efficacité de l’instrument fasse
moins polémique que le DIFC. En diminuant la consommation d’eau chaude, le DIFEC
permet donc aussi de diminuer la consommation d’eau, ce qui est un avantage pour le
propriétaire. Il est donc plus utilisé que le DIFC en Suisse romande. Le canton de Vaud a un
haut degré d’équipement (quasiment généralisé, selon O. Aubort), mais il est très peu utilisé à
Genève, malgré son caractère obligatoire dans la loi pour les bâtiments ayant obtenu une
autorisation de construire dès 1993 et pour les bâtiments plus anciens ayant subi une grande
rénovation ou dans lesquels l’installation ne représente pas un coût disproportionné (c.-à-d.
pas plus d’un compteur pas logement).
Un peu moins des deux tiers du total de l’eau consommée par les ménages sont de l’eau
chaude, soit environ 100 l par personne et par jour (Romande Energie). Cette eau chaude est
en fait un mélange d’eau bouillante (qui sort du boiler à plus ou moins 60°C) et d’eau froide
pour une température adaptée aux besoins quotidiens. L’eau qui sort du boiler correspond à
environ 30% du total de l’eau consommée par les ménages (Neovac 2010).
Contrairement à la quantité d’énergie utilisée pour le chauffage, qui diminue au fil des ans
grâce aux progrès techniques, la quantité d’énergie nécessaire pour chauffer l’eau sanitaire est
restée constante ces dernières années, comme l’illustre le tableau ci-dessous (2 premières
lignes) :
(Source: OFEN 2012 p.24)
Une raison est que le chauffage consomme de moins en moins d’énergie grâce à
l’amélioration de l’isolation des bâtiments, mais que la quantité d’eau chaude consommée, qui
43
ne dépend pas de cette isolation, reste constante. Ceci explique aussi que les quantités
d’énergie nécessaires pour le chauffage et pour l’ECS tendent à s’égaler dans les bâtiments
récents bien isolés, alors que le rapport est d’environ ¼ dans les anciens bâtiments. Le confort
thermique dépend essentiellement de la température, indépendamment de la quantité
d’énergie nécessaire pour l’atteindre, mais le confort lié à la consommation d’eau est lui plus
lié à une quantité28
et chaque litre consommé représente une dépense d’énergie. A l’instar du
chauffage, on peut réduire la quantité d’énergie nécessaire pour chauffer la même quantité
d’eau par des moyens techniques (passer d’un chauffe-eau électrique traditionnel à un
chauffe-eau PAC par exemple), exploiter une autre source d’énergie comme le soleil
(panneaux solaires) et récupérer des calories de l’eau chaude utilisée (PAC ou échangeur de
chaleur29
), mais c’est encore peu développé et il faut toujours compter l’énergie nécessaire
pour purifier et distribuer l’eau. Qu’il s’agisse d’eau chaude ou froide, il n’y a donc guère
d’autre façon de réduire la consommation d’énergie qui y est liée que de tout simplement
moins en consommer.
Ecarts de consommation d’eau (froide et chaude):
La consommation d’eau peut énormément varier entre des appartements similaires. Alors
qu’on peut observer des variations d’un facteur 4 pour le chauffage (ASC 1, p.2), il est
courant qu’elles soient d’un facteur 10 pour l’eau (froide) (OFEN 2004 p.14), et ça peut
même aller jusqu’à 20 et représenter des différences de coûts de l’ordre de mille francs par an,
d’après l’Association suisse pour le décompte des frais de chauffage et d’eau (ASC). Des
statistiques montrent qu’un tiers des appartements serait responsable de 56% de la
consommation d’eau30
. Ceci indique qu’en plus de l’avantage des économies d’énergie
réalisées sur l’ensemble de l’immeuble, plus des deux tiers des habitants sont avantagés par le
décompte individuel (principe d’équité).
Une étude de l’entreprise Alfred Aubort SA31
sur les écarts de consommation d’eau chaude
dans 1550 appartements de 3 et 3½ pièces de la région lausannoise au début des années 1990
montre que 2.4% des appartements consomment plus de 100m3/an et comptent pour 7.7% du
total de l’eau chaude consommée (la moyenne est de 39.3 m3/an). Il ressort aussi que la
moitié de l’eau chaude est consommée par un quart (26.6%) des appartements, donc à peu
près dans les mêmes proportions que pour l’eau froide.
28
La « fourchette » de confort subjectif est plus large que pour le chauffage : Alors que les personnes chauffent
entre 18 et 25°C environ, certains ont besoin de prendre des bains tous les jours pour leur « confort » pendant
que d’autres se contentent d’une douche de 3 minutes. Chauffer l'eau d'un bain de 120 litres en hiver (à partir
d'une eau à 13°C dans les conduites) peut dégager autant de CO2 dans l'atmosphère que parcourir cinq
kilomètres en voiture (energie-environnement.ch). 29
Avec des pompes à chaleur sur les eaux usées ou des systèmes de récupération de chaleur pour les douches,
comme le système « Joulia » qui permet d’économiser environ un tiers d’énergie (grâce à un échange de chaleur
dans le plancher de la douche entre l’eau qui arrive et celle qui a déjà été utilisée (OFEN 2013). L’entreprise de
Bienne qui l’a inventé a gagné le Watt d’or 2013 (prix décerné par l’OFEN) pour cette invention. La
généralisation d’un tel système simple et efficace pourrait permettre de faire des économies substantielles. 30
Etude sur 713 appartements pour une superficie habitable de 58 265 m2 et 6869 points de mesure. Evaluation
réalisée par NeoVac ATA SA, période de décompte 2008/2009, prise en compte uniquement des appartements
occupés toute l’année. (ASC 1, p.16) 31
Entreprise spécialisée dans les relevés et l’entretien des compteurs. Etude disponible sur leur site Internet :
http://www.aubort.ch/pdf/Stat_ec.pdf
44
On observe ces différences alors que les appartements étudiés sont facturés selon leur
consommation effective. Ces écarts de consommation ainsi que la consommation moyenne
sont donc encore plus élevés sans DIFEC. Le fait qu’une grande partie des consommateurs
maintienne une consommation très élevée même avec les décomptes individuels indique que
le DIFEC reste utile pour une question d’équité même après que l’on ait atteint l’objectif
d’économie moyenne attendu.
Efficacité du DIFE et du DIFEC
Selon l’ASC, si l’économie liée au DIFC est de 14% en moyenne, celle pour la consommation
d’eau (chaude ou froide) se situe plutôt entre 15 et 20%. La consommation moyenne par
personne en Suisse est de 160 litres/jour (energie-environnement.ch), soit 59m3/an. Une
économie de 15% représente donc 9 m3/personne/an en moins.
(Source: ASC B p.16)
Remarque : on voit bien l’effet qu’a l’instrument déjà avant la première facturation
individuelle, soit dès que les gens savent qu’ils sont facturés selon leur consommation.
Moyens techniques pour économiser l’eau :
Les économiseurs d’eau sur les robinets et douches ou les systèmes de chasses d’eau avec
deux volumes permettent de diminuer sensiblement la quantité d’eau consommée. Selon
SuisseEnergie (2012), on peut économiser jusqu’à 50% d’eau sans perdre en confort
simplement en changeant les têtes des robinets ou les douches (qui ont aussi des « étiquettes
énergie » depuis 2000). Ces installations ne nécessitent généralement pas la venue d’un
spécialiste pour l’installation, à part les réducteurs de débit pour les robinets mitigeurs32
. C’est
donc très efficace, mais les locataires n’ont pas d’incitatif financier à les acheter et les
installer sans décompte individuel. Une généralisation du DIFEC accompagnée d’une
campagne d’information sur les économiseurs d’eau pourrait amener une partie des locataires
à installer ce type de dispositifs et sensiblement contribuer à faire baisser la consommation.
32
Les gens ont l’habitude d’ouvrir ces robinets « à fond » en les soulevant entièrement même si ce n’est pas
nécessaire, car c’est plus simple et rapide que de régler le débit suffisant. Il faut par contre tourner plusieurs fois
un robinet à soupape pour obtenir un débit maximal.
45
Enfin, le décompte individuel reste le seul moyen efficace pour lutter contre les gros abus de
consommation d’eau, un « garde-fou » pour ceux qui n’ont aucune considération pour les
économies d’eau et limite dans leur consommation33
. Car si les économiseurs d’eau
permettent de limiter un débit, ils ne peuvent pas limiter la quantité.
Analyse coûts-bénéfices pour le DIFEC seul (sans DIFC)
La pose de deux compteurs d’eau dans un appartement de trois pièces (2 compteurs, soit un
pour l’eau froide et un pour l’eau chaude) représenterait une majoration du loyer mensuel
d’environ quatre francs selon l’ASC (avec taux d’intérêt de référence de 3 %), donc environ
deux franc si on a seulement un compteur pour l’eau chaude. Avec un prix du mazout à 1
franc le litre (un peu en dessous du prix actuel), chauffer 1 m3 revient à 3.80 francs environ34
.
Contrairement au DIFC ou il y a une part fixe et une part qui dépend de la consommation
effective, la facture de DIFEC correspond directement à la quantité d’eau chaude consommée.
Calcul :
Il y a 2.2 habitants par logement en moyenne à Genève (OCSTAT). Le prix de l’eau est de 3
francs/m3 (eau + taxe d’épuration), et chauffer un m
3 revient donc à environ 3.80 francs. 2,2
habitants consomment environ 220 litres d’eau chaude (eau bouillante diluée à de l’eau
froide) et 30% de leur consommation totale d’eau (160l x 2.2 habitants) est de l’eau
bouillante, soit 106 litres.
Avantage pour le propriétaire : 15% de 220 litres d’eau chaude = 33 litres économisés par
jour par appartement moyen. 30.4 (nombre de jours moyen par mois) x 33 litres = 1m3 d’eau
(froide) par mois et par appartement à payer en moins = 3 francs économisés.
Avantage pour les locataires : 15% de 106 litres d’eau « bouillante » = énergie nécessaire à
chauffer 16 litres économisée par jour. 30.4 x 16 = 486 litres = 0.49m3. 0.49 x 3.80
francs/m3 pour l’énergie = 1.9 francs économisé.
Le décompte d’eau chaude permet donc 4.90 francs d’économies contre 2 francs de frais, soit
un bénéfice mensuel total de 2.90 francs pour un appartement moyen, avec 15% d’économies
d’énergie. Pour rappel, les économies se situent généralement entre 15 et 20%. C’est donc un
calcul prudent. 3 francs profitent au propriétaire, et 1.90 franc aux locataires. Le propriétaire
est donc plus avantagé. Si un compteur coûte environ 2 francs par mois, le bénéfice est positif
dans l’ensemble mais pas forcément pour les locataires (en moyenne). Le fait que les
locataires soient gagnants ou pas dépend de leur consommation d’eau par rapport à celle de
l’immeuble et du nombre d’habitants dans le logement. On peut se demander pourquoi les
propriétaires sont peu nombreux à installer ce dispositif à Genève s’ils en tirent un avantage
33
Il y a des personnes qui, par exemple, laissent couler l’eau chaude dans l’évier « à fond » pendant très
longtemps pour éviter de devoir laver la vaisselle, etc. Il est difficile de s’attaquer à ce genre de comportement
autrement que par le décompte individuel. 34
Avec un prix de 70 francs pour 100 litres, la production d’eau chaude revient à 2.67 francs le m3 (NeoVac
2010). Donc 3.80 francs avec un mazout à 100 francs / 100 litres
46
financier grâce aux économies d’eau35
(contrairement au DIFC qui n’avantage que les
locataires).
Le DIFC est-il un complément ou une alternative à l’équilibrage des chauffages ?
Des détracteurs du DIFC le considèrent comme un instrument qui ne serait utile qu’en cas de
mauvais équilibrage des systèmes de chauffage (voire chap. suivant). Dans la mesure où
l’équilibrage coûte moins cher à réaliser, installer le DIFC serait un non-sens. Selon les « pro-
DIFC », un bon équilibrage du chauffage est nécessaire mais ne remet pas en cause l’utilité du
DIFC pour autant car ce dernier permet de réaliser davantage d’économies.
Situation courante sans bon équilibrage ni DIFC:
Lorsqu’un locataire se plaint auprès de sa régie de ne pas pouvoir atteindre la température
(minimale) de 20°C qui est d’usage dans les appartements, la régie demande généralement au
concierge ou au chauffagiste de « pousser le chauffage ». En faisant ainsi, on réchauffe tout
l’immeuble. Les appartements où la température était convenable sont alors trop chauds ou
ont du moins la possibilité de chauffer à une température plus élevée que nécessaire. Il est
plus rare que les locataires se plaignent parce qu’ils ont trop chaud. Ils vont plutôt ouvrir les
fenêtres en plein hiver, et la régie pense que tout va bien puisqu’elle ne reçoit pas de plaintes.
Des millions de litres de mazout et de mètres cubes de gaz sont gaspillés ainsi chaque année
(energie-environnement.ch).
L’équilibrage du chauffage:
La plupart des systèmes de chauffage central ont une chaudière au sous-sol, d’où l’eau chaude
monte pour céder sa chaleur aux radiateurs des différents étages avant de redescendre et être à
nouveau réchauffée. Si le système est bien réglé, l’eau entre dans les radiateurs avec la bonne
température et le bon débit. Un régulateur de débit permet d’effectuer ce réglage à l’entrée de
chaque radiateur (à ne pas confondre avec le robinet ou la vanne thermostatique). C’est une
petite pièce à laquelle seuls les chauffagistes ont accès.
Si tous ces régulateurs de débit sont grands ouverts, les étages du haut reçoivent moins de
chaleur que ceux du bas pour une question de pression («il est plus facile pour l’eau de
desservir les radiateurs les plus proches de la chaufferie»). L’art du chauffagiste réside alors
dans le bon dosage des vannes qui desservent les étages et les régulateurs des différents
radiateurs, pour que l’eau circule de manière uniforme dans tout le bâtiment. L’équilibre au
sein d’un même étage exige aussi de la finesse, car toutes les pièces n’ont pas besoin du
même apport de chaleur. Quand le réglage du circuit d’eau chaude est bien fait, on dit que
l’immeuble est en « équilibre hydraulique » (energie-environnement.ch).
Pour parvenir à un bon équilibrage de la distribution de chaleur dans l’immeuble, il faut aussi
que les radiateurs soient bien dimensionnés par rapport aux besoins en chauffage des pièces.
Or, les étages des immeubles ont trop souvent été tous équipés de manière standard, ou les
différentes tailles de radiateurs évaluées trop grossièrement. Certains immeubles n’ont aussi
35
Il est possible que le fait d’installer le DIFEC attire l’attention sur le fait que le DIFC doit lui aussi être
installé, et que le propriétaire n’a dans l’ensemble pas d’intérêt à le faire.
47
jamais été équilibrés et il y a donc depuis toujours de grandes disparités d’un appartement à
l’autre (Ibid.).
Il faut alors nettoyer les conduites. Les entreprises spécialisées peuvent proposer d’installer de
nouveaux régulateurs, des modèles permettant de lire le débit d’eau de manière instantanée
(en litres par minutes). Ceci permet un gain de temps important pour équilibrer le chauffage.
On estime qu’un bâtiment peut économiser jusqu’à 10% de combustible avec une chaudière
bien entretenue et un bon équilibrage. On peut encore gagner 6 à 7% supplémentaires par
degré si l’on réduit la température moyenne, ce qui est souvent fait lorsqu’on équilibre le
chauffage (Ibid.).
Ventilations :
On constate le même problème pour les ventilations qui sont souvent réglées sur un débit
d’air trop élevé pour éviter tout problème de condensation ou d’odeur et donc les plaintes des
locataires. L’air aspiré est rejeté à l’extérieur et c’est la même quantité d’air venant de
l’extérieur qui doit ainsi être réchauffée. Les échangeurs de chaleur sur l’air vicié (double
flux) sont encore peu répandus. Les entreprises qui font de l’optimisation énergétique dans les
bâtiments peuvent réaliser une partie des économies en diminuant le débit de ces ventilations.
On peut réduire l’IDC d’environ 20MJ/m2/an en diminuant la ventilation de 0.1 volume d’air
de l’appartement par heure (Lachal 1999 p.6).
Limites de l’équilibrage:
Un équilibrage fin qui permet d’avoir la même température dans tous les logements d’un
immeuble est une opération assez complexe : Il faut pouvoir accéder à toutes les pièces du
bâtiment plusieurs jours de suite et qu’il y ait des conditions météorologiques bien précises
(environ 0°C et nuageux), une contrainte pour les gérances et les locataires. Un équilibrage
précis est aussi vulnérable: des locataires informés des combines nécessaires peuvent faire en
sorte d’avoir plus chaud, ce qui peut légèrement dérégler le système (entretien M. Amigo, SG
énergies). L’équilibrage perd aussi en précision avec le temps et il faut le refaire
périodiquement. Il est actuellement obligatoire pour les nouveaux bâtiments (Art. 12i du
Règlement d’application de la loi sur l’énergie (REn)). On manquerait actuellement de
travailleurs compétents pour le faire sur tous les bâtiments existants à Genève, et les SIG
forment actuellement du personnel pour cela.
Pourquoi un bon équilibrage ne rend pas pour autant le DIFC superflu:
Un bon équilibrage du chauffage est un frein technique au gaspillage de chaleur. S’il est bien
effectué, les habitants ne peuvent chauffer au delà d’une température maximale fixée par le
chauffagiste. Si le chauffage est réglé de façon à ce que la température soit de 20°C (avec les
vannes toutes ouvertes), les habitants ne peuvent obtenir la même température en laissant des
fenêtres ouvertes. Ils ne devraient donc pas les ouvrir plus que le temps nécessaire pour aérer
l’appartement s’ils ne veulent pas avoir froid. Mais une température maximale de 20°C
engendre souvent des plaintes de locataires auprès des gérances36
. Des personnes âgées ou
36
Hervé Amigo de SG énergies (entreprise genevoise pionnière dans les économies d’énergie des bâtiments et
l’équilibrage des chauffages) témoigne de cas où ils auraient perdu des contrats suite à des plaintes de locataires
48
frileuses qui ont réellement besoin d’une température plus élevée que celle fixée par le
chauffagiste peuvent aussi se plaindre auprès des gérances. Les gérances peuvent à leur tour
demander au chauffagiste ou à l’entreprise qui gère l’équilibrage d’augmenter la T de chauffe
pour ne pas avoir à gérer ces plaintes, même si elles ne sont pas légalement contraintes
d’augmenter la T de chauffe. On a donc dans la pratique des T moyennes qui sont au-dessus
de celles recommandées par l’OFEN37
. Et si le chauffage permet d’atteindre des T de 21-
22°C, des habitants qui se contentent d’une T inférieure vont laisser des fenêtres ouvertes.
De plus, l’équilibrage est fait de sorte qu’il y ait plus ou moins la même T dans tout le
logement (un peu plus dans la salle de bain), alors qu’il est recommandé de garder la T des
chambres à coucher (si on ne les utilise pas durant la journée) et pièces peu utilisées à 17°C
environ pour des économies d’énergie. L’équilibrage peut contraindre un habitant à avoir une
T n’excédant pas 20°C dans l’appartement, mais pas -par exemple- de baisser la T à 17°C
dans les chambres à coucher et les pièces peu utilisées ou 16°C dans tout l’appartement lors
d’absences prolongées. Ca ne « l’empêche » pas non plus de laisser les fenêtres ouvertes
lorsqu’il n’est pas chez lui. C’est pourquoi selon les promoteurs du DIFC, dont l’OFEN,
l’équilibrage hydraulique est nécessaire mais ne remet pas pour autant en question l’utilité du
DIFC.
Y-a-t-il un « vol de chaleur » lié au DIFC ?
Un argument récurrent de détracteurs du DIFC encore aujourd’hui est que celui-ci entrainerait
un important « vol de chaleur » : un habitant qui se contente d’une T ambiante de 19°C peut
par exemple ne pas ou quasiment pas utiliser ses radiateurs si ses voisins qui l’entourent
chauffent plus, car ils profitent de la chaleur diffusée à travers les murs. S’il y a le DIFC, ce
sont donc les voisins qui payent le chauffage à la place de cet individu peu scrupuleux…
Est-ce réellement un problème ?
- Est-ce du vol ? : On fait ici allusion à une mauvaise intention de la part de celui qui en
profite. Ce dernier chercherait à ce que ses voisins paient le chauffage à sa place. Mais on
peut se demander s’il est légitime d’accuser de vol un habitant qui ne ressent probablement
tout simplement pas le besoin d’ouvrir ses radiateurs parce que la T lui convient. Une partie
des habitants préfèrent vivre avec une température peu élevée, DIFC ou pas, ce qui est
d’ailleurs recommandé à la fois pour la santé et pour les économies d’énergie. S’ils profitent
d’une T qu’ils trouvent adéquate sans chauffer, c’est que leurs voisins chauffent à une T
bien plus élevée, un comportement que l’on cherche justement à modifier. Il est peu
en raison d’une T «trop faible» (soit 20°C), après leur prise en charge de l’immeuble. Des habitants se sont
même plaints de ne plus pouvoir laisser des fenêtres toujours ouvertes tout en se chauffant à 23-24°C, comme si
c’était normal. L’entreprise a dès lors décidé de relever la T des immeubles où elle effectue l’équilibrage à 21°C,
pour avoir moins de plaintes (source : entretien SG Energies). Christophe Gallier, responsable du service SPG
PRORENOVA (régie SPG), témoigne aussi de nombreuses plaintes suite à des interventions pour régler le
chauffage à 20-21°C. Il dit cependant qu’il y a moins de plaintes aujourd’hui qu’avant (source : entretien). 37
«Vous vivrez plus sainement tout en économisant beaucoup d’argent en ne surchauffant pas vos pièces. Une
température de 20 à 21°C est agréable dans les pièces de séjour, alors que 16-18°C suffisent dans les chambres
à coucher et dans les pièces peu occupées. En cas d’absence prolongée, veillez à tempérer toutes vos pièces à
15°C environ pour éviter les dégâts dus à l’humidité. II faudra donc régler les vannes thermostatiques de vos
radiateurs sur température réduite; en aucun cas il ne faut les fermer.» (OFEN 2004 p.32)
49
probable qu’actuellement, en Suisse, beaucoup de gens subissent une température plus basse
que souhaitée pour économiser de l’argent sur le chauffage dans les immeubles équipés du
DIFC. Le système des acomptes sur les charges fait qu’on rend généralement de l’argent à la
fin de la saison, même si l’on utilise un peu plus d’énergie que la moyenne. Puis qu’il utilise
ses radiateurs ou pas, un habitant paie de toute façon une part de frais fixes (entre 30 et 50%
du coût total du chauffage du bâtiment répartis selon les surfaces des logements).
- Est-ce signifiant ? : Plus le ∆T (différence de T) entre deux milieux est élevé et plus le
transfert de chaleur l’est également. Chauffer un local à une température de 20-22°C avec du
chauffage au sol nécessite que l’eau qui circule dans le sol ait une T comprise entre 30 et
35°C. On a donc un ∆T moyen de plus de 10°C et pas d’isolation entre les conduites et le
revêtement de sol. Si un résident se contente d’une température de 19°C et que son voisin
chauffe à 22°C, on a un ∆T de seulement 3°C et une cloison isolée entre les deux
appartements qui freine la diffusion de chaleur (Il s’agit d’isolation phonique mais elle fait
aussi office d’isolation thermique). On peut donc considérer que ce « vol » de chaleur est
faible, même s’il n’y a pas d’isolation phonique entre les appartements. En 1992, l’OFEN
publie un document sur le DIFC dans lequel il est mentionné que « Les expériences tirées de
la pratique et des comparaisons de factures ont montré que les différences de température
des pièces dans les appartements voisins n’ont qu’une influence minime sur les besoins en
chaleur de chaque appartement. C’est pourquoi les décomptes peuvent négliger ces
prétendus « vols de chaleur » (OFEN 1992, p.43). Toutes les personnes opposées au DIFC
interviewées dans le cadre de notre recherche nous ont pourtant affirmé que l’instrument
implique un « vol de chaleur » important, sans pour autant le justifier.
- Est-ce pire sans DIFC ? : On peut considérer que le « vol » de chaleur est pire sans
DIFC. Si des habitants laissent des fenêtres constamment ouvertes ou les radiateurs trop
chauds parce qu’ils ne sont pas incités à économiser l’énergie, celle-ci est facturée à tous les
preneurs de chaleur du bâtiment. Les personnes qui se contentent d’une T relativement basse
de l’exemple ci-dessus peuvent obtenir cette T tout en laissant une fenêtre ouverte avec les
chauffages ouverts à fond. Ils ont ainsi la même T qu’avec le DIFC, à la différence qu’ils
consomment cette fois beaucoup d’énergie qui est facturée à tous les voisins.
50
5 – Les multiples bénéfices de l’efficacité énergétique + conséquences
possibles d’une forte hausse du prix de l’énergie sur le DIFC ( en annexe)
Résumé du chapitre :
On ne devrait pas limiter l’évaluation des politiques d’efficacité énergétique aux économies
d’énergie qu’elles permettent de réaliser. Ceci dans la mesure où elles permettent bien
d’autres bénéfices socioéconomiques qui sont difficiles à quantifier précisément mais
néanmoins intéressants. Ces bénéfices sont généralement sous-estimés. Quant à l’effet
rebond, il ne serait généralement pas très élevé et il représente en fait un bénéfice pour
l’économie.
Les importations d’hydrocarbures pèsent lourd sur la balance commerciale de nombreux pays,
et une variation du cours à la hausse provoque une inflation « importée » qui peut fortement
porter atteinte à l’économie. Le cours du pétrole ne devrait vraisemblablement pas baisser
dans les prochaines années.
Une forte augmentation du prix des combustibles ne devrait paradoxalement pas engendrer
une baisse de la consommation d’énergie pour le chauffage et l’eau chaude dans les
logements collectifs non équipés de décomptes individuels. Une telle hausse du prix pourrait
par contre créer une plus forte demande des locataires pour l’installation de cet instrument. Il
arrive déjà qu’il y ait des conflits concernant l’équité de la répartition des charges entre les
locataires d’un immeuble, et les décomptes individuels s’imposent alors comme la meilleure
solution. Ces conflits devraient devenir plus courant avec un prix de l’énergie plus élevé.
51
6 - HISTORIQUE DU DIFC EN SUISSE ET A GENEVE
Bref historique de la politique énergétique fédérale
Selon l’OFEN, « la politique énergétique suisse se caractérise par une intense culture du
dialogue entre autorités, d’une part, et acteurs concernés par un projet de loi et plus
généralement les milieux intéressés, d’autre part. Ce sont en premier lieu les cantons et les
communes, mais aussi les représentants de l’économie, des défenseurs de l’environnement et
des consommateurs. Depuis le milieu des années 70, les orientations à donner à la politique
énergétique ont fait l’objet de vives discussions au sein de l’opinion publique. A maintes
reprises, le résultat des votations énergétiques s’est joué à peu de chose. » (OFEN 2002 B,
p.6). Le premier choc pétrolier et l’augmentation du prix du baril de pétrole par quatre en
quelques mois a « projeté les questions énergétiques sur le devant de la scène » (Ibid.) et fait
ressortir à quel point le pays est « dangereusement dépendant » des importations d’énergie
(Ibid.). S’ensuivent de grands débats sur l’avenir de l’approvisionnement.
Malgré son manque d’autorité dans le domaine de la politique énergétique, l’Etat central ne
reste pas inactif face aux chocs pétroliers des années 1970 (Delley 1982). En 1976, la
Commission fédérale de la conception globale de l’énergie recommande aux cantons
d’adopter un catalogue de mesures en matières de politique énergétique, dont le DIFC (Ibid.).
Une loi-modèle sur l’énergie est aussi proposée (Ibid.). A la même époque, l’OFEN suscite la
création d’une « Conférence des offices cantonaux de l’énergie », afin de mieux diffuser et
échanger les informations. Il manquait cependant les bases juridiques d’une politique
énergétique moderne.
Le gouvernement fédéral tente d’augmenter ses compétences en matière de politique
énergétique38
par la modification d’un article constitutionnel qui passe en votation en 1983.
La modification de l’art.24 devait permettre à la Confédération (al. 1, a) d’« Etablir des
principes permettant d’utiliser l’énergie de manière économe et rationnelle », (al. 1, b)
d’« Edicter des prescriptions sur la consommation d’énergie des installations, des véhicules
et des appareils » et (al. 1, c) d’ « Encourager le développement de techniques permettant
d’utiliser l’énergie de manière économe et rationnelle, de tirer profit des énergies
conventionnelles et nouvelles et de diversifier largement l’approvisionnement » (Chancellerie
Fédérale 1983).
Bien qu’une forte majorité du Parlement y soit favorable, les partisans du « non », qui mettent
en garde contre trop de centralisation des compétences à Berne et « trop d’Etat », arrivent à
convaincre la majorité des cantons, mais pas votants, de rejeter la modification. Ce fût le 6ème
cas de collusion entre la majorité du peuple et celle des cantons de l’histoire suisse, avec
50.9% de Oui parmi les votants mais seulement 11 cantons favorables contre 12.
Suite à ce court rejet, le Conseil fédéral ne baisse pas les bras pour autant en matière de
politique énergétique. En octobre 1983, soit quelques mois après la votation, la Commission
fédérale de l’énergie publie une trentaine de mesures qui sont ce qu’aurait pu être la politique
38
La Confédération avait déjà des compétences dans les domaines de la production d’énergie hydroélectrique
(1914) et du nucléaire (1958).
52
énergétique fédérale en la matière (Miéville 1983). La Confédération doit se contenter de faire
des recommandations et fournir de l’information. Sont émises des recommandations
concernant l’isolation thermique des bâtiments neufs et lors des rénovations, l’assainissement
des bâtiments publics, l’adoption du DIFC et du DIFEC, l’entretien et l’exploitation des
systèmes de chauffage ou encore les déductions fiscales des investissements dans les
économies d’énergie (Ibid.).
La catastrophe de Tchernobyl en 1986, le Rapport Bruntland en 1987 et la conférence sur le
climat de Toronto en 1988 contribuent à renforcer la conscience environnementale des
Suisses (Rieder 2008, cité par OFEN 2011 p.35).
La deuxième tentative du gouvernement fédéral d’instaurer une politique énergétique
nationale est la bonne. Le peuple (et tous les cantons) accepte à 71% l’article constitutionnel
sur la politique énergétique le 23 septembre 1990. Avec ce nouvel article constitutionnel, « la
Confédération et les cantons s’emploient à promouvoir un approvisionnement énergétique
suffisant, diversifié, sûr, économiquement optimal et respectueux de l’environnement, ainsi
qu’une consommation économe et rationnelle de l’énergie. ». « La mise en œuvre de cette
politique a d’abord été formulée dans l’arrêté sur l’énergie, relayé le 1er janvier 1999 par la
loi sur l’énergie et son ordonnance. Concrètement, les programmes Energie 2000 (lancé en
1990) et ensuite SuisseEnergie39
(lancé en 2001) sont les instruments qui visent à traduire
dans les faits les objectifs fixés au niveau politique. (...) Si les grandes lignes de la politique
énergétique suisse sont inscrites dans la Constitution, les choses ne sont pas aussi simples au
niveau législatif, comme le montre, par exemple, l’incertitude juridique qui règne depuis le
rejet de la loi sur le marché de l’électricité en septembre 2002. Dans une situation où la
politique énergétique suisse est sans cesse soumise à la pression d’intérêts diamétralement
opposés, la recherche de solutions s’apparente à un travail de Sisyphe. » (OFEN 2002 B p.6).
Un événement marquant des objectifs globaux de réduction des émissions de GES et donc
d’économies d’énergie est le protocole de Kyoto en 1997. En le ratifiant, la Suisse s’engage à
réduire ses émissions de GES de 8% sur la période 2008-2012 par rapport à 1990. Le bilan
définitif ne sera publié qu’en 2014, mais il est «pratiquement certain» que moins de la moitié
des objectifs ont été atteints (Monbelli 2012).
Tous les cantons ont adopté leurs propres lois et directives en terme de politique énergétique
depuis 1990 (OFEN). Mais « si tous les cantons disposent officiellement d’un service de
l’énergie certains y consacrent très peu de moyens et de personnel alors que d’autres sont
allés jusqu’à créer un département spécifique chargé de mener une politique énergétique. Le
39
«SuisseEnergie est la plate-forme qui rassemble sous un même toit l'ensemble des activités liées au domaine
des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique. Les objectifs sont réalisés en étroite collaboration avec
la Confédération, les cantons, les communes et les nombreux partenaires appartenant à l'économie, à des
organisations environnementales et des milieux de la consommation ainsi qu'à des agences de l'économie
privée. La direction opérationnelle de SuisseEnergie est du ressort de l'Office fédéral de l'énergie. Les activités
de SuisseEnergie s'articulent autour de thèmes comme la sensibilisation, l'information, le conseil, la formation
et le perfectionnement, l'assurance qualité, la mise en réseau et la promotion de projets avancés.»
«SuisseEnergie vise à renforcer l’impact des mesures régulatrices et d’encouragement du premier paquet de
mesures de la Stratégie énergétique 2050 et contribuer ainsi grandement à la réalisation des objectifs en
matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables.» (site de SuisseEnergie)
53
décompte des frais de chauffage est la mesure la plus controversée. » (Gazette de Lausanne, 7
nov. 1986).
L’article constitutionnel sur l’énergie, la loi sur l’énergie, la loi sur le CO2, la loi sur l’énergie
nucléaire et la loi sur l’approvisionnement en électricité sont les principaux textes juridiques
qui concernent la politique énergétique. L’Office fédéral de l’énergie (OFEN) et L’Office
fédéral de l’environnement (OFEV), tous deux au sein du Département fédéral de
l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) sont les
principales institutions en charge des questions liées à la politique énergétique en Suisse.
Fukushima et la stratégie énergétique 2050:
La catastrophe de Fukushima provoque un débat urgent sur la question du nucléaire en Suisse
et amène le débat sur l’énergie sur le devant de la scène. La question du risque du nucléaire et
de la stratégie à opérer pour son éventuel abandon progressif occupe bien plus d’espace que
celle du risque lié aux énergies fossiles. Les économies d’électricité, nécessaires à l’arrêt des
centrales, priment sur celles d’hydrocarbures parce que l’abandon du nucléaire nécessite une
diminution ou du moins une stabilisation de la consommation d’électricité et que la transition
des énergies fossiles à l’électricité, que ce soit dans la mobilité ou le bâtiment (avec les PAC
notamment), rendrait d’autant plus difficile de se passer des centrales nucléaires. Il est alors
même prévu de construire des centrales à gaz pour produire de l’électricité. La stratégie
énergétique 2050 vise dès lors avant tout à économiser l’électricité :
«Les nouvelles perspectives énergétiques montrent que, sans un renforcement des
mesures d'économie, la demande d'électricité pourrait grimper à environ 90 milliards
de kWh par année à l'horizon 2050 (2010: env. 60 milliards de kWh). L'explication
réside avant tout dans la croissance démographique, la redondance des équipements
dans les ménages (p. ex. deuxième téléviseur), les nouveaux appareils et applications,
davantage de surfaces habitables par personne et, enfin, l'électrification croissante
des transports. D'où la volonté du Conseil fédéral de promouvoir une utilisation
parcimonieuse de l'énergie en général et de l'électricité en particulier.»
La catastrophe de Fukushima et la stratégie énergétique 2050 pourraient donc nuire aux
objectifs de réduction des émissions de GES précédant cet accident en focalisant la plus
grande partie des efforts politiques sur les économies d’électricité. Fukushima est une
démonstration du risque nucléaire, qui a été perçu par une grande partie des milieux politiques
comme plus menaçant et urgent que les risques liés aux changements climatiques. La stratégie
énergétique 2050 comporte tout de même des objectifs d’efficacité énergétique dans le
bâtiment: «Il est notamment prévu de renforcer les prescriptions énergétiques cantonales,
d’augmenter le taux de rénovation, de durcir les normes pour les nouveaux et anciens
bâtiments et, finalement, d’adapter la fiscalité pour la rendre plus incitative.» (SIA).
=>Loi fédérale du 23 décembre 2011 sur la réduction des émissions de CO2 (Loi sur
le CO2) et « Programme Bâtiments »: voir chap.8
54
Partage des compétences entre les niveaux fédéral et cantonal en matière de
politique énergétique et historique de la Loi fédérale sur l’énergie:
La centralisation des compétences décisionnelles au profit de la Confédération augmente
« lentement mais sûrement » depuis la création de l’Etat fédéral en 1848, malgré les
mécanismes qui étaient prévus pour lutter contre le phénomène en laissant le plus possible
d’autonomie aux cantons. Cela ne signifie pas pour autant un accroissement de la taille de
l’administration fédérale par rapport aux autres niveaux de compétence en raison du
fédéralisme d’exécution : ce sont les cantons qui mettent en œuvre la législation fédérale. La
politique énergétique au niveau fédéral elle est très fragmentée jusque dans les années 1960.
Ce n’est qu’à partir de 1990 que l’Etat fédéral peut prendre des décisions et exercer son
autorité dans le domaine (à part pour l’hydraulique à partir de 1914 et le nucléaire en 1958).
Son autorité dans le domaine reste pourtant limitée, justement à cause du fédéralise
d’exécution et donc de la marge de manœuvre et du pouvoir discrétionnaire des cantons. Cette
relative liberté de marge de manœuvre peut apporter des avantages à la politique énergétique
du pays : un canton peut ainsi « tester » des politiques publiques ou des mises en œuvre
différentes et ainsi servir de banc d’essai pour les autres. Le fédéralisme favorise une certaine
concurrence entre les cantons et encourage ainsi l’inventivité et la mise en œuvre de mesures
visant à atteindre les mêmes résultats ou mieux à moindre coût. Jean-Daniel Delley, alors
professeur de droit à l’Université de Genève (spécialiste de l’évaluation législative, de la mise
en œuvre des lois et de la démocratie directe40
), fait remarquer en 1982 et à propos de la
politique énergétique que cette « relative impuissance » du niveau fédéral dans le domaine des
économies d’énergie à cause de l’absence de compétence constitutionnelle en la matière, qui
donne une grande marge de manœuvre et d’initiative aux cantons, est une chance, car «elle
permet d’expérimenter différents types d’interventions au plan cantonal, dans un cadre plus
propice à l’adaptation des moyens aux circonstances particulières et aux fins poursuivies»
(Delley 1982). Des mesures «expérimentées» au niveau cantonal peuvent être imitées par
d’autres cantons, voir généralisées au niveau fédéral, si elles sont efficaces. Mais le
fédéralisme d’exécution permet aussi à certains cantons de « traîner les pieds » en appliquant
mal voir pas du tout les recommandations ou lois fédérales.
Compétences des cantons en matière de politique énergétique:
La Constitution fédérale et des ajouts à la Loi sur l’énergie (LEne) entrés en vigueur en 2009
et 2011 ont permis de mieux clarifier comment s'opère le partage des compétences entre la
Confédération et les cantons pour ce qui est de la limitation de la consommation énergétique
des bâtiments. En fait, l’article 89 alinéa 4 de la Constitution fédérale et les alinéas 2, 3 et 4 de
l’article 9 de la LEne donnent simplement libre cours aux cantons. Ceci implique que les
cantons ne vont pas forcément suivre les mêmes objectifs et politiques dans ce domaine
(OFEN 2011, p.24), bien qu’ils fassent des efforts pour se coordonner.
L’article 2 alinéa 1 de la LEne nuance toutefois cette liberté d’agir et contredit plus ou moins
les articles cités précédemment: «La Confédération et les cantons coordonnent leur politique
énergétique et tiennent compte des efforts consentis par les milieux économiques. En
40
http://www.unige.ch/ses/map/Membres/enseignants/Delley.html
55
collaboration avec les cantons et les organisations concernées, le Conseil fédéral peut fixer
des mesures pour atteindre les objectifs de la politique énergétique.».
Coordination entre les cantons:
Deux organes ont pour but de coordonner les activités communes de la politique énergétique
des cantons: la Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie (EnDK) et la Conférence des
services cantonaux de l’énergie (EnFK). Les 26 membres des gouvernements cantonaux
chargés des questions d’énergie se rassemblent dans la Conférence des directeurs cantonaux
de l’énergie (EnDK) en 1979. «L'EnDK est le centre de compétences en énergie commun des
cantons. Elle promeut et coordonne la collaboration entre cantons pour les questions
énergétiques et défend les intérêts communs des cantons. La conférences des services
cantonaux de l'énergie (EnFK), qui traite des questions techniques spécifiques, est rattachée
à l'EnDK.» (Site de l’EnDK).
Objectifs de l’EnDK:
• baisser les besoins en énergie dans le domaine du bâtiment, en particulier dans les
bâtiments existants
• couvrir les besoins restants à l'aide de rejets de chaleur et d'énergies renouvelables;
• que le lead (c.-à-d. le droit matériel d'élaborer les textes légaux) des cantons et leurs
riches expériences de mise en œuvre dans le domaine de compétence de l'énergie
soient respectés;
• un programme national d'assainissement des bâtiments sous la direction des cantons
et en collaboration avec l'économie et la Confédération;
• la continuité dans la politique énergétique au lieu de l'activisme;
• des actes au lieu de discussions (idéologiques).
« Lors de la réunion de printemps du 4 avril 2008, l'EnDK a publié un Modèle de
prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC) totalement remanié. Ce faisant, les cantons
ont effectué un nouveau pas concret important dans l'harmonisation de la réduction de la
consommation énergétique dans le domaine des bâtiments.
Désormais, une nouvelle construction réalisée suivant le module de base du modèle de
prescription ne doit plus consommer que 4,8 litres d'équivalent mazout par m2 en énergie de
chauffage, et les bâtiments totalement rénovés environ 9 litres d'équivalent mazout par m2.
C'est ainsi que les limites de consommation s'approchent des exigences MINERGIE® qui
s'appliquaient jusqu'en 2007. Les directives de consommation ont donc ainsi diminué de plus
de 75 % depuis 1975. »
(Source : site de l’EnDK)
56
Historique du DIFC en Suisse
Le décompte individuel de chauffage est techniquement réalisable depuis longtemps. Il est
utilisé depuis les années 1910, notamment en Allemagne (Mügge 2000). L’instrument est
aujourd’hui très répandu voire quasi généralisé dans plusieurs pays européens.
Le DIFC est (re)découvert dans les années 1970 et introduit progressivement en Suisse au
début des années 1980. Bâle Campagne est le premier canton à le prescrire dans la loi, en
1980. Ce même canton adopte des directives sur l’application du système en 1983 (OFEN
1992 p.9). Les chocs pétroliers renforcent la volonté d’être moins dépendant des énergies
fossiles importées et contribuent beaucoup à l’intérêt politique pour l’instrument. Le DIFC est
avant tout voulu pour des questions d’économies d’énergie par les milieux politiques. A cette
époque on parle plus d’économies d’énergie dans un but stratégique (être moins dépendants
de l’extérieur) que pour des objectifs économiques ou environnementaux, une tendance qui
tend à s’inverser depuis. Plusieurs cantons légifèrent sur le DIFC dans les années 1980 et la
Confédération le déclare obligatoire pour les anciens et nouveaux bâtiments en 199041
(entrée
en vigueur de l’arrêté sur l’énergie (AE) du 14 décembre 1990 et de l’ordonnance y relative
(OEn) du 22 janvier 1992). Le DIFC est alors «l’une des premières mesures prises en Suisse
au titre de la politique énergétique» (Interface p.11).
Voici en détail ce qu’impose cette nouvelle législation :
« Depuis le 1er
mai 1991, les bâtiments neufs abritant au moins cinq preneurs de chaleur
doivent être équipés des appareils nécessaires à la saisie de la consommation (chauffage et
eau chaude). Quant aux bâtiments existants ayant cinq logements et plus, ils devront être
équipés également d’ici au 30 avril 1998, mais l’obligation ne vaut que pour le décompte de
chauffage. En outre, à l’introduction du DIFC, les locaux chauffés doivent être équipés de
telle sorte que les occupants puissent en fixer eux-mêmes la température de chauffage et la
régler au besoin, comme on le fait par exemple, à l’aide des vannes thermostatiques de
radiateurs. De plus, les dispositions indiquent que là où les appareils de saisie sont installés,
il faut comptabiliser la moitié, au moins, des coûts du chauffage en fonction de la
consommation individuelle. Le coefficient d’exposition et la consommation forcée de chaleur
doivent être pris en compte. L’autorité cantonale compétente peur recevoir les demandes de
dérogation au DIFC obligatoires. Les raisons qui entrent en ligne de compte sont, par
exemple, l’existence d’un chauffage à air ou par le sol. » (OFEN 1992 p.11).
Les cantons sont autorisés à modifier les prescriptions mais seulement si celles-ci sont plus
sévères que celles de la Confédération (Ibid.). Les propriétaires doivent pouvoir répercuter les
frais d’installation et d’exploitation du DIFC, sur les loyers pour l’installation et sur les
charges pour l’exploitation (Ibid.).
Les oppositions sont nombreuses. Des politiciens se plaignent du caractère obligatoire de
l’instrument et certains, dont le conseiller d’Etat genevois Jean-Philippe Maitre, parlent même
41
Une commission fédérale qui devant déterminer le cours que la Suisse devait prendre en terme de politique
énergétique, recommandait déjà le DIFC en 1978 (Rennwald 1978).
57
de « diktat de Berne ». Mais le gouvernement fédéral maintient sa position favorable à
l’instrument : D’après Peter Burkhardt, alors chef de section à l’OFEN et fervent défenseur du
DIFC, «C’est la seule mesure qui incite vraiment à un changement de comportement» (Bernet
1995). Des communes s’opposent à l’instrument dont le coût de mise en œuvre est d’après
elles disproportionné par rapport aux économies d’énergie réalisées (Bernet 1995).
L’avantage coût-bénéfice de l’instrument est aussi remis en question, surtout dans les
bâtiments plus anciens.
La fiabilité des répartiteurs de chaleur est aussi remise en question par certains, dont Manfred
Appelt, ingénieur EPFL spécialiste des installations de chauffage et « adversaire irréductible »
du DIFC (Henchoz 1992). Les opposants avancent d’autres arguments contre le DIFC,
comme la question de son efficacité sur le long terme ou dans les cas où le chauffage est bien
équilibré. Mais c’est peut-être surtout le caractère obligatoire qui déplait aux cantons et
communes, comme le témoignent ces mots de Pierre-Alain Berthoud, ancien délégué cantonal
à l’énergie (VD): « Il faut voir si à l’exercice ces choses sont véritablement inapplicables.
Mais il est vrai que pour les petites communes, la disproportion est totale entre les mesures à
appliquer, les moyens et les compétences. On peut s’étonner de l’entrée en vigueur de
mesures aussi draconiennes à une époque où on n’arrête pas de parler de déréglementation »
(Journal de Genève 30 nov. 1992). Le conseiller national Walter Steinemann (PdL/SG)
dépose une initiative parlementaire visant à renoncer à l’obligation du DIFC dans les
bâtiments existants, qui est signée par 113 conseillers nationaux issus en majorité des partis
bourgeois. Face à ces fortes oppositions, la Confédération allège partiellement cette
réglementation en limitant l’obligation aux nouvelles constructions en 1998. Puis plusieurs
cantons retirent à leur tour leurs réglementations, ce qui débouche sur une politique de «stop
and go» (Interface p.12).
Mise en œuvre en Suisse:
L’acceptation de l’instrument et sa mise en œuvre peuvent beaucoup varier d’un canton à
l’autre. Les tableaux ci-dessous illustrent l’état actuel de son acceptation politique, son
importance stratégique et sa mise en œuvre estimée suivant les cantons (Interface p.28):
58
On remarque un net clivage entre les cantons romands et le reste de la Suisse, puisqu’aucun
canton romand pour lequel on a une estimation ne dépasse 10% de taux d’équipements, et ce
n’est probablement pas le cas non plus pour Genève. On peut donc dire qu’il y a une
connotation culturelle dans l’acceptation -ou pas- de l’instrument.
Ce rapport révèle que, contrairement à ce qu’on aurait pu penser en tenant compte
uniquement des obligations légales, le DIFC se développe très lentement et que le nombre
d’équipements pourrait même diminuer dans certains cantons selon Interface. A part les
exceptions de Bâle-Ville et Bâle-Campagne42
où le DIFC est généralisé et Berne (50-75%),
l’intensité de la mise en œuvre est généralement faible voir quasiment nulle dans plusieurs
cantons. Le taux d’équipement serait, en 2008, « nettement en dessous de 50% » et inférieur à
10% dans dix cantons, selon des estimations données par des collaborateurs d’offices
cantonaux de l’énergie à Interface. Certains cantons ont conservé les prescriptions législatives
des années 1990 mais sans faire le nécessaire pour les appliquer. On constate aussi l’absence
de DIFC dans des nouveaux bâtiments, où l’on considère généralement que l’installation ne
pose aucun problème. Il est difficile de mettre les cantons d’accord pour uniformiser les
règles concernant le DIFC, notamment parce que l’acceptation politique de l’instrument et
son importance stratégique varient fortement (Interface 125). Des acteurs puissants comme les
associations de propriétaires ont intérêt à ce que le statu quo soit maintenu. Ces associations
de propriétaires peuvent accepter que le DIFC soit intégré dans les nouveaux bâtiments, mais
s’opposent à ce qu’il soit installé dans les bâtiments existants. Quant aux associations de
locataires, cela dépend des répercussions financières du DIFC sur les locataires (Ibid).
On peut partager les cantons suisses en deux groupes: environ un tiers sont favorables au
DIFC (dont trois, BS, BL et AI, qui l’ont généralisé), et les autres qui ne prennent pas de
42
Le DIFC est aussi généralisé à Appenzell Rhodes-Intérieures. Dans la mesure où il y a très peu de bâtiments
avec plus de cinq preneurs de chaleurs, on ne peut pas comparer avec la mise en œuvre dans les cantons urbains.
59
mesures pour le renforcer à cause de pressions politiques et/ou parce qu’ils ne sont pas
convaincus par l’instrument (Ibid p.126).
Les conclusions du rapport d’Interface sur l’avenir du DIFC au niveau fédéral sont les
suivantes (Ibid p.14):
Aujourd’hui, la portée stratégique du DIFC doit être considérée comme relativement faible
pour les raisons suivantes:
- La Confédération n’attache pas une grande importance stratégique au DIFC. L’OFEN
ne déploie que peu d’activité dans ce domaine.
- L’acceptation du DIFC au plan politique et sa portée stratégique varient énormément
d’un canton à l’autre. Depuis 1998, les cantons n’ont pas essayé de perfectionner le
DIFC ou d’harmoniser la situation pour les bâtiments existants
- S’agissant notamment des anciens bâtiments, le DIFC est très controversé dans certains
cantons ainsi qu’à la Société suisse des propriétaires fonciers.
- Globalement, on constate que le DIFC se «vend» mal et qu’il est fort peu probable que
des démarches soient entreprises aujourd’hui pour intensifier la mise en œuvre du
DIFC.
Pourquoi cinq preneurs de chaleurs et plus et pas à partir de deux en Suisse et à
Genève?
Lorsque le gouvernement fédéral décide d’imposer le DIFC, il limite son caractère
obligatoire aux cinq preneurs de chaleur et plus. Certains cantons optent pour d’autres
seuils; quatre et plus pour Berne et sept et plus à Lucerne par exemple (Interface p.40),
mais aucun canton ne place ce seuil à 2 preneurs de chaleur, bien que cela paraisse
« logique » et que c’est ce qui est appliqué dans les pays voisins (du moins en France et
en Allemagne).
Avantages d’imposer le DIFC dès deux preneurs de chaleur:
- Moins il y a d’utilisateurs et plus les écarts de consommation ont d’incidence sur les
autres. (Dans le cas où il y a deux preneurs de chaleur dont un qui consomme trois fois
plus que l’autre, le plus économe paye la moitié de la facture pour son voisin en dehors
des coûts fixes). Plus le nombre d’utilisateurs est élevé et plus ces écarts de
consommation par rapport à la moyenne sont «dilués». Le DIFC peut ainsi être plus
utile pour le principe d’équité s’il y a moins de preneurs de chaleur.
- Les bâtiments avec moins de cinq preneurs de chaleur ont en moyenne un IDC plus
élevé que la moyenne: il y a parmi eux de petits immeubles (donc plus de surface de
murs donnant sur l’extérieur), des grandes maisons comportant plusieurs logements
(style fermes rénovées en appartements) ou des villas jumelées.
Pourquoi la Confédération choisit-elle ce seuil? Selon Lukas Gutzwiller et Olivier
Meile, tous deux collaborateurs de l’OFEN, c’est essentiellement une décision politique
liée aux coûts de la mise en œuvre. Le groupe des 5 preneurs et plus représente déjà une
charge de travail suffisante pour l’administration. Le but est d’englober tous les
immeubles locatifs, et ils sont quasiment tous compris avec cette limite de cinq
preneurs. (Source : échange d’emails et entretien)
60
Le choix de la clé de répartition:
Le système de la clé de répartition des frais de chauffage appliqué aujourd’hui est
proposé en 1985 par l’OFEN et testé durant deux ans. Comme on l’a vu, le but est de
tenir compte des particularités de chaque local (orientation sud ou nord, sous le toit ou
pas, conduites passant dans l’appartement ou pas, etc.) afin qu’à comportement égal, les
frais de chauffage le soient aussi. Cette clé de répartition a l’avantage d’être équitable
mais l’inconvénient d’être coûteuse à appliquer, ce qui rend le DIFC moins attractif
pour les régies et propriétaires. Contrairement à la Suisse, il n’y a pas de clé de
répartition en Allemagne. Chacun paie la même charge fixe et le reste en fonction de sa
consommation. On peut dire que l’Allemagne a favorisé un système simple, alors que la
Suisse voulait surtout que ce soit équitable. Mais le système allemand n’est pas
forcément inéquitable, puisque les loyers s’adaptent tôt ou tard au fait qu’on paie plus
ou moins pour se chauffer suivant l’emplacement du logement dans l’immeuble. Une
fois ce cap d’ajustement des loyers passé, les locataires sont avantagés puisque
l’absence de clé de répartition améliore le rapport coûts-bénéfices du DIFC. Inteface
recommande de simplifier le modèle de répartition des frais en Suisse afin de diminuer
les coûts.
Pourquoi le « modèle allemand » n’a-t-il pas été appliqué en Suisse ?
Une des principales raisons invoquées par les politiciens qui se sont opposé au DIFC lorsque
la Confédération l’a imposé était que la mise en œuvre était une tache coûteuse et lourde pour
l’administration. La mise en œuvre de l’instrument a ainsi été repoussée ou évitée par
plusieurs administrations cantonales aussi pour cette question budgétaire. Ceci explique aussi
que l’instrument n’ait été imposé qu’à partir de cinq preneurs de chaleur et pas deux en
Suisse. Il avait été calculé que la mise en œuvre du DIFC à Genève nécessiterait l’équivalent
d’un ou deux emplois à temps plein durant un peu plus de deux ans afin d’effectuer les
contrôles.
L’Allemagne a pourtant choisi une solution simple permettant de généraliser le DIFC et
DIFEC de façon efficace et sans frais pour les autorités compétentes. Une loi entrée en
vigueur en 1981 permet simplement aux locataires d’exiger une réduction de 15%43
de la
facture d’énergie de chauffage et d’eau chaude en l’absence de décomptes. Cela a
naturellement poussé la quasi-totalité des propriétaires à installer le DIFC, sans que l’Etat
doive le vérifier puisqu’ils ne sont pas contraints de le faire (mais suffisamment incités).
Pourquoi un tel système n’a-t-il pas été appliqué en Suisse ? Il semble simplement que cette
« méthode allemande » est largement méconnue, 33 ans après son adoption dans ce grand
pays voisin qui parle la même langue que la majorité des Suisses. Utiliser cette stratégie aurait
aussi pu permettre de généraliser le DIFC dès qu’il est utile, c’est à dire deux preneurs de
chaleur et pas cinq, puisque ce seuil avait été choisi pour limiter les coûts pour
l’administration. Le rapport d’Interface commandé par la Confédération44
recommande
43
Ces 15% correspondent aux économies attendues grâce au DIFC, d’après les expériences sur l’efficacité du
DIFC qui ont été faites en Allemagne avant l’adoption de cette loi. On demande ainsi au propriétaire de payer
l’énergie qui pourrait être économisée grâce à l’instrument s’il ne l’installe pas. 44
Qui a coûté 140'000 francs pour ce qui est de la partie d’Interface (source : email d’Interface). D’autres
collaborateurs de l’étude étaient des employés de la Confédération (OFEN) ou des cantons.
61
pourtant de s’inspirer du modèle allemand, c’est même indiqué dans le résumé de l’étude45
.
Les évaluations de politiques publiques sont obligatoires dans plusieurs domaines de
l’administration, et c’est même inscrit dans la Constitution fédérale depuis 199946
. Mais une
évaluation n’a aucune utilité si elle n’est pas lue et que l’on ne tient pas compte des
recommandations.
Historique de la politique énergétique du bâtiment et du DIF(E)C à Genève
La loi cantonale de l’énergie de Genève (LEn) a pour origine l’acceptation -à près de 60%- de
l’initiative populaire « L’énergie notre affaire » le 7 décembre 1986. Cette initiative vise
d’une part à inscrire dans la Constitution que le canton s'oppose à la construction
d'installations nucléaires, et d’autre part à favoriser les économies d'énergie et le
développement des énergies renouvelables.
L’Office cantonal de l’énergie :
Avant 2013, l’énergie n’est « qu’un » service au sein du département de la sécurité, de la
police et de l'environnement (DSPE) : le service cantonal de l’énergie (SCANE). Isabelle
Rochat en est la magistrate jusqu’à ce que Pierre Maudet (PLR) soit élu, après la démission de
Mark Muller en 2012. Il reprend le département de la sécurité (DS), qui absorbe le SCANE
lors d’un remaniement. P. Maudet (et d’autres) demandent à ce que l’énergie devienne un
Office cantonal. En devenant un office cantonal, la politique énergétique prend du coup plus
de place parmi les priorités de la politique cantonale. L’OCEN s’agrandit en terme de
personnel, une bonne augure pour l’application de la politique énergétique cantonale pour
laquelle il manquerait actuellement de moyens. Suite à l’élection du Conseil d’Etat de 2013 et
la réorganisation des départements, l’OCEN est à présent dans le DALE (voir l’organigramme
ci-dessous). Cette nouvelle configuration a l’avantage de placer l’OCEN au sein d’un groupe
qui abrite les offices et services avec lesquels il doit le plus souvent collaborer, ce qui est plus
pertinent que d’être « isolé » dans le département de la sécurité. Antonio Hodgers (Verts) est
l’actuel chef du Département.
45
« Une alternative aux contrôles et aux informations serait l’introduction d’un droit de réduction pour les
locataires selon le modèle allemand: si le DIFC n’est pas mis en œuvre, les locataires peuvent retenir un certain
pourcentage des coûts énergétiques facturés à forfait. En Suisse aussi, notamment pour les nouveaux bâtiments,
cela pourrait déboucher sur un encouragement du DIFC sans incidence financière pour les instances
d’exécution. » 46
Art. 170 Evaluation de l’efficacité
L’Assemblée fédérale veille à ce que l’efficacité des mesures prises par la Confédération fasse l’objet d’une
évaluation.
62
Rôle des SIG: les objectifs d’économie d’énergie du canton sont partiellement conçus et mis
en œuvre par les SIG. Mais cela concerne principalement les économies d’électricité (avec le
programme éco21 essentiellement) ainsi que la production de gaz et d’électricité
renouvelables.
Politique énergétique et DIFC à Genève:
Postulat sur l’influence de l’administration publique :
Selon l’idéal type wébérien, « Le véritable fonctionnaire ne doit pas faire de politique : il doit
administrer avant tout, de façon non partisane. Il doit s'acquitter de sa tâche sans ressentiment
et sans parti pris (…). L'honneur du fonctionnaire consiste dans son habileté à exécuter
consciencieusement un ordre sous la responsabilité de l'autorité supérieure même si elle
s'obstine à suivre une fausse voie (…). Sans cette discipline morale, dans le sens le plus élevé
du terme, et sans cette obligation, tout l'appareil s'écroulerait » (Max Weber, « Économie et
société », 1921 -publication posthume-). A l’inverse le politique a le « droit » d’agir avec
sentiment et parti pris. Nous postulons que contrairement à l’idéal type wébérien, dans la
pratique, des fonctionnaires peuvent influencer les décisions prises par les politiciens et se
permettre une marge de manœuvre lors de la mise en œuvre des politiques publiques.
Quelques éléments permettant de conclure à l’influence de l’administration (Audria 2012):
- La continuité de l’administration
- La place stratégique de l’administration quant à l’information
- Sa compétence technique et sa spécialisation
63
- Sa marge de manœuvre lors de la mise en œuvre des politiques publiques
- Son organisation structurée à proprement parler
Contrairement aux politiciens ou aux partis politiques, l’administration est toujours en place.
Elle possède et contrôle des ressources qui sont indispensables au politicien. Sa place
stratégique quant à l’information, sa compétence technique et sa spécialisation impliquent
qu’elle peut exercer une grande influence sur les décisions politiques. Le politicien élu, qui ne
peut pas être un expert de chaque domaine de son département, doit souvent prendre des
décisions fondées sur l’avis de fonctionnaires qu’il a consulté pour leur expertise.
L’administration profite aussi d’un pouvoir discrétionnaire lors de la mise en œuvre des
politiques publiques.
L’initiative populaire « L’énergie notre affaire » demande « une répartition adéquate des
frais de consommation de chaleur, notamment par le décompte individuel de chauffage pour
tous les bâtiments » (art. 160E). Le DIFC doit donc être généralisé à tous les bâtiments avec
plus de cinq preneurs de chaleur, avec en plus le DIFEC dans les nouveaux bâtiments ou les
anciens qui sont soumis à une grande rénovation (art. 160 C). Bien que l’Etat soit désormais
légalement tenu de respecter cette volonté populaire et imposer la mise en œuvre de
l’instrument, des acteurs des milieux politiques et de l’administration s’y opposent en disant
que le DIFC n’est pas efficace et/ou trop cher.
Ces prises de position divergentes poussent la commission technique cantonale en matière
d’énergie (CTCME) à « examiner de façon approfondie les différents aspects liés à la mise en
œuvre du DIFC47
. ». « Compte tenu des expériences et constatations faites tant en Suisse qu’à
l’étranger (où les prescriptions légales et techniques sont toutefois différentes des nôtres) et
des doutes exprimés par certains milieux, la CTCME a décidé de procéder à une expérience
d’application du DIFC, portant sur un échantillon représentatif d’immeubles, dans le
contexte genevois en accord avec le département dont elle dépend. » (Ibid.). L’expérience sur
l’efficacité du DIFC est menée à Genève entre 1986 et 1989, sur un groupe de 10 immeubles.
Une année et demie après le début de l’expérience, Robert Cramer, alors député vert au Grand
Conseil, s’emporte contre le Conseil d’Etat et en particulier contre Jean-Philippe Maitre
(PDC), chef du département de l’économie publique dont fait partie l’OCEN. R. Cramer
accuse J.-P. Maitre de ne pas se soucier de l’application de l’initiative « L’énergie notre
affaire » votée en 1986, et de bafouer ainsi la volonté populaire (Pellegrini 1988). Concernant
le DIFC, R. Cramer accuse le gouvernement de mener cette expérience au lieu de tout
simplement l’appliquer comme le peuple l’a demandé : « Le décompte individuel des frais de
chauffage, qui permet aux locataires de ne payer que leur propre consommation, est
également relativement facile à mettre en place. Au lieu d’agir dans ce sens, l’Etat mène une
longue expérience-pilote pour voir si cette mesure est efficace. Mais on ne demande pas à nos
magistrats d’avoir des états d’âme. L’initiative leur ordonne tout simplement d’introduire le
décompte individuel, qui a déjà fait ses preuves à l’étranger. » (Ibid.).
47
Département de l’économie publique; Division énergie. «Décompte individuel des frais de chauffage: Rapport
sur la première année d’expérience». Genève, le 22 avril 1988. Rédigé par T. Ottin & E. Spierer. p.4. (source:
«Commission consultative sur le DIFC (info locataires)». Cote du document: 2005 va 12.2.66 Cote
d’emplacement: M-A 46/9/6 à M-A 47/1/3 (Archives d’Etat)
64
M. Maitre se dit plutôt sceptique par rapport au DIFC, disant que l’appareillage coûteux
devrait amener à une augmentation des loyers (Journal de Genève 6 mai 1988). Il affirme
pourtant qu’il est décidé à introduire le DIFC, « ne serait-ce que parce que c’est une aide à la
motivation » en 1988 (Ibid.), un engagement qui ne sera pas respecté.
Nous avons vu dans le chapitre sur l’efficacité du DIFC que cette expérience de Genève
démontre là aussi l’efficacité de l’instrument, mais que le rapport coûts-bénéfices à l’échelle
de l’immeuble n’était pas favorable dans des bâtiments avec un IDC faible. Les résultats
montrent une économie de 24.8% sur trois ans pour le chauffage (Ottin et Spierer 1990 p.38).
Pourtant, d’après J.-P. Maitre, « L’expérience ne débouche pas sur une baisse de
consommation chiffrée absolument rigoureuse du point de vue scientifique » (Journal de
Genève 6 mai 1988). C’est à ce moment-là qu’il propose que les bâtiments neufs soient
conçus pour que des compteurs puissent être installés et être munis de vannes thermostatiques
(note: il dit qu’ils doivent être « conçus » pour ça mais ça ne veut pas dire qu’ils doivent être
équipés de compteurs et que ces derniers soient utilisés), et que seuls les bâtiments existants
dépassant un IDC de 750MJ/m2/an soient soumis à l’obligation du DIFC (Ibid.), soit le « seuil
de rentabilité » en dessous duquel l’installation, l’entretien et le relevé des compteurs et
répartiteurs coûteraient plus cher que l’argent économisé grâce aux économies d’énergie
réalisées48
. C’est le début de la politique du « bon IDC ou DIFC », une stratégie visant à faire
baisser la consommation d’énergie des bâtiments grâce au DIFC mais sans pour autant
l’utiliser. Le collaborateur de l’OCEN E. Spierer est l’instigateur de cette politique. Quant au
DIFEC, il doit être installé et utilisé dans les nouveaux immeubles et, si possible au niveau
technique, dans les bâtiments existants dans un délai de 3 ans (Ibid). Maitre précise alors que
rien n’est sûr pour les délais d’application de ces mesures, puisqu’un groupe d’acteurs doit se
prononcer sur la question (partis politiques, professionnels de l’immobilier et associations de
locataires) (Ibid.). Les règlements et projets de loi doivent ensuite être rédigés à l’automne
suivant, avant que le Grand Conseil se prononce (Ibid).
En mars 1991, le collaborateur de l’OCEN E. Spierer dit que l’expérience genevoise était
indispensable, puisqu’ « Il n’existait en Suisse aucune étude prouvant que le décompte
individuel de chauffage était efficace. » (Journal de Genève 15 mars 1991). Il ajoute que
d’après lui, le DIFC est utile que si le chauffage est mal équilibré (Ibid.). En 1991 toujours,
des « experts » du Département de J.-P. Maitre (re)proposent que le DIFC soit une obligation
en fonction d’un seuil de rentabilité, soit le coût de son installation et utilisation versus les
économies qu’il permet de réaliser (principe de proportionnalité). Ces mêmes experts
suggèrent alors que le DIFEC, qui doit être obligatoire après l’initiative de 1986, soit
également appliqué en fonction d’un seuil (Ibid.), bien que son efficacité ne soit nullement
liée à l’IDC.
48
Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédant, cette décision ignore le fait que les sondés apprécient
l’instrument avant tout pour les économies d’énergie et le principe d’équité. Les bénéfices économiques au delà
de l’échelle du bâtiment sont aussi ignorés. Le DIFC est dès lors considéré comme un instrument d’économie
financière à l’échelle du bâtiment et pas comme un outil d’économie d’énergie, ce pourquoi il a été amené à
l’agenda politique de plusieurs pays après les chocs pétroliers. Les bénéfices environnementaux sont aussi
ignorés.
65
La politique du « Bon IDC ou DIFC » :
L’argument principal à la base de cette politique est que si la dépense de chaleur d’un
logement dépend en partie du comportement de ses habitants, elle peut dépendre tout autant et
souvent bien plus des caractéristiques du bâtiment et des installations de production de
chaleur. Il vaudrait donc mieux avant tout d’encourager les investissements dans les mesures
techniques. Mais il n’existe alors pas de loi qui permette de forcer les propriétaires de
bâtiments existants à en améliorer l’efficacité thermique. D’où l’idée d’utiliser l’obligation du
DIFC pour entrer en négociation avec les propriétaires (Baranzini 2008 p.57). Le DIFC sert
donc d’épée de Damoclès, de « menace » d’une contrainte qui encouragerait les propriétaires
dont les biens immobiliers consomment plus d’énergie que des seuils limites à faire le
nécessaire pour que la consommation d’énergie baisse. Le but est d’éviter que les
propriétaires installent le DIFC, mais qu’ils fassent plutôt le nécessaire pour ne pas être
contraints de le faire en améliorant l’efficacité thermique de leur immeuble.
Après avoir envoyé une lettre « incendiaire » pour dire que Genève ne respectait pas l’arrêté
urgent du Conseil fédéral concernant le DIFC, auquel Genève répond que le domaine de
l’énergie dans le bâtiment est censé être de compétence cantonale (source : entretien E.
Spierer), puis qu’Adolf Ogi ait convoqué J.-P. Maitre pour s’expliquer face à lui et M.
Burkhardt, le Département fédéral de l’énergie, de la communication et des transports
accepte finalement en 1992 que Genève n’impose le DIFC que pour certaines catégories
d’immeubles. Mais il impose que le seuil soit de 600MJ/m2, soit environ 16 litres de mazout
par m2 (Bernet 1995), plutôt que 750MJ/m
2, soit en dessous du « seuil de rentabilité » voulu
par J.-P. Maitre. Certains craignent alors (notamment J.-P. Maitre) que ce seuil de 600MJ soit
trop bas, que des propriétaires soient du coup plus enclins à installer des compteurs que
d’investir le nécessaire pour faire baisser l’IDC à 600MJ (Jeanmairet 1992), un effort
financier trop important pour les immeubles qui sont bien au dessus de ce seuil. Maitre
invoque le principe de proportionnalité, qui est reconnu par la loi fédérale sur l’énergie, ce
qui ne convainc pas l’OFEN. Les instigateurs genevois de la politique du « bon IDC ou
DIFC » font savoir au Conseil fédéral que leur but est l’efficacité énergétique et qu’ils sont
prêts à comparer les résultats de la politique genevoise avec celles d’autres cantons qui
respectent l’obligation d’installer le DIFC (entretien E. Spierer). Cette comparaison n’a
encore jamais été faite.
J.-P. Maitre annonce que le Département de l’économie publique va toutefois tenter de mettre
en œuvre ces mesures, « avec le plus de souplesse possible » (Jeanmairet 1992). Il est prévu
que dès l’année suivante, des entreprises mandatées par l’Etat effectuent les calculs de l’IDC
de tous les bâtiments du canton concernés, et que ceux qui dépassent le seuil de 600MJ
calculé sur deux ans reçoivent une notification du Département des travaux publics. Ces
derniers ont alors un délai de deux ans soit pour rabaisser l’IDC en dessous de 600MJ, soit
pour installer le DIFC (Ibid.). Une période transitoire de cinq ans est fixée pour permettre au
parc immobilier de s’adapter (Ibid.). J.-P. Maitre ajoute alors que si des directives fédérales
plus strictes parviennent aux cantons d’ici là, il s’opposerait fermement au « diktat de
Berne »... (Ibid.).
66
Problème de non-respect de la volonté populaire ?
La mise en œuvre du DIFC a été imposée au gouvernement genevois par deux processus
démocratiques, le premier venant de la démocratie directe lorsque le peuple genevois vote
pour la généralisation de l’instrument en 1986, et le deuxième du gouvernement fédéral
(démocratie représentative). La population n’a certes pas réellement voté pour les décomptes
individuels en 1986. Il s’agissait d’un objet parmi d’autres au sein d’une même initiative dont
l’objet principal était l’opposition à la construction d’une centrale nucléaire dans le canton.
Une initiative avec un tel paquet de mesures ne pourrait d’ailleurs sûrement pas passer en
votations aujourd’hui.
En général, lorsqu’une loi est acceptée par le peuple mais pas mise en œuvre par le
gouvernement, c’est qu’il y a un problème au niveau de la validité formelle ou matérielle
(objectifs non réalistes, contraire à des traités internationaux, etc.). Comme on l’a vu, une loi
fédérale peut être mal mise en œuvre ou ne pas l’être du tout par un canton si la majorité
politique du canton en question s’y oppose ou que ce n’est pas dans ses priorités. Dans le cas
du DIFC à Genève, le non-respect de la volonté populaire ne se fait pas pour une des raisons
invoquées ci-dessus mais plutôt parce que quelques acteurs clés de la politique et de
l’administration s’y opposent personnellement.
La raison officielle pour ne pas généraliser le DIFC est ainsi une question de rentabilité
financière de l’instrument au niveau du bâtiment dans certains cas. On ignore donc le fait que
les citoyens accordent avant tout de l’importance aux économies d’énergie et au principe
d’utilisateur payeur ou d’équité, comme le montrent notamment les sondages de l’expérience
sur le DIFC menée par l’OCEN. Ecarter cet instrument pour cette raison, c’est aussi le
considérer uniquement comme un instrument dont le but est de faire économiser de l’argent
aux locataires, alors qu’il est évident qu’il a été mis à l’agenda politique de plusieurs pays,
dont la Suisse, essentiellement pour économiser de l’énergie. Les décideurs de cette politique
ne considèrent pas non plus les bénéfices micro et macroéconomiques des économies
d’énergie réalisées grâce à l’instrument en limitant leur analyse à l’échelle de l’immeuble.
Enfin, le DIFC n’est certes pas « rentable » au-dessous d’un certain seuil d’IDC dans certains
bâtiments. Mais l’expérience est faite à la fin des années 1980, dans un « creux » du cours du
pétrole qui n’a pas été aussi bas depuis avant le premier choc pétrolier. La possibilité que le
cours du pétrole augmente plus vite que celui de la vie (et abaisse le seuil d’IDC à partir
duquel le DIFC est rentable) n’est pas pris en compte alors que les chocs pétroliers ne sont
pas encore loin derrière. Il y a aussi le fait que l’installation des vannes thermostatiques est
prise en compte dans les coûts du DIFC alors qu’elles sont à elles seules un instrument
d’économie d’énergie et que ça devrait être considéré à part entière.
Le fait de se « servir » du DIFC pour encourager une baisse de l’IDC des bâtiments qui sont
au-dessus de 600MJ/m2 est original, mais il eut été possible d’appliquer une politique
similaire sans remettre en cause la généralisation du DIFC exigée par le peuple et la
Confédération. En effet, le DIFC empêche nullement de mettre en œuvre d’autres mesures
incitatives ou contraignantes pour abaisser l’IDC des immeubles. Ces personnes ont pourtant
présenté la question comme s’il s’agissait d’un choix inévitable entre l’influence des
comportements d’une part et l’incitation à prendre des mesures d’économies techniques
d’autre part. Le DIFC est mis de côté parce qu’ils estiment que la politique du « Bon IDC ou
67
DIFC » est plus efficace sans aucunement chercher à évaluer les effets potentiels d’une telle
politique.
Mise en œuvre de la politique du « Bon IDC ou DIFC » plus lente et compliquée
que prévu:
La mise en œuvre de cette politique débute en 1993. On remarquait un manque de volonté à
l’appliquer efficacement dans les propos tenus par Maitre, et la suite du déroulement des
opérations l’illustre bien puisque l’OCEN a toujours manqué de moyens pour cela.
L’obtention du budget nécessaire n’a pas été suffisamment bien défendue. La mise en œuvre
de cette politique se révèle très compliquée, plus que ce à quoi s’attendait E. Spierer. Ce
dernier témoigne de la complexité de la mise en œuvre de cette politique avec les moyens
limités de l’époque, au niveau informatique notamment. Lors du début du travail et les années
suivantes, «0,7» emplois sont consacrés à cela, soit 50% du temps de travail d’E. Spierer, plus
sa collègue qui travaille à temps partiel mais qui est souvent absente à cause d’une maladie
qui finit par l’emporter. Il a été très difficile de mettre sur pied une base de données pour
connaitre quelle régie gérait chaque bâtiment et quel en était le propriétaire. Contrairement à
ce qu’on pourrait croire, il n’était pas possible de connaître ces informations de façon simple
et fiable, et il a fallu être inventif pour trouver des solutions. L’OCEN recourt par exemple à
des chômeurs, engagés périodiquement pour aller faire du « porte à porte » et demander qui
est la régie ou le propriétaire de l’immeuble, donc un gros travail de défrichage et « un casse-
tête pas possible pour créer, gérer et renouveler les bases de données » (entretien E. Spierer).
L’application de cette loi n’était pas dans les priorités du gouvernement et on le constate avec
l’allocation des budgets. « L’exécutif n’a pas répondu aux besoins nécessaires pour appliquer
la loi. Les autres secteurs étaient prioritaires » selon E. Spierer. Imprégner la notion d’IDC
dans les mentalités et amener les professionnels du bâtiment à travailler avec fut aussi une
grande tâche pour E. Spierer et sa collègue.
La 1ère base de données des IDC est établie en 1995, et les premières amendes pour non
calcul de l’IDC sont émises en 1996. Personne n’a payé d’amende, mais la grande majorité
des propriétaires auraient entrepris des rénovations pour faire baisser l’IDC selon E. Spierer.
Une force de cette loi serait d’arriver à inciter des propriétaires à agir sans que l’OCEN n’ait
besoin d’user de sanctions.
Mandats de Robert Cramer :
Comme nous l’avons vu, Robert Cramer (Verts) s’était insurgé du fait que le DIFC n’était pas
mis en œuvre après l’initiative populaire de 1986. Il était d’ailleurs dans le comité qui a rédigé
le texte de l’initiative et mené la campagne. Il est élu Conseiller d’Etat en 1997 et devient
ainsi le premier magistrat écologiste à Genève. Il est réélu et reste Conseiller d’Etat jusqu’à la
fin de l’année 2009, avec l’OCEN dans son département. Pourquoi la loi sur les décomptes
n’a-t-elle pas été mise en œuvre à ce moment-là ? Robert Cramer nous dit qu’il était certes
initialement favorable au DIFC, mais que l’OCEN a réussi à le convaincre de maintenir le
statu quo sur cette question : « on pense souvent qu'un magistrat a beaucoup de pouvoir pour
mettre en œuvre son programme, mais en réalité il doit s’appuyer sur l’administration au
niveau de la réalisation. Si l’administration n’est pas convaincue, il est obligé de négocier
68
avec elle. ». Lorsqu’il entre en fonction en tant que Conseiller d'Etat, des collaborateurs de
l'OCEN lui expliquent qu’il est mieux de ne pas mettre en œuvre la loi sur les décomptes
individuels puisque que c’est inefficace (« au mieux 1 ou 2 % d'économies d'énergie ») et
qu'ils coûtent cher aux propriétaires. M. Cramer leur fait confiance en raison de leur expertise
dans le domaine : « Ce n’était pas mon métier. C'était eux les experts ». Il approuve donc leur
volonté de continuer à ne pas contraindre de propriétaires à installer le DIFC et de poursuivre
la politique du "bon IDC ou DIFC", c.-à-d. de se servir du DIFC comme « épée de
Damoclès » pour entrer en négociation avec les propriétaires et les pousser à faire en sorte que
les IDC de leurs bâtiments soient en dessous du seuil de 600MJ/m2/an, considérant qu’il
s’agissait d’une façon pragmatique et efficiente de favoriser les économies d’énergie (source :
entretien).
Le magistrat se concentre alors sur d’autres objectifs, comme la nouvelle loi sur l’énergie qui
est passée en votation en 2010 (report de la baisse prévisible des charges sur les loyers lors de
travaux permettant des économies d’énergie et obligation de couvrir 30% des besoins d’eau
chaude par des panneaux solaires dans les nouvelles constructions et lors de grosses
rénovations).
Nos recherches ne nous permettent pas de savoir sur quoi s’appuie cette affirmation de « 1 ou
2% d’économie d’énergie au mieux avec le DIFC » avancée par ces collaborateurs de
l’OCEN. Ils n’ont d’ailleurs pas répondu à la question. Aucune expérience n’a montré un si
faible pourcentage d’économie à notre connaissance.
Les 7500 lettres recommandées de 2000 pour l’obligation d’installer le DIFC et
le recours des propriétaires:
En 2000, l’OCEN envoie 7500 lettres recommandées aux propriétaires dont les immeubles
dépassent le seuil de 600MJ et sont donc de jure contraints d’installer le DIFC, ainsi qu’à
ceux qui n’ont pas fournit l’IDC de leur bâtiment. Trois régies collaborent pour faire un
recours commun. La lettre comporte plusieurs vices de forme, ce qui empêche l’OCEN de
répondre au recours. Des lettres ne mentionnent par exemple pas le destinataire de la décision,
à savoir le propriétaire de l’immeuble, mais sont adressées aux régies. Plutôt que de renvoyer
une seconde lettre en veillant cette fois à ce qu’elle soit correctement formulée, l’OCEN
abandonne et aucune mesure contraignante visant à forcer l’installation du DIFC ou abaisser
les seuils d’IDC n’a été entreprise depuis. Ils pensent que ce n’est pas nécessaire, puisque
suffisamment de propriétaires (aussi parmi ceux qui ont fait recours) entreprennent des
rénovations dans le but de se préparer à une éventuelle sanction de l’Etat. E. Spierer estime à
titre personnel qu’environ 90% des bâtiments concernés par le recours contre l’obligation
d’installer le DIFC en 2000 ont entrepris des travaux pour faire baisser l’IDC en dessous du
seuil de 600MJ/m2.
Etat de la mise en œuvre des décomptes individuels à Genève :
Les informations obtenues auprès d’entreprises spécialisées dans la vente et l’installation de
compteurs et répartiteurs ou de leur entretien et relevé permettent de se rendre compte de la
faible mise en œuvre de l’instrument. Selon Olivier Aubort, directeur de l’entreprise Alfred
Aubort SA, on utilise peu les décomptes à Genève : cette entreprise spécialisée dans les
relevés et l’entretien des compteurs est compétitive par rapport à la concurrence et très
69
présente sur le marché romand depuis longtemps. Elle a pourtant peu de clients en
comparaison aux autres cantons romands et notamment Vaud (entretien O. Aubort).
L’entreprise de compteurs Neovac, très présente sur le marché romand, nous indique que 306
bâtiments genevois sont équipés de ses compteurs, et qu’ils procèdent aux relevés sur 106
d’entre eux (Ils mentionnent que des entreprises comme Alfred Aubort SA -qu’ils citent-
peuvent relever et faire l’entretien sur une partie de leurs compteurs) (source : email de
Techem). Techem (Suisse) SA, un autre leader des décomptes individuels en Suisse,
gère environ 130 dossiers dans le canton de Genève (relevés et entretiens), mais ce ne sont
pas forcément des compteurs ou répartiteurs qu’ils ont eux-mêmes installé (source : email de
Techem).
En 2013, il y avait à Genève environ 48'000 bâtiments chauffés, dont 38'700 d’avant 1993 et
9'300 bâtiments construits à partir de 1993 (OCEN). Sur les bâtiments d’avant 1993 avec cinq
preneurs de chaleur et plus, 2'100 étaient soumis à l’obligation de facturer selon le DIFC.
Pour les bâtiments construits à partir de 1993, 2'700 étaient soumis au DIFC. Cela fait un total
de 4'800 bâtiments (source : OCEN). Les deux entreprises de compteurs qui sont
vraisemblablement les plus présentes sur le marché romand parmi les trois « majors » (les
trois grandes entreprises de compteurs présentes en Suisse), totalisent donc un peu plus de
430 bâtiments. Neovac, Techem et Rapp dominent le marché suisse, semble-t-il dans cet ordre
d’importance pour les parts de marché (Interface p.80). Il semble que l’entreprise Rapp n’est
pas ou très peu présente sur le marché genevois. Il y a probablement une partie des immeubles
qui ont installé des compteurs mais qui ne les utilisent pas à Genève, comme le relève
Interface (p.45).
On peut se demander pourquoi l’OCEN n’a jamais cherché à évaluer cela, dans la mesure où
il est simple et rapide de contacter quelques entreprises et faire une évaluation approximative.
Des oppositions au DIFC toujours vives :
Bien que l’expérience de Genève et plusieurs autres en Suisse ou à l’étranger convergent et
montrent des économies d’environ 15% et plus, les opposant au DIFC de Genève, qu’ils
soient des milieux immobiliers, administratifs ou politiques, font souvent la même remarque,
à savoir que les chiffres avancés sur les économies réalisées grâce au DIFC « ne reposent sur
rien », « ne sont pas fiables » ou encore que ça ne permet d’économiser que 2% d’énergie. En
1995, Jean-Pascal Genoud, alors directeur de l’OCEN, dit que « Berne a toujours prétendu
qu’il entraînerait des économies de 15% sans que l’on sache sur quoi reposait ces calculs »
(Bernet 1995). Ceci juste cinq ans après l’expérience genevoise sur le DIFC menée par
l’OCEN et qui a montré des résultats bien supérieurs à 15% d’économie. Encore aujourd’hui,
des collaborateurs de l’OCEN qui occupent des postes clés pour influencer voire décider
quelle doit être la politique énergétique du bâtiment disent qu’il n’a pas été prouvé qu’il
permette de réaliser des économies d’énergie. Les collaborateurs de l’OCEN interrogées par
les chercheurs d’Interface (vers 2008) disent que le DIFC est cher et ne permet de réaliser que
2% d’économies si le système de chauffage est bien réglé (Interface p.45). Ces collaborateurs
disent aussi que le DIFC est d’après eux spécialement peu utile dans les anciens bâtiments
(Ibid. 44), alors que Genève a justement instauré une loi qui le rend obligatoire dans les
70
bâtiments avec une faible efficacité thermique (donc anciens la plupart du temps) pour la
raison que c’est là qu’il est le plus efficace et rentable.
Malgré ces déclarations récurrentes et régulières depuis des décennies, nous n’avons trouvé
aucune étude démontrant que le DIFC n’est pas efficace dans nos recherches. Nous avons
contacté des personnes qui affirment que le DIFC ne sert à rien ou du moins ne fonctionne pas
dans le long terme afin d’avoir des éléments concrets pour illustrer cela mais nous n’avons
rien obtenu. Il semble donc que ce sont surtout des avis et des impressions personnelles qui ne
reposent pas sur des études et des faits, mais qui ont pourtant un grand impact si l’on en juge
la mise en œuvre actuelle de l’instrument à Genève.
Le manque de contrainte pour faire appliquer la loi sur l’énergie -et notamment le DIFC-
préoccupe une partie des députés du Grand Conseil. Treize d’entre eux49
ont émis une
proposition de motion intitulée « pour que le Conseil d’Etat applique la loi sur l’énergie sans
tarder !» en juin 2013 (voir annexe).
Possibilité d’invocation du principe de proportionnalité contre le DIFC:
On a vu que le DIFC est obligatoire pour les bâtiments ayant reçu une autorisation de
construire antérieure à 1993 qui ont un IDC supérieur à 600MJ/an à Genève, et que ce seuil a
été choisi pour une question de rentabilité. Le DIFC est par contre obligatoire pour les
bâtiments construits après 1993 peu importe leur IDC (REN art. 14B). Les propriétaires de
bâtiments construits après 1993 (qui ont généralement un IDC inférieur à 600MJ) pourraient
donc invoquer le principe de proportionnalité pour ne pas respecter la loi, puisque l’Etat
affirme lui-même que le DIFC n’est pas rentable pour eux tout en les obligeant (de jure) de
l’installer. L’Etat n’a effectué aucun contrôle de mise en œuvre du DIFC pour ces bâtiments
jusqu’à présent, mais la possibilité d’invocation du principe de proportionnalité par ceux qui
s’y opposeraient, qui est une conséquence directe du principe même sur lequel se base la
politique du “bon IDC ou DIFC”, est une menace à la mise en œuvre de la loi (si l’Etat
souhaite un jour la faire respecter). Ce principe est d’ailleurs invoqué dans le recours suite aux
7500 lettres recommandées de 2000.
Absence totale de contrôles de mise en œuvre pour le DIFEC :
Tout comme le DIFC, le DIFEC est obligatoire dans les nouveaux bâtiments avec plus de
cinq preneurs de chaleurs depuis 1993 et lorsque c’est techniquement possible et que les coûts
ne sont pas « disproportionnés » pour les bâtiments ayant reçu une autorisation de construire
antérieure à 1993, mais la mise en œuvre n’est pas vérifiée par l’Etat. Il en résulte que les
décomptes individuels d’eau chaude sont très peu utilisés à Genève.
Pourquoi l’Asloca n’a pas demandé l’application de cet instrument apprécié des
locataires ?
L’Asloca est restée silencieuse concernant l’application de la loi sur les décomptes, bien que
la majorité des locataires y soient favorables. Selon le vice président de l’Association suisse
des locataires (ASLOCA) à Genève, Alberto velasco, « l’Asloca est pour la transparence de
49
Mmes et MM. François Lefort, Olivier Norer, Hugo Zbinden, Miguel Limpo, Esther Hartmann, Emilie
Flamand, Catherine Baud, Sophie Forster Carbonnier, Jacqueline Roiz, Sylvia Nissim, Magali Origa, Anne
Mahrer et Brigitte Schneider-Bidaux
71
la facturation des charges de l’immeuble. Et dans ce cadre, les frais d’eau chaude et de
chauffage. Dans le cadre du décompte individuel des frais de chauffage et d’eau chaude,
effectivement l’Asloca ne va s’opposer à une telle mesure au contraire, elle va dans le sens
d’une responsabilisation de la consommation. » (source : email d’A. Velasco). En réponse à
la question de « pourquoi l’Asloca n’est-elle pas monté au créneau pour défendre
l’application de cette loi comme l’on fait certains députés écologistes ? était-ce parce que
vous aviez d’autres priorités ? », A. Velasco nous dit « Ce n’est pas que ce n’est pas une
priorité de nos actions, mais nous n’allons pas lancer une initiative sur ce sujet. Par contre,
dans le cadre de la défense des locataires, oui nous prenons position dans le cas de
contestation ou de procédures devant les tribunaux. ».
Acceptabilité des décomptes individuels à Genève et Suisse
On a vu que le DIFC est un instrument peu prisé et pris en compte par les milieux politiques
en ce moment, que ce soit à Genève ou au niveau fédéral. On a aussi vu que les propriétaires
d’immeubles s’y opposent généralement et que les locataires y sont très favorables, mais
qu’en est-il des régies et de la population en général ?
Selon Interface, les gérances d’immeubles accepteraient elles aussi « relativement bien » le
DIFC (Interface p.14). Pourtant, beaucoup de gérances ne font rien pour l’installer ou ne
relèvent pas les compteurs lorsqu’il y en a, puisque ça représente une charge administrative
supplémentaire et qu’elles savent qu’elles n’encourent pas de sanctions (Ibid.).
Plusieurs facteurs permettent de suggérer que l’acceptabilité populaire pour le DIFC croit
avec les années à Genève50
. La médiatisation et la prise de conscience des problèmes
environnementaux, notamment du réchauffement climatique, se sont beaucoup accrues ces
dernières années. S’il y avait un débat sur le DIFC actuellement à Genève, les bienfaits pour
l’environnement seraient sans doute bien plus mis en avant qu’ils ne l’ont été dans les années
1980 et 1990. Cette importance croissante donnée à l’environnement pourrait pousser plus de
gens à accepter le DIFC même dans les cas où il pourrait ne pas être rentable au niveau de
l’immeuble, puisque le coût n’est au pire que de quelques francs par an. L’électricité et le gaz
“Vitale Vert” des Services industriels genevois (SIG) sont un bon exemple de la motivation
d’un nombre croissant de personnes à payer plus pour l’environnement. Les ménages abonnés
à cette électricité et ce gaz « propres » n’obtiennent aucun bénéfice ni au niveau de leur
confort ni au niveau de l’équité entre les voisins en payant plus. Ils le font uniquement dans le
but de faire un geste pour l’environnement en contribuant à la production d’énergie
renouvelable. A la fin de l’année 2012, il y avait 56’000 clients genevois sur 204’000 (soit
27.5%) qui ont choisi de payer plus cher leur électricité dans ce but (5 centimes de plus par
kWh par rapport à l’électricité “Vitale Bleu” pour consommer 100% de courant «Vitale
Vert», 1ct de plus pour l’offre «découverte» avec 20% de Vitale Vert et 2ct de plus avec
l’offre « horizon » avec 40% de Vitale Vert) (source : site des SIG).
50
Beaucoup de gens à Genève ne savent même pas ce qu’est le DIFC et que c’est généralisé dans certains pays
ou cantons. Nous parlons donc plutôt d’une croissance de l’acceptabilité potentielle du DIFC, dans le cas où il
était médiatisé ou que la population devait s’exprimer là-dessus par les urnes par exemple.
72
Une étude de 2005 sur la “willingness to pay” d’habitants de logements collectifs suisses a
montré qu’ils seraient en moyenne significativement favorables à financer des mesures
améliorant l’efficacité énergétique (qui améliorent souvent leur confort par la même occasion)
(Banfi et al 2005). Ceci indique qu’un report des coûts de tels travaux sur les loyers serait en
général assez bien accepté.
La récente quasi-généralisation (tous les cantons sauf Genève) du principe du pollueur-payeur
pour les déchets ménagers avec la taxe au sac indique aussi que les milieux politiques
romands sont prêts à faire plus de concessions pour l’environnement51
. On peut comparer le
DIFC et la taxe au sac : les deux récompensent les comportements souhaités et ceux qui ne
l’ont pas encore adopté sont incités à le faire pour économiser de l’argent. Selon une étude
récente de l’Office fédéral de l’environnement, les communes qui n’ont pas de taxe au sac
doivent éliminer en moyenne 80 kilos de déchets en plus par habitant et par an que les autres
(source : OFEV), ce qui signifie une diminution d’environ 30% de déchets avec la taxe52
.
Cette politique montre aussi que beaucoup de gens sont enclins à modifier leur comportement
grâce à un incitatif financier. Les détracteurs du DIFC pensent souvent que les habitants
trouvent trop contraignant de changer leurs habitudes de chauffage pour économiser de
l’argent, mais les changements de comportement liés à la taxe poubelle sont un exemple de
plus qui contredit cela : On peut en effet juger que les nombreux gestes qu’implique le tri
sélectif sont plus « contraignants » que de simplement tourner des vannes thermostatiques
pour mieux réguler la T du logement en fonction des besoins ou ne pas laisser des fenêtre
ouvertes.
Possible impact de la législation de l’UE sur les décomptes individuels :
Le DIFC pourrait être généralisé prochainement dans les pays de l’UE53
(qui ne l’on pas déjà
fait). Cela ne signifie pas que l’instrument y sera de facto généralisé d’ici 2015, mais cela
démontre une volonté d’agir sur les comportements de consommation de chaleur à large
échelle sur le continent. L’Isomorphisme est un facteur explicatif de la mise en œuvre ou non
d’instruments de politique énergétique54
, puisque ce que font les pays ou cantons voisins
influence la politique interne. Une tendance à la généralisation des décomptes individuels
51
Comme pour le DIFC, on observait là aussi un net « Röstigraben ». La différence était flagrante en Valais, où
le système était appliqué dans les communes germanophones mais pas dans le bas du canton 52 La progression de la taxe au sac s’explique par son succès. «Les études montrent que les communes qui
l’adoptent voient leur taux de déchets incinérables diminuer de 30%, indique Michael Hügi, collaborateur
scientifique à l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Leur taux moyen de déchets recyclés dépasse les
50%, ce qui est supérieur de plus de 10%, en moyenne, aux communes qui n’ont pas de taxe.»
Une réussite confirmée par Marc-André Burkhard, municipal des Travaux et de l’Environnement à Yverdon-les-
Bains, ville qui a introduit la taxe au sac en juillet dernier: «Les résultats ont dépassé nos espérances. Après un
mois, les déchets incinérables ont diminué de 45%, les dépôts de papier ont augmenté de 35% et le compost de
60%.» (Ruiz 2011) 53
Member States shall ensure the accuracy and the frequency of the billing and that the billing is based on
actual consumption, for all the sectors covered by the Directive, including energy distributors, distribution
system operators and retail energy sales companies. This should be done not later than 1 January 2015 for
electricity, natural gas; hot water and centralised heat. In a longer term, this may require introduction of
intelligent metering although in the shorter term, frequent billing can be based on self reading of existing meters
by the consumers themselves. (« The Commission's new Energy Efficiency Directive » (2011), p.5) 54
Voir Knill 2007: « Cross-national policy convergence: concepts, approaches and explanatory factors » pour
une description des mécanismes qui amènent les pays à adopter des politiques similaires.
73
dans l’UE pourrait contribuer à faire parler de l’instrument et de ce fait le remettre à l’agenda
politique à Genève et au niveau fédéral. Nous émettons cependant des réserves sur ce point au
vu de la connaissance très réduite de la mise en œuvre de l’instrument en Allemagne.
Brève évaluation de la politique genevoise du « Bon IDC ou DIFC » et comparaison
avec Bâle-Ville et Zürich
Les récents changements de la Loi sur l’énergie:
La LEn a connu plusieurs modifications depuis 1986. Elle a été révisée dans le but
d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments anciens et nouveaux en 2008. Des
dispositions de cette nouvelle loi impliquent une modification de la loi sur les démolitions,
transformations et rénovations de maisons d’habitation (LDTR), ce qui nécessite qu’elle soit
soumise au référendum obligatoire. Le peuple l’accepte le 7 mars 2010 avec 52.1% de voix
favorables, et le contenu entre en vigueur le 5 août 2010. Toute nouvelle construction doit à
présent respecter un plus haut standard d’efficacité énergétique, et des panneaux solaires
thermiques couvrant au moins 30% des besoins d’eau chaude sanitaire doivent être installés
sur les nouveaux bâtiments et lors de rénovations de la toiture (sauf exceptions).
La nouvelle loi sur l’énergie de 2010 impose le calcul de l’IDC pour tous les bâtiments
chauffés, mais «le règlement prévoit des dispenses à la fréquence annuelle dudit calcul,
notamment pour les bâtiments d’habitation alimentés par une seule centrale de chauffe et
comprenant moins de 5 preneurs de chaleur» (LEn, art. 15C). Ces indices doivent être
communiqués à l’autorité compétente (l’OCEN). Selon l’article 15C al. 4, «Les bâtiments
dont l’indice de dépense de chaleur pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire
dépasse le seuil fixé par le règlement sont soumis à un audit énergétique thermique aux frais
de leurs propriétaires. A l’issue de cet audit, des mesures d’amélioration sont réalisées à
leurs frais. En cas de dépassement significatif dudit seuil, l’autorité compétente peut leur
ordonner de procéder à leurs frais à l’exécution de travaux permettant de baisser l’indice de
dépense de chaleur pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire en dessous
d’une valeur maximale définie par le règlement.». Ce qui change de la loi précédente, c’est
que tous les bâtiments doivent désormais calculer les IDC et pas seulement ceux qui ont eu
une autorisation de construire antérieure à 1993 et qui ont plus de cinq preneurs de chaleur.
En outre, la méthode de calcul de rendement du mazout ou du gaz se fait désormais selon le
pouvoir calorifique supérieur (Pcs) et plus inférieur (Pci), ce qui a permis de relever les
exigences d’environ 10% pour le mazout et 6% pour le gaz (pour le seuil de libération du
DIFC). Enfin, l’alinéa 6 précise que les bâtiments qui présentent «un intérêt sur le plan de la
protection du patrimoine et pour les propriétaires qui justifient être dans l’incapacité
d’établir un plan de leur financement» peuvent être dispensés de l’obligation citée à l’alinéa
4.
La nouvelle loi permet aussi le report du coût des travaux d’amélioration énergétique sur les
loyers selon l’OBLF, sous les conditions suivantes:
- Si les loyers avant travaux dépassent le plafond de la LDTR, La hausse maximale
équivaut à la baisse prévisible des charges énergétiques à laquelle s'ajoute, si
nécessaire, la contribution énergétique du locataire (max 10F/pièce/mois)
74
- Si les loyers avant travaux sont inférieurs au plafond de la LDTR, celui-ci peut être
dépassé au plus d'un montant équivalent à la baisse prévisible des charges énergétiques
à laquelle s'ajoute, si nécessaire, la contribution énergétique du locataire (max
10F/pièce/mois)
Le «Bonus conjoncturel à l’énergie», une subvention de maximum 10 millions de francs par
an pour le canton réservée aux rénovations soumises à la LDTR, en plus du report sur les
loyers, apparait alors aussi. Elle est cumulable avec les autres subventions existantes.
Pour rappel, voici les deux principaux arguments invoqués par l’OCEN et le magistrat de
l’époque (M. Maitre) pour ne pas généraliser le DIFC à Genève :
1) Le gros de la consommation des bâtiments dépend de paramètres techniques (isolation
etc.) et pas comportementaux. Il vaut donc mieux pousser les propriétaires à agir sur
cela que de chercher à influencer les comportements des locataires. De plus, le DIFC
n’est rentable au niveau de l’immeuble qu’à partir d’un certain seuil d’IDC. On peut
se servir de la « menace » de l’obligation du DIFC pour encourager les propriétaires
de biens immobiliers dépassant le seuil de consommation limite à agir, sans pour
autant imposer le DIFC là où il doit légalement être installé et utilisé.
2) Le DIFC serait inutile ou quasi inutile si le chauffage est bien équilibré. Dans la
mesure où l’équilibrage coûte moins cher que le DIFC, il vaut mieux généraliser
l’équilibrage que généraliser le DIFC.
On annonce alors des économies d’énergie supérieures à ce qu’aurait produit la généralisation
du DIFC grâce à la mise en œuvre de ces alternatives. Dans la mesure où l’alternative de
l’équilibrage n’a pas été développée (discuté ci-après), nous discutons essentiellement des
effets de la politique du « Bon IDC ou DIFC » dans ce chapitre.
Etat de l’équilibrage des installations de chauffage à Genève et mesures prises
par l’OCEN:
Trois décennies après l’initiative « L’énergie notre affaire », l’équilibrage des chauffages
est loin d’être généralisé : Le spécialiste de l’équilibrage des chauffages Lucien Keller
estime que plus des 2/3 des bâtiments sont mal équilibrés55
. E. Spierer pense aussi qu’il
s’agit au moins des deux tiers. L’équilibrage permet pourtant de réaliser une économie
d’énergie considérable. De plus, une fois équilibré, un système reste généralement stable
durant de longues années d’après E. Spierer. L’OCEN a récemment débuté une
coopération avec éco21 des SIG afin de former plus de personnel qualifié pour ces
opérations.
La première action de l’OCEN visant à encourager l’équilibrage date de 2010, soit 24 ans
après l’initiative « L’énergie notre affaire ». Il s’agit d’une aide de 2francs/m2 x SRE
(surface de référence énergétique). Le problème est que, subvention ou pas, les
55
Diapositive n°8 d’une conférence sur le sujet organisée par l’OCEN en 2011. Présentation disponible sur
http://ge.ch/energie/media/energie/files/fichiers/documents/presentation_globale_equilibrage.pdf
75
propriétaires n’ont pas vraiment d’intérêt à payer l’équilibrage des systèmes de chauffage
de leurs bâtiments. On pouvait donc très logiquement s’attendre à l’absence de succès de
cette mesure. Seules 17 subventions pour l’équilibrage ont été accordées depuis 2010, soit
environ un bâtiment sur mille (catégorie cinq preneurs de chaleur et plus).
2010 2011 2012 2013 Nombre Montant Nombre Montant Nombre Montant Nombre Montant
Equilibrage n/a 1 2'320
11 63'270
5 60'686
(Source : OCEN)
On peut donc affirmer sans risque que l’OCEN n’a pas cherché à mettre en œuvre une
mesure efficace pour généraliser l’équilibrage jusqu’à présent, bien que cela était présenté
comme l’alternative « N°1 » au DIFC et une raison de ne pas l’utiliser.
Evaluation des effets de la Politique du « Bon IDC ou DIFC » :
La politique du « bon IDC ou DIFC » devait d’une part permettre de ne plus avoir de
bâtiments dépassant les seuils d’IDC de 800 et 900MJ/m2/an en leur imposant des mesures
pour passer sous ces seuils, et d’autre part imposer le DIFC aux bâtiments au dessus du seuil
de 600MJ. Ce seuil de 600MJ devait inciter les propriétaires à prendre des mesures techniques
visant à diminuer la consommation de leurs immeubles de façon à éviter l’obligation
d’installer le DIFC. Cette politique n’a pas permis de ne plus avoir d’immeubles au dessus du
seuil de 800MJ (voir plus bas). Le canton de Genève aurait le plus faible taux de rénovation
du pays (développé plus bas et au chap. 7) et peu d’immeubles équipés du DIFC, plus de deux
décennies après l’entrée en vigueur de cette loi et un peu moins de trois décennies après
l’acceptation de l’initiative « L’énergie, notre affaire ».
En 2010, plus de 95% des IDC des bâtiments qui étaient obligés de le calculer étaient connus
par l’OCEN, bien qu’aucune amende n’ait jamais été émise. Le secteur assainissement de
l’OCEN espère connaître presque tous les indices des nouveaux bâtiments concernés par la
loi56
à la fin du mois d’avril 2014. Le calcul des IDC est la « pierre angulaire » de la politique
énergétique concernant les bâtiments anciens à Genève, puisque autant les audits énergétiques
que les travaux de rénovation obligatoires et l’obligation d’installer le DIFC en dépendent.
Cette opération complexe est donc cruciale et stratégique pour permettre de faire baisser la
consommation de ces bâtiments.
La loi a-t-elle eu des effets malgré l’absence de contrôles et sanctions?
D’après l’OCEN, la consommation de chaleur des bâtiments aurait été réduite d’environ 10%
entre 1990 et 2004 à Genève (Interface p.44). Les mesures d’IDC montrent qu’en 1996, 55%
des bâtiments sont sous le seuil de 600MJ/m2
et qu’ils sont environ 65% en 2008, mais il n’est
pas possible de déterminer dans quelle mesure cette politique y a contribué (Ibid.). Il faut
56
Ce sont tous les bâtiments chauffés et plus seulement ceux construits avant 1993 qui sont désormais
concernés.
76
noter que ce seuil de « libération » du DIFC de 600MJ/m2 est assez élevé
57 (Ibid.), et nous
rappelons qu’il était même prévu à 750MJ mais que la Confédération ne s’y était pas opposé.
E. Spierer estime à titre personnel que cette baisse de la consommation est due pour moitié à
la loi et l’autre moitié aux évolutions techniques et cycles de rénovations naturels. Bien que
les propriétaires ne soient jusqu’à aujourd’hui pas amendés s’ils ne respectent pas les seuils
ou l’installation du DIFC, beaucoup prendraient des mesures pour que leurs bâtiments qui
dépassent les seuils diminuent leur consommation, dans l’optique se préparer au jour où
l’OCEN émettrait des amendes (entretien E. Spierer).
Par exemple, d’après Christophe Gallier, responsable du service SPG PRORENOVA de la
régie SPG, cette régie a beaucoup œuvré pour faire baisser la consommation thermique de
leur parc. Ils n’auraient aujourd’hui quasiment plus de bâtiments au-dessus du seuil de
600MJ. Les propriétaires et régies font de plus en plus appel à des entreprises spécialisées
dans l’optimisation énergétique des bâtiments, et une partie d’entre eux le fait dans l’objectif
de passer sous les seuils sans pour autant entreprendre de grandes rénovations. Les frais
facturés par ces entreprises sont généralement reportés sur les charges des locataires (pas pour
l’équilibrage). D’après Christophe Gallier, les propriétaires n’ont donc pas de raison de s’y
opposer et les régies ont tout intérêt à faire appel à ce type d’entreprises puisqu’elles
améliorent l’état du bâtiment et facturent des frais administratifs pour organiser ce type
d’intervention (entretien C. Gallier).
Selon E. Spierer, le graphique de la page suivante démontre l’efficacité de la politique du
« Bon IDC ou DIFC », puisqu’on voit que de plus en plus de bâtiments passent sous le seuil
de 600MJ.
Nous avons fait le graphique de la page d’après pour illustrer différemment le déplacement de
la courbe de répartition des IDC dans le temps.
57
Le passage du Pci au Pcs pour le calcul de l’IDC a toutefois permis de relever un peu l’exigence du seuil,
puisque ça revient à l’abaisser de 600MJ/m2 à 540MJ pour le mazout et 564MJ pour le gaz.
77
(Source du graphique : E. Spierer, OCEN)
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
0-100 101-200 201-300 301-400 401-500 501-600 601-700 701-800 801-900 901-1000 1001-1100 1101 etplus
po
urc
en
tag
e d
u n
om
bre
to
tal
de
bâ
tim
en
ts
IDC
Evolution des consommations par tranche d'indice (pour les bâtiments d'avant 1993 avec 5 preneurs de chaleur et plus)
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
78
(Source des données du graphique : E. Spierer, OCEN)
0.00%
5.00%
10.00%
15.00%
20.00%
25.00%
30.00%
35.00%
40.00%
101-200 201-300 301-400 401-500 501-600 601-700 701-800 801-900 901-1000 1001-1100 1101 etplus
po
urc
en
tag
e d
u n
om
bre
to
tal
de
bâ
tim
en
ts
IDC
Courbes de répartition des IDC selon l'année (pour les bâtiments d'avant 1993 avec 5 preneurs de chaleur et plus )
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
79
Ce graphique illustre la baisse de l’IDC moyen des bâtiments dans le temps :
(Source du graphique : E. Spierer, OCEN)
Le graphique ci-dessous ressemble au précédent mais couvre un plus grand intervalle de
temps, soit de la première estimation disponible, bien avant la politique du « bon IDC ou
DIFC », à 2008.
(Source du graphique : OCEN)
Avant de comparer avec BS et ZH, quelles observations peut-on tirer de ces graphiques ?
On observe un déplacement de la courbe de répartition sur la gauche avec le temps et il y a de
plus en plus de bâtiments qui sont sous le seuil de 600MJ, surtout à partir de 2004 et 2005.
Déterminer dans quelle mesure ceci est un effet de cette politique ou simplement dû au cycle
naturel de rénovations et aux progrès techniques (remplacement des vieilles chaudières,
meilleure gestion du chauffage) pourrait en soi faire l’objet d’une recherche. Nous pouvons
cependant déjà faire l’hypothèse que cette politique n’a pas eu un grand impact. Tout d’abord,
les points de la droite de régression du dernier graphique (évolution de l’IDC moyen de 1978
à 2008) passe « précisément » sur tous les points de mesure. On n’observe donc pas un
changement de dynamique après l’instauration de cette politique en 1993 (la pente reste la
530540550560570580590600610620
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
IDC
année
IDC des bâtiments construits avant 1993
850
750
650
550
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
IDC
année
Evolution de l'IDC moyen à Genève (tous les bâtiments avec cinq preneurs de chaleur et plus)
1978:
étu
de t
yp
olo
giq
ue
2008:
base I
DC
1998:
base I
DC
1988:
étu
de D
IFC
80
même entre 1998 et 2008). Ceci malgré cette soudaine et forte augmentation du nombre de
bâtiments sous le seuil de 600MJ en 2004 et 2005.
Ensuite, le fait que le nombre de bâtiments construits avant 1993 dans la catégorie « 401-
500MJ » augmente dans des proportions assez similaires à la catégorie « 501-600MJ » au
cours du temps indique que la consommation d’énergie de bâtiments qui ne sont pas
concernés par la « contrainte » des 600MJ a de toute façon tendance à baisser au fil des ans.
Certains nouveaux venus de la catégorie 4001-500MJ étaient peut-être au-dessus de 600MJ
avant, mais ce n’est pas la loi du « Bon IDC ou DIFC » qui peut les amener à baisser autant
leur IDC, une rénovation permettant une telle baisse de la consommation d’énergie coûtant
vraisemblablement bien plus cher que d’installer le DIFC.
Les propriétaires, rationnels, font surtout recours à des mesures d’optimisation énergétique
répercutables sur les charges pour faire baisser l’IDC de leur bâtiment. On constate qu’ils
n’ont quasiment pas fait recours à l’équilibrage qu’ils doivent financer eux mêmes. S’ils ont
le choix entre baisser l’IDC et installer le DIFC, ils vont entreprendre seulement ce qui coûte
moins cher que l’installation du DIFC, c’est à dire pas grand chose et surtout pas des
opérations lourdes. Concernant l’optimisation énergétique des bâtiments, les régies et
propriétaires de Bâle-Ville et Zurich le font peut-être tout autant voire plus qu’à Genève
même sans loi contraignante pour l’IDC. Cette hypothèse pourrait aussi faire l’objet d’une
recherche. Comme on l’a vu, les régies ont tout intérêt à le faire puisqu’elles touchent une
« commission » pour organiser ces opérations, et les propriétaires n’ont pas d’intérêt à s’y
opposer, au contraire, puisqu’ils améliorent l’état de leur bâtiment et que ce sont les locataires
qui le paient par les charges. Tout le monde est gagnant, politique du « bon IDC ou DIFC »
ou pas.
Comparaison avec Bâle-Ville et Zurich :
Bâle-Ville, Zurich et Genève sont de bons éléments de comparaison pour la politique
énergétique du bâtiment. Ce sont trois cantons urbains qui ont chacun adopté des politiques
différentes.
- Zurich n’a ni réellement cherché à imposer le DIFC (email de Sacha Gerster de l’Amt für
Energie de ZH), ni « contraint » des propriétaires à baisser l’IDC de leurs bâtiments58
.
- Bâle-Ville a généralisé les décomptes individuels de chauffage et d’eau chaude mais n’a
pas pris de mesure contraignante pour baisser l’IDC.
La comparaison des IDC des villes suisses, et essentiellement entre Genève, Zurich et Bâle a
déjà été tentée dans une étude de l’OFEN publiée en 2007. Il est dit que les résultats des
différentes bases de donnée cantonales doivent être prises avec précaution, puisqu’il faut
considérer que les différences sont en partie dues à des méthodes de calcul ou de mesure
divergentes. Genève est par exemple le seul canton qui calcule les IDC de manière
58
Ce qui ne signifie pas qu’ils ne prennent pas de mesures favorisant les économies d’énergie. En 2000, ZH
avait le plus haut taux de bâtiments de plus de 40 ans rénovés parmi les cinq plus grandes villes suisses (voir ci-
après).
81
exhaustive, et les surfaces de référence énergétique sont calculées par des professionnels
habilités pour le faire. Un des buts de cette étude est justement de proposer une méthode et
des critères de mesure communs afin de mieux pouvoir comparer à l’avenir. Les auteurs
tentent toutefois de « déterminer, sur la base des relevés existants, des indices énergétiques
applicables à certains types de bâtiments, qui soient aussi représentatifs que possibles »
(OFEN 2007 p.XIV).
Selon cette comparaison, Genève et Zurich ont des IDC plus ou moins comparables et Bâle
est assez nettement en dessous. Mais selon les auteurs, « les différences de mode de collecte
expliquent expliquent en partie les écarts dans les résultats ». Cela ne signifie donc pas
« nécessairement » que les IDC de Bâle soient inférieurs aux autres cantons (Ibid.).
(Source : OFEN 2007 p.84)
Des études sur la consommation du parc de bâtiments viennent d’être faites à BS et ZH. Ils
ont été publiés le 3 avril 2014 pour ZH mais pas encore pour BS.
Les IDC genevois présentés plus haut ont été calculés avant 2010 et donc selon le pouvoir
calorifique inférieur (Pci). Il faut donc ajouter 10% pour le mazout et 6% pour le gaz pour
comparer avec la nouvelle méthode de calcul du changement de la loi en 2010 (pouvoir
calorifique supérieur, Pcs). BS et ZH ont utilisé le Pcs. Il faut donc convertir les IDC genevois
au Pcs pour comparer : Puisque nous ne disposons que de moyennes, nous avons décidé
82
d’ajouter 8%, soit la moyenne entre 6% (gaz) et 10% (mazout) qu’il faut ajouter pour passer
du Pci au Pcs. Le gaz est légèrement plus utilisé que le mazout depuis peu à Genève, mais le
mazout a nettement dominé le marché avant. Ce calcul qui considère que la répartition des
deux agents est de 50/50 est donc « prudent » et en faveur de l’IDC genevois (l’IDC réel
devrait être en fait un peu plus élevé que l’IDC moyen en Pci + 8%). On obtient ainsi
550MJx1.08 = 594MJ de moyenne pour le parc genevois.
L’IDC moyen des bâtiments du canton de ZH a baissé d’un quart depuis 1990 (-1.2%/an), soit
de environ 720MJ en 1990 à 540 en 2011 (200 à 150kWh) (Amt für Energie Zurich 2014).
L’IDC de Genève est donc environ 10% plus élevé que celui de Zurich (594 versus 540). Cela
malgré une T atmosphérique moyenne plus basse dans le canton de ZH59
. Les IDC de 6% du
parc de logements zurichois (11'000 bâtiments) sont pris en compte pour déterminer cette
moyenne. Tous les bâtiments d’habitation sont pris en compte, donc pas seulement ceux avec
plus de cinq preneurs de chaleur.
L’IDC de l’étude bâloise est calculé par tranches selon l’année de construction. Nous n’avons
pour l’instant que les chiffres pour les bâtiments chauffés par un système de chauffage à
distance. Nous considérons la catégorie des logements collectifs sans commerces ni bureaux,
avec plus de 2'500 bâtiments mesurés. Il s’agit de la catégorie qui consomme le plus en
moyenne. L’étude a été réalisée en collaboration avec les services industriels IWB. Seule la
consommation de chauffage est mesurée, et une valeur moyenne de consommation d’eau
chaude est ajoutée : il est estimé que la consommation d’eau chaude par habitant et par an
représente 850 kWh.
Année de construction IDC (chauffage et ECS), en kWh/m2/an et
en MJ/m2/an (kWh x 3.6)
Avant 1900 113 kWh = 407 MJ
1901-1960 114 kWh = 410 MJ
1961-1980 126 kWh = 454 MJ
1981-1990 108 kWh = 389 MJ
1991-2000 91 kWh = 328 MJ
2001-2010 80 kWh = 288 MJ
(Source : tableau de données et informations envoyés par Christian Mathys, « Ressortleiter Energietechnik »,
Office cantonal de l’énergie de Bâle-Ville, le 7 mars 2014. L’Office cantonal de la statistique de BS a fait
l’étude)
Concernant l’estimation de la consommation d’énergie pour l’eau, on peut considérer qu’elle
est assez fiable dans la mesure où le DIFEC est généralisé à Bâle-Ville. Cela permet de
définir assez précisément quelle est la quantité d’eau chaude moyenne consommée par
personne. La tranche de bâtiment qui consomme le plus a un IDC de 454MJ, versus 594MJ
pour la moyenne de tous les bâtiments de plus de cinq preneurs de chaleur à Genève. La
différence, considérable, devrait être prise avec précaution et ne permet pas de tirer une
59
2.5°C de moyenne de novembre à mars, versus 3.7°C pour Genève, soit 1.3°C d’écart. Genève et Bâle sont
eux comparables (0.1°C d’écart). (MétéoSuisse).
83
conclusion solide : Lukas Calmbach, collaborateur de l’Office cantonal de la statistique de
Bâle qui a récolté les données et fait les calculs, nous indique qu’il ne s’agit pas d’un calcul
d’IDC répondant aux exigences de la norme SIA et qu’il y a des surfaces non chauffées qui
son comptées dans l’indice. Cet indice a une utilité pour le canton de Bâle mais ne peut donc
pas servir de comparaison avec GE et ZH.
La généralisation du DIFC est-elle un frein aux rénovations ?
Nous pouvons remarquer que la crainte d’un laisser aller au niveau des rénovations en cas de
généralisation du DIFC -annoncé par les détracteurs du DIFC à Genève60
- ne se vérifie pas à
Bâle. La part des logements de plus de 40 ans non-rénovés y était de 47.6% en 2000, soit le
deuxième meilleur taux des cinq plus grandes villes suisses. Genève a un taux de rénovation
de 83.5%, soit le plus faible des cinq villes comparées (voir tableau ci-après). Ceci n’exclut
pas que le taux de rénovations puisse être encore plus bas à Genève s’il y avait eu une
généralisation du DIFC plutôt que la politique du « bon IDC ou DIFC ». Mais l’obligation
d’utiliser le DIFC n’est en tout cas pas un frein majeur aux rénovations si l’on considère le
bon taux de rénovation du canton de Bâle-Ville.
(Tableau présenté dans Salvi 2012 p.24)
Est-ce que la politique du « bon IDC ou DIFC » a encouragé les rénovations ? On a déjà vu
des limites de cette politique genevoise, et notamment le fait que bien des rénovations coûtent
plus cher aux propriétaires que l’installation des décomptes individuels. D’un point de vue
financier, ils n’ont donc généralement pas d’intérêt à choisir l’option de la rénovation pour
60
L’argument était le suivant : si on se limite à rendre le DIFC obligatoire pour tous les bâtiments, il est
probable que les propriétaires ne fassent rien de plus au niveau technique. Il vaut donc mieux se servir de la
menace du DIFC pour les encourager à faire des rénovations en vue de passer sous un seuil d’IDC (sans pour
autant forcer personne à installer le DIFC dans la pratique). Ce système doit permettre d’encourager les
rénovations et autres mesures qui, au final, permettraient de plus grandes économies d’énergie qu’une
généralisation du DIFC.
84
éviter le DIFC (qui n’est de toute façon de facto pas obligatoire). Cet incitatif n’a
vraisemblablement pas significativement encouragé les rénovations à Genève et on pouvait
s’y attendre.
Le DIFC encouragerait-il les petites rénovations et réparations « énergétiques » ?
Nous faisons l’hypothèse que le DIFC peut être un facteur encourageant les petites
rénovations ou réparations, et ceci pourrait faire l’objet d’une recherche plus approfondie. Il
est possible que les locataires soient plus enclins à demander à leur régie ou au propriétaire
d’effectuer de petits travaux ou diverses opérations dans leur appartement (boucher des
infiltrations d’air ou réparer des fuites d’eau sur les robinets, baisser la puissance de la
ventilation, etc.) s’ils sont facturés selon leur consommation.
Sans décomptes individuels, il pourrait être plus courant de demander une intervention
seulement lorsque le problème induit un réel inconfort, pour une question de coût-bénéfice
(effort de faire la demande versus bénéfice sur le confort). Par exemple, le locataire d’un
appartement sans DIFC qui a des infiltrations d’air serait moins amené à se plaindre et
demander une intervention s’il peut obtenir la température intérieure qu’il désire et que
l’infiltration d’air le dérange peu. S’il paie l’énergie selon sa consommation, il est plus
probable que ce dernier ne perçoive par uniquement l’air froid qui entre mais aussi l’argent
qui sort. Si les fuites d’air sont généralisées à tout l’immeuble, il pourrait aussi avoir moins de
peine à mobiliser ses voisins pour faire une demande d’intervention groupée auprès de la
régie, parce que les gens sont probablement plus conscients de cette consommation d’énergie
qu’en l’absence de DIFC. Une demande groupée a plus de poids et peut déboucher sur une
intervention plus lourde.
85
7 – Obstacles à la mise en œuvre de la politique énergétique du bâtiment à
Genève ( en annexe)
Le taux de rénovation des bâtiments est spécialement faible à Genève et ceci depuis
longtemps. La loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitations
LDTR) est souvent pointée du doigt. La Commission externe d’évaluation des politiques
publiques (CEPP) n’a pas pu démontrer clairement que cette loi soit un facteur explicatif
important pour expliquer ce faible taux, même si plusieurs indices permettent de le supposer.
Les objectifs de la protection du patrimoine architectural et ceux des économies d’énergie
sont souvent contradictoires. La protection du patrimoine est particulièrement forte à Genève,
et elle est parfois considérée comme un obstacle majeur à l’atteinte d’objectifs d’économies
d’énergie dans les bâtiments existants qui représentent le gros de la consommation d’énergie
pour le chauffage.
Le réajustement « automatique » des loyers aux taux hypothécaires actuels en cas de travaux
serait aussi un facteur explicatif du faible taux de rénovations. Ces taux sont actuellement très
bas et cela n’incite pas les propriétaires à faire des travaux. Les locataires sont en droit de
demander un ajustement de leur loyer à ces taux qui ont fortement baissé depuis plusieurs
années, mais ne le font pas la plupart du temps pour plusieurs raisons, dont la peur
(irrationnelle) de se mettre en mauvais termes avec la régie ou le propriétaire, voire d’être
éjecté de l’appartement.
86
8 –LES DECOMPTES INDIVIDUELS DEVRAIENT ILS ETRE INDISPENSABLES AVEC
LA TAXE CO2 ?
Origine de la taxe CO2 et du Programme Bâtiments :
La Confédération et les cantons (L’EnDK, l’EnFK, l’OFEN et l’OFEV) ont lancé le
Programme Bâtiments en 2010, dans le but de « réduire considérablement la consommation
énergétique du parc immobilier suisse et les émissions de CO2 » (site du Programme
Bâtiments). Le programme consiste en des subventions de la Confédération et des cantons sur
une durée de 10 ans, soit jusqu’en 2019. Ces subventions soutiennent en priorité
l’amélioration de l’isolation thermique, mais également les chauffages plus économes en
énergie (dont pompes à chaleur), les installations solaires ou le chauffage à bois (source :
SuisseEnergie). La subvention fédérale est financée par la taxe CO2, et la plupart des cantons
(dont Genève) complètent cette subvention avec des fonds cantonaux. Il existe aussi des
« sources d’encouragement » des communes, des compagnies d’électricité ou des banques
(Ibid.). Les instigateurs du programme s’attendent à ce que les mesures entreprises permettent
d’économiser de 35 à 52 millions de tonnes de CO2 sur une période de 40 ans. Ils précisent
que le succès du programme dépend de son incitation financière, mais aussi de facteurs
externes comme l’évolution des prix du pétrole ou la conjoncture (site du Programme
Bâtiments).
La taxe CO2 est prélevée sur tous les combustibles fossiles depuis l’entrée en vigueur de la
première phase du Protocole de Kyoto, en 2008, afin de pallier une diminution insuffisante
des émissions de CO2 liées aux combustibles. L’essence et le diesel ne sont pas concernés par
cette taxe. Elle s’élevait à 36 francs par tonne de CO2 depuis 2010, puis a été augmentée à 60
francs le 1er janvier 2014, ce qui représente une augmentation de 9,5 à 16 centimes par litre
d’huile de chauffage ultra légère (mazout). Cette augmentation est due au fait que les objectifs
de réduction fixés dans la loi sur le CO2 n’ont pas été atteints en 2012. Ces émissions
correspondent alors à 82,5% de celles de 1990 et dépassent le seuil fixé de 79%. D’autres
augmentations de la taxe seront possibles en 2016 et 2018, si les objectifs intermédiaires
(fixés dans l’ordonnance sur le CO2) ne sont toujours pas atteints. Le Conseil fédéral peut
augmenter la taxe jusqu’à un plafond 120 francs si les objectifs ne sont pas atteints (source :
OFEV).
La loi sur le CO2 sert de base légale au Programme Bâtiments. Environ un tiers des revenus
de la taxe sert à financer ce programme, soit un montant d’environ 180 millions de francs en
2010 et 2011. 120 millions sont des subventions pour des travaux d’assainissement, le reste
pour les énergies renouvelables, la récupération de chaleur ou l’amélioration technique des
bâtiments. Des fonds cantonaux allant de 80 à 100 millions de francs complètent ces
montants. Les fonds disponibles ont augmenté suite à l'élévation de la taxe du 1er janvier
2014 (site du Programme Bâtiments).
87
Quels groupes cibles de la taxe CO 2 et quel lien avec les décomptes individuels?
La taxe CO2 est une taxe incitative. Elle vise donc à inciter les utilisateurs de combustibles
taxés à changer leur comportement pour économiser de l’argent, qu’il s’agisse de
comportements de consommation ou mesures techniques (isolation etc.).
Le groupe cible de la taxe doit répondre à deux conditions pour que cette taxe puisse
effectivement être incitative pour lui : il doit avoir la capacité de prendre des mesures
nécessaires pour réduire sa consommation d’énergie et pouvoir tirer un bénéfice de ces
changements. Le meilleur groupe cible est celui des propriétaires de villas (qui habitent dans
leur villa), puisque ces derniers paient l’énergie qu’ils consomment (à moins que plusieurs
villas soient raccordées à une chaudière et absence de DIFC) et sont libres de décider ou pas
de prendre des mesures techniques d’économies s’ils y trouvent un avantage61
.
Les propriétaires d’immeubles locatifs (dans le contexte actuel de pénurie de logements) sont
peu incités à faire des rénovations grâce à la taxe. Une étude sur les futurs impacts de la taxe
CO2 réalisée par SuisseEnergie en 2001 montrait que la taxe n’aurait probablement pas
d’impact significatif sur la façon dont sont gérés les bâtiments: « De manière globale, on ne
décèle aucune incidence de la taxe sur le CO2 sur les décisions actuelles en matière de
rénovation et d’investissements. Une grande majorité (des propriétaires interrogés) ne voit
aucun problème à répercuter la taxe sur le CO2 sur les loyers. » (SuisseEnergie 2002 p.6).
(La taxe est en fait répercutée sur les charges et pas les loyers, puisque les locataires paient
l’énergie). C’est un phénomène que l’on observe en effet à Genève jusqu’à aujourd’hui.
Les habitants d’appartements ne sont pas un meilleur groupe cible de la taxe CO2. En ce qui
concerne les travaux et mesures techniques diverses, ils ont dans tous les cas moins de
pouvoir décisionnel que les propriétaires de villas. Les locataires n’en ont pas, et les habitants
de PPE ou de coopératives doivent se mettre d’accord avant d’entreprendre des rénovations,
ce qui est souvent très compliqué. Quant aux comportements, la taxe est incitative seulement
s’il y a des décomptes individuels de chaleur, puisque sans ça ils ne peuvent tirer un bénéfice
de leurs comportements plus économes. La demande de chaleur est donc inélastique en
l’absence de DIF(E)C, c’est à dire qu’une hausse de prix n’amène pas les utilisateurs à moins
consommer. La taxe CO2 est le principal outil utilisé par la Confédération pour atteindre les
objectifs de réduction de GES liés aux combustibles, et il est prévu que cette taxe augmente
par paliers jusqu’à son maximum prévu tant que ces objectifs ne sont pas atteints. Dans la
mesure où la majorité des consommateurs de combustibles taxés du pays ne sont pas un
groupe cible, nous pensons que les décomptes individuels sont une sine qua non pour le
succès de cette politique. Sans ces décomptes, la majorité des habitants ne peut que subir la
taxe et profite peu ou pas du tout de ses retombées au travers du Programme Bâtiments,
comme il l’est illustré dans les pages suivantes:
Iniquité dans la redistribution des revenus de la taxe CO 2:
Bien que cette subvention ait probablement un effet encourageant, une sorte de
« récompense » pour ceux qui font des travaux souhaités par les autorités, on peut supposer
un effet d’aubaine pour des propriétaires de villas et surtout d’immeubles à Genève. Un autre
61
Liberté qui peut toutefois être limitée par d’autres facteurs comme la protection du patrimoine ou les moyens
financiers à disposition
88
effet non désiré de cette subvention serait un transfert d’argent des habitants d’immeubles au
profit des propriétaires de villas (estimé ci-après), donc une iniquité entre ceux qui paient et
ceux qui profitent des retombées de la taxe. Ceux qui ne sont pas un groupe cible de la taxe
sont alors doublement perdants puisque d’une part ils ne peuvent agir pour diminuer leurs
charges mais paient tout de même la taxe, et d’autre part parce qu’il financent une partie des
subventions allouées aux propriétaires de villas. Ce transfert favorable aux propriétaires de
villas peut aussi être considéré comme injuste pour une raison sociale, puisque les
propriétaires de villa ont un revenu moyen plus élevé que les habitants d’appartements. Il faut
encore ajouter à cela le fait que le canton de Genève est perdant dans la redistribution de la
taxe à travers le Programme Bâtiments puisqu’il profite peu en comparaison aux autres
cantons.
N’étant pas réellement incités à améliorer l’efficacité énergétique du bâtiment, beaucoup de
propriétaires de logements locatifs genevois n’entreprennent des rénovations que lorsqu’ils
sont contraints de le faire. On peut dès lors qualifier d’effet d’aubaine le fait qu’ils profitent
de subventions pour ces travaux.
Pourquoi Genève profite peu des subventions du Programme Bâtiments:
Genève est le canton suisse qui en a le moins profité de cette subvention en 2013, en francs
par tranches de mille habitants. Le graphique suivant permet de comparer Genève à quelques
cantons urbains entre 2011 et 2013, et celui d’après à tous les cantons suisses en 2013.
(Source des données : Le Programme Bâtiments. Statistiques annuelles 2011, 2012 et 2013)
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
35000
Bâle-Ville Berne Genève Vaud Zurich
Subventions du Programme Bâtiments par cantons, en francs pour mille habitants
2011
2012
2013
89
(Source : Le Programme Bâtiments. Statistiques annuelles 2013)
D’après Cédric Petitjean, le chef du secteur Subventions de l’OCEN, beaucoup de
propriétaires d’immeubles de logements entreprendraient des travaux qui s’apparentent plus à
des réparations que de réelles rénovations lorsque c’est nécessaire, quitte à ne pas profiter des
subventions. Ceci concernerait surtout l’entretien du toit, puisque la loi sur l’énergie actuelle
exige l’installation de panneaux solaires couvrant au moins 30% de la production d’eau
chaude lors d’une rénovation complète, et ils cherchent souvent à contourner cela pour éviter
une dépense supplémentaire. Il y a aussi le problème des professionnels ou des propriétaires
qui ne connaissent pas cette obligation. L’OCEN leur rappelle l'obligation lors de l'octroi de
subventions. Quant au Programme Bâtiments, le ratio performance exigée/subvention n'est
pas toujours attractif, ce qui conduit des propriétaires à n'entreprendre que les travaux
nécessaires pour maintenir leur bâtiment en état. Ils pourraient profiter du chantier pour
améliorer suffisamment l’enveloppe du bâtiment et toucher une subvention, mais ce n’est pas
toujours attractif. Il y aurait aussi un certain effet d’aubaine, car le montant des subventions
serait trop faible pour réellement provoquer la décision d’entreprendre des travaux. Les
propriétaires, qui ne bénéficient pas des économies d’énergies et ne peuvent souvent pas bien
rentabiliser ces investissements, ne sont pas très motivés à faire au mieux (source : entretien
C. Petitjean).
Le fait que les villas profitent plus de la subvention (voir ci-dessous) et que Genève est un
canton essentiellement urbain (donc proportionnellement moins de villas que la moyenne
nationale) est aussi une explication plausible62
.
62
Il faut aussi prendre en compte qu’une plus grande partie des habitants de villas sont locataires en raison de la
Genève internationale.
90
Les propriétaires de villas profitent plus des subventions que les habitants
d’immeubles :
Au niveau fédéral63
:
Total subventions habitats collectifs (à partir de trois appartements): 4’571 demandes
(soit 29,4% des demandes) multiplié par 16’034 (montant moyen des subventions par
demande) = 73,3 millions de francs.
Total subventions habitat individuel/résidence pour deux familles: 9’261 demandes (soit
59,5% des demandes) multiplié par 6’025 (montant moyen des subventions par demande)
= 55,8 millions de francs.
Pour le Programme Bâtiments au niveau fédéral en 2012, 55,8 millions étaient donc alloués
aux habitats individuels (ou deux familles) et 73,3 millions aux habitats collectifs64
. Cela
signifie que les 25,8% de Suisses qui vivent dans des villas65
dont ils sont propriétaires ont
profité de 43,2% des subventions du programme. L’IDC moyen des villas est assez
comparable à celui des appartements, car bien qu’il y ait plus de déperdition de chaleur (plus
grand ratio de murs donnant sur l’extérieur), elles sont généralement moins chauffées que les
appartements et mieux entretenues car les habitants sont plus incités à économiser l’énergie
qu’ils paient. Il y a aussi plus d’espaces peu utilisés et donc aussi peu chauffés.
A Genève66
:
La population genevoise est de 413’585 habitants à la fin de l’année 2000. Sur cette
population, 375’724 habitants occupent des logements en permanence. Le reste de la
population loge dans des maisons de retraite, des foyers d’accueil, des hôpitaux, sont
fonctionnaires internationaux etc., ce qui explique que l’on n’ait pas toute la population dans
le total de ces deux catégories. Les statistiques de 2000 sont les plus récentes disponibles sur
ce point. 36’696 personnes vivent alors dans des villas dont un ou des membres du foyer sont
propriétaires uniques. Il s’agit de la catégorie qui peut le plus facilement prendre la décision
de rénover ou faire des transformation, et qui représente un dixième (9,9%) des habitants du
canton qui occupent un logement en permanence. Si l’on ajoute les copropriétaires, les
propriétaires par étage et les coopérateurs des villas, on a 36’696 + 5’565 + 740 + 103 =
43’10467
habitants, soit 11,6% du total.
Les autres habitent donc dans des immeubles en étant soit locataires (272’474), propriétaires
unique de l’immeuble (4’899), copropriétaires (4’927), propriétaires par étage (19’335),
coopérateurs (16’969) et « autres » (4’130). Dans ces catégorie, seuls les propriétaires uniques
de l’immeuble peuvent facilement prendre la décision de rénover, mais ils n’ont pas les
mêmes incitatifs que pour les villas68
.
Consommation d’énergie thermique des villas versus consommation des appartements à GE:
Selon une estimation de Christian Freudiger, chef du secteur Assainissement de l’OCEN, la
63
Statistiques fédérales 2012 du Programme Bâtiments 64
Le Programme Bâtiments. Statistiques annuelles 2012, analyse pour l’ensemble de la Suisse. P.16 65
Office fédéral de la statistique. «Conditions d’habitation - Chiffre clés. Statut d’occupation depuis 1980». 66
Statistiques demandées par email à Paolo De Faveri (OCSTAT) le 15 nov. 2013. 67
On compte à chaque fois le total des habitants des logements des catégories en question. 68
Ils sont propriétaires de l’immeuble, occupent un logement et louent le reste. L’incitatif financier personnel
aux économies d’énergie n’est pas bien différent de s’ils n’habitaient pas dans leur immeuble.
91
catégorie des moins de cinq preneurs de chaleur, constituée des villas et de petits immeubles,
consommerait environ 20% de l’énergie allouée au chauffage dans le canton. Les villas
consomment donc en tout cas moins de 20% des combustibles de chauffage du canton.
L’observation de la surface moyenne des appartements et des maisons individuelles du canton
de Genève, en 200069
, permet de vérifier cette estimation de moins de 20%:
Surface totale (m2) Nombre Surface moyenne
Appartements 10’510’973 138’639 75.8
Maisons
individuelles
2’534’719 16’311 155.4
Total 13’045’692 154’950 84.2
Les maisons individuelles représentent donc 19.4% de la surface habitable totale. Si l’on tient
compte du fait qu’il est courant que des pièces voir des étages complets de villas soient peu
chauffés parce que peu utilisés (ce qui est plus courant que dans les appartements en raison de
la plus grande surface et du fait que les habitants paient l’énergie selon leur consommation
effective), on pourrait sans doute déduire quelques points de pourcentage de surface chauffée
pour les villas.
Il est compliqué d’estimer la consommation des appartements, car il faut soustraire la
consommation d’énergie de chauffage des bureaux et commerces qui se trouvent dans les
mêmes immeubles et pour lesquels on ne dispose pas des informations nécessaires.
L’estimation de la consommation des villas est toutefois suffisante pour déterminer s’il y a un
transfert d’argent des locataires vers les propriétaires de villas au travers des retombées de la
taxe CO2 redistribuées dans le Programme Bâtiments à Genève. Si les villas consomment
moins de 20% des combustibles de chauffage, elles financent aussi moins de 20% du
Programme Bâtiments. Si elles en bénéficient à hauteur de 20% ou plus, il y a donc un
transfert d’argent qui leur est favorable.
En 2012 à Genève, il y a eu 177 demandes de subventions (acceptées) pour des habitats
individuel ou des résidences pour deux familles et 176 pour des habitats collectifs (à partir de
3 appartements)70
. Le montant moyen des subventions par demande était de 6’275 francs pour
les premiers et 21’275 pour les habitats collectifs. Ceci fait un total de 1’110’675 francs pour
les « villas » et 3’744’400 pour les « immeubles ». Si l’on prend en compte la proportion sur
le total des deux catégories, on a 33.3% des subventions pour les villas, donc une iniquité
dans la redistribution de l’argent.
69
Uniquement logements avec indication de surface. Statistiques demandées à l’OCSTAT 70
Statistiques 2012 du Programme Bâtiments à Genève. Remarque: on ne prend pas compte des autres
catégories de bénéficiaires des subventions, qui représentent une petite part du total. Cette catégorie contient
notamment les écoles, les administrations ou les industries (+ catégorie «autres»)
92
9 – LIMITES DE LA LOI DE 2010 SUR LE REPORT DE LA BAISSE PREVISIBLE DES
CHARGES SUR LES LOYERS & PROPOSITION DE PROJET DE LOI
La loi de 2010 qui autorise le report de la baisse prévisible des charges sur les loyers suite à
une rénovation permettant des économies d’énergie est une tentative d’atténuer l’« investor-
user dilemma ». Elle n’a pourtant pas permis d’atteindre les objectifs attendus pour certaines
raisons développées dans la première partie de ce chapitre.
Nous faisons ensuite une proposition de projet de loi dont le but est de mieux résoudre
cet investor-user dilemma pour les économies d’énergie dans les logements locatifs. Il s’agit
d’un partage de la facture d’énergie entre le propriétaire et les locataires qui ne pénalise
personne par rapport à la situation initiale. Contrairement au « loyer chauffé » où les
locataires ne paient pas de charges et où seul le propriétaire a un intérêt aux économies
d’énergie, cela permet de maintenir une marge de manœuvre pour inciter aussi les locataires.
Limites de la loi actuelle sur le report de la baisse prévisible des charges (BPC) sur le
loyer:
Répercussions du coût des travaux sur les loyers En cas de rénovation d’un bâtiment locatif soumis à la LDTR (Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation), un certain nombre de mesures d’optimisation énergétique peuvent être répercutées sur le montant du loyer. Il s’agit des mesures visant à : une utilisation rationnelle de l’énergie l’utilisation des énergies renouvelables une réduction des pertes énergétiques de l’enveloppe du bâtiment une réduction des émissions des installations techniques - le remplacement d’appareils ménagers à forte consommation d’énergie par des appareils à faible consommation Lorsque le loyer avant travaux est supérieur au seuil* LDTR (soit, en 2011, 3'405 francs par pièce et par an), la hausse de loyer après travaux ne peut pas dépasser la baisse* prévisible des charges du locataire résultant de l'amélioration énergétique, à laquelle peut être ajoutée une contribution du locataire d'au maximum 10 francs par pièce et par mois. Lorsque le loyer avant travaux est inférieur au seuil* LDTR (soit, en 2011, 3'405 francs par pièce et par an), le loyer après travaux ne pourra pas excéder ce seuil, auquel pourra être ajoutée la baisse* prévisible des charges du locataire résultant de l'amélioration énergétique du bâtiment, à laquelle peut être ajoutée une contribution du locataire d'au maximum 10 francs par pièce et par mois.
(source: OCEN)
93
Cette loi rend donc les rénovations permettant des économies d’énergie plus attractives pour
les propriétaires. Malgré cela, nous n’observons pas une augmentation du nombre de
rénovations suite à son entrée en vigueur (voir la « Réponse du Conseil d’Etat à la question
écrite urgente de M. François Lefort : La loi sur l'énergie a-t-elle eu l'effet incitatif attendu
sur les rénovations énergétiques des bâtiments ? » en annexe).
Malgré cette possibilité de mieux répercuter le coût des rénovations, beaucoup d’immeubles
seraient toujours moins rentables après la rénovation qu’avant. L’obligation de réajuster les
loyers aux taux hypothécaires actuels lors de gros travaux (vu au chap. 7) pénalise aussi le
propriétaire et atténue l’avantage donné par la nouvelle loi.
Si un propriétaire ne peut rentabiliser les travaux ou que partiellement, il ne les entreprend
généralement pas. A moins que ce soit indispensable pour maintenir le bâtiment habitable.
S’il ne possède pas les fonds nécessaires et qu’il ne peut récupérer l’investissement dans un
délai suffisant, sa banque risque tout simplement de ne pas lui prêter l’argent.
On n’a pas encore assez de recul pour évaluer à quel point la méthode d’évaluation de la
baisse prévisible des charges et donc de la répercussion sur les loyers est efficace, si elle
permet de calculer les économies futures de manière précise. Si les économies prévues sont
trop optimistes, comme c’est souvent le cas (Lachal 2006, p.8., Zgraggen & Lachal 2009,
p.48), il est possible que des locataires se plaignent d’une augmentation de loyer qui ne
correspond pas à la baisse effective des charges et les propriétaires veulent éviter
d’éventuelles batailles juridiques à ce propos.
Possible effet pervers de la loi - Incitatif à constamment attendre avant les
travaux :
Comme le fait remarquer Martin Jakob, lorsqu’on calcule le rapport coûts-bénéfices d’une
rénovation il faut prendre en compte le fait que les prix de l’énergie vont probablement
augmenter dans les années à venir (Jakob 2004 p.174). Cela signifie par exemple qu’une
rénovation « rentabilisée »71
en 20 ans au prix de l’énergie actuel peut en fait l’être en 15 ans
ou moins avec l’augmentation du cours (si le cours continue d’augmenter plus vite que le prix
de la vie). La répercussion de la baisse prévisible des charges se fait par rapport à la moyenne
du prix de l’énergie des cinq années précédentes et reste fixe par rapport à ce montant. Avec
ce système, les propriétaires d’immeubles ne peuvent donc pas profiter d’un investissement
visant à améliorer l’efficacité thermique comme le peuvent les propriétaires de villas. Nous
faisons l’hypothèse qu’ils seraient même incités à constamment attendre que le prix de
l’énergie augmente pour faire les travaux afin d’augmenter davantage les loyers et rendre
l’investissement plus rentable. Ceci à moins que l’on annonce une baisse durable du prix de
l’énergie à l’avenir, ce qui est peu probable. Un propriétaire de villa qui fait une rénovation
avant une flambée des prix de l’énergie peut se réjouir de l’avoir fait, mais pas un propriétaire
d’immeuble qui peut regretter de ne pas avoir attendu que le prix de l’énergie soit plus élevé
avec ce système. Si les pronostics indiquent une augmentation du cours, le propriétaire peut
être tenté d’attendre. On peut faire un lien entre ce cas et celui d’une spirale déflationniste où
71
La rentabilisation se fait aussi par l’amélioration du confort, qui est difficilement monnayable.
94
« les agents économiques réduisent leurs achats de biens durables, se disant que ces biens
seront moins chers à l’avenir » 72
, ce qui peut fortement nuire à l’économie.
Exemple avec le mazout : le graphique de la page suivante montre non seulement que le
propriétaire est toujours perdant par rapport au prix actuel (sauf en 2009, mais la loi a été
introduite en 2010), mais aussi qu’il peut s’attendre à ce que le pris augmente plus vite que
l’indice des prix à la consommation (IPC) à l’avenir. Il est certes avantagé par rapport à avant
ce changement de loi, mais peut être tenter de spéculer sur une hausse du cours.
72
Slides du cours « Sujets d’actualité économique » du Prof. U. Kohli, printemps 2011. Université de Genève.
95
(Source des données : OFS, Indice suisse des prix à la consommation. « Mazout – Prix moyens annuels en francs par 100 l », achat quantité entre 3001 et 6000 l & « Indice
suisse des prix à la consommation, indice général »)
32.5 36.3 38.1 39.4
42.7 46.6
50.5
56.9
64.8
78 81.7
84.7 88.2
93.2 91.3
50.79 47.03
40.87 43.92
50.45
70.14
79.06 80.64
109.59
68.9
85.41
98.03
103.9 100.45
0
20
40
60
80
100
120
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
fra
ncs
année
Moyenne des 5 années précédentes versus prix moyens annuels du mazout (francs par 100l) + référence à l'IPC
moyenne du prix du mazout des 5 annéesprécédentes
prix moyen annuel du mazout
indice des prix à la consommation (décembre2010 = 100)
Linéaire (moyennes du prix du mazout des 5années précédentes. y = 4.9x + 22.3)
96
Une pente de 4.9 x signifie qu’un propriétaire peut s’attendre à pouvoir augmenter le report de la
BPC sur les loyers de 4.90 francs/100 l de mazout par année supplémentaire attendue en moyenne.
1 litre de mazout = 10kWh = 36 MJ = 1m3 de gaz (site éco21, SIG).
Exemple avec un cas fictif :
Le propriétaire d’un bâtiment de 6 étages avec 4 appartements de 80m2 chacun, soit 1’920m
2
chauffés, envisage la possibilité de faire des travaux. Si les travaux peuvent réduire la
consommation de 650 à 400MJ/m2/an, cela représente 6.9 litres de mazout par m
2 en moins par an,
soit 13’248 litres de mazout (arrondi à 13'500 puisque nous n’avons pas compté les locaux
communs). Le propriétaire peut donc reporter sur les loyers le montant correspondant à la moyenne
du prix de 13’500 litres de mazout des 5 années précédentes. Si nous sommes en 2011, une année
après l’entrée en vigueur de la loi, il doit compter 84.7 centimes par litre de mazout pour le report
de la BPC, soit 11'435 francs. Il sait que si la BPC était calculée selon le prix moyen de l’année en
question (98 centimes), le report serait de 13'230 francs. Si ce dernier observe la tendance du cours
des dernières années, il peut s’attendre à ce que la moyenne du cours sur 5 ans soit d’environ 106
francs/100 l s’il attend cinq ans, soit 2016, pour faire les travaux, avec un report de 14'310 francs
sur les loyers. Cela représente un bénéfice de 2'875 francs par an, soit environ 120 francs par
appartement.
A cela s’ajoute la taxe CO2. En 2011, on devait s’attendre à ce qu’elle augmente en 2014. Son
augmentation de 36 à 60 francs par tonne de CO2 signifie, pour le mazout, une hausse de 9.6 à 16
centimes par litre par rapport à 2013 (Office fédérale de l’environnement), donc 6.4 centimes par
litre en plus de l’augmentation du cours. Dans notre exemple, cela correspond à une augmentation
supplémentaire des loyers de 13'500 x 0.064 = 864 francs, soit 3'739 francs au total (156
francs/appartement/an).
D’autres ajustements de la taxe seront possibles en 2016 et 2018, si les objectifs de Kyoto ne sont
pas atteints, avec un plafond de 120 francs par tonne de CO2. Avec une taxe CO2 à 120 francs, le
report correspondant à la BPC est de 22.4 centimes supplémentaires par litre (toujours par rapport à
notre exemple) x 13'500 = 2'970 francs. 2’970 + 2’875 = 5'845 francs pour l’immeuble soit 244
francs par appartement et par an au total, sans compter le fait que le cours du pétrole devrait lui
aussi augmenter en parallèle à la taxe. A Genève, la taxe CO2 encourage d’une part le propriétaire à
rénover puisqu’il peut davantage répercuter les coûts sur les loyers, mais peut d’autre part
l’encourager à attendre que la taxe augmente encore.
Ce bénéfice peut paraître dérisoire à l’échelle d’un tel immeuble. Mais il est possible qu’une partie
des propriétaires attendent que la taxe CO2 et le prix de l’énergie augmentent pour que ce soit plus
rentable si rien ne les incite à rénover à court terme. Un strict calcul coûts/bénéfices d’homo
economicus inciterait à attendre dans ce cas. Cette attente ne se fait pas forcément dans le but de
« gagner plus » : des propriétaires peuvent attendre que le prix de l’énergie soit assez élevé
simplement pour réussir à couvrir leurs frais en cas de rénovation. S’ils attendent, ces propriétaires
ne prennent pas de risque : s’il arrivait que l’on annonce une baisse durable du prix de l’énergie, ils
profitent de la moyenne des cinq dernières années pour mieux rentabiliser l’investissement en
agissant vite.
97
Si ce comportement de la part des propriétaires se vérifie, c’est regrettable puisqu’une majorité de
locataires serait possiblement prête à payer cette petite différence pour vivre dans un bâtiment plus
efficace énergétiquement et possiblement aussi plus confortable.
Cette hypothèse sur le comportement des propriétaires ne remet pas en question le bien fondé de
cette loi. Il est pertinent de calculer la BPC d’après une moyenne du prix de l’énergie sur plusieurs
années, afin de « lisser » un cours qui est très changeant. Il est de plus certain que cela représente un
avantage pour le propriétaire par rapport à avant et donc un incitatif à faire des travaux. Une limite
de cette loi serait plutôt qu’elle n’est pas assez bien adaptée à son contexte73
, d’où le fait qu’elle n’a
pas apporté les effets attendus.
Proposition de projet de loi : « Loi des 50/50 »
L’idée est que le propriétaire paie 50% des frais d’énergie thermique de l’immeuble à partir d’une
année T1. Ces 50% sont calculés d’après une moyenne de la consommation des cinq années
précédentes. Le même montant est répercuté sur les loyers, et il n’y a donc pas de changement par
rapport à avant autant pour les locataires que pour le propriétaire. La différence est que le
propriétaire a désormais un incitatif financier à agir pour les économies d’énergie, puisque la moitié
des bénéfices des économies d’énergie lui reviennent, augmentant ainsi la rentabilité de son bien.
Les économies réalisées sont également profitables aux locataires qui paient l’autre moitié de la
facture. Ces derniers ont donc toujours intérêt à ne pas gaspiller l’énergie et on peut agir sur leur
comportement par un incitatif financier (DIFC ou DIFEC) ou autre, ce qui n’est pas possible avec le
loyer chauffé.
Actuellement à Genève, soit on « impose » l’installation du DIFC et on ne compte que sur les
locataires pour économiser l’énergie, soit on incite le propriétaire à diminuer l’IDC pour lui éviter
d’installer le DIFC, et donc sans solliciter les locataires (pour les bâtiments d’avant 1993).
Indexation du loyer suite à une variation du prix de l’énergie : Pour éviter trop de frais
administratifs, les loyers seraient réindexés seulement en cas de variations du prix de l’énergie
durables (plus de deux ans) et supérieures à 20% par rapport à la dernière indexation. En deçà, une
compensation en faveur des locataires ou du propriétaire pourrait se faire par le biais des acomptes
de chauffage ou de versements.
Un incitatif « positif » : La mise en œuvre du DIFC en Allemagne, avec 15% de la facture
énergétique à la charge du propriétaire en l’absence de DIFC, est un exemple de mise en œuvre
efficace et sans frais pour les autorités compétentes. Tout propriétaire allemand rationnel sait qu’il a
un intérêt financier à installer le DIFC, ce qui explique que l’instrument soit aujourd’hui quasiment
généralisé. Le partage de la facture d’énergie présente le même incitatif, à la différence que l’intérêt
du propriétaire n’est cette fois pas « négatif »: en Allemagne, un propriétaire fait installer des
décomptes individuels parce qu’il veut moins perdre d’argent que s’il n’en installe pas. Avec le
partage de la facture, il peut en installer dans le but de gagner plus d’argent.
73
Contexte d’augmentation prévisible et assez constante du prix de l’énergie (dont taxe CO2) et de pénurie de
logements. A cela s’ajoute l’incertitude sur la baisse des charges anticipées versus réelles et le risque de « batailles
juridiques » dans un canton où les locataires sont bien défendus.
98
Choix des opérations les plus adaptées: La loi aurait aussi l’avantage de ne pas imposer un moyen
d’économie en particulier, en laissant libre choix au propriétaire de choisir les mesures d’économies
d’énergie qui présentent le meilleur rapport coûts-bénéfices et qui sont les mieux adaptées au
bâtiment.
Impacts attendus de l’application de la loi : Les propriétaires auraient tout avantage à mandater des
entreprises spécialisées dans l’optimisation énergétique des bâtiments pour entreprendre toute
action qu’ils pourraient rentabiliser à court ou moyen terme grâce à la diminution des charges.
Voici une liste non exhaustive des actions qui pourraient être les plus courantes :
-Contrats à la performance
-Equilibrage des chauffages
-Installation de vannes thermostatiques et fenêtres avec double (ou triple) vitrage où ce n’est pas
encore fait
-Généralisation du DIFEC, et DIFC dans les cas où le propriétaire juge que c’est rentable pour lui
-Plus d’interventions pour limiter les pertes d’énergie (réparer ou changer les joints de fenêtres,
boucher des trous d’infiltration d’air, etc.)
-Généralisation des économiseurs d’eau sur les robinets et douches74
-Meilleure isolation que les standards minimums lors de rénovations et constructions
Autres avantages et conséquences prévisibles de la loi:
- Les propriétaires deviennent un meilleur groupe cible de la taxe CO2 (les locataires aussi s’ils
installent des décomptes individuels)
- Dynamique dans le temps : à l’instar des propriétaires de villas, les propriétaires d’immeubles
sont désormais toujours incités à faire mieux, surtout si le prix de l’énergie augmente
- Possible abandon d’autres programmes coûteux et « interventionnistes » de la politique
énergétique (calcul de tous les IDC, subventions, etc.). Le partage de la facture est en ce sens
plus « pro marché » puisqu’on introduit un changement législatif pour pallier une défaillance
du marché, ce qui permet ensuite de diminuer la taille de l’Etat.
- Probables concessions de la défense du patrimoine si les propriétaires revendiquent plus de
liberté
- Les propriétaires profitent des probables futures augmentations du prix de l’énergie suite à des
travaux, contrairement au système actuel du report de la baisse prévisible des charges. Les
bénéfices ne dépendent pas de la date à laquelle les travaux sont effectués.
Ajustements de la loi à prévoir :
L’exercice légistique pourrait être ardu. Un tel changement impliquerait des modifications de
plusieurs lois au niveau fédéral et des cantons (voire de la Constitution, du moins à Genève). Des
questions se poseraient au niveau du financement des travaux et installations diverses, surtout ceux
qui diminuent la consommation d’énergie (donc décomptes individuels).
74
Ce n’est pas le cas aujourd’hui alors que les propriétaires paient l’eau, mais le fait de payer en plus la moitié de
l’énergie pour chauffer l’eau pourrait les inciter à faire le pas. L’opération serait rentable pour tous.
99
Autre proposition : report du coût des travaux et rénovations sur les charges plutôt que
sur les loyers
Selon Alberto Velasco, vice-président de l’ASLOCA et député socialiste genevois, l’ASLOCA
s’opposerait fermement à la « loi des 50/50 » si elle était proposée (source : entretien). Il est
difficile de négocier une augmentation de loyer avec l’association de défense des locataires. Mais
Alberto Velasco a proposé un type de financement qui devrait rendre les propriétaires plus
favorables aux rénovations et notamment celles visant à améliorer l’efficacité énergétique : il s’agit
du report du coût des travaux sur les charges le temps nécessaire pour rembourser l’investissement
du propriétaire. Si des opérations permettent de réduire la consommation d’énergie et donc les
charges, les charges peuvent demeurer au même niveau qu’avant les travaux voire augmenter le
temps nécessaire pour couvrir les coûts. Une fois les coûts remboursés, les charges baissent pour
s’adapter aux charges effectives. Les propriétaires peuvent donc mieux répercuter le coût des
travaux, et les locataires ne paient que le coût des travaux et pas plus, contrairement à un report des
coûts sur les locataires par une augmentation des loyers : en général, le loyer ne redescend pas une
fois que les travaux remboursés.
Un tel mode de financement pourrait être acceptable par les deux parties (propriétaires et locataires)
et serait une bonne solution à l’investor-user dilemma. C’est par contre moins incitatif que la « loi
des 50/50 » pour le propriétaires, puisqu’il peut moins augmenter le rendement de son bien.
100
10 - TABLEAU COMPARATIF DES POLITIQUES D’ECONOMIE D’ENERGIE PRESENTEES
DIFC
DIFEC
« bon IDC ou DIFC »
(+ seuils limites de 800 et
900 MJ/m2/an)
Optimisation des
systèmes de
chauffage
(équilibrage)
« Loi des 50/50 »
Groupe(s) cible(s)
Preneurs de chaleur
(comportements) &
propriétaires
(installation)
Idem Propriétaires Propriétaires Propriétaires
Coût de mise en
œuvre pour l’Etat
Coût nul avec « méthode
allemande », sinon
contrôles et sanctions
par l’administration (1-2
équivalents temps plein)
Idem 2.5 équivalents temps
plein pour la catégorie des
plus de cinq preneurs de
chaleur
Contrôles et
sanctions (combien
d’équivalents temps
plein ?)
nul
Efficacité
Environ 15%
d’économie d’énergie
pour le chauffage
Entre 15 et 20%
d’économie d’énergie
pour chauffer l’eau +
économies d’eau
Incitatif efficace pour
passer sous les seuils
limites mais pas au delà.
Quelle utilité de la
politique pour les
bâtiments éloignés des
seuils et les villas ?
Jusqu’à 10%
d’économies environ,
dépend de la
situation initiale.
+économies de 6-7%
par °C si on baisse la
T de chauffe en
même temps.
Prise de mesures
d’économies d’énergie
tant que le propriétaire
estime que les bénéfices
à court ou moyen terme
sont supérieurs aux
coûts.
Efficience (rapport
coût/bénéfice)
Rapport argent investit /
argent économisé:
généralement
avantageux jusqu’à un
certain seuil d’efficacité
thermique du bâtiment.
+Prendre en compte le
Rapport argent investit
/ argent économisé:
avantageux
Locataires:
généralement
avantageux. Dépend
Rapport argent investit /
argent économisé: dépend
du coût des mesures pour
passer sous le seuil. (Les
rénovations entreprises
pour passer sous le seuil
des 600MJ sont
Rapport argent
investit / argent
économisé:
avantageux
Locataire:
avantageux
Rapport argent investit /
argent économisé:
seules les opérations
rentables sont
entreprises par le
propriétaire.
101
bénéfice au niveau de la
société
Locataires: dépend de sa
conso. et de l’IDC de
l’immeuble.
Propriétaire: pas de
bénéfice
de sa conso.
Propriétaire: profite
des économies d’eau
puisqu’il la paie. Peut
être rentable pour lui.
généralement moins
coûteuses que
l’installation du DIFC.)
Locataire: avantageux
Propriétaire: pas de
bénéfice
Propriétaire: pas de
bénéfice financier,
plutôt un coût
Locataires: avantageux
Propriétaire:
avantageux
Acceptabilité
politique et
populaire
Controversé dans les
milieux politiques et
dans l’administration.
Instrument prisé des
locataires mais
opposition des
propriétaires.
Meilleure acceptabilité
que DIFC dans les
milieux politiques et
admin., mais pas de
volonté d’appliquer la
loi de la part de
l’administration.
Bonne acceptabilité, mais
la mise en œuvre de la loi
a manqué de soutien lors
de l’allocation des
budgets jusqu’à présent
Bonne acceptabilité
politique et populaire
(les locataires n’ont
pas de raison de s’y
opposer, mais ça
représente une
charge pour les
propriétaires.)
Opposition des
organisations de défense
des locataires.
Propriétaires devraient
être favorables. Quid
des milieux politiques ?
Dynamique
(amélioration dans le
temps)
Bon potentiel
d’amélioration dans le
temps, notamment si le
prix de l’énergie
augmente et que la
communication/sensibili
sation s’améliore.
Idem. Possibilité d’abaisser les
seuils avec le temps, bien
que ça ne soit pas
envisagé
Non (éventuellement
amélioration de la
technique pour
faciliter et améliorer
l’équilibrage)
Incitatif dynamique et
corrélé au prix de
l’énergie
102
11 – TABLEAU CHRONOLOGIQUE DU DIFC ET DE LA POLITIQUE ENERGETIQUE DU BATIMENT
Historique du DIFC et des
connaissances sur l’influence des
comportements
DIFC + Politique énergétique fédérale et
autres cantons
DIFC + politique énergétique genevoise
DIFC utilisé en Allemagne et dans des pays
nordiques depuis les années 1910 (Mügge
2000)
Début années 1970 : Travaux du CREDOC
montrent que la promotion des économies
d’énergie devrait passer par des politiques qui
prennent en compte les comportements des
usagers et structurent leurs pratiques (Dujin et
al. 2008, p.246)
Années 1970 :
- Début du développement de l’instrument en
Suisse.
- Expériences sur l’efficacité (notamment en
RFA) qui démontrent des économies allant de
15% à 25% (AML. Journal de Genève. 27
avril 1983)
- De nombreuses études sur les économies
d’énergie entreprises dans les années 1970-80
suggèrent que les comportements humains et
les processus sociaux devraient être
considérés comme centraux (Lutzenhiser 1993
p.250).
Début années 1980 : expérience à Bâle
Campagne sur plus de 1200 appartements.
Economies supérieures à 20% et très bonne
appréciation des habitants interrogés (M.-J. K.
Gazette de Lausanne, 4 sept. 1985).
1976 : La Confédération recommande
l’utilisation du DIFC (Delley 1982)
Années 1980 :
- Installation progressive de l’instrument en
Suisse. Bâle Campagne est le premier canton à
le prescrire dans la loi, en 1980. Plusieurs
cantons suivent. (L’Allemagne légifère en
103
1992 : publication par l’OFEN d’un ouvrage
sur le DIFC qui comporte un rapport sur des
expériences menées à Bâle-Ville à la fin des
années 1980 sur plus de 3000 logements
anciens: 16.8% d’économie en moyenne
(OFEN 1992).
La même année, une étude d’Angioletti
montre que « les pays anglo-saxons ont une
consommation raisonnable, grâce au faible
taux d’équipement de chauffage central » (cité
par Lachal 1999, p.3).
«The role of human social behavior has been
largely overlooked in energy analysis, despite
the fact that it significantly amplifies and
dampens the effects of technology-based
efficiency improvements» (Lutzenhiser 1993
p.248). + Observation de grandes variations de
consommation entre les ménages et
connaissance de l’impact positif que peut avoir
la comparaison (Lutzenhiser 1993 p.255).
1981).
1990 : la Confédération rend l’instrument
obligatoire pour les anciens et nouveaux
bâtiments.
Oppositions à cette obligation (« diktat
de Berne ») dans plusieurs cantons et
communes
1986 : Acceptation de l’initiative « L’énergie notre
affaire » qui demande entre autre la généralisation du
DIFC (+ DIFEC pour les nouveaux bâtiments et lorsque
c’est possible dans bât. existants)
Opposition de l’OCEN et du Conseiller d’Etat
J.-P. Maitre, qui décident de mener une
expérience sur l’efficacité du DIFC avant de
prendre une décision.
Fin années 1980 : Expérience genevoise montre
une économie de 24.8% pour le chauffage sur 3
ans. J.-P. Maitre dit que « L’expérience ne
débouche pas sur une baisse de consommation
chiffrée absolument rigoureuse du point de vue
scientifique ».
1991 : E. Spierer dit que l’expérience genevoise était
nécessaire puisqu’ « Il n’existait en Suisse aucune étude
prouvant que le décompte individuel de chauffage était
efficace », et que le DIFC n’est utile que si le chauffage
est mal équilibré. On propose que le DIFC soit imposé
qu’à partir de son « seuil de rentabilité » à l’échelle du
bâtiment, soit 750MJ/m2/an. La Confédération imposera
un seuil à 600MJ.
1993 : Début de la politique du « Bon IDC ou DIFC ».
On se sert du DIFC comme « menace » pour encourager
les propriétaires à faire baisser l’IDC sans l’imposer de
facto, considérant que ça permet de plus grandes
économies d’énergie que le DIFC et à moindre coût. On
ne considère pas la question du comportements des
utilisateurs. Mise en œuvre plus lente qu’escomptée :
L’opération est plus compliquée que prévu et l’OCEN
manque de moyens pour ça.
104
1996 : Un rapport de l’OFEN relate
l’expérience de l’Ökozentrum Langenbruck
sur 218 immeubles et 2113 consommateurs de
chaleur sur une durée de 4 ans : économie
moyenne de 14% et pas de retour aux anciens
comportements.
T moyenne des logements britanniques (peu
de chauffages centraux) de 21°C en hiver
(Shove 2004 p.18) et 22-23°C à Genève
(Lachal 2006, p.11).
Toujours plus de connaissances sur les limites
de la simple sensibilisation aux économies
d’énergie et le potentiel d’autres stratégies de
communication qui nécessitent souvent de
connaître la consommation effective des
groupes cibles.
1998 : Face aux oppositions, la Confédération
« recule » en limitant l’obligation aux nouvelles
constructions.
Plusieurs cantons modifient à leur tour
leur réglementation, ce qui débouche sur
une politique de « stop and go ». La
mise en œuvre varie fortement d’un
canton à un autre. Meilleure mise en
œuvre en Suisse alémanique.
2008 : Introduction taxe CO2
- Rapport d’Interface sur l’efficacité du DIFC et
sa mise en œuvre en Suisse (commandé et
coréalisé par l’OFEN).
2010 : Programme Bâtiments
1995 : Jean-Pascal Genoud, alors directeur de l’OCEN,
dit que « Berne a toujours prétendu qu’il entraînerait
des économies de 15% sans que l’on sache sur quoi
reposait ces calculs » (Bernet 1995)
1997 : Des experts de l’OCEN affirment à Robert
Cramer que le DIFC ne permet au mieux qu’un ou deux
pourcent d’économie d’énergie.
R. Cramer accepte donc de (continuer à) ne pas
appliquer la loi sur le DIFC, bien qu’il y était
initialement favorable.
2000 : Envoi de 7500 lettres recommandées demandant
l’application de la loi. Les lettres comportent des vices
de forme qui permettent aux propriétaires de faire
recours. Pas de suite.
2008 : Des collaborateurs de l’OCEN disent à
Interface que le DIFC ne permet qu’une économie de
2% si le système de chauffage est bien réglé. (Interface
2008 p.45). Mais toujours pas de mesure pour
encourager ou rendre obligatoire l’équilibrage des
chauffages.
2010 : Première mesure encourageant l’équilibrage, 20
ans après avoir annoncé que le DIFC n’est utile que si le
chauffage est mal équilibré, qu’il est donc mieux de faire
cette opération puisque c’est moins coûteux: mise en
place d’une subvention pour l’équilibrage des
installations de chauffage. Seules 17 subventions ont été
accordées de 2010 à 2013 (soit env. 0.01‰ des
bâtiments chauffés avec plus de cinq preneurs de chaleur
à Genève). Le problème est que les propriétaires n’ont
pas vraiment d’intérêt à payer l’opération, subvention ou
105
Aujourd’hui : la Confédération accorde peu
d’importance à l’instrument
Les décomptes de chauffage et d’eau chaude
devraient prochainement être généralisés
dans les pays de l’UE qui ne l’ont pas fait.
pas. En tout cas plus des 2/3 des immeubles seraient
encore mal équilibrés aujourd’hui, ce qui signifie un
gaspillage d’énergie considérable.
- Mise en place du report de la BPC sur les loyers
Juin 2013 : motion « pour que le Conseil d’Etat
applique la loi sur l’énergie sans tarder !» + question
écrite urgente du député M. François Lefort : « La loi sur
l'énergie a-t-elle eu l'effet incitatif attendu sur les
rénovations énergétiques des bâtiments ? »
Réponse du Conseil d’Etat : pas de hausse du
nombre de rénovations énergétiques depuis la
nouvelle loi
---------------------------
Il n’y a jamais eu de contrôles/sanctions pour le DIFEC,
bien que son efficacité soit communément admise et ne
dépende ni de l’IDC du bâtiment ni de l’équilibrage.
106
CONCLUSION & RECOMMANDATIONS
Des problèmes et des solutions qui ne datent pas d’hier, mais un contexte qui a changé :
En 1982, Jean-Daniel Delley, alors chef de travaux à la faculté de droit de Genève et spécialiste de
la politique énergétique, recommande aux cantons d’ordonner des contrôles périodiques des
installations de chauffage et d’agir sur les comportement des consommateurs (notamment avec le
DIFC). Il pense que la baisse relative du cours du pétrole de cette époque « ne justifie aucun retard
face à l’urgence de la tâche » (Delley 1982), que « le rôle des cantons sur le front de l’énergie est
de première importance ». Selon lui, « la palette des actions possibles est large et doit combiner la
contrainte, l’information et la formation, modalités complémentaires d’une intervention efficace ».
Il précise que « des normes qui restent lettre morte ne suffisent pas, pas plus que des conseils que la
contrainte ne peut pas appuyer à l’occasion », et que « pour ce faire la volonté des autorités
politiques est de première importance, tout comme la conviction des administrations chargées
d’appliquer la politique d’économies » (Ibid.). Ces recommandations et remarques datent d’un tiers
de siècle, mais force est de constater que l’on pourrait faire les mêmes aujourd’hui à Genève.
Genève a probablement le parc de bâtiment qui engloutit le plus d’énergie pour le chauffage et l’eau
chaude parmi les six plus grandes villes suisses. Il n’y a toujours pas de contrainte ou d’incitatif
efficace pour l’équilibrage du chauffage des bâtiments existants alors que c’était et que c’est
toujours la principale raison invoquée contre le DIFC. Ceci à l’heure où l’on parle toujours plus de
la nécessité d’une révolution verte qui demande « un changement des styles de vie, (l’)adoption de
comportements moins énergétivores, (le) développement d’attitudes plus respectueuses de
l’environnement.» (Romerio in Bouvier p.59). Les décomptes de chaleurs individuels pourraient
justement être un instrument de choix pour contribuer à ces changements, en favorisant la
conscientisation de cette grande part d’énergie que représentent le chauffage et l’eau chaude dans
notre société. Franco Romerio précise que « la « révolution verte » n’est pas inéluctable.
Vraisemblablement, elle ne sera pas provoquée par la rareté des ressources ou une série de
catastrophes induites par les changements climatiques, comme quelques-uns le pensent. Il faut la
vouloir. Le problème consiste notamment à éviter deux pièges: le « wishful thinking », c’est à dire
le manque de pragmatisme, qui empêche d’envisager des mesures concrètes de politique
économique, énergétique et environnementale, ainsi que la « realpolitik », c’est à dire les solutions
sans ambitions, qui ne permettent pas de faire face aux défis auxquels est confronté le monde
actuel. »
Influence de certains fonctionnaires sur le design et la mise en œuvre des politiques publiques :
Le présent travail relève un cas emblématique du pouvoir dont certains fonctionnaires profitent. Ces
derniers, qui n’ont pas de légitimité démocratique –voire scientifique- pour prendre ou influencer de
telles décisions, peuvent pourtant aisément décider eux-mêmes d’appliquer ou non certaines lois et
influencer des décisions politiques de façon à créer « leurs » lois. Leurs fonctions inspirent
confiance pour des non-spécialistes du domaine, dont les Conseillers d’Etat qui doivent s’informer
et s’appuyer sur des avis « d’experts » pour prendre des décisions. Il est certes usuel et même
recommandé que des fonctionnaires spécialisés dans un domaine soient consultés pour le design des
politiques publiques. Mais c’est problématique si la qualité de leur expertise n’est en fait pas
suffisante, ce qui peut être difficile à évaluer pour des politiciens qui font recours à ces
fonctionnaires justement parce qu’ils ne sont eux mêmes pas des experts.
107
Comment on s’est débarrassé d’un instrument efficace :
Cette recherche fait ressortir quatre principaux points du processus qui a permis de se débarrasser
des décomptes individuels :
1) En rendant le DIFC obligatoire seulement à partir d’un seuil d’IDC à partir duquel il est
« rentable », on a tout d’abord « justifié » le fait de ne pas le généraliser, contrairement à la
volonté des partisans de l’initiative « L’énergie notre affaire » acceptée par le peuple
genevois, puis ensuite de la Confédération. Le programme –officieux- est de ne pas
réellement imposer sa mise en œuvre pour les bâtiments au dessus du seuil, dans l’idée qu’il
est mieux qu’ils fassent le nécessaire pour baisser l’IDC un jour ou l’autre plutôt qu’ils
installent des décomptes et ne fassent d’autre. A ce stade, on s’est déjà débarrassé de
l’instrument pour les bâtiments existants. Il eût tout à fait été possible de mettre en place une
politique poussant à baisser l’IDC sans pour autant reléguer le DIFC au placard. Les
décideurs de cette politique agissent pourtant comme s’il fallait nécessairement choisir entre
l’un et l’autre.
2) L’argument selon lequel un bon équilibrage du chauffage rendrait le DIFC quasi inefficace et
qu’il est préférable d’équilibrer car c’est moins cher explique quant à lui le fait qu’on ne
cherche pas à faire respecter l’obligation du DIFC pour les nouveaux bâtiments (dès 1993).
Cet argument permet de s’opposer au DIFC peut importe l’IDC.
3) Le principe de proportionnalité est invoqué contre Berne en 1991 pour refuser d’imposer le
DIFC en dessous de 750MJ/m2/an puisque ce n’est pas « rentable ». On offre ainsi aux
propriétaires la possibilité d’invoquer ce principe dans le cas où l’Etat déciderait un jour de
faire respecter la loi pour les bâtiments construits à partir de 1993, soit des bâtiments quasi
tous en dessous du seuil de 600MJ mais où le DIFC est théoriquement obligatoire. Invoquer
ce principe pour refuser le DIFC serait d’autant plus « légitime » pour les propriétaires que
le canton l’a lui-même utilisé pour la même raison face à la Confédération.
4) Enfin, la non croyance en la possibilité de faire changer les comportements par des
décomptes individuels de la part d’acteurs clés de l’OCEN -sans nullement chercher à se
documenter sur la question- explique selon nous le fait qu’aucun effort n’ait non plus été fait
pour contrôler la mise en œuvre du DIFEC.
Limites des arguments de l’OCEN contre le DIFC :
« Seuil de rentabilité » du DIFC : (lié au principe de proportionnalité)
L’argument officiel choisi pour contourner la volonté populaire de généraliser l’instrument est
financier. Il s’agit d’une « bonne intention » envers ces locataires qui réclament un instrument qui
pourrait dans certains cas leur coûter plus qu’il ne leur rapporterait financièrement. Ils se seraient
donc trompés en le sollicitant par les urnes et dans les sondages de l’expérience à Genève. On
demande donc que l’instrument soit imposé à partir du seuil à partir duquel on est certain qu’il est
rentable, soit 750MJ/m2/an, seuil finalement –et heureusement
75- imposé à 600MJ par la
Confédération.
Le problème est que les habitants n’ont pas demandé le DIFC pour faire des économies d’argent.
L’initiative « L’énergie notre affaire » le réclamait pour les économies d’énergie, et les sondages
montrent que l’instrument est essentiellement apprécié pour les économies d’énergie et le principe
75
La politique du « Bon IDC ou DIFC » n’a semble-t-il pas eu un grand effet, mais il aurait été bien moindre si le seuil
avait été de 750MJ.
108
d’utilisateur payeur76
. En considérant l’instrument uniquement d’un point de vue financier, ces
personnes ne savaient-elles donc pas que le principal objectif de cette politique est d’amener les
locataires à économiser de l’énergie et pas de l’argent, et que c’est justement pour cela qu’on l’avait
mis à l’agenda politique de plusieurs pays et cantons ? Il est surprenant que les personnes qui sont
le plus sensées s’occuper de mettre en œuvre des programmes d’économies d’énergie dans le
canton écartent un instrument pour une seule raison de coût. Comme on l’a vu dans le chap. 4, le
coût du DIFC représente au plus quelques francs par an et par appartement dans les cas où il n’est
pas rentable. Et il faut considérer qu’une majorité de locataires profite de la meilleure équité liée à
l’instrument. L’appréciation du principe du pollueur payeur par les locataires et l’effet positif de
l’instrument sur leurs comportements et conscientisation de cette dépense d’énergie sont
difficilement monnayable si l’on invoque le principe de proportionnalité. Ces points ont tout
simplement été ignorés.
Les autres bénéfices des économies d’énergie sont également ignorés dans l’application de ce seuil.
On ne tient pas compte du fait qu’un mètre cube de mazout économisé au niveau d’un immeuble
l’est aussi au niveau du pays, et que les économies d’énergie apportent aussi d’autres bénéfices
économiques. On ne tient pas compte non plus des avantages sur l’environnement et la santé, ou le
risque que le prix de l’énergie augmente comme cela venait de se produire avec les chocs pétroliers.
DIFC « inefficace » si le chauffage est bien équilibré :
Selon l’OFEN, l’équilibrage devrait idéalement être généralisé mais ne remet pas en question
l’utilité du DIFC. Nous avons vu les arguments en faveur de ce point au chap. 4. Nous ne savons
toujours pas sur quoi repose l’affirmation comme quoi le DIFC permettrait « au mieux un ou deux
pourcent d’économie si le chauffage est bien équilibré », bien que nous ayons posé la question.
Aucune étude n’a démontré cela à notre connaissance.
Non croyance en la possibilité de changer les comportements :
Des opposants au DIF(E)C au sein de l’administration affirment encore aujourd’hui que si des gens
changent leurs comportements suite à l’installation des décomptes individuels, ils reprennent bien
vite leurs vieilles habitudes, à cause du système des acomptes qui fait que l’on rend généralement
de l’argent à la fin de la période de décompte notamment77
. Le problème est qu’il s’agit de
raisonnements personnels nullement documentés, puisque les études sur le terrain (jusqu’à cinq
années) démontrent le contraire. Parmi elles celle de Genève, dont le rapport a été rédigé par E.
Spierer lui-même : 21.2% d’économie la première année, 27% la deuxième et 26.4% la troisième en
moyenne pour le chauffage. Nous sommes aussi de l’avis qu’il y a un problème d’incitation lié au
fonctionnement des acomptes : il serait plus incitatif qu’ils soient moins élevés et que les personnes
qui consomment plus que la moyenne doivent réellement payer quelque chose en plus à la fin de la
période de chauffe. Actuellement, quelqu’un qui consomme plus que la moyenne mais pas de
beaucoup se fait simplement rembourser moins que les autres sur le surplus d’acomptes qu’il a
76
En 1990, l’OFEN cite même le principe d’équité en premier et ne parle pas d’objectif d’économie d’argent pour les
locataires: « L’introduction du DIFC vise deux objectifs distincts. D’une part, le DIFC devrait augmenter l’équité entre
les preneurs de chaleur et, d’autre part, inciter ces utilisateurs à économiser l’énergie » (OFEN 1990 p.3) 77
Question « J'aimerais aussi savoir sur quoi vous vous appuyez pour affirmer que les comportements modifiés ne le
sont que provisoirement ». Réponse d’E. Spierer : La facturation intervient 3 mois après la fin de la saison, en été et est
difficile à comprendre. Le système fait qu'on restitue de l'argent aux preneurs. Où est la motivation? (email 4 mars
2014).
109
payé. Ceci remet en question l’efficacité de la méthode de facturation mais pas le DIFC.
L’Allemagne a récemment modifié le système de facturation du DIFC pour le rendre plus incitatif.
La volonté de généraliser le DIFC dans des pays comme l’Allemagne, de la part de la
Confédération ou du comité de l’initiative populaire « L’énergie notre affaire » reposait
évidemment sur des expertises scientifiques solide. On ne généralise pas un instrument de telle
ampleur sans savoir de quoi on parle. Des fonctionnaires qui estiment savoir
« instinctivement »78
et mieux que tout le monde ce qui est bon ou pas ont pourtant réussi à
décrédibiliser le DIFC et le DIFEC et imposer leurs alternatives à Genève.
Effet des alternatives :
E. Spierer avait assuré que son alternative proposée au DIFC était plus efficace et s’était dit prêt à
ce qu’on l’évalue pour le vérifier à l’avenir. De plus en plus de bâtiments passent sous la barre des
600MJ, mais il est difficile de définir si cela est dû à la politique du « Bon IDC ou DIFC ». Les
principales mesures entreprises pour réduire la consommation des immeubles autres que les
opérations nécessaires (remplacement de vieilles chaudières etc.) seraient l’optimisation
énergétique sans rénovations, des coûts qui sont généralement répercutés sur les locataires. Que l’on
soit à Zurich, Bâle ou Genève et qu’il y ait une « contrainte » de baisser l’IDC ou pas, autant les
régies que les propriétaires et les locataires ont intérêts à ce que des mesures améliorant l’efficacité
énergétique de type « contrats à la performances » soient prises : il n’y a pas d’investor user
dilemma, la régies touche une commission et les locataires profitent des économies d’énergie sur les
charges, économies qui rapportent généralement plus que le coût de l’opération qui est répercuté sur
leurs charges. La politique du « Bon IDC ou DIFC » ne peut, par « essence », encourager des
rénovations d’envergure, puisque le propriétaire n’a pas d’intérêt financier à payer pour toute
opération qui lui coûterait plus cher que d’installer le DIFC. Le graphique avec la droite de
régression de l’IDC dans le temps à Genève ne permet pas d’observer un changement de dynamique
à partir de l’entrée en vigueur de cette politique, et Genève est autant à la traîne en terme de
proportion de bâtiments rénovés.
Selon la comparaison avec Bâle-Ville et Zürich présentée dans ce travail, Genève serait le mauvais
élève en matière de consommation d’énergie des bâtiments pour le chauffage et l’eau chaude,
surtout par rapport à Bâle. Mais les méthodes de calculs et de mesures peuvent diverger, surtout
avec Bâle. Il est plus prudent d’attendre une autre étude bâloise suivant la même méthodologie que
celle utilisée à ZH et GE pour tirer une conclusion plus solide. Si l’on retrouve alors le même
schéma, c.-à-d. Bâle avec la plus faible consommation, puis Zurich et enfin Genève, cela pourrait
confirmer l’efficacité des décomptes individuels à large échelle. Surtout si Bâle consomme moins
que ZH qui a le meilleur taux de rénovation des bâtiments. Si toutes les expériences que nous avons
trouvées démontrent une économie d’environ 15% et plus grâce à l’instrument, nous pourrions
vraisemblablement extrapoler une économie d’au moins quelques pourcents à l’échelle du canton
de Bâle grâce à cette politique.
Une politique énergétique du bâtiment très favorable aux propriétaires d’immeubles :
Depuis l’initiative « L’énergie notre affaire », les options choisies dans la politique énergétique du
bâtiment ont toujours été celles qui avantagent le plus les propriétaires. La politique du « Bon IDC
78
C.-à-d. sans se baser sur des observations, sans aucunement chercher à le vérifier et le démontrer.
110
ou DIFC » leur donne tout d’abord la possibilité de choisir l’option la moins coûteuse entre installer
le DIFC et baisser l’IDC, plutôt que de tous leur imposer l’instrument comme l’initiative et la
Confédération le prévoyaient. Un seuil à 750MJ aurait été un véritable cadeau. Les mesures
permettant d’abaisser le seuil d’IDC « logiquement » favorisées par les propriétaires sont
l’optimisation énergétique sans travaux, soit des frais répercutés sur les locataires. Les propriétaires
qui ne peuvent suffisamment baisser l’IDC par ce biais ne sont de toute façon pas contraints
d’installer le DIFC. Quant à la mesure la plus efficace parmi les alternatives proposées au DIFC,
l’équilibrage, il n’a jamais été imposé ni réellement encouragé. L’équilibrage est une opération à la
charge du propriétaire.
Un propriétaire n’ayant à ce jour jamais communiqué l’IDC de son bâtiment ni installé des
décomptes individuel n’a jamais été contraint de payer une amende. Il en va de même pour la pose
des vannes thermostatiques. Faute d’avoir permis de grandes économies d’énergie, la politique
énergétique du bâtiment a donc permis aux propriétaires de réaliser des économies d’argent.
Cette absence quasi totale de contrôles/sanctions de la part de l’Etat envoie un mauvais signal aux
propriétaires, au moment où les simples vitrages devraient légalement bientôt être interdits dans le
canton.
Les questions suivantes pourraient être l’objet d’une recherche ultérieure :
-Pourquoi des fonctionnaires peuvent-ils « faire ce qu’ils veulent » dans la politique énergétique du
canton de Genève ?
-Pourquoi un instrument si efficace et apprécié des locataires n’est-il pas utilisé partout ? Pourquoi
la Confédération ne fait-elle pas plus d’efforts pour le mettre en œuvre ?
-Pourquoi le DIF(E)C n’est-il pas revenu à l’agenda politique en parallèle à l’instauration de la
taxe CO2 alors qu’il est une condition pour atteindre son groupe cible dans les logements
collectifs ?
Nous nous sommes entretenu avec Peter Burkhardt, le chef de section de l’OFEN qui était en
charge du dossier du DIFC lorsque la Confédération a tenté de le généraliser en Suisse. Cet
entretien a malheureusement eu lieu à « l’heure » où il fallait boucler et imprimer le présent
document, mais cela nous a permis de faire des hypothèses pour répondre aux questions de
recherche énumérées ci-dessus.
111
Recommandations :
Les instruments de la politique énergétique du bâtiment mis en œuvre ne sont soit pas assez
incitatifs pour les propriétaires (report BPC, subventions) soit pas assez contraignants (DIFC et
équilibrage pas obligatoires). La principale recommandation est dès lors d’éviter ces « demi-
mesures » en rendant les incitatifs réellement incitatifs et les contraintes réellement contraignantes.
Réellement appliquer la loi sur les décomptes individuels (information/contrôles/sanctions) ou
créer des incitatifs suffisants pour que les groupes cibles agissent dans le sens souhaité sans que
l’Etat n’ait à sortir son bâton :
Nous pensons que l’application de la loi sur le DIF(E)C ou sa généralisation devrait se faire avec la
même méthode qui a été utilisée en Allemagne, une stratégie efficace et sans frais pour l’Etat. Si
l’Etat ne rend pas le DIFC obligatoire, il devrait au moins faire le nécessaire pour que l’équilibrage
des chauffages soit généralisé au plus vite. Le partage de la facture d’énergie entre le propriétaire et
les locataires est aussi une piste à explorer. Les factures améliorées, qui ne coûtent rien de plus et
dont l’efficacité n’est plus à prouver, devraient être imposées dans la loi. Notre recherche sur le
sujet (entretiens dans l’administration, entreprises de compteurs, spécialistes des économies
d’énergie dans le bâtiment, etc.) nous permet de constater que l’utilité de ces feedbacks est
largement méconnue.
Subventionner les décomptes individuels via le Programme Bâtiments :
S’il est difficile d’obtenir un compromis avec les milieux « pro-propriétaires » pour la
généralisation des décomptes, on pourrait éventuellement les subventionner largement via le
Programme Bâtiments ou d’autres subventions. Ce serait pertinent dans la mesure où ces décomptes
sont justement une condition pour que les locataires soient un groupe cible de la taxe CO2 qui
finance ce programme. On peut aussi envisager de donner moins d’argent aux villas le temps
d’installer ces décomptes, en considérant qu’elles ont plus profité du programme jusqu’à présent.
Généraliser les contrats à la performance pour les immeubles où il est opportun de le faire :
« Les contrats à la performance (CP) ont pour objet une gestion optimisée des installations
thermiques par les entreprises de chauffage-ventilation en échange d’une rémunération dont le
montant est fonction de l’importance de la baisse de la consommation d’énergie. L’expérience
montre qu’un objectif de 10% de baisse de la consommation sur une période de 3 ans est tout à fait
réalisable. » (OCEN 2011). En 2007, les Fondations immobilières de Droit Public (FIDP) mettent
en place 23 contrats à la performance portant sur 694 appartements. Il y a eu une économie
d’énergie moyenne de 12.7% sur trois ans et les quatre entreprises ont atteint leur objectif. Le coût
économisé par franc investi grâce aux économies était de 2.90 francs. Avec un tel bénéfice rien qu’à
l’échelle de l’immeuble (donc sans compter les bénéfices micro et macro), on ne peut que se
demander pourquoi ce n’est pas plus répandu aujourd’hui. On pourrait profiter du calcul exhaustif
des IDC de tous les bâtiments chauffés de Genève pour imposer de telles opérations à une catégorie
de bâtiments. Ceux qui dépassent 300 ou 400MJ par exemple.
112
Encourager les citoyens à exiger des mesures d’économie d’énergie « à leurs frais » et leur en
donner le pouvoir légal :
Selon l’art.4 al 2 du règlement d'application de la loi sur l'énergie du canton de Vaud, « Si la
majorité des locataires d'un bâtiment non soumis à l'obligation du décompte individuel des frais de
chauffage ou d'eau chaude sanitaire demande l'application de ce régime, le propriétaire est tenu de
réaliser les installations nécessaires. Les coûts d'équipement sont alors répartis entre les
locataires. ». Donner cette possibilité aux locataires genevois et les en informer via une campagne
d’information pourrait peut-être donner des résultats concluants. On pourrait appliquer le même
principe pour l’équilibrage, les contrats à la performance et même certaines rénovations. Pour ce
qui est des opérations qui sont légalement à la charge du propriétaire et/ou répercutées sur les
loyers, on pourrait envisager l’option de les répercuter sur les charges des locataires. Si cela est fait
sur une base volontaire de la majorité des habitants d’un immeuble (donc pas de « problème » avec
l’OBLF), on évite l’investor user dilemma qui bloque la généralisation de ces mesures actuellement.
Peut-on s’attendre à ce que les locataires signent ce genre d’accords ? Cela devrait faire l’objet
d’une recherche plus approfondie, mais nous faisons l’hypothèse que cela pourrait être un succès
pour les opérations dont le retour sur investissement et/ou l’amélioration du confort sont nettement
avantageux à court ou moyen terme pour les locataires. Le fait que les gens déménagent peu à
Genève pourrait aussi les inciter à « investir » ainsi dans leur logement. La qualité de la
communication de l’Etat serait aussi déterminante.
Mieux communiquer sur les bénéfices économiques des politiques d’économie d’énergie auprès
du public :
Qu’elle se porte bien ou pas, l’économie est une préoccupation majeure au sein de la population. On
a vu dans le chap.5 que des mesures d’économies d’énergie dans le bâtiment peuvent apporter tout
autant voire plus de bénéfices économiques à l’ensemble de la société qu’à l’échelle du bâtiment.
Nous pensons donc que ce n’est pas prendre un grand risque politique que de favoriser des
programmes d’économie d’énergie plus ambitieux et coûteux79
. La communication sur les
avantages économiques doit être suffisante pour gagner le soutient de la population et des milieux
politiques. Essayer de convaincre par des arguments écologiques est moins efficace. Il s’agit plutôt
de convaincre la partie de la population qui se soucie moins de l’environnement et plus de
l’économie, les pro-environnements étant déjà convaincus du bien-fondé des politiques d’économie
d’énergie. Un obstacle reste la difficulté de quantifier des bénéfices économiques liés aux
économies d’énergie.
79
L’Allemagne vise par exemple à ce que le parc immobilier soit quasiment neutre en émissions de carbone d’ici à
2050 (bundesregierung.de) ainsi que d’autres objectifs généralement plus ambitieux que ceux de l’UE. Il y a de bonnes
subventions pour les rénovations et les alternatives aux combustibles fossiles et les taxes sur l’énergie élevées, mais les
avantages économiques de ces mesures sont bien explicités par les milieux politiques qui les défendent. Une grande
majorité de la population (93%) soutiendrait cette politique favorable aux énergies renouvelables (Wunderlich 2012
p.5) et la participation citoyenne pour ce tournant énergétique est très élevée : Une étude de 2012 a montré que les
citoyens possèdent plus de la moitié des installations productrices d’énergie renouvelable installées entre 2000 et 2010
(petites installations individuelles ou centrales coopératives de photovoltaïque et autres sources d’énergie renouvelable)
(KNi 2011 p.45).
113
Ne pas calculer l’IDC pour tous les bâtiments et allouer les moyens prévus pour cette opération à
des programmes plus efficaces :
Il est prévu que le calcul des IDC soit obligatoire aussi pour les bâtiments d’habitation de moins de
cinq preneurs de chaleur et même ceux de construction récente80
.
On peut douter de l’efficacité d’une telle politique. Les propriétaires de villas (la majorité des
bâtiments concernés sont des villas) ont déjà un incitatif efficace pour les économies d’énergie
puisque ce sont eux qui la paient. Dans la mesure où le DIFC ne s’applique pas aux villas, la loi est
contraignante pour le propriétaire que si l’IDC dépasse les seuils de 800 ou 900 MJ/m2/an. Le
propriétaire d’une villa avec un IDC aussi élevé entreprend généralement des rénovations sans
qu’on ne le lui demande. Il est peu probable que l’on découvre beaucoup de villas au dessus des
seuils de 800 et 900MJ. De même pour les immeubles récents, qui sont très majoritairement en
dessous du seuil de 600MJ/m2/an et pour lesquels ce calcul d’IDC n’aura pas beaucoup d’utilité
selon nous. Nous recommandons d’allouer les moyens prévus pour cette politique à d’autres
programmes plus efficaces.
80
(REn):
Art. 14 Indice de dépense de chaleur 1 L'obligation de calculer l'indice de dépense de chaleur pour les bâtiments d'habitation comprenant moins de 5 preneurs
de chaleur prend effet de manière échelonnée dans le temps en fonction de leur année de construction :
a) bâtiments construits avant 1945 : dès 2014
b) bâtiments construits de 1946 à fin 1970 : dès 2015
c) bâtiments construits de 1971 à fin 1985 : dès 2016
d) bâtiments construits de 1986 à fin 2000 : dès 2017
e) bâtiments construits depuis 2001 : dès 2018
114
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Statistiques cantonales :
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OCSTAT B : « Ménages et conditions d’habitation » (recensement de 2000)
OCSTAT : Importations en valeur, selon l’emploi ou la nature des marchandises
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Entretiens
Amigo, Hervé. Collaborateur de SG-énergies SA, entreprise spécialisée dans l’optimisation
énergétique des bâtiments et précurseur dans le domaine de l’équilibrage des systèmes de
chauffages à Genève.
Aubort, Olivier. Directeur d’Alfred Aubort SA, entreprise spécialisée dans l’installation, l’entretien
et le relevé des compteurs et répartiteurs de chaleur.
Burkhardt, Peter. Ancien chef de section et responsable du dossier du DIFC à l’Office fédéral de
l’énergie (OFEN)
Cramer, Robert. Conseiller d’Etat à Genève de 1997 à 2009 avec l’OCEN dans son département.
Actuellement Conseiller aux Etats.
Gallier, Christophe. Responsable du service SPG PRORENOVA (Société Privée de Gérance SPG)
Grünig, Maurice. Délégué à l'énergie de la Ville de La Chaux-de-Fonds. (Entretien téléphonique)
Lefort, François. Député vert au Grand Conseil et spécialiste des questions d’énergie
Lovisa, Maurice. Directeur du Service des monuments et des sites, Etat de Genève.
Mathys, Christian. Chef du secteur des « techniques de l’énergie » (Energietechnik) de l’Office
cantonal de l’énergie de Bâle-Ville (Amt für Umwelt und Energie) & thomas Büchner, ingénieur
dans le même secteur.
120
Meile, Olivier. Responsable du domaine Bâtiment-technologie à l’Office fédéral de l’énergie
(OFEN). Il est en charge du dossier sur le DIFC.
Roulet, Yves. Chef de l’Unité Energie et Environnement, Service Immeubles, Patrimoine et
Logistique (SIPaL), Etat de Vaud. (Entretien téléphonique)
Velasco, Alberto. Vice-président de l’Asloca de Genève et député socialiste Grand Conseil.
Vuilleumier, Marc. Responsable Neovac SA pour la Suisse romande (Une filière de l’entreprise
opère la vente, l’installation et le relevé de compteurs et répartiteurs de chaleur).
Les collaborateurs de l’Office cantonal de l’énergie de Genève suivants :
- Beck, Rémy. Directeur scientifique
- Epelly, Olivier : Directeur
- Freudiger, Christian : Chef du secteur assainissement énergétique des bâtiments
- Garbely, Myriam : Adjointe scientifique
- de Keuwer, Hubert : Collaborateur scientifique
- Petitjean, Cédric : Chef du secteur subventions
- Spierer, Emile : Collaborateur scientifique, secteur subventions
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Mémoire de maîtrise universitaire
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de l’environnement, orientation climat et énergie. Sous la direction du Professeur Bernard Lachal et
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123
Sites Internet
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The National Aeronautics and Space Administration (NASA) : http://www.nasa.gov/
WTRG Economics (Williams 2011) : http://www.wtrg.com/prices.htm
124
ANNEXES
Exemple de fiche de décompte pour le chauffage et l’eau chaude (Aubort SA)
(source : http://www.aubort.ch/pdf/difc.pdf)
125
Motion « pour que le Conseil d’Etat applique la loi sur l’énergie sans tarder ! » de juin
2013
La motion intitulée «pour que le Conseil d’Etat applique la loi sur l’énergie sans tarder !» de juin
2013 «invite le Conseil d’Etat» :
- à appliquer immédiatement les dispositions obligatoires de la loi sur l’énergie (LEn) L 2 30 ;
- à faire réaliser, en particulier, les audits énergétiques thermiques obligatoires pour les
bâtiments dont l’indice de dépense de chaleur pour le chauffage et la production d’eau
chaude sanitaire dépasse le seuil fixé par le règlement ;
- à faire réaliser par leurs propriétaires les travaux de rénovation énergétique obligatoires ;
- à faire respecter l’obligation d’installer des décomptes individuels de frais de chauffage.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames et
Messieurs les députés,
Cela fait maintenant presque 4 ans que la loi modifiant la loi sur l’énergie a été votée par ce
parlement et plus de trois ans que ladite loi a été acceptée par référendum le 7 mars 2010. Le
règlement d’application fut modifié et publié le 5 août 2010. Cette loi sur l’énergie est ambitieuse
mais nécessaire.
Les Verts, patients, avaient attendus deux ans avant d’en demander un premier bilan par la
motion 2057 acceptée en plénière pour renvoi au Conseil d’Etat, et à laquelle le Conseil d’Etat
répondit obligeamment et diligemment par le rapport M 2057-A. Patients mais curieux de
l’avancement des travaux, les députés Verts avaient interpellé plusieurs fois le Conseil d’Etat sur
la mise en œuvre de la loi, en particulier sur la participation du canton au Programme Bâtiments
de la Confédération (Q 3673), sur le nombre de bâtiments à l’indice énergétique inconnu (IUE
1277), sur la stratégie énergétique du Conseil d’Etat (IUE 1278) et les réponses (Q
3673-A, IUE 1277-A, IUE1278-A) avaient été décevantes en regard des enjeux énergétiques
auxquels nous devons faire face, comme l’avait été le rapport M 2057-A sur la motion pour un
premier bilan de l’énergie.
Certes, un an après l’avoir demandé, nous venons enfin de recevoir du Conseil d’Etat le
rapport sur la conception générale de l’énergie 2005-2009 et le projet de conception générale de
l’énergie 2013 (RD 986), une obligation au sens de la loi (art. 10 Len, art. 10 et art. 11 REn),
accompagné de la résolution 732, par laquelle le Grand Conseil doit accepter cette conception
générale. Nous les avons renvoyés le vendredi 7 juin en Commission de l’énergie pour étude.
Cet historique fait, au-delà des réponses souvent décevantes du Conseil d’Etat sur la mise
en œuvre de la loi, nous faisons le constat désolant que les outils légaux mis en place pour
stimuler les rénovations énergétique des bâtiments ne sont pas appliqués. Une partie de ces
dispositions sont d’ordre incitatif et d’autres sont d’ordre obligatoire, un équilibre judicieux choisi
par le législateur pour favoriser les meilleures pratiques et inciter à la collaboration entre les
différents acteurs.
Plusieurs dispositions obligatoires ne sont pas appliquées.
Il s’agit en particulier des rénovations obligatoires au sens de l’article 15C al. 4 de la
loi sur l’énergie, qui stipule :M 2150 4/4
« Les bâtiments dont l’indice de dépense de chaleur pour le chauffage et la production d’eau
chaude sanitaire dépasse le seuil fixé par le règlement sont soumis à un audit énergétique
thermique aux frais de leurs propriétaires. A l’issue de cet audit, des mesures d’amélioration
126
sont réalisées à leurs frais. En cas de dépassement significatif dudit seuil, l’autorité
compétente peut leur ordonner de procéder à leurs frais à l’exécution de travaux permettant de
baisser l’indice de dépense de chaleur pour le chauffage et la production d’eau chaude
sanitaire en dessous d’une valeur maximale définie par le règlement. »
Les seuils mentionnés dans cet article ont été fixés par le règlement d’application sur la loi
sur l’énergie à 800 MJ/m2/an et 900 MJ/m2/an. 1 300, respectivement 500, bâtiments sont
concernés à Genève. A ce jour, selon nos informations, aucune procédure n’a été lancée à leur
encontre. Pourtant, ces immeubles consomment entre 6 et 10 fois plus d’énergie que les
bâtiments neufs standard et sont donc de véritables radiateurs urbains.
Concernant le décompte individuel de frais de chauffage (DIFC), la loi sur l’énergie a
instauré une obligation d’installer des DIFC (art. 22D, 22E, 22F).
Selon les informations en provenance des milieux professionnels, concernant l’obligation
d’installer des DIFC (pour immeubles postérieurs à 1993 ou antérieurs à 1993 ayant un IDC plus
de 600 MJ), l’Etat n’a jamais fait appliquer la loi et n’a jamais effectué de suivi depuis que la loi a
été promulguée !
La loi n’a jamais été appliquée, les propriétaires n’ont donc aucune incitation à se mettre
en conformité.
Sur ces deux aspects obligatoires, nous demandons par cette motion une prompte action du
Conseil d’Etat pour remédier à cette situation de non-droit et faire appliquer la loi sur l’énergie
dans sa totalité. La non-application des mesures obligatoires est un très mauvais message envers
les propriétaires qui tôt ou tard devront se mettre en conformité.
La non-application des mesures obligatoires est une véritable incitation à ne pas tenir
compte de la loi sur l’énergie et par conséquent nuit absolument à la prise en compte des
mesures incitatives, c’est-à-dire qu’elle mine la loi sur l’énergie dans son ensemble.
Au vu de ces explications, nous vous serions reconnaissants, Mesdames et Messieurs les
députés, de réserver un accueil favorable à cette motion et de la renvoyer au Conseil d’Etat, pour
qu’elle soit suivie d’une action prompte et efficace de faire respecter la loi.
127
Réponse du Conseil d’Etat à la question écrite urgente de M. François Lefort : La loi sur
l'énergie a-t-elle eu l'effet incitatif attendu sur les rénovations énergétiques des
bâtiments ?
Secrétariat du Grand Conseil QUE 100-A Date de dépôt : 4 septembre 2013
Mesdames et
Messieurs les députés,
En date du 28 juin 2013, le Grand Conseil a renvoyé au Conseil d’Etat une question écrite
urgente qui a la teneur suivante :
La loi sur l’énergie devait avoir un effet incitatif sur les rénovations énergétiques des bâtiments
et le résultat d'une baisse prévisible des charges devait être répercuté sur les loyers.
Plus précisément, l'article 15 alinéas 12 et 13 de la nouvelle loi sur l'énergie (LEn) adoptée par
la population, le 7 mars 2010, introduit la possibilité, lors de rénovations énergétiques des
bâtiments, de répercuter sur les loyers la baisse prévisible des charges énergétiques ainsi qu'un
montant correspondant à la contribution énergétique du locataire de, au maximum 10 F par pièce
et par mois. L'introduction de ces alinéas a constitué un enjeu majeur au cours de la campagne de
votation et a été vigoureusement combattue par les milieux de défense des locataires. Ce
mécanisme avait alors été clairement présenté comme le principal élément incitatif auprès des
propriétaires pour favoriser les rénovations énergétiques des bâtiments.
Trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, il est temps de s'interroger sur l'efficacité de ce
mécanisme incitatif. En effet, les milieux professionnels font état du manque d'effet incitatif de ce
mécanisme au vu des risques juridiques encourus (recours des locataires) et de la lourdeur des
procédures administratives.
Ce qui nous amène à poser les questions suivantes au Conseil d’Etat :
- Depuis l'entrée en vigueur de la loi, combien de bâtiments ont bénéficié, pour une rénovation
énergétique, d'une répercussion sur les loyers de la baisse prévisible des charges ?
- Depuis l'entrée en vigueur de la loi, combien de bâtiments ont bénéficié, pour une rénovation
énergétique, d'une majoration correspondant à la contribution énergétique des locataires ?
- Si le nombre de bâtiments bénéficiaires était faible, quelles en seraient les raisons ?
- Le fait de pouvoir répercuter les frais de rénovation énergétique sur les loyers a-t-il-été
finalement une incitation à la rénovation énergétique ?
Questions que nous pourrions résumer à la question principale :
La loi sur l’énergie a-t-elle eu l’effet incitatif attendu sur les rénovations énergétiques des
bâtiments ?
Dans l’attente de votre réponse diligente, je vous prie, Mesdames et Messieurs les conseillers
d’Etat, d’agréer l’expression de ma plus haute considération.
RÉPONSE DU CONSEIL D’ÉTAT
Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'énergie, 47 immeubles d’habitation, totalisant 723
logements, ont fait l’objet d’une rénovation énergétique soumise à autorisation de construire et au
contrôle des loyers après travaux en application de la loi sur les démolitions, transformations et
rénovations de maisons d’habitation (LDTR).
Conformément à la loi, les états locatifs après travaux de ces immeubles comprennent des
hausses de loyers correspondant à la baisse prévisible des charges, ainsi que la contribution du
locataire fixée à 120 F par pièce par an. Dans certains cas, la répercussion représente la totalité de la
128
baisse prévisible des charges majorée de 120 F, dans d'autres cas, une partie seulement de ce
montant a pu être répercutée.
Ces statistiques ne permettent pas de constater une hausse des rénovations énergétiques.
Cependant, le taux de rénovation est influencé par de multiples facteurs, tels que le niveau du
taux d’intérêt pour financer les travaux, la situation économique générale, qui peuvent agir en sens
contraire des effets incitatifs de la loi sur l’énergie.
Enfin, le Conseil d'Etat rappelle, comme il a déjà eu l'occasion de le faire dans son rapport du 19
octobre 2012 à la motion M 2057, qu'aux termes de la loi, les obligations de rénover les bâtiments
les moins performants ne sont exigibles que lorsque leur indice de dépense de chaleur (IDC)
dépasse les seuils prévus en moyenne sur 3 ans consécutifs. La moyenne des IDC sera calculée pour
la première fois lorsque les IDC des années 2011, 2012 et 2013 seront connus, soit au plus tôt au
printemps 2014. Ensuite, les propriétaires auront des délais de 3, respectivement 5 ans, pour mettre
en œuvre les mesures d'assainissement. Ce n'est donc qu'à l'issue de ces délais que les impacts
énergétiques de la loi seront pour partie quantifiables.
Au bénéfice de ces explications, le Conseil d’Etat vous invite, Mesdames et Messieurs les
Députés, à prendre acte de la présente réponse.
AU NOM DU CONSEIL D'ÉTAT
La chancelière : Le président :
Anja WYDEN GUELPA Charles BEER
129
Chapitre 5 – LES MULTIPLES BENEFICES DE L’EFFICACITE ENERGETIQUE + CONSEQUENCES
POSSIBLES D’UNE FORTE HAUSSE DU PRIX DE L’ENERGIE SUR LE DIFC
L’amélioration de l’efficacité énergétique peut apporter de nombreux bénéfices à l’économie et à
l’ensemble de la société, au-delà de ceux qui en profitent plus directement. Selon un rapport de
l’International Energy Agency (IEA) dirigé par Lisa Ryan et Nina Campbell (2012), les
programmes d’efficacité énergétique sont pourtant trop souvent évalués seulement sur la base des
économies d’énergie qu’ils permettent de réaliser (Ryan et Campbell 2012). Les autres bénéfices
des programmes d’économie d’énergie au niveau national voire global peuvent donc être
significativement sous-estimés (Ibid.). Cela signifie aussi que les politiques d’efficacité énergétique
peuvent ne pas être conçues de façon à atteindre l’ensemble des outcomes potentiellement
atteignables. Le fait de ne pas prendre en compte les bénéfices à un niveau plus large implique aussi
que ces programmes sont susceptibles d’être évalués seulement sur la base des économies d’énergie
réalisées (qui sont ensuite confrontées aux coûts du programme) et sont donc plus sujets aux
critiques, notamment celle de l’effet rebond, si la réduction de la demande est plus faible que
prévue (même si c’est dû à d’autres facteurs que l’effet rebond) (Ibid.).
Selon Ryan et Campbell, les bénéfices plus globaux d’une politique d’efficacité énergétique ne sont
souvent pas évalués ou pris en compte pour plusieurs raisons. Premièrement, ceci est dû à la nature
« hors marché » (non market) ou intangible de bénéfices socioéconomiques, ce qui les rend
difficiles à quantifier. Deuxièmement, les effets dus aux économies d’énergie seules peuvent être
difficiles à isoler et il n’est pas facile d’être certain du lien de causalité. Troisièmement, les
évaluateurs et les politiques qui travaillent dans les économies d’énergie sont souvent des
professionnels de l’énergie qui n’ont pas beaucoup de connaissances et d’expérience sur la façon
dont les économies d’énergie peuvent avoir des impacts sur d’autres secteurs. Tout ceci amène à
une sous-estimation et donc un sous-investissement dans les programmes d’efficacité énergétique,
donc des «bénéfices et des opportunités manqués» (Ibid).
L’objectif de ce rapport de l’IEA est de dresser un tableau complet des bénéfices apportés par
l’amélioration de l’efficacité énergétique et d’examiner leurs implications sur le design des
politiques publiques (Ibid). Y-est aussi examiné l’effet rebond, qui implique certes que les
économies d’énergie soient moins importantes que prévues, mais que l’on devrait reconsidérer en
raison de ce qu’il apporte à l’économie (Ibid.). Les outcomes socioéconomiques autres que les
économies d’énergie qui résultent de l’amélioration de l’efficacité énergétique sont explorés.
Les outcomes sont présentés selon les niveaux de l’économie impliqués, soit au niveau individuel
(individus, ménages et entreprises), au niveau sectoriel (par secteur économique tel que les
transports, l’industrie, etc.), au niveau national (dont les bénéfices macroéconomiques et ceux des
budgets nationaux), et enfin au niveau international. Un effet d’entraînement survient souvent
lorsque des améliorations de l’efficacité énergétique ont un impact au niveau individuel, ce qui
provoque ensuite des avantages pour le ménage ou l’entreprise, avantages qui ont à leur tour un
effet multiplicateur sur un secteur spécifique et même toute l’économie. De manière similaire, les
bénéfices au niveau national et international permettent souvent d’améliorer à leur tour la qualité de
vie des individus. Voici une liste des avantages listés par le rapport, avec la typologie
individuel/sectoriel/national/international :
130
Individual level (individuals, households, enterprises)
a. Health and well being impacts
This mainly relates to the public health improvements observed as a result of improved heating and
cooling of buildings and air quality from more efficient transport and power generation and less
demand for both.
b. Poverty alleviation: Energy affordability and access (détail supprimé car ne concerne pas la
Suisse)
c. Increased disposable income
Across all income levels, when energy efficiency improves, reduced energy bills provide increased
disposable income for households, individuals, and enterprises. The effect of increased spending
and investment can in turn result in positive macroeconomic effects described below.
Sectoral level (economic sectors – industrial, transport, residential, commercial)
d. Industrial productivity and competitiveness
Benefits for industrial firms from improvements in energy efficiency improvements include
reductions in resource use and pollution, improved production and capacity utilisation, and less
operation and maintenance, which leads to improved productivity and competitiveness.
e. Energy provider and infrastructure benefits
Improved energy efficiency can help energy providers provide better energy services for their
customers, reducing operating costs and improving profit margins.
f. Increased asset values
There is evidence that investors are willing to pay a rental and sales premium for property with
better energy performance. Some values of this premium have been estimated for commercial
property.
National level
g. Job creation
Investment in energy efficiency and the increased disposable income can lead to direct and indirect
job creation in energy and other sectors. This makes energy efficiency an important part of
governments’green growth strategies.
h. Reduced energy related public expenditures
The public budgetary position can be improved through lower expenditures on energy in the public
sector (including by government agencies on energy consumption and state owned utilities on fuel
131
purchases). In countries where fuels are imported there is a related likely positive impact on
currency reserves, and in energy exporting countries domestic energy efficiency can free up more
fuels for export. In addition, for countries with energy consumption subsidies, reduced consumption
means lowered government budgetary outlays to finance these subsidies.
i. Energy security
Improvements in energy efficiency leading to reduced demand for energy can improve the security
of energy systems across the four dimensions of risk: fuel availability (geological), accessibility
(geopolitical), affordability (economic) and acceptability (environmental and social) (APERC,
2007; Kruyt et al., 2009). The IEA’s existing work on energy security underlines the contribution
that energy efficiency improvement can make to energy security. While policy makers are alert to
this connection, the multidimensional nature of energy security makes it difficult to quantify and few
studies have attempted this on a comprehensive, economy wide scale.
j. Macroeconomic effects
Energy efficiency can have positive macroeconomic impacts, including increases in GDP, and the
cumulative benefits of the above mentioned impacts of improved trade balance (for fuel importing
countries), national competitiveness, and employment support. These are mainly indirect effects
resulting from increased consumer spending and economy wide investment in energy efficiency, as
well as from lower energy expenditures.
International level
k. Reduced GHG emissions
Greenhouse gas (GHG) emissions are reduced when energy efficiency improvements result in
reduced demand for fossil fuel energy. Many climate change mitigation strategies put energy
efficiency measures at their core as the most cost effective way to reduce greenhouse gas emissions.
l. Moderating energy prices
If energy demand is reduced significantly across several markets, energy prices can be reduced,
particularly relative to the impact of the counter factual of increased energy demand. This can have
implications on economic competitiveness of countries, and, for individuals across borders,
improves the affordability of energy services and the availability of resources for other
expenditures.
m. Natural resource management
At an aggregated international level, less demand can reduce pressure on resources, with potential
beneficial impacts on prices (at least for importing countries), as well as overall resource
management. For example, in the context of peak oil and related supply constraints, energy
efficiency can help to relieve pressure on a scarce resource. Similarly, expanding demand for oil
etc., is pushing industry to increasingly challenging contexts for extraction (such as deep offshore
and shale oil extraction), with related incremental investment costs and technological and
environmental uncertainties.
n. Development goals (détail supprimé)
132
(source : Ibid. p.6)
Les politiques visant à améliorer l’efficacité énergétique sont souvent critiquées ou jugées peu
efficaces en raison de l’effet rebond. Ryan et Campbell argumentent pourtant en faveur de
l’efficacité énergétique malgré cet effet non voulu qui, au final, aurait surtout des effets
souhaitables. Selon elles, l’effet rebond est souvent mal perçu parce qu’il implique des économies
moindres par rapport à ce qui est attendu, mais qu’on devrait le reconsidérer puisqu’il reflèterait
simplement une transformation partielle des économies d’énergie réalisées en gains économiques
(welfare gains) (Ibid. p.6). Les auteurs soutiennent donc que l’on devrait considérer les économies
d’énergie seulement comme l’un des avantages de l’efficacité énergétique, même si c’est ce qu’on
vise en priorité (Ibid.).
D’après Steven Nadel, directeur de l’American Council for an Energy-Efficient Economy (ACEEE),
l’effet rebond ne serait pas si élevé qu’il est parfois annoncé :
«We find that there are both direct and indirect rebound effects, but these tend to be modest.
Direct rebound effects are generally 10% or less. Indirect rebound effects are less well
understood but the best available estimate is somewhere around 11%. These two types of
rebound can be combined to estimate total rebound at about 20%. We examined claims of
“backfire” (100% rebound) and they do not stand up to scrutiny. Overall, even if total
rebound is about 20%, then 80% of the savings from energy efficiency programs and
policies register in terms of reduced energy use. And the 20% rebound contributes to
increased consumer amenities (for example, more comfortable homes) as well as to a larger
economy. These savings are not “lost” but put to other generally beneficial uses.» (Nadel
2012 p.7).
133
Avantage économique des rénovations :
Selon Martin Jakob, du Centre for Energy Policy and Economics (CEPE) de l’Ecole polytechnique
fédérale de Zürich, les grosses rénovations ne sont pas forcément profitables économiquement aux
propriétaires, mais les avantages annexes pour la société peuvent être du même ordre de grandeur
que les bénéfices de la réduction des coûts liés à l’énergie de chauffage: «The ancillary benefits -
which are often not expressed in financial terms or to which not even any attention is paid- can be
of the same order of magnitude as the reduction of heating costs» (Jakob 2004 p.185). Mais autant
Jakob que Ryan et Campbell indiquent qu’on manque de recherche sur le sujet, et qu’il est donc
difficile d’évaluer l’étendue de ces outcomes plus précisément.
Evolution du prix des combustibles de chauffage :
Le graphique ci-dessous montre l’évolution du prix de plusieurs sources d’énergie au cours de la
décennie 2000. Il permet de comparer l’évolution du prix des combustibles de chauffage aux autres
énergies comme l’électricité. On voit que le prix du mazout et du gaz a fortement augmenté alors
que le prix de l’électricité a lui légèrement baissé.
(Source : OFEN 2012 p.7)
Bref pronostics sur l’évolution future du cours du pétrole:
134
Les pronostics sont incertains et dépendent de multiples facteurs, parfois imprévisibles. Plusieurs
éléments permettent cependant de pronostiquer que le prix des combustibles fossiles de chauffage
devrait augmenter ou du moins ne pas baisser dans les années à venir:
Augmentation de la demande des pays émergents et taxes CO2:
«There are two good reasons to believe that energy prices will increase during the long-
lifetime of construction-orientated energy efficiency investments (Jochem and Jakob,
2002): (i) a rapid industrialisation and motorization of China, India and South America in
the coming few decades, resulting in a large increase in the world-wide energy demand
and coinciding with a decrease in production capacities for oil and natural gas in the non-
OPEC states. (ii) The Swiss CO2-law and the obligations of most industrial states
according to the Kyoto protocol are possibly only the beginning of political reactions to
climate change. Even a moderate CO2-tax of 100 CHF/t CO2 (66 Euro/t CO2, exchange
rate 2003) or an emissions certificate of about 70 $/t CO2 would cause an increase of
roughly more than a half of the present oil and natural gas retail prices and would cause a
prominent increase of heating costs.» (Jakob 2004, p.176).
Pourquoi la récente forte augmentation de production de pétrole de schiste n’implique pas
forcément une baisse du cours du pétrole:
L’IEA a récemment revu ses prévisions et annoncé que les Etats-Unis allaient supplanter la
production de l’Arabie Saoudite dès 2015 en terme de production de pétrole brut, (re)devenant ainsi
le « numéro un » des producteurs. Cette grosse croissance de la production de pétrole « non
conventionnel » n’a pourtant pas eu d’effet notable sur les prix, puisque les cours continuent de
fluctuer autour des 100 dollars. Cette nouvelle production ne fait en partie que compenser des
baisses d’exportation de certains producteurs de l’OPEP dont l’Arabie Saoudite.
A l’instar des sables bitumineux de l’ouest du Canada, le pétrole non-conventionnel américain à un
coût marginal de production élevé, environ 80 dollars le baril. Le coût marginal de la production
mondiale est alors significativement augmenté, « ce qui constitue le meilleur frein à toute baisse
durable du prix » (Lasserre 2013). La production de ces nouvelles sources non conventionnelles
devrait toutefois freiner la hausse du cours du pétrole les prochaines années (Shields 2013) par
rapport à ce qui était prévu.
Impact des importations d’hydrocarbures dans les déficits nationaux et sur
l’inflation :
Le total des importations de produits énergétiques était de 6’478,3 millions en 2004 au niveau
fédéral (OFS), soit 874 francs par habitant (7’415'102 habitants fin 2004). Il faut noter qu’il s’agit
des importations primaires d’énergie, taxes non comprises (dont taxe CO2 pour ce qui est des
combustibles), et que le consommateur final paie les hydrocarbures ou l’électricité à un prix plus
élevé.
Une augmentation du cours des matières premières comme le pétrole représente un net désavantage
au niveau de la balance commerciale pour des pays non producteurs. Une plus grande masse
monétaire va sortir de l’économie nationale pour obtenir la même quantité de bien. Le pétrole est la
matière première la plus échangée et son cours peut fortement varier d’une année voir d’un mois à
un autre. En 2011, Fatih Birol, le chef économiste de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), dit
135
que la hausse des cours du moment faisait entrer le pétrole dans une « zone dangereuse » pouvant
menacer la reprise économique des pays industrialisés (Le Monde.fr 2011). Selon une étude de
l’AIE, le montant total des importations de pétrole des 34 pays de l’OCDE (soit 65% des
importations mondiales de pétrole) est passé de 200 à 790 milliards de dollars environ au cours de
l’année 2010 (Ibid.). Les importations de pétrole représentent donc souvent une part importante
dans les déficits commerciaux des états, des déficits qui peuvent considérablement se creuser en cas
d’augmentation des cours.
Conséquences possibles d’une forte augmentation du prix des combustibles sur le
DIFC:
Sans décomptes individuels, une forte augmentation du cours du pétrole devrait paradoxalement ne
pas induire de réels changements de comportement de la part des locataires, puisque le bénéfice des
économies d’énergie réalisées individuellement profite à l’ensemble de l’immeuble et au final très
peu à celui qui a diminué sa consommation. La consommation d’énergie a fortement diminué en
Allemagne -où le DIF(E)C est généralisé- en conséquence d’un changement de comportements lié à
l’augmentation du cours du pétrole de ces dernières années (Statistisches Bundesamt 2010). Ceci
n’a pas été observé à Genève où le DIFC est très peu développé et où le prix de l’énergie pèse
moins lourd dans le budget des ménages. Il arrive que dans certains immeubles, notamment des
copropriétés ou des coopératives, des habitants se plaignent du fait qu’ils consomment consommer
bien moins d’énergie que d’autres et que la répartition des charges selon la surface n’est donc pas
équitable. Par exemple entre des appartements de tailles égales mais où le nombre d’habitants
diffère. Le DIFC (et surtout le DIFEC si le litige porte sur le nombre d’habitant et donc de la
consommation d’eau chaude) s’impose alors comme la meilleure solution pour résoudre ces conflits
(entretien Maurice Grünig). Il faut s’attendre à ce que ce type de conflit devienne plus fréquent si le
prix des combustibles fossiles augmente fortement. Le DIFC pourrait même s’imposer de lui-même
à l’avenir, devenant nécessaire à la fois pour la paix sociale au sein de l’immeuble et pour le
portemonnaie d’habitants qui seraient plus nombreux à le réclamer. Si le prix de l’énergie continue
à augmenter, la généralisation des décomptes individuels et surtout du DIFEC n’est peut-être
qu’une question de temps.
Une diminution de la consommation d’énergie grâce au DIFC serait alors d’autant plus bénéfique
au niveau économique, puisque comme on l’a vu, une hausse des prix des combustibles importés
provoque une inflation importée qui peut peser lourd sur la balance commerciale et la
consommation des ménages. En cas de forte augmentation du cours du pétrole, il y aurait
probablement un report massif du mazout et du gaz vers les pompes à chaleur (donc vers
l’électricité) et les chauffages à bois, soit deux ressources limitées dont les prix augmenteraient
aussi suite à cette augmentation de la demande. La multiplication des pompes à chaleur comme
alternative aux combustibles pourrait causer de gros problèmes au niveau de la production
d’électricité, puisque l’offre ne pourrait tout simplement pas répondre à la demande à court et
moyen terme (en considérant que le phénomène serait à l’échelle du continent et plus). Ceci
d’autant plus dans le contexte actuel d’abandon programmé de l’énergie nucléaire en Suisse, ce qui
nécessite d’ailleurs de recourir davantage aux combustibles fossiles pour produire de l’électricité.
Le DIFC pourrait donc être indispensable pour économiser une énergie plus rare et chère.
136
Chapitre 7 : OBSTACLES A LA MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE ENERGETIQUE DU
BATIMENT A GENEVE
Rénovation des bâtiments : intérêts contradictoires entre objectifs d’économie
d’énergie, politique sociale et défense du patrimoine :
Le taux de rénovation des bâtiments d’habitation est spécialement faible à Genève, ce qui nuit à
l’efficacité énergétique. Les débats sur les causes de ce phénomène sont courants dans les milieux
politiques, et la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation
(LDTR) est souvent accusée d’en être la cause principale, surtout par les milieux politiques de
droite, puisqu’elle rendrait les rénovations moins ou pas du tout profitables aux propriétaires. Les
intérêts des locataires seraient spécialement bien défendus à Genève en comparaison au reste de la
Suisse. D’après Mark Muller, avocat spécialisé dans l’immobilier et ancien conseiller d’Etat PLR,
la LDTR serait un «terrain de batailles politiques et juridiques incessantes depuis la fin des années
70».
La protection du patrimoine est aussi spécifiquement forte et s’étend à une grande partie du parc
immobilier, ce qui représente aussi un obstacle aux transformations visant à améliorer l’efficacité
énergétique dans les bâtiments protégés.
La spéculation immobilière a aussi un impact négatif sur les rénovations d’une partie des bâtiments,
en les rendant plus chers et donc moins rentables pour leurs acquéreurs. Ces derniers peuvent par
conséquent moins investir dans des rénovations.
L’obstacle de la LDTR et des lourdeurs administratives :
La LDTR :
La LDTR est une loi entrée en vigueur en 1983. «Elle vise en particulier à éviter le dépeuplement
du centre-ville au profit de surfaces de bureaux ou commerces, ainsi que plus généralement à
réglementer les travaux sur les immeubles existants (transformations et rénovations) de manière à
minimiser l’impact sur les loyers» (CEPP 2003, p.2). « Très souvent débattue au Grand Conseil, la
LDTR fait l'objet de forts enjeux économiques et sociaux. Les positions politiques se sont polarisées
au cours du temps: les uns désignent la loi comme la cause de tous les problèmes en matière de
rénovation, notamment la dégradation du parc immobilier, l'impossibilité de rentabiliser les
opérations de rénovation, la fuite des investisseurs, etc. Les autres considèrent toute modification
du texte comme une atteinte à la protection des locataires. Ils veulent éviter les hausses de loyers
abusives et les travaux non nécessaires. Face à ces tensions récurrentes, la commission a pris
l'initiative d'évaluer l'impact de cette législation ». La Commission externe d’évaluation des
politiques publiques (CEPP) de Genève évalue donc l’impact de cette loi en 2003. L’évaluation se
concentre sur les aspects de la loi décrits ci-dessus, bien qu’elle comporte aussi des dispositions sur
les congés-vente, les changements d’affectations, l’expropriation et les démolitions (Ibid p.2).
«Sur le principe, la loi donne aux autorités et aux locataires un droit de regard sur le type de
travaux envisagés lors de projets de rénovations. Cela permet de garantir une adéquation entre les
137
améliorations effectuées dans l'immeuble et les retombées sur les loyers. Ainsi la LDTR joue un
rôle de garde-fou en matière de demandes abusives, telles que des fortes hausses de loyer pour des
travaux minimes, ou des transformations de luxe qui ne permettraient pas de maintenir les
locataires en place. La LDTR permet aussi de maintenir des logements en interdisant les
changements d'affectations (c'est-à-dire transformer des logements en bureaux ou surfaces
commerciales).
(...)
L'administration délivre les autorisations de rénover après examen détaillé des requêtes. Elle fixe
les loyers selon les travaux admis, ce qui nécessite généralement un échange avec le requérant
pour ajuster le projet en fonction des contraintes légales. L'administration doit résoudre un certain
nombre de questions pour différencier les travaux d'entretien (non soumis à autorisation) des
travaux de rénovation, prendre en compte des précédents travaux d'entretien, juger de la pertinence
des travaux, etc.» (CEPP 2003)
La loi qui traite de la question de l’augmentation des loyers en cas de rénovation au niveau fédéral,
l’Ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d’habitations et de locaux commerciaux (OBLF),
est moins restrictive en terme de répercussion du coût des travaux sur les loyers. L’art.14 al. 4
mentionne que «Les hausses de loyer fondées sur des investissements créant des plus-values et sur
des améliorations énergétiques sont réputées non abusives lorsqu'elles ne servent qu'à couvrir
équitablement les frais d'intérêts, d'amortissement et d'entretien résultant de l'investissement.». Le
terme «équitablement» laisse plus de marge de manœuvre aux propriétaires pour répercuter les
coûts des travaux sur les loyers qu’avec la LDTR.
Origine de la loi:
La problématique des démolitions et transformations des bâtiments d’habitation est assez ancienne
à Genève. La première loi visant à éviter la disparition des logements bon marchés au centre-ville,
la «Loi restreignant les démolitions et transformations de maisons d’habitation en raison de la
pénurie de logements» est adoptée par le Grand Conseil en 1962. Cette loi ne s’appliquant pas aux
transformations de logements en bureaux ou en logements de luxe, les affrontements sociaux,
politiques et juridiques sur ces questions sont courants pendant une décennie, soit jusqu’à ce que la
LDTR soit adoptée par le peuple le 26 juin 1983. L’introduction de la LDTR provoque un grand
nombre de recours qui créent une importante jurisprudence. Elle a depuis subi d’importantes
modifications et suscité plusieurs initiatives et référendums (CEPP 2003 p.12).
Objectifs de la LDTR:
Les objectifs de la LDTR ont évolué progressivement dans un climat d'affrontements politiques et
juridiques très vifs entre défenseurs des locataires et milieux immobiliers. A une époque où les
quartiers du centre se commercialisaient et où l’on transférait la population vers la périphérie
urbaine, la LDTR a été d’abord un outil du maintien du logement en ville. Par la suite, la
législation est devenue de plus en plus restrictive par rapport aux droits des propriétaires. Ses
principes ont fait l'objet d'une abondante jurisprudence. Les tribunaux ont dû en effet préciser de
nombreuses notions juridiques indéterminées. Leurs arrêts ont d'ailleurs souvent généré des
révisions législatives initiées par les acteurs mécontents des décisions judiciaires.
138
Au fil des années, la liste de problèmes que la LDTR a dû contribuer à résoudre s'est allongée. De
la lutte contre la pénurie de logements et les démolitions abusives, les mesures ont évolué vers des
incitations à la rénovation et une meilleure protection des locataires en cas de vente ou de travaux.
Les mesures prises et les objectifs de cette loi se sont ainsi multipliés. (CEPP 2003 p.14).
Pendant la crise économique des années 1991-96, cette loi a aussi servi de levier économique, par
le biais d'un bonus conjoncturel à la rénovation, mis à disposition des propriétaires dès 1996 pour
favoriser le lancement de chantiers de rénovations. Dans ce contexte, un accord a été trouvé pour
assouplir la loi par la modification de diverses modalités techniques d'application. (Ibid p.15)
Résultats de l’évaluation de la CEPP:
L’évaluation montre que la loi «est très souvent transgressée ou contournée par les propriétaires».
Un grand nombre de travaux se font donc sans autorisation. Ceci concerne surtout les rénovations
par appartement, mais ça concerne aussi des travaux conséquents comme l’installation
d’ascenseurs. Des propriétaires transgressent la loi en augmentant les loyers pendant la période de
contrôle de l’Etat ou la contournent lorsqu’ils augmentent les loyers par anticipation afin de ne pas
être limité par le prix-plafond lors du dépôt de l’autorisation (Ibid p.2). D’autres moyens sont
utilisés, comme les baux à loyers échelonnés. L’administration ne fait pas de contrôles et «très peu
de propriétaires» reçoivent des sanctions après des dénonciations de locataires (Ibid.).
Est-ce réellement un frein à la rénovation?
On a supposé que la limite des coûts imposée par la LDTR aurait un effet néfaste sur le type de
travaux entrepris: on limiterait les rénovations lourdes et les travaux importants au profit des
travaux légers. L’évaluation de la CEPP fait en effet ressortir que la proportion d’interventions
légères (qualifiées de «bricolage» par certains) est plus élevée que la moyenne nationale81
, mais il
ressort aussi que la moitié des dépenses sont effectuées pour des rénovations lourdes, ce qui
correspond cette fois à la moyenne nationale et du coup contredit le fait que la LDTR nuit aux
rénovations lourdes. Les acteurs de l’immobilier interrogés par la CEPP accusent souvent la LDTR
d’être un frein aux rénovations et donc un facteur de vision à court terme et de détérioration du
patrimoine immobilier genevois (Ibid p.46). Plusieurs accusent «les lenteurs administratives, la
complexité des démarches, la contrainte légale et le trop faible rendement des capitaux investis»
comme des causes d’une diminution supposée des investissements. D’autres mentionnent la fuite
des investisseurs comme étant une conséquence de la LDTR (Ibid.). D’après la CEPP, il est
probable que le prix-plafond soit «une réelle entrave à des travaux» (Ibid p.58).
81
Voici un exemple d’une méthode de rénovation pratiquée par certains propriétaires, cité par le think thank libéral
Avenir Suisse: «Les bailleurs genevois s’accommodent assez bien de la LDTR car elle constitue une barrière à l’entrée
sur le marché pour les investisseurs externes. Ici les données quantitatives nous aident peu, restent les anecdotes. Ainsi
le cas d’un investisseur institutionnel zurichois contacté lors de nos recherches est éclairant. Disposant dans son
portefeuille d’immeubles locatifs dans la banlieue genevoise qui nécessitaient une rénovation lourde, il décide de les
vendre, ses calculs montrant qu’une rénovation selon la LDTR n’est pas économiquement viable. Un acheteur genevois
emporte la mise pour une somme bien plus élevée que les calculs du propriétaire le lui laissait espérer. Une fois la
transaction effectuée, l’investisseur zurichois lui demande comment il pense recouvrer sa mise. Il reçoit alors un exposé
détaillé des diverses astuces qui permettent de contourner la loi, par exemple par le morcellement des travaux en étapes
ne dépassant pas un certain seuil de coûts. Ce genre de pratiques est un facteur dissuasif pour des investisseurs
institutionnels qui, pour des motifs de réputation, n’osent pas s’aventurer sur un terrain aussi miné.» (Avenir Suisse
p.24-25)
139
Genève est pourtant le troisième canton où l’on dépense le plus pour les rénovations par habitant
(Ibid.). Ce montant est difficile à expliquer si l’on considère d’autres indicateurs qui montrent plutôt
que le taux de rénovations est plus faible à Genève. La limitation du coût que les propriétaires
peuvent répercuter sur le loyer encourage un morcellement des travaux (CEPP p.57), ce qui amène
à ce que le coût total des travaux soit plus élevé que s’ils avaient été effectué lors de la même
opération (Ibid p.57). Et ces prix sont répercutés sur les loyers. Par exemple, une étude de Schuler
et al. (1997) montrait que le taux de rénovation des immeubles construits avant 1920 était de 70%
au niveau national mais de seulement 40% à Genève (Schuler et al. p.129).
Le recensement fédéral de 2000 permet aussi de comparer les taux de rénovation des différents
cantons. Genève apparaît alors en dernière position avec seulement 20% du parc de bâtiments
rénové. Les autres cantons se situent entre 41% et 62% (CEPP 2003 p.50). Il n’y a aucune
corrélation entre la taille du parc et le taux de rénovation (Ibid.).
(Source du tableau: Salvi 2012 p.24)
Reste à savoir si cela est une conséquence de la LDTR, ce qui ne peut pas être clairement démontré
mais seulement supposé. La CEPP résume les arguments pour ou contre une influence de la LDTR
sur le taux de rénovation dans le tableau suivant (Ibid p.54):
140
Quant aux impacts sur la collectivité, ils sont résumés ici:
Une autre conséquence de la limite des coûts des travaux répercutables sur les loyers par la LDTR
est que les nouveaux locataires paient des loyers plus chers pour compenser le manque à gagner sur
les baux plus anciens (Ibid p.57). Le fait d’empêcher une augmentation des anciens loyers au
détriment des nouveaux est paradoxalement anti social (paradoxalement parce que c’est surtout la
141
gauche qui veut éviter que les anciens loyers augmentent). Des locataires paient ainsi des prix
parfois très différents pour des biens similaires au sein du même immeuble, ce qui implique aussi
que celui qui paie le plus participe plus à l’effort de paiement pour l’entretien et les rénovations du
bâtiment alors qu’il n’en profite pas davantage. Ainsi, selon le think thank libéral Avenir Suisse, «le
droit du bail isole les anciens locataires de toute fluctuation du marché, ce sont les jeunes, les
ménages mobiles et la classe moyenne qui en font disproportionnément les frais.» (Salvi 2012). Cet
isolement des prix du marché pour les anciens locataires limite les rendements des bâtiments pour
les propriétaires et donc l’argent disponible pour investir dans des rénovations. Ca encourage aussi
nombre d’habitants à rester dans leur logement même si la taille ne leur convient plus, soit qu’il est
trop petit parce que la famille s’agrandit, ou trop grand après le départ des enfants ou le décès du/de
la conjoint/e pour les personnes âgées.
L’impact du prix-plafond inscrit dans la loi est probablement important. Il générerait une série
d’effets pervers comme le report des travaux nécessaires ou le « morcellement des travaux en
plusieurs étapes » (CEPP 2003 p.58). Les propriétaires tentent aussi de réduire les coûts en
choisissant des matériaux de moins bonne qualité, en évitant de faire recours à un architecte ou
encore en faisant recours à des travailleurs au noir (Ibid.).
=> Impact sur l’efficacité énergétique: les économies sur la qualité du travail et des matériaux
sont évidemment néfastes à l’efficacité énergétique. Il est courant que l’efficacité énergétique
effective soit bien moindre à ce qui est prévu initialement «sur le papier» à cause d’une qualité
médiocre des travaux et des matériaux.
La procédure d’autorisation de construire, jugée trop lente, est aussi un frein aux rénovations (Ibid
p.60), et ces démarches administratives agacent les milieux immobiliers. L’Etat apparaît ainsi plus
comme étant un «censeur» qu’un partenaire à leurs yeux (Ibid.).
Les évaluateurs de la CEPP concluent tout de même que le faible taux de rénovation à Genève reste
inexpliqué (Ibid.). On ne peut en effet expliquer la grande différence entre Genève et les autres
cantons seulement à cause des effets de la LDTR, notamment parce que le faible taux de rénovation
par rapport aux autres cantons date d’avant cette loi. Ils mentionnent aussi que bien que les effets
contre productifs et inattendus sont nombreux, la LDTR a tout de même contribué à maintenir des
logements abordables en ville (Ibid.).
Cette loi illustre des objectifs divergents entre politique sociale et politique énergétique, puisque les
objectifs d’économie d’énergie dans les bâtiments se heurtent à la LDTR qui décourage une partie
des propriétaires à entreprendre des rénovations en protégeant les locataires.
Les freins administratifs:
La recherche d’information pour les démarches administratives à effectuer lors de rénovations ou
transformations représente un coût de transaction important. Les procédures administratives
peuvent être longues et complexes. D’après des témoignages, la protection du patrimoine
décrocherait la palme des complications et du temps nécessaire pour obtenir des autorisations. Les
propriétaires ne se rendent souvent pas compte du temps qu’ils doivent allouer à la recherche
d’informations et à la quantité de démarches administratives qui les attend lorsqu’ils veulent
effectuer des rénovations et transformations, ce qui peut se révéler être un vrai casse-tête.
142
L’introduction de la nouvelle Loi sur l’énergie (LEn) en 2010 à Genève est accompagnée d’une
complexification et d’un allongement des procédures administratives. « Des dossiers traîneraient à
la suite d’interminables allers-retours entre le Département des constructions, les demandeurs et le
ScanE » (Cancela 2012). Une situation « kafkaïenne » selon le physicien et membre de Noé 21
Jérôme Strobel (en janvier 2012). Ces complications inciteraient les propriétaires à se détourner des
demandes d’autorisation (Ibid.).
D’après Olivier Epelly au début de 2012, le bonus conjoncturel à l’énergie (max. 10 millions/an) est
assez méconnu et peu utilisé. Ce fonds cantonal de subvention, auquel s’ajoute une possibilité
accrue de reporter une part des coûts sur les locataires, n’a donc pas réussi à attirer les
constructeurs. Selon Nicolas Rufener, secrétaire général de la Fédération genevoise des métiers du
bâtiment, une raison est que les potentiels bénéficiaires « sont souvent réticents à passer par une
procédure administrative pour obtenir de l’argent » (Ibid.).
Des collaborateurs de l’administration reconnaissent le problème des lourdeurs administratives pour
obtenir des autorisations, et témoignent du fait que c’est d’autant plus compliqué pour les « citoyens
lambda » qui ne sont pas familiers avec ces démarches. Une solution pour simplifier ces démarches
serait premièrement de faire en sorte que les administrés puissent s’adresser à une seule institution
pour traiter leur demande, et pas à la fois à plusieurs offices et services comme c’est souvent le cas
aujourd’hui. Le fait que l’OCEN et le DU (et donc aussi le SMS) soient à présent tous dans le
même département (DALE) devrait offrir la possibilité de simplifier les démarches administratives
pour les dossiers traités en commun.
L’obstacle de la protection du patrimoine :
La question des rénovations dans le parc de bâtiments existants est cruciale pour les économies
d’énergie, puisque ce sont ceux qui consomment, de loin, le plus d’énergie. La protection du
patrimoine est particulièrement intense à Genève par rapport aux autres cantons, ce que reconnait
d’ailleurs Maurice Lovisa, le directeur du SMS (Service des monuments et des sites). Une défense
ardue du patrimoine architectural ne fait bien sûr pas l’unanimité. Alors que certains la jugent
excessive, d’autres considèrent comme très important que la ville préserve au mieux son patrimoine
architectural ancien ou relativement récent mais digne d’intérêt. Parmi ceux qui la trouvent
excessive, il y a les milieux immobiliers pour qui chaque rénovation ou transformation peut devenir
un casse-tête du point de vue administratif et des négociations nécessaires pour trouver un
compromis. La contrainte de maintenir l’apparence des constructions le plus proche possible de
l’origine peut aussi entraîner des coûts très élevés lors des travaux. La protection du patrimoine est
évidemment aussi une contrainte importante pour l’application de la politique énergétique du
bâtiment. Ce serait même le principal obstacle aux économies d’énergie dans le bâtiment d’après
Hubert De Keuwer, collaborateur scientifique de l’OCEN dont la fonction l’amène à collaborer
étroitement avec le SMS.
L’estimation du nombre de bâtiments classés et protégés varie beaucoup selon qui la fait. Alors
qu’Hubert de Keuwer estime personnellement que la moitié ou plus du parc immobilier nécessite
une autorisation du SMS pour rénover, Maurice Lovisa estime que ce chiffre est bien moins élevé.
Il y a bien sûr des degrés de protection divers selon plusieurs critères, et ça dépend de si on estime
143
la taille du parc protégé par rapport à sa surface habitable/utilisable ou en terme de nombre d’objets.
Selon Willi Weber, ancien directeur du Centre universitaire d’étude des problèmes de l’énergie
(CUEPE, aujourd’hui le «Groupe Energie» F.-A. Forell), «30 à 40% des bâtiments du parc
immobilier «sont» du patrimoine, c’est à dire construits en zone protégée ou inscrits à l’inventaire»
à Genève (Patrimoine Suisse Genève 2009). Weber explique que Genève est un cas à part en
Suisse, «dans la mesure où de nombreux bâtiments modernes contemporains sont protégés»
(Energeia 2010 p.12). Il y a en effet beaucoup de bâtiments récents qui sont protégés, car ils
représentent une valeur patrimoniale aux yeux du SMS et de quelques spécialistes ou intéressés,
même si cet intérêt architectural passe souvent inaperçu pour une majorité du public qui n’y voit
que de banals immeubles. De Keuwer estime que le SMS accorde trop d’importance à sauvegarder
l’apparence exacte de bâtiments qui ont été construits dans les années 1960-1970, par exemple, et
qui sont de véritables passoires énergétiques. D’après lui, on pourrait rénover les façades sans que
cela ne modifie trop l’aspect d’origine, et une majorité des architectes qui ont dessiné ces ouvrages
ne seraient pas contre des rénovations qui ne font que pallier le fait qu’on se souciait peu de
l’efficacité énergétique des bâtiments à l’époque où ils ont été construits.
Il est crucial de s’intéresser à la question de l’obstacle aux rénovations que représente la protection
du patrimoine puisque le parc de bâtiments concerné représente une grosse part de la consommation
d’énergie fossile à Genève. Selon Patrimoine suisse Genève, les bâtiments protégés au patrimoine
représenteraient environ la moitié de la consommation pour l’énergie de chauffage, soit un tiers des
énergies fossiles consommées dans le canton (Patrimoine Suisse Genève 2008 p.1, cité par Tschopp
2012 p.46). Certains jugent peut-être ces chiffres comme étant exagérés, mais ils illustrent tout de
même un ordre de grandeur. Il est difficile d’estimer la consommation de chauffage des bâtiments
protégés, notamment parce que cette consommation ne dépend pas du nombre d’adresse mais de la
surface totale chauffée. Selon Maurice Lovisa, les bâtiments protégés représentent bien moins que
la moitié du parc mais il n’y aurait pas d’évaluation précise et fiable du nombre d’objets. Ce dernier
nous a conseillé de prendre en compte l’évaluation de ce chiffre faite par Jennifer Tschopp dans un
mémoire de maîtrise universitaire en sciences de l’environnement à l’Université de Genève, mais
dit qu’il n’était pas tout à fait d’accord avec la méthodologie et donc les chiffres présentés. Jennifer
Tschopp détaille la méthode qui lui permet d’estimer un total de 12’262 bâtiments protégés «à
divers titres» chauffés dans le canton, soit 26% des bâtiments chauffés du canton. On peut ajouter à
cela 3’298 bâtiments considérés comme étant «dignes de protection» par le SMS (Tschopp 2012
p.152) et où les propriétaires ont donc aussi plus de restrictions concernant l’assainissement.
Une particularité de Genève serait aussi que la protection du patrimoine est gérée par l’Etat et non
pas par les communes (Nemec-Piguet, 2007. Cité par Tschopp 2012 p.35). Selon Bernhard Furrer,
architecte et ancien président de la Commission fédérale des monuments historiques, «le cas
genevois est très spécial» puisque le SMS a un très haut niveau de compétences en comparaison aux
autres cantons suisses (Patrimoine Suisse Genève 2008 p.3). Il mentionne aussi qu’il semble qu’à
Genève «les choses ont plus de difficulté à être réalisées du point de vue politique. Le pouvoir
politique n’y suit que partiellement un standard somme toute considéré comme normal tant au
niveau national qu’international. Son influence est plus directe que dans les autres cantons, où le
travail est partagé équitablement entre la politique, qui donne les grandes lignes, et les services
administratifs compétents qui effectuent leur travail de spécialistes. A Genève, les différentes
144
fonctions semblent s’entremêler, empêchant, visiblement, un travail serein. Ce n’est peut-être pas
simplement limité aux monuments historiques mais à une attitude générale de la politique locale.»
Le problème d’une protection du patrimoine trop exigeante:
Il est important de préserver au mieux le patrimoine car il fait partie de notre histoire architecturale,
sociale et culturelle. La préservation du patrimoine architectural représente aussi un intérêt
économique, notamment pour l’attrait de la ville auprès des touristes et son image à l’étranger.
Cependant, à une époque où les menaces du réchauffement climatique sont toujours plus prises au
sérieux et où les économies d’énergie sont un objectif politique et sociétal de première importance,
il faudrait trouver un compromis entre ces deux objectifs contradictoires qui sont d’une part de
maintenir le patrimoine exactement « tel qu’il est » et d’autre part celui d’être moins exigeant sur le
stricte maintien de son apparence afin de laisser plus de marge de manœuvre à l’amélioration de
l’efficacité énergétique.
A Bâle ville, la relation entre défenseurs du patrimoine et des économies d’énergies, ici l’Office
cantonal de l’environnement et de l’énergie (Amt für Umwelt und Energie), s’est beaucoup
améliorée depuis quelques années, soit depuis que l’environnement est devenu une question
prioritaire pour beaucoup d’habitants (source: entretien). D’après Maurice Grünig, délégué à
l'énergie de la Ville de La Chaux-de-Fonds, la relation entre les partisans des deux objectifs serait
aussi assez bonne, bien que la ville ait été classée au patrimoine mondial de l’Unesco (entretien
téléphonique). La situation est semble-t-il plus conflictuelle à Genève, bien que d’après le directeur
du SMS Maurice Lovisa, l’entente entre les défenseurs des deux objectifs serait assez cordiale. Ils
seraient toujours prêts à trouver des compromis pour améliorer l’efficacité énergétique des
bâtiments tant que cela ne nuit pas trop à l’apparence originale du bâtiment (entretien). Mais le
maintien, souvent stricte, de l’apparence implique des travaux plus longs et des matériaux qui
coûtent souvent plus cher, un frein pour le propriétaire donc. Il faut noter aussi qu’en dehors de la
volonté de protéger du patrimoine, il y a de nombreux obstacles techniques qui rendent
l’optimisation thermique difficile dans les anciens bâtiments.
Le sous-directeur et responsable des travaux d’une grande régie de Genève, interviewé dans le
cadre de cette recherche, est très critique vis-à-vis de la protection du patrimoine. Selon lui, ce serait
«un parcours du combattant» pour faire des rénovations à Genève, à cause de la LDTR et de la
protection du patrimoine. Il se plaint de cette volonté de garder à tout prix l’aspect original du
bâtiment, qui implique des négociations parfois sans fin, de la paperasse et beaucoup de temps et
donc d’argent, alors qu’on peut faire de belles choses en mélangeant ancienne et nouvelle
architecture, tout en améliorant l’efficacité thermique, ce qui se fait bien plus dans les autres villes.
L’amélioration de l’efficacité thermique des bâtiments protégés est aussi une question de confort
pour les occupants. Un bâtiment mal isolé mais néanmoins bien chauffé aura toutefois un inconfort
pour ses occupants, en raison du rayonnement thermique des fenêtres et des murs notamment. Bien
qu’ils éprouvent une satisfaction à vivre ou travailler dans ces bâtiments en particulier, les
occupants souhaitent donc parfois améliorer leur confort même au détriment d’une conservation
stricte de l’apparence du bâtiment voulue par le SMS. Certaines personnes, dont Maurice Lovisa,
pensent qu’il est envisageable que ces bâtiments perdent une partie de leur attrait au cours du temps
malgré leur cachet, s’il n’est pas possible d’améliorer le confort thermique alors que le parc de
bâtiments neufs et non protégés est lui toujours mieux sur ce point.
145
L’entrée en vigueur de la lettre f de l’article 182
de la loi sur la protection des monuments, de la
nature et des sites, le 12 janvier 2013, a permis de donner plus de pouvoir à l’OCEN pour imposer
la pose de capteurs solaires sur les bâtiments. A l’instar de cet exemple, les objectifs de politique
énergétique devraient vraisemblablement de mieux en mieux être considérés face à la protection du
patrimoine dans les années à venir.
L’obstacle du réajustement des loyers aux taux hypothécaires actuels :
La loi permet aux locataires de demander des baisses de loyers lorsque les taux hypothécaires
baissent. Malgré la baisse des taux de ces dernières années, peu de locataires ont fait cette demande
pour plusieurs raisons, dont la peur (essentiellement irrationnelle) d’être éjecté ou de se mettre mal
avec la régie ou le propriétaire. Les propriétaires sont donc actuellement avantagés par des loyers
généralement plus élevés qu’ils ne devraient l’être. En cas de gros travaux, les loyers doivent par
contre être réajustés aux taux hypothécaires du moment, ce qui n’incite pas les propriétaires à
entreprendre des travaux après une baisse des taux. C’est donc un désavantage de plus pour
entreprendre des travaux en ce moment
Evolution des taux hypothécaires de référence : Canton de Genève
Taux (%) Entrée en vigueur Annoncé le
2 03.09.2013 02.09.2013
2.25 01.06.2012 02.06.2012
2.5 01.12.2011 02.12.2011
2.75 02.12.2010 01.12.2010
3 01.09.2009 02.09.2009
3 ¼ 02.06.2009 03.06.2009
3 ½2 01.10.2008 09.09.2008
3 01.08.2005 09.06.2005
3 ¼ 01.04.2003 27.02.2003
3 ½ 01.04.2003 28.11.2002
3 ¾ 01.11.2002 07.08.2002
4 01.03.2002 08.11.2001
4 ¼ 01.07.2001 11.05.2001
4 ½ 01.07.2000 04.04.2000
4 ¼ 01.02.2000 11.11.1999
4 30.06.1999 22.02.1999
82
Art. 1 But
La présente loi a pour but :
a) de conserver les monuments de l’histoire, de l’art ou de l’architecture et les antiquités immobilières ou
mobilières situés ou trouvés dans le canton;
b) de préserver l’aspect caractéristique du paysage et des localités, les immeubles et les sites dignes d’intérêt,
ainsi que les beautés naturelles;
c) d’assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l’espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en
maintenant les milieux naturels;
d) de favoriser l’accès du public à un site ou à son point de vue;
e) d’encourager toutes mesures éducatives et de soutenir les efforts entrepris en faveur de la protection des
monuments, de la nature et des sites;
f) d’encourager les économies d’énergie et la production d’énergies renouvelables lors de la rénovation
d’immeubles au bénéfice d’une mesure de protection patrimoniale.
146
4 ¼ 01.05.1998 19.01.1998
4 ½ 01.11.1997 27.06.1997
4 ¾ 01.05.1997 18.02.1997
5 01.05.1996 01.12.1995
5 ¼ 01.02.1996 06.10.1995
5 ½ 01.10.1995 24.08.1995
6 01.04.1995 23.02.1995
5 ½ 01.04.1994 07.02.1994
5 ¾ 01.02.1994 21.10.1993
6 01.11.1993 03.07.1993
6 ½ 01.07.1993 07.05.1993
7 01.01.1992 23.12.1991
6 ¾ 01.02.1991 28.12.1990
6 ½ 01.07.1990 08.06.1990
6 01.10.1989 03.07.1993
5 ½ 01.07.1989 03.03.1989
5 01.09.1988 18.05.1988
5 ¼ 01.04.1987 -
5 ½ 01.04.1983 -
5 ¾ 01.01.1982 -
5 ¼ 01.09.1981 -
4 ¾1 01.03.1981 -
(Source : Asloca)