l’union européenne à travers son discours institutionnel l’adhésion de la turquie en...
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L’Union européenne à travers son discours institutionnel
L’adhésion de la Turquie en débat
Mémoire de licence
Philosophisch-Historische Fakultät Universität Basel Institut d’études françaises et francophones
Auteur: Alfonso Del Percio Hammerstrasse 192
4057 Basel [email protected]
078/ 690 36 68
Bâle, le 5 décembre 2007
Erklärung
Hiermit bestätige ich, dass ich vertraut bin mit den von der Philosophisch-Historischen
Fakultät der Universität Basel herausgegebenen „Regeln zur Sicherung wissenschaftli-
cher Redlichkeit“ und diese gewissenhaft befolgt habe.
Datum:
Unterschrift:
1
Remerciements
Grazie a te destino, nonostante tutto.
Je conçois tout travail scientifique comme le produit d’un processus de co-construction
discursif auquel participent plusieurs personnes et sans lesquelles celui-ci n’aurait ja-
mais pu être achevé. Je tiens donc à remercier tout ceux qui pendant ces six mois m’ont
aidé et soutenu dans la production de mon mémoire.
Prof. Dr. Gorges Lüdi, rapporteur de ce mémoire, qui a cru dès le début en ce travail et
qui a su avec sa compétence, son enthousiasme et son charisme me motiver non seule-
ment pendant les six mois passés mais tout au long de ces années pour des études de lan-
gue qui ne m’ont pas toujours réservé des moments joyeux.
Dr. Alexandre Duchêne, co-rapporteur de ce mémoire, pour m’avoir fait découvrir la so-
ciologie du langage, pour avoir soutenu mon projet dans mes moments de crise et de fai-
blesse, pour tout le temps qu’il m’a dédié pendant ces six mois et enfin pour tous ses
conseils avisés.
Camille Boff, pour son énorme travail de relecture et de correction et aussi pour sa joie de
vivre et son sourire qui ont parfois réussi à me contaminer.
Kathrin Hoesli, non seulement pour sa contribution rédactionnelle compétente et atten-
tive, mais aussi et surtout pour sa présence humaine constante. Merci pour tout.
Sandra Pfluger, qui avec beaucoup de patience et ses vastes compétences en sciences so-
ciales a su m’initier dans un domaine inconnu pour moi, et me guider sur ce chemin caho-
teux.
Sanson Rabi, per il suo importante contributo e per essere sempre stato in questi anni un
punto di riferimento nella mia vita.
2
Micha Friemel, einer Leidensgenossin, die mir in unzähligen Stunden einen fruchtbaren
wissenschaftlichen Diskussionsraum geboten hat, in dem meine Ideen reifen konnten,
meine Thesen in Frage gestellt wurden, deren kritischen Fragen immer neue Denkanstös-
se ausgelöst haben und von deren ausgezeichneten und mutigen Lizentiatsarbeit ich sehr
profitieren und lernen durfte. Eine Freundin, welche meine kritische Haltung immer ge-
teilt und unterstützt hat und welche mir immer wieder Sicherheit und Halt gegeben hat,
wenn ich riskierte den Boden unter den Füssen zu verlieren.
Rebecca Widmer, pour sa lecture critique de mon mémoire et simplement pour être une
es personnes qui comptent le plus dans ma vie.
ur sympathie m’ont per-
is de comprendre qu’il existe une vie en dehors de l’université.
o mi hanno permesso di scrivere
uesta tesi e perché fin dall’inizio hanno creduto in me.
e, mais aussi sa douceur et son
mour à me donner l’équilibre nécessaire pour continuer.
s ensemble et surtout pour m’avoir permis de partager avec eux mes peines
t mes joies.
erci.
d
Le Gymnasium Liestal et les classes 1WZ, 2A et 3FIS qui par le
m
Per i miei genitori e mio fratello, perché malgrado tutt
q
Andrea Jud, qui malgré l’immense distance qui nous sépare a su me transmettre la tran-
quillité, la sérénité et l’énergie nécessaire pour la rédaction de ce travail, et qui dans les
moments difficiles a réussi avec sa force, son intelligenc
a
Lara, Karin, Kyra, Carlitos, Jill, Nathi, Nino pour toutes les pauses café, pour toutes les
soirées passée
e
M
3
Table de matières
1. INTRODUCTION 6
1.1 L’institution, un terrain linguistique ? 7
1.2 Le Cadre conceptuel 8 1.2.1 L’UE, une institution atypique. 9 1.2.2 Langage en action : le discours. 10 1.2.3 L’UE, une institution productrice de savoir 12 1.2.4 Les liens entre le discours et l’institution 13 1.2.5 Le discours institutionnel à travers sa matérialité 17
1.3 Recherche des données et cadre analytique 18 1.3.1 La recherche des donnés : sélections des extraits et focalisation de l’objet de recherche 18 1.3.2 L’analyse du contexte, une méthode capitale 21 1.3.3 Les instruments analytiques 23
1.4 La structure du mémoire 24
2. LES CONDITIONS DE PRODUCTION DU DISCOURS SUR L’ADHESION DE LA TURQUIE 24
2.1 La généalogie de l’UE 25
2.2 Le discours sur l’adhésion de la Turquie, à travers son historicité 27
2.3 L’Union européenne et ses espaces discursifs 29 2.3.1. La Commission européenne, productrice d’un discours constituant ? 30 2.3.2 Le Parlement européen, le représentant du peuple ? 32 2.3.3 Le Conseil: le guide de l’institution 34 2.3.4 Bilan 36
3. L’UNION EUROPEENNE : UNE INSTITUTION, MAIS PLUSIEURS DISCOURS 36
3.1 Présentation des documents 38 3.1.1 Le Rapport régulier sur les progrès de la Turquie sur la voie de l’adhésion 1999 de la Commission européenne (RPT1999) 39 3.1.2 Conclusions de la Présidence du Conseil de Helsinki (CC1999) 40 3.1.3 La résolution du Parlement européen (RRPT1999) 41
3.2 Les stratégies de mise en contexte, comme production de savoir. 42
3.3 La référence au conflit chypriote dans les documents 49
3.4 Les conclusions sur le conflit chypriote. Qu’est-il exigé dans les documents? 53
3.5 Conclusions du chapitre 57
4. LE PROCESSUS DECISIONNEL AU PARLEMENT EUROPEEN, UN PHENOMENE CONSENSUEL 59
4.1 Présentation des documents 60 4.1.1 La proposition de résolution (PRRPT2004) 61 4.1.2 Les amendements 62
4
4.1.3 La résolution parlementaire (RRPT2004) 63 4.1.4 Le débat parlementaire 64 4.1.5 Le discours du Président du Parlement européen au Conseil européen de Bruxelles 65
4.2 L’amendement, un instrument de participation décisionnel 66
4.3. Le débat parlementaire et la construction discursive 74
4.4 La matérialisation du discours parlementaire au Conseil européen 79
4.5 Conclusion du chapitre 81
5. LE DISCOURS DU CONSEIL A TRAVERS SA DIACHRONIE 82
5.1 Présentation des documents 83
5.2 L’importance de l’élargissement dans l’histoire de l’UE 84
5.3 Le conflit à Chypre dans le discours de l’UE 88
5.4 La candidature de la Turquie, un chemin pénible 93
5.5 Conclusions du chapitre 95
6. CONCLUSION 96
7. BIBLIOGRAPHIE 102
8. ANNEXE 106
5
1. Introduction
La Commission a fait savoir que l’adhésion de la Turquie serait différente des élargissements anté-rieurs en raison des effets conjugués de sa popula-tion, de sa superficie, de sa situation géographique et de son potentiel économique, militaire et de sé-curité. (RRPT1999)
L’objectif principal de mon travail est de comprendre le fonctionnement de l’Union euro-
péenne (UE) à travers son discours institutionnel. Travailler sur une institution comme
celle de l’UE, signifie approcher un terrain fascinant et unique dans son genre où la
conception d’organisation internationale se mélange avec une idée de fédération des états
européens.
La dernière décennie a montré que l’instrument politique le plus important de cette orga-
nisation est celui de l’élargissement ; de conséquence, j´aimerais analyser le discours pro-
duit par l’institution autour des négociations sur son élargissement. Celles qui ont suscité
le plus de débats, de polémiques et de conflits, aussi bien internes qu´externes à
l’institution, concernent l’adhésion de la Turquie. Pour cette raison, mon travail prendra
comme exemple le discours institutionnel de l’UE traitant les négociations concernant
cette adhésion.
J’ai choisi d’axer mon mémoire autour des questions suivantes :
a. Quelles relations trouve-t-on entre l’UE et les discours qu’elle produit?
b. Auxquelles contraintes la production discursive est-elle liée ?
c. Quelle influence peut avoir le contexte historique sur le discours de l’institution ?
Mon étude de l’UE me permettra de montrer les éléments suivants :
1. Le langage est en soi le médium d’actes sociaux qui mènent d’une part à des dis-
proportions dans notre société et d’autre part il génère des conflits, des inégalités
sociales et des relations de pouvoir asymétriques. Le discours étant défini comme
le langage situé dans un contexte producteur est susceptible d’influencer et de
structurer notre société.
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2. Les institutions bureautiques internationales sont productrices, à travers leur do-
cumentation, de savoir et de discours qui mènent à des inégalités sociales, à des
asymétries de pouvoir, et donc à des conflits.
3. Les institutions internationales font partie de notre société. De conséquence, les
phénomènes sociaux observés dans une société globalisée peuvent être aussi iden-
tifiés dans l’UE et sont influencés par l’institution elle-même. Finalement, à tra-
vers l’analyse du discours institutionnel, on peut déduire le fonctionnement de
celle-ci, ses structures internes et donc ses mécanismes de pouvoir.
1.1 L’institution, un terrain linguistique ? Avant de présenter le cadre conceptuel, il est important de mentionner mon intérêt pour
l’adhésion de la Turquie et de situer ce travail dans un discours scientifique pour que l’on
puisse suivre et comprendre mes réflexions.
Tout d’abord, j’aimerais clarifier que mon intérêt pour le sujet de mon mémoire est né
d’une irritation de ma part. Si l´on peut constater que les débats sur la candidature à
l’adhésion de la Turquie à l´UE prennent beaucoup de place dans les médias et dans le
discours public en général, il faut en revanche avouer que la littérature scientifique politi-
que, sociologique et anthropologique (Akin 1997, Sammali 2003) n’a pas réussi à traiter
le sujet avec la distance nécessaire. Elle me semble toujours instrumentalisée par les deux
parties. Le rôle de la science n´est pas de s’exprimer sur la question, il devrait consister à
la décrire, à montrer les processus politiques et sociologiques qui interviennent dans les
négociations. Comme la science ne dispose ni d’instruments communicatifs et médiati-
ques nécessaires pour annoncer ses résultats au public, ni de relations nécessaires avec les
espaces discursifs compétents pour influencer leurs décisions (Heller 1999, Laforest
1999). Par conséquent, il ne s’agit pas dans mon mémoire d’exprimer mon opinion sur le
processus d’adhésion, mais je me contenterai surtout d’analyser le déroulement de
l’élargissement et d’interpréter mes données.
Le langage, comme phénomène étudié indépendamment de ses conditions de production,
n’est pas intéressant. Le texte suivant sera donc une tentative de traiter un sujet situé à la
jonction entre différentes branches comme la linguistique et l’anthropologie, mais aussi la
sociologie et les sciences politiques. En effet, je conçois la langue comme un élément
important dans notre société mondialisée. Il influence et est influencé par elle. Je me
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concentrerai donc sur le langage et sur son rôle dans ce contexte de mondialisation, où les
acteurs sociaux essaient de se placer au mieux pour profiter d’une part des opportunités
que la mondialisation apporte, et d’autre part pour réagir de manière appropriée aux nou-
veaux enjeux. L’analyse du discours est par conséquent une étude de la langue en action,
de la langue dans cette société mondialisée. De ce fait, la linguistique porte seulement ses
fruits si le locuteur, donc l’acteur social, et les lieux, les espaces sociaux dans lesquels on
s´exprime, et enfin le contexte social sont mis en relation avec le langage, puisque celui-
ci et les phénomènes linguistiques ne peuvent pas être séparés de la société qui les pro-
duit. L’UE est dans ce cas partie de la société, elle fonctionne selon les mêmes systèmes
et structures. Elle est productrice d’un discours institutionnel et ce n’est qu’à travers une
analyse de ce discours institutionnel d’une part et un travail ethnographique d’autre part,
que l’on peut comprendre son fonctionnement. Les organisations internationales sont
donc un sujet de recherche qui doit susciter l’intérêt des linguistes. Duchêne (2004) écrit
dans article:
Ensuite, ces institutions constituent une fenêtre qui permet de décrire, d’expliquer et d’interpréter divers phénomènes aussi bien sociologiques que linguistiques (création d’inégalités, rapport d’intérêts et de domination, idéologies langagières, rhétorique politi-que…)
Par conséquent, il faudra insister sur les concepts de l’institution productrice d’un dis-
cours institutionnel (Abèles 1993, 1999, 2000, Bellier 1997a, 1997b, 1997c, 2000a, 2004)
et celui du discours (Blommaert 2004) qui soient adéquates pour mon sujet
d’investigation. Contrairement à lune étude de la matière qui met le focus sur des phéno-
mènes internes à la langue et néglige complètement ce qui se trouve autour d’elle, je suis
de l’avis que tout objet de recherche est traversé par diverses disciplines et qu’il faut les
englober toutes si on veut obtenir une image complète de cette matière. Même si moi-
même je viens d’utiliser cette notion, je considère le terme de discipline, mais aussi celui
d’interdisciplinarité, inadaptée. Ils devraient être évités complètement. Tout chercheur a
une propre croyance, une propre conception de la recherche et de la science. Cette
croyance, le terrain et l’objet de recherche doivent guider le choix de son cadre concep-
tuel et analytique. Par conséquent, il ne faudrait parler que d’objet de recherche ou de
terrain.
1.2 Le cadre conceptuel Dans ce chapitre, il s’agira de présenter tout d’abord le concept d’institution que
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j’aimerais aborder dans mon mémoire, et de le relier avec l’idée de discours pour parler
d’une institution bureaucratique qui se définit et doit être comprise à travers sa production
discursive. Dans mes réflexions, j’essaierai toujours de passer du général au concret dans
le sens que je parlerai d’abord d´institutions en général pour ensuite me focaliser sur
l’UE. J´adopterai ensuite la même procédure pour la notion de discours. L’objectif de
cette procédure se justifie par l’idée que l’UE et son discours sont conçus dans ce travail
comme des exemples de phénomènes discursifs. Ensuite, j´expliquerai la manière de la-
quelle j’aborderai l’analyse du discours. Dans ce cas, je présenterai les divers éléments
servant à mon étude avant de passer finalement à la présentation de ma recherche de don-
nées.
1.2.1 L’UE, une institution atypique.
L’objet de recherche de mon mémoire doit être situé entre l’UE et le discours qu’elle pro-
duit. Dans ce chapitre, je traiterai par conséquent en premier lieu la notion d’institution,
pour ensuite aboutir à ma réflexion sur l’UE.
Tout d’abord, il faut clarifier le terme d’organisation internationale pour ensuite com-
prendre la particularité de l’UE. Selon une conception de droit international, ce terme
désigne une corporation dans laquelle des institutions gouvernementales travaillent en-
semble (Peters 2006). Souvent, on utilise aussi dans la littérature spécialisée la notion
d´organisation gouvernementale ou d´organisation intergouvernementale pour désigner le
même type d’espace discursif. Anne Peters (2006), spécialiste de droit international de
l’Université de Bâle, utilise la définition suivante:
Nach herrschender Meinung ist eine internationale Organisation durch vier Begriffsmerk-male definiert. Es muss sich (1) um eine auf Dauer angelegte Vereinigung von zwei oder mehr Staaten handeln. Diese basiert (2) auf einem völkerrechtlichen Gründungsvertrag. Sie ist (3) mit der selbständigen Wahrnehmung eigener Aufgaben betraut. Sie hat (4) zumindest ein handlungsbefugtes Organ.
Le terme est en réalité utilisé par le public de manière beaucoup plus large, et désigne
toute institution qui travaille au niveau international. La fonction de ce type d’institution
est de traiter des thématiques globales, donc supranationales. Pour bien comprendre
l’importance actuelle de ce type d’organisation et également de l’UE, il faut se concentrer
sur les rapports entre les états, les nations, les membres et l’organisation elle-même. Dans
un paysage international mondialisé où les rapports politiques, économiques, sociaux et
culturels se restreignent, où les espaces temporels et spatiaux se réduisent, les organisa-
tions internationales gagnent en importance, parce que des nouveaux enjeux qui concer-
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nent le monde entier et qui ne peuvent donc pas être abordés par une seule nation se font
jour. Pour cette raison, il faut trouver des espaces discursifs supranationaux pour appro-
cher ce type de problématique et c’est toujours pour la même raison que l’on observe une
montée d’importance et de pouvoir de ce type d’organisations. Tout de même, si d’une
part on peut remarquer qu’elles gagnent de plus en plus de pouvoir dans la communauté
internationale, en profitant du vacuum de compétences qui s’est instauré, les institutions
locales, c´est-à-dire les organisations non gouvernementales mais aussi et surtout les gou-
vernements eux-mêmes et l’économie locale, essaient de céder le moins de pouvoir pos-
sible aux organisations internationales et de regagner eux aussi de l’importance à travers
leur présence à l’intérieur de ces espaces discursifs.
Par la suite, j’aimerais replacer l’UE dans le contexte des organisations internationales
que je viens de décrire, tout d’abord en spécifiant sa nature.
La différence la plus importante entre une organisation internationale comme l´ONU ou
l’OTAN et l’UE, consiste dans le fait que les membres de l’UE ont mis en place une insti-
tution commune, l’UE, à laquelle ils délèguent une partie de leur souveraineté concernant
des décisions à prendre et des lois à adopter, qui sont d’intérêt commun et qui, contraire-
ment aux institutions que je viens de nommer auparavant, valent automatiquement pour
les états membres. Cela fait de l’UE une institution unique au monde, qui la différencie
des organisations de coopération internationale. Aujourd’hui, elle se compose de 27 pays
membres qui comptent en tout 490 millions d’habitants.
1.2.2 Langage en action : le discours.
L’objectif de ce chapitre sera d’expliquer ma conception de la notion de discours, pour
ensuite montrer dans le chapitre suivant ses relations avec la notion d’institution.
Tout d’abord, avant de me pencher sur la notion de discours, j’aimerais partir du fait que
bien que j’aie travaillé seulement avec des extraits de documents, alors du langage écrit,
je me situe cependant dans un courant scientifique qui conçoit la notion de texte dans un
sens très large, et qui inclut dans cette conception tout symbole mais aussi toute action
humaine ayant un contenu sémiotique (Blommaert 2004). En d’autres termes, pour re-
prendre la théorie de communication de Roman Jakobson (1960), tout message est selon
mon point de vue un texte, indépendamment de sa matérialité ou de sa forme. Ainsi,
même si je me concentre ici sur la notion de texte dans le sens fort, il faudra toujours tenir
compte du fait que cette considération vaut pour toute sorte d’activité sémiotique hu-
maine.
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Pour cerner la notion de discours, j’aimerais m’appuyer sur les réflexions de Jan Blom-
maert (2004). Celui-ci définit le discours comme langue ou texte en action. Cela signifie
que le discours doit être compris comme un acte sémiotique au sein de notre société. On
peut ainsi dire qu´entre la langue et son contexte se trouve une constante interaction qui
fait que ces deux éléments se modifient constamment et mutuellement. La langue ne peut
donc être comprise que par rapport à son contexte, à ses conditions de production et en
même temps, dans le sens large, elle rend significatif chaque élément de notre société.
Pour donner un exemple concret, le simple fait qu’un critique d’art, donc une personne
jouissant d´une position précise dans notre société, communique que le tableau de Léo-
nard de Vinci surnommé « La Joconde » soit beau, fait de cette image un œuvre d’art ;
c’est-à-dire que le discours produit par ce critique transforme un élément de notre société
et donne un sens à notre monde, ou selon les mots de Jan Blommaert : « […] discourse is
what transforms our environment into a socially and culturally meaningful one ».C’est
donc ce contexte qui donne d’une part un sens au discours, car c’est le fait d’être critique
d’art qui donne le pouvoir à cette personne d’exprimer son opinion et d’être entendue par
le reste de la société ; et d’autre part, c’est le discours qui structure et modifie le contexte,
car « La Joconde » est un morceau de toile qui vaut à présent des centaines de millions de
francs. Le discours modifie notre représentation de la société et du monde. Cela signifie
que la contraposition entre signifiant et signifié ne peut pas être stable comme les structu-
ralistes ont essayé de l’expliquer, qu´on ne peut pas attribuer n’importe quel sens à
n’importe quel signifiant, mais que c’est beaucoup plus la condition de production du
langage qui lui impose une signification précise. Il y a une énorme différence entre mon
affirmation que le tableau de de Vinci est beau, et que Denis Diderot l´affirme. Ceci pro-
vient des structures hiérarchiques et du pouvoir dans notre société qui font que mon opi-
nion vaut moins que l’opinion d’un critique. Foucault (1969, 1975, 1982) parle de
contraintes qui sont ancrées dans l’environnement productif, qui ont des conséquences
directes sur le produit. Dans mon travail je vais d’abord utiliser la notion de discours dans
un contexte de production de savoir. A chaque fois que j´aborderai les processus discur-
sifs, je traiterai du phénomène de production langagière de savoir dans un contexte donné.
De plus, j´emploierai les notions d´évènement discursif pour parler du moment auquel un
énoncé est produit, et d’espace discursif pour parler d’un contexte spatial et institutionnel
dans lequel on produit un discours. En d’autres termes, dans les deux cas je traiterai du
contexte. L’espace discursif, mais aussi l’évènement dans lequel un discours est produit
ne sont pas seulement liés à des règles internes à ceux-ci, mais doivent beaucoup plus être
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vus par rapport à divers facteurs externes comme l’histoire, l’idéologie des acteurs so-
ciaux ou à d’autres discours qui les influencent et les modifient.
Pour terminer, j’aimerais ajouter que pour ce mémoire qui se base sur une approche criti-
que, il est important de considérer que notre société est caractérisée par des inégalités
sociales et des relations de pouvoirs asymétriques causées par la mondialisation ; on peut
donc affirmer que les événements discursifs sont toujours reliés à ces phénomènes. Par
conséquent, on peut remarquer dans le discours des signes de phénomènes qui structurent
notre société d’une part, et d’autre part, on peut affirmer que c’est le discours lui-même
qui crée des inégalités sociales. En bref, chaque fois que l’on veut comprendre toute
forme de langage, il faut tenir compte de ces conditions de production, notamment de son
contexte social, historique, discursif et idéologique.
1.2.3 L’UE, une institution productrice de savoir
Après avoir introduit la notion de discours qui sera utile pour ma question de recherche,
je vais revenir en premier lieu à l’institution en tant qu´organisation productrice de savoir,
et expliquer l’idée qu’à travers l’analyse du discours on peut comprendre justement les
contraintes liées à son producteur, dans ce cas l’UE.
Pour commencer mon raisonnement, il faut tout d’abord partir de l’idée que toute institu-
tion comme celle de l’UE est productrice de savoir, en d’autres termes, toute institution
représente un contexte qui doit être conçu comme un espace discursif, et à l’intérieur du-
quel on produit des discours.
Mais quel rôle joue le savoir dans une organisation internationale ? Au cours de recher-
ches sur les institutions, on a trouvé un consensus sur le fait que les institutions interna-
tionales modernes sont des machines à produire du savoir (Duchêne 2004). En bref, l’UE
est un espace dans lequel ont produit du savoir, et elle utilise celui-ci pour participer à un
discours préexistant en le modifiant et en le canalisant. Sur la base des réflexions de
Mainguenau (1985, 2002) on doit donc distinguer deux types de discours qui résultent de
deux types d’institutions : tout d’abord le discours constituant, c´est-à-dire un discours
d’expert produit par une institution qui ne reprend pas le savoir d’une autre institution ; ce
sont des espaces discursifs dans lesquels on propose du savoir fondamental comme par
exemple une université ou un centre de recherche, une église ou des centres philosophi-
ques. Un autre type de discours est appelé non-constituant. Dans ce cas, le producteur ne
génère pas un nouveau discours mais reprend celui qui est déjà existant dans notre société
et l’utilise souvent à des fins politiques. On peut montrer cela avec un bref exemple : Le
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phénomène du réchauffement climatique est un sujet qui préoccupe notre société depuis
des décennies; on en a déjà beaucoup dit et écrit sur ce sujet. Pourtant, de nouveaux espa-
ces discursifs et donc aussi de nouveaux discours sont apparus, comme par exemple la
conférence de Kyoto, qui ont mené à d’autres espaces discursifs produisant d’autres dis-
cours dans les Nations unies (NU). Dans ce cas, ce ne sont donc pas les NU et la confé-
rence de Kyoto qui produisent un nouveau discours, contenant du savoir construit à partir
de rien, mais il s´agit beaucoup plus de la reprise d´un discours scientifique préexistant et
de sa modification pour atteindre des objectifs propres à cette organisation. Il faut ajouter
à cela que le phénomène de la mondialisation a mené a une augmentation exponentielle
de ces nouveaux espaces discursifs qui produisent des discours non-constituants, car il
existe de plus en plus le besoin de recueillir du savoir abordant des problématiques au
niveau global, et qui ne peuvent donc être discutées que par des organisations supranatio-
nales. Une des hypothèses que je souhaite soutenir dans ce travail est que l’UE corres-
pond tout à fait à ce type d’organisation que je viens de décrire, qui reprend un discours
préexistant et le modifie pour défendre ses propres intérêts. De plus, il est important de
comprendre que même si ces discours sont repris et modifiés, l’UE a souvent tendance à
présenter son discours comme constituant, comme une vérité absolue, comme du savoir
neutre qui correspondrait à la vérité et à l’ordre absolu du monde. Je montrerai que cela
n’est pas le cas, car le discours produit par l’UE est toujours une représentation de ce que
celle-ci pense d’un sujet, ou pour être plus précis, une synthèse d’un processus de négo-
ciations et de consensus toujours influencé par des intérêts politiques et économiques. De
toute façon, il me semble évident qu´une institution qui détient le pouvoir de produire une
vérité absolue sur notre monde et de présenter cela à la population peut non seulement
persuader le public de ses propres idées, mais également encore plus manipuler et organi-
ser la pensée et la vie d’une société entière. Voilà la nature du discours de l’UE. Par
conséquent, la relation entre discours et institution doit être approché aussi et surtout sous
un aspect qui tient compte d’éléments d’influence du discours au sein de la société.
1.2.4 Les liens entre le discours et l’institution
Avant de passer à une réflexion plus profonde sur le lien entre l’institution et le discours
qu’elle produit, j’aimerais exposer quelques considérations de base. Tout d’abord il faut
impérativement préciser que l’institution se légitime à travers son propre discours (Du-
chêne 2007). C’est-à-dire qu’elle se définit à travers la problématique qu’elle traite,
comme par exemple les NU le font par le discours sur le réchauffement climatique. Le
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fait que l’institution ait reconnu et communiqué que le monde a besoin d’un changement
d’attitude vis-à-vis de la terre et que cet effort ne puisse être fait que par une instance qui
dépasse un gouvernement national, justifie et légitime automatiquement l’intervention
une institution supranationale. On, peut donc dire que les discours de l’institution sont à
la source de son existence. La même chose vaut pour l’UE. Après la Seconde Guerre
mondiale, les pays fondateurs de l’UE ont reconnu que la paix et la prospérité économi-
que doivent revenir en Europe. Par conséquent, cette coopération supranationale se justi-
fie par cette valeur qui s´est propagée dans l’Europe entière. Comme dans le cas précé-
dent, c’est le discours produit qui légitime l’espace discursif; cela signifie que le lien en-
tre l’UE et son discours dépasse l’idée que celui-ci soit seulement un moyen de commu-
nication, une manière de propager ses propre valeurs et idéaux vers l’extérieur. Le dis-
cours de l’UE est beaucoup plus l’élément fondateur de l’institution, et c’est toujours son
discours qui la rend de plus en plus importante dans la communauté internationale, et lui
accorde autant de pouvoir. L’Union est au centre de tout débat politique, les gouverne-
ments membres ne peuvent rien entreprendre sans la consulter. Après avoir exposé ces
réflexions de base, j’aimerais présenter les diverses conceptions existant dans la littéra-
ture spécialisée qui lient l’institution et son discours.
Comme je l’ai déjà expliqué, il faut partir de deux présupposés : tout d’abord, le discours
résulte des contraintes sociales des espaces discursifs dans lesquels il est généré. Ensuite,
le discours légitime et fonde le contexte dans lequel il est produit. A partir de ces deux
idées de départ, j’aimerais dans cette partie expliquer quelles conceptions des discours et
des institutions existent, et ensuite me focaliser sur la conception qui me semble la plus
intéressante pour ma réflexion. En m’appuyant sur la présentation du paysage scientifique
abordant les conceptions du lien entre discours et institution d’Alexandre Duchêne
(2007), il en résulte quatre courants. Premièrement, des études comme celles de Bellier
(1995a, 1997a, 1997b, 1997c, 2000a, 2004), Wilson (1996, 1998) et Abèles (1992, 1993,
1999, 2000) traitent du fait de pouvoir accéder aux structures, à la logique opérationnelle
et aux processus de pouvoir internes de l’institution à travers l’analyse de ce qui est dit
dans cet espace discursif. Il s’agit donc d’une analyse de la langue institutionnelle, et sur-
tout de son aspect sémantique. Le focus repose sur l’institution et sur son fonctionnement
et le langage semble avoir plutôt un rôle de médium auquel on peut avoir accès au moyen
d´instruments langagiers afin de comprendre l’institution. Irène Bellier (2000) se concen-
tre par exemple dans son article The European Union, Identity Politics and the logic of
Interests’ Representation sur le sujet de la création de l’identité et sur la thématique de
14
l’intérêt politique. Elle montre des contradictions dans le projet de création de l’Europe
en s´appuyant sur la relation entre l´identité des acteurs politiques et leurs intérêts politi-
que. C’est une analyse complexe, qui ne se concentre pas seulement sur les relations de
pouvoir au sein de l’UE, mais qui tient également compte d’événements liés aux états
nations, aux lobbies et à l’économie privée. Il s’agit donc d´entrevoir ce qui se trouve
derrière le phénomène de construction de l’UE. Bellier et Wilson (2000) regroupent dans
leur livre une dizaine d’articles sur l’UE ayant cette approche, et visant donc à compren-
dre l´institution à travers la langue institutionnelle.
Une deuxième approche est celle de l’analyse du discours. La représentante majeure de ce
courant est par exemple Maingueneau (1984, 1985, 2002). Elle met l’accent sur le dis-
cours comme élément constituant de l’institution et conçoit le discours comme vitrine,
comme représentation de ce que l’institution veut montrer à l’extérieur. Il est important
de voir ici que le terme « constituant » doit être compris de deux manières. Tout d’abord
il désigne l’idée de fondation, de création, de légitimation d’une institution et puis, il faut
le comprendre comme l’élément qui organise l’institution. Les textes ne sont donc pas
seulement des éléments qui se réfèrent à des événements discursifs, situés dans le
contexte de notre société. Les textes mènent à des événements, organisent l’action dans
notre société, forment et changent l’institution elle-même. En d’autres termes, à travers
l’énoncé d’un discours, l’organisation textuelle et l’organisation institutionnelle de celui-
ci est exposé mais aussi structuré. L’idée de Mainguenau est donc que les institutions ne
peuvent exister que grâce au savoir qu’elles produisent. Elles autolégitiment leur propre
existence à travers les rapports qu’elles produisent et qu’elles font circuler. Contrairement
à ce que l’on vient de voir dans le paragraphe précédent où l’institution elle-même était
analysée, pour ce courant le langage est beaucoup plus concerné.
L’analyse critique du discours (CDA) est au centre d’une troisième approche importante
représentée par des scientifiques comme Wodak (1995, 1999, 2000a, 2000b, 200c,
2000d) et Fairclough (1989, 1992). La CDA comprend le discours comme une pratique
sociale produite dans un contexte spécifique. Celui-ci constitue d’une part l’institution et
d’autre part il se présente à travers son discours. Les changements dans l’institution, un
élément de notre société, résultent toujours de changements du discours. C’est pour cette
raison que, si l´on veut comprendre les changements dans l’institution, on doit analyser
les changements discursifs, ceux-ci formant un élément dans lequel les traces de ce chan-
gement de processus décisionnel peuvent être trouvées. Même si le focus reste sur le dis-
cours, l’objectif est, comme pour l’anthropologie institutionnelle, de faire une analyse de
15
l’institution, de comprendre les processus de pouvoir, les processus décisionnels, et le
fonctionnement opérationnel de l’institution. La particularité de l’approche critique est
naturellement le grand intérêt de ce courant pour les phénomènes de pouvoir qui se mani-
festent dans le discours, et qui sont produits par celui-ci. Il est perçu comme un instru-
ment qui permet aux institutions d’augmenter leur pouvoir dans la société. L’objectif est
de montrer les liens entre les structures sociales et le langage, en montrant leur caractère
fondé sur des mécanismes de pouvoir.
Pour conclure, j’aimerais présenter l’approche sur laquelle je vais baser mes propres ré-
flexions pour ce mémoire, celle de Jan Blommaert (2001, 2004). Celui-ci part de l’idée
que le langage est une notion fondamentale dans notre société, puisqu’on peut remarquer
un effort et un investissement dans le langage de la part de notre société, donc de chaque
individu, de l’économie privée mais aussi des institutions étatiques. C’est pour cette rai-
son que ce langage en société, ou mieux cette parole dans un contexte spécifique, qu’il
appelle discours, doit être analysée et toujours être comprise par rapport à ses conditions
de production. Par conséquent, comme je viens de le montrer dans les chapitres précé-
dents, une analyse du langage doit toujours se situer dans un contexte donné. Quand une
personne parle, elle n´est pas libre de le faire comme elle le veut, mais ce sont beaucoup
plus les règles du contexte dans lequel elle se trouve qui déterminent son discours. Il
conçoit la communication comme influencée par les processus dans notre société, et le
processus le plus important pour nous aujourd’hui est celui de la mondialisation ; il faut
donc toujours analyser la langue dans un contexte de société mondialisée. Ce processus
crée des relations de pouvoir asymétriques et des inégalités. Il faut ainsi comprendre le
langage comme produit dans un contexte dans lequel il s’agit toujours de se placer le
mieux possible, pour tirer profit de ce nouveau système global. Comme je viens de
l’expliquer dans les chapitres précédents, l’institution, dans ce cas l’UE, peut être vue
comme un espace discursif au sein duquel les membres essayent de faire valoir les inté-
rêts de leur propre pays, pour tirer le meilleur parti possible de la globalisation. C’est dans
ce contexte que d’une part Blommaert reprend l’approche critique du langage, et qu´il
élargit d´autre part l’angle d’action de la CDA en mêlant à une approche discursive une
méthodologie ethnographique qui vise à contextualiser le discours dans toutes les phases
de son existence. Contrairement à Fairclough, qui est le père fondateur de la CDA,
Blommaert insiste beaucoup sur une analyse explicite du contexte. Il a en effet un double
focus, d’abord sur le contexte et ensuite sur le discours. Enfin, c’est cette approche du
discours et de l’espace discursif qui me semble la plus pertinente pour l’UE car elle me
16
permet de focaliser mon attention sur les conditions de production du discours, sur les
liens de celui-ci avec le discours, et surtout aussi car elle m´oblige, en recontextualisant
constamment mes données, à toujours me concentrer sur les circulations discursives d’un
espace à l’autre.
1.2.5 Le discours institutionnel à travers sa matérialité
Après avoir essayé de montrer les liens entre l’espace discursif et son propre discours, il
faudra, avant de passer au cadre analytique, faire quelques remarques sur un sujet qui crée
le pont entre mes concepts théoriques et ma méthode d’analyse.
Le discours d’une institution bureaucratique comme celui de l’UE se matérialise à travers
ses documents. En d’autres termes, tout le savoir qu’elle produit circule vers l’extérieur
mais aussi à l’intérieur de l’institution elle-même à travers ses rapports, ses résolutions,
ses débats, ses procès verbaux etc. Deux chiffres tirés du texte d´Alexandre Duchêne
(2004) démontrent l’importance de la documentation et donc du discours produit par une
institution bureaucratique, prenant comme exemple les NU. En 1964, 400 millions de
pages de documents ont été produits, en 1967 déjà 600 millions. Pour l’UE, ces données
valent aussi. C’est pour cette raison que si l´on veut accéder au discours de l’UE, il faut
impérativement passer par sa documentation. La langue dans laquelle le texte est rédigé,
mais aussi les règles de production et les dispositions de copy right, nous révèlent beau-
coup sur le discours présenté et sur l’institution productrice. De plus, à partir de la forme
des discours, on peut faire des liens avec la logique interne de l’institution, son idéologie
langagière et politique. Dorothy Smyth (1990) s’intéresse dans son livre Texts, Facts, and
Feminity à ce phénomène. Selon elle, la manière de laquelle des textes sont produits par
l’institution crée une réalité que l’on ne peut pas mettre en doute, puisque le type de tex-
tes que l’UE produit ne mène pas à un auteur ou à une personne spécifique. Dans le meil-
leur des cas, il mène à une commission ou à un groupe de travail, mais très rarement à des
individus isolés. Officiellement, ils sont produits par une institution ; mais leur langue et
le savoir qu’ils contiennent sont le produit d’une coproduction de diverses personnes. Les
formulations de ces textes sont claires, elles ne donnent pas place à des malentendus, à
des interprétations, mais elles produisent des vérités universelles, que l’on n’ose pas atta-
quer car elles sont écrites, comme on a déjà pu le voir d’une manière absolue, par une
institution qui produit du savoir sur le monde. Ceci montre que les documents des institu-
tions sont fondamentaux pour la position de pouvoir que celles-ci possède dans le monde,
parce qu’ils permettent de créer des vérités qui aident à atteindre les objectifs des espaces
17
discursifs produisant ces documents.
1.3 Recherche des données et cadre analytique Dans ce chapitre, j’aimerais d’abord exposer ma méthode de recherche de données, et
ensuite aborder la réflexion sur les instruments que je dois utiliser pour aborder et analy-
ser ces données.
1.3.1 La recherche des donnés : sélections des extraits et focalisation de l’objet de
recherche
J’aimerais évoquer dans les passages suivants ma recherche de données, qui m’a obligé à
restreindre ma question et à me focaliser sur des éléments précis. C’est aussi ce processus
de recherche de données qui m’a porté à ma question de recherche, c’est pour cette raison
que j’aimerais présenter dans ce chapitre en premier lieu cette procédure et ensuite les
données proprement dites.
La première fois que j’ai rencontré dans mes études le domaine de l’anthropologie institu-
tionnelle, ce fut dans le cadre d’un séminaire à l’université de Bâle sur la linguistique
anthropologique. Cette approche me fascinait beaucoup parce qu’elle me permettait de
faire un lien entre mes études de langues modernes et des processus sociales comme les
conflits, les phénomènes de pouvoir asymétrique et les inégalités sociales, auxquelles je
m’intéresse beaucoup. C’était pendant ces séances que j’ai décidé de choisir un terrain de
recherche pour mon mémoire de licence qui me permettrait de faire le lien entre ces deux
parties de mon idéologie, l’intérêt pour des phénomènes langagiers et la critique de notre
société. Mon attrait pour la question turque s´explique par le grand intérêt que je porte au
conflit entre la minorité kurde et le gouvernement d’Ankara. Il était clair pour moi que je
désirais travailler sur cette notion de conflit, et surtout de résolution de conflit rattaché à
la question de la Turquie. C’est pour cette raison que je me suis tout d’abord intéressé à
l’influence que le monde occidental pouvait avoir sur la résolution de ce conflit interne à
la Turquie et également sur ce que l’on disait et pensait du conflit chez nous. A partir de
ce moment, ma recherche de données a commencé par le simple fait d’être attentif à tout
ce que je lisais et entendais sur ce conflit, me rendant compte du fait que l´on faisait sou-
vent la relation entre celui-ci et les négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE. Par
conséquent, j’ai alors commencé à me servir d´outils de recherche comme Google et Ya-
hoo pour trouver des documents de l’UE sur la Turquie, sans avoir un concept précis en
tête. Cela a été très frustrant pour moi, puisque j’étais confronté à une grande diversité de
18
genre textuels, qui, interprétés les uns indépendamment des autres, n’avaient aucun
contenu sémantique. J’ai décidé alors de faire des recherches sur le site de l’UE pour
trouver des textes officiels sur la Turquie et sur son conflit. En travaillant avec ce site, j’ai
compris que c’étaient les espaces discursifs de la Commission européenne (CE), du Par-
lement européen (PE) et du Conseil qui produisaient le discours sur l’élargissement de
l’UE qui m’intéressaient. Même si je naviguais dans l’hétérogénéité textuelle totale car je
n’arrivais pas à relier les divers textes les uns aux autres, j’étais satisfait parce que j’avais
l’impression d’être arrivé à la source des informations qui me serviraient pour écrire mon
travail. Après quelques jours de lecture, je me suis cependant rendu compte que les textes
que j’avais devant moi étaient loin d’être à la source du processus concernant l’adhésion
de la Turquie. Ils étaient beaucoup plus une représentation langagière de ce que l’UE vou-
lait présenter à l’extérieur, de son discours officiel à travers ses documents. C’est à partir
de ce moment que j’ai vraiment fait le lien avec les travaux de Ruth Wodak, de Monica
Heller, de Marc Abèles et aussi d’Alexandre Duchêne cités dans mon cadre conceptuel.
Ce dernier, plaidait dans ses textes pour une approche du discours par sa matérialité. J’ai
alors commencé à chercher, dans des banques de données sur les sites des divers espaces
discursifs correspondants, tous les textes qui traitaient de l’adhésion de la Turquie. L’UE
mène une politique de transparence ressemblant à celle des NU. Tout citoyen de l’UE a
par décret le droit de consulter tous les documents produits au sein de l’espace discursif
de l’UE, exception faite de ceux qui sont classés confidentiels à cause de leur sensibilité
politique. Tous les textes produits par l’UE à partir de l’année 1993 devraient donc être
accessibles sur le site de l’UE. Pour ceux qui ne sont pas accessibles à cause de leur
confidentialité ou à cause d´une simple omission, on peut faire une demande aux offices
qui sont responsables de l’accès des citoyens à la documentation. Les espaces discursifs
pertinents pour l’adhésion de la Turquie ont chacun un bureau qui s’occupe de ce genre
d’affaire. Normalement, les demandes se font par poste électronique ou par écrit, et on
doit attendre entre 15 et 30 jours pour recevoir une réponse. En général, si le document
demandé n’est pas confidentiel, les responsables envoient le texte par courrier électroni-
que. J’ai vite compris que cette manière de procéder ne me permettrait pas d´avancer, car
chaque jour je trouvais des centaines de nouveaux documents. C’est la raison pour la-
quelle j’ai essayé de m’informer sur l’histoire de l’adhésion de la Turquie, et j´ai constaté
que l’espace de temps entre l’année 1999 et l’année 2004 était le plus important pour les
questions de l’élargissement moderne de l’UE, et surtout pour le cas spécifique de
l’adhésion de la Turquie. Je me suis concentré surtout sur l’année 1999, qui représentait
19
l’accord officiel à la Turquie du statut de candidate de la part de l´UE. Ensuite, en 2002,
le Conseil a décidé qu’en 2004 on pourrait fixer une date pour l’ouverture des négocia-
tions. Et pour terminer l’année 2004, qui a marqué la décision d’ouvrir les négociations
d’adhésion en 2005. J’avais ainsi déjà restreint mon terrain de recherche, et j’ai commen-
cé à recueillir tous les textes que je trouvais de ces trois années mentionnées. Comme
j’avais l’impression de ne pas trouver tous les documents nécessaires, et que les respon-
sables de bureaux ne pouvaient pas m’aider puisque je ne savais pas moi-même ce que je
cherchais, j’ai décidé d’aller à Bruxelles et à Luxembourg pour voir sur place si je pou-
vais trouver dans les archives des textes qui auraient pu m’intéresser. C’est à ce moment
là que j’ai commencé à cerner la dimension non seulement de mon sujet d’investigation
qui n’était pas du tout défini, mais aussi de cette institution immense, et que j´ai réalisé,
après des discussions avec des archivistes et des fonctionnaires du PE qu’une recherche
plus poussée ne m´apporterait rien avant que je n’aie décidé de ce que je voulais en faire.
J’ai donc approfondi la lecture de mes textes et j’ai vite constaté que certains types de
documents avaient plus d’importance que d’autres, que certaines thématiques revenaient
plus souvent que d´autres et qu’il existait des liens entre les espaces discursifs et les textes
qui attiraient mon attention. À travers cette lecture j’avais l’impression de commencer à
comprendre le fonctionnement de l’UE. Pour cette raison, j’ai choisi les genres textuels et
les thématiques qui me semblaient les plus importants pour le discours sur l’adhésion de
la Turquie, c´est-à-dire les rapports de la CE, les propositions de résolution et les résolu-
tions du PE, les amendements, les débats parlementaires, les débats au sein du Conseil
européen et pour terminer les Conclusions de la Présidence du Conseil européen. J’ai es-
sayé de mettre en évidence les passages qui semblaient être les plus importants, les plus
discutés et controversés. Contrairement à mes attentes, la problématique la plus présente
était le conflit à Chypre, c’est pour cela que j’ai laissé de côté le conflit interne kurde et
que je me suis dédié à cet autre différend. Par conséquent, les liens entre ces divers textes
et genres textuels, mais aussi le placement et l’importance du texte dans son espace de
production, et enfin sa forme et son contenu, que je décrirai dans la présentation détaillée
de la documentation dans les chapitres analytiques, m´ont mené à une focalisation de mes
questions de recherche que je viens de présenter tout au début de cette introduction et qui
représentent le fil conducteur de mon travail. Ces questions doivent toujours être interpré-
tées par rapport à l’objectif de mon mémoire qui est de comprendre le fonctionnement de
cette institution unique dans son genre. J’ai donc essayé de rechercher mes documents de
façon beaucoup plus précise à fin d’obtenir des renseignements complets sur les années
20
que je voulais analyser. Mon processus de récolte et de choix de mes données a continué
aussi pendant mon analyse, car j’ai observé après peu de temps qu’il y avait un facteur
que je n’avais pas considéré. C’était celui de la langue des documents. Comme ceux que
je présenterai sont traduits dans toutes les langues, il fallait se demander dans quelle lan-
gue choisir et présenter les textes. J’ai décidé que toutes les fois où j´avais le choix,
j’opterais pour le français, à cause de la langue de mon travail, et que je choisirai dans les
autres cas, c’est-à-dire quand une version française manque, l’allemand ou l’anglais.
Dans ce chapitre, j’ai donc essayé de montrer que même si la recherche et la sélection des
données semble être à première vue une opération négligeable pour mon travail, elle est
en réalité fondamentale non seulement pour la réussite de la présentation des données
choisies, mais aussi et surtout pour la recherche de la question de ce travail; j´y ai attaché
une grande importance.
1.3.2 L’analyse du contexte, une méthode capital
Avant de m’occuper de l’analyse du discours dans sa matérialité, j´aimerais tout d´abord
évoquer l’approche des conditions de production du discours et des données.
Comme je viens de l’expliquer dans les chapitres précédents, une analyse du discours,
comme celle de ce travail, doit toujours tenir compte du contexte et doit donc être précé-
dée par une analyse de celui-ci. Le terme de contexte, que j’aimerais théorétiser dans ce
chapitre et que j’utiliserai tout au long de mon travail, va plus loin que la simple idée d’un
évènement discursif ou d’un espace discursif. Le contexte est à mon avis beaucoup plus
complexe. La définition de John Gumperz (1992) va tout à fait dans ce sens quand il dit
que « Contextualisation comprises all activities by participants which make relevant,
maintain, revise, cancel […] any aspect of context which, in turn, is responsible for the
interpretation of an utterance in its particular locus of occurrence ». De ce fait, une ana-
lyse du contexte signifie pour moi deux choses : le terrain proprement dit et la personne
qui l’analyse. C’est une relation dialectique entre le chercheur et son terrain. Je suis per-
suadé du fait qu´en tant que chercheur, je fais moi-même partie de ce contexte. Le cher-
cheur porte avec lui un bagage de savoir, d’expérience, sa motivation, sa croyance, c’est à
dire son idéologie politique mais aussi scientifique. Il faudrait en plus ajouter des élé-
ments qui sont strictement liés au travail qu’il est en train de faire. Cela signifie, concrè-
tement, des éléments techniques comme par exemple le temps dont il dispose,
l’institution dans le cadre de laquelle l’analyse est faite, les moyens techniques qu’il a
disposition etc. Ceci me permet de montrer que le chercheur, en tant que personne qui
21
s’intéresse au sujet analysé, a une influence sur les résultats de l’analyse. L’approche de
celui-ci n’est donc jamais neutre et on trouve toujours une subjectivité dans des travaux
scientifiques. Cette subjectivité, et ceci est très important, modifie la signification des
données, elle doit être conçue comme partie intégrante du contexte, parce qu’elle me
permet de choisir des extraits, de repérer des passages importants et elle me fait interpré-
ter les données. C’est pour cette raison que j’insiste sur le fait que le chercheur doit clari-
fier sa position vis-à-vis du sujet d’investigation.
La deuxième partie du contexte est strictement liée au terrain. Je viens de dire que
l’intérêt d’une approche critique est toujours lié aux processus de pouvoir, aux créations
d’inégalités etc. au sein de l’institution. Mais chaque institution a ses propres particulari-
tés, elle est un microcosme qu’on ne peut pas toujours comparer avec un autre. C’est pour
cela qu’il faut tout d’abord comprendre les fonctionnements internes de l’institution, no-
tamment les règles opérationnelles, la politique interne, les processus décisionnels, les
conflits, la formation de consensus, les questions d’idéologies et d’identité, les questions
d’inégalité sociale, le rôle de la production de documents etc. au sein de l’institution, mais
aussi des facteurs qui à première vue semblent plus simples comme l’utilisation des lan-
gues, le placement géographique des bâtiments, les processus de travail, la méthode de
communication avec le public, mais aussi les stratégies internes de communication. Mes
considérations sur l’UE ne se baseront pas sur un travail ethnographique, ce type
d’approche très utile pour mon questionnement aurait débordé le cadre d’un mémoire de
licence, et devrait beaucoup plus faire l’objet d’un projet d´étude d´une équipe de cher-
cheurs. Je tirerai mes informations d’études d’anthropologie institutionnelle qui traitent
l’UE (Abèles 2000).
Avant de présenter les instruments d’analyse textuelle, il faudra ajouter au moins trois
éléments à ce que je viens de dire: tout d’abord précisons que les évènements discursifs
sont toujours à situer dans un contexte sociopolitique, notamment temporel. Cela signifie
concrètement qu’on doit absolument tenir compte des évènements politiques, économi-
ques, sociaux, mais aussi culturels qui entourent l’évènement discursif en question. En-
suite il ne faut pas négliger le fait que le discours existe toujours parallèlement à d’autres
discours, qui font eux-aussi partie du contexte et qui s’influencent mutuellement. Finale-
ment il faut toujours traiter le discours dans son évolution temporelle.
22
1.3.3 Les instruments analytiques
Des réflexions que je viens de présenter, résultent toute une série de questions que je de-
i me
itions de production et
- tualité ?
ace discursif dans lequel il a été produit ?
Comment les données font-elles référence à des éléments qui ne sont pas pré-
analyse au niveau du contenu mais aussi au niveau de la forme, c’est-à-dire il
vra poser en analysant mes extraits :
- Quelle est la place de l’extrait à l’intérieur de l’espace discursif et du discours
présenté ?
- Que dit implicitement ou explicitement le texte sur les cond
les contraintes auxquelles il est lié ?
- A quels événements et espaces discursifs fait-il référence ?
Quelles informations nous donne le texte sur sa tex
- Quel sont les liens reconnaissables entre le texte et les structures opérationnelles
de l’esp
-
sents?
Pour établir le lien entre le discours et ses conditions de production et donc pour répondre
à ces questions, il s’agit en effet de repérer dans les textes des traces, des marques de tex-
tes qui se réfèrent soit à lui-même, soit à son contexte. Il faut donc constamment être à la
recherche de contradictions, de reformulations, d’idées qui reviennent, d´éléments non-
évoqués, de liens avec d’autres textes ou d’autres espaces et événements discursifs. En
d’autres mots, je serai attentif aux manifestations d’intertextualité (Bakhtin 1981), qui
résultent de la circulation du discours, donc aux phénomènes de reprise d’un discours par
un autre. Il faut également rechercher des marques textuelles à proprement parler, no-
tamment les métaphores, les structures grammaticales, les champs sémantiques etc. qui
indiquent les éléments discursifs que je viens de présenter. Pour finir, il sera important de
faire une
faudra par exemple relier la mise en page des documents avec l’espace discursif qui les
produit.
Avant de passer au prochain chapitre, j’aimerais clarifier deux éléments sur la présenta-
tion des extraits dans les chapitres analytiques. D’abord, ce mémoire, n’ayant pas comme
objectif de faire une étude sur le plurilinguisme à l’intérieur de l’UE, ne tiendra pas en
considération l’analyse des documents dans leur langue originale. D’une part parce que
souvent la langue originale n’est pas indiquée par les auteurs et d’autre part parce que
mes réflexions se basent sur l’extrait que je présente dans mon texte. Ce n’est que la lan-
23
gue de l’extrait exposé qui sera pertinente. Les langues employées seront le français et
l’allemand. Ensuite, comme je viens d’expliquer, mes analyses seront faites sur la base
d’extraits de document et non pas de l’originale, en d’autres termes, mes extraits ne se-
ront pas une représentation exacte du document original, je n’emploierai pas la même
mise en page, ce seront par contre des citations. Finalement, en bas à gauche je vais indi-
quer le code du document pour faire référence à son originale (Le RTP1999 et le CC1999
n’ont pas de code. Apparemment, les documents produits avant l’année 2000 n’étaient
pas dotés d’un code, probablement parce que ce type d’archivage n’avait pas encore été
troduit. C’est pour cette raison que je vais utiliser dans ce cas les abréviations RTP1999
deux documents).
e mon questionnement et l’intérêt scientifique de mon
sifs présentés dans le chapi-
e 2. Pour terminer, je répondrai dans le chapitre 6 à ma question initiale, et je tirerai mes
conclusions des analyses faites dans les chapitres précédents.
. Les conditions de production du discours sur l’adhésion de la
d’exposer d’abord l’évolution historique de
UE et de son discours sur l’adhésion de la Turquie, et de décrire ensuite les espaces dis-
in
et CC1999 pour faire référence à ces
1.4 La structure du mémoire Après avoir exposé l’importance d
mémoire d’une part, et mon cadre conceptuel d’autre part, j’aimerais organiser la suite de
ce travail de la manière suivante :
Le chapitre 2 présentera une description de l’UE, concrètement des espaces discursifs qui
représentent le contexte et les conditions de production des discours de l’UE, et qui sont
significatifs pour le discours sur l’adhésion de la Turquie. Ensuite, les chapitres 3 à 5 dont
le questionnement et l’objectif résultent en quelque sorte de mon cadre conceptuel, doi-
vent être conçus comme la partie principale de mon travail, où je montrerai à travers
l’analyse d’extraits le fonctionnement des trois espaces discur
tr
2Turquie
Comme je viens de l’expliquer dans les chapitres précédents, le discours doit être conçu
par rapport à son contexte institutionnel et historique. Par conséquent, une analyse du
discours ne peut être fondée que sur une analyse approfondie des conditions de produc-
tion institutionnelles, mais aussi sur une analyse de l’historicité du discours, que je consi-
dère comme étroitement liée à l’histoire de l’institution elle-même. C’est la raison pour
laquelle j´essaierai dans les chapitres suivants
l’
24
cursifs dans lesquels ce discours est produit.
tions de production. Ce sont finalement
e, pour montrer que la naissance de l’UE ressemble beaucoup à celle d’autres
ie de toute institution
2.1 La généalogie de l’UE Je suis persuadé qu’un terrain comme celui de l’UE ne peut être approché en premier lieu
que sous un angle historique. Si cet angle d’approche implique une réflexion sur la généa-
logie du terrain, il implique aussi une réflexion sur les conditions de production de son
discours, et finalement sur le lien entre ce développement et les événements qui ont mar-
qué l’histoire de l’institution. En d’autres mots, l’historicité du discours ne peut pas être
dissociée du changement historique de ses condi
les relations historiques entre l’UE et son discours sur la Turquie qui nous font mieux
comprendre l’UE et son discours en tant que tel.
Cependant, avant de m’occuper de l’histoire de l’UE, j’aimerais faire quelques considéra-
tions générales sur la généalogie des institutions internationales et leur rapport avec
l’histoir
institutions, mais en même temps pour souligner que c’est son objectif qui la rend diffé-
rente.
Paradoxalement, ont doit lier la genèse des institutions internationales à la naissance des
nations au XIXe siècle. Il existait déjà à l’époque des conférences internationales entre
divers États, où l´on signait des contrats de coopération internationale. Une des premières
organisations internationales fut la Société des Nations. Fondée après la Première Guerre
mondiale, elle avait pour but d’assurer la paix dans le monde. Sur les bases de cette orga-
nisation, c’est après la Seconde Guerre mondiale que furent constituée les NU avec
l’objectif de corriger les faiblesses et l’inefficacité de la Société des Nations et donc
d’assurer la paix non seulement en Europe mais dans le monde entier. A l’époque, le but
principal des NU était de rédiger un texte qui fixait et qui protégeait les droits de
l’homme. C’était donc une réaction aux actes terrifiants commis pendant la Seconde
Guerre mondiale, c´est-à-dire que « The concept of « human rights » legitimated an insti-
tutional logic that aimed to establish rules that could be applied transnationally by defi-
ning rights that override cultural differences.». Ce passage, écrit par Muehlmann et Du-
chêne (2007), est fondamental pour la compréhension de la généalog
internationale, puisqu´il clarifie qu’elles se définissent et se légitiment toujours à travers
un concept ou une problématique traités par l’institution elle-même.
Pour l’UE, on peut observer un processus de genèse assez similaire à celui que Duchêne
et Muehlmann décrivent dans leur article. L’institution qui a mené à l’UE d’aujourd’hui
25
est née quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, précisément le 9 mai
1950, par la fondation de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, dont la
fonction était l’ouverture du marché commun du charbon et de l’acier. Mais au-delà des
intérêts économiques, l’élément le plus important était qu´entre les 6 pays fondateurs,
notamment la Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la France, l’Italie, le
Luxembourg et les Pays-Bas, on trouvait des vainqueurs et des vaincus de la Seconde
Guerre mondiale. La légitimation de cette Communauté était donc en réalité le maintien
de la paix en Europe. Son succès mena en 1957 à un changement de nom en CEE (Com-
munauté économique européenne). C’était la conséquence de la volonté d’élargir le mar-
ché commun à d’autres biens et aussi à d’autres pays, qui au fur et à mesure ont adhéré à
la communauté. En 1975, on avait dépassé les seules fonctions économiques de
l’institution pour introduire des mesures sociales, environnementales et régionales com-
munes par la création du Fonds européen du développement régional. Le premier pas en
direction de l’institution telle qu´on la connaît aujourd’hui a été franchi en 1979, lorsque
fut instauré pour la première fois le PE. Après un grand scepticisme vis-à-vis de l’UE
dans les années 80, après la chute du mur de Berlin et la démocratisation des pays de
l’est, l’UE fit en 1991 le pas décisif vers l’institution d’aujourd’hui. Les chefs d’États
signèrent le traité de Maastricht, qui entra en vigueur en 1993 et représentait un nouveau
traité ajoutant à la communauté économique préexistante un système de coopération entre
les divers gouvernements membres, et marqua donc la naissance officielle de l’UE. Dans
les années 1990 et le nouveau millénaire l’UE s’agrandissait ultérieurement, surtout avec
l’adhésion de pays scandinaves et de l’Europe de l´est. Enfin, il ne faut pas oublier
l’introduction de l’euro en 2002 qui constitua une étape capitale pour la cohésion euro-
péenne non seulement économique mais aussi sociale et culturelle.
Ce résumé de l’évolution de l’UE peut ressembler à première vue à une liste arbitraire
d’événements historiques de la seconde moitié du siècle précédent. On me reprochera
d’avoir énuméré des moments de l’histoire européenne comme dans une chronique ou
dans une liste quelconque. Cette liste m’aidera cependant à expliquer trois éléments im-
portants qui doivent d’abord être vus séparément mais qui en même temps sont interdé-
pendants. Tout d’abord, l’UE se définit dès le départ comme une institution qui se légi-
time à travers l’idée de paix, de sécurité et de prospérité. D’une part, elle a été fondée
pour atteindre cet objectif, et d’autre part elle travaille toujours pour y aboutir. Ensuite,
son développement est influencé par l’histoire, la Seconde Guerre mondiale, la Guerre
froide, la chute du mur de Berlin. Finalement, les événements discursifs qui mènent à ce
26
développement influencent l’histoire elle-même ; l’institution a donc des répercussions
sur les événements non seulement sociopolitiques, mais aussi sur leur contexte culturel,
économique et environnemental européen. En bref, il existe un dialogue entre l’UE et son
contexte historique, une influence mutuelle qui en même temps a des répercussions déci-
sives sur l’objectif, sur la fonction et donc sur la nature et la légitimation de l’UE elle-
même. On passe alors d’une communauté qui est symbole de paix au sein de l’Europe
après la Seconde Guerre mondiale à un espace de circulation libre de biens dans les an-
nées 60 et 70, pour revenir à la fin des années 80 et aux début des années 90 à une organi-
sation visant la stabilité politique dans le continent, aboutissant à la fin des années 90 et
au début du nouveau millénaire à une UE qui se veut exportatrice de prospérité, de démo-
cratie et de paix. En résumé, au-delà d’une simple chronique d’évènements, une approche
historique de l’institution permet de comprendre l’importance que celle-ci a pour la socié-
té et de quelle manière elle influence cette société et vice versa. Ce phénomène
’interdépendance entre l’institution, son discours et son contexte sociopolitique sera pré-
l’évolution du discours sur l’adhésion de la Turquie qui précédent la pé-
d
cisé dans le chapitre qui suit.
2.2 Le discours sur l’adhésion de la Turquie, à travers son historicité Je viens d´exposer dans mon cadre analytique ma décision de focaliser mon attention seu-
lement sur une période précise du discours sur la Turquie, précisément sur la période si-
tuée entre les années 1999 et 2005. Pourtant, pour la compréhension de cette période et
des évènements discursifs qui en résultent, il ne faut pas perdre de vue le discours tout
entier. C’est pour cette raison que je présenterai brièvement les événements discursifs
importants pour
riode qui m’intéresse, pour ensuite traiter des événements survenus entre l’année 1999 et
l’année 2005.
La genèse du discours de l’UE sur l’adhésion doit être considérée en relation avec
l’histoire de l’institution. En effet, les premiers contacts entre la Turquie et l’UE se si-
tuent vers la fin des années 50 dans le cadre de la demande de la Turquie de faire partie
de l’espace Économique européen de circulation libre des biens, la CEE, en 1959. Cet
événement devait être conçu comme l’événement discursif qui ouvrit les relations diplo-
matiques entre l’UE et la Turquie. Cette dernière souhaitait à l´époque profiter de
l’élargissement à d’autres biens et à d’autres pays de la CEE. Cette demande mène à la
signature en 1963 du protocole d’Ankara, dont l’objectif était d’accorder à la Turquie un
statut qui lui permettait d’avoir des relations économiques privilégiées avec les pays
27
membres de la CEE. Cette signature représente le premier pas important vers l’adhésion à
l’UE. En revanche, cela n’impliquait à l´époque en aucun cas une adhésion à la CEE.
Après 24 ans de partenariat économique, c’était en avril 1987 que la Turquie a postulé
officiellement pour pouvoir adhérer à l’UE, et fit donc un réel pas politique vers l’Europe.
Parallèlement à l´euroscepticisme que je viens de citer et qui est la cause d’un manque
d’évolution de l’UE à la fin des années 80 et au début des années 90, le discours sur
l’adhésion de la Turquie était caractérisé par une stagnation. Ce n’est qu’à la fin des an-
nées 90, plus précisément en 1997, que dans le cadre de la préparation du grand élargis-
sement à l’est d’une part et de la rédaction de la constitution européenne d’autre part, que
le Conseil européen de Luxembourg déclare la Turquie capable d´adhérer à l’UE. Deux
années plus tard, en décembre 1999 à Helsinki, le Conseil de l’UE attribua à Ankara pour
ivers états indépen-
uxième : le Conseil de l’UE décida le 17
la première fois le statut de candidat à l’adhésion et la mit de cette manière sur le même
plan que les autres pays candidats.
Mon analyse du discours part de cet évènement discursif. Comment expliquer ce choix ?
Si celui-ci est complètement subjectif, il peut et doit être expliqué par ma quaestio elle-
même. Comme je viens de le montrer dans le chapitre sur mon approche méthodologique,
les choix d´un chercheur dépendent entièrement du terrain, du sujet d’investigation, mais
aussi et surtout de sa propre croyance. La période située entre 1999 et 2005 représente un
changement progressif du statut de la Turquie par rapport à l’UE. Elle symbolise en
même temps un changement identitaire important de l’institution, qui dépasse avec l’euro
et sa politique communautaire son statut d’institution visant la stabilité de l’Europe. Elle
devient ainsi une organisation exportant ses propres idéologies et se présente à la com-
munauté internationale comme un acteur unique et non plus comme d
dants. Finalement, la transformation de l’image ou du statut de la Turquie au sein de l’UE
doit être reliée directement aux changements que je viens d’évoquer.
A présent, pour bien comprendre dans quelle direction évolue la représentation du pays
candidat par l’UE entre 1999 et 2004, on peut mettre en relief les trois moments les plus
importants que je viens de citer dans le chapitre sur la recherche des donnés. Tout
d’abord, il faut tenir compte du Conseil de l’UE en décembre 1999 à Helsinki, où pour la
première fois on attribua à la Turquie un statut de candidat. Un deuxième événement
marquant est le Conseil européen du 13 décembre 2002 à Copenhague. Celui-ci se don-
nait un temps d’action et décida de l’ouverture possible des négociations en 2005, à
condition qu’en 2004 la Turquie soit conforme aux critères politiques de Copenhague. Le
troisième événement discursif résulte alors du de
28
décembre 2004 à Stockholm d’ouvrir les négociations en octobre 2005, qui seront effecti-
vement ouvertes le 3 octobre 2005 à Bruxelles.
Ces événements discursifs nommés ne peuvent pas être pensés et analysés séparément car
une logique interne les relie. L’un résulte automatiquement de l’autre. De plus, il sera
important pendant l’analyse des extraits de les contextualiser constamment, et de ce fait
de montrer l’interdépendance de ces textes non seulement avec les événements discursifs
ue je viens de nommer, mais aussi avec d’autres événements liés avec le discours sur
i-
98) et de Marc Abèles (1992, 1993, 1999,
ans les prochains paragraphes, j’aimerais présenter et expliquer les divers espaces dis-
q
l’adhésion de la Turquie.
2.3 L’Union européenne et ses espaces discursifs Après avoir parlé du contexte sous un angle d’approche historique, l’objectif de ce chap
tre est de présenter et comprendre l’UE et ses divers espaces discursifs et plus précisé-
ment de cerner les conditions de production institutionnelle du discours sur la Turquie.
Comme je viens de l’annoncer en haut, les réflexions qui suivront ne sont certainement
pas fondées sur une étude ethnographique approfondie du terrain. C’est pour cette raison
que mes informations se baseront sur un axe triple. Elles résultent premièrement de mes
observations faites pendant mon séjour à Luxembourg et à Bruxelles, et deuxièmement de
recherches sur le site web de l’UE. Je me rends bien compte que ces observations, mais
aussi les informations présentées sur ces sites, sont seulement une représentation de ce
qui ce passe à l’intérieur des espaces discursifs. Pourtant, comme je l’ai déjà expliqué
auparavant, mon objet d’analyse, c´est-à-dire mes données textuelles et mes observations,
sont toujours une représentation du monde, mon objectif n´étant pas de faire une analyse
d’une vérité, s’il en existe une. C’est pour cette raison que je pense que cette manière
d’approcher le terrain est tout à fait pertinente. Et troisièmement, des études ethnographi-
ques très approfondies sur l’UE d’Irène Bellier (1995, 1997a, 1997b, 1997c, 2000a,
2000b, 2004) de Thomas Wilson (1996, 19
2000), m’ont donné beaucoup d’informations supplémentaires et me permettront de com-
pléter et clarifier les processus et les phénomènes anthropologiques de cette institution,
qui sont à la base du discours institutionnel.
D
cursifs, la CE, le PE et le Conseil européen, qui sont à la source des discours sur la Tur-
quie au sein l’UE en me basant surtout sur les questions suivantes:
29
a) Quelle place cet espace occupe-t-il dans l’institution toute entière, et quels liens a-t-il
vec les autres espaces de l’UE et avec les gouvernements membres ?
) Quelle importance le discours a-t-il sur la Turquie dans cet espace?
a
b
c) Comment fonctionnent les démarches de production discursive au sein de l’espace?
2.3.1. La Commission européenne, productrice d’un discours constituant ?
J’aimerais commencer par présenter tout d’abord l’espace discursif de la CE, puisqu´elle
représente à mon avis l’idée européenne, dans le sens que son objectif doit constamment
être de faire le bien de l’UE entière sans privilégier aucune nation membre. A travers ce
principe, on voit déjà l’existence de cet espace légitimé, et sa place au sein de l’UE clari-
fiée. Grâce à sa neutralité, elle contribue à faire progresser l’institution entière en mettant
en pratique les lois adoptées et les décisions prises par le Parlement et par le Conseil. De
plus, elle joue le rôle de gardienne neutre des traités et défend les intérêts de l’UE vers
l’extérieur. Au-delà de ce rôle de représentante, elle a aussi le droit d’initiative, c’est-à-
dire qu’elle élabore des propositions de nouvelles lois, qu’elle doit soumettre au PE et au
Conseil. La circulation discursive entre les divers espaces de l’UE est assurée à travers la
participation d’un délégué de la CE à toutes les sessions plénières du PE. Elle y doit tenir
compte des directives politiques et des initiatives du PE et répondre aux questions écrites
et orales de chaque parlementaire. De plus, elle travaille constamment avec les membres
du Conseil et d’autres organes. Cependant, pour souligner le caractère partial de la CE,
j’aimerais me concentrer sur l’organisation interne de celle-ci. Cet espace est organisé de
manière très hiérarchisée. Son président est désigné pour cinq ans par les gouvernements
des États membres, donc par le Conseil européen, et doit être approuvé par le PE. Le reste
de la CE est composé de 27 commissaires, eux aussi désignés pour cinq ans, des hommes
et femmes qui sont quant à eux choisis par le Président de la CE. Il est important de sa-
voir que les commissaires sont responsables de 40 directions générales, celles-ci étant
organisées en diverses directions dans lesquelles travaillent environ 24 000 fonctionnai-
res. La CE se réunit au moins une fois par semaine, décide du programme de travail et
discute des résultats produits par les directions générales. Ainsi, cet espace vu de
l’extérieur ressemble beaucoup à une institution homogène, presque à une grande entre-
prise qui suit un objectif et représente une idéologie économique. Cela peut être égale-
ment montré dans les textes de la CE, dans lesquels toute trace d´hétérogénéité idéologi-
30
que, de sous-espaces discursifs, notamment d’auteurs ou de groupes de travail, de proces-
sus décisionnels etc. sont effacés. Pourtant, comme souvent dans les grandes entreprises,
les personnes qui travaillent à la CE suivent leurs propres objectifs. Concrètement, même
si les commissaires, mais aussi les fonctionnaires ne représentent officiellement aucun
membre de l’UE, il faut bien voir que ces candidats sont toujours des personnages ancrés
dans le monde politique des nations originaires. Il suffit de donner pour exemple le prési-
dent Romano Prodi, qui était le Président de la CE pendant la période qui m’intéresse.
Pendant son mandat, il était officieusement le chef de l’opposition au gouvernement Ber-
lusconi. Aujourd´hui, il occupe le poste de chef du gouvernement italien. C’est pour cette
s deux
raison qu’il faut mettre en cause cette indépendance non seulement du Président, mais de
tous membres et fonctionnaires de la CE, car même s’ils travaillent pour l’UE, ils défen-
dent en même temps leur idéologie nationale et politique et sont influencés par celle-ci.
A l’intérieur de la CE, les négociations avec la Turquie doivent être situées avant l’année
1999 au sein de la direction des affaires extérieures (RELEX), qui était chargée des rela-
tions avec les pays non-membres de l’UE. À partir de l’année 2000 le dossier passe à la
direction de l´élargissement. Ce changement est très important, puisqu´elle nous révèle le
vrai statut de la Turquie jusqu’à l’année 1999. Si d’une part on parlait déjà avant cette
date de candidature de l’adhésion de la part de la Turquie, ceci restait aux yeux de l’UE
une affaire de politique étrangère qui en principe n’avait rien à faire avec l’institution
elle-même. Par contre, après 1999, lorsque la Turquie a été considérée officiellement
comme candidate, le dossier est passé à la direction de l’élargissement. Donc, ce
directions légitiment en principe leur existence par le fait de défendre les intérêts de l’UE
comme institution, et non des gouvernements membres, en mettant en œuvre les décisions
prises par les autres organes de celle-ci et en assurant le progrès des négociations.
A présent, il est important pour mon travail de comprendre quelle démarche de produc-
tion discursive existe dans cet espace et quelle importance on lui attribue. Tout d’abord il
faut dire que la CE et ses directions produisent constamment des discours sous forme de
rapport, d’expertise, d’évaluation etc. Dans le cas de la Turquie, les fonctionnaires de la
CE vont sur le terrain, ils observent, écrivent des rapports, maintiennent des relations
constantes avec l’administration locale, lancent des projets etc. Chaque année, les analy-
ses de la CE aboutissent à un document nommé le Rapport régulier sur les progrès de la
Turquie sur la voie de l’adhésion. Ce document, qui est fondamental pour ma réflexion,
est envoyé ensuite au PE et au Conseil européen, sur la base duquel ces deux institutions
préparent et mènent leur débat. Dans ce cas également, le rapport de la CE représente une
31
espèce d’expertise, un miroir de ce que ce passe en Turquie, de ses progrès et de ses ef-
forts. Pour l’UE, il est fondamental d´avoir un espace qui produit du savoir sur la Tur-
quie, sur lequel elle peut s’appuyer et baser son processus décisionnel. Tout de même, il
me semble essentiel de remarquer que même si la CE a toujours tendance à présenter son
produit comme un discours constituant, comme on pourra le constater dans l’analyse des
données, il ne l´est pas en réalité. C’est beaucoup plus un discours qui est influencé par
d’autres institutions comme les NU ou l’OTAN. Elle reprend et elle s’appuie sur les rap-
surtout par le fait que contrairement aux
utres espaces discursifs dans lesquels sont représentés les États membres, celle-ci pré-
uencé par des intérêts natio-
ts des partis politiques des États membres et des partis politiques euro-
ports de ces autres organisations et en fait son propre discours en mêlant ces données avec
les siennes. On remarque donc des circulations de discours, qui nous révèlent beaucoup
sur la place et l’importance de la CE au sein de l’UE.
En bref, la CE justifie son existence dans l’UE
a
tend produire du savoir neutre à travers ces rapports, non-infl
naux et au service de la cause de l’UE entière.
2.3.2 Le Parlement européen, le représentant du peuple ?
Le PE, qui se trouve à Strasbourg et à Bruxelles, est un espace qui ressemble moins aux
autres organismes de l’UE. C’est le peuple des pays membres qui élit tous les cinq ans les
parlementaires, il est donc plus démocratique que les autres organes, mais a en même
temps moins de pouvoir que les autres espaces. Les sièges sont répartis proportionnelle-
ment à la population des pays membres. Concrètement, les pays les plus représentés sont
l’Allemagne avec 99 sièges, la France, le Royaume-Uni et l’Italie avec 78 sièges, et les
pays les moins représentés sont Malte avec 5 sièges et le Luxembourg avec 6 représen-
tants. De plus, le PE peut être divisé en divers sous-espaces discursifs, notamment des
commissions parlementaires fixes, des commissions parlementaires temporelles, des dé-
légations parlementaires et enfin des groupes politiques. Les groupes politiques les plus
importants quantitativement sont le PSE, le groupe du Parti socialiste européen, et le
PPE-DE, le groupe du Parti populaire européen et des Démocrates européens. Ces grou-
pes sont distinc
péens, même s’ils sont naturellement liés à eux. En bref, on peut dire que le PE se légi-
time à travers sa représentation du peuple, donc à travers la diversité nationale et idéolo-
gique de l’UE.
Lors d´un rendez-vous, une fonctionnaire de la direction du RELEX de la CE m’a confié
une chose assez marquante concernant le statut du PE. Nous étions en train de discuter
32
sur la manière de se procurer des documents quand elle affirma qu’à son avis, il était
beaucoup plus facile de trouver des documents concernant les débats au sein du PE que
ceux de la CE ou du Conseil, car le PE était beaucoup plus démocratique. En
m’expliquant cela, elle fit un signe de la main, comme si elle voulait me signaliser que le
PE n’avait rien à dire au sein de l’UE. Je ne sais pas quelle valeur il faut attribuer à une
telle déclaration, mais de toute façon cette impression s’est ajoutée à une série d’autres
que j´avais déjà eues, allant dans le même sens. Dans divers rapports et discours que j’ai
lu, le PE se plaignait souvent du fait que cette institution perdait de plus en plus de pou-
voir et qu’elle ne se sentait pas assez prise au sérieux par les autres institutions de l’UE.
En vérité, le PE a un triple rôle au sein de l’UE : Il a tout d´abord un pouvoir décisionnel
sur le budget qui est préparé par la CE et le Conseil, ensuite il contrôle la CE et le
Conseil, et enfin il est co-législateur avec le Conseil. Ils existent deux types de procédures
décisionnelles. 75% des lois européennes sont adoptées conjointement par le Conseil eu-
yée ensuite au Conseil qui prend
ropéen et par le PE, donc celui-ci a le même poids décisionnel que le Conseil. Au niveau
des questions sur l’élargissement par contre, le rôle du PE est assez restreint puisque le
Conseil doit consulter ce dernier mais peut ne pas tenir compte de sa décision.
Pour bien comprendre le discours de cet espace sur l’adhésion de la Turquie, j’aimerais
expliquer le rôle du PE par rapport au processus décisionnel concernant l’élargissement,
en montrant comment la production discursive se référant à l’adhésion de la Turquie
fonctionne. Tout d’abord, la CE envoie chaque année un rapport sur les progrès du pays
candidat au PE. Le président du PE charge la commission parlementaire des affaires
étrangères (AFET) de débattre du rapport, et de rédiger une proposition de résolution qui
ensuite doit être discutée pendant la session plénière. Malheureusement, je n’ai pas eu
accès à cet espace discursif, c´est-à-dire au débat au sein de la commission parlementaire
parce que les documents étaient classés confidentiel. Celle-ci se réunit une dizaine de fois
par an, et propose donc ce document au Parlement. Au sein de ce dernier, on observe en-
suite, comme je vais le montrer dans le chapitre 4, toute une procédure de construction
discursive de la résolution basée sur des instruments comme des amendements et des in-
terventions parlementaires, qui permettent au PE de participer à la construction discur-
sive. Le produit de ce discours, la résolution, est envo
une décision sur la question. Le PE collabore à la production du discours de l’UE sur
l’adhésion de la Turquie, mais la valeur politique de ce rapport me semble finalement
assez limitée puisqu’il n´a aucun pouvoir décisionnel.
Pour conclure ce chapitre, on peut s’interroger sur le rôle et la place du discours du PE
33
dans cette institution. Celui-ci est tout de même légitimé par le fait qu’il représente la
population à l’intérieur de l’institution. Il participe à la construction d’un discours de
l’UE sur la Turquie, en y ajoutant la dimension du peuple. Il est intéressant que les débats
au PE concernant l’adhésion de la Turquie soient beaucoup plus vifs que dans les autres
espaces, dans le sens que les opinions sur le sujet sont beaucoup plus hétérogènes. Institu-
tionnellement, on pourrait presque dire que la population européenne s´exprime à travers
la voix du PE, que le discours produit par celui-ci est un discours du peuple, et que
l’hétérogénéité idéologique que l’on peut remarquer est donc finalement le miroir de
l’hétérogénéité idéologique et culturelle du peuple des États membres de l’UE. Mais il est
évident que cela n’est pas la réalité. En vérité, les parlementaires sont des sujets indépen-
dants et prennent souvent des décisions qui ne vont pas dans le sens des électeurs, mais
beaucoup plus dans celui de leurs partis d’origine, ou des gouvernements nationaux. Par
conséquent, le discours produit par cette institution est le résultat d’un processus de dé-
bats, de négociations et de discussions. Donc, à travers l’analyse de la documentation
dans
institution, l’espace est tout de même importante pour l’UE parce qu’il lui permet
à travers ses représentants au processus
produite par cette institution, le chercheur peut reconnaître la structure, le fonctionne-
ment, mais aussi les rapports de pouvoir et d’inégalité entre les différents acteurs sociaux
au sein du PE.
En conclusion, même si le discours produit par le PE a une place marginale
l’
d’assurer une participation du peuple
d’élargissement de l’UE et de souligner la nature démocratique de cette institution.
2.3.3 Le Conseil: le guide de l’institution
Le dernier espace discursif qui s’occupe de l’élargissement est le Conseil de l’UE. Celui-
ci est l’organe le plus important de l’UE. Aux réunions assistent les ministres des pays
membres responsables des thèmes qui sont traités. Pour des questions d’élargissement, ce
sont souvent les ministres de politique étrangère qui sont présents. Chaque pays dispose
d’un nombre de voix par rapport à sa population. La plupart des conférences ont lieu au
moins une fois par mois. Les décisions sont prises à la majorité, néanmoins l’unanimité
est requise pour les questions délicates comme celle concernant l’élargissement. Quatre
fois par an, les chefs de gouvernement se rencontrent et forment le Conseil européen pour
discuter et définir les grandes orientations politiques de l’UE et pour évoquer des ques-
tions délicates. Les décisions importantes concernant l’élargissement sont prises au sein
de cet espace discursif. Pour ce mémoire de licence, je vais me concentrer surtout sur ce
34
dernier type de rencontres, ce qui me semble pertinent car c’est à ce niveau-là que les
décisions importantes concernant l’adhésion sont prises. En ce qui concerne le Conseil
européen, il est très important de considérer les éléments suivants : chaque semestre, se-
lon une liste prédéfinie, un membre de l’UE occupe la présidence du Conseil. Elle a un
rôle très important, notamment dans l’impulsion du processus de décision législative poli-
tique. Le Président est chargé d’organiser et de présider toutes les réunions, et d’élaborer
des compromis. Pourtant, les relations de pouvoir à l’intérieur du Conseil sont fixes, c'est-
à-dire que la répartition des voix par État reste toujours la même. Comme au PE, les
grands États comme l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni ont beaucoup de
poids sur les décisions du Conseil, car ils ont chacun 29 voix contre les 7 du Danemark
ou les 3 de Malte. Dans ce cas aussi, on est confronté à un groupe de politiciens idéologi-
quement, culturellement et linguistiquement hétérogènes, qui représentent des politiques
nt du PE
nationales et des intérêts différents. Ces facteurs ressemblent beaucoup à ceux que l’on
trouve au PE. La différence principale, c’est que le Conseil ne représente pas la popula-
tion des pays membres mais les gouvernements.
En outre, il faut mentionner que le discours produit par le Conseil semble être lié à pre-
mière vue à celui du PE et de la CE. Pendant les conférences du Conseil, les chefs de
gouvernements sont appelés à discuter des documents produits par les autres institutions,
en bref ces produits doivent être leur base de discussion. Sur cette base, mais probable-
ment aussi sur la base d’autres critères strictement politiques - j’aimerais insister sur le
fait que le discours du Conseil est beaucoup plus influencé par les intérêts nationaux des
chefs de gouvernement que par la volonté de défendre la cause commune- ils produisent
une conclusion où ils prennent position vis-à vis des rapports de la CE et du PE décident
des pas suivants à faire. De plus, il faut aussi dire que c’est souvent le Conseil qui fait des
pas en direction de la CE en la mandatant, donc en lui demandant de rédiger des textes, de
faire des recherches, dans le cas de l’élargissement en demandant de rédiger des rapports
réguliers. De plus, le représentant du Conseil est présent aux sessions plénières du PE et
explique la position du Conseil, et vice versa. Durant tous les Conseils, le préside
a le droit d’exposer la position de ce dernier sur les points abordés. On trouve donc des
liens entre le Conseil et les autres organes de l’UE, qui permettent une communication
entre les divers espaces discursifs, et assurent la circulation du discours produit.
Par conséquent, on peut retenir que le Conseil européen et son discours ont une triple lé-
gitimation. Tout d´abord, il faut comprendre cet espace discursif comme le centre de dé-
35
cision politique de l’UE. Puis, comme il s’agit d’une institution, il faut en même temps
quelqu’un qui la guide et qui représente son discours ; ici les Conclusions sont donc la
présentation matérielle des décisions. Ensuite, comme les gouvernements membres de
ntent diverses cultures politiques, ceux-ci sont représentés et pris en compte
on du discours continue puisque le rapport
UE.
oute une série d’ONG et d’OG interviennent directement ou indirectement dans les dé-
bats. Il faut dire que malgré le fait que les organisations du monde de l’économie sem-
e, les
onomiques exercent un pouvoir important sur les institutions européennes.
. L’Union européenne : une institution, mais plusieurs dis-co
Le ture à
l´ad
re
l’UE représe
dans le Conseil. L’UE est donc composée de divers États qui veulent profiter de cette UE
et défendre leurs propres intérêts au sein de cet espace discursif.
2.3.4 Bilan
En résumé, je conçois les liens entre les trois espaces discursifs, qui ont aussi une réper-
cussion sur le déroulement du processus de construction discursive à l’intérieur de l’UE
de manière très standardisés. Le Conseil charge la CE de s’occuper d’un dossier, celle-ci
produit un discours sous forme d’un rapport ou d’une documentation, et à partir de ce
moment on assiste à une circulation de discours ; le PE et le Conseil reçoivent le docu-
ment et transforment ce discours. La circulati
du PE est envoyé au Conseil et que les décisions du Conseil influencent le travail soit de
la CE, soit du PE. On assiste alors à une espèce de mouvement circulaire. Je veux dire par
là qu´à travers la description de la circulation du discours au sein de l’institution, on peut
comprendre les liens entre les divers organes.
Pour finir ce chapitre, j’aimerais mentionner un élément vraiment fondamental et qui pa-
radoxalement a occupé peu de place dans ces chapitres. A chaque niveau de la discussion,
le discours institutionnel est influencé par des acteurs sociaux situés à l’extérieur de l’
T
blent être peu présentes dans les documents que je vais présenter dans mon mémoir
lobbys éc
3urs
but de ce chapitre est de montrer qu’il existe divers discours sur la candida
hésion de la Turquie à l’UE. Cette analyse se base sur les trois documents suivants :
36
1. le Rapport régulier sur les progrès de la Turquie sur la voie de l’adhésion en
mme je viens de le montrer dans le chapitre sur les espaces discursifs, ils existent
fs qui conditionnent
t influencent leur propre discours. Mon objectif est donc de comprendre le fonctionne-
me
leurs ra
cours.
Pour répondre à ma question de recherche je vais d’abord présenter les trois documents.
Ensuite j´analyserai des extraits choisis sur la base de trois critères :
les sont les marques discursives qui indiquent cette contextualisa-
tion ?
Cette r u’elle permettra de voir comment les producteurs du
discours voient eux-mêmes, leur texte et les liens par rapport à leur contexte. Concrète-
Comment fait-on référence au conflit chypriote dans les documents ? De quelle
1999 (RPT1999) de la CE,
2. les Conclusions de la Présidence du Conseil de Helsinki de 1999 (CC1999)
3. la Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 1999 de la Commis-
sion européenne sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion
(RRPT1999)
Les textes mentionnés traitent les mêmes sujets mais avec des positionnements différents.
En d’autres termes, on constate une hétérogénéité discursive à l’intérieur de la même ins-
titution. Cette pluralité discursive est strictement liée aux différents espaces discursifs
existant dans l’UE, elle résulte des divers fonctionnements opérationnels des espaces. En
bref, co
dans l’UE divers organismes dont le discours est lié à des contraintes, à des structures
opérationnelles internes. De plus, ils ont des fonctions et des objecti
e
nt de ces espaces discursifs, notamment de leurs structures, de leurs contraintes et de
pports de pouvoir à travers l’analyse de ces trois textes qui représentent leur dis-
1. De quelle manière le document est-il placé dans le contexte des négociations ?
Plus précisément, quelles sont les relations exposées avec les autres espaces dis-
cursifs ? Quel
éflexion est importante parce q
ment, ce sera la base de mon analyse qui me permettra de comprendre de quelle manière
ils s’autolégitiment.
2.
manière est-il contextualisé ?
37
Cette question m’aidera à comprendre comment les trois organes situent le sujet dans un
és ?
Qu’exige-t-on dans les documents sur la Turquie ?
ns chapitres à l’analyse des extraits. D’une part,
idature à
matique. Ensuite, ils peuvent être situés dans le
ême contexte historique et institutionnel, c’est-à-dire qu´ils sont reliés les uns aux au-
e des négociations avec la Turquie, car
contexte sociopolitique. De plus j’aurai la possibilité de comprendre le positionnement
politique de l’espace discursif vis-à-vis de ce type de conflit.
3. Quelles conclusions sur le conflit chypriote tire-t-on des passages analys
Pour terminer, cette dernière question clarifiera les positions que prennent les espaces
discursifs face aux conflits et leurs attentes pour résoudre les différends.
Chaque fois que je poserai ces questions dans mon analyse, je devrai essayer de relier
mes conclusions aux espaces discursifs pour amplifier ma compréhension de ceux-ci.
3.1 Présentation des documents Pour mon analyse des discours, il est capital de présenter tout d’abord les trois documents
proposés avant de passer dans les prochai
il faudra donner quelques informations sur la structure du document, sa longueur et son
genre textuel. Comme le médium du discours institutionnel est représenté surtout par la
documentation, il est important de ne pas négliger cette matérialité discursive dans mon
travail. D’autre part, il faudra clarifier les conditions de production de chaque document,
leur fonction et leur objectif. Finalement il est important de dire pourquoi ces trois docu-
ments sont pertinents pour mon analyse.
J’aimerais commencer par clarifier ce dernier point, notamment la question de mon choix
et de sa pertinence. Celui-là est étroitement lié à mon but, celui de montrer
l’hétérogénéité discursive au sein de l’UE et les relations entre les différents espaces dis-
cursifs. En premier lieu, les trois documents traitent de la même question, la cand
l’adhésion de la Turquie à l´UE en 1999. J’ai donc la possibilité de comparer les trois
positionnements vis-à-vis de cette thé
m
tres. Le CC1999 et RRPT1999 sont une sorte de rapport sur le RPT1999. L’année 1999
représente enfin une étape importante pour l’histoir
c’est ici que l’UE accorde pour la première fois un statut de candidat à ce pays.
Dans les trois chapitres qui suivent, je vais présenter en détail les trois documents en me
servant des critères exposés plus haut.
38
3.1.1 Le Rapport régulier sur les progrès de la Turquie sur la voie de l’adhésion
1999 de la Commission européenne (RPT1999)
Le Rapport régulier sur les progrès de la Turquie sur la voie de l’adhésion en 1999 fait
partie d’un genre de rapport standardisé et utilisé par la CE qui lui permet d’évaluer régu-
lièrement les pays candidats. Le RPT1999 paraît à la fin de chaque année et est envoyé au
Conseil et au PE. Sa fonction est de recueillir des données concernant le pays candidat, de
rquie, puisse se rapprocher des standards politiques, économiques
juridiques qu’il faut atteindre pour respecter les critères de Copenhague et donc pou-
voir adhérer à l’UE. L’objectif de ce document dépasse une simple expertise. Le rapport
doit servir de base de ternes à l’UE, comme
le PE et le Conseil, m celle-ci comme par exemple pour les Parlements
nationaux.
Au niveau structurel, comporte 62 pages et sa structure textuelle se présente
e la manière suivante
umer les obligations découlant de l’adhésion inistratives à appliquer l’acquis
constater l´état actuel des négociations et de formuler des objectifs pour que le pays can-
didat, dans ce cas la Tu
et
discussion pour tous les espaces discursifs in
ais aussi externes à
le RTP1999
d
: A. Introduction a) Préface b) Relations entre l’Union européenne et la Turquie B. Critères d’adhésion 1. Critères politiques, 2. Critères économiques 3. Aptitude à ass4. Capacité admC. Conclusions Annexe
Les titres, que je présente ici, représentent les grands chapitres du rapport. Les parties
plus importantes sont les quatre chapitres sur les critères d’adhésion qui traitent des pro-
grès de la Turquie dans les domaines cités. Chaque chapitre termine avec une conclusion
qui le résume, et enfin les quatre conclusions sont reprises dans le chapitre C qui forme
un résumé général de la situation.
Au niveau de la pluralité linguistique, on doit dire qu’il existe des versions du document
dans toutes les langues de l’UE. De plus, il est important pour l´analyse qui va suivre,
concrètement en ce qui concerne l’autolégitimation de l’espace discursif, de noter que
l’auteur du rapport n’apparaît que dans le titre le Rapport régulier sur les progrès de la
Turquie sur la voie de l’adhésion de 1999. Des formules comme « le rapport », « l’UE »
ou « elle » sont adoptées pour se référer à l´organisme qui parle, le terme « la Commis-
39
sion » n´est jamais évoquée. En ce qui concerne les conditions de production du
RPT1999, le Conseil, après la demande officielle de la Turquie d’adhérer à l’UE, a man-
daté en 1997 la CE pour rédiger chaque année un RPT. C’est donc la procédure standar-
isé que cet organisme doit adopter après la demande de candidature à l´adhésion d’un
9 la Turquie est
C’est donc un document produit
C1999 est aussi de
donner à l’UE les impulsions nécessaires à son développement et de définir ses orienta-
tions générales. C le pouvoir à travers l’instrument des Conclu-
sions de guider le ple la CE
d’écrire le RPT1999. De plus, c’est aussi une manière officielle d’envoyer des messages
au pays adhérent, et de lui signaliser la position de l’UE.
e et six pages. Ils se
d
pays. Plus précisément, le RTP1999 a été écrit par la RELEX. En été 199
encore officiellement considérée comme un pays extérieur à l’UE, puisque cette direction
est chargée de l’élargissement de l’UE, qui s’occupe des rapports sur les candidats. Au
sein de la RELEX travaillent 15 experts provenant de divers pays de l’UE, formant un
groupe de travail chargé du dossier sur la Turquie, le « Turkey Team ». Chaque membre
de l´équipe est chargé d’un dossier concernant l’adhésion.
3.1.2 Conclusions de la Présidence du Conseil de Helsinki (CC1999)
Le deuxième texte, le CC1999, est un document de 62 pages qui représente une synthèse
des décisions prises par le Conseil européen de Helsinki.
par le Conseil lui-même et qui a la fonction de mettre sur papier les décisions du Conseil,
un document qui résume les conclusions de la réunion. L’objectif du C
oncrètement, le Conseil a
processus d’adhésion de la Turquie, en chargeant par exem
Structurellement, le CC1999 ne présente pas d’Index. Pour soutenir mon analyse je vais
présenter la structure générale du document en considérant ses titres : Introduction I. Préparation de l’élargissement II. Politique européenne commune en matière de sécurité et de défense III. Une économie compétitive, créatrice d’emplois et durable IV. Autres politiques internes ayant un impact direct sur les citoyens V. Relations extérieures VI. Irlande du nord Annexe
La partie la plus importante du document est représentée par l’annexe, qui a une longueur
d’une quarantaine de pages. Les chapitres I à VI font chacun entre un
présentent sous forme de plusieurs paragraphes, qui traitent diverses questions en rapport
avec le sujet principal. Le chapitre I, le plus intéressant pour mon analyse parce qu’il
traite de l’élargissement, contient 13 paragraphes dont 4 traitent explicitement de la Tur-
quie ou du conflit à Chypre. Au niveau de la langue, ce rapport est aussi traduit dans tou-
40
tes les langues de l’UE, mais contrairement au RPT1999 le CC1999 n´est pas anonyme et
emploie le terme de « Conseil » ou « Conseil européen ». Donc, contrairement à la CE,
celui-ci ne désire pas cacher son identité et son pouvoir décisionnel.
Les conditions de production du CC1999 sont importantes pour bien saisir la pertinence
du document. Le Conseil européen s’est réuni le 10 et le 11 Décembre à Helsinki pour
discuter du processus du grand élargissement qui allait aboutir en 2004, et c’est dans ce
ontexte discursif que l´on a traité les demandes d’adhésion à l´UE en se basant sur le
les chefs d’État décidèrent
rtie, qui place la résolution dans un contexte intertextuel, les paragra-
c
RPT1999 de la CE ; et toujours dans ce contexte que
d’accorder à la Turquie le statut de candidat officiel à l’adhésion. De plus, il ne faut cer-
tainement pas oublier qu´en 1999 l’UE est en train de se donner une identité, que les
chefs d’États travaillent à une Constitution européenne et que la candidature de la Turquie
soulève beaucoup de questions à ce propos et est par conséquent déterminée par ces ré-
flexions.
3.1.3 La résolution du Parlement européen (RRPT1999)
Enfin, la RRPT1999 représente la résolution du PE sur le RPT1999. La fonction de cette
résolution peut être expliquée par le système opérationnel de l’UE, notamment par les
statuts de l’institution. C'est-à-dire qu´en ce qui concerne l’élargissement de l´UE, le
Conseil est obligé de consulter le PE et c’est donc à travers le RRPT1999 que le PE peut
s’exprimer sur le sujet. Au delà de cette fonction, l’objectif de cette résolution est d’une
part de faire entendre la voix des représentants du peuple auprès du Conseil, et d’autre
part de donner une impulsion décisive de la part du PE dans le processus d’élargissement.
Textuellement, le RRPT1999 reprend la forme d’une résolution du PE. Dans l’en-tête on
trouve le nom du rapporteur, dans ce cas Philippe Morillon et le titre de la résolution, ici
Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 1999 de la Commission euro-
péenne sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion. La résolution a
une longueur de 6 pages. Sa structure n’est pas présentée par un index. La seule marque
structurelle est l’ordre des paragraphes, qui sont énumérés différemment. C’est-à-dire,
dans la première pa
phes sont énumérés avec une flèche devant chacun d´eux. Dans la deuxième partie, dans
laquelle on décrit l’état des négociations en se référant particulièrement aux problèmes à
résoudre, les paragraphes sont présentés avec des lettres de A à V, et dans la troisième
partie, où l´on tire des conclusions générales, on propose les paragraphes avec des chif-
fres de 1 à 29. Officiellement, la résolution est traduite dans toutes les langues de l’UE.
41
Ma recherche on-ligne ma montré qu’en réalité ce document n’est pas accessible dans
toutes les langues.
Contrairement au CC1999, la résolution possède une condition de production différente.
La production du RRPT1999 est assez complexe : le Président du PE délègue à la AFET
la mission de rédiger la proposition de résolution, et emploie un rapporteur, M. Morillon,
afin de le rédiger et d’en être responsable. C’est-à-dire que déjà au sein de cette commis-
sion parlementaire, le document est soumis à des modifications. Après l’approbation du
document par la commission parlementaire, on envoie le rapport aux parlementaires qui
ont le temps de proposer des amendements. Dans la session du 14 octobre 2000, les par-
lementaires ont discuté en premier lieu des amendements, et ont ensuite voté le texte mo-
difié. Comme je l´ai montré dans le chapitre sur les espaces discursives, ces négociations
à l’intérieur du PE sont un phénomène complexe influencé par l’idéologie politique du
parlementaire et par sa provenance nationale ; et enfin, comme dans le cas du Conseil, les
discussions autour d’une Constitution pour l’UE influencent aussi les débats. Avant de
asser à son analyse, il est indispensable de dire que le RRPT1999 a été rédigé chronolo-
té au
.2 Les stratégies de mise en contexte, comme production de savoir.
p
giquement après le CC1999. Normalement, ce type de document doit être présen
Conseil avant qu’il puisse se décider sur le sujet. Ici, ce n’était pas le cas. Officiellement
cette anomalie est justifiée par le fait que la commission parlementaire responsable de la
rédaction de la proposition de résolution n’a pas eu le temps de traiter la question turque
avant. Sur les vraies raisons on ne peut que spéculer, c’est pour cette raison que je ne
m’attarderai pas sur ce point en passant directement à l’analyse des documents.
3L’objectif de ce chapitre est d’abord de repérer simplement les marques discursives qui
indiquent une mise en contexte du document analysé et qui permettent de créer des liens
avec d’autres espaces discursifs, d’autres textes ou d’autres événements discursifs. En-
suite, il s’agira d’interpréter mes résultats. Concrètement il faudra d’une part faire un bi-
lan des éléments trouvé et d’autre part les relier aux structures opérationnelles de l’espace
discursif.
Premièrement, j’aimerais commencer avec quelques extraits du RTP1999. Les passages
contextualisant du document doivent être situés dans l’introduction du rapport, c´est-à-
dire dans « La préface » et « Les évènements entre la Turquie et l’Union européenne ».
Ici il faudra montrer avec quels instruments discursifs cette mise en contexte est réalisée.
42
Sur la base des données que j’ai à disposition, je peux différencier pour ce document trois
types de mise en contexte :
A. Tout urs évène-
ments d mporel des
négocia l de tous les pays candidats.
oncrètement, le premier paragraphe de la préface débute par les liens du RPT1999 avec
progrès réalisés par chacun des pays candidats sur la voie rquie, le Conseil européen a observé que le rapport serait
ardiff en juin
998, » « Conseil européen de Luxembourg ». Enfin, la conjonction « lors » introduit for-
bref, on peut dire que le rapport de la CE
e situe dans un continuum d’événements historiques. Le document doit donc première-
ment êtr rs ceux-ci.
En d’autres mots, les discours produits dans le cadre de ces événements discursifs pré-
suppose
d’abord, dans la Préface, le document est situé par rapport à plusie
iscursifs, ce qui signifie que c’est une contextualisation sur un axe te
tions non seulement de la Turquie, mais en généra
C
des événements historiques et des décisions prises, qui légitiment et motivent en quelque
sorte la production du document.
Lors du Conseil européen de Cardiff en juin 1998, les chefs d’État et de gouvernement se sont félicités que la Commission ait confirmé qu’elle présenterait à la fin de 1998 ses pre-miers rapports périodiques sur les de l’adhésion. Dans le cas de la Tufondé […] sur les conclusions du Conseil européen de Luxembourg. (RTP1999 p.4)
Ici, on fait référence à l’évènement discursif du Conseil de Cardiff en 1998, qui charge
pour la première fois la CE de produire ce type de rapport. Ce Conseil et celui de Luxem-
bourg, situé fin 1997, sont fondamentaux dans l’histoire de l’élargissement de l’UE. Ils
marquent l’introduction d´éléments supplémentaires aux critères de Copenhague, qui va-
lent pour tous les pays candidats.
Ces deux événements discursifs sont donc des points de repère historiques pour la pro-
duction du RPT1999. Cette mise en contexte est créée par divers instruments langagiers.
En premier lieu viennent les temps verbaux : le passé est choisi pour se référer à des évé-
nements discursifs déjà survenus, notamment « se sont félicités », « a observé ». De plus,
on trouve une mention explicite aux deux Conseils, « Conseil européen de C
1
cément une temporalité qui fait référence à un point spécifique sur l’axe temporel du dis-
cours concernant l’adhésion de la Turquie. En
s
e interprété par rapport à ceux-ci et deuxièmement il se légitime à trave
nt un nouvel événement qui est représenté par ce rapport lui-même.
43
B. Ensu , to utres docu-
ents ; alors un lien intertextuel.
ent compte des conclusions du Conseil
L’intertextualité la plus évidente et la plus importante est celle qui rapproche
ent des critères de Copenhague. Cela peut être mis en évidence par trois élé-
en effet » et le double point qui annonce leur énumé-
par une brève paraphrase des idées principales
et avec T1999 par
rapport ns le cadre
de » qui ite crée une
anspar is du processus d’évaluation de la Turquie. Ceci permet à la CE de
ite ujours dans la Préface, le RPT1999 est situé par rapport à d’a
m on remarque
Comme le précédent, le présent rapport régulier tieuropéen de Copenhague. En effet il : - analyse la situation en ce qui concerne les conditions politiques fixées par le Conseil européen (démocratie, primauté du droit, droits de l’homme et protection des minorités). - évalue la situation et les perspectives de la Turquie au regard des conditions écono-miques mentionnées par le Conseil européen (économie de marché viable, capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l’intérieur de l’Union). - examine la capacité de la Turquie à assumer […] l’acquis communautaire tel qu’il est exprimé dans le traité, le droit dérivé et les politiques de l’union. - Procède enfin à une évaluation générale […] dans le cadre du développement de la stratégie européenne présenté par la Commission dans sa communication du 4 mars 1998. (RTP1999 p.4)
Concrètement, celui-ci est relié à trois textes :
Au début de l’extrait le RPT1999 et relié au RPT1998. Les deux textes tiennent compte
des mêmes critères. Cette continuité discursive est évoquée par la conjonction
« comme ».
le docum
ments : tout d’abord les critères sont annoncés par le verbe « tient compte », ensuite ils
sont introduits par la conjonction «
ration. Cette liste des critères est présentée
un ajout entre parenthèses afin d´être exhaustif. Enfin, on situe le RP
aux stratégies d’élargissement du 4 mars 1998 par la formulation « da
souligne justement ce contexte spécifique. Cette intertextualité explic
tr ence vis-à-v
montrer vers l’extérieur son caractère neutre et la nature impartiale du rapport présenté.
C. Pour conclure cette partie, il ne faut pas oublier la contextualisation des espaces dis-
cursifs internes et externes à l’UE :
Le rapport s’appuie sur de nombreuses sources d’informations. […] Les délibéra-tions du Conseil et les rapports et résolutions du Parlement européen ont été pris en compte pour l’élaboration des nouveaux rapports. La Commission s’est égale-ment servie des évaluations faites par diverses organisations internationales, no-
44
tamment des contributions du Conseil de l’Europe, de l’OSCE et des institutions financières internationales, ainsi que par les organisations non gouvernementales.1 (RTP1999 p.5)
C’est un discours international et interinstitutionnel. Ceci est présenté dès la première
hrase : On peut mettre en évidence le verbe réfléchi « s’appuie » qui évoque les « nom-
s’est également servie ». La référence constante à d’autres espaces discursifs, dont
rtance.
Après avoir présenté l’analyse du RTP 1999, je vais maintenant passer au deuxième texte.
Dans le oivent être
recherch s, il faudra
montrer tualisation.
Contrair 99 ne se place
as par rapport à d’autres espaces discursifs, mais se réfère constamment à soi-même et à
2. Les travaux ont commencé par un échange de vues entre le Conseil européen et
p
breuses sources d’informations » qui proviennent de l’extérieur de cette espace discur-
sive. Ensuite, toute une série d’espaces discursifs sont nommés. Il est intéressant de voir
que l’on parle d’abord de ceux qui sont internes à l’UE, « le Conseil » et « le Parlement »,
qui sont introduits par le verbe « pris en compte », et sont de plus accentués par le procé-
dé rhétorique qui les place en début de phrase. Ensuite l’extrait fait mention d’autres or-
ganisations en les reliant les unes aux autres, comme les « diverses organisations interna-
tionales », « le Conseil de l’Europe », « l’OSCE », « les institutions financières interna-
tionales » et « les organisations non gouvernementales », introduites par la tournure
«
l’autorité est reconnue par la communauté internationale, permet de renforcer l’argument
de la CE et lui donne finalement plus de poids et d’impo
CC1999, les passages qui placent le document dans un large contexte d
és au début du document. Comme dans les paragraphes précédent
ici avec des instruments analytiques le fonctionnement de la contex
procédures de mise en contexte du RTP1999, le CC19ement aux
p
ses conditions de production. Grace à l´extrait présenté en bas, je peux mettre en évidence
deux méthodes de mise en contexte, qui tournent autour de l’idée de l’auto-référentialité :
A. Tout d’abord, le chapitre Introduction doit être compris comme une exposition des
éléments annonçant le contexte du document présenté.
INTRODUCTION 1. Le Conseil européen s'est réuni à Helsinki les 10 et 11 décembre 1999. […] Il a arrêté un certain nombre de décisions marquant le passage à une nouvelle étape du processus d'élar-gissement. […]
Mme Nicole Fontaine, présidente du Parlement européen […] sur l'élargissement […]. (CC1999 p.1)
1 Rapport régulier 1999
45
Dans ce ur explique les conditions de production du
CC1999 en présentant l’espace discursif dans lequel il a été produit, ce qui constitue donc
une réfé de présen-
ter le lie lsinki », sa date, le « 10 et 11 décembre 1999 », et sa fonction.
lle est résumée par une petite synthèse qui évoque « un certain nombre de décisions ».
même espace
iscursif. C’est mis en évidence par la date et la mention explicite du Conseil,
« Luxem manière que l’on mentionne
normalem e de vouloir
placer le CC1999 dans le contexte du Conseil de Luxembourg est explicitée ici par la
phrase e des deux
documents. L’objectif de ce paragraphe est alors de marquer la cohérence du discours du
Conseil ment. En d’autres mots, on veut souligner ici que les
décisio
d’un grand plan du Conseil sur l’élargissem
être inte
Troisièm ment, pour terminer ce chapitre, j’aimerais traiter du RRPT1999. Les
paragraphes contextualisant se ière partie de la résolution.
s deux premiers paragraphes, l’aute
rence au texte lui-même. Cette contextualisation est faite par le moyen
u du Conseil, « He
E
Le deuxième paragraphe met l’accent sur le début du déroulement de la séance, en men-
tionnant explicitement l’échange d’opinions entre « le Conseil européen » et
« Mme Nicole Fontaine ». De plus, il me semble important aussi de noter l’apposition
« présidente du Parlement européen », qui indique la fonction de la personne mentionnée.
B. Le troisième paragraphe est placé dans le deuxième chapitre du CC1999 « Préparation
de l’élargissement » avec le sous-titre « le processus de l’élargissement ».
I. PREPARATION DE L'ELARGISSEMENT Le processus d'élargissement 3. Le Conseil européen confirme l'importance que le processus d'élargissement mis en chantier à Luxembourg en décembre 1997 revêt pour la stabilité et la prospérité du continent européen tout entier. […] (CC1999 p.1)
Comme dans les deux paragraphes que je viens de présenter, celui-ci est autoréférentiel.
Mais dans ce cas, il fait mention d´un événement passé, qui a eu lieu dans le
d
bourg en décembre 1997 ». C’est de cette
ent un Conseil, en annonçant la ville où il a eu lieu et sa date. L’idé
verbale « confirme l’importance », qui marque donc l´interdépendanc
européen sur l’élargisse
ns prises dans Conclusions de la Présidence du Conseil de Helsinki font partie
ent et que de conséquence celles-là doivent
rprétée par rapport au Conseil du Luxembourg.
e
trouvent ici dans la prem
46
vu la demande d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne,
vu sa résolution du 3 décembre 1998 sur la nouvelle stratégie de l’Union européenne vis-à-vis de la Turquie,
vu le rapport régulier 1999 de la Commission sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésion,
vu sa résolution du 2 décembre 1999 sur la mise en œuvre d’actions visant à approfondir l’union douanière CE-Turquie,
vu le règlement (CE) no 764/2000 du Conseil du 10 avril 2000, relatif à la mise en œuvre d’actions visant à approfondir l’union douanière CE-Turquie,
vu sa résolution du 6 septembre 2000 sur la mise en œuvre d’actions visant à promouvoir le développement économique et social de la Turquie,
vu sa résolution du 7 septembre 2000 sur les bombardements turcs au nord de l’Irak,
vu l’article 47, paragraphe 1, de son règlement,
vu le rapport de la commission des affaires étrangères, des droits de l’homme, de la sécu-rité commune et de la politique de défense, (A5-0297/2000 p.1)
e qu’on adopte lorsqu’on veut parler d´une volonté officielle de vouloir adhérer à
UE.
ts à l’intérieur de l’UE. Ceux-ci sont décrits par leur genre textuel : On spé-
Toute cette première partie met en évidence, par l’énumération avec des petites flèches,
les liens contextualisant introduits par la préposition « vu ». Dans ce cas également, on
peut distinguer deux stratégies de contextualisation :
A. Dans le premier paragraphe, on remarque une référence à un événement discursif,
notamment celui de la demande de l’adhésion de la Turquie. Contrairement aux autres
extraits que je viens d’analyser, on ne précise ici ni la date de la demande, ni le lieu, ni le
document avec lequel celle-ci a été formulée. On se contente de nommer la formulation
entière du document, notamment « la demande d’adhésion de la Turquie à l’Union
européenne ». Cette formulation n’est pas choisie par hasard mais elle est le terme
techniqu
l’
B. Les paragraphes suivant sont beaucoup plus riches d’informations contextualisantes.
Cette fois, ils contiennent des références à d´autres textes, donc ce sont des liens intertex-
tuels. Les paragraphes sont ordonnés temporellement et on se concentre seulement sur des
textes produi
cifie si c’est une résolution, un règlement, un rapport ou un article, ensuite on précise
dans quel espace discursif ils ont été produits. Quand on parle de résolution, on se réfère
47
toujours au PE. Puis la date de production est indiquée et finalement on nomme le titre du
document qui inclut souvent une brève synthèse de l’idée principale ou de l’objectif de
celui-ci. Cette manière de se référer à toute une série d’autres textes doit être expliquée
par la structure qu’une résolution doit avoir. C’est-à-dire, les résolutions sont des textes
qui doivent avoir une forme donnée, la référence à d’autres documents fait partie de cette
forme.
Après avoir vu de quelle manière les divers espaces discursives contextualisent leur
propre document, j’aimerais faire ici un bref bilan, avant de passer aux prochains
chapitres. Pour commencer, je peux dire de manière très général que les analyses des
extraits ont bien montré une hétérogénéité discursive dans l’UE au niveau de la mise en
contexte des documents.
Dans le RPT1999 de la CE, on a pu remarquer une situation dans un large contexte
le caractère autoréférentiel du CC1999. Il se réfère seulement à
oi-même ; cela surprend d’une part puisqu’il devrait se baser sur d’autres documents
rève mention de la
de la CE. La nature du document, qui est donc
ne résolution, oblige le PE à s´en tenir à une structure standard du document et de se
tion vis-à-vis d’autres documents et où cet
intertextuel, interinstitutionnel et en quelque sorte également historique, du document lui-
même. La CE, ayant un caractère d’expert dans l’UE, doit baser son discours sur une
large documentation. De plus, c’est une caractéristique fondamentale du genre textuel de
l’expertise ou du rapport de se référer toujours à d’autres discours, à plus forte raison si ce
sont des discours, comme par exemple ceux d’institutions comme l’OSCE. Cela rend le
document plus crédible au niveau institutionnel et lui donne aussi un statut de discours de
vérité.
J’ai essayé de montrer
s
comme par exemple sur le RTP1999. D’autre part, on remarque cette b
discussion avec le Président du PE. Cela confirme mon idée d’un espace discursif qui
d’un côté est obligé de tenir compte des autres espaces discursifs, surtout de ceux de
l’UE, mais qui en même temps veut produire et faire passer son propre discours, qui
souvent se différencie nettement de ceux des deux autres organes.
Pour terminer, l’analyse de la RRPT1999 a montré que le PE se base essentiellement sur
ses propres résolutions et sur les rapports
u
référer donc dans cette partie contextualisante à d´autres textes. Cela nous en apprend
beaucoup sur la structure des résolutions mais aussi sur un type de processus opérationnel
au sein du PE, où celui-ci doit prendre posi
48
espace d ments nou-
veaux à
3.3 LaL’objec abordent le
conflit
Finalem s résultats
compren blématique
Chyp sera important de chercher aussi dans le document les marques
cet arrêt […]. 15)
événements discursifs comme celui du « 21 juin 1999 », le « 29 juin » et l’ « automne de
iscursif n’a pas la possibilité et la fonction d’apporter beaucoup d’élé
la discussion.
référence au conflit chypriote dans les documents f de ce chapitre est de montrer de quelle manière les trois documentsti
à Chypre. Cela inclut aussi une réflexion sur le rôle du conflit dans le texte.
ent, il faudra, comme dans le chapitre précédent, en résumant me
dre quelles stratégies discursives le texte adopte pour introduire la pro
à re et donc il
langagières et textuelles qui indiquent ces stratégies.
Premièrement, dans le RPT1999 le conflit à Chypre est abordé dans le chapitre sur les
critères politiques d’adhésion. C’est pour cette raison que j’ai choisi cet extrait qui se
place justement dans cette partie du rapport :
[…] le Secrétaire général des NU et son représentant à Chypre ont poursuivi le processus de réunions distinctes avec les deux dirigeants chypriotes visant à trouver une base en vue d'une reprise des contacts directs […] Afin de soutenir les efforts des NU, le Sommet des chefs d'État du G-8 a décidé, le 21 juin 1999, de "demander au Secrétaire général […] d'inviter les dirigeants des deux parties à prendre part à des négociations qui se tiendront à l'automne de 1999". […] Dans la résolution 1250 le 29 juin, le Conseil de sécurité demande au Secrétaire général des NU d'inviter les dirigeants chypriotes grecs et turcs à engager des négociations à l'automne. En 1996, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu un arrêt condamnant la Turquie dans le cadre d'une affaire concernant une femme chypriote grecque (Mme Loizidou) privée d'accès à sa propriété dans le nord de Chypre. Dans un second arrêt rendu en juillet 1998, la Cour a décidé d'octroyer des compensations financières à la requérante et a enjoint la Turquie à les payer pour le mois d'octobre 1998. Jusqu'à présent, la Turquie ne s'est pas conformée à (RTP1999 p.
Dans cet extrait, on peut remarquer deux types d’approche du conflit à Chypre :
A. Il est important de repérer un phénomène que l’on vient de remarquer dans le chapitre
sur la mise en contexte du RPT1999, car ici on voit également que dans les deux premiers
paragraphes de mon extrait, les auteurs parlent du conflit à Chypre en l’abordant par le
biais des discours sur le conflit au sein des NU et du G8. Plus précisément, on insiste sur
toute une série d’espaces discursifs comme les « réunions distinctes avec les deux diri-
geants chypriotes », le « G8 », le « Conseil de sécurité », et sur d’acteurs sociaux, comme
« le Secrétaire général des NU » et « les dirigeants des deux parties », finalement sur des
49
1999 » et sur des textes comme la « résolution 1250 ». On l’aborde donc en expliquant la
complexité des évènements discursifs, des espaces discursifs et des textes externes à
espèce de
pture du genre, car si on avait auparavant une description des discours au sein des NU
onne concernée « Mme Loizidou » et ses origines
chypriote grecque ». Ce changement de stratégie discursive est aussi caractérisé par une
accéléra troduite par
« En 19 éée par les
trois mo
Cette d fait que la
problém à Chypre soit débattue essentiellement au sein des NU et dans ses espaces
iscursifs et non pas au sein de l’UE, d’autre part, elle se contente d´exposer la
euxièmement, le CC1999 aborde le conflit à Chypre dans son paragraphe concernant
l’UE, mais on ne parle jamais explicitement de la position de celle-ci par rapport au
conflit à Chypre.
B. Le dernier paragraphe comporte un autre type d’approche. On constate une
ru
et du G8, dans ce cas, on passe à une microanalyse, à un cas particulier même si on reste
toujours dans la description d’un phénomène qui a lieu dans un autre espace discursif,
« la Cour européenne des droits de l'homme ». C’est donc une sorte d’exemplum qu’on
traite pour donner une idée concrète de la situation. Ici, beaucoup de détails sont
mentionnés, comme le nom de la pers
«
tion du rythme textuel. On trouve une tripartition du paragraphe, in
96 », « un second arrêt rendu en juillet 1998 » et « jusqu’à présent », cr
ments de la procédure juridique.
ouble approche permet donc de mettre en évidence d’une part le
atique
d
problématique comme un différend qui touche le simple citoyen dans sa vie quotidienne.
D
l’élargissement. Contrairement aux passages précédents, il n’est pas tout de suite
explicite, dans le sens qu´il ne thématise pas le conflit à Chypre dans un premier temps.
Je suis tout de même persuadé que derrière un discours plutôt général se cache une prise
de position assez directe vis-à-vis du conflit.
4. […] Les pays candidats […] doivent partager les valeurs et les objectifs de l’Union européenne tels qu'ils sont énoncés dans les traités. A cet égard, le Conseil européen insiste sur le principe du règlement pacifique des différends conformément à la Charte des Nations Unies […]. 9. (a) Le Conseil européen se félicite de l'ouverture, le 3 décembre à New York, des pourparlers visant à un règlement global de la question chypriote et exprime son ferme soutien aux efforts déployés par le Secrétaire général des Nations Unies pour faire aboutir ce processus. (CC1999 p.1)
50
Dans ce cas aussi j’ai pu repérer deux stratégies discursives diverses l’une de l’autre mais
qui se complète :
A. Pour le paragraphe 4 on peut mentionner tout un champ sémantique incluant des
notions comme « les pays candidats », « les valeurs et les objectifs », « les traités », « les
différends » etc. qui laissent le spectre des pays concernés et des sujets traités très ouvert ;
pourtant, dans la seconde partie du paragraphe, on peut remarquer un focus. Tout d’abord,
à un niveau tout à fait explicite, on mentionne un document spécifique, « la Charte des
Nations Unies », et on précise qu’il s’agit de la partie qui traite les différends. A travers
de cette phrase qui ne peut pas être lue textuellement et qui doit donc être interprétée on
arrive à comprendre un élément essentiel pour mon mémoire : Toute cette seconde partie
u paragraphe se réfère essentiellement à Chypre et à la Turquie, car ces deux pays sont
. Dans le paragraphe 9a, par contre, le discours devient très explicite et on remarque une
stratégie orte à celle
que la C lement sur
le disco t avec des
formule » ou « exprime son ferme soutien ». Un deuxième élément
e semble très intéressant est cette mise en valeur de l’aspect global du conflit. Ceci
dans le village de Strovilia depuis le 1er juillet 2000, ((A5-0297/2000 p.2)
d
les seuls à avoir des différends. On remarque donc dans cette partie du CC1999 une
mention indirecte du conflit à Chypre.
B
d’approche textuelle du conflit à Chypre qui ressemble en quelque s
E a adopté pour son RTP1999. Le Conseil approuve et s´appuie véritab
urs qui est produit dans l’espace discursif des NU, en le marquan
s comme « se félicite
qui m
est mentionné explicitement par l’expression « visant à un règlement global ». Mais cette
évocation des NU, qui traite de problèmes globaux et qui se réfère à l’événement discursif
« le 3 décembre à New York », et également la référence au Secrétaire général des NU,
comportent les traces d’une volonté qui vise à résoudre le conflit à Chypre à un niveau
suprarégional.
Troisièmement, dans la RRPT1999, le conflit à Chypre est mentionné dans la deuxième
partie du texte, notamment dans celle qui aborde les diverses problématiques encore
ouvertes concernant les négociations.
J. considérant que la résolution 1250 du Conseil de sécurité des Nations unies invitait les parties chypriotes turque et grecque à engager des négociations à l’automne 1999 et qu’aucun progrès en ce sens n’a été constaté en dépit des contacts encourageants établis sous l’égide du Secrétaire général des Nations Unies en décembre 1999 et en janvier 2000 ; déplorant au contraire la violation du status quo militaire par les forces d’occupation turque
51
Il est très intéressant de noter que comme dans les deux extraits précédents, le PE aborde
conflit en mentionnant le débat au sein des NU. Par le participe présent « considérant »,
s secondes. Cela me mène à une autre considération : Contrairement à
u il y a un
s producteurs :
.
ontrairement au RPT1999, le discours du CC1999 reste souvent à un niveau très abstrait
onseil décrit le débat au sein des NU comme quelque chose qui survient
le
les auteurs marquent aussi leur volonté de s’appuyer sur le travail de cet espace discursif
en faisant référence comme auparavant à une résolution, à des évènements et à des espa-
ces discursifs. En même temps, la négation « n’a été constaté en dépit des contacts encou-
rageants » marque une espèce de distance entre le PE et les NU puisqu´elle donne
l’impression que le premier observe avec un regard critique le développement des négo-
ciations au sein de
ce que je viens de montrer dans les chapitres précédents, on met ici l´accent sur l’échec
des négociations. Ceci est souligné par une série de notions qui insistent sur le manque de
succès de celles-ci, comme la tournure « qu’aucun progrès » ou « en dépit des contacts
encourageants » ou « déplorant ». La dernière phrase a même un caractère accusateur fort,
car on parle de « violation » et de « forces d’occupation ». Finalement, la mention de la
date « 1er juillet 2000 » permet de souligner le fait que cette violation a eu lie
moment déjà.
Pour conclure ce chapitre, j’aimerais retenir quelques éléments. Il est très intéressant de
remarquer que les approches du conflit à Chypre des trois espaces discursifs sont à
première vue très similaires, puisqu´elles tournent toujours autour des négociations qui
ont lieu au sein des Nations Unies. Tout de même, on peut remarquer des différences
importantes entre les trois discours qui justement résultent des trois structures
opérationnelles de
Le RPT1999 explique très exhaustivement le débat onusien sur le conflit et s’arrête
ensuite sur un exemple particulier, qui en étudie les conséquences immédiates pour la
population. On est donc confronté à une argumentation très structurée et en quelque sorte
très transparente, qui vise à éclairer la problématique et aussi à lui donner un aspect
concret. Finalement, ce discours suit une logique d’expertise ou d’un travail scientifique,
qui propose une thèse et qui se sert ensuite d´un exemple pour soutenir son argument
C
et très distancié, et adopte donc une position plutôt générale. Il est important de voir que
même si le C
dans un autre espace discursif, il relie le processus d’adhésion de la Turquie à celui-ci. Le
Conseil, qui représente les gouvernements de l´UE qui sont en même temps membres
52
d’autres institutions internationales comme les NU, se place donc lui-même dans un es-
pace discursif beaucoup plus large, qui dépasse les frontières des espaces discursifs ap-
partenant à l’UE.
Enfin, le PE apporte dans sa RRPT1999 avec la référence aux NU un élément qui se distancie
plicitement de ce que l’on a pu voir dans le document de la CE, et surtout des Conclusions du
fait que
mblent
peuvent
situation sous un angle plus critique et plus pessimiste.
3.4 Le s les do-
cumen
im
Conseil. Contrairement aux conclusions de ces autres espaces discursifs, le PE souligne le
le débat onusien ne mène pas à une amélioration du status quo. Les membres du PE se
moins reliés aux structures des NU, montrent une certaine distance vis-à-vis des débats et
donc de ce fait considérer la
s conclusions sur le conflit chypriote. Qu’est-il exigé dan
ts? Après avoir vu comment les espaces discursifs abordent le conflit à Chypre, l’objectif de
ce chapitre sera de sélectionner et d’analyser les conclusions que les différents espaces
discursifs tirent des passages que je viens de traiter dans mon chapitre précédent.
Concrètement, il s’agira de comprendre les stratégies discursives adoptées pour indiquer à
la Turquie les mesures qu’elle devra prendre pour pouvoir poursuivre les négociations de
manière satisfaisante pour l’UE.
Premièrement, dans le chapitre sur les critères politiques d’adhésion à l’UE, les auteurs
du RTP1999 formulent, après leurs souhaits à la Turquie après avoir exprimé l’état des
faits selon leur point de vue. L’extrait qui suit est le passage où l´on se réfère
explicitement au conflit à Chypre :
La Turquie, en tant que pays garant, devrait s'engager fermement à réunir les deux parties dans le cadre du processus engagé par les Nations unies à l'invitation du G-8. La Turquie pourrait, à cet égard, jouer un rôle actif et constructif, de manière à parvenir à une solution globale qui tienne compte des préoccupations légitimes de toutes les parties. (RTP1999 p. 16)
L’argumentation discursive suit un axe unique visant à encourager la Turquie d’assumer
un rôle spécifique dans le conflit. Dans ce cas, il faut préciser que la CE parle de « Tur-
quie » et de « pays garant » sans spécifier si on s’adresse à l’État, au PE, à l’armée ou à la
population turque. Les auteurs sont très explicites et lui demandent d’adopter un statut de
« pays garant ». Ce n’est pas une proposition de la part de la CE puisqu’on décrit ce rôle
comme quelque chose de fixe, qui n’est pas négociable par l’expression « en tant que »,
et non pas comme une éventualité. L’emploi du conditionnel « devrait s’engager »,
53
« pourrait […] jouer un rôle actif » fait croire à une attitude qu’on devrait adopter hypo-
thétiquement. Mais dans ce cas, ce mode verbal n’indique pas une liberté de choix de la
art de la Turquie, il lui impose au contraire une attitude à adopter. Il est important de
er un rôle actif » et enfin aussi par le terme « constructif ». Implicitement, cela
et en évidence le manque d’efforts de la part de la Turquie. En outre, la CE souligne ici
qu’elle ar le terme
de « sol s parties ».
Cette pr oncernées doit cer-
taineme U et le G8,
qui repr e, « les par-
es » qui ont intérêt à une solution au conflit ne sont pas explicitées ici, probablement
tant ici, est celui de la non-référence explicite à la Tur-
p
comprendre ce passage comme un appel autoritaire, d’une partie négociante qui possède
plus de pouvoir, à une plus grande prise de responsabilité. Cela se confirme au niveau
lexical : On peut repérer tout un champ sémantique qui vise à souligner la manière de
laquelle la Turquie devrait s’engager, à travers des mots comme « s’engager fermement »
ou « jou
m
souhaite une solution politiquement stable. Cela peut être démontré p
ution globale » et aussi par les « préoccupations légitimes de toutes le
éoccupation de trouver un équilibre entre toutes les parties c
nt être reliée au fait que les négociations sont guidées surtout par les N
ésentent plusieurs parties impliquées dans le différend. En revanch
ti
parce qu’il ne s’agit pas seulement des pays directement concernés comme Chypre, la
Grèce et la Turquie mais aussi d’autres membres des NU, du G8 ou même de l´ UE.
Deuxièmement, après avoir abordé l’extrait du RPT1999, celui que je vais présenter ici se
trouve dans la partie du CC1999 qui traite de l’élargissement. Ce passage me semble très
important car le Conseil reste très distant et implicite, et en même temps il marque une
continuité discursive sur laquelle j’aimerais focaliser mon attention et j’aimerais revenir
en bas.
4. […] invite instamment les pays candidats à tout mettre en œuvre pour régler leurs différends frontaliers éventuels […]. D'ici à la fin de 2004 au plus tard, le Conseil européen fera le point de la situation en ce qui concerne les différends qui subsisteraient, en particulier pour ce qui est de leurs répercussions sur le processus d'adhésion […]. En outre, le Conseil européen rappelle qu'une condition préalable à l'ouverture des négociations d'adhésion est le respect des critères politiques fixés par le Conseil européen de Copenhague […].
9(b) Le Conseil européen souligne qu'un règlement politique facilitera l'adhésion de Chypre à l’Union européenne. Si aucun règlement n'est intervenu […] la décision du Conseil relative à l'adhésion sera prise sans que ce qui précède constitue une condition préalable. […] (CC1999 p.1-2)
L’objectif de ces deux paragraphes est de tirer des conclusions des constatations qui ont
été faites en ce qui concerne les conflits en Europe, et donc de donner aux pays candidats,
c´est-à-dire aussi à la Turquie, des indications pour avancer dans les négociations.
L’élément discursif le plus impor
54
quie. Ni le paragraphe 4 ni le 9b ne la mentionnent explicitement. Tout de même,
j’aimerais montrer que malgré cette absence, la Turquie n’est pas seulement incluse dans
le discours, mais qu´elle est en quelque sorte l´une des intéressées principales de l’extrait.
Le discours du paragraphe 4 est subdivisé en trois phrases :
a. La première sert d’introduction, elle donne un cadre à la problématique en résumant le
message de tout le paragraphe. Le spectre des intéressés reste très ouvert par la
formulation « les pays candidats ». Mais en même temps, on le restreint par les
« différends frontaliers éventuels ». Il y a seulement deux candidats à l’adhésion qui ont
es différends, Chypre et la Turquie ; le conflit est déjà connu, mais on préfère cette
s critères
olitiques comme condition préalable et ensuite, dans la phrase 1 du paragraphe 9b, on
affirme es critères
politiqu aphe 4, on
passe à le paragraphe 9b.
c. Une phrase du
dans la seconde du 9b. Implicitement, le
r le fait que c´est uniquement dans les cas où le conflit
eine l’adhésion d´un pays, qu´un règlement du différend est demandé comme condition
hées ailleurs, comme par exemple dans un intérêt politico-économique.
rme
générale des Nations unies […]
d
formulation ouverte.
b. Pour bien comprendre le sens de la suite du texte, j’aimerais en premier lieu aborder la
troisième phrase pour montrer une contradiction entre celle-ci et la première du
paragraphe 9b. D’abord, dans la phrase 3 du paragraphe 4, on parle du respect de
p
que le règlement politique, qui implique forcement un respect d
es, peut faciliter l’adhésion. D’une condition préalable dans le paragr
une option désirable dans
solution à cette contradiction peut être trouvée dans la deuxième
paragraphe 4 où l´on donne un délai aux pays et
discours du Conseil se base su
fr
préalable. De conséquence, on comprend ici que le discours du Conseil ne se base pas sur
une solution pacifique du conflit pour des raisons humanitaires. Les raisons de ce type
d’attitude de la part de l’UE vis-à-vis de la problématique à Chypre doivent être
recherc
Troisièmement, dans cette dernière partie de mon chapitre, il faudra montrer la manière
de laquelle le PE explique ses attentes vis-à-vis du conflit à Chypre. L’extrait cité ci-
dessous est tiré de la partie de la RRPT1999 qui formule les conclusions de ce qui a été
dit dans la partie précédente, où l´on a exposé le statut actuel des négociations.
18. demande au gouvernement turc […] de participer à la création d’un climat propice, et sans conditions préalables, aux pourparlers entre les communautés chypriotes grecque et turque, en vue de parvenir à un règlement négocié, global, juste et durable qui soit confoaux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et aux recommandations de l’Assemblée
55
19. demande au gouvernement turc de retirer ses troupes d’occupation de la partie nord de Chypre ; (A5-0297/2000 p.1)
Comme tous les paragraphes de cette partie de la RRPT1999, ceux-ci sont introduits par
des notions comme « demande » ou « estime » qui indiquent le caractère impératif des
paragraphes et n’admettent pas de réplique. Les conclusions du PE se basent sur un double
axe :
A. Tout d’abord, comme le RPT1999, la RRPT1999 met l’accent sur le rôle que la Turquie
.
d´égalité.
e
usion du chapitre sur le pluralisme discursif, j’aimerais retenir
devrait adopter. Mais contrairement aux discours de la CE, le Parlement précise le terme de
Turquie en se référant explicitement « au gouvernement turc ». De plus, même si la
formulation n’est pas exactement reprise, la CE parle d’ « une solution globale qui tienne
compte des préoccupations légitimes de toutes les parties », on retrouve cette insistance sur
le « règlement négocié, global, juste et durable » que la CE a noté dans son rapport
Surtout, l’idée d’une solution négociée semble être fondamentale pour le PE qui représente
des idéologies démocratiques où les divers acteurs sont sur un pied
B. Ensuite, pour la première fois dans les trois documents, on trouve une demande express
de retirer les troupes turques de Chypre qui dépasse la simple adoption d’un garant. La
notion « troupes d’occupation » met l’accent sur l’idée que le PE a de la présence de
l’armée turque et change aussi le ton du document, puisque l’on prend implicitement
position sur la nature et sur les raisons de la présence de l’armée turque sur l’île. Il s’agit
donc selon eux d’une invasion ou d’une occupation de la partie « nord de Chypre » et non
pas d’une présence qui vise à protéger la population locale. De conséquence, ces forces
d’occupation sont illégales et doivent quitter l’île.
Avant de passer à la Concl
quelques éléments importants. Comme on a déjà pu le remarquer plusieurs fois dans ce
chapitre, les trois espaces discursifs adoptent dans ce cas un discours à première vue assez
similaire, c'est-à-dire que l’on tire les mêmes conclusions des considérations que les trois
espaces discursifs viennent de faire du conflit. Tout de même, on a pu remarquer des
différences fondamentales qui ne peuvent pas être négligées et qui sont donc pertinentes
pour ma réflexion sur l’hétérogénéité discursive au sein de l’UE :
Contrairement aux analyses sur la CE que l’on vient de faire dans les chapitres qui précè-
dent, celle-ci dépasse ici un discours purement explicatif et descriptif pour passer à un
56
discours qui impose un rôle à la Turquie. Tout de même, j’aimerais soutenir l’hypothèse
que dans ce cas il ne s’agit pas de l´imposition d’un rôle dans le sens fort du mot. La CE
n’a pas la force juridique de pouvoir imposer quoi que ce soit à la Turquie sans consulter
auparavant le PE et le Conseil. Ce n’est pas son rôle. Par contre, elle continue ici à jouer
le rôle d’expert qui objectivement considère que la Turquie doit adopter ce rôle de garant.
C’est pour cette raison que l’on ne peut rien opposer à cette déclaration. Elle est formulée
de manière absolue, car elle est produite par une institution qui se voit comme le déten-
teur d’une vérité absolue.
Comme on a pu le constater dans les analyses précédentes, dans ce cas aussi le CC1999
résente une attitude très distanciée, générale et peu explicite. Dans l’extrait proposé, la
e. On m’objectera d’avoir mal choisi l’extrait ; à cette
urquie.
p
Turquie n’est même pas mentionné
critique je peux répondre que dans l´intégralité du CC1999 il n’existe aucun passage qui
mette explicitement la Turquie en relation avec le conflit à Chypre. Le Conseil poursuit
donc sa stratégie de ne pas mettre à mal les relations diplomatiques avec la T
Comme on l´a vu, les intérêts du Conseil dépassent des motivations strictement
humanitaires et sont très probablement liées à des raisons de genre géostratégique et
économique.
Enfin, on remarque une ressemblance entre le texte de la CE et la résolution sur le
document lui-même. Tous les deux attribuent à la Turquie un rôle de garant dans le
conflit à Chypre et lui reprochent implicitement de ne pas en faire assez pour le résoudre.
Pourtant, contrairement au RPT1999, la RRPT1999 va plus loin en invitant la Turquie à
retirer ses propres troupes du nord de Chypre. Le PE possède le droit, en tant que
représentant du peuple, d’exiger cela. Ce deuxième paragraphe résulte alors du droit et
des devoirs que celui-ci a au sein de l’UE puisqu’il exprime à travers cette forte exigence
la volonté d’une grande partie de la population des pays membres de faire retirer les trou-
pes turques de l’île.
3.5 Conclusions du chapitre Cette première analyse du discours a mis en évidence quelques points importants : Tout
d’abord que mon hypothèse de départ s’est avérée juste, puisqu’on peut maintenant
affirmer qu’il existe une sorte d´incohérence discursive, donc une hétérogénéité du
discours de l’UE, qui résulte des trois espaces discursifs différents qui ont trois fonctions
diverses à l’intérieur de l’institution et trois structures opérationnelles différentes. La CE
reprend le rôle d’un espace discursif qui produit un discours d’expertise ou prononce en
57
d’autres mots un discours de vérité dans le sens qu’elle produit des renseignements sur la
Turquie, sur son état politique et économique. Son but et sa fonction devrait être de don-
ner aux deux autres espaces discursifs la possibilité de pouvoir se baser dans leurs dis-
cussions sur le savoir qu’elle apporte. La CE a donc ici un grand pouvoir, puisque sous le
prétexte d’être une institution neutre, de ne pas faire les intérêts d’une nation particulière
et de prétendre pouvoir produire un discours de vérité, elle peut en réalité reformer le
monde selon ses convictions. Mais comme je l’ai montré dans mon chapitre sur
l’architecture de l’UE, la CE n’est pas neutre, elle défend les intérêts de l’UE et parfois
aussi ceux des nations membres.
L’espace discursif du Conseil européen a une place particulière au sein de l’UE, puis-
qu’il est le point de départ et en même temps d’arrivée de chaque débat, qu’il déclenche
le débat et qu´à la fin il prend une décision. Il est donc celui qui a le plus de pouvoir dé-
cisionnel. Comme on vient de le voir, le Conseil se place lui-même et ses décisions ou
bien dans son propre contexte discursif, c´est-à-dire dans son propre espace discursif
puisqu´il fait rarement référence à d’autres espaces de l’UE, ou bien dans un contexte
discursif international, en se basant souvent sur le discours des NU ou d’autres institu-
tions supranationales. Comme j’ai essayé de le montrer, cette référence ne signifie pas
que le Conseil laisse aux NU la tâche de s’occuper de l’affaire concernant la Turquie. Le
s des ins-
tutions et à travers des critères qui se basent sur les mêmes valeurs et idéologies politi-
ques et qui n’admettent pas donc une autre vision du monde.
r
deux autres espaces, mais d’autre part, on constate aussi tou-
Conseil se considère lui-même plutôt comme partie intégrante de l’espace discursif des
NU. Cela doit être compris de la manière suivante : en premier lieu, l’UE participe aux
débats au sein des NU comme institution, et en deuxième lieu, les divers membres du
Conseil qui représentent leurs propres gouvernements sont eux aussi partie intégrante de
cette institution. Pour la candidature de la Turquie, ce phénomène est problématique
puisque le pays candidat risque d’être constamment évalué par des acteurs, dan
ti
Par contre, dans le discours du PE on remarque une tendance à se baser constamment su
les produits discursifs des
jours la volonté d’aller plus loin, d’être plus polémique et finalement d’exiger plus. A
mon avis, cela résulte du fait que, contrairement au Conseil, le PE ne représente pas les
gouvernements, mais comme on l´a vu, les parlementaires représentent la population des
pays d’une part et les partis politiques d’autres part. La question de la Turquie est beau-
coup discutée par le public. Le Parlement veut donc par son rôle aller plus loin que les
deux autres organes de l’UE et renforcer sa position à l’intérieur de celle-ci en restant
58
proche au souverain.
Enfin, il me semble nécessaire de ne pas négliger le fait que dans tout ce processus
décisionnel, la Turquie ne prend pas part activement à la discussion au sein des
commissions où les rapports sont rédigés. Dans ce cas, il est assez difficile de parler de
négociation puisque ce ne sont pas des rapports coconstruits, mais il est plus approprié
de faire référence à une institution qui avec ses propres règles évalue un pays qui doit
accepter le jugement de l’évaluateur, sans pouvoir répliquer ou négocier quoi que ce soit.
4. Le processus décisionnel au Parlement européen, un phéno-mène consensuel
L’objectif de ce chapitre est de présenter la production discursive d’une résolution parle-
mentaire, c´est-à-dire le processus décisionnel au sein du PE. Je vais montrer que, même
si tous les parlementaires sont mis en condition de participer à cette production, ce pro-
cessus décisionnel n’est pas de nature consensuelle mais est beaucoup plus un phénomène
dus qui ont une certaine importance dans ce
processus. P
autour de la résolution concernant
voie de l’adhésion
ments de participation au processus d entaire, c´est-à-dire le Rapport de
la AFET sur le rapport régulier 2004 de la CE les amendements et les interventions par-
lem ntaires, et d’autre part, il faudra comprendre dans quelle mesure ces divers textes
nécessaire de me concentrer surtout sur les liens qui existent entre
r cette raison qu’une étude de la circulation des discours
au PE sera fondam
la valeur de chaque interventi
Comme dans le chap r les divers documents
pris en considération. Ensuite, je passerai à
dirigé, influencé et canalisé par des indivi
our vérifier mon hypothèse, j’ai décidé de prendre comme exemplum le débat
Rapport régulier sur les progrès de la Turquie sur la
en 2004. Dans ce cas, il faudra présenter d’une part les divers instru-
écisionnel parlem
,
e
contribuent à la construction discursive de Résolution du Parlement européen sur le rap-
port régulier 2004 et la recommandation de la Commission européenne concernant les
progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésion, et enfin aussi au discours prési-
dentiel tenu devant le Conseil de Bruxelles. Pour comprendre ce processus de construc-
tion discursive, il sera
les différents discours. C’est pou
entale dans ce chapitre. Cette procédure me permettra de comprendre
on dans la décision elle-même.
itre précédent, j’aimerais tout d’abord présente
l’analyse des textes sur la base de trois
questions principales :
59
a) Quels sont les articles du rapport de la commission parlementaire qui sont le plus
sujets à des amendements, donc à des discussions? Quelles sont les propositions
de changements, et qui sont les auteurs de celles-ci? Et surtout, influencent-ils le
produit définitif, donc la résolution finale ?
Ici, il s
existen
fourni par l’institution elle-même. Ma réflexion ne s´articulera pas sur une étude de
reuves, les données que je présenterai ne suffisant pas pour une étude empirique, mais
points controversés qui apparaissent dans les
amendements sont-ils repris dans le débat au PE, en d’autre mots, comment les
s leur propre discours? Sur quels événements et
térieur du PE, c´est-à-
brièvement les documents utilisés pour
analyse, en considérant particulièrement leur pertinence pour mon étude entière, donc
pour la réponse à ma quaestio initiale, leur matérialité, c´est-à-dire surtout leur genre tex-
era surtout important de se focaliser sur les différents types d’amendements qui
t. Leur classement que je proposerai se base sur mes propres réflexions et n’est pas
p
beaucoup plus sur une logique de l’interprétation.
b) Dans quelle mesure les
parlementaires contextualisent-il
quels espaces discursifs, et sur quels autres textes s'appuient-ils?
Il sera également important de comprendre dans quelle mesure les discours analysés
peuvent être mis en relation avec d’autres produits discursifs. Concrètement, il sera
fondamental de pouvoir observer une circulation discursive à l’in
dire des liens entre les diverses interventions.
c) Dans quelle mesure le discours du président au sein du Conseil tient-il compte du
débat parlementaire, des décisions prises par le PE et de l'hétérogénéité idéologi-
que de celui-ci? Modifie-t-il par sa présentation le document qu'il est en train de
traiter ?
Ici, mon focus sera pointé sur la circulation discursive mais également sur la
matérialisation du discours parlementaire dans ce nouvel espace discursif et donc sur les
changements éventuels qui apparaissent.
4.1 Présentation des documents L’objectif des passages suivants sera de présenter
l’
60
tuel et leur structure. Ensuite on traitera les conditions de leur production, de leurs fonc-
de clarifier et de rendre plus transparent le processus
uxième partie de celle-ci est beaucoup plus
l’élargissement, et de conséquence de la candidature de la
tions et de leurs objectifs à l’intérieur des processus décisionnels.
J’aimerais commencer par défendre la pertinence de ma sélection de la documentation,
qui s´explique par le sujet de ce chapitre, c’est-à-dire par l’objectif de comprendre les
processus décisionnels au sein du PE. Tout d’abord, il faut clarifier l’importance de cet
exemplum pour la candidature à l´adhésion de la Turquie. C´est au Conseil de Bruxelles
de décembre 2004 que l´on a décidé d’ouvrir des négociations sur cette éventuelle
adhésion de la Turquie en octobre 2005. Comme on l’a vu dans le chapitre sur les espaces
discursifs, celui-ci est obligé de consulter le PE pour les questions traitant de
l’élargissement. C’est-à-dire, mon choix d’utiliser les textes que je vais présenter ici en
bas doit être expliqués par le fait que ces documents symbolisent en quelque sorte les
éléments discursifs contribuant à construire la résolution parlementaire qui vise à
influencer la décision finale du Conseil. Et c’est l’analyse des liens entre ces divers
documents qui me permettra
décisionnel, et donc les relations de pouvoir à l’intérieur du PE.
4.1.1 La proposition de résolution (PRRPT2004)
Tout d’abord, je vais présenter le rapport de l’AFET sur le rapport régulier 2004 de la CE.
Ce rapport est écrit dans le genre textuel d’une proposition de résolution. Il est de dix
pages, n’a pas d’index et est traduit dans toutes les langues de l’UE. Comme toutes les
résolutions et les propositions de résolution ont une structure identique, on peut la compa-
rer à la résolution de l’année 1999 que je viens de présenter dans le chapitre 3.1.3. Dans
ce cas aussi, on trouve dans l’en-tête le nom du rapporteur, Camiel Eurlings, et le titre de
la résolution, Rapport sur le rapport régulier 2004 et la recommandation de la Commis-
sion européenne concernant les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésion.
La seule marque qui structure le document est l´énumération des paragraphes. Contraire-
ment à la résolution de l’année 1999, la de
longue. Les paragraphes sont présentés avec des lettres de A à Z, puis les lettres de AA à
HH pour énumérer le reste des paragraphes. La troisième partie est aussi plus longue, et
va du chiffre 1 au chiffre 61.
Comme je viens de le dire, les conditions de production d’un tel texte sont complexes.
Chaque année, le PE charge l’AFET d’écrire un rapport sur le rapport régulier de la CE.
L’AFET est responsable pour des questions traitant de la politique étrangère de l’Union
européenne, et donc aussi de
61
Turquie. Ce document est donc le produit d’un processus de négociation au sein de cette
, sur lequel je ne peux malheureusement pas m´arrêter ici parce
e partie importante du PE est
embre de l’AFET. Si l´on tient compte de tous les membres, c'est-à-dire aussi des rem-
plaçants, on arrive à une centaine de personnes dont presque 15% des parlementaires. Le
document est de conséquence déjà le produit d’un débat profond qui a donné la possibilité
aux gro res de le modifier.
La fonction de ce document est d’évaluer le rapport de la CE sur les progrès de la Turquie
2004 et de prendre position. Ce texte sert de base au PE pour la discussion sur le rapport
de la commission parlementaire qui mène à une résolution parlementaire. L’objectif, par
contre, rmer
sans aller trop loin que le but de la proposition de la commission parlementaire est de
persuader le PE de l’idée que l’on s’est faite du document, et d’imposer l’opinion de la
commis pa
4.1.2 Les amendements
Sur 100 amendements trouvés, j’en ai sélectionné une dizaine qui traite du conflit à
hypre et de ceux-là, je vais considérer 5 qui sont intéressant pour ma réflexion. La
commission parlementaire
que je n’ai pas eu accès à la documentation nécessaire pour pouvoir reproduire les débats
menés. Le texte définitif a était proposé par la commission parlementaire aux parlemen-
taires le 3 décembre 2004. Il est intéressant de noter qu’un
m
upes parlementai
dépasse la seule présentation des faits puisque l´on peut certainement affi
sion rlementaire.
C
structure du document est fixe et se présente de la manière suivante :
9 décembre 2004 A6-0063/5 AMENDEMENT 5 Déposé par Jacques Toubon, Margie Sudre, Hartmut Nassauer, Markus Ferber et autres Rapport A60063/2004 Camiel Eurlings Progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésion Proposition de résolution ____________________________________________________________________________ Paragraphe 38 38. appelle la Commission et le Conseil à inviter les autorités turques à reconnaître la République de Chypre, État membre de l’Union européenne et à retirer les forces armées stationnées sur son territoire; Or. Fr
62
Dans la partie supérieure, on trouve diverses informations sur le document, comme la
date de la déposition du texte et son chiffre, ensuite le numéro de l’amendement et les
auteurs du texte et enfin des informations qui se réfèrent à la proposition de résolution,
notamment le nom du rapporteur, le titre et le genre, sont présentés. En bas, on trouve le
numéro du paragraphe de la proposition de résolution auquel on fait référence, et en gras
les changements proposés. De plus, en bas à droite, on trouve l’abréviation « Or. Fr » qui
indique la langue originale de l’amendement, dans ce cas-là le français.
Malheureusement, je n’ai pas toujours trouvé les amendements en langue originale. Dans
ce cas j’ai opté pour le texte français ou, si celui-ci manquait aussi, j’ai pris la version
allemande.
Les conditions de production d’un tel document son particulières dans le sens que lorsque
lution de la commission parlementaire,
e résolution pour que le contenu et la forme du
ents intervenus sur la base des amen-
dements et du débat parlementaire. C’est pour cette raison que le document ressemble
les parlementaires reçoivent la proposition de réso
ceux-ci peuvent proposer des changements au texte. On peut s’imaginer trois conditions
de production différentes. La première possibilité est que l’amendement soit écrit par une
personne qui parle pour elle-même, n´étant pas soutenue par un groupe parlementaire. La
deuxième possibilité est qu’une personne ou un groupe de personnes écrivent le
document au nom d’un groupe parlementaire, donc que le document soit écrit dans une
séance de préparation parlementaire, et la troisième possibilité serait qu’un groupe
hétérogène au niveau idéologique, c’est-à-dire n’appartenant pas au même groupe
parlementaire, présente un texte commun que l’on rédigerait ou bien lors d’une séance
d’une commission, ou bien à l’extérieur de chaque structure de l’organisme. La fonction
de l’amendement est de pouvoir donner aux parlementaires la possibilité de participer au
processus décisionnel. C’est le premier moment pour celui qui n’est pas membre de la
commission parlementaire, où il peut avoir accès à ce processus de construction
discursive du document. L’objectif est donc de donner aux membres du PE la possibilité
d’influencer et de changer la proposition d
texte final, c´est-à-dire la résolution, corresponde le plus possible à la vision de la
problématique et à l’idéologie politique du PE entier.
4.1.3 La résolution parlementaire (RRPT2004)
La résolution est donc le texte adopté par le PE, il est basé sur la proposition de résolution
de la commission parlementaire et sur les changem
63
beaucoup au niveau de la forme mais aussi du contenu à la proposition de résolution de la
commission parlementaire. Formellement, il a la même structure sauf que le titre est dif-
férent puisque ce n’est plus un rapport mais une Résolution du Parlement européen sur le
rapport régulier 2004 et la recommandation de la Commission européenne concernant
les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésion. Une autre différence est que
la résolution est légèrement plus longue que la proposition de résolution due aux amen-
dements votés, elle compte 69 paragraphes au lieu de 61. En tout, le document comporte
13 pages. Contrairement à celui-ci, la résolution possède une troisième partie, celle où le
E tire ses conclusions sur les problèmes mentionnés dans la deuxième partie. Comme je
d’informations sur la structure et la forme d’une résolu-
ielle de la part
endant cette séance qui
P
viens de mentionner, pour plus
tion, on peut se référer au chapitre 3.1.3.
Tout ce chapitre sur les processus décisionnels à l’intérieur du PE représente en quelque
sorte l’explication détaillée des conditions de production de ce document. En ce sens, on
peut dire que la résolution parlementaire se base sur la proposition de résolution d’abord
négocié et ensuite rédigé au sein de l’AFET, influencé et modifié par la suite d’une part
par des amendements proposés par les membres du PE, et d’autre part par le débat
politique ayant lieu dans l´espace discursif de celui-ci .
Comme je viens de le montrer dans les chapitres précédents, la fonction de ce texte
résulte du système opérationnel de l’UE, qui donne aux représentants du peuple le
pouvoir d’être obligatoirement consultés par le Conseil pour les questions sur
l’élargissement. La résolution représente donc une prise de position offic
du PE vis-à-vis du document de la CE sur les progrès de la Turquie et en général sur
l´éventuelle adhésion de ce pays. L’objectif, bien entendu, est comme dans tout les
documents du PE d’influencer le processus d’adhésion et d´atteindre à travers ce texte
une position plus forte au sein l’UE.
4.1.4 Le débat parlementaire
Le document que je vais présenter dans ce chapitre est très différent de ceux que j’ai déjà
mentionné. Il s’agit dans ce cas de la représentation matérielle, donc écrite du débat au
PE. En d’autres termes, ce que j’aimerais présenter ici est le compte-rendu in extenso du
débat du 13 décembre 2004 à Strasbourg. Ce document fait partie du genre textuel du
Débat, c'est-à-dire la mise sur papier de tout ce qui a été dit p
mène à la résolution définitive présentée dans le chapitre précédent. Il est produit par un
groupe de personnes chargées de la documentation. Les auteurs ne notent pas seulement
64
textuellement ce qui est dit, mais ils ajoutent aussi des références comme « Applaudisse-
ents » ou « le Président retire la parole à l’orateur » pour décrire des éléments non-
t ensuite ils traduisent le texte dans toutes les langues de l’UE.
endant
ent à ce que l’on vient de voir, le discours du président a lieu à
extérieur de l'espace discursif du PE. Son discours vise à soutenir la résolution du PE
rnant cette
m
verbaux de la séance. En premier lieu, ils transcrivent le débat dans la langue originale de
l’orateur, e
Spécifiquement pour ce document, on peut affirmer que sa longueur inhabituelle de 50
pages est due à la longueur et donc à l’importance du débat sur le rapport. De la même
façon que le texte est une mise sur papier de la séance, la structure du document suit aussi
la logique du déroulement du débat. On trouve d´abord une partie introductive, où le
Président donne la parole au rapporteur responsable du document, M. Eurlings, ensuite au
représentant de la CE présente, M. Rehn, et finalement à celui qui représente le Conseil,
M. Nicolai. Dans la deuxième partie, divers parlementaires tiennent leur discours au nom
d’un groupe parlementaire, dans la troisième on trouve toute une série d’interventions
indépendantes, dans le sens que les orateurs parlent en leur propre nom. La quatrième et
dernière partie est celle où les représentants de la CE et du Conseil reprennent la parole
pour répondre aux interventions et où le Président clôt le débat.
Le but de ce type de document est de présenter littéralement le débat pour que l’on puisse
s’y référer par la suite, et pour que le public puisse avoir accès à ce qui a été dit p
la séance, car le texte est aussi publié dans le journal officiel de l’UE.
4.1.5 Le discours du Président du Parlement européen au Conseil européen de
Bruxelles
Le dernier texte que je vais présenter ici est le discours tenu par le Président, Fontenelles,
du PE au Conseil européen de Bruxelles le 17 décembre 2004 et qui a une longueur de
trois pages. Comme le texte précédent, il s’agit ici d’une intervention orale mise sur
papier. Mais contrairem
l'
dans l’espace discursif du Conseil, et à influencer la décision de celui-ci conce
résolution, c´est-à-dire de soutenir le produit du PE. Il est important pour moi de prendre
en considération ce discours, car à mon avis, il faut le situer par rapport aux autres textes
sur le processus décisionnel du PE que je viens de présenter. Cela signifie que le discours
du président doit être considéré comme une espèce de matérialisation de la décision sur la
résolution prise par le PE, comme un pont entre le PE et le Conseil. Cela me permet de
montrer d’un côté la circulation du discours et de l’autre côté de dépasser la simple
procédure décisionnelle au PE pour analyser les conséquences que celle-ci peut avoir.
65
Au sein de la séance du Conseil européen, il faut situer le discours du président juste
après l’intervention du président de la CE et avant le débat proprement dit du Conseil.
Dans ce cas, j’aimerais préciser que l’intervention du président ne se limite pas à la
question de la Turquie, mais comme l’adhésion de celle-ci représente le point central de
l’ordre du jour, une grande partie de ce qu’il dit s’y réfère. Son discours se base sur un
double axe, il parle d´abord de la collaboration entre les divers organes de l’UE, se
focalise ensuite sur l’élargissement en s’arrêtant sur chaque candidat, et parle enfin de la
candidature de la Turquie.
4.2 L’amendement, un instrument de participation décisionnel Pour cerner les processus d’expression et de décision à l’intérieur du PE, l’objectif de ce
chapitre sera d’abord d’analyser les amendements qui se réfèrent aux articles du rapport
de la commission parlementaire et qui sont le plus sujets à des discussions, de
omprendre quelles sont les propositions de changement qui sont faites et par quels
re les
deux articles
ont très discutés et donc controversés au sein du PE et me permettent en même temps de
maintenir avec l’insistance sur la question chypriote une certaine cohérence au niveau des
s o se
c' erais diffé ticle reste la
même et où les corrections rest la formulation, de ceux qui
visent à changer entièrement l’article, où entre la proposition de résolution et
l’ ve ue
P o i r
d io nd
l’ s s .
O as
A , eu
c p n
P pr n u
c
acteurs sociaux et finalement de comprendre l’influence que ces textes ont sur la
résolution. J’ai choisi l’article 38 de la proposition de résolution qui énumè
conditions préalables d’adhésion se concentrant surtout sur le conflit à Chypre. De plus,
l’article 39 du même document qui vise à demander un soutien financier de la part du
Conseil pour la partie nord de Chypre occupée par les troupes turques. Ces
s
ujets traités dans mon mém
est-à-dire que j’aim
ire. De plus, mon analyse
rencier les amendements où
ent au niveau de la forme ou de
ra basée sur un double axe,
l’idée clé de l’ar
amendement existent des di
our ce type de travail, j’ad
irectement les trois formulat
AFET change et c’est le ca
n trouvera les changements p
. Dans cette première phase
hanger l’article 38 et 39 en a
our commencer, j’aimerais
rgences au niveau sémantiq
pterai une mise en page qu
ns et qui m’aidera à compre
, comment les amendement
roposés toujours notés en gr
j’aimerais donc proposer d
portant des modifications au
ésenter les trois textes qui co
et politique.
me permettra de compare
re si le discours proposé par
sont acceptés par le plenum
.
x amendements qui visent à
iveau d’un seul mot.
cernent le paragraphe 38 d
66
ra rl e
P ar
pport de la commission pa
arlement européen au numéro
Proposition de résolution
ementaire. Celui-ci se trouv
44, car on a ajouté d’autres
Amendements
dans la résolution finale du
ticles au texte.
Résolution
Rapport de la commission des affaires étrangèrs. Rapporteur Camiel Eurlings (A6-0063/2004).
Blokland, Maciej Giertych, Georgios Karatzaferis ; Francesco Enrico Speroni, Vladimir Zelezny au
ent européen sur le rapport régulier 2004 (P6_TA(2004)0096)
Déposé par Bastiaan Belder, Johannes
Résolution du Parlem
nomdu groupe parlementaire IND/DEM (A6-0063/48)
38. […] fordert die türkischen Behörden auf, ihre konstruktive Haltung zur Herbeiführung einer Regelung der Zypernfrage, an deren Ende eine gerechte Lösung steht und über die auf der Grundlage des Annan-Plans und der Grundsätze der EU verhandelt werden sollte, beizubehalten und entsprechend den einschlägigen Resolutionen der Vereinten Nationen ihre Streitkräfte nach einem speziellen Zeitplan möglichst bald abzuziehen; vertritt die Auffassung, dass dieser Abzug der türkischen Truppen einen notwendigen Schritt im Hinblick auf eine weitere Entspannung der Lage, […] darstellt; fordert die türkischen Behörden auf, die Republik Zypern anzuerkennen; erinnert die türkischen Behörden daran, dass die Verhandlungen zwischenstaatliche Verhandlungen zwischen der Türkei auf der einen Seite und den 25 Mitgliedstaaten der Europäischen Union auf der anderen sind; weist darauf hin, dass die Republik Zypern einer der Mitgliedstaaten der Europäischen Union ist […].
38. […] fordert […] die türkischen Behörden auf, ihre konstruktive Haltung zur Herbeiführung einer Regelung der Zypernfrage, an deren Ende eine gerechte Lösung steht und über die auf der Grundlage des Annan-Plans und der Grundsätze der EU verhandelt werden sollte, beizubehalten und entsprechend den einschlägigen Resolutionen der Vereinten Nationen ihre Besatzungstruppen nach einem speziellen Zeitplan möglichst bald abzuziehen; vertritt die Auffassung, dass dieser Abzug der türkischen Besatzungstruppen einen notwendigen Schritt im Hinblick auf eine weitere Entspannung der Lage […] darstellt; fordert die türkischen Behörden auf, die Republik Zypern anzuerkennen; erinnert die türkischen Behörden daran, dass die Verhandlungen zwischenstaatliche Verhandlungen zwischen der Türkei auf der einen Seite und den 25 Mitgliedstaaten der Europäischen Union auf der anderen sind; weist darauf hin, dass die Republik Zypern einer der Mitgliedstaaten der Europäischen Union ist […].
44. […] fordert die türkischen Behörden auf, ihre konstruktive Haltung zur Herbeiführung einer Regelung der Zypernfrage, an deren Ende eine gerechte Lösung steht und über die auf der Grundlage des Annan-Plans und der Grundsätze der EU verhandelt werden sollte, beizubehalten und entsprechend den einschlägigen Resolutionen der Vereinten Nationen ihre Streitkräfte nach einem speziellen Zeitplan möglichst bald abzuziehen; vertritt die Auffassung, dass dieser Abzug der türkischen Truppen einen notwendigen Schritt im Hinblick auf eine weitere Entspannung der Lage […] darstellt; fordert die türkischen Behörden auf, die Republik Zypern anzuerkennen; erinnert die türkischen Behörden daran, dass die Verhandlungen zwischenstaatliche Verhandlungen zwischen der Türkei auf der einen Seite und den 25 Mitgliedstaaten der Europäischen Union auf der anderen sind; weist darauf hin, dass die Republik Zypern einer der Mitgliedstaaten der Europäischen Union ist […].
Comme on peut le constater, l’amendement proposé par divers parlementaires au nom du
d’occupation. Ce changement est proposé chaque fois que le terme « Truppen »
groupe parlementaire IND/DEM qui est eurosceptique et qui a pour objectif de redonner
aux nations membres de l’UE le pouvoir que l’on a cédé à l’UE, propose la substitution
des termes « Streitkräfte » et « Truppen » par la notion « Besatzungstruppen ». On remar-
que alors clairement la volonté de ce groupe parlementaire d’une part d’être en accord
avec le contenu de l’article et donc avec des demandes que l’AFET propose de faire à la
Turquie, en reprenant tout l’article comme la commission parlementaire le propose.
D’autre part la correction doit être interprétée comme une volonté de modifier ce discours
en changeant le rôle que l’on accorde à l’armée turque au nord de Chypre en parlant de
troupes
67
apparaît. A travers cette modification du discours, on comprend vite la position politique
du gr vis-à-vis de la es forces turque bref,
c cc p
l’ t
Pour l’instant, il est important d groupe parlementaire
IN uc si
n ré p
k i c
le
M te t
ommission parlementaire. Dans ce cas, les parlementaires font cette proposition au nom
oupe parlementaire présence d s à Chypre. En
ette formulation qui met l´a
action militaire turque et me
ent sur l’occupation, corres
le poids du discours sur l’asp
e constater que cette proposition du
ond à une condamnation de
ect illégal de cette présence.
D/DEM n’a été d’une a
’apparaît donc pas dans la
räfte » et de « Abzug der türk
s raisons pour cette absence d
aintenant, j’aimerais présen
une manière prise en con
solution finale puisque l’on
schen Truppen ». À la fin de
e prise en considération.
r un amendement concernan
dération par le plenum et
arle encore de « ihre Streit-
e chapitre, je vais expliquer
l’article 39 du rapport de la
c
du PSE qui est en faveur de l’adhésion de la Turquie et qui est en général très proche des
idées fondatrices de l’UE. Dans ce cas, on a une prise de position différente vis-à-vis de
la proposition de la commission parlementaire. Même si comme dans l’amendement que
l’on vient d’analyser, celui-ci reprend le discours de la commission parlementaire en
acceptant l’idée centrale de l’article, il propose en même temps un changement qui n’a
pas de motivation politique ou idéologique. Il vise cependant plutôt à corriger une faute
de forme.
Proposition de résolution Amendements Résolution adoptée
Rapport de la commission des affaires étrangèrs. Rapporteur Camiel Eurlings (A6-0063/2004)
Déposé par Pasqualina Napoletano, Jan Marinus Wiersma, Vériônique De Keyser et Panagiotis Beglitis au nomdu groupe parlementaire PSE (A6-0063/59)
Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 2004 (P6_TA(2004)0096)
39. fordert den Rat auf, seine Versprechen einzuhalten und der Isolation der türkischzyprischen Gemeinschaft ein Ende zu setzen; erwartet, dass die einschlägigen Maßnahmenpakete betreffend Wirtschaftshilfen und den direkten Handel mit dem Nordteil der Insel rasch angenommen werden;
39. fordert den Rat auf, seine Versprechen einzuhalten und der Isolation der türkisch-zypriotischen Gemeinschaft ein Ende zu setzen ; erwartet, dass die beiden Verordnungen betreffend Wirtschaftshilfen und den (Streichung) Handel mit dem Nordteil der Insel rasch angenommen werden ;
39. fordert den Rat auf, seine Versprechen einzuhalten und der Isolation der türkisch-zyprischen Gemeinschaft ein Ende zu setzen; erwartet, dass die beiden Verordnungen betreffend Wirtschaftshilfen und den (Streichung) Handel mit dem Nordteil der Insel rasch angenommen werden;
L’amendement présente ici une formule différente de celle adoptée dans le rapport qui
parlait de « Massnahmenpakete betreffend Wirtschaftshilfen ». Au lieu de cette notion, le
PSE propose le terme de « beide Verordnungen ». Cette décision tend à préciser le pas-
sage en utilisant des termes juridiques qui permettent dans ce cas de spécifier la nature de
ces mesures, puisqu’on ne parle pas de mesures quelconques mais d’ordonnances ou de
68
décrets qui ont une valeur juridique au sein de l’UE. De plus, cet amendement biffe le
terme « direkt » dans la formule « den direkten Handel ». Dans ce cas-là, la raison de
as différencier ici les échanges
ntré dans mon
hapitre sur les espaces discursifs, le PSE n’a pas une majorité absolue au PE - que le PE
a acc nt, en d’autre lui-ci reprend l PSE et
l’
B sser pe ne
v du pl u
e . To x nt
d , e ui à
l’ nc à créer un paragraphe 38a.
M se concentrer sur l’amendemen e
s st intéressant de noter que toute s
d en démocrate. Pourtant, ils ne parlent pas
a aire. Cela signifie probablement qu’à l’intérieur du groupe
p ’autres partis sont représentés, u
p es lui-même, cet amendement n’a pas trouvé de consensus.
’est la raison pour laquelle on le propose au nom de simples parlementaires et non au
cette correction dépasse la simple question de la forme. Derrière ce changement, on
trouve l’idée de vouloir éviter une formule qui restreint l’effet du décret, parce que la no-
tion « direkt » implique que pour les échanges économiques indirects qui se passent donc
par le biais d´un troisième État, qui ne fait pas partie de l’UE, aucune mesure ne doit être
prise. Cela n’est pas le cas dans le sens que l’UE ne veut p
directs et indirects. C’est-à-dire, la correction du PSE vise à éviter des malentendus sur
des documents qui existent déjà et ne qui sont pas mis en discussion. Contrairement à ce
que l’on vient de voir pour l’amendement du groupe parlementaire IND/DEM, dans ce
cas la correction ne doit pas être interprétée au niveau politique ou idéologique mais
beaucoup plus à un niveau institutionnel, dans le sens qu’il s’agit de clarifier la significa-
tion de certains documents auxquels on se réfère. Ceci peut être confirmé par le fait que,
contrairement aux changements proposés dans l’amendement du IND/DEM, les deux
corrections ont été acceptées par le plenum. Cela signifie que la proposition du PSE sem-
blait tellement élémentaire et aussi facile à comprendre - comme je l’ai mo
c
epté ce changeme s termes ce e discours du
intègre dans le sien.
. A présent, j’aimerais pa
ise pas à changer la forme
t l’idée principale du texte
irectement le paragraphe 38
article qui existe déjà et do
ais en premier lieu, il faut
érie de parlementaires. Il e
ans l’amendement sont membres du parti chréti
u nom du groupe parlement
arlementaire, dans lequel d
arti des chrétiens-démocrat
à l´analyse d’un second ty
rapport, mais va beaucoup
ut d’abord, je présente deu
t ensuite un amendement q
d’amendement. Celui-ci
us loin et critique le conten
amendements qui concerne
vise à ajouter des éléments
t ici en bas, proposé par un
s les personnes mentionnée
et probablement au sein d
C
nom d’un groupe. Dans cette analyse, j’aimerais comprendre à travers l’étude du texte
quels changements sont visés à travers la présentation de cet amendement.
69
Proposition de résolution Amendements Résolution adoptée
Rapport de la commission des affaires étrangèrs. Rapporteur Camiel Eurlings (A6-0063/2004)
Déposé par Jacques Toubon, Margie Sudre, Hartmut Nassauer, Markus Ferber et autres (A6-0063/05) :
Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 2004 (P6_TA(2004)0096)
38 regrette, […] que la communauté chypriote grecque n’ait pas été capable de parvenir à une solution; invite cependant les autorités turques à garder une attitude constructive dans la recherche d’un règlement de la question chypriote qui aboutissent à une solution équitable, qu’il conviendra de négocier sur la base du plan Annan et des principes fondateurs de l’Union européenne, et à retirer rapidement ses troupes, conformément aux résolutions des Nations Unies à ce sujet et selon un calendrier spécifique; estime qu’un tel retrait rapide des forces d’occupation turques est une étape nécessaire sur la voie d’un apaisement des tensions, […] invite les autorités turques à reconnaître la République de Chypre; […]
38. appelle la Commission et le Conseil à inviter les autorités turques à reconnaître la République de Chypre, Etat membre de l’Union européenne et à retirer les forces armées stationnées sur le territoire;
38 regrette, […] que la communauté chypriote grecque n’ait pas été capable de parvenir à une solution; invite cependant les autorités turques à garder une attitude constructive dans la recherche d’un règlement de la question chypriote qui aboutissent à une solution équitable, qu’il conviendra de négocier sur la base du plan Annan et des principes fondateurs de l’Union européenne, et à retirer rapidement ses troupes, conformément aux résolutions des Nations Unies à ce sujet et selon un calendrier spécifique; estime qu’un tel retrait rapide des forces d’occupation turques est une étape nécessaire sur la voie d’un apaisement des tensions, […] invite les autorités turques à reconnaître la République de Chypre; […]
Une comparaison de l’argumentation de l’article 38 du rapport avec celle de
l’amendement rend vite clair les différences argumentatives entre les deux textes. Au ni-
veau de l’idée principale des deux paragraphes on ne trouve presque aucune différence.
Celui du rapport contient d’abord une longue introduction où l´on exprime la position du
PE vis-à-vis du fait que Chypre n’a pas pu persuader la partie nord de l’île d’accepter
l’adhésion à l’UE. Ensuite, on fait trois demandes à la Turquie, celle de respecter le plan
Annan, c’est-à-dire de créer de fédération parallèle, de retirer ses troupes et de reconnaître
Chypre. Cette demande s’adresse directement au pays candidat. L’amendement, par
icle 38,
argumentation de l’amendement soit beaucoup plus focalisée sur les éléments princi-
paux - ici on utilise deux phrases très courtes pour exprimer de ène à
contre, s’adresse à la CE et au Conseil et sollicite ceux-ci pour faire pression sur la Tur-
quie, afin qu´elle retire ses troupes et reconnaisse Chypre. La grande différence est donc
que les parlementaires ne s’adressent pas directement à la Turquie, mais aux deux autres
organes de l’UE. L’argumentation est la même, puisque le plan Annan implique les deux
autres arguments, notamment celui de la reconnaissance et celui du retrait. On constate
donc ici en quelque sorte un essai d´inclure dans la résolution finale un reproche caché
fait aux autres espaces discursifs de l’UE. Le fait que, contrairement à l’art
l’
ux idées - me m
70
l’ roc is -
m sur mu
g sion le
d le et échec on ne peut que spécu-
le uc p ,
o ne jà
a ut utr u
pour l’amendement du groupe i visait à souligner l’aspect de
l’occupation militaire, une tell a Turquie trop directement et
aurait donc représenté le PE de
Le prochain amendement que ble par son objectif à celui que
je viens d´analyser, dans le sen rgumentation de l’article qu’il
souhaite modifier, dans ce cas le 39, mais contrairement au précédent, il propose
’aller plus en détail dans le texte qu’il veut corriger. Cet amendement est proposé par le
interprétation que l’on rep
entaire d’être peu stricts
he à la CE, au Conseil ma
ce point et de ne pas com
aussi à la commission parle
niquer assez directement au
ouvernement turc les déci
ement n’a pas été voté par
r, puisqu´on en ne trouve a
n peut dire que ce type de tex
ssez tendus avec les deux a
s à prendre pour résoudre
plenum. Sur les raison de c
une référence dans le débat
te aurait probablement d’u
res organes de l’UE, et d’a
parlementaire IDM/DEM qu
e formule aurait condamné l
manière négative.
j’aimerais proposer ressem
s qu´il reprend également l’a
l’artic
conflit à Chypre. Cet amen-
arlementaire. Tout de même
part empiré les rapports dé
e part comme on l’a déjà v
d
grec Dimitrios Papadimoulis au nom du groupe parlementaire GUE/NGL, la gauche
unitaire européenne et la gauche verte nordique, qui s’est toujours battue pour
l’intégration européenne et qui représente divers partis de la gauche socialiste et
communiste.
Rapport de la commission Amendements Résolution adoptée
Rapport de la commission des affaires étrangèrs. Rapporteur Camiel Eurlings (A6-0063/2004)
Déposé par Dimitrios Papadimoulis au nomdu groupe parlementaire GUE/NGL (A6-0063/33)
Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 2004 (P6_TA(2004)0096)
39. fordert den Rat auf, seine Ver-sprechen einzuhalten und der Isola-tion der türkischzyprischen Ge-meinschaft ein Ende zu setzen; erwartet, dass die einschlägigen Maßnahmenpakete betreffend Wirtschaftshilfen und den direkten Handel mit dem Nordteil der Insel rasch angenommen werden;
39 fordert den Rat auf, seine Be-mühungen um die Verwirkli-chung der Schlussfolgerungen des Rates vom 26. April 2004 betreffend die türkisch-zypriotische Gemeinschaft fort-zusetzen und die Wiedervereini-gung Zyperns durch die Förde-
45. fordert den Rat auf, seine Ver-sprechen einzuhalten und der Isola-tion der türkisch-zyprischen Ge-meinschaft ein Ende zu setzen; erwartet, dass die beiden Verord-nungen betreffend Wirtschaftshil-fen und den (Streichung) Handel mit dem Nordteil der Insel rasch
rung der wirtschaftlichen Ent-wicklung der türkisch-zyprischen
tes zur Schaffung eines Instru-ments für die finanzielle Unter-stützung der wirt-schaftliche er
angenommen werden;
Gemeinschaft zu erleichtern ; fordert in diesem Zusammen-hang dringend die rasche An-nahme der Verordnung des Ra-
der Förderung n Entwicklung d
türkisch-zyprischen Gemein-schaft.
71
C tio eu au
n x-ci ant es
im n rm 9
re em li e
d ne il 2 t
d no scu e
C at a
Z do ne le
g G endement. Cela peut être soutenu par le
fait que ce décret apporterait des aides financières au nord de Chypre, ce qui
correspondrait à l’idéologie du groupe parlementaire dans à
tr action politique sur la valeur d s
a ontre cette formule et se conte ,
c ue j’ai exposés dans la partie A.
Enfin, j’aimerais présenter un amendement proposé par deux et
yriacos Triantaphyllides, au nom du même groupe parlementaire, la GUE/NGL.
omme je viens de le men
iveau des idées clés ceu
portantes. Par exemple, o
stent implicites. L’amend
iscursif, le « Rat », et l’évé
oit être situé, celui-ci étant
hypre. Le double appel au
usammenhang dringend »
roupe parlementaire GUE/N
avers l’idée de baser toute
ussi, le plenum se décide c
ontenant les changements q
nner, la comparaison des d
sont très proches. Pourt
présente beaucoup d’info
ent propose une contextua
ment discursif, « 26. Apr
tamment placé dans une di
Conseil, « fordert den R
it être interprété comme u
L accorde à l´am
x textes nous montre qu’
, on trouve des différenc
ations qui dans l’article 3
sation, on indique l’espac
004 », dans lequel le décre
ssion sur la réunification d
uf » et « fordert in diesem
trace de l’importance que
le sens qu’elle se définit
e la solidarité. Dans ce ca
nte de la formule originale
grecs, Athanasios Pafilis
K
Proposition de résolution Amendements Résolution adoptée
Rapport de la commission des affaires étrangèrs. Rapporteur Camiel Eurlings (A6-0063/2004)
Athanasios Pafilis et Kyriacos Triantaphyllides au nomdu groupe parlementaire GUE/NGL (A6-0063/20)
Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 2004 (P6_TA(2004)0096)
38. […] fordert die türkischen Be-hörden auf, ihre konstruktive Hal-tung zur Herbeiführung einer Rege-lung der Zypernfrage, an deren Ende eine gerechte Lösung steht und über die auf der Grundlage des Annan-Plans und der Grundsätze der EU verhandelt werden sollte, beizubehalten und entsprechend den einschlägigen Resolutionen der Vereinten Nationen ihre Streitkräfte nach einem speziellen Zeitplan möglichst bald abzuziehen; vertritt die Auffassung, dass dieser Abzug der türkischen Truppen einen not-wendigen Schritt im Hinblick auf eine weitere Entspannung der Lage, […] darstellt; fordert die türkischen Behörden auf, die Republik Zypern anzuerkennen; erinnert die türki-schen Behörden daran, dass die Verhandlungen zwischenstaatliche Verhandlungen zwischen der Tür-kei auf der einen Seite und den 25 Mitgliedstaaten der Europäischen Union auf der anderen sind; weist
38b. erinnert daran, dass das Zypern-Problem eine internatio-nale Angelegenheit ist und auf die türkische Invasion und Besetzung eines Teils der Insel zurückgeht, und fordert die Lösung auf der Grundlage der einschlägigen Resolution der Vereinten Natio-nen die Schaffung einer souverä-nen, unabhängigen und waffen-freien Föderation mit zwei Zonen und zwei Gemeinschaften; for-dert die Türkei auf, die Besat-zungstruppen unverzüglich ab-zuziehen und die Republik Zy-pern anzuerkennen;
38 […] fordert die türkischen Be-hörden auf, ihre konstruktive Hal-tung zur Herbeiführung einer Rege-lung der Zypernfrage, an deren Ende eine gerechte Lösung steht und über die auf der Grundlage des Annan-Plans und der Grundsätze der EU verhandelt werden sollte, beizubehalten und entsprechend den einschlägigen Resolutionen der Vereinten Nationen ihre Streitkräfte nach einem speziellen Zeitplan möglichst bald abzuziehen; vertritt die Auffassung, dass dieser Abzug der türkischen Truppen einen not-wendigen Schritt im Hinblick auf eine weitere Entspannung der Lage, […] darstellt; fordert die türkischen Behörden auf, die Republik Zypern anzuerkennen; erinnert die türki-schen Behörden daran, dass die Verhandlungen zwischenstaatliche Verhandlungen zwischen der Tür-kei auf der einen Seite und den 25 Mitgliedstaaten der Europäischen Union auf der anderen sind; weist
darauf hin, dass die Republik Zy- darauf hin, dass die Republik Zy-
72
pern einer der Mitgliedstaaten der Europäischen Union ist […].
pern einer der Mitgliedstaaten der Europäischen Union ist […].
Cet amendement va encore plus loin que les autres, dans le sens qu’il propose d’ajouter
un paragraphe 38b après le 38. Cela signifie que le groupe parlementaire accepte
l’existence de ce paragraphe, mais qu´elle trouve nécessaire d’en ajouter un autre qui
complète ce point, car contrairement au 38 qui s’adresse à la Turquie, le groupe
parlementaire souhaiterait ajouter 38b pour s’adresser à la Turquie et aussi et surtout à la
communauté internationale. Ce besoin est exprimé au début de l’amendement, lorsqu’on
intérêts de l’une
es deux communautés.
is retenir quelques
explique que «das Zypern-Problem eine internationale Angelegenheit ist », en impliquant
donc que le conflit ne peut être résolu que dans un espace discursif qui s’occupe de
problématique internationale. Les NU sont l’espace discursif international le plus
puissant. Il est très important de mentionner ici la manière dont les auteurs de
l’amendement argumentent : ils explicitent le contenu de la résolution en énumérant tous
les éléments qu’elle contient, « die Schaffung einer souveränen, unabhängigen und
waffenfreien Föderation mit zwei Zonen und zwei Gemeinschaften ». Cette manière de
procéder doit aussi être mise en relation avec les valeurs du groupe parlementaire, c’est à
dire que la solution votée par les NU correspond tout à fait à celle que le groupe
parlementaire aurait proposé, car elle tient compte de la problématique locale en
considérant l’hétérogénéité ethnique de l’île. C’est donc un appel à la communauté
internationale, mais aussi en quelque sorte à l’UE et au PE lui-même, à participer à la
résolution de ce conflit en insistant sur la résolution des NU. Comme les deux autres
amendements que l’on vient d’analyser dans la partie B, celui-ci n’est pas accepté par le
plenum. Dans ce cas aussi, il est difficile d’expliquer cet échec sans entrer dans un
raisonnement spéculatif. Tout de même, il me semble pertinent de dire que l’adoption de
cet amendement aurait impliqué une reconnaissance de la part de l’UE du fait qu´à
Chypre se trouvent deux communautés en conflit et que la présence de la Turquie pourrait
finalement être légitimée par le fait de vouloir protéger ou défendre les
d
Pour synthétiser ce que je viens d´étudier dans ce chapitre, j’aimera
points qui me semblent fondamentaux. Tout d´abord, mon analyse a montré que les
amendements sont un instrument d’expression parlementaire qui permet aux membres de
participer aux processus décisionnels. On a pu constater aussi qu’il y a deux types
d’amendements, l’un qui vise à modifier la forme de l’article, l’autre qui veut en changer
le contenu. Ensuite, j’ai pu constater que ceux qui visent à en changer purement la forme
73
sont acceptés par le plenum et que ceux qui visent à en changer le contenu sont souvent
rejetés. Finalement, on peut voir que pour les articles que je viens de présenter, on ne
trouve pas de grande différence de nature idéologique entre la proposition de résolution et
la résolution. Cela signifie qu’au niveau du message politique que l’on veut faire passer
vers l’extérieur, la proposition de résolution ne peut presque pas être changée, ou du
moins c’est ce que j’ai pu remarquer. C'est-à-dire que les décisions sur les contenus de la
résolution semblent déjà être prises au sein de la commission parlementaire et que les
arlementaire et la construction discursive près avoir mis le focus sur les amendements, le but de ce chapitre sera d’expliquer
commen sé par M.
Eurlings au sein du
PE et do solution. Je
vais di ter ici. Ils
appartie itique, le PPE-DE, c´est-à-dire aux
chrétien osition de
résolutio nom du groupe parlementaire et
troisièm poulos, un
membre les diverses
osition à l’intérieur du groupe parlementaire ont une influence sur
amendements ne semblent donc pas donner beaucoup de possibilités de changement. En
d’autres mots, si on peut montrer que les instruments pour participer au processus déci-
sionnel existent réellement, les groupes parlementaires comme la GUE/NGL, la
IND/DEM, mais aussi les deux parlementaires grecs qui représentent une idéologie poli-
tique minoritaire visant à dépasser une logique du compromis politique, n’arrivent pas à
faire passer leurs idées et donc à faire entendre leur voix au sein du PE.
4.3. Le débat pA
t les parlementaires se réfèrent dans leur discours au rapport propo
et au processus décisionnel pour comprendre les relations de pouvoir
nc pour mieux cerner le processus de construction discursive d’une ré
fférencier trois types d’orateurs, dont le discours je vais présen
nent tous au même groupe parlementaire poln
s-démocrates en premier lieu M. Eurlings, le rapporteur de la prop
, deuxièmement M. Poettering qui parle au n
ement j’aimerais présenter un extrait du discours de M. Dimitrako
de ce groupe parlementaire. Ce choix me permettra de comprendre si
p s, c´est-à-dire les rôles
la manière de présenter un discours.
A. Dans cette première partie, je présenterai un extrait du discours de M. Eurlings. Mon
but est de montrer de quelle manière Eurlings parle du rapport, de sa propre relation avec
le texte et de celle du reste du PE avec celui-ci. Il sera en outre intéressant de voir si et
comment l’orateur fait référence à son rôle de rapporteur et de membre d’un groupe par-
lementaire qui participe lui aussi au débat. Ici, le Président vient de donner la parole à M.
Eurlings pour lui faire présenter le rapport de la commission parlementaire avant d’ouvrir
le débat aux représentants de la CE, au Conseil, aux groupes parlementaires et enfin aux
74
parlementaires.
Eurlings (PPE-DE), rapporteur. - (NL) Monsieur le Président, lorsque la responsabilité de rédiger un rapport sur les relations entre l’UE et la Turquie m’a été confiée, j’ai décidé […] d’écrire un rapport fondé sur le fait qu´il soit équitable et équilibré. Outre l’étude de la Commission […] mes conclusions reposent également sur mes visites fréquentes en Turquie. Ces derniers mois, depuis le début du mois d’octobre en fait, j’ai passé plus de deux semaines dans ce pays. […] Parallèlement, […] j’ai aussi acquis la conviction - et je l’ai dit dans mon rapport - que d’autres réformes s’imposent et doivent être menées à bien. […] À l’instar de la Commission, du Conseil de l’Europe et de toutes les organisations actives dans le domaine des droits de l’homme, à l’exception d’une seule, je suis moi aussi d’avis que la torture systématique n’existe pas en Turquie […]. […] Je n’aParlement p
i épargné aucun effort pour parvenir à un niveau de coopération au sein du ermettant de trouver un équilibre constructif, mais critique. Je voudrais
ples
le travail d’apport d’informations de la
production du rapport et le débat qu’il y a eu à l’intérieur de la commission, ou faut-il
demander à tous les groupes qui y ont participé de rester fidèles à leurs engagements, même à l’occasion de cette dernière discussion en plénière. […] (Débat sur le A6-0063/2004)
J’aimerais focaliser mon attention sur deux éléments. Il est tout d´abord nécessaire de
prendre en considération le fait que le rapporteur s´attribue la production du document. Il
le relie constamment à lui-même. Cela peut être montré par la grande quantité de
pronoms personnels et possessifs comme « je », « ma » et « mes » qui indiquent l’auteur
du texte, Eurlings. Ce n’est qu´à la fin de cet extrait qu’il fait référence aux autres
parlementaires qui ont participé à la construction de ce document. La même chose vaut
pour le fait qu’il affirme d’avoir été mandaté. Cette formule ne tient pas compte du travail
fait à l’intérieur de la commission parlementaire, elle ne mentionne ni le processus de
négociation ni le processus décisionnel à l’intérieur de cet espace discursif. Il fait
référence aux autres groupes parlementaires seulement pour souligner l’équilibre
« constructif, mais critique » du texte. Un deuxième élément très important qui va aussi
dans la même direction est que dans ce passage M. Eurlings essaie de montrer sur quelles
bases le rapport a été formulé. Il le place donc dans un contexte intertextuel et
interinstitutionnel, dans le sens qu’il se réfère explicitement au rapport de la CE et
d’autres institutions et organisations, mais qu´en même temps il utilise des exem
reliés à ses propres expériences durant ses visites en Turquie, sur lesquelles se fonderait la
proposition de résolution. Dans ce cas non plus,
commission parlementaire n’est pas mentionné.
Cette manière de faire référence au rapport impose une question fondamentale pour ce
chapitre: Faut-il interpréter cette référence constante à soi-même comme une forme
d’égocentrisme et de mauvaise foi de l’orateur qui oublie de mentionner les conditions de
75
comprendre ce discours comme une trace du fait que malgré que le Président ait mandaté
l’AFET en nommant comme rapporteur M. Eurlings, celui-ci a eu un rôle tellement fon-
damental dans la production discursive du document que celui-ci n´a pas été modifié au
niveau du contenu dans les débats au sein de la commission parlementaire, mais seule-
ent au niveau de la forme comme on vient de le voir dans le chapitre précédent pour les
amende lète à cette
question parlemen-
taire. Co ence je me
contente ilitude im-
portante en sus décisionnel à l’intérieur de la commission parlementaire et
celui co
que mêm me semble
que sou er et n’est
donc plu num.
B. L’ob ttering fait
référence au rapport et au processus décisionn
ompte du fait que le rapporteur de la proposition de résolution discutée fasse partie de
m
ments ? Je n’ai pas assez d’éléments pour répondre de manière comp
. Pour cela, il aurait fallu analyser les débats au sein de la commission
mme j’ai déjà dit, je n’ai pas accès à ce type de document. De conséqu
de constater à travers ce passage du discours de M. Eurlings une sim
tre le proces
ncernant le PE que l’on vient de présenter dans le chapitre précédent, dans le sens
e si le droit de participer à la construction d’un document existe, il
vent le résultat dépende surtout de la personne choisie pour le rédig
s vraiment modifiable par une commission parlementaire ou par le ple
jectif de cette partie sera de montrer de quelle manière M. Poe
el de son groupe en général, en tenant
c
son propre groupe parlementaire. L’intervention de M. Poettering qui parle au nom du
PPE-DE doit être située après le discours du rapporteur, du représentant de la CE, du
Conseil et avant les discours des autres parlementaires qui interviennent au nom de leur
groupe. Dans ce chapitre, j’aimerais différencier deux types de référence, d’abord une
mise en contexte de l’événement discursif du débat parlementaire qui est en train d’être
prononcé et ensuite une référence aux conditions décisionnelles au sein du groupe
parlementaire PPE-DE.
Poettering (PPE-DE), au nom du groupe. - (DE) […] Mesdames et Messieurs, ce vendredi, le 17 décembre, les chefs d’État ou de gouvernement ont une décision à prendre […] Jamais dans l’histoire […]de l´Union européenne, une décision n’a eu des conséquences potentielles d’une telle portée [pour] l’adhésion de la Turquie […] Chacun doit savoir que si la Turquie devient un État membre de l’Union européenne, le caractère même de cette Union sera modifié.
Il me tient à cœur de remercier chaleureusement notre collègue, M. Eurlings, pour son rapport […].
[…]. Dans notre groupe, d’aucuns préféreraient qu’il n’y ait pas de négociations du tout et qui disent d’emblée qu’ils préféreraient une autre forme de partenariat, que nous avons appelé «partenariat privilégié». D’autres souhaitent que ces négociations aient pour objectif l’adhésion à l’Union européenne et d’autres encore préconisent des négociations en vue d’un partenariat alternatif, qui serait également privilégié. […] Les membres de mon groupe […] - dont moi-même - sont sérieusement préoccupés par le fait que […] cet élargissement puisse s’avérer fatal et que les Européens perdent leur identité […].
76
[…] S’il doit y avoir des négociations, il doit être dit […] que nous nous trouverons dans cette situation pour le moins incroyable […]. Nous avons entendu des propos - les plus absurdes de l’année - selon lesquels il n’y avait pas de torture systématique, mais si la torture n’est pas systématique, elle est certainement répandue. […] Ainsi, les gouvernements avec lesquels la Turquie mène des négociations incluent celui de Chypre, un pays qui n’existe même pas aux yeux de la Turquie. Il y a quelque chose d’illogique dans cette situation. […] (Débat sur le A6-0063/2004)
Tout d’abord, il faut préciser que l’intervention du représentant du PPE-DE commence
tout de suite par une triple mise en contexte de l’événement discursif de la construction
parlementaire de la résolution. Il fait donc référence à l’évènement discursif du Conseil
européen du 17 décembre, ensuite à l’histoire de l’UE et enfin, l’orateur se réfère implici-
tement au débat autour de la constitution de l’UE en parlant du « caractère » de
l’institution. Cette manière de commencer le discours vise à donner de l’importance à cet
événement discursif, c’est donc une demande aux parlementaires de prendre le débat au
sérieux. Le deuxième élément à remarquer, c’est la référence au processus de décision
que l’on trouve dans les paragraphes deux et trois de l’extrait. La formule « remercier
chaleureusement, notre collègue », que l’on trouve dans le deuxième paragraphe, cet as-
pect très amical de l’adresse au rapporteur, pourrait ici indiquer le fait de vouloir souli-
gner que celui-ci fait partie du groupe parlementaire de l’orateur, donc du PPE-DE. C’est
is de
question turque, car il reprend les trois discours possibles, l’ouverture des négociations,
le parten très impor-
tant de éférence à
l’hétéro mentaire, la dernière phrase du troisième pa-
ragraph pluralisme qu’il
vient de européens
« dont m embres » du groupe
parleme graphe qui
résulte d scours pro-
noncé p pas explicitement à celui-ci - il dit « nous
déjà une référence au processus décisionnel à l’intérieur du groupe parlementaire, puisque
j’interprète cela comme une manière de montrer à l’extérieur qu’au sein du groupe parle-
mentaire tous les positionnements sont acceptés. Ceci est renforcé par l’explication lon-
gue et exhaustive sur le positionnement partagé de son groupe parlementaire vis-à-v
la
ariat et la renonciation aux négociations. Tout de même, il me semble
remarquer aussi pour la suite de ce chapitre que malgré cette r
généité à l’intérieur du groupe parle
e relativise et se met en contradiction avec cette ouverture au
présenter. Il expose sa crainte à propos de la perte de l’identité des
oi-même » et élargit explicitement cette peur à tous « les m
ntaire. Finalement, il est intéressant de se focaliser sur le dernier para
u troisième et sur la manière de laquelle M. Poettering reprend le di
ar M. Eurlings. Même s’il ne s’adresse
avons entendu » - il cite le rapporteur à propos des tortures systématiques et de la non-
reconnaissance de Chypre par la Turquie. Malgré cette référence indirecte à celui qui
vient de parler, peut-être pour ne pas l’attaquer trop directement, celui-ci étant membre de
77
son propre groupe parlementaire, son ton est tout autre qu’indirect et diplomatique, puis-
que il utilise des mots comme « incroyable », « absurde » et « illogique ». En bref, il est
important de retenir que dans ce cas, même si M. Poettering déclare parler au nom d’un
groupe politique partagé qui ne semble pas avoir trouvé un consensus, son discours vise à
souligner sa propre position et à négliger le caractère hétérogène du PPE-DE.
C. L’objectif de cette dernière partie est de montrer dans quelle mesure le discours du
parlementaire grec Dimitrakopoulos du groupe parlementaire du PPE-DE correspond à
celui des deux autres orateurs du même groupe parlementaire et de chercher des analogies
entre la manière d’aborder le rapport et de faire référence au processus décisionnel.
Dimitrakopoulos (PPE-DE) […] Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, nous sommes favorables à ce que la Turquie lie son destin à celui de l’Union européenne. Toutefois, dans le même temps, nous tenons à vous rappeler que ces perspectives d’adhésion sont indissociables du respect des critères politiques de Copenhague. […] je voudrais faire quelques remarques, en particulier sur les paragraphes suivants : - paragraphe 38, qui énumère les conditions préalables et, élément plus important, ce que la Turquie doit faire en ce qui concerne Chypre, c’est-à-dire, premièrement et avant tout, reconnaître la République de Chypre et retirer ses troupes de la partie nord de l’île; - paragraphe 40, qui expose une approche méthodologique et multidimensionnelle pour la résolution de tout différend pouvant encore opposer la Turquie à ses pays voisins et, bien évidemment, qui mentionne l’obligation de s’abstenir de toute menace et de provocation. Ce paragraphe couvre également les relations entre la Grèce et la Turquie. […] (Débat sur le A6-0063/2004)
J’aimerais d’abord focaliser mon attention sur la manière de se positionner vis-à-vis du
rapport de la commission parlementaire. Il est extrêmement intéressant de voir que
l’orateur s´exprime dans le premier paragraphe avec « nous », c'est-à-dire qu’il semble se
placer dans un groupe en accord sur la question. Dans ce cas, on ne peut que supposer que
ce « nous » qui apparaît deux fois, se réfère au groupe parlementaire. Contrairement au
discours que je viens de présenter et qui est tenu par le représentant du groupe parlemen-
taire, M. Dimitrakopoulos ne parle pas d’hétérogénéité de pensée à l’intérieur de celle-ci
m
destin à ce
ais affirme au contraire qu’elle est entièrement « favorable à ce que la Turquie lie son
lui de l’UE ». Ceci est en contradiction avec ce que M. Poettering vient
ur d´exposer dans son intervention. Une autre différence d’approche est le fait que l’orate
se réfère ici explicitement au rapport de la commission parlementaire. Il nomme et com-
mente les paragraphes 38 et 40 et leur donne une valeur en soulignant toujours par une
phrase conclusive sa propre interprétation du paragraphe. C’est une évaluation subjective,
soulignée par le fait qu´il utilise maintenant le pronom personnel « je » pour parler de lui-
même. C’est donc une manière de présenter directement sa propre opinion, en citant dans
78
le texte les passages du paragraphe qui ont de l’importance.
Pour résumer ce que je viens de montrer dans le chapitre 4.3, il faudra retenir quelques
éléments importants. Tout d’abord, j’ai pu constater que les discours des trois
parlementaires sont divergents. Premièrement, il est très intéressant de pouvoir remarquer
que surtout M. Poettering et M. Dimitrakopoulos ont, chacun à leur manière, tendance à
énéraliser leur propre argumentation et à l’appuyer sur un large consensus à l’intérieur
de leur gumentations ne correspondent pas
l’une à l’autre. De plus, il me semble important d’ajouter que les remarques faites par M.
Eurlings nnent pas compte de la position de son
propre groupe parlementaire, et ne considèrent pas non plus le débat au sein de la
commis processus
décision intérieur de
cet espace discursif des forces qui ont le nipuler leur
propre d e leurs propres
objectif
4.4 La eil européen Dans ce solution, il
s’agit d mon attention sur la matérialisation de la décision parlementaire dans
un autre s ce cas, il sera important de voir dans quelle mesure le
iscours du président au sein du Conseil tient compte du débat parlementaire, des
opéen,
n'implique pas de les conclure. […]
g
groupe parlementaire, même si ces deux ar
sur la proposition de résolution ne tie
sion parlementaire. En d’autres termes, même si on peut parler d’un
nel auquel participent tous le membres du PE, il faut remarquer à l’
pouvoir de manœuvrer et de ma
iscours, mais aussi celui des autres parlementaires, afin d´atteindr
s politiques.
matérialisation du discours parlementaire au Constte troisième partie du chapitre sur la construction discursive de la ré
ocaliser e f
espace discursif. Dan
d
décisions prises par le PE et de l'hétérogénéité idéologique de celui-ci, donc les
conditions de production du texte d’une part, et d’autre part d´étudier comment il présente
le contenu du texte. De plus, il faudra étudier si sa manière de défendre le document, donc
le poids qu’il donne aux divers éléments du texte, manipule et change le document lui-
même. L’extrait choisi représente la partie de son discours dans laquelle il aborde
l’adhésion de la Turquie.
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil eur[…] Le Parlement européen, dans sa résolution votée il y a deux jours, vous demandait d'ouvrir les négociations avec la Turquie "sans délai inutile". […] Le résultat du vote au Parlement européen a été clair: 407 voix pour et 262 voix contre. Mais, ce que le Parlement a approuvé est aussi important que ce qu'il a rejeté. Le Parlement a rejeté sans réserve tout plan B, association privilégiée ou alternative à l'adhésion pleine et entière. Notre position est claire et définitive. Bien entendu, ouvrir des négociations
79
Il va de soi […] que l'ouverture de négociations implique la reconnaissance de Chypre par la Turquie. Autour de la table 25 pays s'assoieront, parmi lesquels Chypre et la Turquie. Le Parlement a beaucoup débattu pour déterminer sa position. Au fil de ces derniers mois, l'institution a été pratiquement absorbée par la question turque […]. Durant mon voyage en Turquie j'ai pu constater que tous, depuis les autorités jusqu'aux défenseurs des droits de l'Homme […] réclamaient l'ouverture des négociations. […] […] La majeure partie du rapport du Parlement porte sur ce qu'il faudra faire après l'ouverture des négociations. Pour sa part, le Parlement doit intensifier ses relations avec la société civile turque. […] (Discours du Président 2004)
J´aimerais commencer par quelques considérations sur les références au processus
décisionnel. Il est très important de montrer que chaque fois que le représentant parle de
la construction discursive de la résolution du PE, mais aussi quand il parle des décisions
elles-mêmes, il utilise les termes « le Parlement », « le Parlement européen » mais
également les pronoms « notre » et « nous ». Il reprend donc certainement le rôle de
représentant du PE, de quelqu’un qui fait partie de l’institution, mais le fait de parler du
PE implique aussi une certaine distance envers l’espace discursif et donne donc
l’impression de quelqu’un qui observe de loin ce qui se passe.
Les paragraphes deux et cinq de l’extrait thématisent explicitement le processus
décisionnel en donnant le résultat exact des chiffres de la votation et ensuite en soulignant
que du PE. Dans ce cas, le Président du PE ne tient compte que de 60% des per-
onnes et oublie la voix des autres parlementaires qui ont eux aussi contribué à la cons-
ers leurs amendements et leur participation au débat.
l’intensité des débats au PE. Il est important de tenir compte du fait que le Président
évalue dans les deux passages l’observation qu’il vient de faire sur le caractère du résultat
de la votation qui « a été claire » et ensuite sur la charge de travail à laquelle le PE a été
exposé : « a été pratiquement absorbée par la question turque ». Cependant, si la dernière
remarque peut être considérée comme acceptable, la première me semble assez probléma-
tique puisqu’elle ne tient pas compte des débats controversés, donc de l’hétérogénéité
idéologi
s
truction de la documentation à trav
Un deuxième élément important est celui concernant la mise en discours des décisions
prises dans la résolution par le Président. Dans les paragraphes deux, trois, quatre et sept,
il fait référence à des décisions, tout d’abord dans le paragraphe deux en citant en partie la
résolution du PE « sans délai inutile » et dans le numéro trois en faisant référence à la
volonté du PE de ne pas tenir compte des alternatives à l’adhésion de la Turquie; ensuite
80
il entre dans le détail du texte et évoque dans le paragraphe quatre la nécessité de recon-
naître Chypre, puis dans le paragraphe sept le besoin d’intensifier les relations avec la
population civile. Mais, comme pour les exemples que je viens de citer en haut, dans ce
cas la représentation de la résolution me semble partielle puisque l’orateur oublie
d’indiquer le « plan B » qui a été longuement discuté et qui est voulu par une importante
partie du PE. De plus, il n´aborde pas du tout la forte demande à la Turquie d’une grande
partie du PE de retirer ses propres troupes du territoire chypriote. Enfin, il néglige de pro-
noncer les appels qu’une partie du PE aurait souhaité faire au Conseil durant le plenum.
Finalement, j’aimerais rendre attentif à un dernier élément. Comme on a pu le voir plus
haut pour le discours du rapporteur Eurlings, le Président inclut dans son discours, dans le
paragraphe 6, sa propre expérience qui dépasse le simple témoignage de l’opinion du PE.
Cela peut être montré par les pronoms « mon » et « je » qui marquent la subjectivité de ce
passage. Donc, comme Eurlings, le Président propose ici une expérience personnelle qui
vise à donner du poids et à consolider ce qu’il vient d´énoncer, mais ce qui ne vient pas
du PE.
4.5 Conclusion du chapitre Avant de passer au prochain chapitre, j’aimerais revenir sur quelques points importants.
Dans ce chapitre j’ai voulu en premier lieu présenter le processus décisionnel au PE en
montrant qu’il ne s’agit pas ici d’une décision consensuelle, mais d’un phénomène où une
partie du PE parvient à imposer son propre discours à la défaveur du reste de celui-ci.
Tout d´abord, j’ai pu montrer que chaque parlementaire a la possibilité d’exprimer sa
propre opinion sur le sujet traité et peut donc contribuer à la construction discursive de la
résolution à travers des amendements et des interventions lors du débat. Tout de même, il
ut fortement relativiser ce point puisqu´une grande partie du PE, s’efforçant apparem-
aloir sa propre opi-
fa
ment de participer au processus décisionnel, ne parvient pas à faire v
nion et à persuader le plenum à travers ses amendements et interventions. Ensuite, il me
semble important de souligner que l’attitude des divers acteurs sociaux à l’intérieur de cet
évènement discursif n’est que peu influencée par une appartenance politique, mais beau-
coup plus par le rôle que ceux-ci jouent dans le groupe parlementaire ou dans la commis-
sion parlementaire qu’ils représentent. Par conséquent, des situations assez grotesques
peuvent être observées, dans la mesure que les discours de trois membres du même
groupe parlementaire sont tellement divergents qu’ils expriment exactement le contraire.
Cela peut être observé aussi à travers le discours du président où j’ai essayé de montrer
81
qu´à travers sa position de pouvoir, celui-ci a pu modifier le discours du PE et le présenter
au Conseil en en faisant un discours qui représente sa propre idéologie politique. En
d’autres mots, même si on peut parler de circulation de discours à l’intérieur d’un proces-
sus décisionnel auquel participent tous les membres du PE, on trouve à l’intérieur de cet
espace discursif des forces, des individus, comme dans ce cas le rapporteur Eurlings, mais
aus
ler propres objectifs politiques. Cela
ignifie que le discours décisionnel au sein du PE n’est pas le produit d’une recherche
finale à propos
d´un sujet.
5. travers sa diachronie
par cet espace discursif lui-même pour le modifier et
l’adapter à l’événement discursif dans lequel celui-ci est produit; on peut donc parler
d’une analyse de la circulati
ments discursifs qui se m ers trois documents, les Conclusions de la Pré-
en 1999, les Conclusions de la Présidence du Conseil de
s suivantes :
sement est-elle abordée dans les trois textes et
si M. Poettering et le Président du PE, qui ont le pouvoir de manœuvrer et de manipu-
leur discours qu’ils reprennent pour atteindre leurs
s
d’un consensus ou de négociations menées avec l’idée de vouloir trouver un compromis
qui met d’accord tous les acteurs sociaux au sein de cet espace discursif, mais qu´il est
beaucoup plus un produit qui dépend d’une minuscule quantité de figures auxquels le PE
lui-même accorde le pouvoir de manœuvrer le débat et ainsi la décision
Le discours du Conseil à L’objectif de cette dernière partie analytique est de montrer que le discours institutionnel
du Conseil concernant l’adhésion de la Turquie entre l’année 1999 et 2004 évolue. En
d’autres mots, il sera important dans ce chapitre de comprendre comment le discours pro-
duit par le Conseil est repris
on du discours. Concrètement, il faudra analyser les change-
anifestent à trav
sidence du Conseil de Helsinki
Copenhague en 2002 et enfin les Conclusions de la Présidence du Conseil de Bruxelles
en 2004. Pour répondre à cette question, je reprendrai la structure des chapitres précé-
dents ; je présenterai donc les documents choisis, et passerai ensuite à l’analyse propre-
ment dite en tenant compte des trois question
a) Comment la notion de l’élargis
ensuite comment évolue-t-elle pendant ces 5 années ?
Il faudra d’abord chercher des marques textuelles et sémantiques qui indiquent et expli-
quent l’importance du processus de l’élargissement pour le Conseil européen, ensuite
montrer comment ces indicateurs et finalement la notion elle-même changent, pour com-
82
prendre finalement la modification du statut de cet instrument du Conseil.
b) Il est important de montrer de quelle manière le conflit à Chypre est abordé et
l’importance qu’on lui accorde.
Dans ce cas aussi, il sera important de se focaliser sur la circulation discursive, donc sur
l’évolution historique du discours du Conseil. En d’autres mots, je devrai chercher dans
les textes les passages où le Conseil européen thématise le conflit à Chypre, et étudier
comment celui-ci change.
c) Il est important d´analyser la mutation du statut de la Turquie concernant la
possibilité d’ouverture de négociations.
Autrement dit, il faudra chercher à comprendre comment on explicite ici discursivement
l’état des négociations précédant l´adhésion, en se concentrant sur les aspects du discours
qui sont modifiés et en mettant en relief les conditions politiques, économiques et
juridiques liées à une ouverture des négociations.
5.1 Présentation des documents L’objectif de cette partie est de présenter les documents que je vais analyser dans les pro-
chains chapitres. Contrairement à la présentation proposée dans 3.1, je n´irai pas autant
dans le détail, ayant déjà donné beaucoup d’informations dans ce chapitre. Dans ce cas, je
me contenterai de donner brièvement les éléments nécessaires pour pouvoir poursuivre
mon analyse. Tout d’abord, il me semble important de justifier la pertinence des trois do-
uments et du choix de l’espace discursif. Comme je viens de l’expliquer dans le chapitre
des questions
m-
ment, dans ces trois étapes historiques importantes pour la Turquie, le Conseil légitime
c
sur les espaces discursifs, le Conseil est le seul à pouvoir décider sur
concernant l’adhésion. L’objectif des Conclusions est de conserver et communiquer les
décisions prises au sein de l’espace du Conseil. En ce qui concerne l’adhésion de la Tur-
quie, les Conclusions de la Présidence du Conseil de Helsinki en 1999 sont fondamenta-
les car elles marquent le moment où le Conseil attribue pour la première fois à la Turquie
le statut officiel de candidat. Le Conseil de Bruxelles en 2002 a eu aussi une grande im-
portance, car il a donné pour la première fois une date pour l´ouverture des négociations.
Enfin, durant le Conseil en 2004, celui-ci a décidé d’ouvrir les négociations. La perti-
nence du choix de ces textes consiste dans le fait qu’ils me permettent d´observer co
83
implicitement ses décisions en analysant le discours sur les progrès du pays candidat. Les
a Présidence du Conseil de
elsinki en 1999, qui est plus général, mais qui dans le paragraphe 12 traite explicitement
de la T hapitres qui
traitent de la Turquie.
inalement, l’objectif et la fonction des documents restent les mêmes, comme celui décrit
Cette référence, et plus précisément le terme « confirme », sert de lien pour montrer que
trois documents sont structurés de la même manière. Ils contiennent plusieurs chapitres,
parmi lesquels celui sur l’élargissement occupe toujours la première place. De plus, ce
chapitre contient une partie introductive qui traite du processus d’élargissement lui-
même. Contrairement au chapitre sur les Conclusions de l
H
urquie, ceux de Copenhague et de Bruxelles contiennent des sous-c
l’adhésion de chaque pays candidat séparément et donc aussi celle
F
dans 3.1, notamment celui d´énoncer les décisions prises, de leur donner une matérialité
et également de donner à la politique de l’UE de nouvelles impulsions, et donc d’indiquer
aux autres espaces discursifs de l’institution mais aussi externes à celle-ci le chemin que
le Conseil envisage de prendre.
5.2 L’importance de l’élargissement dans l’histoire de l’UE Comme je viens de l´annoncer, l’objectif de ce chapitre sera de montrer l´évolution de
l’importance que le Conseil européen accorde à l’élargissement, en analysant les extraits
des trois textes qui traitent explicitement de ce phénomène. Il faudra chercher les marques
sémantiques et textuelles qui explicitent la position du Conseil vis-à-vis de
l’élargissement. Il sera important d´élargir ici un peu le spectre de cette analyse, considé-
rant aussi la candidature à l’adhésion d’autres pays pour comprendre en profondeur
l’importance de ce sujet. En premier lieu, je vais analyser les trois années indépendam-
ment les unes des autres, pour ensuite mettre en évidence le changement de discours.
A. Dans l’extrait que j’ai choisi des Conclusions de la Présidence à Helsinki de l’année
1999 qui représente le paragraphe introductif au chapitre sur l’élargissement, on doit tout
d’abord prendre en considération qu’ici l’élargissement est relié à un évènement discursif
précis, celui du Conseil de Luxembourg en décembre 1997.
3. Le Conseil européen confirme l'importance que le processus d'élargissement mis en chantier à Luxembourg en décembre 1997 revêt pour la stabilité et la prospérité du continent européen tout entier. Il faut que le processus d'élargissement demeure efficace et crédible. (CC1999 p.1)
84
la position de l’assemblée sur le sujet reste la même que 2 ans auparavant. Pour bien
comprendre ce passage, il faut savoir que le processus mis en chantier en 1997 concerne
l’élargissement de l’UE vers l’est et donc n’inclut pas encore la Turquie, car à l’époque la
Turquie n’était pas encore considérée comme candidate. Tout de même, on peut dire que
ce passage vaut pour un élargissement qui inclurait également ce pays, car il est valable
pour le Conseil d´Helsinki qui envisage d’accorder à la Turquie le statut de candidat.
Maintenant, j’aimerais focaliser mon attention sur la manière de laquelle le Conseil lui-
même décrit la notion d’élargissement. Tout d’abord, les auteurs utilisent les substantifs
« la stabilité » et « la prospérité », qualifiant l’objectif de cet instrument pour l’Europe.
Ici, le terme de stabilité se réfère surtout au fait de vouloir éviter des conflits internes à
Europe et celui de prospérité représente un argument économique qui concerne le déve-
e spécifie pas ces frontières exactes, mais on
´utilise que la notion de continent. La question de savoir si la Turquie fait partie du
continen de l’extrait
mérite d mettre l’accent sur les
notions icace » et « crédible ». Les deux termes ne sont pas expliqués ou développés
par la su t référence
au fait q la stabilité de l´Europe par l’adhésion des
ays du continent à l’UE, il faut d’abord que cette adhésion soit efficace, donc que les
l’
loppement du continent. Il est important de remarquer que la stabilité et la prospérité ne
concernent pas l’UE, mais le continent européen « tout entier »; on remarque donc d’une
part que l’objectif dépasse les frontières de l’institution, et d’autre part on constate ici
l’idée essentielle de l’élargissement, celle de faire adhérer à l’UE tout les nations qui font
partie du continent. En revanche, on n
n
t européen ou pas n’est donc pas résolue. Ensuite, la dernière phrase
’être commentée plus précisément. Dans ce cas, je vais
« eff
ite ce qui rend ce point difficile à expliquer. On fait très probablemen
ue si on veut favoriser la prospérité et
p
pays adhérents puissent vraiment apporter des valeurs supplémentaires à l’UE. Ensuite, il
faut qu´elle soit « crédible », donc que les citoyens de l’UE, les états membres mais aussi
la communauté internationale croient à cet apport supplémentaire et que l’on ne donne
pas l’impression de faire adhérer un pays pour des raisons qui vont au-delà des critères de
stabilité et de prospérité. Je pense que ce manque de clarté et de précision n’a pas été créé
par hasard, on peut sans aucun doute comprendre ce passage comme un appel à la pru-
dence, mais on doit également l’interpréter comme une clause à laquelle on peut se réfé-
rer en cas de besoin, donc quand un candidat ne semble pas être acceptable. Finalement,
on trouve ici l’idée que l’UE est une institution qui assure la paix et le développement
économique du continent européen, et que l’élargissement est un instrument pour attirer
des candidats potentiels qui puissent soutenir l’institution dans cette vision.
85
B. L’extrait sélectionné des Conclusions de la Présidence du Conseil de Copenhague de
l’année 2002, que l’on trouve tout au début du document, suit une logique argumentative
très proche de celle que l’on trouve dans l’extrait que je viens de présenter: tout d’abord,
on fait référence à un événement discursif précédent et ensuite on présente une
explication de l’importance de l’élargissement.
3. En 1993, le Conseil de Copenhague a lancé un processus ambitieux visant à surmonter les séquelles des conflits et des divisions en Europe. […] Ce succès témoigne de la volonté commune des peuples de se rassembler dans une Union qui est devenue le moteur de la paix, de la démocratie, de la stabilité et de la prospérité sur notre continent. […] 9. L’élargissement en cours jette les fondements d’une Union qui a de solides perspectives de croissance durable et un rôle important à jouer dans la consolidation de la stabilité, de la paix et de la démocratie en Europe et au-delà. […] (15917/02 p. 2- 4)
Contrairement à la référence au passage précédent, où l´on parlait du Conseil de Luxem-
bourg, les auteurs se réfèrent ici au Conseil de Copenhague en 1993 concernant le proces-
sus d’adhésion en cours. Ces deux dates ne sont pas choisies au hasard et ne sont pas
contradictoires non plus, car si dans le passage situé dans A. on évoquait surtout le pro-
cessus d’adhésion des États de l’est qui a vraiment commencé en 1997, dans cet extrait-ci
on parle de l’idée de l’élargissement moderne, donc à partir des années quatre-vingt-dix.
’est alors par un discours beaucoup plus général que l’on approche ce paragraphe. Tout
inent entier. Ici par
contre, le focus est décalé, c’est à dire que l’
notion « ême « qui
est deve rospérité ».
abilisateur du continent n’est pas reprise par l’instrument de
C
de même, contrairement à ce que l’on vient de voir, on remarque ici deux différences très
importantes. Tout d’abord, nous avons pu voir que l’extrait précédent affirme que le fait
d’élargir l’UE mène à une meilleure stabilité et prospérité du cont
idée de l’élargissement, représentée ici par la
rassembler », n’est plus au centre du discours; mais c’est l’UE elle-m
nue le moteur de la paix, de la démocratie, de la stabilité et de la p
C’est-à-dire la fonction de st
l’élargissement, par l’idée de se regrouper et de travailler ensemble, mais en 2002 c’est à
l’institution elle-même qu’on accorde la capacité d’être producteur de paix, de démocra-
tie, de stabilité et de prospérité. Voilà une différence essentielle qui d’une part dévalorise
l’instrument de l’élargissement et d’autre part définit et donne donc une fonction concrète
à l’UE. Un deuxième élément qui va dans la même direction, se situe dans le paragraphe
9 du même texte: Paradoxalement, on trouve dans cette première partie du paragraphe
une paraphrase de la partie du paragraphe 4 que je viens d’analyser. Le paragraphe 9 pré-
86
cise en réalité ce que le paragraphe 4 vient d´annoncer mais il ajoute un élément essentiel:
Tout d’abord, il clarifie le rôle de l’élargissement, qui construit « les fondements » d´une
UE plus forte et souligne ensuite le rôle de l’institution en y ajoutant la notion d´ « au-
delà ». En bref, en 1999, la fonction ou l’objectif de l’élargissement était d´apporter la
stabilité et la prospérité au continent ; à présent, c’est l’UE elle-même qui produit la paix,
la démocratie et la stabilité pour l’Europe mais aussi et surtout pour les nations qui sont
« au-delà » de l’UE et du continent européen. À travers l’analyse du terme
d’élargissement, j’ai pu constater un changement d’identité de l’UE elle-même, donc de
sa fonction et de sa légitimation.
C. Dans la dernière partie de ce chapitre, je comparerai ce que je viens d’expliquer dans
A. et B. avec l’extrait du Conseil de Bruxelles en 2004, qui est placé dans la partie
introductive concernant l’élargissement du document proposé ici en bas :
5. […] Le Conseil européen s’est déclaré résolu à poursuivre le processus qu’il a entamé avec les pays candidats, et à contribuer ainsi à la prospérité, à la stabilité, à la sécurité […] de l’Europe. À cet égard, il a rappelé que la capacité de l’Union à assimiler de nouveaux membres tout en maintenant l’élan de l’intégration européenne constitue un élément important répondant à l’intérêt général aussi bien de l’Union que des pays candidats. (16238/1/04 REV1 p.3)
Contrairement à l’extrait situé dans B., celui-ci met comme dans A. l’accent sur
embres, et que de
l’élargissement lui-même. Ce passage se réfère à l’adhésion de la Turquie,
l’élargissement vers l’est étant déjà accompli. Dans ce cas, on peut observer deux nou-
veaux éléments. Premièrement, comme on vient de le voir dans les autres extraits, on at-
tribue à l’élargissement la faculté de favoriser la prospérité, la stabilité et ici l’unité et la
sécurité de l’Europe, le substantif de « sécurité » ayant été ajouté. J’aimerais relier cet
ajout au fait que la nation candidate est la Turquie. D’une part, j’interprète ce passage
comme une affirmation de l’avantage de l’adhésion de la Turquie pour l’Europe elle-
même, donc pour sa stabilité interne, puisque le processus d’adhésion obligerait la Tur-
quie à faire des efforts pour contribuer à résoudre le conflit à Chypre ; d’autre part, il faut
également comprendre ce passage dans la perspective de ce que l’on vient de voir dans
B., notamment qu´une adhésion éventuelle de la Turquie assurerait aussi une sécurité vers
l’extérieur, vu son positionnement géostratégique important dans le contexte d’une forte
instabilité politique au Moyen-Orient. Deuxièmement, le Conseil met, pour la première
fois dans les extraits que je viens de présenter, l’instrument de l’élargissement en relation
avec l’idée d’un manque d’assimilation du pays candidat. J’aimerais rappeler que, comme
je viens de le montrer plus haut, l’UE vient d’accueillir de nouveaux m
87
nouvelles préoccupations viennent de se faire jour. La problématique de l’assimilation de
is l´on se contente d´affirmer
Pour conclure ce chapitre sur l’évolution du statut de l’élargissement dans le discours du
urquie semble appartenir aux états qui certainement font progres-
er l’Europe, mais qui surtout mettent en danger la stabilité de l’UE elle-même. Ensuite,
on peut e que l’UE
s’attribu ue je viens
de dire veau millé-
naire l’U communauté internationale,
l’object e se mo-
difient. ours sur l’élargissement dépend surtout de fac-
urs situés à l’extérieur de l’espace discursif sur l’élargissement, comme les objectifs
e conflit.
nouveaux membres n’est pas posée comme un problème, ma
que la capacité d’assimilation est importante. Derrière cette affirmation se trouvent natu-
rellement tous les débats controversés sur l’adhésion de la Turquie et sur la question de
savoir si l’adhésion de ce pays fait progresser l’institution toute entière et aussi le pays
candidat lui-même. On constate donc ici que la candidature de la Turquie remet en ques-
tion l’importance et le statut de l’instrument de l’élargissement dont on vient de faire
l´apologie dans les paragraphes précédents.
Conseil, on peut observer tout d’abord que l’idée que le Conseil donne de l´élargissement
à travers ces Conclusions change et ne reste donc pas constante entre 1999 et 2004. A
mon avis, cette mutation est due à deux éléments. Tout d’abord les états qui sont en train
d’adhérer à l’UE donnent une image spécifique à cet instrument en le dépeignant parfois
comme une chance ou un avantage pour l’institution, et parfois comme un danger selon
les états candidats. La T
s
voir que le discours sur l’élargissement est influencé aussi par le rôl
e, donc par sa manière de s´autolégitimer. Ceci signifie que selon ce q
dans mon analyse dans ce chapitre, et en considérant que depuis le nou
E tente d’avoir un rôle plus important au sein de la
if de l’élargissement change si la fonction et l’objectif de l’UE elle-mêm
constater que le discOn peut donc
te
géostratégique, la politique et l’identité de l’UE.
5.3 Le conflit à Chypre dans le discours de l’UE Afin de montrer l’évolution du discours du Conseil concernant l’adhésion de la Turquie,
l’objectif de ce chapitre est d’exposer l’importance que le Conseil accorde dans son
discours au conflit à Chypre, en se focalisant comme dans le chapitre précédent surtout
sur l’évolution historique du discours. Pour cela, il faudra comparer les diverses
présentations de la problématique, et également la valeur que l’on attribue aux différends,
en analysant les extraits des trois Conclusions qui traitent de c
A. Dans les Conclusions de la Présidence du Conseil de Helsinki de 1999, j’ai choisi trois
paragraphes importants pour mon analyse puisqu’ils traitent du conflit à Chypre et expo-
88
sent le positionnement du Conseil vis-à-vis de la problématique. Dans mon chapitre 3.2,
je viens de commenter une partie de cet extrait, le paragraphe 9a). Contrairement à cette
analyse, je souhaite ici me concentrer sur l´importance accordée à cette thématique, et aux
mutations discursives.
4. […] Les pays candidats […] doivent partager les valeurs et les objectifs de l’Union européenne tels qu’ils sont énoncé dans les traités. A cet égard, le Conseil européen insiste sur le principe du règlement pacifique des différends conformément à la Charte des Nations Unies […].
9. (a) Le Conseil européen se félicite de l'ouverture, le 3 décembre à New York, des pourparlers visant à un règlement global de la question chypriote et exprime son ferme soutien aux efforts déployés par le Secrétaire général des Nations Unies […].
12. Cette stratégie comportera un dialogue politique renforcé, axé sur les progrès à accomplir pour répondre aux critères politiques fixés pour l'adhésion, en particulier pour ce qui est […] des questions visées aux points 4 et 9 a) (CC1999 p.1-3 )
Pour comprendre le positionnement du Conseil européen vis-à-vis du différend qui nous
’est-à-dire, les
eux paragraphes 4 et 9 de mon extrait que je vais présenter maintenant, doivent être in-
terprété
Premièrem émoire, le paragraphe 4
des Con importance
d’une résolution pacifique. La notion de « principe de règlement pacifique des diffé-
rends » qu’on trouve dans la deuxième phrase, est reliée ici au raisonnement sur l’identité
t à la nature de l’institution proposé dans la première phrase du paragraphe. Les candi-
intéresse ici, il faut se dédier tout d’abord au dernier paragraphe de l´extrait, le 12, puis-
qu’il traite de la Turquie et de la stratégie qu’il faudra suivre pour atteindre les progrès
exigés afin d´adhérer à l´UE. Ce paragraphe définit l’importance que le Conseil accorde
au conflit à Chypre en 1999. Le fait de mettre en relief les points 4 et 9, qui traitent du
différend, à travers la notion « en particulier », on souligne que la résolution du conflit
chypriote est prioritaire pour les progrès que la Turquie doit accomplir. C
d
s par rapport à cette précision dans le paragraphe 12.
ent, comme on a pu le voir dans le chapitre 3 de mon m
clusions de la Présidence du Conseil de Helsinki vise à souligner l’
e
dats doivent partager «les valeurs » et «les objectifs » de l’UE qu’on trouve dans les
« traités » et qui sont donc représentés par le principe de règlement pacifique des diffé-
rends. En bref, le Conseil dit très clairement à la Turquie que si elle veut adhérer, elle doit
adopter les valeurs de l’UE et de conséquence trouver une solution pacifique au conflit à
Chypre. Deuxièmement, dans le paragraphe 9a) le Conseil reprend son discours du para-
graphe 4 et met l´accent sur la voie à prendre pour sortir du conflit, en plaidant pour des
pourparlers au sein des NU. Cela peut être montré par le verbe « se félicite » qui exprime
le sentiment positif du Conseil concernant cet essai de résolution du conflit, et par le
89
terme « ferme » qui donne plus de force au mot « soutient» et souligne aussi l’importance
de ces discussions.
B. A présent, il est central de voir si et comment l’estimation de l’importance du conflit,
que l´on vient d´étudier, change en 2002. Contrairement aux Conclusions de la
Présidence du Conseil de Helsinki, où l´on faisait explicitement référence à la Turquie
par rapport au conflit à Chypre, l’extrait des Conclusions de la Présidence du Conseil de
Copenhague, que je vais présenter, ne les met jamais en relation. En d’autres mots, le
souhait exprimé par le Conseil en 1999 ne semble plus exister trois années après.
10 À cet égard, il se félicite que les Chypriotes grecs et turcs se soient engagés à […] parvenir à un règlement global du problème chypriote […] et il engage instamment les dirigeants de communautés chypriotes grecque et turque à saisir cette chance. 18. L’Union rappelle que […] l’adhésion requiert de la parinstitutions stables garantissant la démocratie, la prim
t d’un pays candidat qu’il ait des auté du droit, les droits de l’homme, le
respect des minorités et leur protection.
ns, qui
résente les considérations sur l’adhésion de Chypre au sein de l´UE. Ici, le différend est
naturell processus
d’adhésion. On aborde le sujet en faisant référence aux pourparlers au sein des NU, aux-
quels pa ment deux
fois exp mmunautés
chyprio n. Les para-
graphes 18 et 19, qui traitent des conditions d’adhésion et donc aussi des progrès qui doi-
ns le chapitre qui s’occupe de la Turquie.
19. L’Union encourage la Turquie à poursuivre énergiquement son processus de réforme. (15917/2 p. 4-6)
Le paragraphe 10 qui traite du conflit à Chypre fait partie du chapitre des conclusio
p
ement discuté mais sans jamais faire le lien avec la Turquie ou son
rticipe la Turquie comme on l´a vu dans A. Mais ici, les auteurs nom
licitement « les Chypriotes grecs et turcs » et « les dirigeants de co
tes grecque et turque », la Turquie n’étant pas incluse dans la réflexio
vent être faits par les candidats, se trouvent da
Tout de même les deux paragraphes ne font pas référence au conflit chypriote. Concrète-
ment, dans le paragraphe 18, on marque les présupposés pour une adhésion d’un pays
candidat à l’UE, en utilisant les termes « l’adhésion requiert ». En bref, on présente ici
une liste des critères politiques à respecter, mais sans les hiérarchiser et surtout sans se
référer au conflit à Chypre. Le deuxième paragraphe qui suit, le 19, complète le précédent
en mettant cette fois très nettement l’accent sur la nécessité urgente de faire des progrès.
Cela peut être mis en évidence par les deux termes « encourage » et « énergiquement »
qui donnent du poids à cet appel. Mais comme on vient de le voir, la référence au conflit
à Chypre est dans ce cas aussi inexistante. Cette absence surprend puisqu´en 1999, le
Conseil a identifié ce conflit comme la problématique fondamentale et la plus importante
90
à résoudre, et qu´en 2002, après la décision de faire adhérer Chypre à l’UE, ce problème
n’est même pas mentionné. Voilà un changement de la position du Conseil dont il faudra
tenir compte dans la conclusion de ce chapitre.
C. Dans l’extrait du paragraphe 19, situé dans la partie des Conclusions de la Présidence
du Conseil de Bruxelles de 2004 qui traite de la Turquie, on peut remarquer un
changement de discours vis-à-vis des paragraphes que je viens de présenter dans A et B :
19. Le Conseil européen a salué la décision de la Turquie de signer le protocole relatif à l’adaptation de l’accord d’Ankara, qui tient compte de l’adhésion des dix nouveaux État membres. 20. Le Conseil européen […] a pris note avec satisfaction de l’amélioration des relations de la Turquie avec ses voisins. Conformément à ses précédentes conclusions […] le Conseil européen a fait le point de la situation en ce qui concerne les différends qui subsistent. A cet égard, il a rappelé son point de vue selon lequel les différends non résolus qui ont des répercussions sur le processus d’adhésion devraient au besoin être portés devant la Cour internationale de justice. (16238/1/04 REV1 p. 6)
Contrairement au Conseil de 2002, celui-ci aborde la question chypriote par rapport à la
candidature à l’adhésion de la Turquie. La manière d’approche est cependant différente
de celle que j’ai exposée dans A. Dans le paragraphe 19, on ne fait pas explicitement réfé-
rence au conflit. Celui-ci est thématisé par le biais du « protocole relatif à l’adaptation de
l’accord d’Ankara ». Ce texte représente l’extension de l’Union douanière étendue aux
dix nouveaux pays membres. Pour bien comprendre le passage, je dois préciser ici que
cette extension aux nouveaux pays était très controversée, car la Turquie refusait de si-
gner le protocole, cet acte ayant signifié la reconnaissance de Chypre, ce qui ne faisait pas
partie des plans d´Ankara. Le paragraphe 19 ne parle donc pas du conflit, mais la subor-
donnée qui expose le protocole et présente les « dix nouveaux États » doit à mon avis être
interprétée comme une manière des auteurs de souligner ici le fait que Chypre est égale-
ment incluse dans cette décision, et qu´un pas vers la résolution du conflit a donc été
franchi. La manière presque froide du Conseil de montrer son approbation envers cette
décision, qui peut être montrée par le passé composé « a salué », est contraire à
l’importance de cette décision surprenante. Cela peut être expliqué par le fait qu’ici il
s’agit pas encore d’un acte, car en effet, la Turquie vient de décider de signer ; on ne dit
pas « a salué la ratification », donc elle n’a pas encore signé, et on montre donc une cer-
taine prudence vis-à-vis à ce type de déclaration. Ce scepticisme que j’attribue au Conseil
a été confirmé par l’histoire, puisque la Turquie n’a toujours pas signé le protocole à
l’heure actuelle. Le paragraphe 20, par contre, est beaucoup plus explicite puisqu’il parle
91
dans la première phrase de « l’amélioration des relations de la Turquie avec ses voisins »,
et nomme ensuite textuellement les différends. Ce paragraphe représente la reprise d’un
discours produit lors du Conseil en 1999, où celui-ci a déclaré avoir l´intention de suivre
l´évolution des différends entre les pays candidats qui influencent le processus
d’adhésion. Cette référence est explicitée aussi par le « passage conformément à ses pré-
cédentes conclusions ». Dans ce paragraphe également, je remarque une contradiction
importante entre la satisfaction causée par l’amélioration des rapports entre les pays limi-
trophes, qui est estimé très positivement par le Conseil comme le montre la nature posi-
tive du terme « satisfaction » et le fait de répéter que « les différends non résolus qui ont
des répercussions sur le processus d’adhésion devraient au besoin être portés devant la
Cour internationale de justice » qui ont une connotation beaucoup plus négative. Parler de
différends non résolus, qu’on condamne et qui doivent selon le Conseil être portés devant
justice internationale, est très contradictoire avec le fait d´évoquer dans le même temps
ce paradoxe de la ma-
lations tendues avec la Turquie. Par conséquent, la
remière phrase ne devrait pas être liée directement avec le reste du paragraphe. Cepen-
solution du conflit, qui
n 1999 avait été considéré prioritaire, semble avoir évolué. Elle a totalement disparu du
discours ification du
nouveau ’Ankara et par le rappel à résoudre le conflit devant des tribunaux. Il
ut rappeler ici que cette diminution de l’importance du conflit semble aller de pair avec
re d’autres raisons possibles, et
urtout pour expliquer le changement de discours du Conseil, il faudra essayer dans la
la
une amélioration des conflits. Tout de même, on peut interpréter
nière suivante. La notion d’amélioration des rapports entre pays limitrophes ne fait pas
seulement référence à Chypre, mais très probablement aussi à des pays comme la Grèce
et l’Arménie qui ont également des re
p
dant, cette rupture dans le discours ne justifie pas le fait que les deux idées apparaissent
dans le même paragraphe.
Ces réflexions me portent à retenir les points suivants pour ce chapitre : tout d’abord, on
peut sans aucun doute affirmer que l’importance accordée à une ré
e
du Conseil en 2002, pour réapparaître en 2004 par le biais de la rat
protocole d
fa
l’adhésion de Chypre, car en 2002, on vient de décider l’adhésion future du pays en 2004.
Cette parallèle et le paradoxe que je viens de montrer plus haut donnent l’impression que,
comme j’ai pu le constater plusieurs fois dans les chapitres qui précèdent, la condamna-
tion des différends par le Conseil pourrait avoir une motivation non seulement pacifiste,
car dans ce cas tout différend devrait être condamné et non pas seulement ceux qui
concernent directement le processus d’adhésion, mais également d´autres motivations qui
doivent être recherchées ailleurs. Pour comprendre la natu
s
92
conclusion de ce chapitre 5 de relier cette réflexion aux autres éléments importants que je
viens de montrer dans 5.2 et dans ce chapitre.
5.4 LaPour ter concernant
s poss uvrir les négociations avec la Turquie se modifient et comment le
ésion avec ce
(15917/2 p.6)
est important de souligner que la phrase dans la-
uelle on mentionne « décembre 2004 » est hypothétique car elle est introduite par un
candidature de la Turquie, un chemin pénible miner ce chapitre, je vais démontrer comment le discours du Conseil
le ibilités d’o
Conseil justifie son propre discours.
A. Même si dans les Conclusions de la Présidence du Conseil de Helsinki en 1999 on ne
fait pas référence à une possible ouverture des négociations, il est tout de même important
de voir comment les auteurs ouvrent discursivement une perspective qui permet de
donner des repères et aussi de l’espoir au pays candidat à l´adhésion.
12. […] La Turquie est un pays candidat, qui a vocation à rejoindre l'Union sur la base des mêmes critères que ceux qui s'appliquent aux autres pays candidats. (CC1999 p. 3)
Dans la première phrase de cet extrait le Conseil donne explicitement le statut de candidat
à la Turquie. En revanche, on ne fait pas référence à une date précise pour l’ouverture des
négociations. Le seul point de repère que l´on peut observer dans mon extrait est la réfé-
rence à la notion de critères. On évoque ici les critères de Copenhague qui indiquent les
présupposées pour pouvoir adhérer à l’UE. C’est-à-dire, si d’une part le discours du
Conseil ne donne aucune date concernant l’ouverture des négociations, on prépare d’autre
part le chemin à emprunter pour pouvoir ouvrir celles-ci.
B. Après avoir vu dans A. qu’en 1999 le Conseil n’avait pas encore communiqué une date
à laquelle on ouvrirait éventuellement des négociations, on peut voir ici comment le
discours se modifie pendant le Conseil de Copenhague :
19. L’Union encourage la Turquie à poursuivre énergiquement son processus de réforme. Si, en décembre 2004, le Conseil européen décide, sur la base d’un rapport et d’une recommandation de la Commission, que la Turquie satisfait aux critères politiques de Copenhague, l’Union européenne ouvrira sans délai des négociations d’adhpays.
Contrairement au dernier paragraphe, cet extrait mentionne l’ouverture des négociations
d’adhésion en proposant une date. Il
q
93
« si ». nditions et
qu´uniq rs. Comme
ans l’e nomme les critères de Copenhague. D’une part, ceux-ci sont
politiques, ceux qui concernent les aspects économiques et
tiques », sans tenir compte du reste des critères contenus dans les
onclusions de la Présidence du Conseil de Copenhague. Je me permets de me concen-
Cela signifie que l’ouverture des négociations est liée à des co
uement le respect des conditions mènera à l’ouverture des pourparle
d
spécifiés, ce sont des critères
xtrait précédent, on
juridiques ne sont pas inclus. D’autre part, et cela me paraît essentiel, on évoquait aupara-
vant des critères fondamentaux qui représentent la condition préalable à l’adhésion. Ici,
par contre, on parle d’ouverture de négociations. Donc en 2002, le Conseil décide que
pour faire le pas de l’ouverture des négociations, il attend du pays candidat qu’il fasse des
progrès et qu’il atteigne les standards politiques qu´on exige normalement des pays juste
avant l´adhésion. On exige alors des efforts supplémentaires et importants de la Turquie.
Ce type de discours très exigeant peut déjà être montré au début du passage. Dans ce cas,
les auteurs font appel à une terminologie assez forte, en utilisant « encourager », en ce qui
concerne les progrès que le pays doit faire, et en le renforçant par l’adverbe « énergique-
ment ». C´est donc un discours très net qui vise à souligner le grand effort à fournir au
niveau des critères politiques. Enfin, avant de passer au dernier extrait, j’aimerais me fo-
caliser sur la notion temporelle « sans délai » dans la dernière partie du passage et la relier
à ce que je viens de montrer. Cette notion se répète et souligne d’une certaine manière
que si les négociations avec la Turquie n’ont pas encore été ouvertes, ceci est dû notam-
ment à ce retard auquel « sans délai » fait référence. D’autant plus que la Turquie avait
exprimé depuis des décennies la volonté d’adhérer et que les critères politiques faisant
appel à la résolution des conflits avaient dû être prioritaires.
C. Finalement, dans l’extrait du Conseil de Bruxelles en 2004, celui-ci déclare
officiellement vouloir ouvrir les négociations.
22. Le Conseil européen […] a décidé que […] compte tenu du rapport et de la recommandation de la Commission, la Turquie remplit suffisamment les critères politiques de Copenhague pour que soient ouvertes des négociations d’adhésion, à condition que ce pays mette en vigueur ces six textes législatifs spécifiques. (16238/1/04 REV1 p.7)
Comme dans l’extrait que je viens de présenter dans B, la décision d’ouvrir des négocia-
tions est reliée aux critères politiques de Copenhague. La référence à « la recommanda-
tion de la Commission » vise à soutenir et à légitimer, en d’autres mots à donner une base
à la décision prise par le Conseil. Dans ce cas aussi, on continue à insister seulement sur
les « critères poli
C
94
trer brièvement sur un détail qui me semble tout de même très important. Contrairement à
ences du Conseil envers la Turquie
l’extrait des Conclusions de la Présidence du Conseil de Copenhague en 2002 où on par-
lait de « satisfai[re] aux critères », ici on change de formule et on parle de « rempli[r]
suffisamment les critères ». Entre ces deux manières de formuler l’objectif il y a une pe-
tite nuance qui doit être expliquée. A mon avis, si en 2002 on exige un respect total des
critères, en 2004 on trouve comme diminution des exigences, puisque le terme « suffi-
samment » implique aussi une amélioration. De plus, il est important aussi de ne pas né-
gliger le fait que cette décision est relativisée par l’ouverture des négociations dépendant
de la « mise en vigueur » des six lois qui font partie des réformes décidées par le parle-
ment turc. Cette référence ne doit à mon avis pas seulement être interprétée vis-à-vis des
six textes nommés. Il s’agit ici, sous ce prétexte, d´exprimer plus généralement que les
réformes souhaitées sur papier doivent être mises en pratique par le gouvernement, l’UE
ayant plusieurs fois mentionné que beaucoup de décisions prises par le parlement turc
auraient été sans conséquence dans la vie quotidienne des citoyens turcs.
Pour terminer ce chapitre, il me semble essentiel de retenir un élément très important pour
la compréhension de la mutation des discours au sein du Conseil. Même si la référence
aux critères de Copenhague est constamment présente, on remarque un changement du
degré du respect des critères. On passe d’un respect de tous les critères pour pouvoir ad-
hérer en 1999 à un respect entier des critères politiques pour pouvoir ouvrir les négocia-
tions en 2002 et enfin à un respect suffisant des critères politiques pour commencer à né-
gocier en 2004. Malgré cette réduction des exigences, les attentes du Conseil restent assez
élevées, si on considère que normalement ce n’est qu´à la fin du processus des négocia-
tions qu´un pays doit être conforme aux critères de Copenhague ; donc ici on en demande
plus à la Turquie.
5.5 Conclusions du chapitre Dans ce chapitre sur les discours du Conseil entre l’année 1999 et 2004, j’ai donc montré
que le discours concernant l’élargissement, le conflit à Chypre et le statut de la Turquie
concernant son adhésion changent effectivement. Tout d´abord, on a pu constater que
l’élargissement passe d’un instrument qui vise à stabiliser l’Europe, à un instrument qui
donne à l’UE la possibilité de jouer un rôle important sur la scène internationale. Ensuite,
on a vu que le conflit à Chypre perd de plus en plus d’importance, dans le sens que le but
de l’UE ne semble plus être la résolution du conflit, mais beaucoup plus la stabilité politi-
que de la région. Enfin, on a remarqué que les exig
95
concernant son adhésion, même si elles sont plus élevées que ce que l’on attend norma-
lement, ont tendance à s’affaiblir et à perdre de l’importance. Une réflexion approfondie
érations suivantes : Cette transformation du discours du Conseil re-
résente aussi une mutation de l’idée que le Conseil a de lui-même. Les années que je
ropéen, à une UE qui veut in-
uencer le fonctionnement du monde et faire concurrence à la principale puissance éco-
tre introductif,
lle essaie de se positionner comme institution dans ce nouveau contexte de globalisation
me mène aux consid
p
viens d’analyser sont des années essentielles dans l’histoire de l’UE, et représentent un
espace de temps où l’institution est à la recherche d’une nouvelle identité et d’un nouveau
rôle dans la communauté internationale. Elle passe d’une organisation supranationale qui
vise à garantir la paix et la prospérité sur le continent eu
fl
nomique et militaire, aux États-Unis. Comme je l´ai exposé dans mon chapi
e
afin qu´elle, et probablement aussi et surtout ses pays membres, puissent profiter de
l’influence qu’elle a sur cette nouvelle constellation politique. La mutation de discours du
Conseil doit alors être interprétée dans la perspective suivante : Une adhésion de la Tur-
quie, ou en général des rapports harmonieux avec ce pays et aussi une stabilisation du
conflit à Chypre, pourraient donner à l’UE la possibilité de faire un deuxième grand pas
après l’européanisation des pays de l’est. Cela lui permet donc d’exercer une influence
majeure sur tous les pays de l’ex-union soviétique et sur la Russie elle-même ; ceci en
direction d’une hégémonie des relations économiques et politiques entre l´Occident et
l´Orient. La Turquie semble en effet être une porte qui s´ouvrirait non seulement sur le
monde musulman, donc sur de nouvelles ressources pétrolières et énergétiques, mais aus-
si sur un nombre non négligeable de nouveaux citoyens, considérant le fait que la Turquie
présenterait le pays le plus peuplé de l’UE, représentant un marché économique auquel on
avait jusqu’à l’heure actuelle peu accès et qui donc assurerait la prospérité économique de
beaucoup des grandes et puissantes nations de l’UE.
6. Conclusion
L’objectif de ce travail est d’atteindre une synthèse de l´analyse découlant du
questionnement exposé dans l´introduction. C’est la raison pour laquelle j’essayerai dans
ce dernier chapitre de répondre explicitement aux trois questions posées tout au début de
mon mémoire, en tenant compte des résultats de mon analyse.
- Quelles relations existent-t-ils entre l’UE et les discours qu’elle produit ?
96
Cette question représente le noyau de mon travail. Je pense avoir montré à travers les di-
verses analyses soit de l’UE soit de son discours que ces liens sont multiples. J’aimerais
me focaliser dans les prochains paragraphes sur quelques points importants. Tout d’abord,
on peut voir qu’à travers l’analyse du discours produit par l’UE, on arrive à entrer dans le
quotidien de l’institution et à comprendre les mécanismes internes qui la caractérisent.
Premièrement, comme je l´ai montré dans mon chapitre sur le pluralisme discursif, il
n’existe pas de discours unique provenant de l’UE sur l’adhésion de la Turquie, mais on
trouve plusieurs discours qui coexistent l’un à côté de l’autre. Ce pluralisme discursif
s´explique par la présence de divers espaces au sein de l’UE qui s’occupent de la question
turque, et par conséquent aussi par leurs fonctions différentes dans l’institution. L’analyse
du discours de l’UE permet donc de repérer les organismes de l’UE qui s’occupent de
l’élargissement, leurs liens mutuels et surtout leur fonction. Deuxièmement, on peut dire
que leur fonction et leur légitimité sont représentées à travers leur propre discours. C'est-
à-dire que même si les trois discours sont en concurrence, et même si cette hétérogénéité
discursive mène à des conflits entre les espaces discursifs, ce sont tout de même des élé-
ments positifs pour l’UE, non pas parce que le fait de tolérer des opinions divergentes est
un signe de démocratie, mais parce que les trois discours, c´est-à-dire les décisions prises,
légitiment respectivement les trois espaces discursifs, l’UE elle-même et enfin le discours
du Conseil. Cela signifie concrètement que c’est à travers le savoir produit par
l´organisme que son existence se justifie. J’aimerais approfondir ce point par quelques
réflexions. Le Conseil, dont les décisions ont le pouvoir de faire adhérer la Turquie, a
besoin des deux autres espaces pour légitimer son propre discours. D’une part, la Ce qui
légitime son existence en produisant un discours qui crée une vérité sur l’état sociopoliti-
que et économique de la Turquie, donne une base sur laquelle le Conseil peut fonder son
propre discours et légitimer ce qu’il décide. D’autre part, le PE qui se légitime par son
discours représentant le peuple européen, rend valables les décisions du Conseil grâce à
l’intervention du peuple. Cela signifie que le Conseil se sert des discours des autres espa-
ces pour justifier le sien, et pour montrer à l’extérieur que celui-ci est fondé sur une large
base qu´il est le fruit de négociations internes entre les divers organismes, mais aussi ex-
ternes avec la Turquie. Cependant, le terme de négociation ne représente ici pas la réalité.
Les négociations sur l’adhésion de la Turquie à l´UE ne doivent pas être comprises
comme un dialogue entre le Conseil et les autres espaces de l’UE visant à trouver un
consensus pour faire le bien de cette dernière. Elles ne doivent pas non plus être vues
97
comme l’idée de vouloir interagir avec le gouvernement d´Ankara et de chercher un ac-
cord avec ce partenaire. L’analyse des extraits me fait plutôt penser que le discours pro-
duit par le Conseil dépend des autres espaces discursifs de l’UE qui le légitiment et qu´il
manipule à travers sa position de pouvoir les discours des participants aux négociations et
ussi le terme de négociation lui-même, afin de rendre crédible son propre discours et
que une idée de dialogue, de consensus et de compromis. Ici, ce n’est pas le cas.
n peut affirmer d´une manière assez forte que le Conseil impose aux espaces discursifs
ai tenté
cursive
raintes. Tout d’abord, le dis-
a
d´atteindre son objectif qui est de faire passer son propre discours. Le terme de négocia-
tion impli
O
de l’UE mais aussi et surtout à la Turquie sa propre vision du monde, sa propre interpréta-
tion du conflit chypriote, et qu’il ne laisse aucune place à des réponses ou à d’autres
points de vue. En bref, le Conseil ordonne et les autres espaces discursifs doivent suivre
ses ordres.
Pour finir, et cela me semble capital, l’analyse du discours institutionnel nous montre que
les espaces discursifs de l’UE existent certainement pour des raisons opérationnelles,
mais sont en réalité beaucoup plus au service d’un organisme qui représente les États
membres. Le discours sur l’UE en dit donc aussi beaucoup sur la nature de l’institution. A
travers mon analyse du discours, j’ai essayé de montrer que le Conseil, l’espace qui dé-
tient le plus de pouvoir décisionnel, ne défend pas la cause de l’institution supranationale.
Son objectif n’est pas de créer une sorte de grand État, les Etats-Unis d’Europe. J’
de montrer la volonté de chaque pays membre de profiter des possibilités d’interventions
politiques et économiques mises à disposition par cette puissante institution, pour se pla-
cer dans ce nouveau contexte politique. Tout au début de mon travail, je parlais d’une
espèce de vacuum, d’une perte de pouvoir des nations et d’une augmentation de
l’importance des organisations supranationales en ce qui concerne les questions globales.
L’espace politique de l’UE doit selon moi être vue comme une institution où on veut
d’une part traiter ces problématiques supranationales, mais où les États reprennent d’autre
part le pouvoir qu´ils ont cédé et où finalement l´institution est manipulée par ces États à
des fins nationales afin de regagner de l’importance au sein de la communauté internatio-
nale à travers l’UE.
- Quelles sont les contraintes institutionnelles de l’UE auxquelles la production dis
est liée?
Dans les chapitres précédents, j’ai montré deux types de cont
98
cours est toujours strictement lié à la fonction de l’espace. Dans le cas de la CE par
ont les plus évidents.
le voir, cet espace se légitime à travers le fait qu’il produit du savoir, sur
exemple, les liens entre le discours et ses conditions de production s
Comme on a pu
lequel les deux autres espaces basent leur propre discours. Le fait de produire du savoir,
c´est-à-dire de faire des expertises, de mettre celles-ci à disposition de l’UE, de défendre
sa cause et les traités européens, a des conséquences sur le discours. Concrètement, j’ai
essayé de montrer les traces de ces phénomènes dans les textes présentés. Leur contenu
mais aussi et surtout leur forme renvoient à leur fonction, à leur raison d’existence et aux
efforts de suppression de tout auteur. Ce principe vaut pour tous les discours et espaces
discursifs que j’ai présentés dans mon travail, donc aussi pour le PE et le Conseil.
Un deuxième lien, qui va un peu dans le même sens, est celui concernant le processus de
construction du document. A travers l’analyse de la production discursive, c’est-à-dire à
l’aide de l’étude du discours, des documents mais aussi des liens entre les documents, on
arrive à comprendre le processus de construction du discours et ainsi tous les enjeux de
pouvoir et les conflits au sein de l’espace discursif. Ce phénomène peut être observé pour
le PE, où j’ai essayé de souligner la nature non consensuelle du discours, et de démontrer,
à travers le discours produit, que le PE n´est en réalité pas du tout un espace démocrati-
que. C´est un organisme dans lequel on donne à tous les parlementaires la possibilité de
participer à la construction de la résolution, les divers instruments servant au débat étant
visibles dans le discours, mais en réalité on a pu voir que ceux-ci n’arrivent pas à faire
entendre leur voix, donc à influencer le produit final. Ils existent dans cet espace des per-
sonnes capables de manœuvrer le discours du PE, afin d´atteindre leur propre but.
En résumé, ce sont les processus qui interviennent dans l’espace, son fonctionnement et
son organisation, mais aussi son objectif qui d’une part influencent le discours, mais qui
d’autre part sont reconnaissables dans le discours lui-même.
- Quelle influence l’histoire a-t-elle sur le discours de l’institution ?
J’ai tenté d’expliquer plus haut qu’à mon avis l’histoire est fondamentale pour la com-
préhension du discours sur l’adhésion de la Turquie et aussi et surtout pour comprendre
l’UE et sa nature. Tout d’abord, l’UE doit être vue comme le résultat d’un processus de
mondialisation. Elle a été fondée pour assurer la paix et la prospérité économique dans le
continent entier. Pourtant, durant les 50 dernières années, le paysage politique et écono-
99
mique a changé et le monde est devenu plus interconnecté. C’est-à-dire, l’institution a
évolué et s’est adaptée à cette nouvelle situation globale. Par conséquent, l’objectif de
l’UE a également évolué. C’est ce processus historique qui a influencé et changé
l’institution. Pour être plus clair, contrairement à ce que souhaitait l’UE au départ, j’ai
essayé de montrer dans mon travail que celle-ci a évolué en direction d’une institution
qui permet à ses membres de profiter de la mondialisation. Ce n’est donc plus la crainte
i ont influencé les décisions du Conseil à propos des négociations avec la Tur-
on idéologie
UE est complexe et
ifficile à cerner, et c’est seulement à travers l’acceptation de cette complexité que l’on
eut comprendre celui-ci.
Avant de terminer, j’aimerais dire quelques mots sur l’expérience de la rédaction de
mémoire et sur ce que celui-ci m’a appris sur la linguistique et sur sa fonction dans un
de la guerre et de la misère économique qui préoccupait les États après la Seconde
Guerre mondiale qui légitiment l’UE aujourd´hui, mais beaucoup plus cette nouvelle
situation sociopolitique représentée par la mondialisation. Ensuite, il existe un deuxième
élément, qui n’influence pas seulement l’institution en tant que telle mais certainement
aussi son discours sur la Turquie. Ce sont des événements historiques comme par exem-
ple la chute du mur de Berlin et les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis qui
changent le contexte géostratégique dans lequel il faut placer le discours sur l’adhésion
de la Turquie et qui modifient le discours lui-même et aussi la manière de laquelle il faut
l’interpréter. Ce sont donc les événements historiques que je viens de nommer mais aussi
le grand élargissement vers l’est de l’UE et le débat sur Chypre au sein des Nations
Unies qu
quie. En résumé, le discours et les décisions de l’UE ne modifient et ne structurent pas
seulement le présent et le futur, mais sont en quelque sorte influencés par des événe-
ments discursifs survenus dans le passé, modifiant les conditions de production du dis-
cours et le discours lui-même.
Une institution comme celle de l’UE m’a permis d’approcher cette matière de manière
critique. Il faut avoir le courage d’aller au-delà des apparences, de mettre en question des
aspects sur le discours de l’UE qui semblent être transparents à première vue, mais qui
en allant chercher plus loin m’ont permis de montrer que le langage de l’UE porte
toujours la trace de disproportions de pouvoir et d’inégalités sociales. En plus, il me
semble important de clarifier que mon approche du terrain, mon savoir et m
ont influencé mes analyses et mes interprétations. Par conséquent, l’analyse du discours
mais en principe toute méthode révèle beaucoup sur celui qui la pratique. Il faut donc
admettre que tout terrain et surtout un terrain comme celui de l’
d
p
100
large espace scientifique. Je pense avoir montré dans mon mémoire que ce qui est dit ne
peut pas être séparé de son contexte productif, c’est-à-dire qu’un énoncé ne peut pas être
che qui l’a produit, quand et pourquoi, puisque ce qui est dit doit
e la représentation d´une manière de fonctionner et de conce-
onde. A mon avis, toute analyse de la langue sans renseignement sur
elui-ci pour arriver à cerner son sens et aussi
ême.
onditions de production, et qui élargit le spectre de son analyse au milieu duquel les
à une matière dissociée de tout
d’un acteur
s règles. Cela signifie qu’elle est le produit d´événements qui ont
elle manière ce dernier
ique.
ris en considération, comme les
compris sans que l´on sa
toujours être conçu comm
voir le m
l’énonciateur ne peut pas être pertinente. Concrètement, pour le discours de l’UE, il était
ondamental de comprendre le contexte de cf
pour arriver à comprendre la manière de laquelle ce discours influence le contexte lui-
m
C’est pour cette raison que je plaide pour une science du langage qui tient compte de ses
c
énoncés sont produits. Je me distancie de toute approche linguistique qui réduit son
errain d’analyse à la matérialité de la langue ou t
phénomène social. La langue n’est pas seulement la trace d’une action ou
social, elle est un phénomène de société déterminé par des règles sociales et enfin elle est
capable de changer ce
lieu dans notre société et qu´elle contribue à ceux-ci et ce sont donc ces traces qu’il faut
uivre et chercher dans le langage pour comprendre de qus
contribue à la production d’inégalités sociales ou de phénomènes de pouvoir asymétr
Le terrain de l’institution est adapté pour ce type d’analyse, pourtant d’autres domaines
ans lesquels des énoncés sont produits pourraient être pd
médias, la littérature mais aussi l’internet et l’économie globalisée.
101
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W
104
106
8. Annexes
Annexe I : Les données
Rapport régulier sur les progrès de la Turquie sur la voie de l’adhésion en 1999 (RTP1999) Conclusions de la Présidence du Conseil de Helsinki 1999 (CC1999) Conclusions de la Présidence du Conseil de Copenhague 2002 (15917/02) Conclusions de la Présidence du Conseil de Bruxelles 2004 (16238/1/04 REV1) Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 1999 de la Com-mission européenne sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'ad-hésion (A5-0297/2000) Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 2004 et la recommandation de la Commission européenne concernant les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésion (P6_TA(2004)0096 Rapport sur le rapport régulier 2004 et la recommandation de la Commission européenne concernant les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésion (A6-0063/2004) TAmendement 48 T(A6-0063/48)T
Amendement 59 (A6-0063/59) Amendement 5 (A6-0063/05) Amendement 33 (A6-0063/33) Amendement 20 (A6-0063/20) Débat parlementaire du 13 décembre 2004 à Strasbourg (Débat sur le A60063/2004) Le discours du président du parlement au Conseil européen de Bruxelles le 17 décembre 2004 (Discours du Président 2004)
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Annexe II : Abréviations UE Union européenne PE Parlement européen CE Commission européenne NU Nations unies OTAN Organisation du Traité de l’Atlantique du Nord ONG Organisation non gouvernementale OG Organisation gouvernementale AFET Commission parlementaire affaires étrangers RTP Rapport régulier sur les progrès de la Turquie sur la voie de
l’adhésion CC Conclusions de la Présidence du Conseil RRTP Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier de la
Commission européenne sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion
PRRTP Rapport sur le rapport régulier et la recommandation de la Com-
mission européenne concernant les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésion
RELEX Direction de la Commission européenne pour les relations extérieu-
res PSE Partie socialiste européen IND/DEM Groupe Indépendance/Démocratie GUE/NGL Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique PPE-DE Groupe du Partie populaire européen et des Démocrates européens Amend. Amendement