l’adaptation atÉrienne entre sources d’eau et sÉcheresse

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L’ADAPTATION ATÉRIENNE ENTRE SOURCES D’EAU ET SÉCHERESSE L’Atérien en Afrique Quand on parle de l’Atérien, on pense toujours au désert du Sahara et au régions péri-désertiques de l’Afrique du Nord. En effet, la majorité des sites atériens sont répartis à travers le Sahara actuel, alors que seuls quelques-uns sont situés le long de la côte atlantique, encore moins sur la côte méditerranéenne, et aucun dans les régions de la vallée du Nil ou du sud du Sahara ( 1 ). Cette distribution géographique fait penser que les populations atériens avaient développé des formes spécialisées d’adaptation aux environnements arides ainsi que des stratégies pour s’établir près des rares sources d’eau disponibles. Pendant le Pléistocène tardif, les conditions climatiques sont restées principalement sèches dans le Sahara Central, où se trouvent les massifs montueux, et ont alterné entre arides et semi-arides à la périphérie du désert. Malgré, ou peut-être grâce à, sa spécialisation envers les environnements arides, l’Atérien de l’Afrique du Nord a fourni une contribution fondamentale pour comprendre les dynamiques d’adaptation du peuplement de l’homme anatomiquement moderne (Homo sapiens) et son rayonnement vers le reste du monde à partir de l’Afrique du Nord( 2 ). L’Atérien dans le Jebel Gharbi et dans le Sahara libyen La position géographique de la Libye, entourée à l’ouest par le Maghreb et à l’est par l’Égypte, a offert aux populations anciennes nord-africaines des zones refuges sur les massifs montueux qui se sont révélées particulièrement déterminantes quand le climat des zones de plaine est devenu insoutenable à cause des augmentations cycliques d’aridité ( 3 ). Nos recherches faites dans le nord-ouest (Jebel Gharbi) et le sud-ouest (Tadrart Acacous et Messak Settafet) de la Libye (Fig. 1) ont fourni des séquences géostratigraphiques, des dates radiométriques et des données technologiques (1) Cfr. E.A.A. GARCEA, A reconsideration of the Middle Palaeolithic/Middle Stone Age in North Africa after the evidence from the Libyan Sahara, in E.A.A. GARCEA (ed.), Uan Tabu in the Settlement History of the Libyan Sahara, Firenze, All’Insegna del Giglio, 2001, pp. 25-49; E.A.A. GARCEA, Modern Human Desert Adaptations: A Libyan Perspective on the Aterian, in J.- J. HUBLIN - S. MC PHERRON (eds.), Modern Origins: A North African Perspective, New York, Springer, in press. (2) J.-J. HUBLIN, S. MC PHERRON (eds.), Modern Origins: A North African Perspective, New York, Springer, in press. (3) B.E. BARICH, People, Water and Grain: The Beginnings of Domestication in the Sahara and the Nile Valley, Roma, L’Erma di Bretschneider, 1998, pp. 155; B.E. BARICH, Cultural Responses to Climatic Changes in North Africa: Beginning and Spread of Pastoralism in the Sahara, in F.A. HASSAN (ed.), Droughts, Food and Culture. Ecological Change and Food Security in Africa’s Later Prehistory, New York, Kluwer, 2002, pp. 209-223. Africa, LXIV, 3-4, 2009, pp. 412-421

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L’ADAPTATION ATÉRIENNE ENTRE SOURCES D’EAU ET SÉCHERESSE

L’Atérien en Afrique

Quand on parle de l’Atérien, on pense toujours au désert du Sahara et aurégions péri-désertiques de l’Afrique du Nord. En effet, la majorité des sitesatériens sont répartis à travers le Sahara actuel, alors que seuls quelques-uns sontsitués le long de la côte atlantique, encore moins sur la côte méditerranéenne, etaucun dans les régions de la vallée du Nil ou du sud du Sahara (1). Cette distributiongéographique fait penser que les populations atériens avaient développé des formesspécialisées d’adaptation aux environnements arides ainsi que des stratégies pours’établir près des rares sources d’eau disponibles. Pendant le Pléistocène tardif, lesconditions climatiques sont restées principalement sèches dans le Sahara Central,où se trouvent les massifs montueux, et ont alterné entre arides et semi-arides à lapériphérie du désert. Malgré, ou peut-être grâce à, sa spécialisation envers lesenvironnements arides, l’Atérien de l’Afrique du Nord a fourni une contributionfondamentale pour comprendre les dynamiques d’adaptation du peuplement del’homme anatomiquement moderne (Homo sapiens) et son rayonnement vers lereste du monde à partir de l’Afrique du Nord(2).

L’Atérien dans le Jebel Gharbi et dans le Sahara libyen

La position géographique de la Libye, entourée à l’ouest par le Maghreb et àl’est par l’Égypte, a offert aux populations anciennes nord-africaines des zonesrefuges sur les massifs montueux qui se sont révélées particulièrementdéterminantes quand le climat des zones de plaine est devenu insoutenable à causedes augmentations cycliques d’aridité (3).

Nos recherches faites dans le nord-ouest (Jebel Gharbi) et le sud-ouest(Tadrart Acacous et Messak Settafet) de la Libye (Fig. 1) ont fourni des séquencesgéostratigraphiques, des dates radiométriques et des données technologiques

(1) Cfr. E.A.A. GARCEA, A reconsideration of the Middle Palaeolithic/Middle Stone Agein North Africa after the evidence from the Libyan Sahara, in E.A.A. GARCEA (ed.), Uan Tabu inthe Settlement History of the Libyan Sahara, Firenze, All’Insegna del Giglio, 2001, pp. 25-49;E.A.A. GARCEA, Modern Human Desert Adaptations: A Libyan Perspective on the Aterian, in J.-J. HUBLIN - S. MC PHERRON (eds.), Modern Origins: A North African Perspective, New York,Springer, in press.

(2) J.-J. HUBLIN, S. MC PHERRON (eds.), Modern Origins: A North African Perspective,New York, Springer, in press.

(3) B.E. BARICH, People, Water and Grain: The Beginnings of Domestication in the Saharaand the Nile Valley, Roma, L’Erma di Bretschneider, 1998, pp. 155; B.E. BARICH, CulturalResponses to Climatic Changes in North Africa: Beginning and Spread of Pastoralism in theSahara, in F.A. HASSAN (ed.), Droughts, Food and Culture. Ecological Change and Food Securityin Africa’s Later Prehistory, New York, Kluwer, 2002, pp. 209-223.

Africa, LXIV, 3-4, 2009, pp. 412-421

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provenant de deux zones, une dans la périphérie nord du désert et l’autre dans leSahara Central, ce qui montre des différences dans les stratégies d’adaptation, lachronologie et les développements culturels (4). En particulier les données libyennesmettent bien en évidence les variations dans les stratégies d’adaptation auxenvironnements arides et en cours d’aridification par les groupes atériens à traversune ligne nord-sud, s’étendant de la côte méditerranéenne au Sahara Central.

La localisation en altitude des sites atériens indique un système spécifique depeuplement qui associe un gradient d’altitude à la bande latitudinale dontdécoulent des conditions environnementales les plus favorables. Dans le Sahara

(4) E.A.A. GARCEA, Archaeological investigation in the Messak Settafet, in “LibyaAntiqua”, 1996, new series, 2, pp. 15-21; E.A.A. GARCEA (ed.), Uan Tabu in the SettlementHistory of the Libyan Sahara. Firenze, All’Insegna del Giglio, 2001, pp. 256; E.A.A. GARCEA,Crossing Deserts and Avoiding Seas: Aterian North African-European Relations, in “Journal ofAnthropological Research”, 2004, 60, pp. 27-53; E.A.A. GARCEA, Aterians in Libya, in Acts ofthe XIVth UISPP Congress, University of Liège, 2001, Section 15: African Prehistory, BARInternational Series 1522, Oxford, 2006, 41-48; E.A.A. GARCEA, The evolutions and revolutionsof the Late Middle Stone Age and Lower Later Stone Age in north-west Africa, in M. CAMPS - C.SZMIDT (eds.), The Mediterranean from 50,000 to 25,000 BP: Turning Points and NewDirections, Oxford, Oxbow Books, 2009, pp. 51-66; E.A.A. GARCEA - C. GIRAUDI, LateQuaternary human settlement patterning in the Jebel Gharbi, northwestern Libya, in “Journal ofHuman Evolution”, 2006, 51, 4, pp. 411-421.

Figure 1 - Carte de la Libye.

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Central, des conditions plus sèches ont poussé les groupes humains à des altitudesplus hautes, en recherche d’un environnement plus humide, alors que, à deslatitudes plus hautes, ils pouvaient s’établir à des altitudes plus basses. Les sites duSahara Central du Tadrart Acacous, Messak Settafet, Edeyen de Murzuq, et ErgUan Kasa sont à des grandes hauteurs puisque tous les sites dans le TadrartAcacous sont à plus de 900 m au-dessus du niveau de la mer (Fig. 2), alors que, aunord, les sites atériens du Jebel Gharbi sont tous à deux altitudes constantes: juste200 m au-dessus du niveau de la mer, et, sur le jebel, à environ 600 m (Fig. 3). Plusprès de la Méditerranée, comme dans la Cyrénaïque, les sites de Haua Fteah et deRas ’Amar sont même à une altitude plus basse de seulement 60 et 20 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Les résultats de nos recherches sur l’Atérien ont permis d’établir unenouvelle chronologie et de reconsidérer le moment de sa disparition à une périodeplus ancienne que celle supposée à l’origine, comprise entre 40.000 et 20.000 ansBP (5), alors que maintenant 40.000 ans est la date de la fin, non du commencementde cet horizon culturel. L’Atérien dans le Jebel Gharbi a été soumis à desdifférentes méthodes de datation: les datations AMS au carbone 14 ont donné desdates de 44.000 et 43.000 ans BP. La méthode U/Th a été employée pour dater desconcrétions calcaires trouvées au-dessous et au-dessus des dépôts de colluvionscomprenant des matériels atériens, qui ont donné des datations, respectivement,de 64.000±21.000 et de <60.000 ans BP. Un programme systématique de datationpar OSL est en cours (dirigé par J.-L. Schwenninger de l’Université d’Oxford,Royaume Uni) pour confirmation les autres méthodes.

Plus au sud, dans le Tadrart Acacous, l’abris rocheux de Uan Tabu estl’unique site stratifié comprenant un techno-complexe atérien cohérent dans unepartie se trouvant au-dessous d’une surface de discontinuité avec un dépôtholocène ancien. Le niveau atérien supérieur a été daté par la méthode OSL et adonné la première date absolue sur l’âge de l’Atérien au Sahara, déterminé à61.000±10.000 ans BP (6). Ces données confirment des suppositions de précur-seurs, comme McBurney et J.D. Clark, selon lesquelles l’âge de l’Atérien pouvait

(5) E.g., M.H. ALIMEN - F. BEUCHER - G. CONRAD, Chronologie du dernier cycle pluvialau Sahara Nord-occidental, in “Comptes Rendus de l’Académie des Sciences de Paris”, 1966,263, pp. 5-8; A. DEBÉNAT - J.P. RAYNAL - J. ROCHE - J.-P. TEXIER - D. FEREMBACH,Stratigraphie, habitat, typologie et devenir de l’Atérien marocain: données récentes, in“L’Anthropologie”, 1986, 90, 2, pp. 233-246; T. TILLET, Recherches sur l’Atérien du Saharaméridional (bassins Tchadien et de Taoudenni): position chrono-stratigraphique, définition etétude comparative, in CHENORKIAN, R. (ed.), L’homme méditerranéen. Mélanges offerts àGabriel Camps, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1995, pp. 29-56.

(6) M. CREMASCHI - S. DI LERNIA - E.A.A. GARCEA, Some Insights on the Aterian in theLibyan Sahara: Chronology, Environment, and Archaeology, in “African ArchaeologicalReview” 1998, 15, pp. 261-286; M. MARTINI - E. SIBILIA - C. ZELASCHI - S.O. TROJA - R.FORZESE - A.M. GUELI - A. CRO - F. FOTI, TL and OSL dating of fossil dune sand in the UanAfuda and Uan Tabu rockshelters, Tadrart Acacus (Libyan Sahara), in M. CREMASCHI - S. DI

LERNIA (eds.), Wadi Teshuinat. Palaeoenvironment and Prehistory in south-western Fezzan(Libyan Sahara), Firenze, All’Insegna del Giglio, 1998, pp. 67-72.

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Figure 2 - Altitudes des sites atériens du Sahara Central libyen.

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aller très près ou même au-delà des limites de la méthode 14C conventionnel,comme le suggère la première date obtenue à Haua Fteah, qui a donné une âge de47.000±3.200 ans BP (GrN-2023) (7).

La position stratégique du Jebel Gharbi permet d’observer le développementdes populations qui se sont succédé les unes aux autres le long des côtesméditerranéennes africaines et levantines, même pendant des phases d’occupationinconnues en d’autres lieux. En effet, au sud, un désert très aride s’est développépendant le stade isotopique (MIS-Marine Isotope Stage) 4, comme l’indique ledépôt à Uan Tabu, avec une absence d’occupation humaine après la dernièreprésence atérienne environ à 60.000 BP, jusqu’à l’Holocène ancien. En fait, bienque les sites sahariens aient été situés le long de oueds, leur subsistance dépendaitde la très éphémère présence des cours d’eau saisonniers. Inversement, au nord-ouest de la Libye, seulement deux épisodes principaux de sécheresse ont eu lieu,un entre 70.000 et 58.000 ans BP (MIS 4) et l’autre autour de 20.000 ans BP(dernier maximum glaciaire) avec un climat relativement clément pendant le stade(MIS) 3. La période de sécheresse la plus ancienne de ces deux ne semble pas avoirété un obstacle à l’occupation des populations atériennes jusqu’à leur disparition,il y a environ 40.000 ans (8). La durée plus longue de leur présence en Libyeseptentrionale, par rapport au Sahara, est dû à plusieurs facteurs environne-mentaux et hydrogéologiques. Dans le Jebel Gharbi, un réseau aquifère souterrainpouvait fournir des ressources d’eau de manière constante aux groupes atériensqui étaient pour la plus part établis près de sources permanentes assurant l’eau etles ressources alimentaires indépendamment des conditions climatiques. Parconséquent, dans le Jebel Gharbi, les atériens ont été capables de survivre jusqu’àla première partie du stade (MIS) 3, jusqu’à environ 40.000 ans BP (9).

Les sources étaient formées par l’écoulement d’aquifères souterrains passantpar les fissures créées par des failles tectoniques, qui furent produits par destremblements de terre de forte magnitude à partir du Pléistocène tardif. Le versantseptentrionale du Jebel Gharbi est traversé par une série de cours d’eau dont lesprincipaux sont le Wadi Ghan (Fig. 4) et le Wadi Ain Zargha (Fig. 5), entre Jado etShakshuk, qui s’écoulent vers le nord, dans la plaine de la Jefara. Dans la basseplaine une série de sources, se trouvant entre Wadi Sel et Ain Soda, indiquent quede nombreux systèmes de failles ont assuré l’écoulement de l’eau souterraine mêmependant les périodes arides. À Wadi Sel une fouille dans le site SJ-02-68 a mis enlumière une faille dans une stratigraphie archéologique incluant : Couche 1contenant du charbon et des matériels ibéromaurusiens (Upper Later Stone Age-LSA), Couche 2 avec quelques matériels LSA, Couche 3 avec du charbon, des

(7) C.M.B. MGBORNEY, The Haua Fteah (Cyrenaica) and the Stone Age in the South-EastMediterranean. Cambridge, Cambridge University Press, 1967.

(8) B.E. BARICH - E.A.A. GARCEA - C. GIRAUDI, Between the Mediterranean and theSahara: The geoarchaeological reconnaissance in the Jebel Gharbi, Libya, in “Antiquity” 2006,80, pp. 567-582.

(9) E.A.A. GARCEA - C. GIRAUDI, Late Quaternary human settlement patterning in theJebel Gharbi, northwestern Libya, in “Journal of Human Evolution”, 2006, 51, 4, pp. 411-421.

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cendres et un éclat Levallois, et Couche 4 comprenant plusieurs matériels atériens.La Couche 3 a été datée au 14C à 44.600±2.430 BP. Les matériels des deux Couches3 et 4 peuvent être attribués à l’Atérien. Elles correspondent à deux phasesd’occupation du site et suggèrent que la date de la Couche 3 est un âge minimumpour l’occupation atérienne qui précède les activités de failles et tectoniques.

Sur les chaînes montueuses, Ras el Wadi, la source du Wadi Ain Zargha, estune nappe aquifère toujours actif qui a alimenté régulièrement l’écoulement de lasource, fournissant de l’eau en permanence. Ce n’est donc pas par hasard si,plusieurs gisements atériens sont concentrées à proximité de cette source. D’autrepart, la variété des types de silex représentés dans les industries lithiques présentesdans ce lieu suggère que des groupes divers, venant de zones différentes, ont sansdoute fait référence à cette source comme étape pour la traversée longitudinale etlatitudinale du jebel. En conclusion, la présence de sources souterraines dans leJebel Gharbi peut être considérée comme la raison principale de la survie degroupes atériens jusqu’à il y a environ 40.000 ans, une époque où il n’y a pas ded’évidence d’occupation humaine au sud dans le Sahara.

L’Atérien hors d’Afrique (“Out of Africa”)

Homo sapiens a migré pour la première fois hors d’Afrique en s’établissant auProche Orient, comme en témoignent plusieurs sites, comme Skhul et Qafzeh, auLevant datés entre 130.000 et 100.000 ans (10). À cette première vague migratoirede l’homme anatomiquement moderne, que je propose d’appeler “Out of Africa2a” ont participé des petits groupes qui se sont adapté aux conditions semi-aridesdu Proche Orient, mais qui ne sont pas allés au-delà des côtes de la Méditerranéedu sud-est. En effet, il a été démontré que les humains anatomiquement modernesn’ont pas toujours eu du succès une fois qu’ils eurent quitté l’Afrique de l’Est pouraller vers les latitudes tempérées et sèches du sud-est du bassin de la Méditerranée.Deux mouvements distincts ont été reconnus pour le modèle “Out of Africa 2”, unayant eu lieu il y a environ 130.000 et 80.000 BP et l’autre après 50.000 BP. Entreles deux phénomènes, une transition climatique abrupte a eu lieu. Elle a touché lesud-ouest du bassin méditerranéen pendant la transition du stade (MIS) 5a austade (MIS) 4, vers 75.000 BP, et a forcé Homo sapiens à disparaître du Levantentre 80.000 et 50.000 ans BP (11). Pendant la première migration, dans la courseaux ressources, les hommes modernes semblent avoir perdu dans la compétitionaux ressources contre les Néandertaliens, alors qu’ils ont eu plus de succèspendant leur deuxième migration. Comme ses deux événements révèlent descaractéristiques très distinctes les unes des autres et sont séparés par une longue

(10) R. GRÜN, Direct Dating of Human Fossils, in “Yearbook of Physical Anthropology”2006, 49, pp. 2-48.

(11) J.J. SHEA, Neandertals, Competition, and the Origin of Modern Human Behavior inthe Levant, in “Evolutionary Anthropology” 2003, 12, pp. 173-187.

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période, il semble opportun d’appeler le premier “Out of Africa 2a” et ledeuxième “Out of Africa 2b”. La migration Out-of-Africa-2a n’a, cependant, pasété vraiment réussie parce que, comme le suggère Shea (12), les humains modernesafricains n’étaient pas aussi bien adaptés que les Néandertaliens pour faire face auxconditions climatiques froides qui ont apparu brutalement au commencement MIS)4 au Levant. Quant au mouvement Out-of-Africa 2b, non seulement il a eu lieusous les conditions climatiques améliorées du stade (MIS) 3, mais aussi a développéun nouvel équipement technologique, qui a manqué pendant le Moustérienlevantin, les pointes de projectile. Ces outils ont pourvu cette deuxième vagued’hommes modernes migrateurs d’un instrument des plus efficaces pour ladiversification de la subsistance en permettant l’exploitation systématique depetites proies et une chasse à la grande faune plus efficace ce qui a eu uneconséquence positive sur l’organisation sociale, les alliances et les réseaux.

Étant donné la chronologie revue de l’Atérien, et si l’Afrique du Nord-Est etle Levant ont été les couloirs empruntés pour la dispersion hors d’Afrique deshommes anatomiquement modernes, les producteurs des assemblages atériens sontles candidats les plus probables de l’un des derniers mouvements hors d’Afrique.Puisque les chasseurs-cueilleurs atériens avaient su s’adapter à la vie dans lesrégions sèches, ils ont retrouvé au Levant, l’environnement aride auquel ils étaienthabitués en Afrique du Nord (13). Nonobstant, même si les conditions climatiquesfurent proches de celles de l’Afrique septentrionale, pour qui arrivait de zonesencore plus arides, les côtes du Levant présentèrent sans doute un attrait particulierpour s’établir à proximité de ressources marines et sur les trajectoires des animauxmigratoires (14). Étant donné que les atériens n’occupaient pas habituellement lavallée du Nil, la rivière n’a sans doute pas été un itinéraire plausible pour eux, alorsqu’il est plus probable qu’ils se soient déplacés vers le Levant en venant des bordsseptentrionaux du Sahara et / ou de la côte méditerranéenne. C’est pourquoi le, oules, couloir(s) conduisant hors du continent ont dû traverser le Sahara, ou longer lacôte méditerranéenne, ou bien encore les régions péri-désertiques entre laMéditerranée et le Sahara, telles le Jebel Gharbi en Tripolitaine et le Jebel Akhdaren Cyrénaïque. Visiblement, il n’y a pas lieu d’envisager un exode de populationhors d’Afrique par l’Asie du sud-ouest. Il est certain que des groupes atériens sont

(12) J.J. SHEA, Neanderthals and early Homo sapiens in the Levant. in E.A.A. GARCEA

(ed.), South-Eastern Mediterranean peoples between 130,000 and 10,000 years ago, Oxford,Oxbow Books, in press.

(13) O. BAR-YOSEF, The Middle and Early Upper Paleolithic in Southwest Asia andNeighboring Regions. in O. BAR-YOSEF - D. PILBEAM (eds.), The Geography of Neandertals andModern Humans in Europe and the Greater Mediterranean, Cambridge, Peabody MuseumBulletin 8, 2000, pp. 107-156; R. DERRICOURT, Getting “Out of Africa”: Sea Crossings, LandCrossings and Culture in the Hominin Migrations, in “Journal of World Prehistory” 2005, 19,pp. 119-132.

(14) R. DERRICOURT, Getting “Out of Africa”: Sea Crossings, Land Crossings and Culturein the Hominin Migrations, in “Journal of World Prehistory” 2005, 19, pp. 119-132; C. VITA-FINZI - C. STRINGER, The setting of the Mt. Carmel caves reassessed, in “Quaternary ScienceReviews” 2007, 26, pp. 436-440.

420 NOTE E TESTIMONIANZE

devenu plus mobiles quand ils ont dû quitter le Sahara. C’est probablementpendant cette période que leur rayon d’expansion a atteint la Grande Afrique quicomprend bien évidemment le Levant.

Finalement, les évidences génétiques ont confirmé une dérivation directe dusapiens de l’Afrique, comme il résulte des nombreuses affinités dans la lignéemitochondriale entre les Africains, les Moyen-orientaux et les Européens actuels.D’autres part, ces affinités ont démontré que seul un petit sous-ensembled’Africains a abandonné le continent africain (15). Les résultats des recherchesgénétiques sur les populations africaines actuelles ont ensuite confirmé lestémoignages archéologiques provenant de l’Afrique septentrionale. L’ADN

mitochondriale a en effet démontré qu’une expansion démographique importantedatant entre 80.000 et 60.000 ans a dû avoir lieu et que celle-ci a son origine dansune région restreinte d’Afrique (16). Donc, puisque une réduction considérable desites dans la Vallée du Nil après 70.000 ans a été attestée, ainsi que l’abandon duDésert Occidental égyptien (17), et puisque le Sahara a été abandonné il y a environ60.000 ans (18), la bande méditerranéenne et périméditerranéenne de l’Afrique —qui est l’unique région habitée pendant tout l’horizon atérien jusqu’à il y a 40.000ans — reste l’unique région possible d’émigration hors de l’Afrique du Nord.

En conclusion, les données archéologiques, chronologiques, climatique ethydrogéologiques s’accordent sur le fait que les populations avec des industriesatériennes sont parmi les protagonistes principaux de la diffusion de l’hommeanatomiquement moderne de l’Afrique à l’Eurasie. Dans ce cas-ci également, il nes’est pas agi d’un exode démographique, mais de mouvements répétés de la part depetits groupes qui se déplaçaient à la recherche de nouvelles ressourcesalimentaires dans des conditions environnementales difficiles qui ont aussi pufavoriser des expérimentations économiques et technologiques. Puisque lesévidences archéologiques, chronologiques et anthropologiques permettentmaintenant d’exclure que le Détroit de Gibraltar (19) fût une voie possible de

(15) P. MELLARS, Going East: New Genetics and Archaeological Perspectives on theModern Human Colonization of Eurasia, in “Science” 2006, 313, pp. 796-800.

(16) P. MELLARS, Why did modern human populations disperse from Africa ca. 60,000years ago?, in “Proceedings of the National Academy of Science”, 2006, 103, 25, pp. 9381-9386.

(17) P.M. VERMEERSCH, ‘Out of Africa’ from an Egyptian point of view, in “QuaternaryInternational”, 2001, 75, pp. 103-112; P.M. VERMEERSCH, Middle and Upper Palaeolithic in theEgyptian Nile Valley, in E.A.A. GARCEA (ed.), South-Eastern Mediterranean peoples between130,000 and 10,000 years ago, Oxford, Oxbow Books, in press.

(18) E.A.A. GARCEA, The evolutions and revolutions of the Late Middle Stone Age andLower Later Stone Age in north-west Africa, in M. CAMPS - C. SZMIDT (eds.), TheMediterranean from 50,000 to 25,000 BP: Turning Points and New Directions, Oxford, OxbowBooks, 2009, pp. 51-66; E.A.A. GARCEA, Modern Human Desert Adaptations: A LibyanPerspective on the Aterian, in J.-J. HUBLIN - S. MC PHERRON (eds.), Modern Origins: A NorthAfrican Perspective, New York, Springer, in press.

(19) E.A.A. GARCEA, Crossing Deserts and Avoiding Seas: Aterian North African-European Relations, in “Journal of Anthropological Research”, 2004, 60, pp. 27-53.

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traversée par les premiers sapiens, les couloirs qui ont conduit en dehors ducontinent africain ont dû passer par le Sahara, le long de la côte méditerranéenneou par les régions péri-désertiques entre la Méditerranée et le Sahara, comme leJebel Gharbi et le Jebel Akhdar, en Libye.

ELENA A.A. GARCEA

L’UNIVERSODirettore resp.: Magg. Gen. Renato DE FILIPPIS Redattore capo: Andrea CANTILE

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RIVISTA BIMESTRALE

DELL’ISTITUTO GEOGRAFICO MILITARE

E. A.A. GARCEA, L’adaptation atérienne... TAVOLA I

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E. A.A. GARCEA, L’adaptation atérienne... TAVOLA II

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