migros magazine 10, 7 mars 2011 dans leventre

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64 | Migros Magazine 10, 7 mars 2011 Dans le ventre du géant de glace Les randonneurs rejoignent le glacier après une très belle randonnée en Quatre heures de rando-raquettes en douceur avec, en point de mire, le glacier de Zinal et ses grottes turquoise. A visiter avec Stéphane Albasini, guide de montagne du val d’Anniviers (VS). U ne ambiance à la Jack London. Le plat de la Lé, au bout du village de Zinal (VS), longe les pistes de ski de fond dans un décor de Grand Nord et de chiens-loups. On guette les trappeurs, la sueur de Croc-Blanc, dans cette immense étendue désertique, où l’on croise parfois un vrai traîneau et ses hus- kies. Cerné de toutes parts, à gau- che, devant et surtout à droite où se dresse la redoutable Garde-de-Bor- don et ses meurtrières avalanches. «S’il avait neigé plus de 30 centi- mètres, on ne passerait pas par ici. Les avalanches partent toutes seu- les et ont un souffle terrible», sou- ligne Stéphane Albasini, 55 ans, guide de montagne établi un peu plus bas, à La Combaz. Un souffle qui balaie tout, a fait trois victimes l’année dernière et ne laisse rien debout. Même les arbres n’y résis- tent pas, ce qui explique les sapins minuscules dans cette zone. Au bout de la vallée, le chemin monte légèrement direction Petit- Mountet. Il faut continuer sous l’œil fixe du Besso qui ne quittera pas le promeneur de toute l’excur- sion. «Besso signifie jumeau en patois», précise le guide. Un nom qui va comme un gant à ce géant de granit, reconnaissable justement à ses deux pointes qui crèvent le ciel. «Les 4000, il faut les cueillir quand ils arrivent. Depuis ici, on ne les voit jamais tous en même temps.» Le Zinalrothorn apparaît comme un mirage blanc accoudé au Besso, puis le Weisshorn fait son entrée. Le chemin s’arc-boute ensuite de quelques degrés, dans ce val d’An- niviers à la beauté sauvage, sans gravière ni barrage. S’ouvre alors de tous côtés un paradis de cascades de glace. Des rideaux bleutés de 60 mètres de haut parfois, des lus- tres blancs, des dentelles prises dans la roche qui n’attendent que les piolets impatients. «On croit que l’alpinisme, ce n’est que pour les costauds, mais c’est aussi de la balade. On part à 6 h du matin et à midi, on est à la ca- bane, devant une assiette chaude», s’amuse Stéphane Albasini. Tran- quille, placide, il est l’homme qui a découvert et surtout rendu accessi- ble au grand public la grotte du gla- cier de Zinal. «C’était en 1996, je redescendais d’une randonnée et là, tout à coup, j’ai vu l’entrée. Il faut dire qu’elle est souvent cachée par les avalanches.» Le chemin flirte avec la rivière gelée par endroits Mais il faut monter encore, avant d’avoir la surprise. Laisser sur la droite l’ancienne mine de cuivre et plus loin sur la gauche une froma- gerie transformée en bergerie. Ar- rivé au pont, au carrefour des pistes entre les cabanes d’Arpitettaz, du Grand et du Petit-Mountet, il faut suivre cette dernière voie, en lon- geant une berge ou l’autre de la Na- vizence. Et là, le chemin se fait plus lu- dique, primesautier, voire carré- ment poétique, entre arbustes de saules et mélèzes. Il flirte avec la rivière, gelée par endroits. Joue à saute-mouton avec ce fil d’argent, qui coulisse en ombres noires sous la glace fine. Décor de nuances, chant de l’eau vive qui frappe à la porte, s’étire dans un bâillement de printemps, à la façon des Arabes- ques de Claude Debussy. C’est aussi à cet endroit que, sur la pellicule de neige fraîche, s’impriment les infi- mes traces d’animaux sauvages. Toutes les écritures silencieuses du renard, de l’hermine, du lièvre et même du cincle plongeur. Et soudain, apparaît le glacier de Zinal Apparaît ensuite, tout au fond, droit devant, l’imposant glacier de Zinal. Epaulé par la Dent-Blanche et le Grand-Cornier. On laisse sur la droite le virage en épingle qui mène à la cabane du Petit-Mountet, et on affronte alors le géant. Une vaste plaine d’éboulis,

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Page 1: Migros Magazine 10, 7 mars 2011 Dans leventre

64 | Migros Magazine 10, 7 mars 2011

Dansle ventredu géantde glace

Les randonneurs rejoignent le glacier après une très belle randonnée en

Quatre heures de rando-raquettes endouceur avec, en point de mire, le glacierde Zinal et ses grottes turquoise. A visiteravec Stéphane Albasini, guide de montagnedu val d’Anniviers (VS).

Une ambiance à la JackLondon.Le plat de la Lé, au bout duvillage deZinal (VS), longe les

pistes de ski de fond dans un décorde Grand Nord et de chiens-loups.On guette les trappeurs, la sueur deCroc-Blanc, dans cette immenseétendue désertique, où l’on croiseparfois un vrai traîneau et ses hus-kies. Cerné de toutes parts, à gau-che, devant et surtout à droite où sedresse la redoutableGarde-de-Bor-don et ses meurtrières avalanches.«S’il avait neigé plus de 30 centi-mètres, on ne passerait pas par ici.Les avalanches partent toutes seu-les et ont un souffle terrible», sou-ligne Stéphane Albasini, 55 ans,guide de montagne établi un peuplus bas, à La Combaz. Un soufflequi balaie tout, a fait trois victimesl’année dernière et ne laisse riendebout. Même les arbres n’y résis-tent pas, ce qui explique les sapinsminuscules dans cette zone.

Au bout de la vallée, le cheminmonte légèrement direction Petit-Mountet. Il faut continuer sousl’œil fixe du Besso qui ne quitterapas le promeneur de toute l’excur-sion. «Besso signifie jumeau enpatois», précise le guide. Un nomqui va commeungant à ce géant degranit, reconnaissable justement àses deux pointes qui crèvent le ciel.«Les 4000, il faut les cueillir quandils arrivent. Depuis ici, on ne lesvoit jamais tous en même temps.»Le Zinalrothorn apparaît commeunmirage blanc accoudé au Besso,puis le Weisshorn fait son entrée.Le chemin s’arc-boute ensuite dequelques degrés, dans ce val d’An-niviers à la beauté sauvage, sansgravière ni barrage. S’ouvre alors detous côtés un paradis de cascadesde glace. Des rideaux bleutés de60 mètres de haut parfois, des lus-tres blancs, des dentelles prisesdans la roche qui n’attendent queles piolets impatients.

«On croit que l’alpinisme, cen’est que pour les costauds, maisc’est aussi de la balade.Onpart à 6 h

du matin et à midi, on est à la ca-bane, devant une assiette chaude»,s’amuse Stéphane Albasini. Tran-quille, placide, il est l’homme qui adécouvert et surtout rendu accessi-ble au grand public la grotte du gla-cier de Zinal. «C’était en 1996, jeredescendais d’une randonnée etlà, tout à coup, j’ai vu l’entrée. Il fautdire qu’elle est souvent cachée parles avalanches.»

Le chemin flirte avec larivière gelée par endroitsMais il faut monter encore, avantd’avoir la surprise. Laisser sur ladroite l’anciennemine de cuivre etplus loin sur la gauche une froma-gerie transformée en bergerie. Ar-rivé au pont, au carrefour des pistesentre les cabanes d’Arpitettaz, duGrand et du Petit-Mountet, il fautsuivre cette dernière voie, en lon-geant une berge ou l’autre de laNa-vizence.

Et là, le chemin se fait plus lu-dique, primesautier, voire carré-ment poétique, entre arbustes desaules et mélèzes. Il flirte avec larivière, gelée par endroits. Joue àsaute-mouton avec ce fil d’argent,qui coulisse en ombres noires sousla glace fine. Décor de nuances,chant de l’eau vive qui frappe à laporte, s’étire dans unbâillement deprintemps, à la façon des Arabes-quesdeClaudeDebussy. C’est aussià cet endroit que, sur la pellicule deneige fraîche, s’impriment les infi-mes traces d’animaux sauvages.Toutes les écritures silencieuses durenard, de l’hermine, du lièvre etmême du cincle plongeur.

Et soudain, apparaîtle glacier de ZinalApparaît ensuite, tout au fond,droit devant, l’imposant glacier deZinal. Epaulé par la Dent-Blancheet le Grand-Cornier. On laisse surla droite le virage en épingle quimène à la cabane duPetit-Mountet,et on affronte alors le géant.Une vaste plaine d’éboulis,

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VIE PRATIQUEPLEIN AIR | 65

AUTRES GLACIERSÀ VOIR

En métro:Saas FeePas envie de chausser desraquettes? Le métro alpin deSaas Fee vous dépose auPavillon de glace de l’Allalin(3500 m). Un tunnel de 54 mè-tres de long conduit à différenteschambres à surprises: une expode photos de Mike Horn et deson expédition au pôle Nord, dessculptures d’artistes contempo-rains et même un tobogganféerique dédié aux enfants. Aexplorer tout en s’informant surl’univers fascinant des glaciers.Infos sur www.eispavillon.ch

300 marches:ChamonixPresque sans effort: la Mer deglace de Chamonix, à 1913mètresd’altitude, s’atteint par lelégendaire train de Montenverset une télécabine. Reste encoreune volée de plus de trois centsmarches métalliques à descen-dre pour pouvoir visiter la grottede glace. Retaillée chaqueannée, elle présente la vie despremiers montagnards, dessculptures de glace, et proposemême un coin photo pour sefaire tirer le portrait avec unplacide saint-bernard. Infos surwww.chamonix.com

En cabine rotative:EngelbergC’est avec un téléphérique rotatifque l’on monte depuis Engelbergjusqu’au Titlis (3020 m) pour uncoup d’œil vertigineux sur toutela vallée. Au choix ensuite: letélésiège «Ice Flyer» poursurvoler les crevasses enfrissonnant ou vos pieds pourentrer dans la grotte de350 mètres, qui traverse leventre du géant. Plafond decristal et lumière bleue, féeriegarantie! Infos sur www.titlis.ch

L’énorme portaildu glacier est

presque intimidant.

raquettes. En bas à droite: l’endroit où naît la rivière la Navizence.

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Migros Magazine 10, 7 mars 2011 VIE PRATIQUE PLEIN AIR | 67

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lunaire, avec ses rochers af-falés çà et là sous leurs bon-

nets turcs. On marche dans l’an-ciennemoraine avec, par endroits,des rocs plus durs que les autres,magnifiquement striés et léchéspar la patience du glacier. «Le gla-cier avance de 30mètres par annéeet rétrécit d’autant. Mais il étaitbeaucoup plus en retrait il y a deuxmille ans, pourtant il n’y avait pasde voitures à cette époque-là…»

Stéphane Albasini y vient deuxfois par semaine, parfois davantagesuivant la demande, l’état de laneige et du danger. «Une année, jesuis monté cinquante-cinq fois en-tre mi-décembre et mi-mars.»Lassé? Son œil bleu cinglant dit lecontraire. «En venant souvent, onvoit le soleilmonter chaque jour unpeu plus au-dessus des crêtes. Toutest chaque fois différent.»

Le portail du glacier est intimi-dant, surtout si l’on sait que le géantcourt sur 7 kilomètres jusqu’au col

Durand, pour une surface totaled’environ 15 km2. «C’est de la glacequi voyage depuis quatre cents ans.Les restes de neige, au-dessus de3000 mètres, mettent environ dixans à se transformer en glacier.»

Lequel avance, roulant les caillouxsous sa masse vivante, broyant lapierre en limon fin.

Grande bouche bleue béante,entièrement naturelle, où l’on en-tre les yeux écarquillés. La tempé-

rature stagne à 0 °C, un froid sec oùse forment d’immenses blocs deglace, lisses comme du verre. Acroire que l’on est tombé dans lebac à glaçons de Gulliver. Momentludique de glissades, de contor-sions, à ramper sur ces cubes, sousun plafond Swarovski veiné debleu, de draperies fines, de voûtesétincelantes dignes d’une cathé-drale. C’est là, dans ce ventre obs-cur, que la Navizence naît de latranspiration du glacier.

En sortant de la grotte, il vauttoujours la peine de jeter un coupd’œil à la paroi gauche de la mo-raine. Là où se tiennent souvent lesbouquetins. Suffit ensuite de repar-tir par le même chemin, 6 kilomè-tres de descente pour 400 mètresde dénivellation. Un retour eupho-rique, enivré de la force des cimes,dépouillé de tout. Sauf du souffleessentiel. Patricia Brambilla

Photos Mathieu RodInfos sur www.montagne-evasion.ch

Stéphane Albasini, guide de montagne dans le val d’Anniviers.