l'hémicycle - #457

16
Florange et la chimère de la nationali- sation… Le refus de Notre-Dame-des- Landes et la théorie ténébreuse de la décroissance… Le droit de vote des étrangers et le rappel incessant à ses promesses de campagne… Sur sa gauche, rouges, verts et jaunes, les démagogues de tous calibres se surpassent depuis quelques semaines pour sub- merger François Hollande sous leurs surenchères, supposées vertueuses. Héritiers d’une gauche tribunitienne toujours fâchée avec le réalisme économique, enfants gâtés d’une société qui n’ose plus assumer (et promouvoir) son dévelop- pement, éternels théoriciens d’un antiracisme de salon, ils préfèrent manier l’anathème à l’égard du nouveau pouvoir (qu’ils avaient pourtant appelé de leurs vœux et au sein duquel nombre de leurs camarades tentent d’agir), l’anathème plutôt que la bienveillance, a minima, à défaut évidemment d’un soutien politique clair. Jusqu’où ces tenants d’une « vraie gauche », celle qui déteste le réel et s’y salir les mains, iront- ils dans leur escalade faussement angélique ? Combien de temps la schizophrénie qui a saisi le gouvernement et la majorité va-t-elle continuer à affaiblir son chef, au point de miner le fragile équilibre sur lequel s’appuie le président de la République ? Et surtout, comment faire prévaloir le sens des réalités sur les fantasmes des jusqu’au-boutistes ? Qui, par exemple, au sein de la gauche de gouvernement osera rappeler à Arnaud Montebourg et à ses thuriféraires qu’une nationalisation à un milliard d’euros pour sauver six à sept cents emplois, à Florange ou ailleurs, entraînerait la nation dans une spirale suicidaire, déclenchant des revendications similaires et tout aussi légitimes dans d’autres industries en difficulté ? Qui aura le courage d’exiger de Cécile Duflot la « cohérence » entre son mandat ministériel et son soutien aux opposants au projet de transfert de l’aéroport de Nantes sur une plateforme indispensable à l’essor économique de tout le Grand Ouest pour les trente ans à venir? Qui, enfin, aura l’autorité morale suffisante pour fermement suggérer aux dirigeants de SOS Racisme de ne pas exiger « tout, tout de suite » du chef de l’État, le droit de vote des étrangers n’étant pas, et de loin, la première préoccupation des Français ?! Certes, des voix comme celle de Michel Rocard tentent bien un rappel à la sagesse ou, tout au moins, au pragmatisme. Le « sage » de la deuxième gauche a-t-il jamais été entendu… Il est tout de même une institution et un personnage, dont c’est bien la mission de monter sans cesse en première ligne pour défendre l’exécutif et expliquer ses choix : le Parti socia- liste et son premier secrétaire. Passée la période de réorga- nisation de la direction du PS, Harlem Désir va devoir très vite assumer pleinement ce rôle. Aussi délicat soit-il. Si les ministres les plus « hollandais » s’évertuent aujourd’hui à l’intégrer davantage dans leur cercle, c’est pour mieux l’y pousser. Il y a urgence. Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard www.lhemicycle.com NUMÉRO 457 — MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012 — 2,15 ¤ PHILIPPE WOJAZER/AFP JEFF PACHOUD/AFP François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont fait le choix du pragmatisme et de la prudence dans le dossier Florange. Le chef de l’État et le Premier ministre définissent peu à peu un socialisme davantage tourné vers le compromis. Quitte à déboussoler la gauche « ouvriériste ». JACQUES DEMARTHON/AFP JACQUES DEMARTHON/AFP George Pau-Langevin P. 3 Philippe Meirieu P. 2 On va continuer le combat et on sera votre malheur. » Aux cris de colère et aux larmes du syndicaliste de Flo- range Édouard Martin, Jean-Marc Ayrault répond qu’il « assume parfaite- ment ce qui a été décidé… je ne mens pas aux Français ». Comment mieux illustrer la fracture entre un gouvernement qui revendique sa ligne social-démocrate et une gauche « ouvriériste » qui, depuis plus d’un siècle, a épousé tous les combats des sidérurgistes lorrains ? Cette même « première gauche », comme on la qualifie, qui réclame du pouvoir d’achat, rêve de nationalisations, prône toujours plus d’État face à une économie ouverte… c’est-à-dire une politique inverse de celle que mène le gouverne- ment Ayrault. On comprend le désespoir des ouvriers de Florange à qui Arnaud Montebourg a fait miroiter une natio- nalisation temporaire. On sait d’expé- rience que Mittal ne tient pas ses pro- messes. Mais Jean-Marc Ayrault, au-delà de ses erreurs de communication, n’a pas tort de rappeler qu’il n’y aura pas de licenciements et que les nationalisations des années 1980 n’avaient pas empêché des milliers de suppressions d’emplois. Le réalisme qu’incarne le Premier mi- nistre a dicté le choix retenu: l’expropria- tion de Mittal aurait pris des mois et mis en danger les 20 000 autres salariés de Mittal en France. Elle aurait coûté un milliard, suscité des vocations dans d’autres sociétés en difficulté, avec le risque d’effrayer les investisseurs étrangers. Gérard Leclerc > Lire la suite en p. 4 Les fantasmes des jusqu’au-boutistes… Le hollandisme à l’épreuve Et aussi Touchée depuis 2008 par une surmortalité des huîtres, l’ostréiculture française fait face à une crise durable. Soutenue par l’État et les collectivités, la filière espère beaucoup du programme Score, dont les résultats ne sont pourtant pas attendus avant plusieurs années. > Lire l’enquête de Jean-Marc Engelhard en p. 6 et 7 Y aura-t-il des huîtres à Noël ? Dossier STÉPHANE DE SAKUTIN/AFP Édito Thierry Guerrier La politique chevillée au cœur, François Rebsamen est imprégné du romantisme révolutionnaire latino-américain. Sa rencontre avec Pierre Joxe l’a beaucoup marqué. Ce dernier a toujours été « son maître à se comporter ». > Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15 Au sommaire Le Sénat va statuer sur l’immunité parlementaire de Jean-Noël Guerini >p. 4 Emprunts toxiques : Les villes moyennes haussent le ton par Florence Cohen >p 5 Hollande en Algérie pour tourner la page par François Clemenceau >p. 10 Un rapprochement entre l’Arcep et le CSA ? par Tariq Befnec- Curiel >p 12 Du coco de mer à la « graine de vie » >p. 14 « Rebsamen, des révolutions latino-américaines à Mitterrand

Upload: lhemicycle-wwwlhemicyclecom

Post on 19-Feb-2016

291 views

Category:

Documents


2 download

DESCRIPTION

l'Hémicycle numéro 457 du mercredi 12 décembre 2012 Au sommaire : - Le Sénat va statuer sur l’immunité parlementaire de Jean-Noël Guerini >p. 4 - Emprunts toxiques : Les villes moyennes haussent le ton par Florence Cohen >p 5 - Hollande en Algérie pour tourner la page par François Clemenceau >p. 10 - Un rapprochement entre l’Arcep et le CSA ? par Tariq Befnec-Curiel >p 12 - Du coco de mer à la « graine de vie » >p. 14

TRANSCRIPT

Page 1: l'Hémicycle - #457

Florange et la chimère de la nationali-sation… Le refus de Notre-Dame-des-Landes et la théorie ténébreuse dela décroissance… Le droit de vote desétrangers et le rappel incessant àses promesses de campagne… Sur sa

gauche, rouges, verts et jaunes, les démagogues de touscalibres se surpassent depuis quelques semaines pour sub-merger François Hollande sous leurs surenchères, supposéesvertueuses. Héritiers d’une gauche tribunitienne toujoursfâchée avec le réalisme économique, enfants gâtés d’unesociété qui n’ose plus assumer (et promouvoir) son dévelop-pement, éternels théoriciens d’un antiracisme de salon, ilspréfèrent manier l’anathème à l’égard du nouveau pouvoir(qu’ils avaient pourtant appelé de leurs vœux et au seinduquel nombre de leurs camarades tentent d’agir), l’anathèmeplutôt que la bienveillance, a minima, à défaut évidemmentd’un soutien politique clair. Jusqu’où ces tenants d’une « vraiegauche », celle qui déteste le réel et s’y salir les mains, iront-ils dans leur escalade faussement angélique ? Combien detemps la schizophrénie qui a saisi le gouvernement et lamajorité va-t-elle continuer à affaiblir son chef, au point deminer le fragile équilibre sur lequel s’appuie le président dela République ? Et surtout, comment faire prévaloir le sensdes réalités sur les fantasmes des jusqu’au-boutistes ? Qui,par exemple, au sein de la gauche de gouvernement oserarappeler à Arnaud Montebourg et à ses thuriféraires qu’unenationalisation à un milliard d’euros pour sauver six à septcents emplois, à Florange ou ailleurs, entraînerait la nationdans une spirale suicidaire, déclenchant des revendicationssimilaires et tout aussi légitimes dans d’autres industries endifficulté ? Qui aura le courage d’exiger de Cécile Duflot la « cohérence » entre son mandat ministériel et son soutienaux opposants au projet de transfert de l’aéroport de Nantessur une plateforme indispensable à l’essor économique detout le Grand Ouest pour les trente ans à venir ? Qui, enfin,aura l’autorité morale suffisante pour fermement suggéreraux dirigeants de SOS Racisme de ne pas exiger « tout, toutde suite » du chef de l’État, le droit de vote des étrangers n’étantpas, et de loin, la première préoccupation des Français ?!Certes, des voix comme celle de Michel Rocard tentent bienun rappel à la sagesse ou, tout au moins, au pragmatisme.Le « sage » de la deuxième gauche a-t-il jamais été entendu…Il est tout de même une institution et un personnage, dontc’est bien la mission de monter sans cesse en première lignepour défendre l’exécutif et expliquer ses choix : le Parti socia-liste et son premier secrétaire. Passée la période de réorga-nisation de la direction du PS, Harlem Désir va devoir très viteassumer pleinement ce rôle. Aussi délicat soit-il. Si lesmi nistres les plus « hollandais » s’évertuent aujourd’huià l’intégrer davantage dans leur cercle, c’estpour mieux l’y pousser. Il y a urgence.

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard

www.lhemicycle.com NUMÉRO 457 — MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012 — 2,15 ¤

PHIL

IPPE

WOJ

AZER

/AFP

JEFF

PAC

HO

UD/

AFP

François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont fait le choix du pragmatismeet de la prudence dans le dossier Florange. Le chef de l’État et le Premierministre définissent peu à peu un socialisme davantage tourné versle compromis. Quitte à déboussoler la gauche « ouvriériste ».

JACQ

UES

DEM

ARTH

ON

/AFP

JACQ

UES

DEM

ARTH

ON

/AFP

GeorgePau-Langevin

P. 3

PhilippeMeirieu

P. 2

On va continuer le combat et on seravotre malheur. » Aux cris de colère

et aux larmes du syndicaliste de Flo-range Édouard Martin, Jean-Marc Ayrault répond qu’il « assume parfaite-ment ce qui a été décidé… je ne mens pasaux Français ». Comment mieux illustrerla fracture entre un gouvernement quirevendique sa ligne social-démocrate et une gauche « ouvriériste » qui, depuisplus d’un siècle, a épousé tous les combats des sidérurgistes lorrains? Cettemême « première gauche », comme on

la qualifie, qui réclame du pouvoird’achat, rêve de nationalisations, prônetoujours plus d’État face à une économieouverte… c’est-à-dire une politiqueinverse de celle que mène le gouverne-ment Ayrault. On comprend le désespoirdes ouvriers de Florange à qui ArnaudMontebourg a fait miroiter une natio-nalisation temporaire. On sait d’expé-rience que Mittal ne tient pas ses pro-messes. Mais Jean-Marc Ayrault, au-delàde ses erreurs de communication, n’a pastort de rappeler qu’il n’y aura pas de

licenciements et que les nationalisationsdes années 1980 n’avaient pas empêchédes milliers de suppressions d’emplois.Le réalisme qu’incarne le Premier mi -nistre a dicté le choix retenu: l’expropria -tion de Mittal aurait pris des mois etmis en danger les 20000 autres salariésde Mittal en France. Elle aurait coûtéun milliard, suscité des vocations dansd’autres sociétés en difficulté, avec le risqued’effrayer les investisseurs étrangers.

Gérard Leclerc> Lire la suite en p. 4

Les fantasmes desjusqu’au-boutistes… Le hollandisme à l’épreuve

Et aussiTouchée depuis 2008 par une surmortalité des huîtres, l’ostréiculturefrançaise fait face à une crise durable. Soutenue par l’État et lescollectivités, la filière espère beaucoup du programme Score, dontles résultats ne sont pourtant pas attendus avant plusieurs années.> Lire l’enquête de Jean-Marc Engelhard en p. 6 et 7

Y aura-t-il des huîtres à Noël ?Dossier

STÉP

HAN

E DE

SAK

UTI

N/A

FP

ÉditoThierry Guerrier

La politique chevillée au cœur, François Rebsamenest imprégné du romantisme révolutionnairelatino-américain. Sa rencontre avec Pierre Joxel’a beaucoup marqué. Ce dernier a toujours été« son maître à se comporter ».> Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15

Au sommaire • Le Sénat va statuer sur l’immunité parlementaire deJean-Noël Guerini > p. 4 • Emprunts toxiques : Les villes moyennes haussentle ton par Florence Cohen > p 5 • Hollande en Algérie pourtourner la page par François Clemenceau > p. 10 • Unrapprochement entre l’Arcep et le CSA ? par Tariq Befnec-Curiel > p 12 • Du coco de mer à la « graine de vie » > p. 14

«

Rebsamen, des révolutionslatino-américaines à Mitterrand

H457_P01.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 17:13 Page 1

Page 2: l'Hémicycle - #457

Vous avez jugé que les résultatsde la concertation qui a durétrois mois ne portaient pas un « projet fort ». Ce ne sera qu’une réforme de plus ?Les résultats de la concertation ontété présentés comme une « boîte àidées » pour la refondation de l’école.Et, même si la plupart des idéesétaient déjà formulées ici ou là,c’est une collecte utile. Mais – etcela est sans doute inhérent à laméthode utilisée – cette « boîte àidées » ne permet pas d’identifierun projet d’ensemble. Il reviendradonc au politique – et c’est préci -sément sa fonction – de proposerdes principes unificateurs et desperspectives mobilisatrices. Lesmesures techniques nécessairesdevront être assujetties à des fina -lités capables de redonner confianceaux personnels comme aux parentset aux élèves… Impossible donc desavoir encore si la loi d’orienta-tion ne sera qu’une « réforme deplus » ou sera, comme je l’espère,un vrai moment de refondation,comparable à celui de Jules Ferryou, mieux encore, de Jean Zay,d’Alain Savary ou de Lionel Jospin– dont la loi de 1989 reste, pourmoi, un texte essentiel, malheu -reusement mal lu et, finalement,assez peu appliqué…

Vous avez pointé le manqued’acteurs de terrain dans le choixdes participants à cetteconcertation…L’école française vient de vivre unepériode très dure où la mise enconcurrence systématique à tous

les niveaux, associée à un contrôletechnocratique généralisé et à unecaporalisation sans précédent desacteurs, a conduit à une véritable« dépression collective ». Le senti-ment d’impuissance à la base n’a jamais été aussi grand. Il mesemble que, en ne faisant appel,pour l’essentiel, qu’aux cadres etresponsables des grands appareils,on s’est privé d’un signal fort endirection de tous les personnels etles parents. Une concertation plus

vaste aurait engagé une dynamiquesur laquelle le ministère aurait pus’appuyer : de multiples rencontresdécentralisées, sous forme d’uni-versités d’été par exemple, auraientété un beau moyen de se mettre enroute collectivement.

Vous mettez en doutela pertinence d’une quêted’une plus grande « égalitédes chances ». Pourquoi ?Nous devons passer de « l’égalitédes chances », qui prétend, selonla formule célèbre, « faire émergerun Einstein dans le 93 », à unevéritable « égalité des droits ». C’estle défi d’aujourd’hui : commentgarantir le droit à l’éducation pourtous ? Et le droit à l’éducation, cen’est pas seulement l’acquisitiondu « socle commun », c’est le droit

de travailler dans un établissementpacifié, d’être pris en charge parune équipe éducative solidaire,d’accéder à des pratiques artistiqueset culturelles exigeantes, de béné-ficier d’une évaluation qui aide àprogresser, etc.

La semaine de quatre jours et demi,la limitation du redoublement,la modification du systèmede notation, des devoirs :de bonnes idées ?

Oui, à condition de regarder comment tout cela va se faire etdans quel esprit. Il faut que leretour à quatre jours et demi dansle primaire s’accompagne de vraisprogrès : nous devons repenserglobalement le temps de l’enfantavec l’ensemble des partenairesconcernés ; nous devons travaillerà la mise en œuvre d’une vraie« pédagogie de la réussite », car ce qui fatigue le plus l’enfant, enréalité, c’est l’échec ! D’où, effecti -vement, la nécessité de repenser l’évaluation pour en faire un outilde progression et non d’exclusion…Mais, pour cela, il ne faut pas s’arrê ter en route : il faut allerjusqu’à ce qui pilote finalementtout le système : les examens, lebrevet et le baccalauréat. Je suisfavorable à une évaluation systé-

matique par « unités de valeur »,seul moyen de changer les moda -lités de travail et de faire disparaîtrele redoublement.

Pensez-vous qu’il existe une crisede la transmission aujourd’hui ?Que penser de l’enseignementd’une morale laïque ? Commentrefonder l’école ?Il existe une crise de l’institutionscolaire, qui peine à trouver salégitimité auprès des enseignants,

des élèves et des parents… Cettecrise est, bien évidemment, liée àdes facteurs sociaux plus larges :déliaison intergénérationnelle,montée des individualismes, sur -excitation pulsionnelle d’enfantset d’adolescents considérés essen-tiellement comme des « cœurs decible », triomphe de l’immédiatetéet de l’efficacité à tout prix, etc.Mais l’école, justement, doit re -présenter un contrepoison à toutcela et en faire sa vraie légitimité.Ce doit être un espace de décé -lération où des groupes d’élèves à taille humaine sont encadrés et suivis par des équipes d’en-seignants co hérentes. Ce doit êtreun lieu où l’on prend le tempsd’apprendre et de comprendre,où l’on met en place les « bellescontraintes » qui permettent

d’accéder à la réflexion et à la pensée. Ce doit être une ins ti tutionoù se construit du « commun » etoù se prépare « l’avenir du com-mun »… Cela passe par un travailde fond sur les contenus d’ensei -gnement, qui ne doivent pas êtreréduits à un chapelet de compé-tences techniques mais s’inscriredans une culture qui mobilise lesélèves et leur permette de com-prendre comment les humainsont construit, tout au long de leurhistoire, les moyens de leur éman-cipation. Il faudra, pour cela, ré -interroger les programmes et lesméthodes, faire de la maîtrise del’écrit une priorité absolue, donnerune plus grande place à l’histoire,introduire clairement le droitcomme discipline à part entière…puisque, dit-on, « nul n’est censéignorer la loi ». Quant à la moralelaïque, je ne suis pas hostile à sonenseignement, mais à conditionqu’on s’astreigne aussi à la vivre.Car ce que l’école enseigne d’abord,c’est elle-même !

Qu’attendez-vous du passagede ce texte au Parlement ?Qu’il permette de bien faire ressor-tir, dans la loi d’orientation, toutà la fois, les finalités et les moda -lités. Car la crédibilité d’une poli-tique éducative tient à cela : desfinalités fortes et mobilisatrices et des modalités d’application en cohérence avec elles. Et une lisibilité maximale pour tous lescitoyens.

Propos recueillispar Thomas Renou

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012

Agora

PHILIPPE MEIRIEUPROFESSEUR EN SCIENCES DE L’ÉDUCATIONÀ L’UNIVERSITÉ LUMIÈRE-LYON 2

Philippe Meirieu a participé à la concertation pour la refondation de l’école de la République.Le pédagogue regrette qu’elle n’ait su produire un « projet d’ensemble ».

«Nous devons passer de “l’égalité des chances”, qui prétend,selon la formule célèbre, “faire émerger un Einstein dans le 93”,

à une véritable “égalité des droits” »

JACQ

UES

DEM

ARTH

ON

/AFP

«UNE CONCERTATION PLUS VASTE AURAITENGAGÉ UNE DYNAMIQUE SUR LAQUELLE

LE MINISTÈRE AURAIT PU S’APPUYER »

H457_P02-03.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 15:57 Page 2

Page 3: l'Hémicycle - #457

Philippe Meirieu n’a pas réussi à identifier un « projet d’ensemble »dans les résultats de la concertationsur l’école. Il dit attendre despolitiques des « principes unificateurset des perspectives mobilisatrices ».Que lui répondez-vous ? Je comprends l’impatience de M.Mei -rieu tant l’école a pu être malmenéeces dernières années, mais la loi deprogrammation et d’orientations’est inscrite dans un calendrier.Nous parlons de l’avenir de nos en fants et il est important que nousprenions un temps, le temps pour le définir. Vincent Peillon et moi-même avons lancé, le 5 juillet der -nier, la refondation de l’école dansle cadre de la grande concertation àlaquelle nos concitoyens, l’ensemblede la communauté éducative, ontfortement participé. Le rapport quien a résulté a été remis au présidentde la République, le 9 octobre der -nier. Alors que vient de s’achever laphase de discussion engagée auprèsdes partenaires de l’Éducation na -tionale, le travail interministériel a permis la finalisation de la loi deprogrammation et d’orientation. Le texte, connu de tous depuis lasemaine dernière, sera présenté enconseil des ministres au plus tard àla fin du mois de janvier, comme l’aannoncé Vincent Peillon. La loi deprogrammation et d’orientation aainsi pour objet à la fois de mobiliser

les moyens financiers accordés àl’Éducation nationale mais égale-ment de préciser la philosophie etles objectifs de l’école. Aussi, toutn’est pas dans la loi car tout nerelève pas du champ législatif. C’est pourquoi d’autres chantiers,nourris notamment par la concer-tation, s’ouvrent en parallèle.

Selon Philippe Meirieu, il fautpréférer « l’égalité des droits »à « l’égalité des chances »…L’une ne va pas sans l’autre. La re -vendication de l’égalité des chancesengendre de nouveaux droits pournos jeunes, celui d’accéder notam-ment à des dispositifs qui viendrontlutter contre les déterminismes so -ciaux, économiques, culturels et géo-graphiques ou liés à des problèmesde santé. La République a l’obligationde donner à tous ces enfants, quelque soit le milieu d’où ils viennent,quelle que soit leur histoire, la chanced’accomplir un bon parcours sco-laire, afin de pouvoir demain s’épa -nouir professionnellement. L’éga litédes chances passe notamment parune aide en direction des jeunesissus de catégories sociales défa-vorisées qui, au quotidien, affrontenten dehors de l’école des situationsde vie très difficiles, mais égalementpar un soutien auprès des jeunes qui,à l’intérieur de l’école, ne trouventpas leur compte.

Vous avez promis que vous seriez « le poil à gratter du systèmescolaire ». Qu’est-ce qui ne fonctionne pas bien dans notresystème éducatif ? Notre école sait motiver les meilleursmais elle ne sait pas suffisammentfaire progresser ceux qui sont endifficulté. Vous le savez comme moi,150 000 élèves sortent chaque annéedu système scolaire sans diplôme ouqualification. Notre système éducatifn’assure pas la réussite de tous. L’écolene réduit plus les inégalités mais, aucontraire, elle les reproduit, voire lesaccroît. Aussi, le passage à la semainede quatre jours a fragilisé les jeuneschez lesquels les savoirs fondamen -taux sont les moins maîtrisés. Nosélèves travaillent beaucoup sur destemps très courts. C’est pourquoinous allons rétablir la semaine dequatre jours et demi et repenserl’organisation des journées.

Quels seront vos domainesd’intervention prioritaires ? J’entends apporter une attentionparticulière notamment aux dis-positifs d’éducation prioritaire etd’accompagnement éducatif, auxquestions d’absentéisme et de dé cro -chage scolaire, aux problèmes de dis -crimination qui se sont développésces dernières décennies dans l’écolede la République, à la santé scolaireainsi qu’au sport, élément porteur

de valeurs essentielles pour fonder levivre ensemble, la scolarisation desenfants en situation de handicap.Parce que nombre de ces sujets nesont pas le monopole de l’Éducationnationale, mon action sera donctransversale et interministérielle.En ce sens, j’ai mis en place, le 16 oc -tobre dernier, avec Marie-ArletteCarlotti [la ministre déléguée auxpersonnes handicapées et à la luttecontre l’exclusion, NDLR], un groupede travail sur la professionnalisationdes accompagnants pour la réussitedes enfants et adolescents en situationde handicap afin de leur garantir unmeilleur appui au sein de l’école.

Vous avez jugé la loi Ciotti,qui autorise la suspensiondes allocations familialesen cas d’absentéisme scolaire, « inefficace ». Comment comptez-vous lutter contre ce problème ?Dans le cadre de la lutte contrel’absentéisme, il est important, toutd’abord, de revenir à un dispositifefficace et juste, tout l’inverse de laloi Ciotti. Inefficace, la loi Ciotti l’estpuisqu’elle n’a aucun effet dans 77 %des cas. En 2011-2012, 619 suspen-sions d’allocations familiales ontété opérées et 142 rétablissements.Injuste, la loi Ciotti ne prend pas encompte le tiers des élèves concernéspar l’absentéisme pour lesquels lesfamilles ne perçoivent pas d’alloca-

tions. La proposition de loi de lasénatrice Françoise Cartron* visant àabroger cette mesure va dans le bonsens. Aussi, l’absentéisme doit en re -vanche être traité comme un symp-tôme à prendre très tôt en considé -ration. Si l’absentéisme touchefortement le lycée professionnel,c’est que, la plupart du temps, l’élèveest mécontent de son orientation. Je trouverais intéressant que l’onapprofondisse l’idée d’une secondeprofessionnelle indifférenciée quipermette à l’élève de faire son choixplutôt que d’en subir un.

Le président de la Républiquea souhaité faire de cette réformede l’éducation un axe fondamentalde son quinquennat ; elle serabientôt examinée au Parlement :qu’attendez-vous des députéset des sénateurs ?Les parlementaires se sont déjàapproprié le débat sur la refonda-tion de l’école dans le cadre de laconcertation. Ils auront l’occasiond’exprimer leur vision de l’écoledans le cadre du débat parlemen-taire. Je sais que Vincent Peillon etmoi-même pouvons compter sureux pour porter cet acte de refon-dation de l’école de la République.

Propos recueillis par T.R.

*Adoptée au Sénat le 25 octobre, elle sera

examinée à l’Assemblée le 17 janvier 2013.

NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012 L’HÉMICYCLE 3

Agora

La ministre déléguée à la Réussite éducative se félicite de la concertation engagée par le gouvernement. Toutes les solutions proposées lors de cette concertation ne se retrouverontpas nécessairement dans la loi de programmation et d’orientation, car dans ce domaine, dit-elle,« tout ne relève pas du champ législatif ».

«La revendication de l’égalité des chances engendre denouveaux droits pour nos jeunes, celui d’accéder notamment

à des dispositifs qui viendront lutter contre les déterminismessociaux, économiques, culturels et géographiques »

JACQ

UES

DEM

ARTH

ON

/AFP

GEORGE PAU-LANGEVINMINISTRE DÉLÉGUÉE À LA RÉUSSITEÉDUCATIVE

H457_P02-03.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 15:57 Page 3

Page 4: l'Hémicycle - #457

4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012

Plan large

En régime de croisière, il y aenviron 2 000 collaborateursparlementaires à l’Assemblée

nationale. La fonction a été crééepar Edgar Faure lorsqu’il occupaitle perchoir, dans les années 1970 ;ce dernier avait été impressionnépar les moyens dont disposaientdéjà les sénateurs et les représen-tants au Congrès des États-Unis.S’ils ont tous le même titre, ils sontloin d’assurer les mêmes fonctions :secrétariat du député, traitementjuridique ou politique des dossiers,voire les trois à la fois. On peut difficilement comparer l’assistantbardé de diplômes (certaines uni-versités parisiennes ont même crééun master d’administration du politique), exclusivement chargéde la rédaction des discours ou des amendements défendus par« son » député, avec celui ou cellequi est une véritable « nounou »(tenue de l’agenda, gestion du courrier, voire préparation d’undiscours ou d’un amendementlégislatif). Le premier fait généra -lement partie d’une petite équipe,le second est collaborateur unique

du député à Paris (les autres se trou-vant dans sa circonscription).Député et collaborateur travaillentdans le même bureau, ce qui néces-site une bonne entente et unegrande confiance. Les assistantsparlementaires sont des salariés re -levant du droit privé recrutés di -rectement par les élus, qui peuventles licencier en cas de conflit (enrespectant la réglementation dudroit du travail, bien entendu).C’est une fonction dans laquelle on ne s’improvise pas du jour aulendemain, surtout si on n’y est pas préparé.En matière de salaires, ce sont lesélus qui fixent le montant de larémunération de leurs collabora-teurs (cinq au maximum), en ré -partissant la dotation mensuellede 9 138 euros. Et, dans ce do -maine, les disparités sont parfoisimportantes.En présentant les grandes lignesde son action à la présidence del’Assemblée fin septembre, ClaudeBartolone s’est engagé à œuvrer àl’amélioration de leurs conditionsde travail et de salaires. Mission

confiée au premier questeur, Ber-nard Roman. Celui-ci a d’ailleursfait campagne sur ce thème auprèsde ses collègues pour être élu à laquesture. « Nous ne pouvons pastolérer d’avoir des assistants qui subissent des conditions de travailque l’on combat dans l’hémicycle »,explique-t-il. Claude Bartolone aannoncé que les 10 % amputés de l’IRFM des députés seraientaffectés à la rémunération des col-laborateurs. Quant aux assistants,ils ont déjà obtenu la mise en placede quelques mesures. Ainsi vont-ilsbénéficier des mêmes tarifs de cantine ou de restauration que les fonctionnaires de l’Assemblée ;dorénavant ils peuvent de nouveaucirculer dans toute l’enceinte del’Assemblée et accéder au fameux« périmètre sacré », c’est-à-diretoute la partie située autour del’hémicycle dont l’accès est res-treint. Cette interdiction, datant de quelques années, avait été par-ticulièrement mal vécue. D’autresmesures sont à l’étude, comme lareconnaissance de leur ancienneté ;jusqu’à présent, si un assistant

change d’employeur, il perd sonancienneté. La situation est parti-culièrement douloureuse après ledécès d’un élu ou lorsque le députéest battu aux élections. Mais lesélus sont unanimes pour mainte-nir le statut de salarié de droit privéaux assistants parlementaires, car,explique-t-on, leur employeur estl’élu et non pas l’Assemblée. Lesassistants parlementaires s’im -pliquent en général avec enthou-siasme dans leur fonction, parceque politiquement proches de leur député ou sénateur. Et puisune bonne entente peut aussimener à une succession. Plusieursanciens ministres, dont FrançoisFillon en personne, ont été attachésparlementaires. La jeune élue UMPVirginie Duby-Muller a pris la suite du député Claude Birraux qui nesouhaitait pas se représenter enHaute-Savoie, et la coprésidentedu groupe écologiste, Barbara Pompili, élue dans la Somme, alongtemps travaillé aux côtés deNoël Mamère avant de briguer àson tour les suffrages des électeurs.

A.H.

Le drame de Florange et sa gestionchaotique par le pouvoir – la ministreFilippetti refuse même de participerà une réunion avec les élus lorrains –ont fini de jeter le trouble à gauche.En témoigne le mauvais score descandidats socialistes aux 3 électionspartielles de dimanche. Le Premierministre en ressort « laminé », et lePrésident est accusé de naviguer àvue. C’est justifié pour la « méthodeHollande », qui consiste à toujoursrechercher le compromis et à em -prunter des voies tortueuses pouratteindre le but qu’il s’est fixé. Maisça ne l’est pas sur le fond. FrançoisHollande et son Premier ministreappliquent avec détermination,qu’on s’en réjouisse ou qu’on le dé -plore, une ligne résolument social-démocrate (d’autres diront social-libérale). Un réalisme assumécomme jamais auparavant par lagauche, et qui pour l’instant ne mollit pas : le déficit public est pro-grammé à 3 % grâce à des coupessévères dans les dépenses publiques,le traité européen est adopté, lepacte de compétitivité rend 20 mil-liards d’impôts aux entreprises, lespartenaires sociaux négocient surles questions ultrasensibles du marché du travail, le ministre del’Intérieur revendique la fermeté,enfin les réformes de société sontengagées avec l’égalité hommes-femmes, le mariage pour tous ou le non-cumul des mandats.La gauche en est tourneboulée. Jean-Luc Mélenchon compare Hollandeà Louis XVI. Les communistes, ens’abstenant ou en votant contre legouvernement, abandonnent leurrôle d’aiguillon de la majorité pourse poser en alternative, au risquede mesures de rétorsion pour lesprochaines municipales. Certainsécologistes comme Jean-VincentPlacé ou Noël Mamère posent ou -ver tement la question de leur par-ticipation au gouvernement. Maisles deux ministres écologistes et lamajorité des parlementaires ne sontpas (encore ?) dans cette logique.Au PS aussi ça grince. La vieillegauche étatiste et les jeunes « dé -mondialistes » ne cachent pas leursétats d’âme. Mais ils ne seraient pas plus d’une quinzaine dans ungroupe de près de 200 députés suf-fisamment disciplinés pour voterau pas de charge le pacte de compé -titivité et la hausse de la TVA. Il y apeu, certains auraient rejeté « uncadeau aux entreprises » et un impôtantisocial…

L’opinionde Gérard LeclercPRÉSIDENT DE LCP

MAR

TIN

BU

REAU

/AFP

Aux Quatre ColonnesLes collaborateurs parlementaires…

Suite de la page 1

Le bureau du Sénat va statuerce mercredi sur une nouvelle

demande de levée de l’immunitéparlementaire du sénateur PS Jean-Noël Guerini, que la justicesouhaite placer en garde à vue pour l’interroger sur un dossier « à caractère mafieux ».Pour le juge marseillais CharlesDuchaine, à l’origine de la de -mande, il existe « une ou plusieursraisons plausibles » de soupçonnerle président du conseil général desBouches-du-Rhône d’avoir commisles délits de corruption passive, detrafic d’influence et d’associationde malfaiteurs. Il n’envisage toute -fois « aucune mesure de détentionou de contrôle judiciaire » à l’issue de l’interrogatoire.L’association Anticor a annoncédimanche à Marseille qu’elle seconstituerait partie civile pour« représenter la voix des citoyens »du département contre la corrup-tion dans ce dossier. La demandede levée d’immunité a été transmise

par le parquet général d’Aix-en-Provence le 9 novembre à la Chan-cellerie, qui l’a envoyée au Sénatle 21 novembre. Elle concerne uneinformation judiciaire parallèle à celle où M. Guerini a été mis enexamen le 8 septembre 2011 – etqui a débouché sur une premièrelevée de son immunité parle -mentaire en mars après qu’il eutrefusé, un temps, de répondre auxquestions du magistrat. Ce dossierporte sur des entreprises qui ontremporté des marchés publics« dans des conditions suspectes »auprès de collectivités. Des gérants,des élus et des fonctionnaires ont été mis en examen. Mais surtoutil recèle des liens avec le grandbanditisme.Patrick Boudemaghe, dirigeant des sociétés incriminées, arrêté enEspagne fin 2010, Bernard Barresi« malfaiteur notoire » vivant sousde fausses identités, arrêté enjuin 2010 après dix-huit ans decavale, et Alexandre Guerini, frère

du sénateur et dirigeant de dé -charges, formaient, selon le juge,un groupement « permanent ».Le trio aurait eu recours à des pots-de-vin pour décrocher ou faireobtenir des marchés publics auprèsdes conseils généraux des Bouches-du-Rhône et de Haute-Corse, ainsique de l’agglomération de Salon-de-Provence. Quant au rôle deJean-Noël Guerini, il est « difficileà cerner et surtout à critiquer », re -connaît le juge. Mais il aurait assuréde façon « systématique » le succèsdes entreprises de son frère et deses amis « par ses interventions in -fluentes, ses actions ou ses absten-tions », dénoncées aux enquêteurspar d’anciens collaborateurs. C’estle centriste Jean-Léonce Dupont,président de la délégation encharge des conditions d’exercicedu mandat du sénateur, qui instruitcette demande et la présentera au bureau du Sénat.Le bureau doit rendre sa décision« dans le respect de trois principes :

présomption d’innocence, séparationdes pouvoirs et secret de l’instruction ».Il doit vérifier que « la demandeindique précisément les mesures envi-sagées ainsi que les motifs invoqués »et que l’autorisation qu’il donne« ne vaut que pour les faits mention-nés dans la requête ». Le régime del’immunité parlementaire est régipar l’article 26 de la Constitution.Un parlementaire ne disposed’aucune protection spécifiquedans deux cas : crime ou délit fla-grant et en cas de condamnationdéfinitive (voies de recours – appel,cassation – épuisées). Hormis cesdeux cas, il ne peut pendant ladurée de son mandat être arrêté ou soumis à une mesure privative(garde à vue, détention provisoire,emprisonnement) ou restrictive de liberté (contrôle judiciaire)qu’avec l’autorisation du bureaude son assemblée. Il bénéficie donc,pendant son mandat, d’une immu-nité, relative puisque le bureaupeut la lever à tout moment.

Le Sénat va statuer sur l’immunitéparlementaire de Jean-Noël Guerini

Ils ont le titre de collaborateur parlementaire à l’Assemblée nationale oud’assistant au Sénat. Ils s’impliquent avec enthousiasme dans leur fonction.Claude Bartolone s’est engagé à l’amélioration de leurs conditions de travail.

H457_p04.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 16:53 Page 4

Page 5: l'Hémicycle - #457

Des produits hautementtoxiques qui attaquent lesystème nerveux. Rien à

voir avec des matériaux industrielsabrasifs, ces substances-là sont fi -nancières et elles s’en prennent aunerf de la guerre pour les collecti-vités locales : le budget. Selon uneétude de la Fédération des villesmoyennes (FVM), un tiers des com-munes de 20 000 à 100 000 ha -bitants sont dans une situation économique préoccupante à causede leur recours à des empruntstoxiques. En moyenne, un quart de leur encours de dette (estimé à une dizaine de milliards d’euros)est constitué de produits plus oumoins risqués. Dans certains casextrêmes, comme à Saint-Étienne,la proportion est montée à 70 %.Si les villes moyennes sont dansl’œil du cyclone, les petites com-munes, a fortiori, sont touchéesde plein fouet.

D’un mauvais coup de baguettemagique, en effet, les collectivitéspassent d’une phase de prêt bo -nifié à des taux raisonnables (5 ou7 %) à une phase conditionnelle,où les taux dépendent des fluctua-tions du marché. Et c’est là quel’ascenseur s’emballe : les taux peuvent culminer à 20 %, voirebien plus. Sur un an, la charge liéeaux intérêts atteint alors plusieurscentaines de milliers d’euros, dequoi grever un budget et freinerconsidérablement l’investissement.Devant cette envolée devenue in -contrôlable, les collectivités ont,bien souvent, tenté de négocieravec leurs créanciers, Dexia et lesCaisses d’Épargne en tête. Mais ladiscussion s’est soldée par uneultime proposition dissuasive desbanques : les villes ont été somméesde payer une soulte astronomiquepour sortir du contrat, parfois 75 %du capital restant dû. Insoutenable.

Reste alors une seule arme : lerecours à la justice. Sauf que letemps presse : la prescription quin-quennale ne va pas tarder à arriverà échéance (parfois, il est mêmedéjà trop tard). Alors, la FVM inciteses 155 villes adhérentes à opterpour l’action contentieuse.Et l’État dans tout ça ? Certes, lesdéputés viennent de voter une en -veloppe de 50 millions d’euros pourvenir en aide aux victimes de cesemprunts nocifs. Mais c’est une

goutte d’eau au regard des 19 mil-liards d’euros que représente le vo -lume de ces prêts pour l’ensembledes 1 600 administrations localestouchées, selon la commission d’en-quête parlementaire dirigée l’anpassé par Claude Bartolone. En rendant public leur rapport, les élusavaient aussi déposé une propositionde loi visant à interdire les produitsstructurés aux collectivités. Belle ini-tiative, jamais entrée dans les faits.Ce rapport proposait aussi de faire

jouer la solidarité nationale, idéeque la FVM reprend à son compte.Maintenant, le problème financierse double d’une angoisse politique :les équipes dirigeantes voient arri-ver les élections municipales de2014 avec un budget en berne etl’épée de Damoclès de leur empruntau-dessus de la tête. Délicat virage :difficile de se faire réélire si on doitaugmenter la pression fiscale parcequ’on s’est rendu compte que lemalheur était dans le prêt…

De quelle façon votre ville pâtit-elle des emprunts toxiques ?Aujourd’hui, près de 52 % de l’en-cours global de notre dette est tou-ché par des produits toxiques, celareprésente environ 37 millionsd’euros. Angoulême était déjà uneville très endettée et, pour nous,la difficulté est qu’il n’y a aucunelisibilité d’une année sur l’autre surl’évolution des taux. En deux ans,nous avons déboursé ou consignésur ces emprunts 863 000 eurosde plus que ce qui aurait dû l’êtrepour un taux fixe. De plus, la sin-cérité de notre budget primitifpeut sans cesse être remise encause, parce que nous faisons uncalcul approximatif au momentdu vote du budget, mais en fonc-tion de l’échéance que l’on aura

on fixera concrètement la part desintérêts au cours des douze moissuivants et ça peut modifier com-plètement la structure du budget.

Quelles conséquences cesemprunts ont-ils sur votre gestion ?Cela a des conséquences directessur l’épargne nette, donc sur l’auto-financement que l’on peut déga-ger pour les investissements d’uneannée budgétaire. Comme les inté-rêts augmentent, notre épargnedisponible diminue. Cela a desconséquences aussi sur les actionsque nous menons dans le cadre du budget de fonctionnementpuisqu’on est toujours obligé d’an-ticiper les fluctuations éventuelles,et donc de geler des crédits pourpouvoir faire face aux intérêts quirisquent de grimper en cours d’an-née. De plus, lorsque nous faisonsdes demandes de financement auxbanques, il faut bien re connaîtrequ’avec 52 % de notre encours surdes prêts hors charte Gissler [c’est-à-dire risqués, NDLR] ce n’est pasfavorisant pour que les banquesnous prêtent des liquidités.

On imagine que vous avez tenté devous retourner vers vos créanciers…Nous avons négocié avec Dexiapour essayer de sortir de ces prêtstoxiques. À l’époque, nous étionsà un peu plus de 39 millions d’eu-ros de capital restant dû. Dexianous demandait 20 millions d’eu-ros de soulte ; c’est-à-dire que poursolder ces 39 millions il fallait enpayer 59. Sur l’endettement de laville, c’était pour nous insuppor-table, sachant qu’en plus on nousproposait des prêts à des taux plusélevés que le taux fixe initial de ces

prêts toxiques. C’était une spiraleinfernale. Comme il n’y a pas eude négociation possible, noussommes entrés en procédurecontentieuse dès le 5 août 2011.

Où en est la procédure ?Nous espérons le jugement pourle premier semestre 2013. Angou-lême ferait partie des premièresvilles dont le dossier serait traité.Nous attendons ces conclusionsavec un certain espoir : nous avonsrecalculé le TEG* et nous avons puprouver qu’il y a un écart signi -ficatif entre le TEG tel qu’il a étésigné dans le contrat et tel qu’il aété appliqué dans les échéances, àsavoir que nous avons payé légè-rement plus que ce qui était prévuà la signature. D’après les expertsqui ont travaillé sur le dossier, l’erreur viendrait du fait que Dexiaa calculé les intérêts sur 360 joursalors que les années civiles sur les-quelles on paie les échéances sontde 365 ou 366 jours. Or, dès qu’ily a eu une erreur infime dans le cal -cul du TEG, le contrat – toutes lesjurisprudences le montrent – a étécassé et le taux a été fixé au tauxlégal au moment de la signature.

À un an et demi des électionsmunicipales, ces empruntstoxiques vous placent-ilsdans une posture délicate ? Oui, car si les taux venaient à s’en-voler, nous n’aurions pas d’autresolution, pour maintenir les ser-vices publics tels qu’on les a au -jourd’hui, que d’augmenter lesimpôts.

*Taux effectif global, qui représente

le coût réel d’un prêt.

NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012 L’HÉMICYCLE 5

Économie

Les villes moyennes haussent le tonEmprunts toxiques

Une ville moyenne sur trois serait dans une situation financière tendue à cause des empruntsstructurés. Les négociations avec les créanciers s’étant révélées infructueuses, la Fédérationdes villes moyennes (FVM) incite ses adhérents à lancer des actions en justice avant que la prescription quinquennale liée à ces prêts ne soit dépassée.

Par Florence Cohen

PHILIPPE LAVAUDMAIRE PS D’ANGOULÊME ET PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉD’AGGLOMÉRATION DU GRANDANGOULÊME

Questions à

ROM

AIN

PERR

OCHE

AU/A

FP

H457_p05.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 16:49 Page 5

Page 6: l'Hémicycle - #457

Il y a vingt-sept ans que Jean-Luc Perea s’est installé à Mèze,au bord de l’étang de Thau,

comme ostréiculteur. Aujourd’hui,ce professionnel ne cache pas soninquiétude. Pas pour lui, puisqu’ilva partir à la retraite dans lesannées qui viennent, mais pourson fils qui travaille avec lui et sou-haite reprendre l’activité. « Il y atoujours eu de la mortalité dans l’élevage des huîtres, entre 5 et 10 %de la production, explique-t-il. Maisaujourd’hui, elle atteint un niveauinquiétant, elle représente près de lamoitié de la production. Et comme leprix des naissains, nécessaires pourreconstituer le stock, augmente, lamoitié de mon parc est aujourd’huivide. » Résultat, cet ostréiculteur adû arrêter la vente en gros, auprèsdes grandes surfaces, des courtierset des mareyeurs, et se concentre surla vente au détail, auprès des par-ticuliers et des restaurateurs. Il vientmême de lancer meshuitres.com,un site de vente sur Internet.« Puisque la production est de moinsen moins importante, il faut vendreen direct, sans passer par des inter -médiaires », constate-t-il, avantd’ajouter : « On ne sait plus commenttravailler ! »À l’autre bout de la France, leconstat est le même. « En BretagneSud, un tiers des entreprises de lafilière connaissent de grosses diffi -cultés. Certaines vont disparaître,leurs patrons proches de la retraitene trouvant pas de repreneur »,constate Hervé Jenot, président du Comité régional de la conchy-liculture Bretagne Sud. « La baie de Quiberon est le premier centre d’élevage d’huîtres en eaux pro -fondes, poursuit-il. Autrefois, il yavait 2 500 hectares de parc exploités.Aujourd’hui, autour de 500 hectaresseulement. Sur les 70 entreprises quiy travaillaient, elles ne sont plusqu’une dizaine, les autres ont choiside se replier sur l’estran », explique-t-il. La raison ? Toujours la surmor-talité qui, depuis 2008, de l’estuairede la Gironde à Cancale, en passantpar Arcachon, vient plomber larentabilité des 3 700 exploitantsfrançais qui emploient près de11 000 personnes et réalisent unchiffre d’affaires annuel d’environ680 millions d’euros. Et commel’activité est concentrée dansquelques zones, elle n’est pas sansinquiéter les élus locaux concernés.

« C’est une activité vitale pour le bassin d’Arcachon, assure ainsiMichel Sammarcelli, maire de Lège-Cap-Ferret et président du Syndi-cat intercommunal du bassin d’Ar-cachon (SIBA). Elle concerne environ360 entreprises, fait vivre des famillesd’exploitants, des ouvriers, des saison-niers, des entreprises de sous-traitance.Et au-delà de l’aspect économique,l’ostréiculture joue un rôle de vigie enmatière de qualité des eaux et de l’en-vironnement. Depuis une vingtained’années, le nombre d’entreprises ostréi-coles est en diminution constante etla crise actuelle n’arrange évidemmentrien. » Si, pour l’heure, les patronsd’exploitation arrivent peu ou prouà préserver les emplois du rables,les saisonniers, eux, trinquent. EnBretagne, par exemple, sur la sai-son 2009-2010, l’emploi saisonniera chuté de 50 % par rapport à la saison précédente.

La faute à l’herpès virus OsHV-1 ?Le principal accusé de cette sur-mortalité qui n’épargne aucun paysproducteur ? L’herpès virus OsHV-1,qui frappe principalement les huîtres de moins de 1 an, encorefragiles, dès que la température de l’eau dépasse 16-17 °C. En 2008,la mortalité atteignait 63 % et, en2011, 73 %. « La piste infectieuse est

privilégiée et, maintenant, avérée »,assure Jean-Pierre Baud, coordina-teur transversal conchylicole (CTC)à l’Institut français de recherchepour l’exploitation de la mer (Ifre-mer). Mais elle est aussi liée auchangement climatique. « L’éléva-tion de la température de l’eau activeles agents infectieux », complète-t-il.Pour autant, ce virus particulière-ment virulent n’est pas le seul à êtreen cause. « Nous étudions égalementl’impact des activités humaines,qu’elles soient agricoles ou industrielles.Certaines molécules, par exemplecelles des pesticides, pourraient contri-buer à fragiliser les huîtres », expliqueJean-Pierre Baud. Certains émettentd’autres hypothèses. Par exemplele trop grand nombre de bateauxde plaisance, dont les peinturesempoisonneraient les coquillageset qui, en brassant l’eau, perturbe-raient le captage des larves. Sanscompter la pollution due aux hy -drocarbures… Dans un contexte ten -du, les polémiques vont bon train.Également au banc des accusés, la« triploïde » – appelée aussi « quatresaisons », une huître stérile mise au point par l’Ifremer se caractéri-sant par une absence de substancelaiteuse et une croissance accélérée,pouvant être commercialisée toutau long de l’année. On la soupçonne

de ne pas être entièrement stérileet d’engendrer une descendancefragilisant l’ensemble de la popu-lation. De son côté, l’Ifremer assureque dans le cadre de sa mission de biovigilance, aucune trace decette descendance supposée n’aété détectée. Dans tous les cas, leproblème est particulièrementcomplexe. « Les huîtres évoluent

dans un milieu ouvert, il est impos-sible de traiter leur environnement. Et il est également impossible de lesvacciner », précise Jean-Pierre Baud.

Faire émerger des famillesd’huîtres plus résistantesPour faire face à cette situation cri-tique, un plan de sauvegarde a étémis en place en 2010 et reconduitles années suivantes. Fruit d’uneconvention entre le Comité natio-nal de la conchyliculture (CNC), lesécloseurs privés, le ministère encharge de l’Agriculture et l’Ifremer,il permet à ce dernier de mettre à disposition des écloseries unevariété d’huîtres plus résistantesdéveloppée par l’Ifremer, dite « àsurvie améliorée ». Une solutiond’urgence pour apporter un peud’oxygène aux professionnels…« Le gain de survie pour ces animauxest de l’ordre de 20 % à 25 % en2011. C’est une étape de transition,cette variété n’a pas vocation à êtredéployée à grande échelle », préciseJean-Pierre Baud. C’est sur le programme national de Sélectioncollective de l’huître creuse à des fins de captage orienté (Score)que portent beaucoup d’espoirs.« L’objectif est de créer une cinquan-taine de nouvelles familles plus ré -sistantes pour favoriser la diversité à grande échelle », explique Jean-Pierre Baud. Un projet lancé cetteannée, d’un montant total de6,5 millions d’euros, financé par

Y aura-t-il des huîtres à Noël ?

6 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012

Dossier

L’élevage en brefAvant que les huîtres n’arrivent enfin dans notre assiette, trois à quatreannées sont nécessaires.

Le captage�En été, l’huître pond de minuscules larves qui errent au gré des courants à la recherche d’un endroit où se fixer. En milieu naturel, elles sont « captées »sur des supports appelés collecteurs : tuiles romaines, tubes, lamelles, pieuxd’ardoise, coquilles… Elles peuvent aussi naître dans des écloseries, autrementdit des installations où l’on « produit » des larves. Une fois fixées, ces larvesdeviennent des naissains.

L’élevage� L’élevage proprement dit dure encore de un à deux ans. Les huîtres sontdéposées dans des zones aquatiques riches en plancton afin de favoriser leurcroissance. Selon les régions, elles sont élevées sur estran (la portion de côtedécouverte par la mer lors des marées), à plat (réparties à plat sur le solsablonneux) ou encore en eau profonde (soit semées au fond de l’eau, soitsuspendues à des cordes amarrées à des systèmes flottants). Elles peuventensuite être placées dans des bassins d’affinage.

Touchée depuis 2008 par une surmortalité des huîtres, l’ostréiculture française fait face à unecrise durable. Soutenue par l’État et les collectivités, la filière espère beaucoup du programmeScore, dont les résultats ne sont pourtant pas attendus avant plusieurs années.Par Jean-Marc Engelhard

TRIP

ELON

-JARR

Y/AF

P

H457_p06-07.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 15:00 Page 6

Page 7: l'Hémicycle - #457

l’Union européenne au titre duFonds européen pour la pêche(22,5 %), l’État (33,7 %) et cinqdes six Régions ostréicoles. Aprèsavoir annoncé sa participation(avec un financement à hauteur de 754 392 euros) la Région Poitou-Charentes a annoncé son retrait du projet en septembre dernier,arguant du fait que « l’implantationde naissains issus d’un programme de sélection génétique pourrait affec-ter la qualité des écosystèmes ». Unprogramme de recherche dont les premiers résultats ne sont pasattendus avant 2015, mais qui n’est pas le seul puisque, dès 2010,des écloseurs privés se sont lancésdans une démarche similaire.« D’autres pays, notamment l’Austra-lie et la Nouvelle-Zélande, ont lancédes programmes identiques, remarqueHervé Jenot. Et finalement, la sélec-tion des variétés les plus résistantesse fait depuis des centaines d’annéesdans l’agriculture. Pourquoi ne pas lefaire dans l’ostréiculture ? »

L’État et les Régionsà la rescousseEn attendant les résultats de ces travaux, l’État et les collectivités territoriales soutiennent la filière.En 2009 et 2010, la filière a béné-ficié de dispositifs de calamitésagricoles. Un fond d’allégementdes charges a également été mis enplace, permettant la prise en chargedes intérêts bancaires. Dès le débutde la crise, les exploitants ont égale -ment bénéficié d’une exonérationde la redevance domaniale. Lors dela séance des questions d’actualitéau gouvernement du 27 novembredernier, le ministre délégué auxTransports, à la Mer et à la Pêche, Frédéric Cuvillier, assurait

à Philippe Le Ray, député (appa-renté UMP) du Morbihan, que tousles dispositifs d’aide seraient re -conduits, prévoyant notamment1,5 million d’euros d’allégementsde charge. De leur côté les Régionsdu littoral ont également mis enplace des dispositifs d’accompagne -ment. En Bretagne, par exemple,dès la fin 2009, le Conseil régionalvotait la mise en place d’un dispo-

sitif exceptionnel de soutien à laprofession prévoyant notammentune aide au réensemencement de3 000 euros (bonifiée à 5 000 eurospour les jeunes entreprises) afinde contribuer à la reconstitutiondes cheptels ainsi qu’un « chèqueconseil-gestion » de 1 000 eurosdestiné à la réalisation d’un auditde la situation des exploitations.Résultat : la moitié des ostréiculteurs

bretons se sont engagés à ce jourdans une démarche d’audit et ontdéposé un dossier de demanded’aides au réensemencement. Coûttotal pour cette collectivité quicompte quelque 520 entreprisesostréicoles : 1,1 million d’euros sur 2010-2011. « L’État comme lescollectivités territoriales, qu’il s’agissedes Régions ou des départements, se sont mobilisés et continuent à le

faire, remarque Philippe Le Ray. Ce qui n’est pas toujours simple caril y a des situations disparates. Il y ade très petites entreprises et des struc-tures plus importantes, certainesconnaissent des difficultés extrêmesalors que d’autres s’en sortent mieux. »Dans tous les cas, quelle que soitleur santé financière, elles aime-raient tourner la page de cette criseau plus vite.

Comment peut-on qualifier la situation de la filière ostréicole ?Malgré le phénomène de surmor-talité persistant, les entreprises peuvent continuer à travailler grâceà l’augmentation des cours de l’huître et les aides. Mais il n’y aplus d’investissements, et nous travaillons au jour le jour. Noussommes aujourd’hui sur le fil du rasoir. Si les cours venaient àbaisser ou qu’un problème inat-tendu surgissait, entre 30 et 40 %des entreprises pourraient dispa -raître dans un délai rapide. Notrechance, c’est que la demande resteforte et la confiance des consom-mateurs ne faiblit pas. Mais nousne sommes plus en situation defournir le marché et de proposerdes huîtres toute l’année. Du faitde la baisse de la production, denombreux petits points de vente ne sont plus approvisionnés, cequi entraîne la perte de consom-mateurs occasionnels.

Quelle est, selon vous, la cause de la surmortalité des huîtres ? Elle ne peut pas se résumer à l’her-pès virus OsHV-1, elle est multi -factorielle. Elle est sans doute aussiliée à l’évolution du climat, en par-ticulier à la hausse des tempéra-tures. Celle-ci a un impact sur lecycle de croissance du phytoplanc-ton, ce qui n’est pas sans effet surle développement des huîtres. Parailleurs, cette hausse des tempéra-tures contribue à rendre les patho-gènes plus virulents. De plus, laqualité dégradée de l’eau et dessédiments n’est pas sans effet surla biologie et la physiologie descoquillages. Enfin, la profession apeut-être une responsabilité : pourrépondre aux attentes des consom-mateurs, nous avons, par le biaisde la sélection génétique, créé deshuîtres à la croissance plus rapide,et avec davantage de chair. Ce fai-sant, il n’est pas exclu que nousayons affaibli leur base génétique.

Êtes-vous ressorti plus confiantdu Congrès mondial de l’huître*que vous n’y étiez entré ? Personne n’espérait qu’il en sor -tirait une solution miracle. Néan-moins, cet événement organisé parla profession, qui a permis à desostréiculteurs et à des chercheursdu monde entier de se rencontrer,a permis de créer une synergie etde faire émerger plusieurs constatsintéressants. D’abord il est apparuque la France était plutôt en avanceen matière de recherche et, ensuite,que la profession était mieux structurée ici qu’ailleurs. Ce quin’est pas sans importance lorsqu’ilfaut faire face à une crise commecelle que nous traversons.

Le CNC joue un rôle majeur dans le programme Score. Quandpourra-t-on en voir les premiersrésultats concrets ?Nous coordonnons ce programme,qui a pour objectif de réintroduire

dans le milieu une huître avec descapacités de résistance restaurées,dans lequel sont impliqués de mul-tiples acteurs : les professionnels,les centres techniques sur tout lelittoral, l’État, au travers de l’Ifre-mer, et les collectivités territoriales.Nous n’espérons pas de résultatsavant 2014. Ce qui veut dire, entenant compte du cycle de vie detrois ans des huîtres, que les effetssur la production ne devraient passe faire sentir avant 2018.

En attendant, les dispositifsd’aide sont-ils suffisants ? Les dispositifs mis en place par l’Étatet les Régions ont permis aux entre-prises du secteur de perdurer. Celadit, notre objectif n’est pas de vivreindéfiniment de ces aides. Nous sou-haitons avant tout être soutenu parun effort en matière de recherche,ce qui est le cas aujourd’hui.

Propos recueillispar J.-M.E.

* Ce premier Congrès mondial de l’Huître

s’est déroulé du 28 novembre

au 2 décembre à Arcachon.

NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012 L’HÉMICYCLE 7

Dossier

Questions à

GOULVEN BRESTPRÉSIDENT DU COMITÉ NATIONALDE LA CONCHYLICULTURE (CNC)

« La profession est sur le fil du rasoir »

Récolte des huîtres dans la ria d’Étel, à Locoal-Mendon, près de Lorient (Morbihan).

DAM

IEN

MEY

ER/A

FP

DR

H457_p06-07.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 15:02 Page 7

Page 8: l'Hémicycle - #457

2012, année du télétravail ?Malgré l’engorgement desvilles, les embouteillages et la

pollution, la tendance peine pour-tant à émerger en France. Le télé-travail plafonne à 8 % de l’activitétotale, contre 30 % aux États-Uniset dans le reste de l’Europe. « LaRégion veut faire de 2012 l’an I dutélétravail en Île-de-France », an-nonce le conseil régional franci-lien, qui prévoit de subventionnerune partie des dépenses d’inves-tissements des projets des collec-tivités ou des associations d’en- treprises. En Seine-et-Marne, leconseil général souhaite faireémerger un réseau de télécentresdès l’an prochain. Marne-la-Vallée,Melun et Fontainebleau sont évo-qués pour les accueillir. « Le tra-vail à distance est particulièrementadapté au territoire de l’Île-de-France »,estime Jean-Paul Planchou, vice-président (PS) chargé du déve -loppement économique. « Nouspouvons y gagner en qualité de vie enécourtant les temps de transport, touten préservant l’environnement. » Lescentres de télétravail seront créésen zone urbaine ou périurbaine,contrairement à la majorité dessites de l’Hexagone – une quaran-taine –, construits en zone rurale.

Un enjeu crucial pourles territoires rurauxUne évolution soutenue par lespouvoirs publics, qui ont lancé un appel à projets en faveur destélécentres. Un enjeu crucial pourle pays de Murat, dans le Cantal,prologue du tour de France du tra-vail à distance organisé jusqu’au18 décembre prochain à traversonze villes. Ce territoire rural demoyenne montagne a perdu lamoitié de sa population depuis les années 1950. Pour séduire denouveaux habitants, les élus locauxmisent sur Internet, et le télétravail.Avec un credo : concilier cadre devie et activité professionnelle. « Il y a cinq ou six ans, nous avonsfait le pari que l’essor du télétravailpouvait être un outil pour reconqué-rir des habitants », explique BernardDelcros, président (divers droite) dela communauté de communes.

Grâce à des conditions d’accueilprivilégiées, le pays de Murat, pré-curseur dans le déploiement duhaut débit, a attiré une quinzainede nouveaux télétravailleurs, essen-tiellement des indépendants, soitune cinquantaine de personnes.« À l’échelle de la région parisienne,c’est très peu, mais pour nous ce n’estpas marginal. Certaines communes ne comptent que 100 habitants. »Le télécentre de Murat contribue « efficacement au maintien de lapopulation et au développement éco-nomique du territoire », confirmel’Observatoire des territoires numé-riques (OTeN).Au-delà de la croissance de leurpopulation, l’arrivée d’actifs aumode de vie urbain constitue unesource de dynamisme pour les com-munes. « Si un élu peut installer dixou quinze télétravailleurs grâce à sestélécentres, à un bon réseau ADSL ou de fibre optique, cela permettrad’attirer des gens plus jeunes, avecune famille et des enfants : c’est la re -vitalisation d’un territoire », expliqueGérard Amigues, président (PS) de la communauté de communes

de Lot-Célé, en Midi-Pyrénées. Ilprévient néanmoins: « La communedoit être en mesure de proposer descommerces, des écoles, et des servicesde santé de proximité : c’est la base fondamentale de la réussite de l’ins-tallation de télétravailleurs. »

Un impact qui reste limitéDans l’Orne, les élus locaux voientdans la démarche un levier pourdésenclaver le département sur leplan économique. Chaque famillede télétravailleur y est accompa-gnée par un parrain qui leur faitdécouvrir la région et les aide dansleur recherche de logement. Poursélectionner les candidats télé -travailleurs, un partenariat a étéétabli avec l’association Sicler, spé-cialisée dans l’implantation d’ac-tivités commerciales en milieurural. « Nous veillons en priorité à préparer les citadins à leur nouvellevie rurale. Nous vérifierons que leurssouhaits sont réalistes et que conjointet enfants sont bien intégrés au projet de déménagement », indiqueXavier de Penfentenyo, directeurde Sicler. L’organisme sensibilise

également les habitants de larégion à l’accueil de cette nouvellecommunauté urbaine.Des initiatives qui font des émules.Le conseil général de Lozère inau-gurera ainsi le premier de ses cinq télécentres en janvier 2013.

Le département mise sur un poten-tiel de 100 à 200 emplois générés par le télétravail. Sur le plan natio-nal, le phénomène pourrait créer400000 emplois dans les cinq ansà venir. Afin de favoriser son dé ve-loppement, la communauté decommunes de la vallée de Clisson,près de Nantes, a lancé une vasteenquête de terrain portant sur l’in-térêt de la création d’un lieu spé-cialisé, au sein de l’agglomération,dédié aux télétravailleurs. Premièrecommune meusienne à recevoir le label « Ville Internet », Bras-sur-Meuse, près de Verdun, étudie éga-lement son projet de coworking.L’impact de l’arrivée de nouveauxtélétravailleurs se révèle pourtantencore limité. « L’attractivité desmétropoles se poursuit », observeTristan Klein, chef de projet auConseil d’analyse stratégique (CAS)et coauteur d’un rapport sur le télé-travail. Il analyse : « Pour l’instant,le numérique ne modifie cette ten-dance qu’à la marge. Ces initiativessont tout à fait positives à l’échellelocale. Les territoires concernés ont toutà y gagner. Mais il ne faut pas oublierque les indépendants ne représententque 8 % de la population active. L’accent mis sur le télétravail est com-plémentaire des stratégies axées sur lesactivités agricoles ou touristiques. »

Ludovic Bellanger

8 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012

Initiatives

Dans le Massif central, en Ardèche ou encore en Normandie, les initiatives se multiplient afind’attirer les télétravailleurs indépendants. Un levier de développement local et de lutte contrela désertification rurale qui se heurte aux lenteurs de la mise en place du très haut débit.

Les zones rurales misent sur les espaces de « coworking » pour accroître leur attrait

Le télétravail rebat les cartesdes territoires

Palaiseau, première ville100 % fibre optique

Alors que le gouvernementambitionne le très haut

débit (THD) pour tous en 2022, àPalaiseau, dans l’Essonne, FranceTélécom expérimente le bascule-ment complet de son réseau cuivrevers un réseau 100 % fibre optique.D’ici fin 2013, l’ensemble des30 000 habitants, des profession-nels et des entreprises aura accèsà la nouvelle technologie deconnexion à THD. La migrationdéfinitive sera achevée en 2014.Pour Stéphane Richard, président- directeur général de France Télé-com, « cette expérimentation est

une étape qui sera riche d’enseigne-ments ». Il explique : « Nous allonspouvoir observer avec pragmatismeles modalités du passage d’un réseauen cuivre vers un réseau 100 % fibre.C’est aussi une immense opportu-nité : la ville de Palaiseau sera unlaboratoire d’évolution des usages et de développement économique denos territoires auquel nous seronstous attentifs. »Le déploiement à l’échelle d’uneville doit permettre en effet d’éva-luer l’impact du très haut débit sur l’e-santé, le numérique à l’écoleou encore le télétravail.

SIM

ON P

OTTE

R/AF

P

H457_p08-09.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 14:55 Page 8

Page 9: l'Hémicycle - #457

NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012 L’HÉMICYCLE 9

Face au millefeuille territorial, l’UMP a relancé le débat sur la suppressiondes départements. EELV prône une réduction du nombre de Régions.

Depuis la rentrée, des étudiants venus du monde entier ont été sélectionnéspour suivre un enseignement hors norme au conservatoire régional dans le cadred’une licence consacrée aux musiques anciennes et au monde contemporain.

UN PARCOURS CULTURELÀ TOULOUSE�Organisé sur le temps scolaire, ledispositif vise à favoriser l’accès à la culturedes jeunes écoliers toulousains en leurpermettant de suivre chaque année, de la grande section au CM2, un parcours de sensibilisation à une activité artistique.Gratuits, les six parcours d’une douzained’heures au total sont constitués derencontres avec des artistes, de spectacleset de visites d’expositions.

UN PLAN D’URGENCEPOUR LES DÉPLACEMENTSBORDELAIS�Alors que la métropole bordelaisesouffre, en matière de déplacements, d’un retard qui n’a jamais été rattrapé, le Grenelle des mobilités lancé par laCommunauté urbaine de Bordeaux (CUB) a abouti à l’élaboration de 18 mesures.Parmi elles, un programme d’optimisationet de régulation de la rocade, l’améliorationde l’accès aux zones d’activité en transportcollectif, l’organisation du covoiturage et le télétravail.

EMPRUNT TOXIQUE :LES PAYS DE LA LOIRES’OPPOSENT À SASSENAGE� La chambre régionale des comptes des Pays de la Loire estime que Saumur nepeut contester aujourd’hui le montant desintérêts liés à un emprunt renégocié auprèsde Dexia, justifiant que la différenced’interprétation dans le calcul du tauxd’intérêt « ne pouvait être considéréecomme une contestation sérieuse ».L’argent manquant est consigné à la Caissedes dépôts « pour bien montrer qu’il nes’agissait pas d’un problème de trésorerie,mais bien d’un problème de fond », noteson maire UMP, Michel Apchin. Un avis de la chambre régionale opposé à celuirendu par la chambre d’Auvergne, Rhône-Alpes relatif à la commune de Sassenage, en Isère.

PARIS SOUHAITE INTERDIRELES OGM DANS LES CANTINESSCOLAIRES� Le Conseil de Paris a adopté un vœudu groupe PCF-PG demandant que la Ville« propose à chaque caisse des écolesd’introduire une clause spécifique dansles marchés qu’elles passent avecleurs fournisseurs excluant totalementles OGM » des menus. Bien que rejetées par l’Autorité européenne de sécurité desaliments (Efsa), les conclusions de l’étudedu professeur de biologie moléculaireGilles-Éric Séralini ont récemment relancél’inquiétude sur les OGM.

LE NORD-PAS-DE-CALAISSE MOBILISE POUR L’EMPLOIDES JEUNES�Un maillage de 14 plateformes associant les entreprises, les collectivitéset les services de l’emploi est en cours de déploiement dans la Région la plus jeunede France. « Ce n’est pas une nouvelleinstitution, c’est une méthode de connexionentre le jeune et l’entreprise », analysePierre de Saintignon, vice-président (PS) du Conseil régional. Les plateformes doiventpermettre à 12 000 jeunes d’accéder à un emploi durable dans les trois ans.

En bref

Si Jean-François Copé et Fran -çois Fillon et assument leursdifférences, les deux hommes

se sont déclarés en revanche una-ni mement favorables ces dernièressemaines à une fusion département-Région. Une démarche soutenuepar Europe Écologie-Les Verts (EELV)encourageant « la suppression pro-gressive du conseil général » par lavoix de François de Rugy, coprési-dent du groupe écologiste à l’Assem -blée nationale. Le sénateur de Loire- Atlantique (EELV) Ronan Dantecde préciser : « Il est évident que le couple intercommunautés-Régions doitsortir renforcé » de la réforme territo -riale. Il estime: « Les Régions ont unrôle stratégique à jouer », mais « ellesne sont pas en position de tout faire.C’est pour cela qu’il faut renforcer lesintercommunalités, qui constituentune échelle pertinente, pour en fairedes collectivités de plein exercice. »La commune, « l’échelon du quoti-dien, reste un échelon clé », poursuitRonan Dantec. La réforme doit aussirépondre aux spécificités de certains

territoires, comme au Pays basqueoù le projet de collectivité refait sur-face. Selon EELV, les six Régions quicomposent actuellement l’ouest dela France devraient également selimiter à quatre : la Bretagne avec laLoire-Atlantique, Poitou-Charentesavec la Vendée, une seule Norman -die au lieu des deux actuelles, et leVal-de-Loire qui remplacerait laRégion Centre.

« Aller vers de grandes Régions »« Face à la crise, la France a besoin des départements ! » défend ClaudyLebreton. Le président (PS) de l’Assemblée des départements deFrance (ADF) rappelle que « laConstitution de la Ve République re -connaît trois niveaux de collectivités territoriales : la commune, le départe-ment et la Région ». Par conséquent,« une modification de notre organisa-tion territoriale nécessiterait soit unréférendum, soit une majorité des 3/5e

au Congrès ». Pour le président duconseil général des Côtes-d’Armor,les Français « souhaitent avant tout

que nous construisions quotidienne-ment avec eux une véritable cohésionsociale ».Dès lors, l’alternative est peut-êtreà rechercher dans un nouvel équi-libre. « Puisqu’on n’a pas choisi de rapprocher départements et Régions,je pense qu’il faut maintenant séparerles deux, aller vers des grandes Régionspour faire de la vraie stratégie, et

garder les départements pour faire dela cohésion territoriale », affirme Jean-Pierre Raffarin. Pour l’ancien Premierministre UMP, « la Région et le dépar-tement ont des périmètres trop voisins,et donc ils sont concurrents. Les décen-tralisateurs doivent travailler à uneréforme qui nous fera faire des écono-mies sur une meilleure rationalisationdes compétences ». L.B.

Cette année, pour la premièrefois, les étudiants inscrits enlicence vont pouvoir conci-

lier le baroque et le contemporain.En complément, des cours d’his-toire, de langues et de littératuresuivis à l’université de VersaillesSaint-Quentin-en-Yvelines sont pro -posés pour éclairer leur connaissancedes répertoires musicaux anciens etcontemporains. À ces cours d’érudi -tion s’ajoutent des travaux dirigésconduits par d’éminents praticiensde la musique: Ornementation etimprovisation par Patrick Bismuth(violoniste et chef d’orchestre), ac-cords historiques et tempéramentspar Pierre Cazes (claveciniste),danses Renaissance et baroques par Irène Ginger, pratiques orches-trales par Olivier Schneebeli (chefd’orchestre)…Ces cours et les travaux de musiquede chambre menés sous la directionde Blandine Rannou, BenjaminPerrot (répertoires anciens) etAlexandre Ouzounoff (répertoires

contemporains) donnent lieu à des présentations en public dans le cadre des Lundis baroques duConservatoire, des Chemins demusique (sous la direction artistiquede Pierre Boragno) ou des Jeudismusicaux de la Chapelle royale.Ainsi, les musiques de consorts à la

cour des rois de France et Il Com-battimento di Tancredi e Clorinda, deClaudio Monterverdi, seront don-nés en représentation publique le31 janvier à la Chapelle royale. Lesétudiants seront également associésà la programmation de La Reine desneiges, sous la direction de Jean-

Claude Picard, le 21 décembre auThéâtre de l’Onde, et se produironten lever de rideau de Parfums descandale, de Franck Krawczyk, le12 janvier, et d’Iphis et Iante, d’Isaacde Benserade, le 21 mars au Théâtrede Saint-Quentin-en-Yvelines.

J.G.

L’avenir des départements en question

Musiques anciennes et musiquecontemporaine cohabitent à Versailles

Claudy Lebreton. « Face à la crise, la France a besoin des départements !» PHOTO JOËL SAGET/AFP

STUD

IO G

EHIN

H457_p08-09.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 14:56 Page 9

Page 10: l'Hémicycle - #457

François Hollande l’a dit à ses proches et à tous ceuxqui préparent le rendez-vous

capital d’Alger, il est hors de ques-tion de donner dans la « repen-tance ». Selon l’un de ceux qui a étéconsulté lors des préparatifs, « laFrance ne va pas venir s’agenouiller et battre sa coulpe » en demandantpardon pour les crimes de la colo-nisation comme certains officielsalgériens le fantasment encore.D’abord parce que, dès l’élection de François Hollande, « les Algériensont su qu’on venait d’entrer dans unenouvelle phase », expliquait l’histo-rien Benjamin Stora, au lendemainde la reconnaissance par le Prési-dent des violences « sanglantes » du 17 octobre 1961 à Paris. Ensuiteparce que reconnaissance ou luci-dité ne sont pas synonymes de re -pentance ou de demande d’excuses,plaide-t-on dans l’entourage duchef de l’État. C’est la raison pourlaquelle, à Alger, François Hollandeenfoncera le clou. Devant les par-lementaires des deux chambres réunies, le président de la Répu-blique, « avec ses mots », reviendrasur l’Histoire des deux pays et surles blessures et les traumatismescausés par cette longue parenthèsede plus d’un siècle. Il reconnaîtraqu’il y a eu une France coloniale et une Algérie colonisée. Qu’il y aeu une guerre durant laquelle desatrocités ont été commises sansque quiconque en ressorte in -demne. Tourner la page, c’est cela,le simple fait de se dire les choses,on ne peut pas « foncer vers l’avenirsans purger l’histoire ancienne »,plaide Georges Morin, présidentde l’association Coup de soleil, quimilite depuis des décennies pourune réconciliation des cœurs et des esprits.Au premier jour de sa visite, Fran-çois Hollande ira déposer une gerbede fleurs au cimetière des Martyrs,un geste que seul jusqu’à présentFrançois Mitterrand avait fait. Ilse rendra également dans l’un desdeux cimetières chrétiens d’Alger.Comment marquer sa diffé rencepar rapport à ses prédécesseurs ? Pour le deuxième jour de la visite,la question se posait de savoir dans

quelle ville de province le Prési-dent français pourrait marquerpositivement non plus la relationd’État à État mais le lien avec lepeuple algérien. Jacques Chiracs’était rendu à Oran et ce fut unsuccès populaire. Nicolas Sarkozys’était déplacé à Constantine, il y avait discouru à l’université Mentouri sur le défi lancé par lajeunesse algérienne. Lui aussi avaitvoulu jeter des ponts vers l’aveniret dénoncer la colonisation. Mais,dès son retour à l’Élysée, il avaittémoigné aux harkis « la dette dela France et un devoir de réparation »à leur égard. Un enchaînementque les Algériens avaient vécucomme une volte-face, même si le hasard du calendrier faisait de ce 5 décembre la journée d’hom-mage national aux harkis. Certainsofficiels algériens ont suggéré que François Hollande aille à Sétif, mais il est impossible de s’yrendre sans évoquer la répressiondes émeutes qui avaient suivi la manifestation nationaliste du

8 mai 1945. Les forces de l’ordrefrançaises sont accusées d’y avoirtué plus de 1 000 personnes.François Hollande ira donc à Tlem-cen, dans le nord-ouest algérien – « la perle du Maghreb », la régionnatale du président Bouteflika,150 000 habitants, capitale de l’islam andalou, l’une des villes àproximité de la frontière marocaineoù la présence coloniale françaisea été la moins brutale. La semainedernière encore, les ouvriers muni-cipaux accéléraient les travaux derénovation de la place du 1er-Mai,l’une des haltes de François Hollande au cours de son périple.C’est à Tlemcen que le chef de l’Étatdevrait s’adresser à la jeunesse algérienne pour y parler d’éduca-tion, d’avenir économique et detolérance culturelle et religieuse.

L’Algérie d’Abdelaziz Bouteflikaattend beaucoup de ce voyage. Troppeut-être, comme à chaque foisque la France se dote d’un nou-veau Président. Bouteflika lui-même, après plus de treize ans au

plus haut sommet de l’État, sou-haite quitter son dernier mandat« par le haut ». « Les Algériens nenous ont rien demandé de particulier,ils n’ont pas exprimé de revendica-tion propre », confie un diplomatefrançais. Pour ne pas mettre Fran-çois Hollande dans l’embarras maiségalement pour ne pas insulterl’avenir. Car les dossiers au cœur de la relation franco-algériennesont « considérables », assure Pierre-René Lemas, secrétaire général del’Élysée et natif d’Alger. Sur le plansécuritaire, d’abord. Si dans le creuxde l’été l’Algérie se montrait hos-tile au projet d’une interventionmilitaire africaine de la Cédéao,mandatée par l’ONU et avec le soutien des Européens, il n’en allait plus de même à l’automne.On disait à la mi-octobre dans

l’entourage de Laurent Fabius quel’Algérie consentirait à cette opéra-tion à ses portes et qu’elle pourraitmême y participer si les islamistesd’Aqmi ou du Mujao venaient sefrotter à ses forces frontalières

du Sahara. Aujourd’hui, il sembleque l’on ait de nouveau reculé de quelques cases. La menace d’in-tervention, qui aurait conduit leMNLA et l’organisation Ansar Dineà négocier avec les autorités ma -liennes, et l’attentisme des États-Unis, qui souhaitent que le régimetransitoire malien se démocratisedavantage, ont conduit Alger à tem-poriser. Il faudra donc à FrançoisHollande un fort pouvoir de persua-sion pour obtenir a minima desAlgériens qu’ils ferment les yeux sur cette guerre jugée désormaisindispensable par la France etl’Union européenne.Sur le plan économique, la Franceest extrêmement demandeuse.François Hollande emmènera aveclui des dizaines de chefs d’entreprise.Pas forcément toutes du CAC 40,

mais nombre de PME intéresséespar le potentiel phénoménal d’unejeunesse algérienne mieux qualifiéeque par le passé et par le besoin de l’Algérie en investissementsétrangers. François Hollande serendra, à Alger, aux Rencontreséconomiques franco - algériennespour y parler de colocalisation, unconcept qui permettrait à des pro-duits d’être fabriqués des deuxcôtés de la Méditerranée en offrantdu travail de part et d’autre. Il esttoujours question que Renaultinaugure une usine dans la régiond’Oran et que Total finalise unaccord avec la Sonatrach (Sociéténationale pour la recherche, la pro-duction, la transformation et lacommercialisation des hydrocar-bures) pour la construction d’uneusine de méthanol à Arzew. Lanouvelle directrice de l’ÉNA, ladiplomate Nathalie Loiseau, seraégalement du voyage pour lancerdes projets de coopération dans ledomaine de la formation. À l’issuede la visite, la France et l’Algériesigneront la Déclaration d’Alger,« un texte fort qui relance la dyna-mique d’un partenariat stratégique »,selon les mots du porte-parole del’Élysée. Regarder l’Histoire cettefois en face et non plus dans lerétroviseur des souffrances. Il res-tera à inscrire cette vaste ambitiondans les faits.

Hollande en Algériepour tourner la page

10 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012

À distance

Le chef de l’État se rendra à Alger le 19 décembre prochain et à Tlemcen le lendemain pour regarderl’Histoire en face. Avec Abdelaziz Bouteflika, il signera la Déclaration d’Alger, cinquante ans après la fin de la guerre d’Algérie.Par François Clemenceau

François Hollande et Abdelaziz Bouteflika à la veille d’un rendez-vous capital.

ÉRIC

FEF

ERBE

RG/A

FP

FAYE

Z NU

RELD

INE/

AFP

«LES DOSSIERS AU CŒUR DE LA RELATIONFRANCO-ALGÉRIENNE SONT “CONSIDÉRABLES”.

SUR LE PLAN ÉCONOMIQUE, LA FRANCE EST EXTRÊMEMENT DEMANDEUSE »

H457_p10.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 14:57 Page 10

Page 11: l'Hémicycle - #457

NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012 L’HÉMICYCLE 11

Pratiques

Comme n’importe quelle for-mation, la formation desélus se comprend aux deux

sens du terme : se former et surtoutse reformer. Car c’est bien la nou-velle forme de la politique qui estprise en charge aujourd’hui par lesformateurs. L’élu doit assumer descontraintes nouvelles de commu-nication et devenir un véritableprogrammeur de l’avenir de sonterritoire. Ses fonctions ne sontplus celles du paisible notable exerçant des fonctions d’état civilet elles sont souvent beaucoup plusobservées et critiquées. Le souci etl’angoisse de l’élu sont bien réelsface à la multiplicité des demandessociales, l’impossibilité de les satis-faire toutes et l’importante techni-cité des actes administratifs et destechniques politiques actuelles.Pour commencer, un exemple pratique : le conseil général de laMeuse organise des formationsd’élus de son département depuisplus de quinze ans. Décentraliséesdans diverses communes du terri-toire, ces formations sont gratuitesmais ce n’est pas le cas, la plupartdu temps, au niveau des orga-nismes autres que les collectivités.Les compétences de gestion réellene s’improvisant pas, les élus béné-ficient d’un droit individuel à laformation (DIF) qui est ainsi direc-tement financé par leur collecti -vité d’exercice. Il existe un grand nombre d’organismes agréés, sou-vent au moins un par département,avec de nombreuses associationscaractéristiques mais aussi des orga-nismes comme l’ÉNA (Strasbourg),l’École nationale supérieure de lapolice (Rhône), les éditions Dalloz(Paris), l’université de la Polynésiefrançaise… C’est la loi n° 92-108 du3 février 1992 qui a institué le droità la formation des élus locaux.Selon l’article L. 2123-12 du codegénéral des collectivités territo-riales, les « membres d’un conseil(municipal, général ou régional) ontdroit à une formation adaptée à leurfonction ». Ce droit constitue une

obligation pour les collectivités car l’intérêt des élus et de leurs ins-titutions est d’augmenter leurscompétences d’experts de la chosepublique, et leur rayonnementpublic.

Crédit-formationet principaux organismesLe montant du crédit-formationbénéficiant à l’institution localeest variable en fonction de sa per-sonnalité juridique et de sa popu-lation. Pour avoir une idée du seuilde limitation, la loi fixe un mon-tant qui ne peut excéder 20 % dumontant total des crédits ouvertsau titre des indemnités de fonctionallouées aux élus de la collectivité.En moyenne, le crédit-formationglobal est donc égal à 20 % de lasomme des indemnités verséesannuellement aux élus de la collec-tivité, chacun pouvant disposer decette somme divisée par le nombred’élus. Les formations internes àdestination du personnel muni -cipal ou la formation délivrée pardes organismes non agréés ne peuvent pas être imputées sur lebudget de formation des élus.

Pour ce qui est des frais rembour-sés, sont concernés le déplacement,le séjour et l’enseignement. La loidu 3 février 1992 a réglementé la question des voyages d’études,souvent considérés comme desvoyages d’agrément. De tels voyagesne font plus directement partie du droit à la formation et doiventfaire l’objet d’une délibérationparti culière de la collectivité, quiprécisera l’objet et l’intérêt pour la collectivité. Le décret n° 92-1208 du 16 novembre 1992, fixant lesmodalités d’exercice du droit à laformation des élus locaux, préciseles frais de déplacement des élusdans les conditions définies parle décret n° 90-437 du 28 mai 1990,réglementant la prise en chargedes frais de déplacement de fonc-tionnaires de l’État. Ils comprennent,d’une part, des frais de transport,d’autre part, des frais de séjour,appelés encore frais de missions,comportant des frais d’héberge-ment et de restauration. Ceux-cisont remboursés forfaitairementdans la limite des indemnités jour-nalières allouées aux fonction-naires de l’État, elles-mêmes fixées

par arrêté des ministres du Budgetet de la Fonction publique. La loirelative à la démocratie de proxi-mité (loi n° 2002-276 du 27 fé -vrier 2002) précise que le volumedes compensations des pertes derevenu des élus en formation, qu’ilssoient salariés ou non salariés, estremboursé forfaitairement sur labase d’une fois et demie la valeurhoraire du Smic.Cette loi a aussi renforcé le droit à la formation en prévoyant que les assemblées délibératives fixentles orientations de la formation endébut de mandature. Les élus sontsûrs de pouvoir bénéficier de cré-dits prévus à cet effet et d’une for-mation gratuite. C’est évidemmentdans les plus petites communesque le problème du financementse posera avec le plus d’acuité,puisqu’elles auront vite fait dedépasser leur quota indemnitaire.La formation en ligne est, par ail-leurs, reconnue par le CNFEL (voirles offres de France Action Localesur inform-elu.com).Les élus de droite, proches del’UMP ou non rattachés à un parti,sont la plupart du temps formés

par l’association nationale pour la démocratie locale (ANDL),actuellement présidée par MichèleTabarot. Les élus du PS bénéfi-cient de formations organiséespar l’association Condorcet, diri-gée par Serge Bossini, égalementdirecteur de cabinet de MaryliseLebranchu, ministre de la Fonc-tion publique, de la Décentralisa-tion et de la Réforme de l’État.Les 13 000 élus du Parti commu-niste français disposent de l’asso-ciation nationale des élus com-munistes et républicains (Anecr),dont le président est DominiqueAdenot, maire de Champigny- sur-Marne. Par ailleurs, il existed’autres associations plus prochesd’une sensibilité ou d’une autre.Précisons que la loi relative à ladémocratie de proximité a limitéà dix-huit le nombre de jours decongés de formation auxquels peut prétendre un élu, quel quesoit le nombre de mandats dont il est investi. Mais cela ne réduit pas son nombre total de jours deformation. Un élu bénéficie doncd’autant de jours de formationqu’il a de mandats.

Les fichesthématiquesde l’Hémicyclepar Richard Kitaeff, Maître

de conférences de l’IEP Paris

Le soutien financierpour la formation des élus

La formation des élus locaux est très encadrée. C’est le Conseil national de la formation desélus locaux (CNFEL), créé par la loi du 19 février 2007, qui est chargé de donner un avis préalableau ministère de l’Intérieur pour l’habilitation des organismes de formation des élus membresdes collectivités territoriales. Les demandes d’agrément des organismes publics ou privés,indépendants ou non d’un parti politique, sont examinées par ce conseil qui définit aussiles orientations générales de la formation et formule des recommandations annuelles.

JEFF

PAC

HOUD

/AFP

H457_p11.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 14:57 Page 11

Page 12: l'Hémicycle - #457

Votre rôle est-il purementtechnique ou aussi, voire surtout,politique, comme l’a évoqué le ministre Arnaud Montebourg ?L’Arcep est une instance techniqueet économique. Elle met en œuvre,en tenant compte des réalités dumarché, les missions que lui confiela loi. On a trop longtemps penséque cette régulation économiquepouvait se substituer à l’élabora -tion d’une politique, notammentindustrielle, pour le secteur descommunications électroniques.Cela a pu conduire, dans le passé,

à attendre du régulateur desréponses qu’il ne lui revenait pasd’apporter. Le pilotage nationaldes déploiements de la fibre op -tique, le financement des ré seauxdans les zones rurales et, plus lar-gement, l’aménagement numé-rique du territoire, ou encore ledéveloppement des usages dunumérique, le soutien à l’innova-tion et l’adaptation du régime fis-cal dans le secteur du numérique,sont autant de sujets sur lesquelsle régulateur ne peut qu’être favo-rable à un réinvestissement du politique, comme, semble-t-il, lesouhaite le gouvernement.

On parle d’un rapprochementArcep-CSA. Pourquoi ?Qu’en est-il au juste ?Il est essentiel de bien comprendreles mutations en cours : le déve-loppement rapide d’Internet, sou-tenu par la modernisation desréseaux et le passage au très hautdébit (THD), bouleverse profondé-ment les fondements du paysageaudiovisuel : les contenus audio-visuels ne se limitent plus à desgrilles de programmes ; ces conte-nus, qui ont longtemps été diffusés

par les seuls réseaux hertziens ter-restres, sont désormais acheminéspar l’ensemble des réseaux, fixescomme mobiles, et sont visionnéssur une diversité d’écrans : télévi-seur, ordinateur, tablette ou télé-phone. Mais la généralisation del’utilisation d’Internet modifie également les équilibres écono-miques du secteur des communi-cations électroniques, puisque lavaleur se déplace aux deux extré-mités des réseaux, c’est-à-dire les terminaux et les services en ligne,ceci au bénéfice d’acteurs qui, à

l’image de Google ou d’Apple, sontprésents sur ces deux segments.Ces mutations sont à l’origine dela réflexion engagée, en août, parle Premier ministre. Il a confié auxministres concernés une missionsur l’évolution de la régulation del’audiovisuel et des télécoms et asouhaité interroger également lesautorités qui assurent aujourd’huicette régulation : l’Arcep et le CSA.L’Arcep a salué cette démarche etprésenté, début octobre, sa positionau gouvernement. Nous avons sou-ligné que la réflexion devait, enpremier lieu, porter sur les finalitésmêmes de la régulation, notam-ment celle du secteur audiovisuel,dont le contexte a profondémentchangé depuis la loi de 1986 [dite« loi Léotard », relative à la libertéde communication, NDLR]. C’estdans cet esprit que l’Arcep a pré-senté trois scénarios de rappro-chement correspondant aux diffé-rentes hypothèses d’évolution defond de la régulation audiovisuelle.Il ne faut pas, en effet, « mettre lacharrue avant les bœufs ». L’orga-nisation institutionnelle doit êtrela résultante de choix de fond et non l’inverse. En tout état de cause,

le législateur pourrait créer une instance commune à l’Arcep et au CSA, afin de traiter les sujetsintéressant les deux autorités derégulation.

Les changements constatésou anticipés (mutationstechnologiques, habitudes de consommation, etc.) auront,selon vous, quel impactéconomique et social ? On sous-estime souvent le dyna-misme et le caractère innovant dusecteur des télécommunications.

Ce qui est devenu banal au -jourd’hui – accéder à Internet àson domicile, sur son lieu de tra-vail, mais également sur sonmobile, et disposer d’offres de communications sans limitationsde volume – était inenvisageable il y a quelques années seulement.Or, un nouveau cycle d’innova-tion s’ouvre avec le passage au trèshaut débit. Toutes les conséquencesn’en sont pas aujourd’hui connues.Ce qui est certain, c’est que lademande de nos concitoyens,même en temps de crise, reste élevée, ce dont témoigne la fortecroissance des volumes consom-més, notamment sur les réseauxmobiles, enregistrée ces derniersmois. Le déploiement des réseauxà très haut débit constitue aussiun chantier mobilisateur, porteurd’emplois non délocalisables, devaleur, pour des entreprises de plusen plus dépendantes du numé-rique, et enfin d’amélioration desservices publics en ligne. L’Arcep estévidemment attentive à ces chan-gements, afin de préserver un équi-libre permettant à la fois la crois-sance des opérateurs, le maintiende l’investissement, de l’emploi et

de l’innovation dans les services,au bénéfice du consommateur,ainsi que la couverture équilibréedu territoire.

Plusieurs de vos condisciplesappartenant à la promotionVoltaire de l’ÉNA, notammentFrançois Hollande, font de lapolitique active avec des mandatsimportants. En tant que major de cette promotion, votre influenceaurait-elle été plus déterminante si vous aviez suivi la même voie ? Plus de trente ans après notreentrée dans la vie active, environ85 % des membres de notre pro-motion exercent des responsabi -lités dans la sphère publique nonpolitique : c’est mon cas. Uneminorité d’entre nous a des res-ponsabilités politiques ou dans lesecteur privé. J’ai le plus grand res-pect pour ceux qui ont fait le choixd’une carrière politique. C’est unmétier très difficile et l’opinionpublique est souvent versatile.L’État a besoin d’hommes et defemmes politiques forts et de fonc-tionnaires forts eux aussi : ils nesont pas concurrents mais complé -mentaires. J’ai personnellementfait le choix de servir l’État enentrant au Conseil d’État, à la sortie de l’ÉNA, puis en occupant àpeu près toutes les fonctions de res -ponsabilité que l’on peut exercerau sein de l’État : directeur d’admi -nistration centrale, directeur decabinet de ministre, directeur gé -néral et président d’établissementspublics, commissaire à la réformede l’État, président d’une impor-tante autorité indépendante derégulation.Ce qui est passionnant, c’est demêler intimement la réflexion stra-tégique et l’action opérationnelle.Cela a été possible dans tous cespostes : rénover en profondeur,(pendant cinq ans), sous l’autoritéde François Léotard puis de JackLang, un ministère, celui de laCulture ; puis diriger la préfigura-tion de la nouvelle grande biblio-thèque nationale ; élaborer, sousl’autorité de Simone Veil, la première

réforme des retraites, en 1993 ;concevoir et engager, auprèsd’Alain Juppé puis de Lionel Jospin(1995-1998), le grand chantier, quise poursuit sans interruptiondepuis lors, de la réforme de l’État ;exercer au Conseil d’État le doublemétier de légiste et de juge admi-nistratif suprême ; aujourd’hui,agir pour que le cœur de l’économiede demain – le numérique – sedéveloppe, afin que notre pays soitplus compétitif et qu’il s’engagerésolument dans un cycle durablede développement. Toutes ces responsabilités successives m’ontpassionné et, pour répondre à votrequestion, j’ai vraiment le senti-ment d’avoir eu une influence, que j’espère positive, dans tousces domaines concrets pour nosconcitoyens. Ma triple formationd’ingénieur, d’économiste et dejuriste m’a sans doute permis debalayer un spectre large d’activités.Si c’était à refaire, je n’hésiterais pasun instant.

Propos recueillis par Tariq Befnec-Curiel

Communications

12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012

Un rapprochemententre l’Arcep et le CSA ?L’Arcep assure une fonction de régulation technique et économique des communications.Depuis la transposition du dernier cadre législatif européen, en 2011, elle doit aussi garantirle respect des principes structurant la neutralité de l’Internet. Le gouvernement a lancé une réflexion sur un éventuel rapprochement entre l’Arcep et le CSA. Jean-Ludovic Silicani s’en explique dans l’Hémicycle.

«L’ARCEP A PRÉSENTÉ TROIS SCÉNARIOS DE RAPPROCHEMENT CORRESPONDANT

AUX DIFFÉRENTES HYPOTHÈSES D’ÉVOLUTIONDE FOND DE LA RÉGULATION AUDIOVISUELLE »

JEAN-LUDOVICSILICANIPRÉSIDENT DE L’AUTORITÉDE RÉGULATION DES COMMUNICATIONSÉLECTRONIQUES ET DES POSTES(ARCEP)

DR

H457_p12.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 14:58 Page 12

Page 13: l'Hémicycle - #457

Vol de données personnelles,piratage de comptes ban-caires, vente de produits

contrefaits, Internet présente uncertain nombre de dangers pour les internautes. Les entreprises, ellesaussi, s’exposent à des risques, quipeuvent avoir des conséquenceséconomiques importantes. Si lesmoyens technologiques sont in -dispensables, la loi et le secteur del’assurance sont également deuxarmes essentielles à leur protection.Maître Émilie Bailly, spécialiste dusujet, travaille sur les dossiers decybercriminalité des clients du ca -binet Vigo. « En droit français, aucuntexte législatif ou réglementaire ne défi-nit la cybercriminalité en tant que telle.Il existe toutefois un consensus autourd’une définition de la cybercriminalitéqui englobe l’ensemble des infractionspénales commises via les réseaux infor-matiques, et notamment sur le réseauInternet. Cette définition recouvre deux

grandes catégories d’infractions : cellesqui utilisent les réseaux pour porteratteinte aux droits des personnes (usur-pation d’identité, escroquerie, pédo -pornographie, etc.) et celles qui portentatteinte aux réseaux (piratage, intru-sions, vol de données…). »Multinationales et PME sont vulné-rables à ces attaques, dont l’originen’est pas toujours externe. Au seindes PME par exemple, la plupartdes intrusions viennent de l’inté-rieur : un collaborateur indélicatrécupère des données auxquelles il n’est pas habilité à accéder. Si l’accès par erreur à des données sensibles ne constitue pas un actecybercriminel, pour maître Bailly,« le fait d’accéder frauduleusement àune information requiert une volontéde mal faire sans qu’il soit nécessairede passer une barrière ».Les dossiers impliquant des cyber-attaques ne sont pas encore nom-breux. Cependant, selon maître

Bailly, « ils sont en croissance im -portante. En termes de gravité, ce sontdes dossiers extrêmement sensiblespour les clients. Même si, dans les faits,le préjudice financier subi n’est pasforcément significatif, ils touchent lecœur du fonctionnement des entre-prises et le dommage potentiel en termes d’image est très important. L’in-formation est une valeur indiscutabledu patrimoine de l’entreprise. »Peu de sociétés sont assurées contrele risque de cyberattaque. Cepen-dant, comme l’explique M. JeanCazeneuve, directeur au sein de lasociété Verlingue, courtier en assu-rances spécialisé dans les risquesindustriels, « si la plupart des entre-prises du CAC 40 se sont organisées en interne pour faire face à ces nou-veaux risques, auxquels elles ont pro -bablement déjà été confrontées àdéfaut d’en avoir été victimes, la plu-part des entreprises de taille moyennene se sont pas nécessairement prému-

nies contre ce type de risque ». Plusieursraisons existent : les entreprises privilégient une approche réactiveplutôt que proactive face à la me -nace et développent peu de dispo-sitifs particuliers de prévention et de détection de ces risques. Enfin,beaucoup d’entre elles pensent êtredéjà assurées pour ce type de risqueà travers leurs contrats d’assurance.Il ajoute que « les solutions d’assu-rance existent et quelques acteurs sontaujourd’hui capables d’offrir un dispo-sitif complet permettant précisément de répondre aux attentes des entre-prises, mais rares sont les entreprisesqui se sont réellement équipées pour ce type de risque ».Les garanties proposées par les assu-rances ne sont pas très généreuses.Zurich Assurances offre actuelle-ment la meilleure couverture avecune garantie qui peut aller jusqu’à25 millions d’euros. Malheureuse-ment, le pillage des données d’une

multinationale peut avoir un coûtnettement plus élevé.Selon maître Bailly, le législateurpeut améliorer la protection juri-dique des entreprises. Une loi sur la protection du secret des affairesoffrirait une meilleure sanction du vol d’informations. Mais elleréclame aussi un arsenal juridiquecohérent : « On légifère beaucoup dansl’émotion, y compris sur la cybercrimi-nalité : le législateur doit prendre letemps de la réflexion, de la concerta-tion. » Elle ajoute enfin : « Une com-mission permanente au Parlementserait une idée intéressante et tota -lement justifiée. »La cybercriminalité est un risquesérieux qui menace les entreprisesfrançaises, petites et grandes. Dansle contexte actuel de guerre écono-mique globale, le législateur fran-çais peut, sur ce sujet et à peu defrais, renforcer le tissu économiquenational. Manuel Singeot

NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012 L’HÉMICYCLE 13

2.0

Cybercriminalité : des entreprisesencore mal protégéesContre la cybercriminalité, l’arsenal juridique et prudentiel à disposition des entreprises françaisesexiste bel et bien, mais reste incomplet.

H457_p13.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 15:43 Page 13

Page 14: l'Hémicycle - #457

Les formes premières sont sasource d’inspiration. Marie-Laure Viébel a été fascinée

en découvrant la plus grossegraine du monde, le mythique etmystérieux « coco de mer » venantexclusivement des Seychelles,pièce maîtresse des cabinets decuriosité d’antan. Prodige de lanature, cette graine est double àplusieurs titres. Constituée de deuxlobes (comme pour le cerveau oules poumons), elle associe l’hu-main et le végétal, le féminin etle masculin, rappelant égalementle yin-yang chinois, la nuit s’oppo -sant au jour, le froid au chaud, lamort à la vie.Elle s’est lancé le défi de jeter de la lumière sur ces graines au boisterne et mat en les dorant. Dansun premier temps, elle les trans-forme, arrondit les courbes. Puis,elle façonne de nouvelles matières,rugueuses ou lisses, elle grave desécailles de serpent, des plumes d’oiseaux, des nuages, des poilsde chat ; elle invente des ara-besques, des tourbillons, des laby-rinthes, racontant des histoires,réinventant, rebaptisant ainsichaque graine.

Chacune d’entre elles revêt alorsune dimension artistique pourdevenir création unique.Marie-Laure Viébel se tourne aussivers d’autres matières : le bronze,dont les patines variées évoquentla peau et la douceur des femmescréoles. Elle poursuit son aventureartistique vers le verre dans le secretdes ateliers séculaires de Murano(Venise). Là, un maître verrier,

Gianni Seguso, réalise avec elle despièces sorties des fours en exem-plaire unique. Magie et mystère de la lumière jouant sur les trans-parences, les gammes colorées et les gravés.Marie-Laure Viébel métamorphoseses graines de bronze en leur don-nant de nouvelles dimensions :certaines atteignent plus de deuxmètres de haut pour peser jusqu’à800 kg. Ainsi, elles peuvent retour-ner à la nature dans des jardinsfleuris, bercées par le souffle duvent, caressées par les pluies, surd’autres continents et sous d’autreslatitudes. La graine par où toutcommence se répète et perpétue le cycle de la vie.Marie-Laure Viébel a exposé en2010 à Aix-en-Provence, en 2011à Strasbourg et à Venise, en margede la Biennale. Prochaine expo si-tion : une installation avec l’artisteBarthélémy Toguo à Barbizon (en Seine-et-Marne), de mai àsep tembre 2013. P.-H.D.

Jacques Chirac était entouré,entre autres personnalités,de François Baroin, Christian

Jacob, Bernard Accoyer, MichèleAlliot-Marie ou encore Alain Juppé.Son épouse, Bernadette Chirac, étaitégalement présente.Visiblement affaibli, Jacques Chiracva « aussi bien que possible avec lasanté que chaque Français connaîtdésormais », témoigne FrançoisBa roin, considéré comme l’un desplus fidèles chiraquiens.Si ses sorties publiques sont deplus en plus rares, Jacques Chiracfaisait la une de l’hebdomadaire

Paris Match quelques jours au -paravant en compagnie de sonépouse. Selon Jean-Louis Debré,très proche de l’ancien présidentde la République, Jacques Chirac« ne s’intéresse plus à la politique ».Au cours de ce dîner, une sculp-ture de Marie-Laure Viébel lui aété offerte.

Pierre-Henry Drange

Culture

Du coco de mer à la « graine de vie »En s’appropriant le coco de mer, Marie-Laure Viébel tisse un imaginaire qui parle de symboles,de rencontres. Un dialogue inattendu entre l’homme et la nature.

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEF Joël Genard ([email protected]) ÉDITORIALISTES/POINTDE VUE François Clemenceau, François Ernenwein, Thierry Guerrier, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Fabrice Le Quintrec, Éric Maulin AGORA Sébastien Petitot, Thomas Renou DOSSIERSJean-Marc Engelhard, Tatiana Kalouguine, Elsa Nathan INTERNATIONAL Guillaume Debré L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLETariq Befnec-Curiel, Ludovic Bellanger, Florence Cohen,Axel de Tarlé, Pierre-Henry Drange, Anita Hausser, Richard Kitaeff, Manuel Singeot, Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTE David DumandPARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected] - Tél. : 01 45 49 96 09/06 74 25 28 81) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann,93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL Agora SASU Parution chaque mercredi [email protected] COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012

Jacques Chirac a fêté le 3 décembre ses 80 ans en compagnie de ses amis politiquesau Conseil constitutionnel.

MAR

TIN

BURE

AU/A

FP

DR

DR

Marie-Laure Viébel

Plus de renseignements :[email protected]

Bon anniversaire, monsieur le Président !

Jacques Chirac quittantle Conseil constitutionnel après safête d’anniversaire, le 3 décembre.

H457_p14.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 16:04 Page 14

Page 15: l'Hémicycle - #457

NUMÉRO 457, MERCREDI 12 DÉCEMBRE 2012 L’HÉMICYCLE 15

L’admiroir

Les lieux ne doivent pas trom-per. On a beau se trouver auSénat, dans le vaste bureau

du président du groupe socialiste,l’œil de François Rebsamen brillede la malice toute révolutionnairequi marqua très tôt son intérêtpour la chose publique. Mais avantses rêves de grand soir qui l’orien-tèrent vers les salles fiévreuses dela Ligue communiste, dans le sillaged’Alain Krivine et d’Henri Weber,le maire de Dijon eut d’abord lapolitique chevillée au cœur. Filsde chirurgien tendance « rad-soc »,il se souvient que la télévision fitson apparition au foyer dès sonplus jeune âge. Certaines imagesvont s’imprimer à jamais dans son esprit : la Coupe du monde de football en 1958 – il a 7 ans – ;l’intronisation du général deGaulle, en 1962, après la réformeinstituant l’élection du présidentde la République au suffrage uni-versel direct ; et enfin la campagnede 1965, qui verra de Gaulle être misen ballottage. « À cette époque-là, jen’avais pas de fondement à mon enga-gement politique », se souvient l’élusocialiste. Cela ne saurait tarder.

RévolutionnaireL’étincelle vient avec 1968 et lapassion de la philosophie trans-mise par un professeur qui voit en lui un brillant sujet qui aime à réfléchir et à brasser des idées. « Je suis devenu “révolutionnaire”,passionné par la politique de manièremilitante, se souvient Rebsamen.Je voulais lutter contre les dictatures. »Si le jeune homme est marqué parl’impérialisme américain au ViêtNam, il réagit aussi aux dictatureseuropéennes encore puissantes auPortugal, en Espagne et en Grèce.Mais son militantisme va vraimentse révéler avec la terreur qui règnedans certains pays d’Amérique duSud. « J’étais imprégné du romantismerévolutionnaire latino-américain »,dit-il, avec un net penchant pourle Che. Il devient « pion » pourpayer ses études, mène une vie de militant au service d’une actionet d’une réflexion collectives quilaisse peu de place à son travailuniversitaire. La mort du Chilien

Salvador Allende, en 1973, sera,selon son expression, « un de [s]esmatins les plus tristes », suivie parle coup d’État militaire. L’annéesuivante, l’étudiant en droit passeracinq mois au Pérou. Sa fibre mili-tante ne se renforce pas seulementsur le terrain. Elle se nourrit de lectures encore peu répandues en

France. Il dévore la littératurelatino, celle de Vargas Llosa, deGarcía Márquez, comme plus tardil se jettera sur les romans d’ArturoPérez-Reverte dont il loue, entreautres, La Reine du Sud (paru auSeuil). Il vouera aussi une affectiontoujours vive au cinéaste engagéCosta-Gavras.

« Mitterrand est là »Dans cette période fiévreuse demilitantisme révolutionnaire, qu’ilsitue entre 1968 et 1973, « Mitter-rand est là », lâche sobrement celui qui fut longtemps le numérodeux de François Hollande à la tête du Parti socialiste. « On parlaitbeaucoup de lui dans ma famille »,rappelle-t-il. Une époque de refon -dation pour François Mitterrand,avant qu’il ne rassemble à Épinay,en 1971, les fragments de la gauchenon communiste. « Il venait dé jeu-ner à La Grande Taverne, un éta-blissement de Dijon. » Peu à peu,Rebsamen se lasse de cette vie demilitant qui, de son propre aveu,l’épuisait. « J’étais le provincial »,ajoute-t-il avec une pointe de dépit.Le temps a passé mais il se sou-vient avec une petite douleur de lacondescendance des « Parisiens »…Même à l’extrême gauche, on pou-vait se montrer hautain envers les camarades montés de leur campagne. C’est encore en 1973qu’il est allé écouter Pierre Joxe en Saône-et-Loire. Il en est revenuimpressionné par cet homme ri -goureux dont il deviendra plustard le directeur de cabinet, placeBeauvau, lorsque ce protégé deMitterrand, fils d’un ancien mi -nistre du général de Gaulle, de -viendra ministre de l’Intérieur. Sedessinent alors ses choix qui ferontses admirations.« J’ai basculé en 1974, expliqueFrançois Rebsamen. J’ai voté Krivineau premier tour. Puis Mitterrand ausecond tour. Dans un soutien critiqueau leader socialiste. J’ai rompu avecla Ligue car je n’aimais pas cetteimpression d’embrigadement. Et cetteforme de militantisme ne correspon-dait plus à mon mode de vie. »

« Penser par moi-même »Commence alors un cheminementqui le conduira au PS. « Au départ,j’ai suivi l’activité du parti sans yentrer. Je voulais absolument pour-suivre le combat de la gauche. » Iléprouve vis-à-vis des communistesla même réticence qu’à l’égard deses anciens camarades trotskistes :la crainte de l’embrigadement. « Je voulais penser par moi-même. »

Le parcours de Pierre Joxe l’intéresseau plus haut point. Comme celuide Mitterrand. « C’était un peu irra-tionnel, admet-il à présent. Depuis1965 je voulais qu’il batte de Gaulle.J’avais un sentiment d’injustice. Jepensais que la gauche au pouvoirserait plus favorable aux pauvres. »Lorsque, en 1979, il est recruté surtitre par le préfet de la région Bour-gogne, Yves Burgalat, un giscar-dien bon teint, l’homme au cœurde gauche a des états d’âme. Ren-contrant pour la première fois Mit-terrand, alors président du conseilgénéral de la Nièvre, il s’ouvre deson cas de conscience. « Faites votretravail de fonctionnaire », le rassurele futur chef de l’État.

Le romantisme littéraireAvec le recul des années, le patrondes socialistes au Sénat sait préci-sément ce qu’il doit à ces person-nalités dont il a croisé la route.« Chez Mitterrand, c’est sa culture quim’impressionnait. Il était pétri d’uneculture très française, très littéraire,avec un charisme qui s’exprimait dansses talents d’orateur. Mon roman-tisme révolutionnaire était passé, maisMitterrand m’apportait une émotion.J’aimais son écriture, ses petits motsque je gardais. Pour Mélenchon etmoi, c’était notre idole… » Et d’ajou-ter qu’à l’évidence il voyait en Mitterrand, jusqu’à l’aveuglement,ses capacités à faire gagner lagauche… Comme dans un rêveéveillé, cette évocation le renvoieà son romantisme littéraire, lui qui précise avoir écrit sa thèse surla Commune de Paris et s’être pas-sionné pour les « Cahiers libres »édités par François Maspero. Quant à Pierre Joxe, « il m’a apprisà travailler », dit-il. « Il n’a pas étémon maître à penser mais mon maître à me comporter. Il m’a apprisque la politique était un métier. Combien de notes retoquées, corri-gées. Sans me décourager, mais parsimple exigence envers moi-même. »La conversation s’achève sur Fran-çois Hollande, « le plus complexe detous », affirme son vieil ami qui,n’en déplaise au nouveau Président,veut jouer pleinement son rôle deparlementaire.

Par Éric Fottorino

Rebsamen, des révolutionslatino-américaines à MitterrandLa politique chevillée au cœur, François Rebsamen est imprégné du romantisme révolutionnairelatino-américain. Sa rencontre avec Pierre Joxe l’a beaucoup marqué. Ce dernier a toujours été« son maître à se comporter ».

FRED

DUF

OUR/

AFP

H457_p15.qxd:L'HEMICYCLE 10/12/12 15:41 Page 15

Page 16: l'Hémicycle - #457