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PATRICK KOVARIK/AFP Après les affiches d’un humoriste, voici que celles d’un film sont menacées de censure. Politiques, ou pour « atteinte aux bonnes mœurs », les cas d’interdiction se multiplient. Les mêmes qui s’exta- sient sur l’humour de Coluche, de Le Luron ou de Desproges – dont les propos icono- clastes sont régulièrement rediffusés à la télévision – trouvent moult arguments pour justifier l’interdiction d’une photo ou d’une caricature. Face aux pressions de toute nature qui prétendent s’appuyer sur la morale ou sur le respect dû entre autres aux hommes, aux femmes, aux enfants, aux animaux, aux religions et à toutes les corporations capables de lobbying… force est de constater que la liberté d’expression ne fait pas le poids. Libre à chacun de juger les affiches du film Les Infidèles de mauvais goût, là n’est pas la question. Ce qui est en cause, c’est cette inquiétante multiplica- tion de réprobations collectives qui relèvent d’un poli- tiquement correct étouffant. S’il est vrai qu’un Coluche ou un Desproges ne pourraient plus exercer leur génie dérisoire à la radio ou à la télévision comme il y a trente ans, c’est dommage et préoccupant. Mais le consta- ter sans s’en offusquer est encore plus grave. Or c’est le sentiment que donnent tous ceux qui prétendent nous gouverner et qui, d’une certaine manière, façon- nent au quotidien notre société. À droite comme à gauche, on a la réprobation sélective, et au final assez peu de goût pour une vraie liberté de création, qui par définition n’a pas pour vocation de plaire à tout le monde en même temps. Du coup, la société est devenue totalement schizophrène : de moins en moins tolérante dans son expression publique et institutionnelle et totalement incontrôlée et incontrôlable dans son expression souterraine telle qu’elle se développe sur Internet. La présidentielle pourrait être l’occasion pour les can- didats de dire ce qu’ils pensent d’une telle situation. Mais on ne les entend guère sur ce sujet.Terrain trop glissant sans doute. Dommage ! Faut-il rappeler que « liberté » est le premier mot du triptyque de la République. Et que les Français connaissent mieux leurs classiques que les politiques ne l’imaginent. Ils ont compris que si Coluche, Le Luron et Desproges sont morts, Molière, lui, est bien vivant. En tous les cas Tartuffe ! PS : Claude Guéant a raison : la civilisation occidentale issue du judéo-christianisme qui a entre autres produit au XX e siècle le nazisme, les camps d’extermination et le stalinisme, fils pervers du communisme, est par- faitement légitime pour donner des leçons de morale aux autres !… Et aussi Le chiffre Éditorial Robert Namias Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias L’HÉMICYCLE www.lhemicycle.com Plus compétitif que moi tu meurs ! C ompétitivité : « Capacité d’une entité à vendre durablement des biens ou services mar- chands ». La compétitivité est deve- nue le nœud central. L’exemple de la Grèce nous montre qu’un pays non compétitif perd ses emplois, sa richesse, sa jeunesse et, in fine, son appartenance à la zone euro. Car c’est bien la perte de compétitivité qui a précipité Athènes dans le chaos. C’était le « cinquième » critère de Maastricht, un critère caché au côté des quatre critères « officiels » : dette, déficit, inflation et taux d’intérêt. Ce « cinquième élément » s’est révélé stratégique. > Lire la suite p. 4 NUMÉRO 434 — MERCREDI 8 FÉVRIER 2012 — 2,15 ¤ Tartuffe 483 millions ! Jérôme Cahuzac P. 3 Bruno Le Maire P. 2 Une expression qui a du sens pour le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, inspiré par Jaurès mais qui a appris auprès d’Aimé Césaire l’art de la nuance et le refus de tous les sectarismes. > Lire l’admiroir d’Éric Fottorino p. 9 ERIC FEFERBERG/AFP C’est le nombre d'utilisateurs qui se connectent chaque jour à Facebook. 250 millions de photos sont mises en ligne quotidiennement par les internautes sur ce même réseau. C’est la Securities and Exchange Commission qui révèle ces chiffres, en précisant que les revenus de Facebook s’élevaient à 3,71 milliards de dollars en 2011, soit une croissance de 88 % l’an dernier. PIERRE VERDY/AFP Avec Airbus, le TGV symbolise aujourd’hui la compétitivité française. Aider d’autres secteurs industriels à devenir concurrentiels sur le plan international, c’est le pari des principaux candidats à la présidentielle. Après François Hollande, Nicolas Sarkozy et François Bayrou ont confirmé que la compétitivité serait l’un des enjeux majeurs de la campagne présidentielle. Avec en ligne de mire : le chômage. Par Axel de Tarlé FRED DUFOUR/AFP Le socialisme à visage humain

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l'Hémicycle numéro 434 du mercredi 8 février 2012

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Page 1: l'Hémicycle - #434

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Après les affiches d’un humoriste,voici que celles d’un film sontmenacées de censure. Politiques,ou pour « atteinte aux bonnesmœurs », les cas d’interdiction semultiplient. Les mêmes qui s’exta-sient sur l’humour de Coluche, de

Le Luron ou de Desproges – dont les propos icono-clastes sont régulièrement rediffusés à la télévision –trouvent moult arguments pour justifier l’interdictiond’une photo ou d’une caricature. Face aux pressionsde toute nature qui prétendent s’appuyer sur la moraleou sur le respect dû entre autres aux hommes, auxfemmes, aux enfants, aux animaux, aux religions et àtoutes les corporations capables de lobbying… forceest de constater que la liberté d’expression ne fait pasle poids. Libre à chacun de juger les affiches du filmLes Infidèles de mauvais goût, là n’est pas la question.Ce qui est en cause, c’est cette inquiétante multiplica-tion de réprobations collectives qui relèvent d’un poli-tiquement correct étouffant. S’il est vrai qu’un Colucheou un Desproges ne pourraient plus exercer leur géniedérisoire à la radio ou à la télévision comme il y a trenteans, c’est dommage et préoccupant. Mais le consta-ter sans s’en offusquer est encore plus grave. Or c’estle sentiment que donnent tous ceux qui prétendentnous gouverner et qui, d’une certaine manière, façon-nent au quotidien notre société.À droite comme à gauche, on a la réprobation sélective,et au final assez peu de goût pour une vraie libertéde création, qui par définition n’a pas pour vocationde plaire à tout le monde en même temps. Du coup,la société est devenue totalement schizophrène :de moins en moins tolérante dans son expressionpublique et institutionnelle et totalement incontrôléeet incontrôlable dans son expression souterraine tellequ’elle se développe sur Internet.La présidentielle pourrait être l’occasion pour les can-didats de dire ce qu’ils pensent d’une telle situation.Mais on ne les entend guère sur ce sujet. Terrain tropglissant sans doute. Dommage !Faut-il rappeler que « liberté » est le premier motdu triptyque de la République. Et que les Françaisconnaissent mieux leurs classiques que les politiquesne l’imaginent. Ils ont compris que si Coluche, Le Luronet Desproges sont morts, Molière, lui, est bien vivant.En tous les cas Tartuffe !

PS :Claude Guéant a raison : la civilisation occidentaleissue du judéo-christianisme qui a entre autres produitau XXe siècle le nazisme, les camps d’exterminationet le stalinisme, fils pervers du communisme, est par-faitement légitime pour donner des leçonsde morale aux autres !…

Et aussi

Le chiffre

ÉditorialRobert Namias

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

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www.lhemicycle.com

Pluscompétitifquemoi tumeurs !

Compétitivité : « Capacité d’uneentité à vendre durablementdes biens ou services mar-

chands ». La compétitivité est deve-nue le nœud central. L’exemple dela Grèce nous montre qu’un pays

non compétitif perd ses emplois, sarichesse, sa jeunesse et, in fine, sonappartenance à la zone euro. Car c’estbien la perte de compétitivité quia précipité Athènes dans le chaos.C’était le « cinquième » critère de

Maastricht, un critère caché au côtédes quatre critères « officiels » : dette,déficit, inflation et taux d’intérêt. Ce« cinquième élément » s’est révéléstratégique.

>Lire la suite p. 4

NUMÉRO 434 —MERCREDI 8 FÉVRIER 2012 — 2,15 ¤

Tartuffe

483millions!

JérômeCahuzac

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BrunoLeMaire

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Une expression qui a du sens pour le présidentdu Sénat, Jean-Pierre Bel, inspiré par Jaurèsmais qui a appris auprès d’Aimé Césaire l’artde la nuance et le refus de tous les sectarismes.>Lire l’admiroir d’Éric Fottorino p. 9

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C’est le nombre d'utilisateurs qui se connectent chaquejour à Facebook. 250 millions de photos sont mises enligne quotidiennement par les internautes sur ce mêmeréseau. C’est la Securities and Exchange Commissionqui révèle ces chiffres, en précisant que les revenus deFacebook s’élevaient à 3,71 milliards de dollars en 2011,soit une croissance de 88 % l’an dernier.

PIER

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AvecAirbus, leTGV symboliseaujourd’hui la compétitivité française.Aiderd’autres secteurs industriels àdevenir

concurrentiels sur leplan international, c’est lepari desprincipauxcandidatsà laprésidentielle.

Après François Hollande, Nicolas Sarkozy et François Bayrou ontconfirmé que la compétitivité serait l’un des enjeuxmajeurs dela campagne présidentielle. Avec en ligne demire : le chômage.ParAxeldeTarlé

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Lesocialismeàvisagehumain

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2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 434, MERCREDI 8 FÉVRIER 2012

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Laquestionde la réindustrialisationdenotrepaysest-elle enpassedes’imposer comme lepremier thèmede la campagne?Ce sera un thème essentiel. LesFrançais ont bien conscience quenotre pays a perdu des capacités deproduction dans tous les domaines,que ce soit dans les villes ou dansles zones rurales. Même les exploi-tations agricoles sont désormais dé-localisables ! Il faut donc apporterdes réponses crédibles aux Français.C’est notre devoir.

Est-ce l’indiceque le« travaillerpluspourgagnerplus», le slogandeNicolasSarkozyen2007,aétéunéchec?Non. C’est d’abord le témoignageque la France a connu, comme tousles autres pays européens, une crisemajeure, financière puis écono-mique, qui a montré les faiblessesde notre production. Mais le cou-rage du président de la République,c’est de regarder nos faiblesses enface et d’y apporter des réponsesnécessaires et courageuses. Ce quia été fait par exemple par ce gou-vernement avec le crédit d’impôtrecherche est essentiel : nous avonsrenforcé le financement de l’inno-vation et de la recherche pourrendre plus performante notreproduction. Quand nous avonssupprimé la taxe professionnelle,nous nous sommes peut-êtreconfrontés aux collectivités locales,mais nous avons estimé qu’il n’étaitplus possible de faire peser sur lesentreprises cet impôt. Nous avonspris des décisions pour renforcer

l’outil industriel français. Il fautaller plus loin. C’est le cap fixé parle président de la République.

Existe-t-il unecompétitivitédedroite etunecompétitivitédegauche?Non. Il existe du côté de lamajoritéune capacité à prendre en comptel’Europe et le monde et du côté del’opposition une incapacité à voirla réalité en face. Il existe une lignede partage entre une droite res-ponsable et une gauche irréaliste.Le discours du PS est déconnectéde toute réalité. Quand FrançoisHollande dit qu’il n’y a pas de pro-blème de coût du travail en France,c’est un déni de réalité. Nous nouspensons que la France peut réussirdans le monde tel qu’il est à condi-tion que les décisions économiquesnécessaires soient prises.

Vraie révolutionpolitique,gauchecommedroite sontdésormaispourtantadeptesd’unepolitiquede l’offre…Je ne vois aucune politique del’offre du côté socialiste. Il y a desgrands discours sur notre outilde production assortis de recettesperdantes et usées. Les dépensespubliques et les emplois publicsqu’ils promettent, c’est égalementautant d’argent en moins poursoutenir l’effort de productionfrançais, l’emploi, les PME, les PMI.

LerelèvementdutauxdelaTVA(1,6%)décidépar leGouvernementn’est-il pas trop faiblepouravoirun impact ?

Non. Il est ciblé, progressif et cor-respond à ce qui peut être le plusefficace, sans affecter la consomma-tion des ménages français. J’avaisplaidé ces dernières semaines pourque cette augmentation soit me-surée. Le choix du président de laRépublique est le bon. Le finan-cement de notre système de pro-tection sociale date de 1945. Iln’est plus adapté aux réalités d’au-jourd’hui. Il ne peut plus reposerseulement sur le travail. C’est uneévolution historique que nousavons entreprise.

EnAllemagne, ce tauxavait étébienplusélevé (3points)…La situation n’est pas comparable.Il nous faut éviter le décrochageentre salaires allemands et français,mais également combler le retardde compétitivité qui commence àse développer entre salariés alle-mands et français. Cette mesuresuffit-elle ? Non. Faut-il s’arrêterlà ? Non. Il faudra – et cela doitêtre, selon moi, notre priorité –renforcer notre effort d’innova-tion, de recherche et de la qualitédu produit. Nous avons commencéavec le crédit d’impôt recherche,il faut persévérer. Ensuite, il fau-dra se battre pour empêcher toutdumping social et toute baissedes salaires. C’est pourquoi nousdevons convaincre les Allemandsd’adopter un salaire minimum. Ils

y réfléchissent. Enfin, il faut uneharmonisation sociale européenne.

LeGouvernementdisposera-t-ilvraimentdu tempsnécessairepourmettre enplace le contrat emploi-compétitivité?Xavier Bertrand l’a dit : prioritéaux négociations entre partenairessociaux. Il faut toujours favoriserle dialogue social par rapport auxdispositions législatives. Chacunprendra ses responsabilités. LesFrançais verront bien qui est leplus responsable pour résoudre le

problème français n° 1 : l’emploi.Tous les Français savent les effetsravageurs qu’ont eus les 35 heures.

Faudrait-il uncontratde travailunique?Je préfère que l’on se concentre surd’autres solutions : l’améliorationdu dialogue social, les relationsentre les grandes entreprises et lessous-traitants…

Enmatièrededélocalisationsla faute revient-elle à laFrance,auxpatrons, auxautrespayssans foi ni loi…?Notre faute est collective. Nousavons pensé que nous pouvionstravailler moins, gagner plus et êtreautant compétitifs que nos voisinseuropéens et en particulier l’Alle-magne. C’était un doux rêve. Notre

responsabilité est de sortir des dis-cours convenus et datés.

Le«made inFrance»a-t-il un sensdans lemonded’aujourd’hui ?Oui. C’est le choix que j’ai fait auministère de l’Agriculture. Défen-dre les revenus des paysans et uneagriculture sur tout notre territoire,maintenir le budget de la PAC etouvrir des marchés à l’exportationpour nos produits, c’est défendreune agriculture « made in France »à laquelle je crois plus que jamais.

LeGouvernementn’aurait-ilpasquandmêmepu faire davantageenmatièrede compétitivité économique?Il faut que nous ayons de l’humi-lité, que nous reconnaissions noserreurs pour que notre discours soitcrédible et entendu. Mais il fautaussi que nous portions un discoursd’espoir. Ce que nous proposonsn’est pas une purge. C’est ce qu’ilfaut faire pour donner à notrepays les moyens de gagner dansla compétition mondiale. Et nouspouvons prouver que cela marche.Depuis trois ans, ma priorité a étéde redonner de la compétitivitéà l’agriculture française. Et nousavons obtenu des résultats. La viti-culture française a par exempleretrouvé sa première place sur lepodium mondial. Elle a enregistréneuf milliards d’euros d’excédents.C’est la preuve que, si nous faisonsdes efforts, nous pouvons réussir.

Propos recueillispar Ludovic Vigogne

Chef du service politiquede Paris Match

BRUNO LE MAIREMINISTRE DE L’AGRICULTURE

Pour leministre de l’Agriculture, qui est également l’un des rédacteurs du projet de l’UMP, lespropositions socialistes ne sont que de vieilles recettes qui ne permettront en rien d’améliorerla compétitivité française.

«Ilexiste une lignedepartageentre unedroite responsableet unegauche irréaliste. LediscoursduPSest déconnecté

de toute réalité»

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«CE QUE NOUS PROPOSONSN’EST PAS UNE PURGE »

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Partonsdudiagnostic.Dansquelssecteurs laFrancesouffre-t-elleaujourd’hui d’undéficit decompétitivité?Il est patent dans l’industrie agro-alimentaire, secteur où la France estdésormais 3e puissance exportatriceen Europe, derrière l’Allemagne etles Pays-Bas, après avoir longtempsété leader. Dans l’industrie manu-facturière, le constat est plus nu-ancé. Les charges sur le travail ontprogressé, en France, de presque10 % ces dix dernières années, etcette progression a eu pour effetd’annuler l’avantage de compéti-tivité/prix dont notre pays bénéfi-ciait par rapport à l’Allemagne. Autotal, dans ce secteur, nous avonsdonc un coût du travail comparableen France et en Allemagne. Mais,à coût égal, nous produisons dansdes gammes inférieures et pourune moindre qualité que cheznotre voisin. Il faut donc fairedes efforts d’innovation et de re-cherche. C’est-à-dire investir, ce quisupposerait de ne pas maintenirla politique de distributions de di-videndes que l’on constate et quifut scrupuleusement maintenueen dépit de la crise, au détrimentd’ailleurs de l’investissement.

Ledéficit de labalancecommerciale estdevenuspectaculaire.Commentyremédier?Le déficit, 75 milliards d’euros en2011 alors que la balance était ex-cédentaire ou équilibrée en 2002et avant, est aussi spectaculaire quepréoccupant. Si cet indice est le re-flet de la compétitivité, constatonsalors que les politiquesmenées pour

l’améliorer depuis dix ans ont dra-matiquement échoué. L’État étantimpécunieux, il est indispensablede réserver l’effort à l’industrie, enévitant toute mesure générale, tropcoûteuse car mal ciblée, commeune baisse de charges pour tous, ycompris pour les secteurs protégéset non concurrentiels.

LaFranceperddespartsdemarchéà l’exportationauseinmêmede lazoneeuro.Que faire?C’est un déclassement que notrepays a en effet connu. Nous propo-sons un choc d’offre de 5 milliards

ciblé sur l’industrie. Il est évidem-ment préférable à une baisse géné-ralisée des charges de 13 milliards,non financées dans les premiersmois au moins, et qui ne concer-nerait l’industrie que pour moinsde 20 %, c’est-à-dire 2,6 milliardsd’euros. Soit moitié moins que ceque François Hollande propose.

Aider lesPMEpourmuscler lacompétitivité française, enallégeant certainesde leurscharges,maisaugmenter lescotisations retraites,pourfinancerle retourpartiel à la retraiteà60 ans,n’est-cepasenvoyerunsignal contradictoire?L’effort demandé aux entreprisespour une mesure de justice est dixfois moindre pour les PME et les

entreprises de taille intermédiaire(ETI) que l’avantage consenti parla baisse du taux de l’impôt surles sociétés et la modulation de lacotisation foncière des entreprises(CFE), c’est-à-dire 5milliards à ellesdeux.

FrançoisHollandea reconnu«unproblèmedeplacepour lesproduitsfrançais».Commenty remédier?Par une amélioration de la compé-titivité hors coût, ce qui suppose queles entreprises privilégient l’inves-tissement sur la distribution de di-videndes. Nos entreprises doivent

pouvoir investir dans la rechercheet le développement afin d’amélio-rer leurs gammes de produits, c’estpour cela que le crédit d’impôtrecherche (CIR) sera rendu plussimple pour les PME et ETI.

Unepartiede lagauchen’est-ellepas tentéeparun repliprotectionniste?Le candidat François Hollande neme semble pas gagné, à raison, parcette tentation-là. Pour autant, de-mander des accords de réciprocitéaux pays qui inondent l’Europe deleurs produits mais protègent leursmarchés domestiques est légitime.Et l’on sait la concurrence peuloyale précisément avec ces pays,du fait de leur dumping envi-ronnemental ou social.

Lagauchedoit-elle, elle aussi,réfléchir à labaisseducoûtdu travail ?Dans l’agroalimentaire, certaine-ment. Dans les autres secteurs,l’innovation, la recherche et la for-mation me semblent des prioritésplus évidentes.

Unpactecompétitivité-emploi àl’échellede l’entreprise, comme leproposeNicolasSarkozy,n’est-ilpasdebonsens?Permettrait-il defaireévoluer lesmœursfrançaises?À propos de bon sens, on pourraitêtre heurté par le fait que le même

qui a étendu les 35 heures auxentreprises de moins de 20 salariéssouhaite désormais exonérer lesgrandes du respect de cette duréelégale du travail qu’il a inscrite dansle Code du travail… Les Allemands,que l’onnous cite à l’envi, financentle chômage partiel, c’est-à-dire laréduction du temps de travail,plutôt que les heures supplémen-taires. Leur chômage baisse et lenôtre augmente…

Enquoi faut-il, ounon, s’inspirerde l’Allemagne?Enmatière de politique de l’emploi,certainement. Pour le reste, misèreet précarité sont aussi les consé-quences des réformes entreprises enAllemagne que certains voudraientvoir mises en œuvre en France.

Au début de 2011, une enquêteréalisée dans dix paysmontraitque les Français étaient les plusnombreux (62%) à penser queleur pays étaitmal placé dansla compétition économiquemondiale, alors que 77%desAllemands étaient confiantsà cet égard. La compétitivité,est-ce aussi une questionde confiance en soi ?C’est, plus généralement, le paystout entier qui a besoin d’avoirconfiance dans son destin. Pourcela, il faut un Président qui sacheet dise ce qu’il attend du pays etpour quoi faire. Et qui ne changepas sans arrêt ni de discours, ni depolitique, ni de personnalité.

La gauche assume clairement undiscours sur le sujet, ce qui estrelativement nouveau pour elle.Mais un problème comme lacompétitivité,malgré lespromesses électorales actuelles,n’échappe-t-il pas désormais,pour une bonne part, au pouvoirdu politique ?Au contraire, et les Français au-ront précisément à choisir entredeux politiques. L’une dispen-dieuse et peu efficace car non ci-blée, et non financée au début desa mise en œuvre tout du moins.L’autre d’effet immédiat, d’embléefinancée, ciblée sur l’industrie, eten conséquence plus efficace etmoins coûteuse.

Propos recueillispar Éric MandonnetRédacteur en chef adjoint

de L’Express

NUMÉRO 434, MERCREDI 8 FÉVRIER 2012 L’HÉMICYCLE 3

Agora

Pour le président socialistede la commissiondesfinances, il est indispensableque les entreprisesprivilégient l’investissement sur la distribution de dividendes. L’amélioration de la compétitivitépasse par une politique ciblée sur l’industrie. Ce sera la priorité d’un Président de gauche.

«Lespolitiquesmenéesdepuis dix anspour améliorerla compétitivité ontdramatiquement échoué»

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JÉRÔME CAHUZACPRÉSIDENT (PS) DE LA COMMISSION DESFINANCES DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE,DÉPUTÉ-MAIRE DE VILLENEUVE-SUR-LOT

«LES FRANÇAIS ONT BESOIN D’UN PRÉSIDENTQUI NE CHANGE PAS SANS ARRÊT DE DISCOURS,

DE POLITIQUE ET DE PERSONNALITÉ »

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Depuis la création de la zoneeuro, les écarts de compéti-tivité ont été mortels pour

les pays du sud de l’Europe, et toutspécialement la Grèce. Entre 1996et 2009, les coûts salariaux ontflambé de 65 % en Grèce, contreseulement + 5 % en Allemagne !

EnGrèce,mêmelafetavientduDanemark!Résultat, la Grèce ne peut plusrien exporter, plus rien vendre. EnGrèce, même la feta vient du Da-nemark ! Pendant dix ans, cettedésindustrialisation a été cachéegrâce aux dépenses publiques.Les piscines ont remplacé lesusines. Jusqu’à la crise grecque.Août 2009, Standard & Poor’s dé-grade Athènes. Mai 2010, les payseuropéens concoctent un premierplan d’aide. Deux ans plus tard,on en est toujours au mêmepoint.Car redevenir compétitif est uneœuvre de très longue haleine. De-puis que nous avons tous la mêmemonnaie les pays ne peuvent plusdévaluer. Du temps de la drachme,Athènes aurait dévalué sa monnaiede 40 % et récupéré ainsi immé-diatement sa compétitivité avec

des produits 40 % moins chers.Aujourd’hui c’est impossible. Il fautdésormais procéder à une dévalua-tion interne. C’est-à-dire baisser lessalaires de 40 %. Le Gouvernement

grec tente actuellement de réduirede 15 % le Smic, fixé à 751 euros.C’est évidemment très doulou-reux. Mais c’est la seule solution.Si les hôteliers grecs parviennentà baisser sensiblement leurs tarifs,ils redeviendront compétitifs parrapport à la Turquie voisine, nette-ment moins chère, pour une offretouristique comparable. On a là lesdeux clés de la compétitivité : leprix et la qualité du produit.

LaFrance,unemini-GrèceCe cas excessif de la Grèceconcerne tous les pays d’Europedu Sud. Entre 1996 et 2009, lescoûts salariaux ont augmentéde 35 % en France, 45 % en Es-pagne (à comparer avec + 5 % enAllemagne). Le coût de la main-d’œuvre est maintenant, grossomodo, le même de part et d’autredu Rhin. Mais le « made in Ger-many » jouit d’une bien meilleureréputation que le « made inFrance ». Cette perte de compé-titivité se paie cash. La France,qui avait un excédent budgétaireau moment du passage à l’euro,affiche aujourd’hui un déficitcommercial record, de plus de70 milliards d’euros pour 2011

(contre un excédent de 150 mil-liards en Allemagne). Concrète-ment, la France consomme pour70 milliards d’euros de produitsqu’elle ne fabrique pas : des berlines

allemandes, des écrans plats fabri-qués en Chine… Comme en Grèce,l’État compense cette sous-activitéen distribuant des aides sociales,ce qui fait exploser le déficit bud-gétaire, et expose, in fine, la Francea un scénario « à la grecque ».Le vendredi 13 janvier 2012,l’agence Standard & Poor’s dé-grade la France. Pour l’heure, lestaux d’intérêt n’ont pas augmen-té, mais si l’on n’y prend garde,un jour ou l’autre, les marchés nevoudront plus nous prêter. L’eurosera alors condamné.Au nom de nos emplois, au nomde notre monnaie, l’euro, il nousfaut gagner la bataille de la com-pétitivité. Droite et gauche fontle même constat.

Onoublie lesvieilles recettesComment devient-on compétitif ?Droite et gauche n’ont pas toutà fait les mêmes recettes, maispartagent la même analyse sur cequ’il ne faut pas faire. Distribuerde l’argent est agréable, mais nerésout en rien le problème decompétitivité (accessoirement, celaaugmente les déficits et la dette).Toute politique keynésienne pureet dure, qui consiste à s’endetteret à distribuer des chèques en blancdans l’espoir de relancer l’écono-mie, est abandonnée. À droite, onrenonce aux baisses d’impôts etautres coûteuses politiques d’aideau logement (réduction des inté-rêts d’impôts, loi Scellier…). Idemà gauche, finis les cadeaux. Pasde hausse du Smic. François Hol-lande a réussi à faire applaudirau Bourget l’annonce d’une non-augmentation du nombre defonctionnaires !Chacun sait que l’économie fran-çaise ne repartira pas à coup de sti-mulus fiscal. Pendant trente ans,on a mené cette politique de re-lance publique, en vain. Résultat,la France est aujourd’hui en ré-cession et la dette a explosé à1 689 milliards d’euros.

Unepolitiquede l’offreLa croissance reviendra si la Franceest capable de produire des arti-cles qui se vendent, des produitsqui s’exportent. C’est la batailledu « made in France ».On est passé d’une politique dela demande – « Je soutiens la de-mande avec de l’argent que je n’aipas » – à une politique de l’offre– « Je soutiens les entreprises pourqu’elles produisent et vendent ».Ce constat est unanimement par-tagé. Et, en soi, c’est une excellentenouvelle. La droite, la gauche, lecentre… tout le monde veut mener

une politique en faveur de lacompétitivité : clé de nos emplois,de l’enrichissement, et de l’euro.Sinon, c’est la Grèce !

LacompétitivitédedroiteComment « vendre durablementun bien ou un service » ? Le prixbien sûr ! Denis Martin, directeurindustriel de PSA, est très clair :« L’écart s’élève à 500 euros par voi-ture entre les coûts de fabrication dePoissy et ceux de Trnava en Slova-quie. » Or 500 euros, c’est la margedu constructeur (sur une voiturevendue 10 000 euros, cela repré-sente 5 %). Moralité, si on veut gar-der Poissy, il faut produire moinscher. Pour cela, Nicolas Sarkozy veutbaisser les charges. Le Présidentpropose de supprimer les chargesfamiliales qui pèsent sur les sa-laires compris entre 1,6 et 2,1Smic. Mais il faut aussi agir sur lesalaire net. C’est l’accord compéti-tivité-emploi : permettre aux syn-dicats et au patronat de se mettred’accord, en entreprise, pour im-poser le cas échéant une baisse dusalaire horaire. C’est évidemmenttrès douloureux. Même si les syn-dicats reconnaissent la nécessitéde « repenser l’assiette du finance-ment de la Sécurité sociale ».

LacompétitivitédegaucheRenault Dacia inaugure une nou-velle usine à Tanger, avec des sa-lariés marocains payés 250 eurospar mois. Faut-il s’aligner ? Le Ban-

gladesh, avec ses salariés payés1 euro de l’heure, sera-t-il le mo-dèle ultime ? Évidemment, la com-pétitivité ne saurait se résumer auseul prix.Question : Comment font lesconstructeurs allemands pourproduire 60 % de leur véhicule surle sol allemand, quand PSA nefabrique plus que 39 % en France,et Renault à peine 18 % ?! LesAllemands fabriquent du hautde gamme… et la qualité, ça « n’apas de prix » ! C’est l’autre voletde la compétitivité : l’excellence,la qualité. L’Histoire montre quel’État, qui a le sens du temps long,se révèle souvent assez bon stra-tège en la matière. Le programmenucléaire français et le TGV ontété tous deux décidés en mars1974, lors du dernier conseil desministres de Georges Pompidou !François Hollande compte doncsur une banque publique d’inves-tissement pour doper la créati-vité, mais aussi sur la formation.À l’usine Lejaby, les couturièresvont se reconvertir dans la maro-quinerie, pour fabriquer des sacsVuitton, vendus hors de prix, auxquatre coins du globe. Encorel’excellence !Des produits de qualité, des prixbas. Pas besoin d’avoir fait HECpour comprendre qu’on a là les clésdu succès. En avant ! Et réjouis-sons-nous, après trente ans dedéficits déprimants, on a enfinchangé de logiciel.

Débat

4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 434, MERCREDI 8 FÉVRIER 2012

Pluscompétitif quemoi tumeurs !ParAxeldeTarléSuitede lapage 1

Angela Merkel et Nicolas Sarkozy.Pouraméliorer la situationde l’économiefrançaise faceà l’Allemagne, leprésidentde laRépubliqueproposeauxentreprisesdenégocier avec les syndicatsdesaccordscompétitivité-emploi. PHOTO ODD ANDERSEN/AFP

François Hollande. Lecandidat socialiste comptesurunebanquepubliqued’investissementpourdoper la créativité et améliorerla compétitivitédesentreprises. PHOTO FRED DUFOUR/AFP

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Àmoins de quatre-vingtsjours du premier tour del’élection présidentielle, les

intentionsdevotede secondtouren-registrent un léger tassement maiscontinuent de donner à FrançoisHollande une avance considérableet inédite : 57 %environ.Commentcela est-il possible et quelle est lasolidité d’un tel indicateur ?Avant toute chose, il convient derappeler que la mesure d’un secondtour est par nature plus fragile quecelle d’un premier tour. Pour uneraison simple : lorsqu’ils répondent,les interviewés n’ont pas connais-sance des résultats du premier tour,ce qui sera le cas dans la réalitéet peut naturellement jouer, neserait-ce qu’à la marge.

Un second tour

de confirmation

Cela étant posé, ce que nous me-surons pour le second tour estd’abord une dérivée profonde del’arithmétique des résultats dupremier tour. Il faut ici rappe-ler qu’il est historiquement ex-ceptionnel, sous la Ve République,qu’un second tour ait inverséles résultats qui se profilaient àl’issue d’un premier tour. Dansl’immense majorité des cas, l’arith-métique produit un second tourde confirmation. Parfois, la dyna-mique vient amplifier au secondtour les résultats du premier tour.

Plus rarement, un contre-mouve-ment d’opinion vient les tempérer.François Hollande est donc au-jourd’hui haut dans les secondstours parce qu’il est haut au pre-mier tour (plus ou moins 30 %) etparce que le bloc de gauche l’estégalement, au moins relativement :environ 42 %, contre 36 % en 2007au soir du premier tour.Le second élément qui explique lehaut niveau de François Hollandedans les enquêtes de second tourest d’un autre ordre et relève desmatrices de reports, c’est-à-diredu comportement des électeursqui, au second tour, n’ont plus lecandidat pour lequel ils avaientvoté au premier tour. Ces matricessont particulièrement favorables

au candidat socialiste et particu-lièrement défavorables à NicolasSarkozy. Elles constituent néan-moins un des points les plus sus-ceptibles d’évoluer. En effet, pourl’instant, les reports des électeursde Jean-Luc Mélenchon et d’EvaJoly sur François Hollande sontbons : environ 70 % voire davan-tage, ce qui est assez conforme àce que l’on observe traditionnel-lement à gauche. En revanche, etcela est plus récent, le tropismedes électeurs de François Bayrouest également favorable à FrançoisHollande : 40 % environ décla-rent être prêts à voter au secondtour pour le candidat socialiste,30 % pour celui de l’UMP et 30 %s’abstiendraient. C’est beaucoup

plus que ce qu’obtenait SégolèneRoyal en 2007. Par ailleurs etenfin, à cela s’ajoutent des reportsdes électeurs de Marine Le Penexceptionnellement défavorablesà Nicolas Sarkozy : environ 20 %voteraient pour François Hollande,ce qui est un niveau assez habituelpour le candidat de gauche mais38 % seulement se reporteraientsur Nicolas Sarkozy alors que,traditionnellement, le candidatde la droite parlementaire en re-cueillait plutôt 50 %. Rappelonsque Nicolas Sarkozy avait lui-mêmepulvérisé ce report en 2007, enobtenant au second tour 65 % desvoix de Jean-Marie Le Pen. Enfin,plus de 40 % des électeurs deMarine Le Pen n’iraient pas voterdans un second tour opposantFrançois Hollande au Présidentsortant.Il suffit donc que Nicolas Sarkozy,actuellement bas, remonte d’unou deux points au premier tour etque François Hollande, actuelle-ment haut, baisse d’un point pourque le premier levier produise deseffets immédiats et mécaniquessur le second tour. Mais il suffitégalement que les matrices de re-ports soient, s’agissant du MoDem,un tout petit peu moins favorablesau candidat socialiste et que cellesdu FN soient un tout petit peumoins défavorables à Nicolas Sar-kozy pour que le second levierjoue également. Si les deux secumulent, on reviendrait très viteà des seconds tours de l’ordre de53/54 % environ, ce qui est par-faitement envisageable.

Des facteurs lourds

Dans ces conditions, pourquoialors mesurer des seconds tourss’ils sont extrêmement sensiblesà des paramètres qui eux-mêmespeuvent assez facilement évoluer ?Parce que ces seconds tours nousapprennent malgré tout beau-coup ! Tout d’abord, en simpli-fiant le choix et en le ramenant àune forme binaire, ils nous disentclairement la tendance du pays.Elle peut être incertaine lorsqueces seconds tours sont dans unezone 52/48, elle l’est beaucoupmoins quand, systématiquement

et depuis longtemps, les secondstours indiquent clairement lemême gagnant. Ainsi, et contrai-rement à une idée répandue, àpartir de janvier, les seconds toursont toujours indiqué le rapport deforce global : serré et incertain,comme en 1981 et en 2002 ; clai-rement à l’avantage d’un camp

ou d’un candidat, comme en 1988,1995 et même en 2007. Cela neveut certainement pas dire queles choses sont « pliées », car unecampagne réserve toujours son lotde surprises, d’incertitudes et dedéplacements. Mais cela signi-fie que tout n’est pas non pluspossible, qu’il existe des facteurslourds, que ces facteurs pèsent,qu’il est envisageable de les atté-nuer mais beaucoup plus compli-qué de les inverser.Le deuxième intérêt de ces secondstours est précisément d’identifierles matrices de reports qui sontà l’œuvre. Or ces matrices nousdisent aussi l’état d’esprit desFrançais. La difficulté, par exemple,de Nicolas Sarkozy à reconquérirune partie de l’électorat FN en ditlong sur la déception de ces élec-teurs, voire leur rancœur à sonégard. Les reports potentiels desélecteurs de François Bayrou ausecond tour devraient aussi tem-pérer les constructions intellec-tuelles de certains commentateursou stratèges : « se positionnerdavantage au centre-droit pourdevenir ainsi une alternativede droite à Nicolas Sarkozy et

s’installer au second tour face àFrançois Hollande » est sur lepapier très joli ; dans la réalité,c’est faire fi d’un tropisme qui,on l’a vu, pousse une majorité re-lative de ces électeurs vers FrançoisHollande. Que feraient ces per-sonnes si le candidat du MoDemjouait une carte plus à droite ?

La sociologie

des électorats

Le troisième intérêt, enfin, de cesseconds tours est de permettreune lecture précise de la socio-logie des électorats et de créer uneffet de loupe sur les forces et lesfaiblesses de François Hollandeet de Nicolas Sarkozy. Aujour-d’hui par exemple, le chef de l’Étatest minoritaire dans toutes lescatégories de la population, saufchez les artisans / commerçants /chefs d’entreprise et les plus de60 ans, voire 65 ans. Il est éga-lement extrêmement faible dansles milieux populaires qui avaientcontribué de manière importanteà son succès en 2007. C’est direla difficulté non pas d’un rééqui-librage possible et même trèsprobable des mesures actuellesmais d’une inversion complète.Février et peut-être l’annonce decandidature de Nicolas Sarkozynous permettront d’en savoirplus dans ce qui constitue desséquences à suivre et à analyseren permanence.

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Analyse

D’un tour à l’autreÀ trois mois du 6 mai, tous les sondages annoncent un second tour très favorable à François Hollande.Des prévisions qui peuvent être démenties dans les urnes mais qui méritent d’ores et déjà uneexplication : comment la gauche, largement minoritaire au premier tour, peut dépasser le seuilde la majorité et permettre au candidat socialiste de l’emporter aisément quinze jours plus tard ?Par Brice Teinturier

François Bayrou. Son électorat reste volatil et imprévisible.PHOTO FRED DUFOUR/AFP

Marine Le Pen. Les reports de voix du Front national pourraientêtre défavorables à Nicolas Sarkozy. PHOTO SÉBASTIEN BOZON/AFP

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Ce fut la surprise de lasemaine ! Soixante et onzedéputés, issus de l’UMP (51),

du PS (15), du Nouveau Centre (2)ou non inscrits (3), ont déposémardi dernier un recours auprès duConseil constitutionnel pour qu’ilse prononce sur la constitutionna-lité de la loi pénalisant la négationdu génocide arménien, définitive-ment adoptée par le Parlement le23 janvier. Le recours des députésa été joint, auConseil constitution-nel, à celui de 77 sénateurs de tousbords, qui avaient engagé de leurcôté la même démarche. Un coupde théâtre qui a provoqué la fureurdu président de la République.« Cela neme rend pas service, a pestéNicolas Sarkozy devant les parle-mentaires de lamajorité, alors qu’illes recevait à l’Élysée. Imaginez qu’onsoit censuré en pleine campagne ! »Depuis, les initiateurs du recours– JacquesMyard (UMP, Yvelines) etMichel Diefenbacher (UMP, Lot-et-Garonne ; président du grouped’amitié France-Turquie à l’Assem-blée) – se font discrets, évitant d’enrajouter. Les autres, qui n’ont pas euà essuyer la mauvaise humeur duPrésident, assument pleinementd’avoir déféré aux juges de la ruede Montpensier un texte porté parl’une de leurs collègues, ValérieBoyer (UMP,Bouches-du-Rhône), etsoutenu par le Gouvernement – sil’onmet de côté les réserves d’AlainJuppé et de Bruno Le Maire et lesabsences remarquées du garde desSceaux, Michel Mercier. « Le prési-dent de la République dit ce qu’il veut,il est dans son rôle, réagit Philippe

Vigier (NouveauCentre), signatairedu recours.Mais le rôle du Parlementn’est pas de légiférer sur l’Histoire nide voter des lois pour faire plaisir à telleou telle communauté. » « Ce recoursn’est pas undésaveu duGouvernement,estime Laure de La Raudière (UMP,Eure-et-Loir), également signataire.Ce sont des députés de droite et degauche qui mettent en avant leursconvictions. Moi, je suis ingénieur destélécoms, pas historienne, je n’ai pasà légiférer sur l’Histoire. » « Ce recoursn’est en rien dirigé contre l’exécutif,approuve Yves Jégo (UMP, Seine-et-Marne), un autre signataire. J’aitoujours milité contre les lois mémo-rielles, qui sont une dérive de la fonc-tion parlementaire. Cela étant, Nico-las Sarkozy a raison, ce débat a prisune tournure qui ne facilite la tâche depersonne. » «Nicolas Sarkozy a fait despromesses aux Arméniens sans en dis-cuter avec sa propremajorité, observeChristian Bataille (PS, Nord ; vice-présidentdugrouped’amitié France-Turquie). Il l’a un peu traitée par-dessus la jambe. C’est sans doute uneleçon à retenir pour le prochain Prési-dent. » Oubliant de préciser queFrançois Hollande a fait la mêmepromesse aux Arméniens, sans da-vantage endébattre avec les députésde l’opposition.« Cette saisinen’a riend’incongru, à partir du moment où laConstitution a donné la possibilité auxparlementaires de saisir le Conseilconstitutionnel lorsqu’il y a un doute »,souligne René Couanau (Ille-et-Vilaine, non-inscrit).Et le doute est effectivement là,abondamment souligné durant lesdébats dans l’hémicycle par les

opposants au texte. La loi, qui pré-voit un an de prison et 45 000 eurosd’amende en cas de contestationou de minimisation outrancièred’un génocide reconnu par la loifrançaise, serait d’abord en contra-diction avec le principe de légali-té des délits et des peines. Enl’absence de décision de justice re-connaissant le génocide arménienet condamnant ses auteurs, sa re-connaissance par la loi pourraitêtre considérée comme arbitraire.Car là où la loi Gayssot sur la re-connaissance du génocide des Juifspendant la Seconde Guerre mon-diale et la sanction de sa négations’appuie sur des faits reconnuspar une convention internationalequi reprend les conclusions du tri-bunal de Nuremberg, la loi Boyern’est adossée à aucune décisionde justice. Elle ne respecterait pas,en outre, le principe de la libertéd’opinion et d’expression ni leprincipe de liberté de recherche. Lerisque d’inconstitutionnalité estdonc élevé. Et rien n’empêche lessages de la rue de Montpensier dese saisir de la loi du 29 janvier 2001,qui reconnaît le génocide armé-nien, afin de juger de sa constitu-tionnalité. Certains signataires durecours n’excluent pas que tout ledispositif législatif s’écroule !« Cela m’attriste, car c’est une épreuvede plus dans un parcours déjà longet difficile », confie Valérie Boyer.Pour l’auteur de la proposition deloi, « si le Conseil constitutionnel s’en-gage sur cette voie et censure aussi laloi de 2001 sur le génocide arménien, ily aura une QPC [question prioritaire

de constitutionnalité, ndlr] sur la loiGayssot, et on n’en aura pas fini ». Laboîte de Pandore des lois mémo-rielles, en quelque sorte, serait ou-verte. « Pourtant, aujourd’hui, sans laloi Gayssot, on ne pourrait pas appren-dre la Shoah à l’école », estime-t-elle.L’élue de Marseille, qui vit toujourssous protection policière depuisqu’elle a reçu des menaces, fin dé-cembre, dénonce les pressions des« autorités turques » sur les députésfrançais. « Nous avons été contactéspar les autorités turques avant, pendantet après le vote, relate-t-elle. Ils nousdisaient ce qu’on devait faire, nousfournissaient des analyses juridiquesclés en main. C’est très choquant. »Que la Turquie demande aujour-d’hui au Conseil constitutionneld’annuler le texte est à ses yeux«un acte d’ingérence » inadmissible.« Quand Coca Cola a menacé de fer-mer son usine des Bouches-du-Rhônepour protester contre la taxe sur lessodas, tout lemonde a trouvé cela anor-mal. Et là, personne ne dit rien ! » s’in-digne-t-elle. Si elle assure avoir reçu« beaucoup de courriers de lobbyistessur toutes sortes de sujets, jamais au-paravant une autorité étrangère nem’avait écrit pourme dire quoi voter ! »Si le texte était annulé par leConseil constitutionnel (il a unmois pour statuer), Nicolas Sarkozya déjà prévenu, en conseil des mi-nistresmercredi dernier, qu’il dépo-serait « tout de suite » un nouveautexte pénalisant la négation dugénocide arménien. Un nouveautexte dont le sort serait alors liéau résultat de la présidentielle etdes législatives de 2012.

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Plan largeAux Quatre Colonnes

Avant le 22 février, avec une céléritédont il faut louer la sagesse, le Conseilconstitutionnel répondra à la ques-tion posée par Mme Le Pen : le faitque les parrains des candidats soientidentifiables est-il de nature à porteratteinte à l’article 4 de la Constitu-tion, qui garantit la participationéquitable des partis et groupementspolitiques à la vie démocratiquede la Nation ? En attendant l’oraclede la rue de Montpensier, quelquesremarques et interrogations : si cer-tains « petits » candidats ont leurs500 signatures, doit-on dès lorsremettre une règle en cause simple-ment parce que Mme Le Pen dit nepas les avoir ? Aurait-elle donc unelégitimité supérieure à concourir ? Larègle constitutionnelle pourrait-ellefinalement dépendre de l’opinion oumême de l’intention, sans faire denotre République l’otage des institutsde sondage ? À ce compte, pourquoine pas faire varier le nombre deparrains requis en fonction des in-tentions de vote ou décider qu’enfonction de la situation politiquel’anonymat s’imposera ou pas !Notre système pourrait-il vraimentpar ailleurs s’être accommodé depuistrente-cinq ans d’une règle antidé-mocratique ? Et la véritable perver-sion n’est-elle pas dans la tentationde vouloir adapter un système à uneconjoncture ? Comme le font, pardes changements de règlement dis-cutables sur le principe, les majoritésau Sénat ou à l’Assemblée dès lorsqu’il s’agit de faciliter la formationd’un groupe parlementaire allié. Parailleurs, il est arrivé dans le passéau FN d’avoir ses signatures ou dene pas les avoir et notre systèmedémocratique semble y avoir survé-cu. En fait, la vraie question n’est-ellepas autre ? Dans la volonté souventrespectable d’élus d’une Franceprofonde et profondément sage deconserver leur tranquille neutralité,seule à même de les préserver despolémiques et de maintenir la cohé-sion d’une communauté qu’ils ad-ministrent souvent avec abnégation.Le délit de mauvaise signature, ilsont parfois déjà donné, et payé. Etpuis, après tout, il est permis depréférer un refus exprimé à une ac-ceptation anonyme… L’anonymat,souvent synonyme de honte, saufquand il est garanti pour empêcherla discrimination, à l’égard de Fran-çais d’origine étrangère par exemple.On n’imaginait pas forcément leFront national un jour demanderl’anonymat de Français pour quesa candidate puisse accoucher de sacandidature… sous X.

L’opinionde Marc Tronchot

DR

Pomme de discordeMalgré la fureur deNicolasSarkozy, les députésde l’UMPqui ont signéavecdesparlementairesdegauche le recours contre la loi sur legénocidearménienassumentleurs convictions. Et ils les défendenthaut et fort dans les couloirs de l’Assemblée.Par Nathalie Segaunes

Non, il ne s’agissait pas defigurants ! Unpeu, quandmême. Le 2 février, en vi-

site dans l’Essonne, où il a ma-nifesté sa parfaite connaissancedu coulage du béton par tempé-rature inférieure à zéro degré, Ni-colas Sarkozy a croisé beaucoupplus d’ouvriers qu’il n’en travaillehabituellement sur ce chantier.Allez, l’entrepreneur a voulu bienfaire, pour donner le moral auPrésident. Qui en aurait bien

besoin, selon certaines rumeursqui le disaient déprimé. L’inté-ressé a démenti devant les parle-mentaires de la majorité : « Je suisle suicidaire le plus en forme deFrance ! » a-t-il lancé à l’Élysée.On respire.Aux mêmes parlementaires quipiaffent de le voir entrer en cam-pagne et ont surtout une peurbleue d’une éventuelle défaiteaux élections législatives de juin,le président de la République a

demandé de pratiquer une rudevertu : la patience. Pas facile,quand François Hollande cara-cole en tête dans les sondages,qui le donnent tous élu. Mêmeses mésaventures lui profitent :ainsi cette image du candidatsocialiste recouvert de farine lejour de la Chandeleur lui a-t-elleoffert un brevet de parfait sang-froid. Et sa compagne a confié surTwitter qu’elle avait renoncé àfaire des crêpes.

Nicolas Sarkozy a enfin glissé unsecret aux députés et sénateursde l’UMP, qui rêvent de le voiren découdre au plus vite avecle candidat du PS : « Parfois,l’attente fait monter le désir. »C’est beau comme le récit du re-nard expliquant au Petit Princequ’il faut lui laisser le temps de« s’habiller le cœur ». Le Prési-dent doit être en train de lireSaint-Ex.

Les mots de la semaine Par Béatrice Houchard

Figurants, patience, farine, désir

Candidaturesous X

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La députée UMP ValérieRosso-Debord a été initiée àTwitter par ses pairs Lionel

Tardy et Laure de La Raudière.C’était en septembre dernier, lorsd’une séance de nuit à l’Assembléenationale. L’élue de Meurthe-et-Moselle venait tout juste d’ache-ter un iPad. Ce jour-là, elle pianotesur son écran le message de 140signes suivant : « #Jeudiconfession :les hommes de moins de 40 ans quiportent des mocassins à glands sontringards. » Le tweet rencontre unvrai succès. Il est repris par plusde soixante personnes. Depuis cejour, la déléguée générale adjointede l’UMP chargée du projet s’est pi-quée au jeu. Sur le mode ludiqueou plus sérieux, elle tweete jusqu’àplus de dix fois par jour pour lebonheur de plus de 3 000 fans etde l’UMP. « C’est une façon d’affir-mer ses convictions », analyse-t-elle.Pour la campagne législative, elleentend utiliser son compte demicroblogage, mais aussi Face-book. « On ne peut plus se passerdes réseaux sociaux, confesse-t-elle.Les gens qui veulent me suivre surle terrain pendant la campagne lepourront. » Valérie Rosso-Debordn’est pas la seule à développer sae-communication. Souvent réfrac-taires à l’origine, de plus en plusde députés prennent aujourd’huila mesure des possibilités ouvertespar la communication numérique.Mais ils n’ont pas encore atteintle niveau de performance de leurshomologues américains en la ma-tière. ArnaudDassier, ex-monsieurInternet de l’UMP en 2007, a essayé(sans succès) de commercialiser àplusieurs députés des architecturesde site à l’américaine. « Les élusn’ont pas saisi la puissance des outilsmis à leur disposition. Leurs sites ontencore des allures de plaquette. »Maisl’envie de progresser existe bel etbien.

Les subtilités de TwitterOlivier Carré, député UMP du Loi-ret, a pris du temps pour com-prendre les subtilités de Twitter,mais il s’y est mis avec conviction.« Ce vecteur de communication,certes encore confidentiel, appartientdésormais à la panoplie des outilsdémocratiques. Cela ne va pas rem-placer le terrain, mais cela s’ajouteaux autres médias, surtout auprès

des jeunes. » Le secrétaire nationalchargé de la Stratégie économiqueà l’UMP apprécie aussi Facebook.« C’est une bonne fenêtre d’échangesavec les trentenaires. À cette périodede la vie, on n’a pas le temps d’assis-ter à des réunions publiques mais onprend dix minutes pour naviguer surdes sites ou des pages Facebook. »Pour le député Nouveau Centredu Lot-et-Garonne, Jean Dionisdu Séjour, le Web fait inéluctable-ment partie de la stratégie globaled’une campagne électorale. « Maispour être efficace, il faut avoir rôdéson système pendant son mandat. »Depuis plusieurs années, le par-rain du club parlementaire duNumérique n’y coupe pas. Tousles dimanches, vers 21 heures, augrand dam de son entourage, lemaire d’Agen s’assoit devant sonordinateur pour écrire un post surson blog. Le reste de la semaine, ilmanie Twitter.

Liberté de tonLe député Yannick Favennec a ga-gné sa notoriété grâce à quelquestweets bien sentis et divulguéspendant la polémique sur les ra-dars. Le député UMP de Mayennedit y exprimer sa liberté de ton etse révéler tel qu’il est. Pas ques-tion pour lui d’adopter des excèsde langage, à la manière de laministre Nadine Morano. « Celapeut occasionner des dégâts auprèsd’un électorat modéré », juge-t-il.Pour sa troisième campagne, ilcontinuera sur sa lancée. Mais ilreste lucide sur la portée de soncompte Twitter dans sa circons-cription. « Il est plus difficile defaire du buzz à l’échelon local quenational, constate-t-il. Un raisonne-ment valable à quelques exceptionsprès : si un député UMP annonceson ralliement à François Bayrou,là, il y aura sûrement une caissede résonance. »Comme Yannick Favennec, Lio-nel Tardy est devenu rapidementune star sur la twittosphère. Onlui doit notamment d’avoir trans-gressé le huis clos des auditionsà l’Assemblée nationale par sestweets. Grâce à sa communicationsur le Net, le député UMP deHaute-Savoie a aussi remporté lamise en 2007. À l’époque, il s’étaitprésenté sous l’étiquette diversdroite. Bénéficiant de moyens

financiers moindres que le can-didat officiel de l’UMP BernardBosson, ce fanatique de la Toilea fait du « Web-terrain ». « J’aipu atteindre des personnes qui habi-taient dans des immeubles inacces-sibles à des tracts », constate l’élu deHaute-Savoie. Pour cette nouvelleéchéance, il souhaite employerla même méthode gagnante. Ilenverra sa newsletter à 15 000personnes, alimentera sa page Fa-cebook et tweetera de son compte(lequel est suivi par plus de11 000 personnes). « Je n’ai plusbesoin ni de contacter l’AFP ni dedescendre dans la salle des Quatre-Colonnes pour faire passer un mes-sage, explique-t-il. Le réseau Twitterpermet avant tout de sensibiliser lesleaders d’opinion. Les journalistes lo-caux qui me suivent sont ainsi pré-venus de mes faits et gestes, et demes prises de position. »

La quatrième permanenceÀ l’instar de Lionel Tardy, Laure deLa Raudière fait partie du cerclerestreint des élus à développerune stratégie Web élaborée. L’élued’Eure-et-Loir, qui considère lesréseaux sociaux comme « sa qua-trième permanence », sait jouer desdifférentes plates-formes numé-riques. « Twitter est davantage uninstrument d’influence sur des sujetsqu’on travaille au fond qu’un outilde proximité, analyse-t-elle. Ilpermet aussi d’évaluer le moral denos adversaires. Pour ma campagnelégislative, je vais davantage me re-poser sur mon site et sur Facebook.Sur le premier, je relaie des infor-mations. Sur le second, je partagedes outils de mobilisation avec lesmilitants. » L’ancienne cadre deFrance Telecom ne prend pas lagestion de son site à la légère.« Quand les gens cherchent des

informations sur votre action, ilsdoivent pouvoir les trouver. Il fautêtre carré. » En septembre dernier,la-raudière.com s’est transforméen forum d’échanges, à propos dudossier Valeo. Installé à Nogent-le-Rotrou, l’équipementier auto-mobile acceptait d’investir sur lesite de production s’il pouvaitmodifier l’organisation du tempsde travail dans l’entreprise. En casde refus des salariés, il délocalisaitses activités en Hongrie. Sur sonsite Internet, Laure de La Raudièrea clairement soutenu la positionde la direction. Cela a généréplus de 60 commentaires. « J’aibeaucoup ennuyé les syndicats, maiscela a contribué à faire bouger leslignes », indique la députée. Lepersonnel a voté finalement enfaveur de l’aménagement du tempsde travail. Et des emplois ont étésauvés.

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Plan large

Je tweete, tu tweetes, ils tweetentPrès du quart des députés utilisent régulièrement Twitter, lamoitié ont une page Facebooket 80%tiennent un blog. Sur Twitter, les plus actifs sont François Hollande, François Bayrou,ArnaudMontebourg, Jean-François Copé et Jean-Louis Borloo. Et la plupart des candidatsaux législatives entendent désormais faire autant campagne sur le Net que sur lesmarchés.

Par Pascale Tournier

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8 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 434, MERCREDI 8 FÉVRIER 2012

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ParMichèleCotta

Cahiersdecampagne

Mardi31 janvierLes vœux de Nicolas Sarkozy à lapresse, les derniers de la longuesérie qui se décline chaque annéeà l’Élysée depuis le 2 janvier, ontété décalés. Ils devaient avoir lieule matin, ils ont été repoussés sansraison apparente à 17 heures. Nico-las Sarkozy l’avoue sans détour :il a hésité avant de procéder à latraditionnelle rencontre avec lesjournalistes. Puis il a tranché : dansle « très vieux couple » que formentla presse et la politique, c’eût été,après plusieurs décennies, une rup-ture des relations diplomatiquesentre les médias et la Présidence.De cela, il n’a pas voulu.Suit un monologue dit sur un tonaigre-doux, sourire un peu crispéaux lèvres : il ne leurmâche pas sesmots, à ces journalistes qui publientautant de livres qui lui sont hostiles,autant, souligne-t-il, qu’il ne sortchaque année en France de nou-veaux romans. Il s’est donné dumalpour les séduire, sans succès, il lereconnaît. Et puis il y a renoncé :désormais, il essaiera de continuerà surprendre ces journaleux quiévoquent son échec à longueur decolonnes, à « déjouer, dit-il, vos com-mentaires, et parfois, vos pronostics ».Oui, curieux vœux ! La presse estcontre lui ? Il fera avec, ou plutôtsans elle. Et il gagnera, laissant en-tendre que, à ce moment-là seu-lement, elle lui reviendra, docile,après son succès.Il n’empêche : derrière l’ironiemor-dante, on sent la blessure. NicolasSarkozy se sent, à tort ou à raison,malmené par les médias et spécia-lement par la presse écrite – alorsque l’aide du Gouvernement,souligne-t-il au passage, a été de580 millions d’euros en 2011. Ilse sent surtout mal aimé par ceuxqui donnent, jour après jour, uneimage de lui qu’il ne reconnaît pas.

Mercredi 1er févrierFrançois Bayrou, qui fait connaîtreson programme ce matin, essaied’équilibrer ses coups entre Fran-çois Hollande et Nicolas Sarkozy. Iltrouve le programme du premierinapplicable et celui du secondincohérent. Il propose 50milliardsde recettes nouvelles et 50milliards

de réduction des dépenses. Les re-cettes, il les énumère : niches fis-cales, augmentation modique dela TVA, création de deux nouvellestranches d’impôts pour les hautsrevenus. Une mesure nouvelle : lasuppression des charges pendantdeux ans pour les entreprises demoins de 50 salariés pour l’em-bauche en CDI d’un jeune ou d’unchômeur.En ce qui concerne les coupes dansles dépenses, sur lesquelles il a, il estvrai, attiré le premier l’attention,dès 2007, elles seront assurées parla maîtrise des dépenses, en euroscourants. « Cela doit suffire », as-sure, proche de lui, un conseilleréconomique, ancien banquier, venude la gauche.En réalité, pour François Bayrouaussi rien n’est aussi rose qu’il lesouhaitait. Si le candidat centristea décollé rapidement dès sa décla-ration de candidature, il reste quedeux sondages, coup sur coup,viennent demontrer sa stagnation,sinon une légère chute. C’est quele mécanisme de la bipolarisation,une fois de plus, risque de se refer-mer sur lui : Sarkozy et Hollandeoccupent, depuis plus d’une se-maine, les antennes : le Bourget,une émission sur France 2 pour leleader socialiste ; une émission dif-fusée sur neuf chaînes simultané-ment pour le candidat « présumé »de l’UMP. Difficile pour FrançoisBayrou de faire entendre sa voix.On apprend aujourd’hui pourquoila cérémonie des vœux à la pressea été décalée : en proie apparem-ment au doute, un groupe de par-lementaires a été convoqué par lePrésident à l’Élysée. Qu’ils n’aientpas peur, qu’ils semobilisent au lieude s’interroger dans les couloirs del’Assemblée nationale, qu’ils ne selivrent pas à « un concours Lépined’initiatives individuelles », et, foide Président, ils retrouveront leurPrésident pour un second quin-quennat. Et leurs circonscriptions,du même coup.Troisième événement de la jour-née : Jean-Pierre Chevènementrenonce à sa candidature. Pasuniquement parce qu’il craint, lessondages en font foi, de ne paspouvoir, à l’issue de la campagne,

être en mesure de rembourser sesfrais de campagne.Mais aussi, parceque, cela se sait moins, il entretientdepuis toujours, malgré leurs diver-gences sur l’Europe, de très bonsrapports avec François Hollande.Pour une fois, le sénateur de Belforta choisi la sagesse. Il est plus fidèleà ses amis politiques en se retirantqu’en persistant : ceux d’entre euxqui souhaitent être réélus aurontbesoin des socialistes s’ils veulentne pas être balayés. Un rapproche-ment avec Hollande est, pour euxtous, un soulagement.

Jeudi 2 févrierDébat François Fillon – MartineAubry sur France 2 : un modèle dugenre. Confronté à celle qui luisuccédera peut-être, en cas de dé-faite, le Premier ministre garde sonsourire angélique, et une exquisecourtoisie. La maire de Lille aussi.D’autant qu’elle apparaît très àl’aise dans ce débat économiqueet social, parfois trop sévère, maisnécessaire à la compréhension desarguments des futurs candidats. Ilest vrai que, lorsqueMartine Aubrydit, lorsque son vis-à-vis évoquetelle ou telle question sociale :« C’est un problème que je connaistrès bien », elle est suffisammentcrédible pour qu’on ne lui cherchepas noise, et qu’on n’essaie pasde l’enfermer dans de supposéescontradictions. François Fillon nes’y risque pas, tout en critiquantpied à pied les propositions ducandidat socialiste.On ne peut rien dire d’autre de cedébat, parfois austère, qu’il est par-faitement républicain, c’est-à-direferme sur le fond et respectueux desarguments de l’autre.

Vendredi 3 févrierBluff ou vérité, Marine Le Pen seplaint de ne pouvoir recueillir les500 parrainages d’élus nécessairesà sa candidature. Son père, dans letemps, a si souvent crié au loupqu’on ne la croit guère. Pourtant,c’est un fait : la loi de 1976 quioblige à la publication des nomsdes éventuels parrains est, pourelle, un obstacle de taille, les élussignataires recevant parfois desvolées de bois vert lorsque leur

conseil municipal apprend qu’ilsont donné leur parrainage au Frontnational. Voilà pourquoiMarine LePen a demandé qu’on en revienneà l’anonymat. La candidate Frontnational a saisi le Conseil d’Étatsur le sujet, lequel, estimant qu’ilpouvait y avoir là un problèmede constitutionnalité, a transmisl’affaire au Conseil constitutionnel.Réponse de Jean-Louis Debré et deses sages avant trois mois.Marine Le Pen pourrait-elle ne pasêtre candidate ? Voilà qui chan-gerait bigrement les choses. Lescrutin présidentiel pourrait-ilainsi « zapper » la candidate FN ?

S’agirait-il dans ce cas d’un dénidémocratique ? Et quelles consé-quences sur les scores des autrescandidats ? Voilà peut-être la sur-prise de ce combat où, commel’avait dit Dominique de Villepin,tout est possible.

Dimanche5 févrierÉvidemment, la coïncidence esttroublante : le jour même où unsondage, publié par Le JDD, jugeégales les chances de Nicolas Sar-kozy et de François Hollande dansle cas où Marine Le Pen n’auraitpas les 500 signatures nécessaires– 33 % tous les deux, au premiertour –, Claude Guéant s’avancesur un terrain réservé à l’extrêmedroite et suscite une nouvelle foisla polémique. « Toutes les civilisa-

tions, dit-il, toutes les pratiques,toutes les cultures au regard de nosprincipes républicains, ne se valentpas. » Le mot « civilisation » estmal venu, car il évoque ce chocdes civilisations dont George Bushs’était fait le chantre. Avec tout ceque cela implique de sentimentde supériorité de l’Occident surles autres, individus ou pays. Làn’est pas le plus important. Lefait est que les propos de Guéantne visent pas à comparer, commele ferait un donneur de leçons oude conférences, la civilisation ro-maine à la civilisation grecque,mais à montrer du doigt, et de

façon précise, l’islam. L’islam quivoile les femmes et porte atteinteau principe de laïcité. Les objec-tifs du ministre de l’Intérieur,dont c’est décidément le rôleessentiel, sont doubles, évidem-ment. D’abord jouer du violonaux oreilles des électeurs fron-tistes, qui se retrouvent dans sonvocabulaire. Et, au passage, mon-trer que la majorité est le meilleurgarant de la laïcité, une pierredans le jardin socialiste.La polémique enfle toute la jour-née. Soutien massif de l’UMP – àl’exception des réserves formuléessur BFM par Alain Juppé, qui con-teste le choix du mot civilisation.Irritation au sein du PS, où l’attaquesur le terrain de la laïcité paraîtgrossièrement électoraliste.

Michèle Cotta vient de se voir décerner une mention spéciale lors de la 21e journée du livre politiquepour la publication des quatre tomes des Cahiers secrets de la Ve République. C’est un jury composéde parlementaires et de journalistes qui a choisi de couronner une œuvre rassemblant plusieursmilliers de notes inédites sur l’histoire politique de ces cinquante dernières années. Michèle Cottacontinue, chaque semaine dans l’Hémicycle, d’écrire ses cahiers de campagne.

Claude Guéant.Undoubleobjectif pour leministrede l’Intérieur :jouerduviolonauxoreillesdesélecteurs frontistesetmontrer quelamajorité est lemeilleur garantde la laïcité. PHOTO MIGUEL MEDINA/AFP

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Jean-Pierre Bel n’est pas avarede références qui l’ont mar-qué au rouge, lui qui naquit

en 1951 dans une famille commu-niste. S’il n’a jamais adhéré au PCde ses parents, ses admirations onttoujours penché à gauche. Il puisedans un réservoir où voisinent Jau-rès et le Che – dont il soutient qu’il

fut international argentin de rugbybienque souffrant d’asthme –, AiméCésaire et le combattant catalanet anti-franquiste Salvador PuigAntich, FrançoisMitterrandpour laculture et JeanMoulin pour le cou-rage. Sans oublier tous les hommesde sa famille, oncles et père, quis’engagèrent dans la Résistance. CeToulousain, grandi en politique enAriège, procède par petites touchesprécises pour approcher son sujet.« Si j’avais préparé… », regrette-t-il.Mais la spontanéité va comme ungant à l’ancienmaire de Lavelanet,aujourd’hui premier présidentsocialiste à la tête du Sénat. « Le pro-fesseur Maurice Duverger disait quela Chambre haute avait vocation àla modération. J’espère que je ne suispas devenu un modéré », lance-t-ilavec son accent coloré du grandSud-Ouest. « Je suis nuancé, c’estdifférent. Je veux avoir des jugementséquilibrés qui prennent en compte despoints de vue antagonistes. »

NuanceAinsi rend-il à Césaire ce qu’il doità Césaire. Élevé dans une visionbinaire des choses, dit Jean-PierreBel, « j’ai évolué grâce à tous ceuxqui m’ont apporté la nuance ». Et sursa palette, le plus beau nuancier

lui vient de feu le poète de lanégritude, qu’il rencontra jadisen sa mairie de Fort-de-France, encompagnie de Louis Le Pensec.« Nous parlions à bâtons rompus desBalkans, de la guerre en Serbie, duKosovo. Et soudain, se souvient-il,il s’était mis à déclamer des poèmesen serbe ! J’avais été frappé par

l’étendue de sa culture, par sa lar-gesse de vue. Il était capable des’échapper des sentiers battus pourdéployer une vision universelle, avecun sens profond de la nuance, loinjustement des jugements manichéens.C’est ainsi qu’il évoquait à sa ma-nière les antagonismes de races et declasses, les liens maître-esclave. Sondiscours était saisissant ».Mais le plus proche de Jean-PierreBel, par son histoire comme par sagéographie, c’est à l’évidence JeanJaurès, qu’il dispute à Jean-LucMélenchon. Comme le candidatdu Front de gauche, il possède – enAriège – une gravure du célèbretableau montrant Jaurès, au Pré-Saint-Gervais, pendant son dis-cours pacifiste de 1913. Si sonJaurès n’est pas forcément plus ex-citant que celui de Mélenchon, ilest à l’évidence plus occitan…« Les gens de chez nous l’appellent“notre Janou” », observe le présidentdu Sénat, farouche défenseur deslangues et cultures régionales, paropposition à « Jean-Luc ». Et derappeler que Jaurès a parlé et écriten occitan. Dans une époqueoù les « hussards noirs de laRépublique », les instituteurs,éreintaient de leur jacobinismel’expression vivace d’une identité

locale fortement enracinée.« L’occitan, ce n’est pas du patois »,insiste notre hôte.

Une longue histoireJaurès, dans le parcours de Jean-Pierre Bel, c’est une longue his-toire qui plonge profond dans laterre de ses ancêtres. « Il m’a rattra-pé », confie-t-il avec une certaineémotion, rappelant qu’à la mort deson père il ne fit pas trente mètresdans le cimetière d’Albi pour tom-ber non pas sur les restes de Jau-rès, glorifiés au Panthéon, maissur la nécropole élevée en la mé-moire du grand homme. « L’épi-cière qui faisait crédit aux grévistesde la verrerie de Carmaux était unebisaïeule. Elle fit faillite et, bienqu’elle fut illettrée, elle monta à

Paris pour devenir sage-femme. Ellerevint pour fonder la maternité pu-blique d’Albi. »À la trentaine révolue, après unejeunesse radicale nourrie de trots-kisme romantique mâtiné deguesdisme paternel, le futur élu del’Ariège lut Jaurès dont il admiral’ouverture d’esprit. « Il avait ungrand respect de la religion. On luireprocha même la communion de safille. Il salua aussi le rôle des chefsd’entreprise dans la société, valorisaleur mission. Il créa aussi la premièrecoopérative ouvrière d’Albi, dont leprésident, un nommé Aucouturier,appartenait à ma famille. »

ClairvoyanceD’un point de vue politique, le pré-sident du Sénat reste impressionné

par la clairvoyance voire la pres-cience de Jaurès : « On a l’impres-sion qu’il a vu et vécu avant l’heureles dérives puis l’échec du marxismeen URSS, et aussi la chute du murde Berlin. Il a anticipé sur la périodeoù plusieurs générations ont étéaveuglées par la doctrine de la dic-tature du prolétariat. C’était un so-cialiste. Il n’a jamais cru à ladomination d’une classe sur uneautre. Il croyait plus à la régulationdu marché qu’à l’économie admi-nistrée. Il défendait le rôle du parle-ment, des partis politiques. »

Jaurès, toujours vivantPuis vient à ses yeux le Jaurès detous les jours, celui qui imprégnasa vie d’élève, de la 6e à la 1re,au lycée… Jean-Jaurès de Castres.Avant que, devenu maire de Lave-lanet, il inaugure pendant près dequinze ans une pratique popu-laire : écrire et prononcer devantses concitoyens un discours surJaurès, sa vie, son œuvre, sonaction, sa pensée, sa mort tra-gique… « Il parle toujours au mondeouvrier d’aujourd’hui, affirmeM. Bel.Quand j’évoque son souvenir, les gensmodestes comprennent que ce person-nage s’est soucié d’eux. »Son premier engagement militantfut au côté des victimes du fran-quisme. C’est pourquoi il resteparticulièrement sensible au gestede ces républicains espagnols quidébarquèrent un jour sur la petiteîle d’Ibiza, où s’était réfugié l’assas-sin de Jaurès, Raoul Villain, et lesupprimèrent. Après la guerre de14, l’homme avait été acquitté etla femme de Jaurès « condamnéeaux dépens », sommée de payerles frais de cette drôle de justice.Il fallut le courage de ces fidèlesvenus d’outre-Pyrénées pour quejustice soit faite…Sourire aux lèvres, Jean-Pierre Belévoque encore cette statue deJaurès à Lavelanet, « une desquatorze officielles », précise-t-il,autour de laquelle a toujourstourné la vie démocratique. « Ellea été peinte en rouge par les uns, envert par les autres, elle a été honorée,déplacée. C’est le signe que Jaurèsest vivant », conclut-il. On le croitsur parole.

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L’admiroir

Jean-Pierre Bel, la statue deJaurès, les nuances de CésairePar Éric Fottorino

Le président du Sénat a quitté les rives communistes familiales pour emprunter les cheminssocialistes tracés par Jaurès, sonmentor.Mais il a découvert avec Césaire la nuance et le refusde tous les sectarismes. Une ligne de conduite qu’il s’impose à la tête de laHaute Assemblée.

ALAINJOCA

RD/AFP

«JAURÈS N’A JAMAIS CRUÀ LA DOMINATION D’UNE

CLASSE SUR UNE AUTRE. C’ÉTAITUN SOCIALISTE : IL CROYAITPLUS À LA RÉGULATION DUMARCHÉ QU’À L’ÉCONOMIEADMINISTRÉE »

Jean-Pierre Bel

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Éviter« leséléphantsblancs»Les grandes infrastructuressportives « intra-muros », au-delàde l’événement en lui-même, quipar définition est éphémère,doivent pleinement et durable-ment répondre aux enjeux de laville (adaptation au changementclimatique, demande de mobilitéet d’accessibilité, évolution desbesoins, etc.). Par ailleurs, ellesdoivent être aisément entretenuesdans un contexte économiqueet financier sous contraintebudgétaire.Selon John Barrow, architectedu cabinet Populous et auteurdu « master plan » du Parc Olym-pique, il est de la responsabilitéde l’ensemble des acteurs de la villede concevoir des « infrastructureshonnêtes », des infrastructurespensées d’abord pour les futursusagers, conçues comme des leviersde régénération du tissu urbainet à un coût raisonnable.Penser les infrastructures dans ladurée « permettra d’éviter les élé-phants blancs ». L’enjeu de la flexi-bilité des infrastructures, tant auniveau de leur conception quede leur exploitation, est central.Ainsi, à Londres, seules quatreinstallations construites resteronten l’état initial dans le Parc. Unepartie est construite de façonprovisoire, comme le terrain debasket qui sera reloué. Une autrepartie est à structure variable :ainsi, le Stade Olympique, conçupar le cabinet Populous, pourraaccueillir les 80 000 spectateurspour les cérémonies d’ouvertureet de clôture, puis reprendra sataille « à l’échelle du quartier »,accueillant 25 000 spectateursaprès les Jeux. De même la piscineolympique (the Aquatics), conçuepar l’architecte Zaha Hadid, re-pliera ses deux « ailes » après lesfestivités, permettant ainsi auxautorités d’être en mesure demaintenir cette infrastructure.Ce principe d’anticipation des usa-ges futurs dépasse les frontièresdu Grand Londres : au Qatar, en2022, six des douze stades qui

accueilleront les matchs de laCoupe duMonde de football serontdémontés après l’événement.

Développerun«terraind’expression»pouruneappropriationde l’ensembledescitoyensdeces infrastructuresPour Damien Rajot, DirecteurOpérationnel Stades chez VINCIConcessions, les grands stadessont amenés à devenir les « agorasdu XXIe siècle ». « L’enjeu est dedévelopper un territoire d’expres-sion autour des stades. » Les grandsrassemblements organisés dansces « arènes » répondent à unbesoin de cohésion sociale etfavorisent le rayonnement local.

Les stades ont aussi vocation às’affirmer comme des lieux de vieau quotidien : à l’heure dudéjeuner,sur les marches d’escalier du Stadede France, des activités sportives sontproposées aux riverains, qui peuventégalement participer chaque annéeà un grand pique-nique dans l’en-ceinte du stade. Autre initiative favo-risant l’appropriation du lieu par leshabitants : l’association Diambarsaccueille des jeunes collégiens etlycéens de Seine-Saint-Denis dansles locaux du Stade de France pourleur faire découvrir les différentsoutils multimédias utilisés par lesjournalistes sportifs.Souvent accompagnés de pro-grammes immobiliers et de sur-

faces commerciales, les stades ontun rôle de plus en plus structurantsur leur territoire, et offrentl’opportunité de lancer ou relancerde véritables dynamiques d’amé-nagement urbain. « Le Stade deFrance a créé plus de 25 000 emploisdepuis quatorze ans. La Cité duCinéma et Le Grand Paris vont luidonner un nouvel élan », indiqueDamien Rajot.

Optimiser lagouvernanceL’exemple londonienpermet d’illus-trer quatre enjeux clés pour unimpact durable des infrastructuressportives sur le territoire : rentabilitééconomique du projet, implicationdes communautés locales, éco-

conception des infrastructures grâceà l’intégration des métiers et exis-tence d’une structure de gouver-nance capable de faire le lien entreplanification, conception et gestiondu « legs ». Ce rôle est par exempletenu à Londres par l’Olympic ParkLegacy Company (OPLC), en colla-boration étroite avec l’OlympicDelivery Authority (ODA).Ainsi, l’Olympic Delivery Autho-rity, organisme public, gère ledéveloppement et la constructiondes nouveaux sites et infrastruc-tures pour les Jeux Olympiques.

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Expertise

«Looking for legacy*»«L’économiedu legs», c’est le concept défendu par les Londoniens pour concevoir lesinfrastructures sportives des JeuxOlympiques 2012, qui seront reconverties ou restituées à lacollectivité après cette XXXe olympiade. À l’heure où les grands événements sportifsmobilisentl’urbanisme et l’économie de nombreux pays à travers lemonde (Euro 2012 et 2016, CoupeduMonde 2014, 2018 et 2022, JO 2012 puis 2016), La Fabrique de la Cité, laboratoire d’idées,a réuni le 25 janvier dernier à Londres un panel d’acteurs de la ville pour explorer lesmodalitésde réalisation d’infrastructures sportives,moteurs de régénération urbaine.

Lesitedes JeuxOlympiques,à l’estdeLondres (EastEnd), était précédemmentunsitemal connecté. Les JOservirontde levier de régénérationurbaineet« replaceront l’estdeLondressur la carte», l’objectif étantqu’avec le centre commercial deStratford (à l’estduparc) et lesactivitésqui y serontdéveloppées, leQueenElizabethParkdevienneunpôled’attractivité.

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Phase 13000logementscréés,les infrastructurespourlesJOsontconstruites

Phase21500logementscréés :envert,unespacepublic«TheQueenElizabethPark»,enfuchsia, les infrastructuressonttransformées(démontées, réduites)

Phase37800logementscréés

Phase410000logementscréés

*«Quetransmettrons-nous?Telleestnotrequête.»

**LeParc…et sonenvironnement.

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Looking for legacy : forasustainable impactofmajor sports infrastructureSÉMINAIREDU25JANVIER2012LONDRES

KyraAppleby(1)Responsable Grands Comptes,CarbonDisclosure ProjectJohnBarrow(2)Architecte, Cabinet PopulousRichardBrown(3)Directeur de laStratégiede l’OlympicPark LegacyCompany (OPLC)Louis-RochBurgard(4)Directeur général, VINCI Concessions,membre du comité scientifiquede La Fabrique de la CitéYves-ThibaultdeSilguy(5)Vice-président du conseild’administration deVINCIet administrateur référentRemiDorval (6)Président, La Fabrique de la CitéKayHughes(7)Conseillère principale pour laConception des Infrastructures ausein de l’Olympic Delivery Authority(ODA)

Le public était constitué de 70 contributeurs : architectes,urbanistes, décideurs publics, des experts académiques

ou professionnels et des responsables d’entreprises.

JanLöning(8)Président, Avis France,membre ducomité scientifique de La Fabriquede la CitéDavidMangin(9)Architecte-urbaniste, CabinetSEURA,membre du comitéscientifique de La Fabrique de la CitéDenisPingaud(10)Directeur général de Balises,membre du comité scientifiquede La Fabrique de la CitéDamienRajot (11)Directeur Opérationnel Stades,VINCI Concessions

BridgetRosewell (12)Conseillère économique de laGreater LondonAuthority (GLA)AndySimons(13)Architecte, KSSGroupGeoffThompson(14)Fondateur et Président,TheYouth Charter, 5 fois championdumonde de karaté

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Puis le Comité d’organisationdes Jeux Olympiques et Para-lympiques de Londres (LOCOG),financé par le secteur privé, estresponsable de la préparationet de l’organisation des JeuxOlympiques 2012. Enfin, l’Olym-pic Park Legacy Company (OPLC)est chargée de la régénération dusite post-olympiades. Ce systèmede gouvernance permet de garderla vision d’origine, de maîtriserles coûts et d’assurer la continuitéentre les différentes phases duprocessus de transformation.

Maîtriser lesfinancementsComme l’a rappelé BridgetRosewell, Conseillère économique

de la Greater London Authority(GLA), « la question du finance-ment des infrastructures resteau cœur des débats ». Le thèmedu partenariat entre le public etle privé mérite d’être approfondi.Même si de nouveaux rapportss’établissent aujourd’hui entremaîtres d’œuvre, maîtres d’ou-vrage et constructeurs, les parte-nariats public-privé, qui portentsur la conception, la constructionet la gestion, peuvent permettrede tenir compte des exigencesdu « legs » : celui qui conçoit etconstruit sait qu’il aura ensuiteà gérer. « Les modes de partenariatdeviennent donc déterminants pourla mise en œuvre du “legs” ».

La Fabrique de la Cité estun forum, think tank, créé

à l’initiative du groupe VINCI,dont la vocation est d’alimenterles réflexions sur l’innovationurbaine et de valoriser les initia-tives pionnières. Pour y parve-nir, une approche interdiscipli-naire est privilégiée en réunissantautourdeprojets de rechercheouà l’occasion de séminaires des

penseurs et des acteurs urbains.Les travaux de La Fabrique de laCité s’organisent autour de 3grands axes : l’adaptation dela ville existante, la mobilité etl’économie urbaine. L’ensembledes travaux et interventions deLa Fabrique de la Cité, fondsde dotation depuis décembre2010, sont disponibles surwww.lafabriquedelacite.com.

La Fabrique de la Cité

Choses ditesGEOFF THOMPSONFONDATEUR ET DIRECTEUR EXÉCUTIFDE L’ONG THE YOUTH CHARTER

Comment impliquer les jeunes etles populations locales dans lamise en œuvre d’une nouvelleidentité territoriale ?

BRIDGET ROSEWELLCONSEILLÈRE ÉCONOMIQUE,GREATER LONDON AUTHORITYL’important, c’est la mise enréseau entre les différents acteurs.Pour cela, il ne suffit pas de dire« Engagez-vous ! ». Il faut déve-lopper des activités susceptiblesde favoriser l’implication des po-pulations locales pour qu’elless’approprient l’infrastructure.Il est nécessaire d’identifieren amont les mécanismes qui« provoquent » l’adhésion.

REMI DORVALPRÉSIDENT DE LA FABRIQUE DE LA CITÉ

Combien de temps faut-ilpour évaluer l’impact desinvestissements réaliséspour les JO ?

BRIDGET ROSEWELLCONSEILLÈRE ÉCONOMIQUE,GREATER LONDON AUTHORITYNous avons besoin de trente anspour faire du site olympique unlieu où les gens puissent à la foisrésider et travailler. Nous devonscréer une véritable « infrastructuresociale » via le développementd’associations, d’équipementspublics, etc.

ANDY SIMONSARCHITECTE, KSS GROUPCe que nous retiendrons de l’expé-rience de Londres, c’est que dura-bilité rime avec flexibilité : lesnouvelles infrastructures durablessont paradoxalement des infra-structures temporaires, qu’il estpossible de démonter entièrement.

DAMIEN RAJOTDIRECTEUR OPÉRATIONNEL STADES,VINCI CONCESSIONSLa question de l’accessibilité estessentielle. Il faut éviter à toutprix qu’un stade ne soit entouréque de parkings. Le stade doit êtreconnecté aux zones résidentiellespour véritablement s’intégrer autissu urbain.

JOHN BARROWARCHITECTE, POPULOUSAu Stade de France comme àWembley, le défi est de créer pourle spectateur une expérience pré-et post-événement. Il faut que lesgens qui se rendent au stade puis-sent arriver deux ou trois heures enavance, en profiter pour se retrou-ver, boire un café, ou autre ; il fautaussi qu’ils puissent rester encoredeux heures après l’événement– ce qui permet entre autres deréduire le nombre de spectateursquittant la zone du stade aumême moment. Il est là notredéfi : prendre soin des gens enamont et en aval de l'événement,pendant près de six heures, afinqu’ils aient envie de revenir.

Compte rendu avec

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La mission d’appui auxpartenariats public-privé(MAPPP) a recensé 118

contrats public-privé au cours descinq dernières années, dont 28conclus par l’État, pour un mon-tant de 11,8milliards d’euros. C’estimportant mais encore modestepar rapport à la totalité des inves-tissements publics. « Le contrat de

partenariat est loin d’être majoritaire,puisqu’il n’a représenté que 6 milliardsd’euros en 2011, année record, là oùl’investissement public total repré-sente autour de 90 milliards d’eurospar an », détaille François Bergère,directeur de laMAPPP. Il confirmecependant que : « Nous sommes lepremier pays européen en matière departenariats public-privé. » Selon leministère de l’Économie et desFinances, le montant des contratspourrait même atteindre 60 mil-liards d’euros d’ici 2020.Ainsi cette année, la ligne Nîmes-Montpellier, le nouveau palais dejustice de Paris aux Batignolleset le plan Campus, qui prévoit larénovation de douze universités,s’ajouteront au programme. Sanscompter les 24 000 nouvellesplaces de prison annoncées parles députés fin janvier et prévuesd’ici 2017. Une partie d’entre ellessera réalisée sous la forme departenariats public-privé.Imaginé par la Grande-Bretagne en1992, le concept de Private FinanceInitiative (PFI) s’est rapidement

exporté. D’abord en Amériquedu Sud et en Asie du Sud-Est, puisen Europe au début des années2000. En France, les PPP ont étécréés par l’ordonnance du 17 juin2004. Ils permettent à une enti-té publique de confier à un seulopérateur privé le financement,la conception, la constructiond’un équipement (hôpital, prison,

musée, école, ligne à grande vi-tesse…), puis son exploitation et samaintenance pendant plusieurs di-zaines d’années (jusqu’à cinquante-cinq ans pour les grandes infra-structures). L’attributaire d’un PPPétant principalement rémunérésous forme de loyers payés par lacollectivité publique.En permettant aux collectivitéslocales ou à l’État de faire réaliserdes investissements publics surfonds privés, le PPP est devenu enquelques années un moyen deplus en plus utilisé par les acteurspublics pour limiter leurs dettes,tout en continuant à entretenirles services publics, avec plus oumoins de succès. Unmode de gou-vernance qui a permis égalementd’investir, et donc de soutenir lacroissance.

Des chantiers et des polémiquesC’est ainsi que des projets degrande envergure ont pu êtrelancés : la rénovation du zoo deVincennes, une nouvelle prisonà Lyon, le centre hospitalier sud-

francilien ou encore la ligne fer-roviaire entre Bordeaux et Tours.Mais ces projets suscitent autant decontestation que d’enthousiasme.Exemples : à Lille, le futur stadede 50000 places inauguré l’étéprochain accueillera l’Euro 2016.Évalué à 350 millions d’euros, leprojet de la communauté urbainepourrait cependant voir sa facturefinale alourdie par les aménage-ments extérieurs. Un surcoût dé-noncé par plusieurs associationslocales. Le modèle a pourtant étérepris à Bordeaux pour la cons-truction de son Grand Stade. Unchoix défendu par Alain Juppéqui soulève l’opposition des élussocialistes bordelais du conseilmunicipal, qui ont déposé unrecours au tribunal administratif.Matthieu Rouveyre parlant de« projet nocif pour les finances pu-bliques. Les PPP font indéniable-ment peser sur une collectivité uneprésomption irréfragable d’insécuritéjuridique et financière ».À Balard, le futur Pentagone à lafrançaise rassemblera les états-ma-jors de la Défense, soit 9300 fonc-tionnaires sur 16,5 hectares duXVe arrondissement de Paris. Établisur une durée de vingt-sept ans,le PPP est évalué à 3,5 milliardsd’euros contre un coût initial de745 millions d’euros, soulignentles observateurs. Ils estiment que« Les loyers versés au privé reviennentau final à payer deux à trois fois pluscher le coût de l’équipement. »Quant au projet de canal Seine-Nord-Europe, présenté par NicolasSarkozy au printemps dernier, ildevrait relier Compiègne (Oise) àAubencheul-au-Bac près de Cam-brai (Nord) sur 106 km d’ici 2015.D’un coût de 4,3 milliards d’euros,la rentabilité du plus grand chan-tier fluvial de France depuis centans inquiète aujourd’hui les éluslocaux.

Vers un élargissement des PPPEn théorie, le contrat de partena-riat ne peut être utilisé que dansle cas d’un projet complexe et ur-gent. Mais depuis la loi de 2008,le dispositif peut être retenu s’il

présente un bilan coût-avantagefavorable. La contre-performancede la rénovation menée par l’Étatdu campus de Jussieu à Paris, quis’éternise depuis plus de quinzeans et dont le budget a été mul-tiplié par dix, apparaît comme leprincipal argument des défenseursdu PPP. Un outil jugé « innovantet d’avenir pour le financement desgrands équipements publics ou semi-publics » par Patrick Devedjian,alors ministre chargé de la Mise enœuvre du plan de relance, lors desrencontres internationales des PPPorganisées à Paris.Un succès qui s’expliquemoins parles économies supposées que parle report de l’investissement : lescollectivités n’ayant rien à finan-cer avant la livraison. Un sondageréalisé en mars dernier par l’Ifoppour le compte de l’aggloméra-tion rémoise met ainsi en avant laforte popularité des partenariatspublic-privé, mais souligne aussiune réelle méconnaissance dudispositif. Et pour cause. Seules40 % des collectivités territorialesont déjà opté pour ce mode definancement. Dans l’ensemble,

51 % des collectivités interrogéesestiment que le principal avantageest l’appel aux ressources extérieu-res, et 28 % la rapidité de mise enplace du projet. Parmi les incon-vénients, 31 % des élus interrogéssoulignent le risque que les objec-tifs de rentabilité du privé soientdéfendus au détriment du servicepublic ; 24 % craignant des coûtsplus élevés.Afin d’étendre le dispositif, uneproposition de loi prévoit que lesconseils généraux puissent déve-lopper le recours au partenariatpublic-privé pour des opérationsliées aux besoins des servicesdépartementaux et de secours.Les constructions réalisées en PPPpourraient également donner lieuà la conclusion de contrats de cré-dit-bail. Une expérimentation estenvisagée jusqu’au 31 décembre2014. « Les avantages du contrat departenariat sont nombreux pour lescollectivités territoriales », détaillele sénateur (UMP) du Loiret ÉricDoligé. « Il leur permet de remplirleur mission d’une manière plus effi-ciente et de mieux prendre en compteles attentes de leurs administrés. »

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Initiatives

Sous les feux des projecteurs depuis l’ouverture tumultueuse de l’hôpital sud-francilien à Évry,les partenariats public-privé (PPP) semultiplient. Lesmontages juridico-financiers quiaccompagnent aujourd’hui la réalisation des principales infrastructures publiques suscitentmalgré tout de nombreuses réserves.

L’effetpapillondespartenariatspublic-privé

François Bergère. Ledirecteurde lamissiond’appui auxpartenariatspublic-privéconfirmeque laFranceest lepremierpayseuropéenpour ce typedemontage financier. PHOTODR

Alain Juppéavecl’anciennesecrétaired’ÉtatauxSportsRama Yade,au stade Jacques-Chaban-Delmasen2009.LemairedeBordeauxdéfend le choixd’unpartenariatpublic-privépour la constructiond’ungrandstadedanssaville. PHOTOPIERREANDRIEU/AFP

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Vitrine japonaise du déve-loppement durable, lequartier Confluence ac-

cueillera le premier démonstra-teur de réseau urbain d’énergieintelligent. Une initiative en Eu-rope financée par la New Energyand Industrial Technology Deve-lopment Organization (NEDO),l’équivalent de l’Agence de l’en-vironnement et de la maîtrisede l’énergie (Ademe). En pleinereconversion, l’ancienne zoneindustrielle lyonnaise a déjà reçule label « écoquartier » par le mi-nistère de l’Écologie et celui de« quartier durable », décerné parWWF, le Fonds mondial pour lanature.Avec le projet « smart commu-nity », Confluence ambitionnede devenir le modèle auquel lesgrandes agglomérations pourraientse convertir pour maîtriser leurconsommation d’énergie. « Notreobjectif est qu’en 2025 le quartierne consomme pas plus d’électricitéqu’aujourd’hui », précise le maire(PS) de Lyon, Gérard Collomb.Outre la construction de bâtimentsà énergie positive associant loge-ments, bureaux et locaux commer-ciaux, le projet japonais prévoit la

mise en place d’ici 2013 de véhi-cules électriques en autopartage.Une flotte qui sera alimentée pardes panneaux photovoltaïques dé-ployés sur les toits du quartier.

Les habitants seront de leur côtééquipés de « box énergie » pourgérer au mieux leur consomma-tion, et ainsi optimiser les besoinsdes résidents. L’adhésion de la

population est l’une des clés dusuccès. « Nous allons largementlui expliquer et l’associer à notredémarche », promet Hideo Hato,président du NEDO. L.B.

« Une myopie coûteuse »Pour autant, symbole de la dérivedu concept, l’hôpital sud-franci-lien a ouvert le mois dernier avechuit mois de retard, sur fond depolémique et de recours en jus-tice. Conclu entre l’établissementpublic hospitalier et le groupeEiffage, le contrat de partenariatprévoit un loyer annuel de 40millions d’euros. Le député-maire(PS) d’Évry, Manuel Valls, dénonceaujourd’hui « un gouffre financier ».Une expérience qui alimente ledébat sur la pertinence de telscontrats.La Cour des comptes, alors prési-dée par Philippe Séguin, parlaitdéjà en 2008 de « myopie coû-teuse » de l’État à propos des PPP.Jusqu’en 2010, ces engagementsfinanciers à long terme, sous formede loyers, n’étaient en effet pasconsidérés comme une dette, évi-tant de creuser le déficit appa-rent de l’État ou des collectivitéslocales, d’où son attrait. Mais de-puis le 1er janvier 2011, les PPP fi-gurent à leur bilan. Idem pour

l’État depuis le 1er janvier 2012.Pour bon nombre d’observateurs,ils constituent une charge in-compressible qui peut devenir, àl’avenir, difficilement supportablepour les finances publiques. « Cesfinancements innovants permettentd’échapper à la rigueur budgétaire.Le cumul de ces loyers à payer àtrès long terme pourrait asphyxiernos finances », s’alarme le sénateur(Alliance centriste) Jean Arthuis.Délégué général du club des parte-nariats public-privé, Marc Teyssierd’Orfeuil analyse : « Les collectivi-tés territoriales ne doivent pas utili-ser le PPP pour financer des projetsqu’elles savent non soutenables. Lesélus doivent aussi prendre en comptele coût de la maintenance et de l’en-tretien. C’est une perspective de longterme de l’investissement et de l’actionpublique. C’est pour cela qu’il faututiliser le PPP avec parcimonie. Onestime aujourd’hui qu’il représenteenviron 8 % de l’investissementpublic, et l’on espère qu’il représen-tera dans le futur 10 à 12 %, toutau plus. »

À l’heure où les banques réduisentles crédits, rendant critique le fi-nancement des équipements parles villes, les départements et les

régions, les projets de partenariatspublic-privé devront être sélec-tionnés avec d’autant plus desoin. Ludovic Bellanger

Le Japonexpérimentel’énergie verteàLyon

PARISFAITLACHASSEAUXABSENTÉISTES�Avec une soixantaine d’absencesrecensées lors des séances plénièresdu conseil général de Paris en 2011, contre300à400 les années précédentes,lamesure qui prévoit de sanctionnerfinancièrement les élus absents est jugéepositive. Un an après son lancement,« Le nombre d’absentéistes est à peuprès lemêmeàdroite et à gauche»,précise François Dagnaud, adjoint aumaire. Une initiative adoptée depuispar la région Île-de-France.

LEVARETLANIÈVRESEDISPUTENTLAF1�Alors que le Var semblait être en poleposition pour accueillir le GrandPrix deFrance de Formule 1 à partir de 2013, enalternance avec la Belgique, la Nièvrerevient dans les roues du Castellet. Lesénateur (PS) de laNièvre GaëtanGorceet le président (PS) du Conseil général,Patrice Joly,misant sur une victoire dessocialistes aux présidentielles pourappuyer le retour deMagny-Cours,organisateur de la course jusqu’en 2008.

LASEINE-ET-MARNELABORATOIREDUTÉLÉTRAVAIL� Le plus étendu des départements d’Île-de-France s’apprête à lancer son projet« Initiatives Télécentres 77 ». Soutenu parle conseil général et l’agence économiqueSeine-et-MarneDéveloppement, leprogrammede télécentres urbains,qui pourrait s’étendre àMarne-la-Vallée,Melun ou encore Fontainebleau, estprincipalement destiné aux travailleursindépendants. Il vise à limiter lesdéplacements quotidiens domicile-travail, à réduire les émissions de CO2et à améliorer la qualité de vie desutilisateurs.

IMMOBILIER:SAINT-OUENUSE(ETABUSE)DELAPRÉEMPTION�Afin de lutter contre la flambée dumarché de l’immobilier, lamairie deSaint-Ouen (Seine-Saint-Denis) avancesa solution : le droit de préemptionurbaine. « C’est unmoyen à notredisposition si l’on veut que des catégoriessociales autres que supérieurescontinuent de vivre à Saint-Ouen»,estime lamaire (PC) de la ville,Jacqueline Rouillon. Un« outil efficace »qui n’est pas du goût des tribunauxadministratifs. Ces derniers ontcondamnéàplusieurs reprises ladémarchemunicipale.

MARSEILLESOUSLAMENACEDUPÉTROLE�Après l’épisode du gaz de schiste,Marseille vit désormais dans la crainte depuits de pétrole offshore. La campagnede prospectionmenée par la sociétébritanniqueMelrose révéleraitd’importantes quantités d’hydrocarburesaux larges des côtesméditerranéennes.Le groupe pétrolier attend désormais laprolongation du permis d’exploration.Au grand damdes écologistes locaux, quidénoncent le silence duGouvernement,rappelant la fragilité dumilieu naturel.

En bref

BellacitaetNovavita.ProjetdeMassimilianoetDorianaFuksaspour le futurquartierConfluence,à Lyon. PHOTOPHILIPPERUAULT

ManuelValls. Ledéputé-maired’Évryadénoncé lepartenariatpublic-privédans la constructionde l’hôpital sud-francilien. Il considèrequec’est«ungouffre financier». PHOTOMIGUELMEDINA/AFP

L’agence publique japonaise de soutien à l’innovation va investir 50millions d’eurosdans le projet « smart community » du futur écoquartier Confluence, à Lyon.

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On les appelle « petits ». Pourun peu, on leur tapoteraitla joue. « Petits candidats »,

dit-on, le regard compassionnel etpleind’uneémotion (très) contenue.Certains d’entre nous aimeraientbien les aider commeon le fait pourun enfant en difficulté, légèrementégaré, mais obstiné et courageux.Des orphelins en quête de signa-tures et de reconnaissance. Moi, jesignerais bien pour eux, mais je nesuis pas un élu : juste un filmeur, quicapte avec sa caméra leur achar-nement plutôt désespéré et leurspathétiques tournées de maireen maire, souvent étrangementabsents lorsqu’un « petit » de pas-sage frappe à leur porte.J’ai passé une journée déprimanteavec Christine Boutin. Certes, je nesuis pas son électeur. Mais peu im-porte : je ne comprends pas bienau nom de quelle vision de la dé-mocratie on l’empêche (ainsi queles autres « petits ») de se présen-ter. Peur de la dispersion des voixaux dépens des « grands » ? Chasseaux petits poucets de la politique !Haro, donc, sur ceux qui sontperçus comme de dangereux fan-taisistes qui viennent perturber lesérieux des gens sérieux ? Ce sontd’agaçants moucherons qui em-pêchent les autres de devenir un« grand » Président après avoir étéde « grands » candidats ? Les « pe-tits » maires, objets de sollicitudedes « petits » candidats sont plusque gênés à leurs « petites » en-tournures et semblent redouter

des mesures de rétorsion « pe-tites » ou « grandes ». « Petite » ou« grande » démocratie ? « Petite »ou « grande » censure ?Oui, j’ai filmé la longue journée deChristine Boutin. Et j’ai souffertpour elle. Jeme suis identifié à cellequi allait, en cette longue journée,d’échec en échec, de rebuffade endérobade.Première visite.L’adjoint :– Soyez la bienvenue, bien sûr…Mais, hélas, le sénateur-maire, quiaurait tant aimé vous recevoir, aeu un empêchement…Christine Boutin :– Ah… Voilà, en 2002, j’avais 700signatures. Aujourd’hui, à la mêmepériode, je n’en ai que 175…Qu’est-ce qui se passe ? Oui…, s’ilvous plaît, intervenez auprès devotre sénateur-maire !L’adjoint :–… Oh, il n’a rien contre vous…Mais comment dire ? Il a de l’atta-chement pour… Nicolas Sarkozy,voilà…Christine Boutin :– Mais les « gros » sont sûrs de leurparrainage !… La vie politique estbâillonnée… Comme la démocra-tie ! Notre système n’autorise plusla diversité !… On affaiblit la Ré-publique !Tête de l’adjoint. Silence. Gêne.Chou blanc.Nouvelle visite.L’élu :– Ah, j’aimerais bien…Christine Boutin :

– Alors faites-le !– Oui, mais j’ai déjà promis à Vil-lepin !– Villepin ?– Eh oui !Un temps.L’élu :– Prenez un chocolat !– J’irai jusqu’au bout. Rien nem’arrêtera…Et sûrement pas le chocolat.Christine Boutin continue. Fa-tigue et chagrin dans la voiture. Etle filmeur, en empathie démocra-tique, est triste pour elle et se ditqu’il ne se présentera, lui, jamaisà une élection présidentielle.La même scène se reproduit pourPhilippe Poutou (NPA), pour lesmilitants du FN ou ceux de Natha-lie Arthaud (LO). Tous sillonnentla France des élus qui se dérobent.Olivier Besancenot :« Je m’adresse aux partis. Ne faitespas obstacle. On est reconnus “d’uti-lité publique” ! Moi qui suis le facteurofficiel de Poutou, je vous dis : “Onira jusqu’au bout !” »Jusqu’au bout ? Comme Marine(qui n’est pas « petite ») et les au-tres. Jusqu’au 21 avril « bis » ou à« l’envers » ? Ou jusqu’à la colèrepopulaire dans les rues…Meeting au Bourget. Loin du Fou-quet’s aussi. Un « gros » de chez« gros » : Hollande. Et une fouleregonflée par la prestation de leurcandidat. Des moyens. Des imagessuperbes « made in PS », et rienqui dépasse. Juste l’enthousiasmeet le lyrisme. Les mêmes que celles

de l’entrée en campagne, jadis, deSarkozy. Hollywood campe, cettefois, au Bourget.La Guyane : Incertitude méta-physique du Président sur une pi-rogue fragile. Du « off » tout à fait« in ». Et si l’échec était possible ?Com’ ou désarroi des tropiques ?Stratégie ou coup de mou ? Hu-milité des confins ou orgueil descertitudes ébranlées ?Ainsi va la vie des « gros ». Sur lesmarchés, Bruno Beschizza, secré-taire national de l’UMP en chargede l’emploi des forces de sécurité,dans le 93, tracts à la main, ne croitpas à la fatalité d’une défaite de soncamp. Il assène à toutes les damesqui ont le cabas à lamain que, avec

l’histoire du « quotient familial »remodelé façon Hollande, « unemaman sur deux va perdre del’argent ». Cataclysme pour lesmamans de passage. Litanie sanscesse répétée comme un mantra.Opiniâtreté. Obstination jugée parmoi grandiose des militants sur cemarché frileux d’hiver. Y comprisla rencontre avec un socialiste toutaussi tracteur et tchatcheur.Les « petits » s’affrontent vivementau nom des « grands ». Je n’aimerien tant que de filmer notre dé-mocratie, ses chefs et ses fantassinslorsqu’elle est forte. Qu’elle soit« petite » ou « grande ». La vie poli-tique me fascine. Et ça s’aggraveavec l’âge.

À voir

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LespetitspoucetsLe journaliste-réalisateur poursuit son tour de France des campagnes. Il a rencontré Christine Boutin,en quête de signatures sur la route de Compostelle. C’est le cinquième épisode de la série Élysée 2012,La Vraie Campagne, diffusé le 9 février sur France 3 et à partir du 18 février sur la Chaîne parlementaire.

Les premiers plans-reliefs construits sous Louis XIV avaient des objectifs militaires.Enrichis jusqu’en 1873, l’ensemble de ces plans compte plus de cent maquettes.Certains s’exposent sous la nef du Grand Palais jusqu’au 17 février.

ParSergeMoati

Christine Boutin. LaprésidenteduParti chrétien-démocratedénoncefaceaux journalistes ledénidedémocratiedontelle fait l’objet,avantdeprendre la routedeCompostelle. PHOTO THOMAS SAMSON/AFP

Seize des cent planches au1/600e construites entre1697 et 1873 avec du bois,

de la soie hachée, de la colle depoisson et des chenilles de soietorsadées dans du fil de fer sontexposées au Grand Palais. Cher-bourg, la plus grande, fait la tailled’unappartement familial : 160 m2 !De vastes miroirs installés par lascénographe Nathalie Crinièrepermettent aux plus petits de

s’imaginer comment les soldatsfrançais défendaient le territoire.Les adolescents se tourneront, eux,vers les dispositifs iPad-Googlede plans numérisés, « pour que lepublic n’ait pas à lire de longuescimaises », précise la commissaireIsabelleWarmoes.Dans tous les cas,ces joyaux de l’Histoire permettentde voir la différence entre la bar-rière naturelle que forme la mon-tagne et la frontière naturelle, de

comprendre le thème de la forti-fication, de voir comme on avaitinventé un système pour inonderses ennemis, etc. Autant de sujetschers à Nicolas Sarkozy, initiateurdu projet par son discours du Puy-en-Velay, en mars de l’annéedernière, et dont la création dela Maison de l’Histoire de France– pleinement associée à cetteexposition – risque d’être l’héri-tage culturel de son quinquennat.

Secrets sur le coût de cette expo-sition, les commissaires ne démen-tent pas le chiffre de 2,5 millionsd’euros. Un coût supplémentairepour l’État en temps de crise, qui,à travers l’instruction, vise à valo-riser cette collection sans pareille.

Pierre de Vilno

Ouvert tous les jours sauf le mardi.Entrée : 5 € tarif plein / 2,50 € réduit,Gratuit < 26 ans.

AbbayeSaint-Bertin.Plan-reliefde la villedeSaint-Omer.

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Au-delà du commentaireironique ou admiratifsur le parcours de son

fondateur –« Un nouvel ordre social, politiqueet économique est à venir et MarkZuckerberg est son prophète »,

écrit par exemple Thomas Bron-nec sur Twitter –, les internautesont un regard instructif sur le mo-dèle économique de Facebook.Bien évidemment, les internautesrappellent les éléments constitu-tifs du succès économique dunouveau géant américain : uneinnovation technologique per-manente couplée à la constitutiond’un énorme fichier de donnéespersonnelles sur des internautesclairement identifiés. Patrick Hil-laire explique ainsi sur Twitter que« 80 % des 13-15 ans ont uncompte Facebook »,

et MacGeneration tweete la valeurde chaque compte :« Vous êtes sur Facebook ?Vous valez 4,52 €. »

Marie-Catherine Beuth, sur sonblog lefigaro.fr, met plutôt l’accentsur le versant technologique deFacebook :« tous les experts de la placecherchent à déterminer si unesociété qui fait 3,7 milliards dedollars de chiffre d’affaires peutréellement en valoir 100 milliards.Mais ne regarder que la based’utilisateurs (845 millions demembres actifs) et les recettespublicitaires revient à passer àcôté d’un élément fondamentalde la valeur de Facebook : sonincroyable force technologique. »>Marie-Catherine Beuth –http://blog.lefigaro.fr/medias

Mais cette spécificité de Facebookpeut aussi se révéler être sa grandefaiblesse, le réseau social mondialopérant dans des pays qui ont deslégislations très différentes sur laprotection des données person-nelles, comme le rappelle GeorgesUgeux, banquier d’affaires et blo-gueur sur lemonde.fr :

« Pour ceux que la gouvernanceintéresse, il faut rappeler queFacebook est susceptible d’être prisen défaut de respect de la vieprivée dans certaines juridictions. »

Il pointe également du doigtla position particulière de MarkZuckerberg dans l’actionnariat :« D’autre part, les actionsde Mark Zuckerberg qui ont dixdroits de vote par action luipermettront de garder le contrôlede l’entreprise pour de nombreusesannées encore, puisqu’il détiendraplus de 50 % des droits de vote. »>Georges Ugeux –http://finance.blog.lemonde.fr

Plus généralement, à côté desmessages saluant la puissance deFacebook, les critiques du modèleéconomique du réseau social nemanquent pas. Beaucoup d’inter-nautes critiquent une entreprisequi est peut-être à l’apogée de sonactivité mais mal adaptée auxévolutions actuelles, comme lerappelle Cyril Bladier :« CNN compare Facebook auYahoo! d’autrefois et pense queFacebook pourrait connaître lemême avenir dans les dix ans quiviennent. Deux problèmes majeurspèsent notamment sur l’entreprise :sa mauvaise adaptation auxnouvelles technologies et la fuite deses meilleurs talents, quipourraient faire de Facebook nonplus l’épicentre d’Internet mais unélément satellite. »>Cyril Bladier – http://www.presse-citron.net

Fred Cavazza, expert informatiqueet blogueur prolixe, a des doutessur la pérennité de la croissancedu réseau social américain :« le problème n’est pas la santéfinancière de Facebook, mais sonpotentiel de croissance. Lesactions de sociétés récemmentintroduites en Bourse commeLinkedIn ou Pandora ont ainsibien performé malgré des résultatsfinanciers très largementinférieurs, car leur potentiel deprogression était très important.Or si le potentiel de croissance deFacebook est incertain, l’action nerisque pas de prendre de la valeur. »>Fred Cavazza – http://www.fredcavazza.net

D’autres internautes soulignentenfin la dépendance croissantede Facebook envers des sociétéstierces qui proposent sur ses pagesquelques-unes des fonctionnalitésles plus appréciées des internautes.Zinga, éditeur d’application inter-actives en ligne (notamment desjeux gratuits), est le premier deces partenaires, comme le rappelleVincent Abry :« la part de Zynga dans lesbénéfices engrangés par Facebooken 2011 (bénéfices estimésà 3,7 milliards de dollars) a étéde 12 %, soit un montantd’approximativement 445 millionsde dollars. Relativement énorme.Ces recettes proviennent despublicités Zynga affichées sur lespages Facebook (jeux inclus) etégalement des 30 % que le site

communautaire récupère sur lavente de biens virtuels. […]Facebook, bien conscient que toutpeut s’arrêter du jour au lendemain,a mis en garde ses potentielsinvestisseurs que le réseau pourraitconnaître de sérieuses difficultéss’il venait à se séparer de Zynga. »>Vincent Abry – http://www.vincentabry.com

Alexandre Reymonet a d’ailleurstweeté sur l’impact de l’actualité deFacebook sur les comptes de Zinga :« Augmentation de 17 % du titreZynga après l’annonce d’IPO deFacebook (dont 12 % du CA vientdu géant du social game). »

Au-delà de ces critiques et des

doutes sur l’avenir boursier deFacebook, certains internautes re-viennent sur une constatation déjàfaite maintes fois : Facebook est unsuccès américain de la Net écono-mie. L’absence des Européens dansce secteur économique en fortecroissance ne passe pas inaperçue.Et les blogueurs sont très nom-breux à le regretter et même à s’eninquiéter. Un sentiment résumésur Twitter par Jérôme Godefroy :« Facebook : il y a huit ans dans undortoir de Harvard. Maintenantdans le grand bain de la Boursemondiale. Où sont les inventeursfrançais ? »

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Déblogage

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117.55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

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Facebook :RêveaméricainoucauchemardesEuropéens?L’introduction en Bourse de Facebook suscite sur la Toile autant de réactionsdubitatives qu’admiratives. Beaucoup de blogueurs s’interrogent sur lasolidité financière du réseau social et les twittos relèvent que cette nouvelleétape boursière souligne cruellement l’absence des Européens.

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Chaquesemaine,la revuedes blogs etdes réseauxsociauxpar Manuel Singeot

Mark Zuckerberg, cofondateurdeFacebook,de retour àHarvard,làoù toutacommencé. PHOTO DARREN MCCOLLESTER/AFP

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