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John Lennon, Jimi Hendrix, Michael Jackson, Steve Jobs. Le créateur d’Apple est mort en rockstar. Couvert sous les fleurs d’un hommage plané- taire. Situation peu banale pour un patron qui n’avait pas la réputation d’être facile, connu même pour son autoritarisme. Tout a été dit sur Jobs et tout est vrai : Lutteur exceptionnel, y compris contre une maladie qui aurait dû l’emporter en quelques mois et contre laquelle il a résisté sept ans, visionnaire, incarnation de la modernité rassemblant dans une « applemania » des centaines de millions de jeunes et moins jeunes à travers le monde. Il fabriquait ses ordi- nateurs comme d’autres fabriquent des tubes. Et beaucoup étaient prêts à piétiner pendant des heures pour être parmi les premiers à acquérir le dernier-né de la gamme Apple, à l’identique des fans qui se précipitent pour acheter le dernier album de Prince ou de Madonna. Cela dit, au-delà de ces hommages, la mort de ce génie de l’informatique et des nouvelles technologies nous ren- voie cruellement à cette question lancinante déjà posée avec la sortie de The Social Network et la réussite d’un jeune étudiant de Harvard : pourquoi là-bas ? (Aux États- Unis et sans doute bientôt en Chine ou en Inde) et pas en France ? Pourquoi eux et pas nous ? Sommes-nous si déclinants et si impuissants que nous ne puissions plus envisager de produire un Steve Jobs ou un Mark Zucker- berg ? Sommes-nous si englués dans nos petitesses et nos lourdeurs administratives et bancaires pour que nous nous interdisions à jamais de redevenir leaders de ces secteurs qui exigent non seulement un savoir-faire technologique mais une vision quasi mystique du futur. Airbus et l’aéronautique, le TGV et le transport ferroviaire sont aujourd’hui les alibis commodes et réussis qui nous autorisent tout juste à masquer la déconfiture d’une recherche qui végète faute de moyens financiers et de soutiens politiques ? C’est pourtant l’avenir du pays et sans doute de l’Europe qui se joue sur cette capacité de penser l’impensable et d’imaginer l’inimaginable. Le système américain avec tous ses défauts peut le faire, le régime chinois avec tous ses défauts va savoir le faire, le système indien est en passe de le faire. Et nous ?… Peut-être que les candidats à la présidentielle vont nous éclairer sur cette question ! Le chiffre NUMÉRO 420 — MERCREDI 12 OCTOBRE 2011 — 1,30 ¤ Éditorial Robert Namias Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias L’HÉMICYCLE www.lhemicycle.com Dominique Reynié P. 3 Benoist Apparu P. 3 Olivier Ferrand P. 2 XAVIER LEOTY/AFP BERTRAND GUAY/AFP DR JEAN-PIERRE MULLER/AFP Et aussi La forte participation au scrutin, l’effondrement de Ségolène Royal et la percée d’Arnaud Montebourg constituent de véritables marqueurs pour une société française en mutation. De droite ou de gauche, le vainqueur de 2012 devra en tenir compte. Disparition d’une rockstar L es éléments de langage décidés à l’Élysée et distillés sans grande conviction par certains dirigeants de l’UMP dimanche soir n’étaient guère crédibles. Décidément, l’idée que « plus c’est gros, plus ça passe » a semble-t-il encore de beaux jours devant elle. Étrange, tant cette attitude paraît aujourd’hui ris- quée. Minimiser le succès de la primaire socialiste et nier l’évidence politique ne sert pas la majorité, d’autant qu’elle pouvait trouver d’autres angles d’attaque (par exemple le possible virage à gauche évoqué dès le lendemain). Sur le principe même de la primaire, les dirigeants de l’UMP seraient bien inspirés de s’en tenir aux propos prononcés la semaine der- nière par François Fillon. Le Premier mi- nistre, qui n’est ni sourd ni aveugle, avait bien compris avant même que l’on connaisse le résultat de ce scrutin que les primaires constituent désormais une avancée démocratique qui s’imposera à tous, à droite comme à gauche. Dans tous les cas, il faut rendre à César ce qui appartient à Olivier Ferrand de Terra Nova (voir page 2) et à Arnaud Montebourg, qui se sont battus pour l’organisation de ces primaires. Succès dès le premier tour, elles constituent bel et bien une innovation démocra- tique validée par les Français sans qu’il y ait eu besoin de convoquer le Congrès ou d’organiser un référendum. Il y aura un avant et un après primaire socialiste. À l’avenir, difficile pour un parti d’ignorer la volonté des Français de participer au processus de désigna- tion des candidats et donc leur refus implicite de l’homme providentiel. Cette fois la page de l’après-guerre est bien tournée, le changement d’époque est acté depuis dimanche. Raté en 2002, esquissé en 2007, le passage au XXI e siècle devrait être la marque de fabrique de l’élection de 2012. R.N. > Lire p. 2, 3 et p. 4 l’opinion de Gérard Leclerc MIGUEL MEDINA/AFP REMY GABALDA/AFP C’est le nombre de contrats de travail d’une durée inférieure à un mois signés en 2010, sur un total de 19 millions. Ce qui conduit Terra Nova a affirmé que : « 80 % des emplois sont précaires. Le taux de chômage atteint 50 % chez les jeunes non qualifiés. Nous avons sacrifié notre jeunesse sur l’autel de la crise », déclare le think tank d’Olivier Ferrand. 12 millions Changement d’époque Une Europe à deux vitesses ? François Hollande y songe. Il en a émis l’idée au Grand Rendez-vous d’Europe 1. Passée inaperçue, la proposition n’a pas échappé à Axel de Tarlé. > Lire p. 13 Les délinquants chez les militaires : ça grince et ça coince La proposition de loi Ciotti examinée à l’Assemblée devrait être repoussée au Sénat. Débat dans l’Hémicycle entre la socialiste Delphine Batho et l’UMP Jacques Alain Bénisti > Lire p. 7 Au sommaire Les orphelins du centre par Anita Hausser >P. 4 Les droites après le retrait de Borloo par Brice Teinturier >P. 5 Les cahiers de campagne de Michèle Cotta >P. 6 Debré par Fottorino >P. 8 Parité : la France à la traîne par François Clemenceau >P. 14 Après le premier tour de la primaire socialiste Arnaud Montebourg. Un score symbolique

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l'Hémicycle numéro 420 du mercredi 12 octobre 2011

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Page 1: l'Hémicycle - #420

John Lennon, Jimi Hendrix, MichaelJackson, Steve Jobs. Le créateurd’Apple estmort en rockstar. Couvertsous les fleurs d’un hommage plané-taire. Situation peu banale pour un

patron qui n’avait pas la réputation d’être facile, connumême pour son autoritarisme.Toutaétédit sur Jobset tout est vrai : Lutteur exceptionnel,y compris contre une maladie qui aurait dû l’emporteren quelques mois et contre laquelle il a résisté sept ans,visionnaire, incarnation de lamodernité rassemblant dansune « applemania » des centaines de millions de jeuneset moins jeunes à travers le monde. Il fabriquait ses ordi-nateurscommed’autres fabriquentdes tubes.Etbeaucoupétaientprêtsàpiétiner pendantdesheurespour êtreparmiles premiers à acquérir le dernier-né de la gamme Apple,à l’identique des fans qui se précipitent pour acheter ledernier albumde Prince ou deMadonna.Cela dit, au-delà de ces hommages, la mort de ce géniede l’informatique et des nouvelles technologies nous ren-voie cruellement à cette question lancinante déjà poséeavec la sortie de The Social Network et la réussite d’unjeune étudiant deHarvard : pourquoi là-bas ? (Aux États-Unis et sans doute bientôt en Chine ou en Inde) et pas enFrance ? Pourquoi eux et pas nous ? Sommes-nous sidéclinants et si impuissants que nous ne puissions plusenvisager de produire un Steve Jobs ou un Mark Zucker-berg ? Sommes-nous si englués dans nos petitesses etnos lourdeurs administratives et bancaires pour que nousnous interdisions à jamais de redevenir leaders de cessecteurs qui exigent non seulement un savoir-fairetechnologiquemais une vision quasi mystique du futur.Airbus et l’aéronautique, le TGV et le transport ferroviairesont aujourd’hui les alibis commodes et réussis qui nousautorisent tout juste à masquer la déconfiture d’unerecherche qui végète faute de moyens financiers et desoutiens politiques ? C’est pourtant l’avenir du pays etsans doute de l’Europe qui se joue sur cette capacitéde penser l’impensable et d’imaginer l’inimaginable.Le système américain avec tous ses défauts peut le faire,le régime chinois avec tous ses défauts va savoir le faire,le système indien est en passe de le faire. Et nous ?…Peut-être que les candidats à la présidentiellevont nous éclairer sur cette question !

Le chiffre

NUMÉRO 420 —MERCREDI 12 OCTOBRE 2011 — 1,30 ¤

ÉditorialRobert Namias

Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

L’HÉM

ICYCLE

www.lhemicycle.com

DominiqueReynié P. 3

BenoistApparu P. 3

OlivierFerrand P. 2

XAVIER

LEOT

Y/AF

P

BERT

RANDGU

AY/AFPDR

JEAN

-PIERR

EMUL

LER/AFP

Et aussi

Laforteparticipationauscrutin, l’effondrementdeSégolèneRoyaletlapercéed’ArnaudMontebourgconstituentdevéritablesmarqueurspourunesociétéfrançaiseenmutation.Dedroiteoudegauche,levainqueurde2012devraentenircompte.

Disparitiond’une rockstar

Les éléments de langage décidésà l’Élysée et distillés sans grandeconvictionpar certains dirigeants

de l’UMP dimanche soir n’étaient guèrecrédibles. Décidément, l’idée que « plusc’est gros, plus ça passe » a semble-t-ilencoredebeaux joursdevantelle. Étrange,tant cette attitude paraît aujourd’hui ris-quée. Minimiser le succès de la primairesocialiste et nier l’évidence politique nesert pas la majorité, d’autant qu’ellepouvait trouver d’autres angles d’attaque(par exemple le possible virage à gaucheévoquédès le lendemain). Sur le principemême de la primaire, les dirigeants del’UMP seraient bien inspirés de s’en tenir

aux propos prononcés la semaine der-nière par François Fillon. Le Premier mi-nistre, qui n’est ni sourd ni aveugle,avait bien compris avant même que l’onconnaisse le résultat de ce scrutin queles primaires constituent désormais uneavancée démocratique qui s’imposera àtous, à droite comme à gauche.Dans tous les cas, il faut rendre à Césarce qui appartient à Olivier Ferrand deTerra Nova (voir page 2) et à ArnaudMontebourg, qui se sont battus pourl’organisation de ces primaires. Succèsdès le premier tour, elles constituentbel et bien une innovation démocra-tique validée par les Français sans qu’il

y ait eu besoin de convoquer le Congrèsou d’organiser un référendum.Il y aura un avant et un après primairesocialiste. À l’avenir, difficile pour unparti d’ignorer la volonté des Françaisde participer au processus de désigna-tion des candidats et donc leur refusimplicite de l’homme providentiel.Cette fois la page de l’après-guerre estbien tournée, le changement d’époqueest acté depuis dimanche. Raté en 2002,esquissé en2007, le passage auXXIe siècledevrait être la marque de fabrique del’élection de 2012. R.N.

>Lire p. 2, 3 et p. 4 l’opinion deGérard Leclerc

MIGUE

LMED

INA/AFP

REMYGA

BALDA/AFP

C’est le nombre de contrats de travail d’une duréeinférieure à un mois signés en 2010, sur un total de19 millions. Ce qui conduit Terra Nova a affirmé que :« 80 % des emplois sont précaires. Le taux de chômageatteint 50 % chez les jeunes non qualifiés. Nous avonssacrifié notre jeunesse sur l’autel de la crise », déclarele think tank d’Olivier Ferrand.

12millions

Changement d’époque

UneEuropeàdeuxvitesses?FrançoisHollandey songe. Il enaémis l’idéeauGrandRendez-vous d’Europe1.Passée inaperçue, lapropositionn’apaséchappéàAxeldeTarlé.>Lirep. 13

Lesdélinquantschez lesmilitaires:çagrinceetçacoinceLapropositionde loi Ciotti examinéeà l’Assembléedevrait être repousséeauSénat.Débatdans l’Hémicycleentre la socialisteDelphineBathoet l’UMP JacquesAlainBénisti>Lirep. 7

Au sommaire • Les orphelins du centre parAnitaHausser>P. 4 • Lesdroites après le retrait de Borloo parBrice Teinturier>P. 5 • Les cahiersde campagne deMichèle Cotta>P. 6 •Debré par Fottorino>P. 8 •

Parité : la France à la traîne par François Clemenceau>P. 14

Après le premier tour de la primaire socialiste

Arnaud Montebourg.Un score symbolique

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2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 420, MERCREDI 12 OCT0BRE 2011

Agora

Enquoi la primaire vousa-t-ellesurpris dans sondéroulement,enquoi a-t-elle été conforme?La primaire est globalementconforme à ce que j’attendais :le dispositif retenu par le PS est uneréplique de l’élection présidentielle :un vote à deux tours, précédé d’unecampagne politique d’une duréeéquivalente, trois à quatre mois,avec des débats riches entre candi-dats. Il sera temps d’approfondirle système, puisque c’était unepremière en France, et d’explorerquelques pistes : déployer des débatsavec des lieutenants, aller au plusprès du terrain. Aux États-Unis,dans un caucus, des représentantsdes candidats échangent entre euxet vont voir les voisins, ce qui per-met unemobilisation et une politi-sation plus forte des citoyens.

Leprofesseur de sciencespolitiquesRémi Lefebvre affirmequ’avec ce système« la viepolitiquedevient unpeuplusunecoursede chevaux».Assiste-t-onàuneprésidentialisationaccruede laVe République, acceptée,qui plus est, par les socialistes?Non, ce n’est pas une présidentiali-sation accrue, mais une reconnais-sance de la présidentialisation.Dans la Ve République, on ne choi-sit pas seulement un parti ou unepolitique, on désigne aussi une per-sonnalité. La gauche l’a ignoré de-puis un demi-siècle : du coup, ellen’a fourni qu’un Président sur six.

Est-cealors la victoirede ladémocratie d’opinion?Pas du tout. Qu’est-ce que la dé-mocratie d’opinion ? Le vote sansle débat, le choix sur des a priorisondagiers. La primaire, c’est toutl’inverse, puisqu’il y a eu de vraisdébats. En revanche, il est exactque les sondages occupent enFrance une place qu’ils n’ontnulle part ailleurs. Aux États-Unisou enGrande-Bretagne, les enquêtessont plus qualitatives.

Faut-il endéduire que la gauchenepeutplusavoir pour ambitionde changer les institutions?La primaire, là encore, acte de ma-nière spectaculaire une évolutionqui l’a précédée : la gauche ne re-viendra pas sur le cœur de la Ve,l’élection au suffrage universeldu Président. Mais si une électionrésiste à la défiance des Français,c’est celle-là. Il est temps que lePS, dont le mode de fonctionne-ment reste parlementariste, avecle refus d’un président pour assu-mer son leadership et une repré-sentation proportionnelle au seinde la direction, s’adapte.

Faudra-t-ilmodifier un jourlaConstitutionpour tenir comptedesprimaires?Le fondement de ce système, au-delà

d’être un mode de sélectiondu candidat, c’est avant tout lacréation d’un espace démocratiquenouveau, avec un droit offert aucitoyen de choisir. C’est donc unapprofondissement de la démocra-tie représentative. Alors oui, si laprimaire s’enracine et se généralise,il faudra lui donner un cadre insti-tutionnel, par exemple pour réglerla question du financement, l’arti-culation avec l’élection présiden-tielle elle-même, pour établir les

règles de présence dans les médias,de droits d’accès aux mairies, peut-être même pour définir le soutiende l’administration à l’organisationde la primaire. Je rappelle qu’auxÉtats-Unis, dans la quasi-totalité desÉtats, ce sont des fonctionnaires quitiennent les bureaux de vote.

Lespartissont-ilslesgrandsperdants?Je ne crois ni à la mort despartis ni à celle des militants. Aucontraire, la primaire marque lamodernisation du PS. Les partisfonctionnent aujourd’hui presquecomme au moment de leur créa-tion, il y a deux cents ans. Et il n’apas fallu attendre la primaire pourassister à la désaffection des mili-tants, pour constater la difficulté àproduire des idées et à organiserune relève. Les formations ont mal

vieilli et sont inadaptées à la sociétémoderne. Grâce à la primaire, l’oc-casion est offerte auxpartis de passerd’une logique d’avant-garde à unelogique démocratique, et ceci dansleurs trois fonctions clés. D’abord,le choix du candidat et de la lignepolitique. Avant-hier c’était l’affairedes bureaux exécutifs, une tren-taine de chefs d’appareils agissantdans le secret, hier c’était celle desmilitants, aujourd’hui celle descitoyens. Le parti sera toujours à la

manœuvre, définira les règles, maisle choix est démocratique. Ensuite,la production intellectuelle. Jusqu’àprésent, les projets se sont toujoursfaits en chambre, avec une poignéed’intellectuels, d’experts et de com-municants. Désormais, la réflexionse fera en symbiose avec son éco-système intellectuel et avec lescitoyens, à travers des forums col-lectifs. Enfin, la mobilisation. Lescitoyens seront associés de plus enplus, certes de manière plus ponc-tuelle que les militants, mais demoins enmoins de personnes sontprêtes à consacrer à leur partideux jours par semaine et leursdimanches. Lamobilisation, ponc-tuelle pour une cause ponctuelle,sera beaucoup plus importante quela mobilisation militante, maiscertains citoyens resteront le temps

de la campagne, et un parti de-viendra ainsi, l’espace de quelquesmois, ce fameux parti de massequ’il rêvait d’être sans y parvenir.

Faudra-t-ilmieux coordonnerprimaire et élaborationduprojet ?Sur ce point, le dispositif gagneraità être amélioré. Cette fois, lessocialistes ont été dans l’entre-deux : ils avaient un projet, qui neliait pas les candidats (le textedu Parti proposait une augmenta-tion de l’ISF, Manuel Valls sa sup-pression ; le texte proposait uneaugmentation des impôts, pasSégolène Royal, etc.). Sans doutesera-t-il préférable de séparer lesexercices de manière plus claire laprochaine fois.

LesprimairesenFrancefiniront-ellespar ressembler auxprimairesaméricaines?Aux États-Unis, l’argent se déploiede manière folle. De même, grâceaux primaires, le fichage descitoyens atteint des proportionsincroyables. Songez que BarackObama avait constitué une basede 260 millions de citoyens, avec600 données individuelles. Lamoitié des informations recueil-lies pour les fichiers proviendraitdes porte-à-porte effectués pen-dant les primaires !

Propos recueillispar Éric MandonnetChef du service politique

de L’Express

OLIVIER FERRANDPRÉSIDENT DE TERRA NOVA

«Si laprimaire s’enracine et segénéralise,il faudra lui donner un cadre institutionnel »

XAVIER

LEOT

Y/AF

P

«LES FORMATIONS POLITIQUES ONTMAL VIEILLIET SONT INADAPTÉES À LA SOCIÉTÉMODERNE»

Le président de TerraNova s’est battu pour l’organisation de primaires au sein duPS. C’est lacréation d’un espace démocratique nouveau sur lequel on ne reviendra pas. Pour Olivier Ferrand,les socialistes, en organisant cette procédure de désignation du candidat, reconnaissent enfinla présidentialisation issue des institutions de la Ve République.

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NUMÉRO 420, MERCREDI 12 OCTOBRE 2011 L’HÉMICYCLE 3

Agora

Laprimaire socialistea-t-ellepermisderénover ledébatdémocratiqueenFrance?Elle a permis l’organisation d’une prise deparole pour les candidats, à travers les débatstélévisés, mais aussi à travers l’expressiond’une partie de la France de gauche, avec laparticipation des think tanks et de certainsjournaux. Chaque candidat a eu unmomentd’expression sur un mode aujourd’hui rare,en ayant le temps d’articuler des analyses.Du point de vue de la production de contenu,ce n’est pas insignifiant. En revanche, la pri-maire, par construction, a quelque chose dedécevant : l’exercice ne peut pas prendre lerisque de tourner à la véritable confrontation,celle que l’on verra dans la grande compéti-tion ; il ne peut amener le parti à s’opposerà lui-même et à desservir sa propre cause.

Onapourtant eu l’impressionqueles candidatsdébattaient entreeux,notamment lorsdesémissions télévisées…Le débat était forcément anesthésié. PrenezArnaud Montebourg et sa thèse sur la dé-mondialisation. Son discours ne peut pas ren-trer dans un ordre consensuel avec les autres,ce qu’il dit n’a rien à voir ! Je considère qu’ily a plus de différences entre lui et ses concur-rents socialistes qu’entre la partie centriste del’UMP et François Hollande, Manuel Valls oumême, quoi qu’elle en dise, Martine Aubry.Un vrai débat ne pourrait pas se satisfaire dela juxtaposition de discours substantiellementsi différents. La primaire a donc un aspect ar-tificiel, elle peut ressembler à une palette dontle PS aurait organisé l’expression, comme s’ilfallaitmontrer la construction d’unemajoritépossible en 2012.Mais aujourd’hui, pourmoiqui avais lu le projet socialiste, je ne sais plussur quoi il y a encore consensus. Si j’ose dire,idéalement, le programme ne devrait d’ail-leurs pas faire l’objet de la discussion, puisqu’ila été acté auparavant.

Est-cealors le signeque lePSaccepte, enfin,la logiquede laVeRépublique?

La primaire signe demanière radicale et inat-tendue le ralliement absolu du PS à la prési-dentialisation. Pour les socialistes, c’est unchangement sans retour, qui les empêcherade tenir le même discours qu’avant sur lesinstitutions. Il s’agit d’aprèsmoi d’un contre-pied culturel. Je ne crois pas que l’on soit à larecherche d’une réaffirmation de la dimen-sion personnelle du pouvoir dans la société.Aujourd’hui, on est plus dans la logique 2.0 !

Faudra-t-il tirer desconclusionsconstitutionnelles?La primaire ne peut rester qu’une option, parexemple pour des partis d’élus, qui sont ins-tallés, avec pléthore de candidats possibles.D’autres formations vendent une tout autreculture : au FN ou au Front de gauche, voireau Modem, la culture du chef prédomine.

Lespartis sont-ils lesgrandsperdants?Évidemment, la primaire vient percuter lefonctionnement archaïque des formationspolitiques – ni au PS, ni à l’UMP, ni ailleursen Europe on n’a trouvé les moyensd’adapter des structures partisanes à notresociété. On reste dans l’acte électoral, etdonc dans une mécanique quantitative. Lavraie question, c’est d’inventer un apportqualitatif et de trouver comment on susciteune participation non instrumentale desindividus. Mais la primaire peut devenir unrituel de mobilisation – tout dépend à partirde quel niveau de participation on considèreque c’est une réussite.

Lesprimaires s’imposeront-ellesà l’UMP?Pour le parti qui est au pouvoir, le systèmen’est pas pertinent. On ne fait pas descendreun président de sa fonction, cela n’auraitaucun sens. Si la droite n’a pas de candidatsortant possible, alors oui, elle peut avoir re-cours, à son tour, à une primaire. On ne voitpas aujourd’hui comment on peut réduire ausilence telle ou telle ambition sinon en pre-nant à témoin le plus grand nombre.

En2017, ladroiteorganisera-t-elledesprimairesqui ressemblerontàcelleduPS?Il y a potentiellement deux types de pri-maires : celle d’adoubement (et le PS auraitpu en connaître une de ce type si Domi-nique Strauss-Kahn avait été candidat) etcelle de choix. La primaire d’adoubementa un avantage – l’évidence du candidatest naturelle – et un inconvénient – ellesuscite moins d’intérêt. La primaire de

choix a aussi un avantage – il y a suspens,donc intérêt, donc mobilisation média-tique, donc mobilisation populaire – et uninconvénient – il est plus difficile de serassembler ensuite et on peut avoir l’im-pression d’un choix un peu par défaut.

Faudra-t-il prendrepourmodèle laprimaireduPS?Que l’on ne puisse plus se contenter d’unvote militant, même élargi, c’est un fait.L’idée de primaire interne est dépassée.Il faut s’ouvrir à l’ensemble de l’électorat.Mais on peut réfléchir à une technique plusintéressante, à l’américaine. Si on organiseune élection sur sept ou huit dimanches,par grosse région, cela permettrait d’être plusancré sur le terrain. La publication de résul-tats semaine après semaine permettrait lamontée en puissance du vainqueur – toutesles primaires américaines ont fini par créerune évidence, à l’exception de celle qui a op-posé Hillary Clinton à Barack Obama. Et jedis que nous pouvons être prêts pour 2017 !

Qu’avez-vouspenséde l’articulationentre conceptionduprojet et compétitionde laprimaire?

Je m’interroge quand je vois François Hol-lande annoncer la création de 60 000 postesdans l’éducation. Si on ne s’intéresse qu’àson corps électoral, ne va-t-on pas êtreamené à trop « gauchiser » pour les uns,trop « droitiser » pour nous. Comme lapression est de plus en plus forte pourque les gouvernants fassent ce qu’ilsont annoncé pendant les campagnes, celapeut devenir problématique.

Ladroiteacomplètement raté cetteséquencede laprimaire.Pourquoi?À ce stade, la primaire est une mode, pasencore une culture. Elle permet une sé-quence très bonne pour la gauche. Finira-t-elle en succès populaire, puis en succèsélectoral en 2012 ? Attendons, nous avonsbesoin de recul. Mais ne mégotons pas :nous n’avons pas vu le coup venir, nousavons donc totalement sous-estimé l’im-pact ! Et si nous n’avons rien anticipé, c’estparce que nous avons la culture du chef.Notre fonctionnement est tel que nousavons l’habitude d’accepter ce chef et qu’ilsoit plus important que les idées. Songezque nous sommes passés, à la tête du parti,de Philippe Séguin à Alain Juppé puis àNicolas Sarkozy sans aucune difficulté. Celadit, je crois que la Ve République a forte-ment changé dans sa pratique depuis 1958,et que la sélection du champion par la pri-maire s’inscrit, même pour la droite, danscette évolution.

Propos recueillispar Éric MandonnetChef du service politique

de L’Express

«NOUSAVONS TOTALEMENT SOUS-ESTIMÉL’IMPACTDE LA PRIMAIRE SOCIALISTE»

BENOIST APPARUSECRÉTAIRE D’ÉTATAU LOGEMENT

«Laprimaire signe le ral-liement absolu duPS

à la présidentialisation »

«L’idée de primaireinterne est dépassée,

il faut s’ouvrir à l’ensemblede l’électorat »

DR

BERT

RAN

DGU

AY/A

FP

DOMINIQUE REYNIÉDIRECTEUR GÉNÉRALDE LA FONDATION POURL'INNOVATION POLITIQUE

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Plan large

AuxQuatreColonnes

Entre stupeur et déceptionchez les uns, soulagementet espoir voire jubilation

chez les autres, la défection deJean-Louis Borloo a provoquéune onde de choc. Derrière lescommentaires assez mesurés, ons’agite et on cogite beaucoup àdroite et au centre.À l’Assemblée, les plus prochessoutiens de l’ex-futur candidat,le député de Meurthe-et-MoselleLaurent Hénart et le député Nou-veau Centre de Seine-Saint-DenisJean-Christophe Lagarde ont séchéleurs larmes et réfléchissent àl’avenir. En effet qu’adviendra-t-ilde l’ARES (Alliance républicaine,écologiste et sociale), lancée parBorloo et Hervé Morin au prin-temps dernier, qui regroupe leNouveau Centre, la Gauche mo-derne, le Parti radical et laConvention démocrate (créé parHervé de Charette). C’est autourde l’ARES que devait se consti-tuer le futur groupe centriste del’Assemblée. Mais pour l’instantl’ARES est une coquille vide,aucun député n’ayant voulu fran-chir le pas avant 2012. Tout resteouvert pour l’année prochaine.Mais aujourd’hui certains voientplus large et rêvent d’un futurgroupe où se retrouveraient aussiles centristes de sensibilité démo-crate chrétienne qui avaientrejoint l’UMP sous la houlette dePierre Méhaignerie, voire FrançoisBayrou, autrement dit un groupequi aurait les contours de l’an-cienne UDF. Pour l’heure PierreMéhaignerie se contente de ré-pondre qu’il faut travailler avectoutes les sensibilités. Il a souventrué dans les brancards contre leGouvernement et quand ses amisle pressaient de quitter l’UMP tropdroitisée à leur goût il ne man-quait pas de rappeler que lesdéputés ont conclu « un contratde législature ». Or ce contrat estrenouvelable en juin prochain.Avec la petite trentaine de dépu-tés centristes de l’UMP il a, auprintemps dernier, joint ses voixà celles du Nouveau Centre et dela gauche, empêchant ainsi le

vote de la déchéance de nationa-lité pour les assassins de policiers.Un geste fort. Suffisamment pourêtre structurant ? Pas sûr.La droitisation de l’UMP, l’accentmis sur les questions sécuritairesau détriment des questions so-ciales, la place de plus en plus engrande occupée par le collectif dela Droite populaire, voilà ce quiagace plus d’un député UMP de lamouvance modérée. Avec seule-ment quarante-deux membres,élus enmajorité de circonscriptionsdu sud de la Loire où le Frontnational réalise des scores impres-sionnants, la Droite populaireoccupe l’espace médiatique. Etquand leurs porte-parole, LionnelLuca, Jean-Paul Garraud ou JacquesMyard arrivent aux Quatre Co-lonnes pour réclamer davantage defermeté en matière de contrôle del’immigration ou dénoncer le pro-jet du PS de droit de vote accordéaux étrangers (« un laissez-passer »),ils provoquent la ruée des micros.Dès le lendemain des sénatorialesils ont sonné la charge pourla reconquête, avec quatre-vingtspropositions, prônant plus defermeté en matière de sécurité,

l’instauration d’un délit d’outrageà la nation, mais aussi plus dejustice sociale. « On a l’impressionde n’entendre qu’eux » déplorentnombre de députés qui ne sereconnaissent pas dans ce discours,qu’ils jugent trop proche de celuidu Front national. Ce à quoiJean-Paul Garraud réplique :« Notre force, c’est notre atypisme,nous répondons aux aspirations desFrançais. » Pour l’ancien vice-président de l’Assemblée promusecrétaire d’État aux Anciens Com-battants, Marc Laffineur, c’en esttrop : l’UMP est « devenue unijam-biste, nous voulons qu’elle marchesur deux jambes ». Avec les soixante-dix députés qu’il affirme réunir auseinde son«GroupedesEuropéens»,il veut faire entendre la voix desmodérés de l’UMP. Même son decloche du côté du ministre des Af-faires européennes, Jean Leonetti :« Ils ont raison de s’exprimer, nousavons tort de nous taire », déclare-t-ilà propos de la Droite populaire.Opposant historique à une candi-dature Borloo à la présidentielle, ila créé un club « République et hu-manisme ». Même au sein de l’As-semblée, où la moindre initiativebénéficie d’une caisse de résonanceexceptionnelle, la notoriété de cesdeux clubs était infime ; leurs ani-mateurs veulent croire que l’unionfait la force : les « européens » et les« humanistes » vont fusionner,sous l’œil bienveillant de Jean-

Pierre Raffarin. Tous les proches del’ancien Premier ministre « ensont » : Axel Poniatowski, Domi-nique Bussereau ; une des porte-parole de l’UMP, Valérie Rosso-Debord, est annoncée. L’initiativeintrigue. Elle fait tiquer PierreMéhaignerie : « Après tout la Droitepopulaire fait son boulot, je ne les dia-bolise pas, ce qui compte ce sont lesvotes », déclare le président de lacommission des affaires écono-mique, qui rappelle qu’il a le pre-mier réclamé une taxation deshauts revenus (de plus de 150 000euros) et la création d’une tranchesupérieure de l’impôt sur le re-venu. « C’est peut-être la Droitepopulaire qui va nous éviter le Frontnational », soupire de son côtél’ancien garde des Sceaux PascalClément. « On construit rarementcontre », assène Jean-ChristopheLagarde, qui ne croit pas qu’il suf-fit « que deux groupes se rejoignentpour créer une dynamique ». Pourl’instant les dirigeants du groupeUMP restent dans l’expectative.Alors que certains y voient uneinitiative téléguidée par l’Élysée,d’autres se demandent plus prosaï-quement si les humanistes, quisont des humains comme les autres,ne sont pas en train de poser lesjalons d’une structure en casd’échec de Nicolas Sarkozy à l’élec-tion présidentielle. Car dans ce casde figure, personne ne donne biencher de la survie de l’UMP !

Certains dans la majorité peuventtoujours chipoter en assurant queles primaires citoyennes ne sontpas un succès car seuls 5 % ducorps électoral s’est déplacé. Entout état de cause, les deuxmillionset demi de participants sont plusreprésentatifs que les appareils despartis ou les 200 000 militants quijusque-là décidaient du candidatpour l’Élysée. Les primaires ontdémocratisé la démocratie.Le changement du discours des lea-ders de la droite est d’ailleurs signifi-catif. Après avoir dénoncé le fichagede la population et raillé lamachineà perdre dans laquelle s’engageaitle PS, ils se rangent aujourd’hui pourla plupart derrière François Fillon,qui estime que « les primaires sontun processus moderne qui convientaussi bien à la gauche qu’à ladroite ». Le Premier ministre a, il estvrai, quelques arrière-pensées : desprimaires pour la présidentielle de2017 lui permettraient d’échapperà l’appareil de l’UMP, tenu par Jean-François Copé…Au-delà de la compétition entreles candidats de gauche, les pri-maires marquent surtout le retourde la politique. On disait les Fran-çais définitivement fâchés avecune politique qui se résumerait àune vaine bataille de petitesphrases orchestrée par les médias :or les télévisions ont enregistré desrecords d’audience avec trois débatspourtant très sérieux, et parfoismême fastidieux, où la gaucheréformiste, dans toutes ses sensibi-lités, a saturé l’espace médiatique.Des débats qui ont marqué unchangement d’époque, avec l’ir-ruption de la dette au cœur despréoccupations, et la dénoncia-tion de la dictature des marchés,hier au cœur de la vulgate libérale.2012 n’a plus rien à voir avec2007. Arnaud Montebourg ena pleinement profité avec sa dé-mondialisation et son nouveauprotectionnisme, quand SégolèneRoyal faisait naufrage en voulantrefaire le match d’il y a cinq ans.Reste aux socialistes, et notam-ment aux deux qualifiés, à éviterles dérapages de l’entre-deux-tours,à préciser leur projet – veulent-ilscontinuer à augmenter la dépensepublique ? – enfin à affronterl’animal politique hors pair qu’estNicolas Sarkozy. S’ils ont remportéune victoire aux primaires, ilsn’ont pas encore gagné la batailleprésidentielle.

L’opinionde Gérard LeclercPRÉSIDENT DE LCP

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Le retour dela politique

LesorphelinsducentreBousculés par la Droite populaire, qui fait campagne dans les couloirs del’Assemblée, les députés centristes donnaient le sentiment la semainedernière de ne plus savoir à quelle famille se vouer. Les amis d’Éric Ciottid’un côté et ceux de Pierre Méhaignerie ou de Jean-Pierre Raffarin de l’autredébattent à coups de fleurets de moins en moins mouchetés.Par Anita Hausser

Jean-Paul Garraud. Leaderde laDroitepopulaire, il occupel’espacemédiatiqueavec ses41 collèguesqui appartiennentàcecourantde l’UMP.PHOTO MARTIN BUREAU/AFP

Jean Leonetti, ministre des Affaire européennes.Il regrettequelesautrescourantsdel’UMPnerépondentpasàl’activismede laDroitepopulaire. PHOTO AFP

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Plan large

Le retrait de Jean-Louis Bor-loo de la compétition prési-dentielle et la possible can-

didature d’HervéMorin constituentune clarification importante del’offre électorale de 2012.Mais ellene résout pas la question du dispo-sitif de la droite et la façon la plusefficace pour elle de gérer ses dif-férentes sensibilités.Sur le papier, une offre élargie àdroite a en effet comme avan-tage de pouvoir potentiellementséduire toutes les sensibilités dela droite et du centre droit. C’estla thèse de l’accordéon électo-ral : plus on élargit l’offre, plusla participation est bonne, cha-cun y trouvant une incarnationde sa sensibilité. Au second tour,le « sas » ainsi créé permet demeilleurs reports sur le candidatarrivé en tête du premier touret qui peut représenter telle outelle famille politique. Une can-didature Borloo ou équivalentéviterait ainsi notamment quecertains électeurs du centre droitrétifs à Nicolas Sarkozy ne soientattirés par François Bayrou ouun candidat de centre gauchedès le premier tour. Ce modèletrouve également sa justificationdans la réalité de l’hétérogénéitédes droites, chères à René Ré-mond, et dans un modèle qui aplus ou moins bien fonctionnéentre le RPR et l’UDF pendantune vingtaine d’années. Leproblème est que ce modèle estlargement erroné.Tout d’abord, le lien entre la par-ticipation et l’élargissement del’offre est loin d’être démontré :2002 cumule un double record,celui de l’offre de candidatures…et celui de l’abstention ! À l’in-verse, en 2007, le nombre decandidats se réduit, passant de16 à 12, mais la participations’accroît. Les électeurs vont doncaux urnes selon qu’il y a ounon un enjeu clairement perçuet non en fonction d’une offreélargie. Une candidature Borlooou Morin ne garantit pas l’élar-gissement du potentiel électoraldont pourrait bénéficier NicolasSarkozy au deuxième tour del’élection présidentielle.

Une extrême droite

qui bouscule le jeu

En effet, ce « modèle » a été etreste totalement bousculé parl’apparition à un haut niveau duFront national. Tant que le jeu àdroite se jouait entre une droitebonapartiste et unedroite orléaniste,

une offre incarnant ces deuxdroites avaient du sens. Quand ony ajoute une troisième compo-sante, ce jeu devient beaucoupplus problématique. Ainsi, en1974, la droite totalise au premiertour 50,9 % des suffrages et nes’érode que faiblement au second :50,8 %. Même constat en 1981 :49,3 % des suffrages au premiertour et 48,2 % au second. En 1988en revanche, l’extrême droiteréalisant un score significatif, letotal « droite + extrême droite »est de 50,8 % au premier tourmais la défaite de Jacques Chirac

est sévère : 46 %, soit une déper-dition de presque 5 points. En1995, la droite et l’extrême droitesont archi-dominantes : 59,2 %.Cela explique la victoire du se-cond tour… et occulte une loid’airain en construction : JacquesChirac n’obtient que 52,6 % dessuffrages, soit une perte de plus de6 points par rapport au premiertour. 2002 et son second tour aty-pique tout comme 2007 et le gel

de 18,6 % de voix Bayrou récusantune attache partisane à droite nepermettent pas de prolongerstricto sensu la démonstration.Mais la réalité, c’est bien qu’avecune extrême droite élevée, leticket d’entrée entre le score dutotal des voix de droite au premiertour et la victoire au second s’estaccru. Or, même avec une offreéclatée à droite, celle-ci ne totalisait,dans la dernière enquête Ipsos-Logica Business Consulting, que48 %, avec un Front national tou-jours élevé. Compte tenu d’unedéperdition inéluctable au second

tour, on voit donc mal en quoiune candidature Borloo ou autreaurait été ou serait un avantagepour Nicolas Sarkozy.Enfin, et c’était tout le problèmede cette candidature, pour êtreforte et en capacité de drainer unnombre important d’électeurs,elle doit se justifier autant par sonleader et ses propositions qu’en sedémarquant du candidat de ladroite bonapartiste. Elle suppose

donc, implicitement ou explicite-ment, de le critiquer. Plus encoreque dans les additions et sous-tractions supposées d’électeurs, làrésidait le plus grand dangerpour le sortant Nicolas Sarkozy :une alternative à droite « tapant »aussi fort, voire davantage que lagauche, sur son action et deseffets probablement ravageursdans l’opinion.Fondamentalement et sans mêmeparler du risque d’un « 21 avril àl’envers », discutable mais tou-jours possible, rien ne permetdonc d’affirmer qu’une candida-

ture Borloo pouvait avantager lePrésident et tout laisse plutôt pen-ser le contraire.

L’équivalent

d’une candidature

de Villiers

En revanche, un problème entierdemeure : il y a bien en Franceune tradition de centre droit queNicolas Sarkozy ne parvient pas àcapter. De fait, sur les 7 % environd’intentions de vote en faveur deJean-Louis Borloo, un gros tiersdevrait aller à François Bayrou,un petit tiers seulement à NicolasSarkozy et le reste à gauche, chezles écologistes ou dans la nature.Ce courant de centre et de centredroit pèse en France entre 7 %(point bas, Bayrou 2002) et 23 %(point haut, Poher 1969). Attachéà une certaine modération, àl’Europe, au social et à une culturedu compromis, rétif à une prési-dentialisation disproportionnéedu régime, il n’a pas trouvé sonincarnation actuelle définitive.Cette sensibilité, il est doncextrêmement important que lecandidat de l’UMP parvienne àl’intégrer dans son dispositif decampagne s’il veut pouvoir capi-taliser ne serait-ce que légèrementsur le retrait de Jean-Louis Borloo.Cela passe a minima par une miseen avant de certaines personnali-tés de centre droit et des valeursqu’elles portent.Enfin, en termes d’offre électorale,le problème principal de NicolasSarkozy n’est probablement pasd’éliminer une offre de centredroit afin d’en récupérer unepartie des électeurs. Il serait ouil aurait été plutôt de ressusciterl’équivalent d’une candidatureVilliers. Celle-ci aurait eu l’avan-tage de déporter Nicolas Sarkozyun peu plus au centre, lui permet-tant de mieux capter l’électorat decentre droit et d’éviter des prisesde positions auquel cet électoratest totalement réfractaire, tout enlimitant la poussée du FN.

Pour le directeur général d’Ipsos l’abandon de Jean-Louis Borloo,même s’il rassure Nicolas Sarkozy,ne résout pas la question qui se pose à la droite : rassembler tout son camp au second tour pourtotaliser plus de 50 % des électeurs. Pour l’instant, selon Brice Teinturier, le compte n’y est pas.

Par Brice Teinturier

GÉRA

RDCE

RLES

/AFP

«LE CANDIDAT DE L’UMP DEVRAIMPÉRATIVEMENT INTÉGRER LE CENTRE

DROIT DANS SON DISPOSITIF DE CAMPAGNE »

Droite : le retrait de Jean-Louis Borloone règle pas tout

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Mardi 4 octobreSondage BVA pour le Nouvel Ob-servateur qui paraîtra le lende-main : si le choix leur était offertentre Nicolas Sarkozy et AlainJuppé, 48 % des sympathisantsde la droite et du Modem choisi-raient Alain Juppé plutôt queNicolas Sarkozy. Si, parmi lesadhérents de l’UMP, le présidentde la République devance sonministre des Affaires étrangères, iln’en est pas de même parmi lescentristes, qui affichent leurspréférences pour Alain Juppé.Si Jean-Louis Borloo avait fait actede candidature, ce sondage auraitété sans importance. À partir dumoment où le président du Partiradical a brutalement jeté l’éponge,le fait que l’ex-Premier ministrede Jacques Chirac devance Nico-las Sarkozy dans l’électorat cen-triste en ferait – puisqu’aprèstout, il l’a dit lui-même devant lescaméras jeudi dernier, « il y aparfois des surprises dans la vie », –

un candidat plus que recevableà la prochaine présidentielle.Pour l’heure, la réunion ducomité exécutif du Parti radical,dans son siège historique, placede Valois, fait l’actualité : c’est àses membres que Jean-LouisBorloo a expliqué son retrait.Trois déçus, on pourrait presquedire trois cocus, dans l’entreprise :Rama Yade, Yves Jégo (le maire ex-UMP deMontereau) et DominiquePaillé, qui ont exprimé, dès lelundi matin, la désagréable im-pression d’avoir été trahis. Il fautdire que les trois avaient, paravance, lourdement payé leursoutien à Jean-Louis Borloo :Rama Yade avait été pratiquementmise en demeure de quitter sonposte d’ambassadrice de France

auprès de l’Unesco, DominiquePaillé avait été viré sans ména-gement de la présidence du conseild’administration de l’Officefrançais de l’immigration et del’intégration (OFII), poste qu’iln’aura occupé que quelques mois,de janvier à août 2011. Quant àYves Jégo, il doit manifestementen partie sa défaite au Sénat à sonralliement à Borloo, que les grandsélecteurs UMP locaux ne lui ontpas pardonné.Tous ont appris la décision de leurleader par un coup de téléphonehâtif de celui-ci, quelques minutesavant son passage dimanchesur TF1.

Mercredi 5 octobreTroisième et dernier débat des can-didats aux primaires socialistes.Même ambiance plus détendueque prévu, mêmes confrontationsun peu studieuses, qui restentsinon aimables, du moins cor-rectes, sur la santé et la sécurité,

avec seulement quelques piquesaigres-douces, et plutôt aigres quedouces, entre Martine Aubry etFrançois Hollande, sous le regarddes deux « révélations » politiquesde l’année, Arnaud Montebourg,sur la gauche du Parti, ManuelValls sur sa droite.Lionel Jospin est resté muet pen-dant toute la campagne. Sur PublicSénat, il a simplement dit, enréponse à une question, refusantde choisir entre les candidats : « Jeles connais tous, je les connais bien,je n’ai pas à peser sur le vote. »Effectivement, il les connaît bien :avec François Hollande, alors pre-mier secrétaire du PS, il a échangédes mois durant, de 1997 à 2002,ses réflexions sur les problèmesrencontrés à Matignon. Martine

Aubry a été sa ministre du Travail,celle qui a mis en œuvre la ré-forme des 35 heures, chère à celuiqui était alors Premier ministre, etManuel Valls, son porte-parole.Il aurait néanmoins parfaitementpu montrer sa préférence. Cerefus de choisir traduit sans doute,de la part de Lionel Jospin, davan-tage une sorte d’amertume qued’indécision.À noter l’intervention de FrançoisFillon dans la primaire socialiste,qu’il a qualifiée, au soir même dutroisième débat, de « processusmoderne qui convient à la gauchecomme à la droite. » Dès 2012 ?Non, évidemment. Cela attendra2017.

Jeudi 6 octobreAutre lecture de l’abandon deJean-Louis Borloo : de nombreuxleaders radicaux, comme AndréRossinot et Jean Leonetti, avaienten réalité vu d’un mauvais œilJean-Louis Borloo s’engager dansune campagne où, pour leurpropre situation, ils avaient tout àperdre. Financement de leurmouvement d’abord : l’UMP leuravait élégamment coupé les vivresaux premières incertitudes sur lacandidature Borloo. Et renou-vellement de leurs mandats par-lementaires ensuite : les députésradicaux étant le plus souventélus avec les voix de l’UMP, oncomprend que certains d’entreeux aient répondu dès aujour-d’hui aux avances de Jean-François Copé.Pendant ce temps-là, le Sénat,devenu de gauche, s’organise sansremous. L’UMP Philippe Marini agardé son poste de rapporteurgénéral de la commission desfinances, sur le modèle de la règleétablie, depuis maintenant quatreans, à l’Assemblée nationale,où la présidence de la commissiondes finances est confiée au Palais-Bourbon à un membre de l’oppo-sition, le socialiste JérômeCahuzac.Jean-Pierre Bel a ainsi concluune négociation serrée avec Jean-Claude Gaudin, président dugroupe UMP, en échange d’un« accord global de gouvernancesur le fonctionnement du Sénat ».Certains sénateurs de gauchenouvellement élus, socialistes etcommunistes, ont bien tordule nez, mais Jean-Pierre Bel a fi-nalement imposé sa loi, en leurfaisant remarquer qu’il disposait

d’une majorité trop étroite (177sur 348) pour faire le malin avecla droite.

Dimanche 9 octobreLe voici, ce premier tour de la pri-maire socialiste sur lequel sontbraqués, depuis six semaines, lesprojecteurs de la politique. Plus dedeux millions et demi d’électeurs:manifestement, ce nouveau moded’intervention du citoyen dans lavie publique est une grande pre-mière dans la vie démocratiquefrançaise. Et il a déplacé une fouleconsidérable. Même si, dimanchesoir, devant les caméras de France 2,Jean-François Copé, la minesombre, minimisait les chiffres,il aurait été le premier à dire qu’àmoins d’un million d’électeurs lePS aurait perdu la partie. Au-delàdu million, convenons donc qu’ill’a gagnée. Martine Aubry a faitune meilleure campagne qu’an-noncé. François Hollande l’amoins largement devancée qu’ilne l’espérait, mais le vrai vain-queur est arrivé en troisièmeposition : il s’agit d’ArnaudMontebourg, l’homme de l’at-taque frontale contre les banques,contre le système financier mon-dial, crédité d’un nombre de suf-frages inespéré pour ses troupes.Il ne sera pas présent dans le com-bat du deuxième tour, qui sedéroulera entre François Hollandeet Martine Aubry, mais il est enmesure de vendre chèrement sapeau. C’est de lui, de ceux quiont voté pour lui, que dépend,peut-être d’un cheveu, la désigna-tion, dimanche prochain, du can-didat ou de la candidate socialisteen 2012.

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Plan large

CahiersdecampagneParMichèleCotta

Plusd’amertumequed’indécision.PHOTO PIERRE VERDY/AFP

LesdéçusdeBorloo. PHOTO GÉRARD CERLES/AFP

Aubry-Hollande : ledébatdudeuxièmetour. PHOTO PATRICK KOVARIK/AFP

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Réforme

Soutenu par le présidentSarkozy, qui avait approuvél’idée, mi-septembre, lors de

son discours de Réau sur l’applica-tion des peines, le texte prévoitl’encadrement des mineurs délin-quants de 16 à 18 ans au sein d’un« service citoyen ». Financé par lestaxes perçues sur le tabac, ce pro-gramme vise selon son auteur à« réinculquer des principes de vieen société tels que le respect del’autre, de la collectivité, mais aussile respect de soi et le goût du tra-vail grâce à une discipline stricte

mais valorisante, inspirée de la ri-gueur militaire. » Le dispositif, quidoit créer dans un premier temps220 places d’accueil pour une duréede six à douze mois, semble avoirbénéficié de toute l’attention del’Élysée et de l’UMP. En effet, avantmême que le texte ne soit adoptéau Palais-Bourbon, le ministrede la Justice, Michel Mercier, avaitannoncé que trois EPIDe (Établis-sement public d’insertion de laDéfense) pourraient accueillir dèsfévrier 2012 des mineurs délin-quants, élargissant ainsi la palette

du juge pour apporter de nouvellesréponses à la délinquance desmineurs. Rapidité, donc, pour untexte qui ne faisait pas l’unanimité.D’abord à droite, où de nom-breuses voix avaient dénoncé laproposition de loi. En tête, MichèleAlliot-Marie et la commission de ladéfense, qui avaient mis en avantle risque de déstabiliser les EPIDe,structures encore récentes et don-nant déjà de bons résultats, enmé-langeant les jeunes volontairesmajeurs qui s’y trouvent avec desmineurs, à hauteur de 10 %, venus

là essentiellement pour échapperà une sanction pénale. À gauche,on a raillé un texte qui ressemblaitun peu trop à la proposition de lacandidate Royal en 2006, mêmes’il ne prévoit qu’un encadrementmixte d’éducateurs et de militairesà la retraite. Autre critique du PS,notamment celle de Julien Dray,qui a cru voir dans ce projet de finde mandature une ficelle politiquedestinée à alimenter le bilan sécu-ritaire de la majorité et à mettre del’huile sur le feu dans les primairessocialistes… Antoine Colonna

L’Assemblée nationale se prononce cette semaine sur la proposition de loi du député UMPÉric Ciotti instaurant une forme d’encadrement militaire pour les mineurs délinquants.Le Sénat, nouvellement à gauche, devrait s’opposer à ce texte.

Desdélinquants chez lesmilitaires :çagrinceet çacoince

Lapropositionde loi défendueparÉricCiottine fait pas l’unanimitédans lamajorité,deMichèleAlliot-Marie à la commissionde ladéfense.Ressemble-t-elle àunepropositiondeSégolèneRoyale?Non, la proposition de Ségolène Royaleétait axée sur l’armée. Il s’agissait de re-mettre les jeunes dans un dispositif gérépar l’armée. Or, aujourd’hui, cela n’a rien àvoir. Si les EPIDe dépendent du ministèrede la Défense, c’est avant tout un projet,

créé par Michèle Alliot-Marie, dans lequelon donnait la possibilité à des jeunes de sereconstruire au sein d’un établissementleur offrant un encadrement, des repères etune formation qui est aménagée. De plus,les EPIDe sont dirigés par des jeunes retrai-tés et par des éducateurs spécialisés pourl’autre moitié. Ce n’est pas une caserne.

Ce nouveau dispositif n’est-il pasredondant avec celui des centreséducatifs fermés ?Non, les CEF sont destinés aux multi-récidivistes. Le juge pour enfants proposeces centres comme une alternative à laprison. Il y a deux éducateurs spécialiséspour un jeune avec un coût de 800 eurospar jour contre 100 pour les EPIDe…

Que va apporter ce texte ?La proposition portée par Éric Ciotti faitpartie d’un ensemble de soixante propo-sitions que j’avais présentées dans monrapport au Premier ministre, qui m’avaitdemandé de réfléchir à la politique deprévention eu égard à l’augmentation desdélits des mineurs. J’avais donc proposéd’élargir le dispositif des EPIDe (18-25 ans) aux mineurs dès 16 ans. Cequi est essentiel, c’est que ce texte nouspermet de nous adapter à la réalité de ladélinquance des jeunes. Lors de la rédac-tion du rapport, tous les acteurs – les tra-vailleurs sociaux, les magistrats, lespoliciers, les services des collectivitéslocales – étaient d’accord pour dire qu’ilfallait éviter de fabriquer des délinquantspour ne pas avoir à les traiter. Ce quenous voulons faire, c’est sortir au plus tôtles jeunes du ghetto des cités pour queleurs repères ne soient pas un caïd quidétruit leurs vies, mais un adulte référentqui les aide à se construire.

Oui, sans réserve Non, mais…3 questions à 3 questions à

Quepensez-vousdu texted’ÉricCiottisur l’encadrement citoyendesmineursdélinquants?C’est un texte d’affichage. Il s’agit de récu-pérer une bonne idée exprimée parSégolène Royal en 2006. Proposition quidemeure pertinente, mais qui est dénatu-rée par ce projet de loi. Par ses modalitéset par l’impact réel qu’il aura. C’est untexte d’affichage parce que le nombre demineurs concernés tiendra sur les doigtsdes deux mains d’ici la prochaine électionprésidentielle… Ce n’est pas sérieux. LeGouvernement veut faire croire qu’il faitquelque chose, alors que les violencescommises par des mineurs ont augmentéde 57%depuis que la droite est au pouvoir !Il y a un constat d’échec dramatique dontpersonne ne peut se réjouir.

Yaura-t-il unebataille auSénat?Oui, et le Sénat rejettera ce texte. Leministrea annoncé qu’il y aurait des mineurs dansles EPIDe en février prochain. Quand on saitqu’il est prévu qu’il y en ait 10%…C’est in-croyable. C’est la même logique que pour larègle d’or : Nicolas Sarkozy propose de lafaire voter après avoir multiplié les déficitspar deux. Il y a un échec sur la délinquancedesmineurs et on vient en fin de législature,à la dernière minute, pour essayer de re-prendre une bonne idée après s’être obstinéà la rejeter pendant des années.

Ya-t-il unearrière-penséepolitiqueà l’UMPdestinéeà semer la zizanie auPS?Au-delà d’un impact sur les primaires duPS, l’objectif est de priver la gauche d’uneproposition essentielle et marquante sur lasécurité à l’approche de la bataille électo-rale de 2012. Il n’y a pas que le retour dela police de proximité dans nos proposi-tions sur la sécurité. Cela serait insuffisant

dans la situation que nous connaissonsaujourd’hui. Alors que les socialistesfinissent par bouger sur la sécurité, il n’ya pas de raisons valables pour eux derejeter la proposition de 2006. Il y a uneposture tactique mais sur le fond, on l’a vudans les débats, une majorité des députéssocialistes est d’accord pour expérimenterde nouvelles solutions.

Propos recueillispar Antoine Colonna

JACQUES ALAIN BÉNISTIDÉPUTÉ UMP DU VAL-DE-MARNE

DELPHINE BATHODÉPUTÉE PS DES DEUX-SÈVRES

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Michel Mercier. LegardedesSceauxsoutient lapropositionCiotti. PHOTO CYRIL FOLLIOT/AFP

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L’admiroir

Debré, «fils de» et qui l’assumePar Éric Fottorino

Invité à traverser la galerie deses grands hommes, Jean-LouisDebré évoque forcément la

figure majestueuse et magistraledu général de Gaulle, à jamais liéeà celle de son père, Michel Debré.Mais comme une promenade aubord de sa chère Loire blonde ettranquille, le président du Conseilconstitutionnel suit des méandresinattendus pour gagner l’estuairede Gaulle, là où convergent leseaux mêlées de la République etde la France, de l’histoire et desinstitutions démocratiques. « L’his-toire de la République s’est perchée,penchée sur moi dès l’enfance,explique-t-il avec chaleur et simpli-cité. Malraux disait qu’il existaitdeux façons d’être un fils parmi les fils,ou un homme parmi les hommes :cultiver sa différence ou approfondirsa communion. » Nul doute quece grand serviteur de la chosepublique (« je ne me serais pas vudans une entreprise privée ; magis-trat oui, pas avocat… ») n’a cesséavec le temps d’approfondir sacommunion républicaine.

Les deux Carnot, Lazare et SadiAu départ, chez celui qui évoqueavec flamme sa « petite famille al-sacienne », son arrière-grand-pèrele rabbin Simon Debré, songrand-père le célèbre pédiatreRobert Debré, ami de Péguy et deMauriac, au départ donc apparaîtla figure de Carnot. Sadi ? D’abordLazare, le héros de la Révolution,dont Michel Debré, peu avant demourir, lui remit un petit portraitqu’il possédait. Lazare Carnot lecapitaine et le poète, le faiseurd’armées, le modéré qui contraRobespierre et Saint-Just. Mais àplonger dans l’ouvrage richementillustré de Jean-Louis Debré, Entête-à-tête avec les présidents de laRépublique, on mesure la part bellequ’il réserve à Sadi Carnot, lePrésident assassiné par l’anar-chiste Caserio près du Grand-Théâtre de Lyon. Carnot qui,répondant aux vivats de la foulescandant sonnom, rétorquait : « Onne dit pas vive un homme, mais vivela République ! » C’est aussi le cridu cœur de Jean-Louis Debré :« Carnot fait aimer la Républiqueaux Français. »Puis, un autre héros lui vient aus-sitôt à l’esprit : Jules Ferry. « Pour

la laïcité. Et aussi pour le sentimenttrès fort du patriotisme alsacienet lorrain. » Nous y revoici, à cetattachement viscéral à la Francede cette « petite famille alsa-cienne ». N’est-ce pas le jeuneRobert Debré qui ramènera à safamille le corps d’Abel Ferry,neveu « adoré » de Jules, tué surle front de l’Aisne en 1918 ?

Une conviction dreyfusardeÀ l’évidence le futur professeurRobert Debré est le premier pas-seur des valeurs qu’incarnent ceshautes figures du patriotisme.Non pas le patriotisme de la supé-riorité de la France, mais celui quedéfendra toute sa vie son filsMichel Debré, ainsi résumé parpetit-fils Jean-Louis : « Ce que lesFrançais ne font pas pour la France,personne ne le fera. » Robert Debrétransmet l’esprit des Cahiers de laquinzaine, de Péguy, avec lequel ilse brouillera un temps. L’auteurde Notre Jeunesse, pénétré de sonmysticisme, avait voulu pousserson ami vers la philosophie,quand celui-ci ne rêvait que depédiatrie… Dans ce creuset répu-blicain, le fils du rabbin Simon

Debré sait ce que veut dire la laï-cité. Il a épousé une jeune femmecatholique originaire de Toulouse,dont le père n’est autre que lepeintre Édouard Debat-Ponsan,connu pour son tableau La Véritésortant du puits, illustration duJ’Accuse… ! de Zola. Une convic-tion dreyfusarde rare chez lescatholiques, et qui le priva decommandes…Pétri de toutes ces influences,dévalant l’avenue Carnot puisremontant le boulevard Ferry, Jean-Louis Debré devait naturellementdéboucher sur le « monument »de Gaulle, un pic, un cap, unFinistère ou plutôt une place del’Étoile qu’un général grandeurNation occupait au nom de laFrance éternelle, celle de Jeanned’Arc et de Louis XI. « De Gaullea marqué mon enfance et mon ado-lescence, se souvient l’ancien prési-dent de l’Assemblée nationale.Mon grand-père, mon père, mes onclesavaient été embarqués dans la Résis-tance. Mon père avait rejoint deGaulle pour son idée de la Répu-blique davantage que pour son idéede la France. Le Général était fasci-nant car il avait su par deux fois

rencontrer les Français. En juin 1940il s’était dressé et il était devenu laFrance. Comme en 1958. »Pour Jean-Louis Debré, de Gaulleet son père vont « fusionner dansla Constitution de 1958 ». Il évoqueavec émotion les notes manus-crites retrouvées, attestant que lesdeux hommes discuteront « plumeà la main » sur la rédaction denombreux articles de la loi fonda-mentale. Le général imprégnéd’histoire, Michel Debré empli deson immense culture de légiste,« chacun, et d’abord de Gaulle,avec une certaine idée de leur rôlehistorique ». À ce moment-là ilsfont et ils sont l’histoire. Voilà quimarquera le double engagementde Jean-Louis Debré : l’approchedu fondateur de la Ve République,président « arbitre de l’intérêtgénéral », et celle de son père,apôtre du « parlementarismerationalisé ». À écouter notre hôtedans son bureau baigné delumière de l’aile Montpensier, auPalais-Royal, « de Gaulle n’avaitpas d’idée précise du régime politiquequ’il souhaitait. Il croyait auréférendum pour passer par-dessusla tête des élus du peuple, Michel

Debré voyait les choses un peuautrement ».

« J’étais là avant »Parmi les mille signes gaulliensqui, aujourd’hui encore, fascinentle président du Conseil consti-tutionnel, demeure l’écriture.« Plus qu’un écrivain, de Gaulle est ledernier grand portraitiste. Sa visiond’Hitler est fascinante. » Et de citerde mémoire un passage où ilévoque le chef du parti Nazi qui« s’est offert à l’Allemagne au mo-ment où elle éprouvait le désird’un amant nouveau ». La voix, lestyle, voilà ce qui résiste chez« son » deGaulle qu’il voyait enfant,avant 1958, à la cérémonie trèsintime du Mont-Valérien où seretrouvait une maigre assembléede compagnons avec leurs enfants.« Après 58, il y avait un monde fou.Les gens se bousculaient pour être aupremier rang. J’avais envie de crier :“j’étais là avant !” J’ai compris quela politique était un monde rempli decourtisans, d’abonnés du derniertrain… » Lui, Jean-Louis Debré,a conservé la flamme du départ,quand le gaullisme convoyaitardeur et grandeur.

Unarrière-grand-père rabbin, un grand-père inventeur de la pédiatriemoderne, un père Premierministre et, à côté, deGaulle : le présidentduConseil constitutionnel a l’humilité de ceux qui sontnés des plus grands. Jean-Louis Debré revendique ses parrains qui ont fait l’histoire.

MARTINBUREAU/AFP

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Après avoirmisé sur la réno-vation urbaine, à grandrenfort de tramways et de

quartiers remodelés faisant la partbelle auxbourgeoisbohèmesadeptesde Vélib’ et de voitures électriques,les maires des grandes villes deFrance doivent faire face au défide la cohésion sociale. Un enjeumajeur à l’heure où la crise noircitle moral des Français – la dernièreenquête TNS-Sofres fait ainsi appa-raître que deux tiers des sondésredoutent le chômage, 76 % sou-haitant de nouvelles réponsespour une réforme de la société – etcreuse un peu plus les inégalités.Pour Jean-Paul Delevoye, présidentdu Conseil économique, social etenvironnemental : « La société mo-derne a une soif de liberté individuellequi pose des problèmes de vie collec-tive, d’instabilité et de précarité. »Face au conflit transgénérationnel,au problème identitaire et de bas-culement culturel qui se dessinent,« les politiques doivent responsabiliserles citoyens, éveiller les conscienceset innover au plan local, au risque decréer des phénomènes d’exclusion ».

« Nous avons une crédibilitépour créer du lien dans les cités »Confrontés à la montée de la pau-vreté, à l’accroissement des écartsde richesses et au décrochage desclasses moyennes, les maires des

grandes villes serrent les rangs, es-timant que les réponses apportéessont dépassées et insuffisantes.« Les collectivités locales, au premierrang desquelles figurent les grandsterritoires urbains qui sont en priseavec ces évolutions, sont plus àmême de répondre à ces nouvellesfractures sociales et urbaines. Nous

avons une crédibilité pour créer dulien dans les cités », estime Ber-trand Delanoë, maire de Paris. Etde plaider pour un nouveaumodèle de société alimenté parl’économie solidaire, à l’imagedes monnaies équitables commeà Toulouse (voir aussi notre éditiondu 14 septembre). « La démarcheassocie une utilité sociale à une di-mension économique. Elle représente12 % des emplois à Pau, qui favori-sent un développement harmonieuxet équilibré », souligne sa députée-maire, Martine Lignières-Cassou.

« Après trente ans de politique clien-téliste de la droite, explique poursa part Adeline Hazan, maire deReims, nous avons changé les règlesd’attribution des aides sociales. Dujour au lendemain, 1 500 personnessupplémentaires se sont retrouvéesallocataires. » Face aux urgencessociales et économiques qui s’ai-

guisent, l’ex-sénatrice DominiqueVoynet, maire de Montreuil, sedit « fatiguée que l’État impose descontraintes sans mettre au pot. Lalutte contre la pauvreté est un combatcomplexe dans lequel le politique doitêtre impliqué. »

Jardins partagés et défilés demode, vecteurs d’intégrationPortée par le souhait d’undeuxième programme de réno-vation urbaine, la politique de laville doit être une priorité natio-nale, recommandent les maires.

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Initiatives

Concilier rigueur économiqueet intégrationsociale

«LES COLLECTIVITÉSLOCALES SONT LES PLUS

À MÊME DE RÉPONDREAUX NOUVELLES FRACTURESSOCIALES ET URBAINES »

Bertrand Delanoë, maire PS de Paris

DR

JEAN

AYISSI/AFP

La crise s’est invitée dans l’économie des collectivités locales. Lesmaires des grandes villesde France, réunis à Paris fin septembre, ont tenté de trouver des politiques qui concilientla rigueur économique et une politique sociale dynamique.

Lutter contre la ghettoïsation des villes

Quel regardportez-voussur lesémeutesàLondresde l’étédernier?Nous sommes des élus de terrain pour soutenir la jeunesse et menerune politique de la ville de proximité. Nous restons attentifs, car l’étin-celle peut toujours être là. Il faut sortir du début de ghettoïsation desquartiers. Il faut donner des perspectives à travers l’engagement descollectivités et des liens entre les intercommunalités. Nous devons allervers une forme de décentralisation de la politique de la ville, et sortirde la politique des quartiers pour aller vers une politique urbaine etéconomique plus cohérente.

Précisément,quels sont lesenjeuxduprojetMulhouseGrandCentre2016?Nous souhaitons affirmer la place de Mulhouse face à Bâle et à Stras-bourg en développant un concept de ville douce. Nous sommes dans

une région transfrontalière, concurrencée par l’Allemagne et la Suisse.Notre ambition est de faire de Mulhouse une nouvelle centralité dansl’est de la France. L’Alsace a besoin d’un axe Strasbourg-Mulhouse fort.

Commentgérez-vous l’héritagedevotreprédécesseur Jean-MarieBockel,mairedeMulhousependantvingt etunans?L’enjeu est aujourd’hui d’impulser une nouvelle dynamique en met-tant l’accent sur la proximité, et la présence dans les quartiers. C’estune orientation qui se révèle indispensable pour rapprocher les ci-toyens des politiques. Dans une agglomération qui se caractérise parune mixité sociale forte, la démarche doit s’accompagner de projetsen faveur de la jeunesse, de la formation et de l’attractivité culturelle,vecteurs d’intégration et de notoriété pour la ville.

Rencontre

Uncasse-têtepour lesgrandesvilles

Lemaire (UMP)deMulhouse JeanRottner,qui travaille sur l’aménagementdeszonessensibles,aengagésavilledansun largeprojetde rénovationurbaine.

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Quelle analyse faites-vous dusondage TNS-Sofres qui révèleque 75%des Français ont lesentiment de vivremoins bienqu’auparavant ?Les résultats reflètent le désarroides Français. La crise a atteintune ampleur inédite. Il y a unedistance qui s’est créée entreles populations et les élites (po-litiques, économiques, média-tiques). Dans cette grisaille, lesélus locaux possèdent encore laconfiance des citoyens. Celanous donne une responsabilitéévidente. La crise financière et

sociale s’est doublée d’une crisemorale. Nous devons redonnerde l’envie et de la confianceà travers de nouvelles pratiquesinstitutionnelles. Les élus présentssur le territoire sont porteursd’innovation, à travers les pôlesde compétitivité. Nous insti-tuons de nouvelles tendancesqui peuvent être reprises au plannational, voire européen. Il y aun besoin de démocratie et desolidarité entre les élus locaux,quelle que soit leur couleurpolitique, pour partager l’expé-rience des uns et s’enrichir dela créativité des autres.

Quelle place défendez-vouspour les élus ?Face aux crises économiques, decohésion sociale et au risqued’exclusion que connaissent lesFrançais, les élus locaux peuventcréer de la confiance. Les grandesvilles sont à la fois des réceptaclesdes difficultés des gens et deslieux d’innovation, capablesde corriger les inégalités. Noussommes en première ligne. Pen-dant la crise, les citoyens attendent

de nous de l’audace et l’envied’avancer à travers une politiquedu vivre et de l’agir ensemble.

René Ricol, commissaire généralà l’investissement, a confirméque plus de 5 000 collectivitéslocales étaient confrontées auxemprunts toxiques : les villesont-elles encore lesmoyens deleurs ambitions ?En 2010, l’investissement descollectivités territoriales a baissé.Parallèlement, le crédit estdevenu plus rare et plus cher,d’où le risque d’assister à uneréduction des investissements.C’est pourquoi nous demandonsla mise à disposition immédiatedes fonds d’épargne gérés par laCaisse des dépôts afin d’éviterune panne des investissementslocaux, qui représentent les troisquarts de l’investissement publiccivil. Nous avons par ailleurssoutenu la création d’uneagence de financement dédiéeaux collectivités locales afin dedisposer de ressources pérennesdans un contexte de crise deliquidités bancaires.

« Elle a eu des effets positifs en termesde requalification des espaces publics.Mais à côté rien n’a bougé, avec dessituations sociales qui se dégradenten matière d’emploi, de logement etde cohabitation », regrette néan-moins le député Patrick Braouezec.Avec comme enjeu sous-jacent laprise en compte des traditions etdes pratiques religieuses dansleur diversité. « Il faut inventer desoutils d’intégration qui mixent les po-pulations, à l’image des ateliers d’écri-ture ou des jardins partagés, quiapportent de nouvelles façons de vivreensemble », souligne encore Domi-nique Voynet. À Montfermeil, lamunicipalité mise ainsi sur les dé-filés de mode, qui promeuvent lacréation artistique sur fond de parti-cularités culturelles.Sensible à la fronde des élus, leministre de la Ville, Maurice Leroy,a annoncé en marge du sommetla prorogation des zones franchesurbaines (ZFU), dans le projet deloi de finances pour 2012. Quantau manifeste intitulé Maires, del’audace, encore de l’audace !,adopté à l’issue de la journée, ilse heurte à la réalité financièredes collectivités locales. « Je meméfie des grandes perspectives qui nesont pas étayées par des moyens »,conclut le maire du Mans, Jean-Claude Boulard.

Ludovic Bellanger

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POLÉMIQUEAUTOURDUMONTSAINT-MICHEL� Les travaux qui permettront aumontSaint-Michel (Manche) de redevenir une îlesont critiqués par les tour-opérateursjaponais. La société Sodetour va ainsi faireappel de la décision du tribunal administratifde Caen du 12 juillet qui avait rejeté sarequête contre un départ des navettes à800mètres du parking. Et de prévenir :« Si la destinationmont Saint-Michel nemarche plus, on ira ailleurs. »

SAINT-NAZAIREDÉFENDLAVIANDEÀLACANTINE�Un collectif de dix-huit famillesnazairiennes en Loire-Atlantique,principalementmusulmanes, demandentdesmenus sans viande à la cantine. Lamairie PS s’y oppose, arguant du risque dedérives communautaristes : « La cantineest un servicemunicipal », elle est donc« publique, laïque et facultative. Nousproposons déjà des repas de substitutionpour s’adapter aux cultures. » Depuis 2008,lamunicipalité lyonnaise offre desalternatives à la viande afin de ne pascontrevenir aux interdits alimentaires decertaines religions.

TER:LESRÉGIONSAPPELLENTL’ÉTATETÀLASNCFÀSESRESPONSABILITÉS� «Nous avons ressuscité les TER. Grâce ànos efforts, leur fréquentation a grimpé de40%.Mais aujourd’hui, on touche auxlimites du système», commenteAlainRousset, président de l’ARF. Présent àNantes à l’occasion des états généraux destransports ferroviaires régionaux, il dénoncele gel des ressources accordées par l’État etl’opacité des comptes de la SNCF. Sonprésident, GuillaumePépy, reconnaît que« le fonctionnement du système est àrevoir ». Il promet « une nouvelle étape»en fin d’année. Jacques Auxiette, présidentde la région Pays de la Loire, de souhaiter« une réformedans son ensemble dusystème ferroviaire français ».

PARISENAUTOLIB’�Une soixantaine deBluecars sillonnela capitale depuis le 2 octobre. Déployésur lemode duVélib’, le systèmede voituresélectriques en libre-service est actuellementtesté dans une dizaine de quartiers. Il seraaccessible au grand public le 5 décembreprochain. Leprogramme,qui devrait compter2 000 véhicules d’ici juin 2012, sera déployéà termedans 46 villes d’Île-de-France

NICEÉTENDLAVIDÉO-VERBALISATION�Nice étend son dispositif de vidéo-verbalisation sanctionnant lesautomobilistes garés en double file,une tradition particulièrement visible dansla 5e ville de France, provoquantembouteillages et accidents. « La baissedu stationnement sauvage sur ces voiesréservées à la circulation a augmenté lafluidité du trafic de plus de 50%, fait baisserle nombre d’accidents, les nuisances sonoreset les émissions de CO2 », énumère lemairedeNice, Christian Estrosi. Des systèmessimilaires de vidéo-verbalisationsont actuellement testés à Cagnes-sur-Mer,Antibes et Cannes (Alpes-Maritimes),et Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).

En bref

Avec 1 200 000ménages enattente d’un logementsocial, « Les moments diffi-

ciles sont plutôt devant nous en rai-son de la baisse prévue des subven-tions et des financements de l’État,du 1 % logement et des collectivitéslocales », prédit Thierry Repentin,

président de l’Union sociale pourl’habitat (USH), qui chapeaute lesorganismes HLM, représentant10 millions de personnes logées.« Les locataires sont de plus en pluspauvres, les situations d’impayésse développent, le logement socialsubit la crise de plein fouet », rappelleencore Thierry Repentin.Pour le sénateur socialiste, « ledésengagement de l’État se poursuit »

parce que les « aides à la pierre »,qui permettent de construire deslogements sociaux moins chers,vont encore baisser, passant de800 millions d’euros en 2008à 300 millions en 2012.Reconnaissant que « la Francea besoin de logements », même

après la construction de plusde 600 000 logements sociauxneufs financés entre 2005 et 2010,le secrétaire d’État au LogementBenoist Apparu préfère pour sapart parler « d’une logique de résul-tat », en mobilisant plus demoyens sur les régions les plusdéficitaires, notamment l’Île-de-France, Rhône-Alpes et les façadesatlantiques et méditerranéennes.

En clôture du congrès bordelais, lesecrétaire d’État n’exclut pas parailleurs une modification de la loiSRU permettant de majorer le

pourcentage de 20 % là où lesbesoins sont les plus forts, maisaussi de le minorer là où lesbesoins sont moindres. L.B.

LesHLMfaceaudésengagementde l’État

«LES SITUATIONS D’IMPAYÉSSE DÉVELOPPENT, LE

LOGEMENT SOCIAL SUBITLA CRISE DE PLEIN FOUET »

Thierry Repentin, président de l’Union sociale pour l’habitat (USH), réunieen congrès à Bordeaux, dénonce les choix budgétaires de l’État. Et reprocheauGouvernement de ne pas apporter les bonnes réponses face à l’explosiondes besoins sociaux enmatière de logement.

MICHEL DESTOTMAIRE PS DE GRENOBLE,PRÉSIDENT DE L’AMGVF

« Un besoin de démocratieentre les élus »

3 questions à

ThierryRepentin. Lesénateur socialistepréside l’Unionsocialepour l’habitat. Il s’inquiètede l’appauvrissementdes locataires,quiprovoquedenombreuxdéfautsdepaiement.

GÉRARD

JULIEN/AFP

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Àdistance

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Être sans-abri est la pireforme d’exclusion sociale »pour la socialiste Per-venche Berès. « Il est temps

que les gouvernements prennentleurs responsabilités. Notre premierdevoir est de protéger les plus vulné-rables », selon la verte KarimaDelli.Les deux Françaises ont préparéla résolution du Parlement quivient d’être adoptée.Si le terme de « sans-abri » évoquedes exclus de la société dormantsous des tentes ou sur des cartons,cette image ne recouvre en faitqu’une petite partie de la réalité.De plus en plus de personnes enEurope sont touchées par la pré-carité : une perte d’emploi, unebaisse de revenus conséquente àla crise peuvent avoir des effetsdramatiques. Il est alors difficilede trouver un toit – un phéno-mène renforcé par la flambée desprix du logement.Un nombre grandissant d’Euro-

péens passent la nuit dans leurvoiture, dans de petits hôtelsou toutes sortes de logementsprovisoires. Les jeunes, les immi-grants, les femmes et les travail-leurs pauvres sont les catégoriesles plus touchées.

Une action principalementfinancièreDe fait, l’aide aux personnes sans-abri relève des compétences desÉtats, mais l’Union européennepeut jouer un rôle en mobilisantdes fonds. Cela peut ainsi se fairegrâce au Fonds européen de déve-loppement régional (FEDER), quifinance le logement social. Il enest de même pour le Fonds socialeuropéen, qui soutient la réinté-gration des sans-abri sur le marchédu travail – une condition sinequa non pour quitter la précarité.

Un abri pour tous d’ici 2015L’an dernier, unemajorité de dépu-tés européens avaient signé unedéclaration écrite appelant à lamise en place d’une véritablestratégie européenne pour lespersonnes sans-abri. « Personne nedevrait dormir dans la rue ; […] per-sonne ne devrait rester dans un héber-gement de transition plus longtemps

que nécessaire ; personne ne devraitsortir d’une institution sans option derelogement ; [et] aucun jeune nedevrait finir sans-abri du fait de latransition vers une vie indépendante »,avaient martelé les députés.L’objectif qu’ils avaient fixé estde régler définitivement ces pro-blèmes d’ici 2015. Les parlemen-taires l’ont rappelé au commissaire

européen László Andor. Ce derniera expliqué que la Commission tra-vaillait en ce sens, notammentdans le cadre du plan pluriannuelde 2013. Il a souligné qu’elle avaitcommandé de nouvelles études etrappelé que le principal enjeu estd’amener les États à développerdes plans d’action nationaux.

Joël Genard

Depuis deuxans, le nombredes sans-abri a augmentédemanière spectaculaire parmi les paysles plus touchéspar la crise : laGrèce, lePortugal, l’Espagne, l’Italie etmême leRoyaume-Uni.Dans cespays, ceuxqui n’ontplusde toit sont enaugmentationde 15à50%.Deuxdéputéeseuropéennesont fait adopter par le parlementdeStrasbourgune résolutionqui demandeà laCommissiondeprendredes initiativespour contraindre les Étatsmembresà lutter contre ce fléau.

Des sans-abri parmillionsLesdommagescollatérauxde la criseenEurope

3 questions à

VousvousêtesengagéeavecPervencheBerèsdanscecombatcontre laprécarité.Avez-vous lesentimentqu’unpasaété franchiaveccette résolutionvotée?C’est une avancée importante etil faut absolument régler ce pro-blème d’ici 2015. Il fallait cetterésolution et, dans la commissiondes affaires sociales et de l’em-ploi, j’ai réussi à faire adopter untexte débattu ensuite en plénière.Il faut savoir que l’estimationminimumdes sans-abri en Europeest de 3 millions de personnes.Mais c’est sans doute beaucoupplus. Des millions de personnesvivent aussi dans des situationsdifficiles, voire précaires. L’ab-sence de chez-soi est une viola-tion grave des droits. Mais laforme la plus visible et criantedu mal-logement est celle dessans-abri. Il faut lutter contrele scandale de l’inaction des gou-vernements sur ces probléma-tiques.

Comment lesgouvernementspeu-vent-ilsprendre leursresponsabili-tés faceàcephénomène?Avec cette résolution, la Commis-sion européenne doit rendre descomptes. Elle doit désormais éla-borer une stratégie européenne.Les États membres devront êtrecontraints d’appliquer cetterésolution. Cette stratégie euro-péenne devra ainsi permettre deréduire le nombre de personnesen grande difficulté. Il faut déci-der des fonds qui permettront derégler ce problème des sans-abri.Le FEDER et le Fonds social euro-péen doivent être mobilisés. Ilfaut un observatoire européenqui permette à terme de disposerde chiffres précis.Plus globalement la question dumal-logement doit être priori-taire dans les agendas politiques.Et il faudra, par exemple enFrance, prendre la mesure del’urgence de la situation. Les sans-abri et les mal-logés n’ont pas

besoin de larmes de compassionà l’arrivée de l’hiver. Ils ontbesoin de solutions concrètes.L’Allemagne a compris que leplus simple était d’éviter de pré-cipiter les gens dans la ruelorsqu’ils sont en grande diffi-culté. Ils ont créé un véritablebouclier contre l’expulsion loca-tive. Il y a des réflexions sur legel des loyers pour éviter ledéveloppement de la précarité.

Unabri pour tousd’ici 2015,n’est-cepasutopique?Il y a une véritable urgence. Ilfaut faire le forcing auprès de laCommission et négocier ensuiteavec les États. En France ce seral’occasion d’un débat lors desprésidentielles.Les objectifs sont ambitieux,mais on peut avancer pour quecela soit même réglé d’ici deuxans !

Propos recueillispar Joël Genard

Pour la Fédérationeuropéennedesassociationsnationales travaillantavec les sans-abri (FEANTSA), il faut continuer à soutenir financièrement

les services publics et les associations qui sont auprès de ces populations engrande difficulté. « Je pense qu’il n’y a aucune raison d’être fataliste. Cesdernières décennies, nous avons acquis de nombreux savoir-faire qui nousont permis d’avoir des stratégies d’interventions positives. Et il y a des paysqui, en dépit d’un contexte difficile, sont parvenus à aller de l’avant et àrésoudre leproblèmedes sans-abri, comme laFinlande, qui est pratiquementsur le point d’y parvenir », explique son directeur, Freek Spinnewijn.

Non au fatalisme de ceuxqui baissent les bras

Pas de larmes pour les SDF, des solutions concrètes

KARIMA DELLIDÉPUTÉE VERTE EUROPÉENNE

PervencheBerès,députéesocialisteauParlementeuropéen.

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LeGrandRendez-vous Europe1 - iTélé-LeParisien,2octobre :FrançoisHollandefaitunepropositioncurieusementpassée inaperçue. Il préconise la constitutiond’unnoyau central au seinde l’Europedes 27. Enquelque sorte, uneEuropeàdeux vitesses. Et un vrai débatpour laprésidentielle.

Nostalgieouavant-garde?

UneEuropeàquelques-uns…ceserait tellementmieux

Europe

La petite phrase de FrançoisHollande est passée totale-ment inaperçue, et pourtant

c’est une bombe ! Invité du GrandRendez-vous d’Europe 1, le candidatsocialiste, en tête dans les sondages,a expliqué qu’il fallait qu’un « petitnombre de pays, au sein des vingt-sept,puissent se constituer en noyaucentral ». FrançoisHollandeprône lacréation d’une « Europe d’avant-garde ». Car la crise grecquemontrel’échecde l’Europe«monolithique»,oùun seul pays, comme la Finlandeou la Slovaquie, peut bloquer toutedécision, quitte à plonger le VieuxContinent dans le chaos. CetteEurope-là, plus personnen’en veut,à commencer par les Allemands.Dans une interview aux Échos, ledéputé libéral Frank Schäffler lancesans détour : «C’est une erreur fonda-mentale que l’Allemagne soit représen-tée au sein du Conseil (de la Banquecentrale européenne) de la même façonqueMalte. »Ledirecteur de l’institutéconomique Ifo, à Munich, Hans-Werner Sinn, enfonce le clou :«Despays commeMalte ouChypre ontautant

à dire que la France ou l’Allemagne.C’est intolérable. Nous nous dirigeonsvers un conflit d’importance au sein dela zone euro. »L’Europe doit donc modifier sagouvernance, sous peine d’im-ploser. D’où cette proposition deFrançois Hollande de créer l’Europedu « noyau dur ». Ce serait unefaçon de ranimer l’esprit pionnierdes pères fondateurs de l’Europe,l’époque où un simple accordfranco-allemand suffisait à réaliserde grandes choses : l’abolition desdroits de douanes, l’abolition desfrontières, Erasmus, la création del’euro…Car, avec cette Europe « à plusieursvitesses », on inverse la dynamique.À 27, il faut s’accorder sur le pluspetit dénominateur commun, pouréviter de se prendre un veto deChypre ou deMalte. Avec l’Europe« d’avant-garde », on entre dansla logique du « Qui m’aime mesuive ». À chacun son ambition.Libre aux Slovaques ou aux Fin-landais de rester en marge. CetteEurope « à la carte » permettrait,

en outre, de régler le problèmede la Turquie et des pays de l’ex-Yougoslavie en offrant une adhé-sion « light » à l’Union européenne,sur des critères minimalistes.Mais, surtout, cela permettraitde relancer la construction euro-péenne, en offrant du concret.Français et Allemands pourraient,par exemple, décider de créer unpasseport commun. Libre ensuiteà chacun de suivre le mouvement.Autre exemple très concret : aumoment de la création de l’euro,pour ne froisser personne, on adécidé d’imprimer sur les billets eneuro des figures abstraites sans sa-veur ni couleur. Rêvons un peu :avec cette Europe du « noyau dur »,Français et Allemands pourraient semettre d’accord pour imprimer, surle billet de 50 euros, Charlemagne,puis sur celui de 20 euros, Goethe,Molière sur celui de 10 euros, maisaussi, pourquoi pas, Léonard deVinci, Van Gogh… Voilà l’Europequ’on aime, l’Europe qu’on attend,l’Europe qui nous parle !

Axel de Tarlé

Désormais, on n’attend plusrien d’une réunion interna-tionale sur le climat ! Ainsi,

on n’est pas déçu. On a pu vérifierla désolante pertinence de cetteapproche la semaine dernière àPanama City, où se tenait l’ultimeséance préparatoire à la conférencede Durban – qui doit en principeaccoucher d’un successeur auprotocole de Kyoto, qui arrivera àéchéance le 31 décembre 2012.Mais plutôt qu’un faire-part de nais-sance, c’est un avis de décès couleurcarbone qu’il faut préparer. Laréunion de PanamaCity a confirméqu’un accord de haut niveau surle climat, et donc les réductions degaz à effet de serre, était désormaisparfaitement inaccessible.

Au premier rang des responsables,les États-Unis. L’élection de BarackObama avait fait naître de grandsespoirs après l’obscurantisme desannées Bush. Le Président américaina découvert que, même dans son

propre camp, la lutte contre lecarbone ne passait pas toujours trèsbien, et notamment auprès desnombreux élus issus des États liés aupétrole, à l’automobile ou à l’avion.Les élections de mi-mandat ont dé-finitivement refermé la perspectivede la validation par le Congrès d’untexte contraignant sur le climat. Onest revenuquinze ans en arrière : BillClinton avait signé Kyoto, mais leCongrès n’avait pas ratifié l’accord.L’immobilisme américain arrangeen fait beaucoup d’autres pays, aupremier rang desquels on retrouveles grands émergents. La Chine,qui de toute manière refuserait lescontraintes, trouve ainsi un alibiimparable. L’Inde, la Russie, le Bré-sil, l’Afrique du Sud suivent la

même démarche. Et, en plus, l’Aus-tralie ne veut pas d’accord, pas plusque le Canada. Le Japon ne bou-gera pas non plus, englué par lessuites de Fukushima et les incerti-tudes sur le nucléaire, dont le pos-sible abandon relancerait l’électricitéd’origine fossile. Finalement, seulel’Europe se retrouve engagée surune baisse de 20% de ses émissionsen 2020 par rapport à 1990. L’Eu-rope va d’ailleurs atteindre les ob-jectifs fixés par Kyoto.Une autre difficulté est en traind’émerger. Elle est liée au mode decalcul des émissions de CO2. Leproblème, pour la France commepour d’autres pays, c’est que les dé-localisations industrielles ont éga-lement délocalisé le carbone. Selon

le cabinet spécialisé Carbone 4, ilest faux de ne compter que ce quiest émis sur place. Il faut calculerce que l’on consomme vraiment.Selon Carbone 4 et compte tenu del’augmentation de la population,les émissions d’un Français n’au-raient pas baissé de 25 % mais…augmenté de 13 % en vingt ans.Selon l’Agence américaine d’infor-mation sur l’énergie (EIA), les be-soins en énergie vont augmenter de50 % d’ici à 2035, et les émissionsde gaz à effet de serre d’autant. Enouvrant la conférence de Copen-hague, Ban Ki-moon avait lancé :« Nous sommes au bord du précipice. »Depuis, les perspectives d’accord ontreculé, mais pas le précipice !

Jean-Louis Caffier

François Hollande. Le responsable socialisteprône la créationd’une«Europed’avant-garde». PHOTOTHOMASSAMSON/AFP

SAUL

LOEB

/AFP

Climat : le grandoubliéDeux ans après, Copenhague n’en finit pas d’avoir des conséquences négatives. Les émissionsde carbone progressent encore sur la planète et les dirigeants jouent aujourd’hui la politiquedu chacun pour soi. BarackObamaen tête.

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Oubliez Golda Meir, Marga-ret Thatcher ou BenazirBhutto ! Chacune à sa façon

fut une pionnière dans sa propreclasse politique, dans l’espacereligieux qui était le sien et dans unmonde qui étaitmûr. Non pas pourla parité, ce serait trop beau, maispour qu’exceptionnellement unefemme de caractère s’illustre faceà des hommes faibles, incompé-tents ou en bout de course. Aucunefemme depuis n’est devenue Pre-mierministre en Israël, enGrande-Bretagne ou au Pakistan. Ailleursen revanche, en ce début de XXIe

siècle, des tendances fortes traver-sent des pans entiers du globe pourmontrer la route à suivre. D’aborden Europe du Nord où, ce mois-ci,la DanoiseHelle Thorning-Schmidtest devenue Premier ministrecomme bien d’autres de ses sœursscandinaves avant elle. En Nor-vège, Gro Harlem Brundtland amême réussi à se faire élire troisfois pour diriger le Gouvernement !En Asie, cela fait près de cinquanteans que des femmes parviennentrégulièrement à devenir Présidenteou Premier ministre. Certainesd’entre elles avaient l’avantaged’être des héritières et cet effetdynastique n’a rien à voir avec lamodernité ou la parité. C’est le casde Khaleda Zia au Bangladesh,la veuve de l’ancien PrésidentRahman assassiné, ou de Chan-drika Kumaratunga au Sri Lanka,Premier ministre puis Présidenteen ayant succédé à son père et à samère. Quant à Cory Aquino, auxPhilippines, personne n’a oubliéqu’elle était la veuve de l’opposanthistorique de Ferdinand Marcos,lui aussi liquidé. Mais d’autresfemmes asiatiques ont gagné leursgalons par la seule force de leursconvictions et l’étendue de leurssacrifices. À l’image de PratihbaPatil, 77 ans, actuelle Présidentede l’Inde, engagée en politiquedepuis un demi-siècle, députéen’ayant jamais perdu une seuleélection, gouverneur du Rajastan,une proche de la famille Gandhi

à qui les Indiens vouent un respectimmense.L’Amérique du Sud n’est pas enreste avec la possible réélectioncet automne de Cristina Kirchneren Argentine. Certes, les aînésdans ce pays se souviennent d’Isa-bel Martínez de Perón, troisièmefemme du dirigeant populiste, quis’était fait élire sur son nom ausuffrage indirect avant d’être ren-versée deux ans plus tard par lesmilitaires du général Videla. Mais

Isabel n’était qu’une anciennedanseuse de cabaret sans aucunevocation pour les affaires publiquestandis que Cristina Kirchner, qui asuccédé à son mari Nestor en2007, est une passionnée de poli-tique, élue députée puis sénatricebien avant que son époux neprenne les rênes de l’Argentine.

Et que dire de Michelle Bacheletau Chili ! Fille d’un généralcondamné par Pinochet pour tra-hison, devenue pédiatre, mili-tante des droits de l’homme,spécialiste des questions de dé-fense, ministre puis brillammentélue au suffrage universel en2005, devenant ainsi la première

femme chef d’État en Amériquelatine avant d’exercer aujourd’huises talents à la tête d’ONU-Femmes.En Afrique, c’est un fait, les régimesprésidentiels, pour la grandemajo-rité d’entre eux autoritaires, n’ontpas laissé de place aux femmes.Non pas par sexismemais par peurde l’alternance tout court. Et siEllen Johnson Sirleaf est devenuela première et seule femme prési-dente en Afrique noire, c’est aussidans un contexte exceptionnel defin de guerre civile et parce quecette experte économique bardéede diplômes affrontait un foot-balleur inexpérimenté qui jouaitde sa seule notoriété.Protestantisme égalitaire dans lenord de l’Europe, dynasties oudestins assez uniques en Asie,renaissance des démocraties enAmérique latine après des dé-cennies de dictature militaire :seraient-ce les seules raisons decette poussée féminine au pou-voir ? Autant d’arguments pourqu’en Europe du Sud ou en Amé-rique du Nord notre retard soitexcusable ? L’excellente perfor-mance d’Hillary Clinton dans laprimaire démocrate face à BarackObama permet de croire qu’en casde nomination elle aurait été élueface à John McCain. Mais enFrance ? En Italie, en Espagne, auPortugal comme en Grèce ? Serait-ce notre vieux machisme médi-terranéen catholique et orthodoxequi mettrait le pied sur le frein ?Pourquoi, à part Michèle Alliot-Marie et Édith Cresson, seulesfemmes à avoir occupé des postesrégaliens, aucune, avant SégolèneRoyal en 2007, n’a pu se frayer unchemin jusqu’au deuxième tourd’une élection présidentielle. À cestade, la parité n’est obligatoireque pour les scrutins de liste auxélections locales ou européennes.De là à envisager qu’il faille lamettre en pratique pour les pro-chaines primaires de 2017… Pourrattraper notre retard, la questionmérite de s’y attarder.

Parité

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L’attributionduprixNobelde lapaix la semainedernièreà laprésidenteduLibériaetàdeuxautresmilitantesdesdroitsdel’hommecoïncideavec l’ouverturece jeudiduWomen’sForumàDeauville.EnFranceetenEurope, les femmessontplusà l’honneurdans les colloquesquedans lesalléesdupouvoir. Paradoxe : ce sont les pays émergents ou ceux dont la culture est plutôt d’essencemasculine quimontrent le chemin de l’égalité des sexes.

LaFranceà la traîneLes femmesaupouvoir

ParFrançoisClemenceau

1

2

3

4

Eva Perón (1), BenazirBhutto (2), Golda Meir (3)

et Margaret Thatcher (4).

Cespionnièresdans leurpaysontouvert le cheminenAmériquelatine, enAsie et enEuropeduNord. LaFranceet l’EuropeduSudconstituentaujourd’hui lesplusmauvais élèvesenmatièredeparité.

PHOTOS AFP IMAGEFORUM (1, 3), HANS T

DAHLSKOG/AFP (2), SVEN NACKSTRAND/AFP (4)

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Le temps est loin désormaisoù les sitesmarchands étaientregardés avec méfiance par

les internautes, qui hésitaient àacheter sur la Toile par peur de sefaire arnaquer ou de confier leurnuméro de carte bancaire à un sys-tèmedont personnene connaissaitla fiabilité. Le e-commerce estmain-tenant un phénomène de masseavec des répercussions notables surle tissu économique au plan local.La création d’Amazon, en 1994,s’est faite sous les regards sceptiquesde la concurrence, persuadée que lavente en ligne ne fonctionneraitpas, que le contact physique entrel’acheteur et le vendeur était unedonnéedéterminantedu commerce.Cependant, dix-sept ans après sacréation, Amazon est un succèsplanétaire et son chiffre d’affairesest habitué à une croissanceannuelle à deux chiffres : 39,5 %en 2010, pour un chiffre d’affairesglobal de 34,2 milliards de dollars.Il faut dire que le secteur du com-merce électronique devrait générerun chiffre d’affaires mondial de680 milliards de dollars en 2011 etflirter avec les 1 000 milliards dedollars dès 2013, selon les analystesde la banque JP Morgan.La France n’est pas en reste : cesecteur a connu une croissancede 17 % en 2010 pour s’élever à31 milliards d’euros. Au-delà des

données financières, le e-com-merce démontre aussi son impor-tance par le nombre de clients :plus d’un Français sur deux a déjàacheté en ligne. Le m-commerce(ou commerce mobile), qui se faitvia les téléphones portables, a déjàséduit près de 3 millions deFrançais. C’est désormais 4,2 %de la consommation des ménagesfrançais en biens et servicesmarchands qui s’effectue via lesplates-formes de vente en ligne.Cette évolution induit un certain

nombre de changements dans lavie quotidienne : le commerce élec-tronique ne va pas sans une chaînede distribution importante et sen-siblement différente de celle utili-sée par le commerce traditionnel.En effet, les biens achetés en lignedoivent être livrés chez le client,qui ne fait plus le déplacement enmagasin. C’est toute la chaînelogistique qui doit être repensée.Les sites marchands sont très at-tentifs à la qualité des infrastruc-tures de transport mais aussi à lafiscalité locale et nationale dansle choix de leurs sites logistiques.La rapidité de livraison et le coût dela plate-forme en dépendent. ChezAmazon, qui fait de sa politique delivraison gratuite un argumentmarketing,Montélimar a été choisien 2010 pour accueillir l’un de sesquatre centres de distribution ou-verts cette année-là.

Cette importance des conditionslocales n’est pas sans conséquencesur le développement des sociétés :près d’un marchand électroniquefrançais sur trois livre dans toutel’Europe. Ce secteur économiqueva logiquement devenir un enjeustratégique local et national dansles années à venir.

Manuel Singeot

NUMÉRO 420, MERCREDI 12 OCTOBRE 2011 L’HÉMICYCLE 15

2.0

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117.55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) DIRECTEURRobert Namias ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEFJoël Genard ([email protected]). ÉDITORIALISTESMichèle Cotta, Axel de Tarlé, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Paul Lefèvre, Catherine Nay, Marc TronchotAGORA Ludovic Vigogne, Éric Mandonnet L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLELudovic Bellanger, Juliette Bot, Jean-Louis Caffier, François Clemenceau,Antoine Colonna, Jean-François Coulomb des Arts, Anita Hausser, Béatrice Houchard, Jessica Nelson, Nathalie Segaunes, Manuel Singeot, Brice Teinturier, PhilippeTesson, Pierre de Vilno CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTE David Dumand DIRECTRICE COMMERCIALE/PARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected],Tél. : 01 45 49 96 09) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70.Fax : 01 49 36 26 89.Parution chaquemercredi [email protected] COMMISSION PARITAIRE0413C79258 ISSN 1620-6479

Le e-commerceAMAZONCHERCHEÀDOPERSATABLETTE� AmazonestactuellementennégociationavecHewlett-Packardafinde racheter safilialePalm,autrefoisleader sur lemarchédesassistantsnumériques.L’enjeu : lesystèmed’exploi-tationWebOS,dont lesqualités sontreconnuespar lemarché.Aveccelogiciel,Amazonserait enmesuredecréerunetablette capablede rivaliseravec l’iPadd’Appleet les tablettesSamsungsousAndroid,etde renforcer sespartsdemarchédans laventede livresélectro-niquesetdesapplications,moteursducommerceélectronique logiciel.

LALÉGISLATIONPOURLESCOMMERÇANTSENLIGNESEDURCIT� Lesdéputésontadoptédébutoctobreunamendementabaissantledélaide remboursementdesclientsinsatisfaitsde trenteàquatorze jours.Ledélaid’unmoisétait jugé trop longetempêchait leclientdesetournerversunconcurrentpourobtenir leproduitqu’il désirait.Si lesitemarchandtardeàrembourser, la sommeseramajoréede 10%.Cettemesure, certescontraignante,apourobjectifderassurerencoreplusleconsommateurenligneetdefavoriser lee-commerceenFrance.

RAKUTENRENFORCESESPOSITIONSEUROPÉENNES� Rakuten, leader japonais ducommerceen ligne, vientde racheterl’anglais Play.com. Il s’agit làde satroisièmeacquisitiondans la zoneeuropéenneaprès le françaisPriceMinister, cofondéparPierreKosciusko-Morizet, et l’allemandTradoria. Ce rachat lui permetdes’installer au cœurduplus grandmarchéeuropéende commerceélectronique. Le e-commercebritanniqueaeneffet généré69,4milliardsd’eurosde chiffred’affaires en2010.

EXPEDIACONDAMNÉPOURSESPRATIQUESSURINTERNET� Expedia, géant américaindutourismepar Internet, vientd’êtrecondamnépar le tribunal decommercedeParis pour pratiquesdéloyales et trompeuses.Propriétairedu sited’avis sur les hôtels TripAdvisor,Expediautilisait cetteplate-formepour renvoyer les clients potentielsvers ses sites de vente, en faisant croireque certains hôtels étaient completsafindeprivilégier les hôtels affiliés.Deplus, certainespromotions étaientproposées sansavoir été validéespar les hôtels concernés.

En bref

Le chiffre

64%des mobinautes, lesutilisateurs de l’Internetmobile, ont déjà effectué unachat depuis leur appareilmobile. (Source InMobi)

Ancienne star du Web dudébut des années 2000,Yahoo est en perte de

vitesse. Au point que la compa-gnie envisage sérieusement de sevendre. En 2008, des négociationspoussées avaient été menées avecMicrosoft, qui souhaitait acquérirle portail afin de muscler saprésence sur Internet. Le rachatavait finalement échoué en raisond’une divergence sur le prix par ac-tion. Microsoft proposait 33dollarsalors que le P-DG de Yahoo, JerryYang, en demandait 37. Microsoft

réfléchit à une nouvelle candida-ture, mais des sources internescitées par la presse spécialiséefont douter de la volonté de lacompagnie basée à Redmond.Cette fois-ci, le géant du com-merce électronique chinois Alibaba– dont Yahoo est actuellementactionnaire à hauteur de 40,5 % –fait partie des acheteurs potentielset son offre est prise très ausérieux par les analystes. Un autresigne du poids croissant de l’Asiedans le secteur de la haute tech-nologie…

Le commerce électroniquechinois s’invite chez Yahoo

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Ravalées au rang de commerce artisanal il y a quinze ans, les ventessur Internet connaissent désormais une croissance exponentielle. La Toilepourrait devenir rapidement le premier supermarchémondial.

Un supermarché à dimension planétaire

JeffBezos.Fondateurd’Amazon. PHOTOSPENCERPLATT/AFP

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