le magazine du monde - 19 mars 2016

8/17/2019 Le Magazine Du Monde - 19 Mars 2016

1/148 M

L m g z n u M o n n o 2 3 5

. S u p p l é m n t u M o n

n o 2 2 1 3 8 —

S a M e d i 1 9 M a r S 2 0 1 6

.

N p u t ê t v n u s é p é m n t . d s p o n b l n F n c m

é t o p o l t n ,

B l g q u t L u x m b o u g . Profession,ministre

du travail

ElKhomri,Fillon,Aubry...

s p é c i a l h o r l o g e r i e - j o a i l l e r i e a u f i l d e s j o u r s


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c a r t i e r . f r - 0 1 4 2 1 8 4 3 8 3


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Nouvelle C


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L E N O U V E A U P A R F U D I S P O N I B L E S U R D I O R . C O M

M o i , u n e fi l l e ? N o n , j e s u i s P o i s o n


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19 mars 2016 — M Le magazine du

c a r t e b l a n c h e à

John Baldessari.L’artiste américain présente queLques-unes de ses compositionsjusqu’à mi-avriL dans “m”. une œuvre tout en ironie qui, à coups

de coLLages et de découpages, interroge Le pouvoir des images.

(Green) with side of Beef/Two Figures (Grey) with Food , 1990.

7

C o u r t e s y o f t h e a r t i s t a n d M a r i a n G o o d

m a n G a l l e r y


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#FONDATIONLOUISVUITTON

8, AVENUE DU MAHATMA GANDHI

BOIS DE BOULOGNE – PARIS

DES ARTISTES

CHINOIS

À LA FONDATION

LOUIS VUITTONDU 27.01

AU 29.08.2016


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C’estsansdoutel’undes jobs lesplusingratsdela république. Pourtant, il ne viendraità personne l’idée de plaindre ceux qui l’occupent… Le sujetest trop grave: il est iciquestiond’emploi, ou plutôt de ce manque cruel d’emplois dans lequel notre pays est englué depuisdes décennies.Et qu’aucunministre n’a réussi à endiguer.Dans ce numéro de M Le magazine

du Monde,le journaliste LaurentTelo s’est donc penché sur la charge de ministre du travail…

MyriamEl Khomri,l’actuelle titulairedu poste, est aujourd’hui dans la tourmente avec sa loicritiquée, contestée, réécrite. La France entière,des membres du gouvernement auquel elleappartient aux organisations étudiantes qui s’insurgent, semble d’ailleurs la traiter avec unmélange de mépris et de condescendance assez phénoménal. Mais ce n’était pas là le sujetde Laurent Telo. Dans son enquête déle donc un certain nombre de prédécesseurs deMyriam El Kohmri : de Jean Auroux à François Rebsamen, de Jean-Pierre Soisson à EricWoerth… Tous témoignent de la difculté et du caractère ingrat de ce poste. Un poste, c’estexactement ce que cherchent et ce dont rêvent les candidats aux concours administratifs enItalie. En planchant par centaines dans des stades, des centres de congrès ou des casernespour obtenir un posto sso, un poste xe, autrement dit un CDI, ils témoignent de la gravecrise que traverse également l’Italie. Le premier ministre Matteo Renzi a lui aussi assoupliet dérégulé le marché du travail transalpin. Et le posto sso apparaît plus que jamais commele Graal. Le photographe Michele Borzoni montre cette quête dans un portfolioimpressionnant que nous publions dans ce numéro. Pour le correspondant du Monde en Italie,Philippe Ridet, il n’y a qu’un mot pour la décrire: « effarante ». Marie-Pierre LanneLongue

9

I l l u s t r a t i o n S a t o s h i H a s h i m o t o p o u r M

L e m a g a z i n e d u M o n d e


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Illustration de couvertureBrest Brest Brest pour

M Le magazinedu Monde (d’après AFP).

19 mars 2016

La semaine

19

Au Caire, Uber metles taxis sur les nerfs.

22

La Corée du Nordrime avec Angkor.

24

Qui est vraiment? Sophie Bellon.

26

Bruxelles ne voit pasle bout des tunnels.

28

Tirage à part Cuba sur son 31.

30

Le grand délé Vladimir Poutine.

Le style

65

Premiers bijoux81

L’heure au quotid88

Fashion Week, épis96

Le goût des autreA marche forcée

97

VariationsSortis du bois.

98

L’invité mystèr99

Fétiche Heure de gloire

10 0

Ceci n’est pas…Une manchette

10 1 La palette

De l’ombre à la lum10 2

Un peu de tenues (4 Jante féminine

108

Objet trouvé Le tabouret.

10 9

Ligne de mire Très inspirée.

1 10

Une ville, deux possiLille.1 12

Garden-party

Gazon honni.11 3

Dans l’assietteTrip à l’acide.

1 14

Dessous de tableGrignotage à la Ca

11 6

Deuxième rideaRéplique bien sen

Les chroniques

31

Revu et… corrigé Le français

fait de la résistance. Il fallait oser

Paris d’enfer pour Eden.32

J’y étaisRéunion de famille.

Le magazine

35

101, rue de Grenelle.Entre la plaie du

chômage et les piègesdu dialogue social, êtreministre du travail n’est

pas une sinécure. Deman-dez à Myriam El Khomri,

dont le projet de loimobilise le pays…

42

Dresde aux deux visages.Patrie de la musique

classique, joyau baroque,modèle de réussite

de l’ex-RDA,Dresdeest aussi le berceau de

Pegida. Le mouvementd’extrêmedroite qui joue

une partition xénophobescinde la ville en deux.48

Boîtes à bonheur.Yoga, méditation, philo…Pour prévenir le burn-outet améliorer la compétiti-vité, les activités de bien-être s’invitent de plus enplus dans les entreprises.

50

Les vrais Russesde “The Americans”.Andreï Bezroukov et

Elena Vavilova ont jouéles taupes pour le compte

du KGB avant d’êtrearrêtés en 2010, puis

expulsés des Etats-Unis.Une rocambolesque

histoire d’agents dormantsqui a inspiré la série“The Americans”,

dont la saison 4démarre le 23 mars.

Le portfolio

56

Le plein pour un emploi.Des milliers de candidats

pour un seul poste defonctionnaire. En Italie,

où le chômage atteint12 % de la population et

où le CDI reste un Graal,les concours adminis-

tratifs sont pris d’assaut.

42


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La culture

1 18

Cinéma Jesse Eisenberg, anti-héros.

Et aussi: polar, rock,cinéma, photo…

12 7

Le DVD de Samuel Blumenfeld

En bout de course.12 9

Tourisme Le rêve à tous prix.

14 4

Les jeux14 6

Le totemLe tissu

d’Anne Soe von Otter.

l e d o s s i e r

12 9Tourisme

Le rêve à tous prix.

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Marie-Pierre Lannelongue Eric Pillault ’ Jean-Baptiste Talbourdet-Napoleone Agnès Gautheron, Camille Seeuws

Christine DoreauCarine Bizet, Samuel Blumenfeld, Louise Couvelaire, Emilie Grangeray, Pierre Jaxel-Truer, Laurent Telo, Vanessa Schneider Vicky Chahine (chef de section),Fiona Khalifa (styliste), avec lacollaboration de Lili Barbery-Coulon Aleksandra Woroniecka,assistée d’ Aline de Beauclaire Marc Beaugé, Guillemette Faure, Lucien Jedwab, Jean-Michel Normand,François Simon Audrey Ravelli (chef de studio), Marielle Vandamme (adjointe)

Lucy Conticello (directrice), Cathy Remy(adjointe), Laurence Lagrange, Federica Rossi. Avec Hélène Bénard et Virginia Power.Françoise Dutech Anne Hazard (chef d’édition), avecCorinne Callebaut (adjointe), Paula Ravauxet Gabriel Richalot (adjoints numériques). Béatrice Boisserie, Valérie Gannon-Leclair,Catarina Mercuri, Olivier Aubrée, Stéphanie Grin, Agnès Rastouil. Avec Isabelle Casier. Et Thouria Adouani, Valérie Lépine- Henarejos, Maud Obels et Ide Parenty(édition numérique). Ninon Rosell et Adélaïde Ducreux-Picon.Avec Jean-Fabien Duclos et Françoise Hérold. Marlène Duretz (coordinatrice),François Bostnavaron, Thomas Doustaly, Pascale Kremer, Véronique Lorelle, Jean-Michel Normand, Catherine Rollot Marie-France Willaume Fadi Fayed, Philippe Laure et Gilles Kebiri-Damour Sébastien Carganico (chef de service), Muriel Godeau et Vincent Nouvet Le Monde

Hervé Bonnaud Eric Carle (directeur industriel) Jean-Marc Moreau (chef de fabricatio Alex Monnet

Edouard Andrieu José Bolufer Emmanuel Griveau Samy Chéri, Christian Clerc, Igor Fla Pascal Riguel, Emmanuel de Matos

— — Christophe Chantrel Pascale Latour ’ Marie-Dominique Renaud [email protected] De France,32-89 (0,30 €/min + prix de l’étranger (33) 1-76-26-32-89

Brigitte Billiard, Marianne Bredard, Marlène Godet et Elisabeth Tretiack Hervé Lavergne Philippe BasmaisonModication de service, réassorts pour marchan

journaux : 0 805 05 01 47

— —Corinne Mrejen Michaëlle Goffaux, Tél. 01-57-28-38(michaëlle.goffaux @mpublicite.fr)et Valérie Lafont , Tél.01-57-28-39-2([email protected]) - Arnaud de Saint Pastou, Tél.01-57-28(arnaud.desaintpastou@mpublicite.

M Le magazine du Monde est édité par

la Société éditrice du Monde (SA).Imprimé e

France: Maury imprimeur SA, 45330 Maleshe

Dépôt légal à parution. ISSN 0395-2037 Com

paritaire 0712C81975.Distribution Presstalis

Routage France routage.Dans ce numéro, un

encart « Relance abonnement » destiné à la v

au numéro France métropolitaine; un encart

« France Abonnement » destiné aux abonnés

postés France métropolitaine ; un encart « BH

destiné aux abonnés Ile-de-France selon séle

80, bd Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 —Tél.: 01-57-28-20-00/25-61Courriel de la rédaction: [email protected] —Courriel des lecteurs : [email protected] —Courriel des abonnements : [email protected]

, — Louis Dreyfus

, , — Jérôme Fenoglio — Luc Bronner ’ — Françoise Tovo ’ — Nabil Wakim — Benoît Hopquin,Virginie Malingre,Cécile P — CatherineJoly — Christine Laget

129


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M Le magazine du Monde — 19 mars 2016

LaurentteLo estjournaliste à M .Il s’est plongé avec appréhension, puisdélectation,dans les méandres du dialo-gue social à la française et dans le quoti-dien pas toujours facile d’un ministèremal connu,mal aimé et rattrapé par uneactualité oppressante : le ministère dutravail. Qui n’est pas seulement celuides chômeurs… (p. 35)

brest brest brest est le nom duduo formé depuis 2009 par les gra-phistes Rémy Poncet et Arnaud Jar-saillon, qui vivent respectivement àParis et à Crest (Drôme).Cette semaine,ils illustrent l’enquête de Laurent Telosur le ministère du travail. Dans leursmontages, ils désarticulent, démontentdes échantillons d’imagerie populairepour leur offrir une nouvelle logique etinterroger leur forme. Il y est souventquestion de rencontreentreévidence etbizarrerie. (p. 35)

CéCiLe bouteLet, journalistespé-cialiste de l’économie,vit en Allemagnedepuis 2006. Son reportage sur Dresdemet en lumière une ville pleine decontradictions. «Le mouvement Pegidaillustre le paradoxe de Dresde. Une ville en plein essor économique et démo- graphique, mais qui vit en fait dans lacrainte de l’étranger et le mythe d’un passé idéalisé. Un poids lourd pour Dresde, qui possède pourtant un énorme potentiel en tant que ville à cheval entre l’Est et l’Ouest. » (p. 42)

KatrinstreiCher a photographiépour M la ville de Dresde. Son travailporte sur l’impact des changementspolitiques, géographiques et sociaux

majeurs sur les populations, notammenten Europe du Nord et de l’Est. Aupara-vant, elle a étudié l’anthropologievisuelle à Manchester et la photo àl’Ostkreuzschule, à Berlin. En 2011,ellea publié son premier ouvrage, In Between. Siberia, China, Mon golia(Nimbus Books, Zurich). (p. 42)

aLexandre Lévy, journaliste, estl’ancien responsable de l’Europe del’Est à Courrier international . Il signecette semaine l’enquête sur le couple

d’espions russes qui a inspiré la série«The Americans». «En 2010, le FBI avait baptisé l’opération de leur arres-tation “Ghost stories” – histoires de fan-tômes –, parce que tout, dans ce couple, s’est révélé faux: leur identité, leur tra-vail, leur vie… J’ai voulu raconter ce qui paraît être la véritable histoire de cette famille, qui en dit long sur la Russie de Poutine.» (p. 50)

LinCoLn agnew, photographe etdesigner, signe cette semaine les photo-collages illustrant l’incroyable histoirede ces agents soviétiques dormants arrê-

tés aux Etats-Unis en 2010. Il a travaillépour Time, Penguin Random House,The New York Times et Billboard . Leweek-end,il aime « boire du lait, man- ger des crayons et s’habiller comme desrock stars mortes ». (p. 50)

Ils ont participé à ce numéro. Journaliste — Photographe — IllustrateurStyliste — Chroniqueur — Grand reporter


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Le Mde la semaine.« Sur une colline, près de Maury, dans les Pyrénées-

Orientales, un M géant, tracé avec des pierres blanches

pour attirer l’attention sur le château de Quéribus,

ultime refuge des Cathares en 1255. »

PhiliPPe Doutres

Pour nous écrire ou envoyer vos photographies de M (sans oublierde télécharger l’autorisation de publication sur www.lemonde.fr/m-le-maM Le magazine du Monde, courrier des lecteurs, 80, bd Auguste-Blanqui,75707 Paris Cedex 13, ou par mail : [email protected]


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*facetté dans la légende - muzo.co


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Le 27 février, au Caire,des conducteurs de taxi

égyptiens manifestentdevant le Conseil d’Etatcontre Uber et Careem.

aux applications mobiles. L’explosion

marché des véhicules de tourisme av

chaueurs (VTC), apparus n 2014 e

Egypte, est en eet vécue comme un

menace pour les 70000 taxis égyptie

Déjà frappés de plein fouet par les ré

tions des subventions énergétiques e

juillet 2014, qui ont entraîné une ha us

du prix des carburants, ils se plaignen

des avantages considérables dont les

1 — Au Caire,Uber met les taxis

sur les nerfs.Leschauffeursde taxi parisiens ne sontpLus

seuLs. LaguerreestdécLarée entre Leurs

homoLoguescairotes et Lesconcurrents de

ceux-ci, Lessociétés uberet careem.A deux

reprises depuis le début de l’année 2016,

le 4 février puis le 8 mars, des dizaines de

taxis ont bloqué l’une des artères princi-

pales du Caire, l’avenue Gamaat Al-Dowal

dans le quartier de Mohandessin, pour

protester contre cette concurrence jugée

déloyale. Aux slogans de « Sauvez-nous,

monsieur le président », ils ont exhorté

Abdel Fattah Al-Sissi à intervenir per-

sonnellement pour interdire les services

oerts par ces compagnies privées grâce

9

A h m e d G o m a a / X i n h u a P r e s s / C o r b i s


20/148


chaueurs VTC disposent. N’étant

pas enregistrés comme véhicules de

transport, ils échappent aux taxes, assu-

rances et autres droits d’entrée dans

la profession. Ils peuvent ainsi pratiquer

des prix inférieurs pour la course, plaident

les chaueurs de taxi. « Ils prennent une

partie de notre subsistance. Nous avons

moins de clients et ceux qui viennent

avec nous nous disent qu’ils vont désor-

mais utiliser Uber et Careem », s’est plaint

Yasser Al-Charqaoui, chaueur de taxi à

l’agence AP. Les compagnies de VTC se

défendent d’agir dans l’illégalité et assu-

rent payer d’autres taxes corporatistes.La colère a poussé certains chaueurs

à monter des embuscades, malmenant,

parfois violentant des conducteurs de

VTC. La police du Caire, convaincue par

les arguments des taxis, traque elle-même

leurs concurrents aux points de contrôle

pour leur iniger des amendes, voire les

déférer en justice. Après la manifestation

du 8 mars, les autorités égyptiennes ont

ni par créer un comité interministériel

pour se pencher sur le problème. Si les

autorités entendent bien ne pas se mettre

à dos les chaueurs de taxi, elles sont

sensibles aux arguments des sociétés de

VTC, qui disent créer de l’emploi et dyna-

miser une économie à la peine.

Depuis leur arrivée sur le marché égyptien,

la société californienne Uber et sa concur-

rente émiratie Careem voient la demande

exploser. Les classes moyenne et

supérieure cairotes, urbaines et hyper-

connectées, se ruent sur leurs applica-

tions. En décembre 2015, la compagnie

Uber a indiqué avoir atteint, en un an,

le million de courses dans la capitale de

20 millions d’habitants, et donné chaque

mois des opportunités d’emploi à plus

de 10 00 chaueurs supplémentaires.

Uber ore même la rare possibilité de

payer en espèces, pour se rendre acces-

sible à une majorité d’Egyptiens, qui

disposent d’un smartphone, mais pas

de compte en banque.

toutefois, le succès de ces services n’est pas

qu’une question de tarifs. Pour les Egyptiens

qui les ont essayés, plus question de souf-frir des chaueurs de taxi rudes et impolis,

la clope vissée au bec et le pied sur l’accé-

lérateur, prêts à forcer le passage dans un

concert de klaxons, et qui, pour certains,

traquent le compteur pour augmenter le

prix de la course. Uber, Careem ou Pink

Ladies, un service sur mesure, sont même

devenus la nouvelle coqueluche des

femmes cairotes. Dans un pays champion

du harcèlement sexuel, l’intimité d’une

course en taxi tourne souvent pour les

clientes à la tentative de irt, quand elle ne

vire pas à des gestes déplacés, ou pire

encore. Les femmes apprécient la sécurité

que leur assurent l’identication des chauf-

feurs et le suivi des courses, notamment

le soir. Ainsi que l’attitude respectueuse

des conducteurs. Ceux de chez Uber sont

sensibilisés par la compagnie à la problé-

matique du harcèlement sexuel. Les taxis

cairotes ont d’ailleurs bien compris qu’il

était temps de changer leur image. Ils ont

annoncé des formations similaires pour

leurs chaueurs. Hélène Sallon

Depuis leurarrivée surle marchéégyptien,la société

californienneUber et sa

concurrenteémiratieCareem

voient lademandeexploser.

•••

la première fois que“le monde” a écrit…

aqmi. « Le regain d’activitédes groupes islamistes dan

le Maghreb a été tragique-

ment conrmé en Algérie,

mercredi 11 avril ,

13 2007. Deux attentats simultanés à la

voiture piégée, conduits

par trois kamikazes, ont

frappé Alger, faisant au

moins 24 morts et 222 bles sés, selon le bilan ociel.

Les cibles choisies – le

Palais du gouvernement

et des bâtiments de la

police à Bab Ezzouar, visés

deux fois – représentent

un véritable dé au régime

du président Abdelaziz

Bouteika. Celui-ci a lancé

n mars, une vaste opéra-

tion militaire dans la région

de Bejaïa, en Kabylie, pour

traquer des militants du

Groupe salaste pour la

prédication et le combat

(GSPC). Le GSPC a ociel-

lement changé de nom en

janvier, devenant Al-Qaida

pour le Maghreb islamique

(AQMI). L’organisation a

ainsi conrmé sa volonté

de s’inscrire dans un djihad

global, tout en continuant

à déstabiliser par tous

les moyens le pouvoir

algérien. » n , g

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des temples sur une musique épique. Le musée aura

coûté 24 millions d’euros à la Corée du Nord. Le con

prévoit qu’elle empoche les revenus engrangés par

l’établissement pendant dix ans, puis qu’ils soient pa

tagés équitablement avec l’Autorité pour la protect

du site et l’aménagement de la région d’Angkor

(Apsara) les dix années suivantes, avant d’être

entièrement transférés à l’organisme cambodgien.

Lors de l’inauguration, Sok An, le vice-premier minis

chargé d’Apsara, a rejeté catégoriquement les critiq

sur ce partenariat avec la dictature ermite. « L’inves

sement de Mansudae contribue non seulement

au développement socio-économique du Cambodg

mais aussi à renforcer l’amitié et la coopération

entre nos deux nations », a-t-il déclaré à la presse.

Ce lien entre Coréedunord et Cambodgen’est pas nouv

Le roi Norodom Sihanouk et Kim Il-sung

se sont rencontrés, en 1961, au sein du mouvement

des non-alignés. Après avoir été renversé par un co

d’Etat en 1970, le monarque avait trouvé asile dans

un palais de 60 chambres à Pyongyang, où il put

s’adonner à sa passion pour le cinéma en tournant

quelques lms. Mais ces dernières décennies, sous

la houlette du premier ministre Hun Sen, Phnom Pe

s’est davantage rapproché de Séoul, devenu

le deuxième investisseur au Cambodge.La construction de l’Angkor Panorama Museum est

elle une manière de contrebalancer cette inuence

dans le petit royaume ? Plusieurs observateurs rapp

lent que ces grands projets sont avant tout une ma

nancière pour le régime du Juche. « Pyongyang

cherche à identier de nouvelles sources de liquidité

à l’étranger. Cela lui permet de faire entrer du cash e

contournant les sanctions économiques internationa

instaurées en réaction à ses essais nucléaires », ana

Greg Scarlatoiu, président du Comité pour les droit

de l’homme en Corée du Nord. Selon lui, ses activit

extérieures permettraient à la dictature d’encaisser

de 120 à 230 millions de dollars par an. Eléonore So

2 — La Coréedu Nord rimeavec Angkor.

C’estla pièCemaîtressede l’angkor panoramamuseum,

quivient d’ouvrir àsiemreap, auCambodge. Une fresque à

360 degrés, de 13 mètres de haut et 120 mètres de

long, que l’on contemple juché sur un gradin central

censé représenter le sommet du Phnom Bakheng,

le temple-colline dominant la plaine d’Angkor.

Guerre entre les Khmers et les Chams, édication du

temple du Bayon, vie quotidienne à l’âge d’or khmer…

45000 personnes sont représentées sur cette

composition. Les travailleurs ont des corps vigoureux,

les femmes pilent le riz gaiement, on danse et on

trinque à l’époque de Jayavarman VII.

«Il y avait quand même des esclaves », nuance

notre guide cambodgien, en pointant un garde

muni d’un fouet. Il nous signale aussi ces visages

aux traits coréens qui se sont glissés parmi la foule.« Les peintres ont travaillé à partir de photos »,

explique le jeune homme. Car ce musée à la gloire

de l’empire khmer (802-1431) – bâtisseur de la mer-

veilleuse cité-Etat d’Angkor, inscrite au Patrimoine

mondial de l’Unesco depuis 1992 – est une œuvre

100 % nord-coréenne. Il a été réalisé par le Mansudae

Art Studio, un atelier d’Etat employant 5000 per-

sonnes dévoué à la propagande de Kim Jong-un.

Plus d’une année a été nécessaire à 63 «artistes

méritants » pour réaliser l’immense fresque.

On y accède moyennant un billet d’entrée de 15 dollars,

moitié moins pour les Cambodgiens. Un tarif dissuasif

pour les uniques visiteurs rencontrés ce matin de février,

une famille malaisienne qui s’est rabattue sur la salle de

cinéma. Pour 5 dollars, ces touristes ont apprécié le petitlm en images de synthèse qui retrace la construction

Entièrement financés par Pyongyang à hauteurde 24 millions d’euros, l’Angkor Panorama Museum

et son immense fresque, réalisée par 63 artistesnord-coréens, relatent l’histoire de la Cité-Etat.


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q u i e s t v r a i m e n t ?

3 — Sophie Bellon.Le 21 mars, La patronne de sodexo sera La première femme

à diriger un groupe du cac 40. Le Leader mondiaL du serviceaux entreprises va rempLacer aLstom au sein de L’indice boursier.

pa r Laurent teLo

fiLLe du patron

Sophie Bellon, 54 ans, est la

lle aînée de Pierre, 86 ans,

fondateur et dirigeant de

Sodexo. Connue pour larestauration d’entreprise,

la société s’occupe aussi de

maintenance, de propreté,

d’accueil et de courrier.

Créée en 1966 dans un entre-

pôt marseillais, elle compte

aujourd’hui 428 000 salariés

et pèse 14 milliards d’euros.

grosse bûcheuse

Sophie Bellon n’est pas

du genre légataire oisive.

Diplômée de l’Edhec, elle

part en 1985 faire carrièreaux Etats-Unis pour

le Crédit lyonnais où

elle s’occupe de fusions-

acquisitions avant d’intégrer

le secteur de la mode

où elle devient agent pour

de grandes marques

internationales.

dauphine méritante

Ce n’est qu’en 1994 qu’elle

rejoint le groupe familial,

participe à son ouverture à

l’international pendant lesannées 1990 puis est

nommée à la direction

nancière. Le 26 janvier

dernier, elle a ociellement

succédé à son père, qui l’avait

prévenue : « Si tu es bonne,

tu progresseras, mais si tu ne

l’es pas, tu ne resteras pas. »

première du genre

Président d’honneur

depuis 2005, Pierre Bellon

avait prévu depuis longtemp

de passer la main à sa lle.A compter du 21 mars,

Sodexo remplacera Alstom

au CAC 40. Sophie Bellon va

ainsi devenir, c’est historique

la première femme dirigeant

d’entreprise du CAC 40

depuis la création de l’indice

boursier en 1987.



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d’dquer à la Belgque que les problèmes de mobdas e auour de sa capale meaçae so poede dveloppeme. E ce ’es pas l’sauraorès coese, au cœur de la vlle, d’u log chempoer qu devra amlorer les choses.A parr des aes 1950, Bruxelles a verepour permere aux auomoblses de se dplacerplus asme das cee c que gage, e que

quodeeme des daes de mllers de« aveeurs », Flamads e Wallos vea ravalE Belgque, où le sloga « Mo auo, ma lber » alogemps fdr, l es dcle d’cer les coesà eer d’aures modes de dplaceme. D’auaque de rès ombreuses ereprses ore à leursemplos ue voure de foco qu chappe asselargeme à la rès lourde axao sur le raval.

Il reste à IdentIfIer lesresponsables de l’affaIr

des tunnels. Pour cela, o pourra recourr auxarchves, mas u geur de Bruxelles Mobl, leservce compe (l es perms d’e douer) de l’amsrao rgoale, a arm qu’elles avae dvores par des sours après avor soces dles plers de ceras pos… O pourra auss eger les msres-prsdes de la rgo. L’acuel,Rud Vervoor, PS, arme qu’l ’ava ms aucoura de re. L’u de ses prdcesseurs, le lbrFraços-Xaver de Doea, a « perdu les papiers »U aure, le socalse Charles Pcqu, qu a epose dura vg as, a omm… prsde dcommsso parlemeare cre pour equêer sula suao des uels. « Comme si le patron deVolkswagen présidait la commission d’enquête sur

émissions de CO 2

», rose l’u de ses opposas.Peu-êre fau-l cosuler le msre rgoal desraspors, alors? Pascal Sme, u jeue socalseamad rpu avor ros des à la mue, a assqu’l alla « résoudre cette merde de dossier » (sc).A par proposer u page à l’ere des uels(du mos lorsqu’ls sero rouvers, suppose--o),

l rese ouefos asse ou qua à ses eos.Le hashag #uelgae, djà rès populare, es appà durer. Jean-Pierre Stroobants

4 — Bruxelles ne voit pasle bout des tunnels.

la belgIque saIt entretenIrla flamme du surréalIsme

et sesdIrIgeants montrent souvent la voIe à suIvre.

Celle des « uels bruxellos », par exemple,ce dosser qu amuse, cosere, sdère les habasde la vlle e fa dcouvrr aux ragers les joes

du malgoverno, verso pla pas.Depus javer, pluseurs des 17 uels que compe lavlle rgo o dû êre ferms, brcols, rpars à lahâe: ls meaçae la scur des usagers, e cerassemblae même près de s’eodrer, faue d’avor ereeus comme l se do. Des expers o dcouverin extremis que la dalle de l’u d’eux, le uelMogomer, meaça de s’aasser sur la chausse.Souve cogesoe e coselle d’ombrableschaers, la capale belge es, cee fos, deveue uvrable cauchemar pour ceux qu dove la slloere voure. Cela fa mauvas gere pour ue c qu seveu europee mas accumule les lacues e maèrede raspors publcs: la Commsso europee ve

La circulation dansBruxelles, déjà dicileà cause de nombreux

chantiers, s’est aggravéeavec la fermeture

de plusieurs tunnels.

quI a dIt ?

“Aujourd’hui, rien ne s’opposeà ce que ces deux garçons se rencontrent.”

1 — VinCEnt BOLLORé, proprare de D8, qu souhae rcocler l’amaeur Crl Haoua

e so ex-chroqueur Berrad Chamero, soupço d’avor « balac » sur la mauvase ambaceau se de l’qupe de « touche pas à mo pose ».

2 — ALAin JAkUBOWiCz, avoca du fooballeur karm Beema, e commea la leve du corôlejudcare qu lu erdsa de recorer Maheu Valbuea, après l’aare de de la « sexape ».

3 — AUDREy AzOULAy, msre de la culure, se rjoussa de l’aoce surprse du rappeur La Foue,qu a proms de e plus rpodre aux « clashs » de so cofrère e melleur eem Booba.

R é p o n s e : A l a i n J a k u b o w i c z , s u r R T L l e 1 1 m a r s 2 0 1 6 .


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t i r a g e à p a r t

5 — Cuba sur son 31.p a r carl de keyzer a ve c l e s a r c h i v e s d e magnum photos

Quand Barack OBama fOulera le sOl cuBain, lundi 21 mars, croisera-t-il ce Superman

et son comparse photographiés par Carl De Keyzer en 2015? L’histoire ne le dirasans doute pas. Elle se souviendra, en revanche, de cette visite historique d’un

président américain près de quatre-vingt-dix ans après celle de son prédécesseur,

Calvin Coolidge, en 1928. Une visite d’Etat qui fait suite à la reprise des relations

diplomatiques entre les deux pays, le 17 décembre 2014, concrétisée par

la réouverture de l’ambassade américaine à La Havane en août 2015.


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l e g r a n d d é f i l é

6 — Vladimir

PoutineIl a décIdé de retIrer les troupesrusses de syrIe. MaIs retIrera-t-Il

un jour ses habIts rIdIcules ?pa r marc beaugé

I

En 1970,avEvlad.

u f mi, à

i i, fm. biô’vi i iè ’g KGb.

a 18 , Vimi pi à i mi. Mi ii i à q

i xi. l V, vxig v ’v, q i,

f ’aiqi, « c », f à iiq j.

sim ïi? aêz v .

II

En 1994, lE coup dElacravatE.

pi qq vx, mi gvi qq

vià i i à si-pg i ’imm iè ’mm iiq. I ’i

m. Mêm i i i ’i: pi v . p q -i i g

q ’ ig i g aè , James Bond , s c fii i

Iv

En2010,à faolaformE.

c’ ’

r à ê Mvv, ’

i, pi

m à l’i i

xi imi

vimm i f f

. evimmdi g

q ’urs iig

q f k

III

En 2000, lEnœud duproblèmE.

l v i Fi ri vii Kōōk,

m kï . ci i iièm , i i êv. Mi

f iq x x. a Kōōk,

m iv i- ’ œ ii mx qi

vi q’ i . o, i’ ’ vgi œ im.

c’ ç, imi à pi.

v

En2016, pasunplI.

Vimi pi iig ri i mi iz ,

i m vi ’. a 63 , i î mêm i. l v? l

vig ’ m bii ii im ’ q ’. c qi i g

vi-fi mi ii. n’- ?


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i l f a l l a i t o s e r

Paris d’enfer pour Eden.pa r jean-michel normand

La mobilité professionnelle n’est pas un sujet facile dans le fooAu pays des mercenaires de luxe, quiconque souhaite chd’employeur doit savoir transmettre son CV en déployant des tde diplomatie. Pour avoir négligé cette règle, Eden Hazard, le mde terrain belge de Chelsea, a déchaîné l’hostilité des supporteson club. Le 9 mars, à la mi-temps du match de Champions Lcontre le PSG, il a commis l’erreur d’échanger son maillot avParisienAngelDi Maria.Une civilité courante à la n d’un match

suspecte au mitan d’une rencontre et qui lui a valu d’être éreinles réseaux sociaux par les fans de Chelsea – moins choquésdernier, lorsque certains d’entre eux,venus à Parispour un autre mentre les deux clubs, avaient empêché un voyageur noir de mdans le métro.Egalementtaclépar la pressetabloïd,Eden Hazarsa très petite forme actuelle, la défaite de son équipe, mais ausurtout les propos tenus deux jours auparavant dans Le Parisavouait qu’il est « difcile de dire non au PSG, comme à touéquipes capables de gagner la Ligue des champions», œillade àappuyée aux recruteurs qataris. Ronaldo, le goleador gominReal Madrid, avait été bien plus lourd il y a quelques mois. En sdu terrain après un match contre le PSG – décidément très priavait ostensiblement déposé une demande d’emploi à l’oreiLaurent Blanc, l’entraîneur parisien. Eden, lui, a préféré adresmessage symbolique et fraternel à ses éventuels futurs coéquAngel Di Maria, avec lequel il a échangé sa tunique, a été chdessein. L’Argentin forme un joli petit cœur avec ses doigtscélébrer chacun de ses buts. Un jour, peut-être, le Bisounours FoClub remportera la Ligue des champions.

r e v u e t … c o r r i g é

Le français fait de la résistance.pa r lucien jedwab

C’est la Semaine de la langue française et de la francophonie.Vais-jefaire la moue? Non. Quoique… Il aura été question des « menaces »qui pèsent sur le français, et même de sa « survie ». Un mot, enparticulier, aura été écrit et prononcé : « invasion ». En cause, l’anglo-américain, « cheval de Troie » d’une économie pas si virtuelle. Maisest-ce un hasard si les« rmes » de la Vallée de la Silicone ne s’appel-lent pas « Fenêtres » ou « Pomme »? En tout cas, dans la patrie de Jeanne d’Arc,la résistance a tissé ses réseaux. Et quelques-uns de ces

bug , chip

, download

, e-mail

, hacker

, hashtag

, plug&play

, reset

, smartphone , streaming ou worm ont été supplantés par des motscompris à Domrémy comme puce ou ver. Alors même que d’autrespeinent à s’imposer (on ne gagne pas une « guerre » au premier couptiré) : ainsi mot-dièseou téléphone intelligent.Et qued’autres encorefont jeu égal, comme courriel (dû à nos amis québécois,qui sont sur laligne de front) ou pirate. Il faut dire qu’il y eut des précédents, aue siècle, avec la Perfide Albion, qui prétendait contribuer à larégénération morale et physique de notre jeunesse.Nous y gagnâmes,entreautres,le tennis, le football ou le golf (pas le cricket, thank God! ).Mais le français n’en est pas mort pour autant... Autre précédent, oùdes puristes, déjà, montèrent au créneau (les châteaux forts allaientpourtant perdre les leurs) : la Renaissance, avec son « envahisse-ment » de mots italiens qui nous donnèrent ballet, banque, bombe,courtisane, escale, mascarade ou violon. Conclusion ? Il n’y a pas delangue « pure ». Nos voisins par-delà le « Channel » en savent

quelque chose : plus de la moitié de leur vocabulaire est d’origine…française. Et je ne pense pas aux « c’est la vie », « déjà vu » ou « bonappétit ». Mais à blue jean (bleu de Gênes) ou denim (toile deNîmes); manager (ménager) ou ticket (estiquet) ; caddie (cadet) ou hockey (hoquet); poney (poulenet) ou poultry (pouletrie).Même ten-nis (« tenez »)et… sport (desport,« amusement ») en sont.Alors,unpartout, la balle au centre?


I l l u s t r a t i o n s S a t o s h i H a s h i m o t o p o u r M

L e m a g a z i n e d u M o n d e

31


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j ’ y é t a i s

Réunion de famille.pa r Guillemette Faure

déclarations. » Il luidit que,comme lesFrançais,il l’aime.Pas parce qu’elle est la femme de Jacques Chirac. Maisparce qu’elleest « un personnage ». Et d’ailleurs,c’est pourça qu’il est content d’être de droite, parce que la droite ades « personnages ». Charles Pasqua en était un aussi,Charles Pasqua qui, en plus, n’a jamais trahi. « JamaisCharles Pasqua n’aurait fait de mal à Jacques Chirac,dit-il. J’ai vécu ça de près. » Oui, Nicolas Sarkozy dit ça.Parce que, quand on célèbre les morts, c’est toujours unpeusoi qu’on célèbre, il signale aussi qu’il n’auraitjamaisfait de politique si Pasqua ne l’avait pas poussé à prendrela parole à Nice en 1975. « Si vous m’aviez dit à l’époque que je serais là, à rendre un hommage à Charles… Je me dis que la vie est passée bien vite. » Charles Pasqua avaitune autre qualité, ajoute-t-il, il n’a jamais visé plus hautque ce qu’il pouvait faire. Par exemple, il ne l’a jamaisentendu se demander s’il pourrait devenir président dela République. Oui, c’est toujours Nicolas Sarkozy qui

parle. Et lui n’imite pas Charles Pasqua, ne raconte pasd’anecdotes avec des histoires de charcuterie, mais re-vient sur le temps qui passe – « nous passerons nousaussi » – , sur le sensde la délité.Lesblagues « et quand il lui a piqué le conseil général », « Rhooo et la mairie de

Neuilly… » attendront le pot à l’hôtel de ville, après ledépart de l’ancien président.Le monsieur au quatrième rang avec l’écharpeparmeres-semble à Patrick Balkany et a la voix de Patrick Balkany.Mais on ne peut pascroire qu’après un discours célébrantl’homme qui « mettait la délité au-dessus de tout », onaitpu laisser l’éternel ami caché au fond derrière.Après l’inauguration de la plaque, Bernadette ChiracchercheNicolas Sarkozy. On lui dit qu’il estprobablementparti. En fait non,il prendun bain de foule. Elle attrape le

bras de la femme du maire. « Nicolas Sarkozy va être de plus en plus pris. Il faut qu’on soit des soldats jour et nuit! »,ditcelle quiest ofciellemententréeen campagneavant son candidat. Elle va voir Henri Guaino, oubliantqu’il songe lui aussi à se présenter, lui décrit son plan àtransmettre au président des Républicains qu’elle n’a paseu le temps d’embrasser. « Je peux vous aider. Pas seule-ment en Corrèze mais partout, je peux aller voir les personnes âgées, sonner aux portes… » Pastrèsloin, la voiturede Nicolas Sarkozy quitte la place Charles-Pasqua.

le 12 mars, à l’inauguration de la placecharles-pasqua au plessis-robinson.

L’appli du téléphone a corrigé toute seule.Entrez « placede la Résistance » au Plessis-Robinsonet elle vous répond« place Charles-Pasqua ». Sur place, justement, ils sonttous là. Le maire Philippe Pemezec, qui a proposé de re-baptiser la place il y a neuf mois, dans la semaine qui asuivi le décès de l’ancien ministre, gure du RPR, et nedoute pas qu’on aura bientôt « une oraison de rues, de places et de collèges Charles-Pasqua ». Le maire,donc, éluen 1989 dans cette banlieue qui ressemblait à « Varsovie sous les staliniens ». Il a commencé par rebaptiser toutesles rues aux noms trop marqués à gauche.Au point mêmeque Charles Pasqua dut intervenir pour défendre laplaque de rue d’un capitaine: « Philippe, tu vas faire une connerie. Les communistes, tu sais, dans la Résistance, ona quand mêmefait des choses avec eux. » Ille dit enimitantCharles Pasqua. Notez que ce n’est pas très difcile de

bien imiterCharles Pasqua.A écouter tous ceux quil’imi-teront, dans leurs discours ou à la réception qui suivra, onse dit qu’on va s’amuser dans les réceptions en hommageà Valéry Giscard d’Estaing dans quelques années.Face au maire,un carré de moquetterougeposéau milieude la place pour accueillir la crème de la droite tendanceHauts-de-Seine. Au premier rang, au milieu, la reine,Bernadette Chirac. Entendant parler de l’inauguration,elle a fait savoir qu’elle voulait en être parce que son marin’aurait jamais eu cette carrière-là sans Charles Pasqua. Asa gauche,NicolasSarkozyparce qu’elle voulaitêtreassiseà côté de lui.De l’autre côté, Henri Guaino. Sur les côtés,lesls de Charles Pasqua,à un bout,Patrick Devedjian, etPatrick Ollier, à l’autre. On sait qu’ils sont là parce que,dans sondiscours, Nicolas Sarkozy les prend tous à partie,

tous ceux de « la famille ». C’est curieux comme seule ladroite invoque régulièrement « la famille politique » ;l’expression « notre famille politique » ne s’emploie quepour la droite (mais la gauche a « le peuple de gauche »,me répondl’adjoint au maire.C’est vrai,on ne ditpas pluspeuple de droite que gauche décomplexée).Bernadette Chirac, qui dodelinait de la tête pendant queGuaino déclamait du Hugo au pupitre, sourit maintenant,radieuse.Nicolas Sarkozy lui dit que leur histoire va com-mencer à faire jaser. « Vous m’avez fait tant de

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C’est sans doute l’adresse la moinprisée des aspirants ministres. Et pourtant, ils s’y sont tous fait les dents. Aubry,Fillon, Guigou, Bertrand, Sapin, Borloo, Rebsamen… Tous ont un jour été ministredu travail. Annonçant mensuellement les chiffres du chômage. Orchestrant plus oumoins habilement les négociations sociales. Dans un pays aux 5 millions de chômeula tâche est colossale. Surtout si l’on s’y prépare mal. Dernier exemple en date :le projet de loi El Khomri, qui met le pays en émoi.

101, rue de Grenelle.

par laurent telo — i l l u s t ra t ions brest brest brest

3

D ’ a p r è s A F P



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ès qu’unministre

du travail est nommé, Jean auroux tire la langue et colle untimbre. Celui qui fut un fameux ministre du travail de Fran-çois Mitterrand, entre 1981 et 1982, l’homme des lois dumême nom, poste toujours une carte de vœux au nouveaulocataire du 101, rue de Grenelle, en concluant par un inévi-table « Bon courage ». Jean Auroux est incontournable car, duministre du travail, il incarne l’image d’Epinal ou, plutôt, deRoanne, dans la Loire,sa ville de toujours.Il est matinal,tech-nique et appliqué dans son propos. Il a surtout la tête de l’em-ploi (et donc du travail). Il n’a d’ailleurs pas changé : il portedes lunettes rectangulaires à monture d’acier,un col roulébleuclair collectionautomne-hiver 1978 et un collier de barbe sansmoustache comme le prof de physique qu’on avait en 5e oucomme le monsieur météo des Bronzés font du ski .Traditionnellement, les vœux épistolaires de Jean Auroux

connaissent une issue des plus conviviales: pour papoter desvicissitudes de la fonction,il a étéinvité parMyriam El Khomri,la ministre actuelle,qu’il a trouvé « sympa et souriante ». Oui,souriante.L’actuelprojetde loi surla réformedu droit du travailn’avait pas encore déclenché toute cette cohue.On a demandéà Jean Auroux si, selon lui, elle serait capable de se débrouiller.Il allait répondre un truc du genre: porter sa loi dans un telcontexte, c’est comme faire atterrir un Airbus A320 avec unpermismoto,c’est au-dessus de sesforces. Maisil a préféréuserd’une parabole,celle de sa propre expériencesoudainéclairante,qui établissait une sorte de liaison opportune avec les actuellesaventures législatives de sa consœur. Ils étaient tous les deuxaussi jeunes (39ans pour Auroux, 38 pour El Khomri)et avaientla même méconnaissance du code du travail, qu’ils n’avaientpas eu le temps de lire jusqu’au bout, mais qu’il fallait quand

même modier de fond en comble pour pondre une loi d’im-portance.Tout ça alors qu’ils venaientà peine d’être catapultésau ministère et que l’ambiance alentour était électrique.« En 1981, raconte Jean Auroux, le patronat était terrible-ment menaçant. Il pensait que les chars allaient descendre lesChamps-Elysées et que j’allais installer des Soviets dans lesentreprises. A gauche, ce n’était pas beaucoup mieux. Lesattentes sociales étaient énormes. En revenant de l’Assemblée nationale à 3 heures du matin après les débats sur mes lois,il y avait encore des délégations syndicales qui m’attendaient

dans la cour du ministère pour régler les plans sociaux e sagés à Aulnay, à Poissy… Il ne fallait pas se louper. »lois Auroux, qui démocratisent la vie en entreprise et amrent la condition des salariés, seront adoptées entre aoûdécembre 1982. Le moindre petit malaise de baignoire prohibé, mais Auroux avait une santé de métallo.Le 8 février dernier, quinze jours avant le début de la gratempête,tout était encoretrèstranquilleRue de Grenelle,

uneMyriam El Khomri pimpanteet bourrée d’optimismecomme son bureau, un peu froid et défraîchi. Le grand luaccroché au plafondmanquait même de casser la gure dèsquelqu’un marchait un peu trop fort à l’étage au dessus.C’peut-être un signe, après tout. On avait titillé la ministre savoir si,après tant de tentatives infructueuses, elle allait eparvenir à inverser la courbe du chômage avec ses petits musclés. Elleavaitpromis d’essayer et était certainequ’avfuture loi, tout allait s’arranger pour le pays: « Ma loi va ples bases pour améliorer le climat de conance qui est essenton veut faire avancer les choses dans notre pays. »Avec le recul,cette phrase paraît assez comique. Elle lisainotes, ça sonnait l’exercice imposé un peu forcé. Elle aesquissé les grands axes de sa loi qui allait bientôt devenilement célèbre.Mais elle n’avait pas du tout parlé des dis

tions ajoutées au dernier moment, notamment l’assouplment des motifs de licenciement économique, qui allamettre le payssens dessus dessous.A l’époque,elle n’étaitdoute pas au courant de ces changements de dernière minMalgré tout, il faut lui rendre hommage.Parce que, en pludécrocher le jackpoten termes de notoriété patronymiquea remis le ministère du travail au centre des préoccupatiDésormais,ça pulse sévère au ministère : elle a inoculé le pdefolie,de peps etd’allégresse nonseulement Ruede Grenmais aussi surle Web,aveccette pétition (Loi travail, nonmà plus de 1 million de signataires, ou encore dans la rue toutes ces jolies manifs, et puis au PS qui va nir par se détégrer à forcede se déchirer. Grenelle n’avait plus connu utohu-bohu depuis le règne de MartineAubry (1997-2000, Jospin), qui vit l’avènement d’un mini-grand soir, celui35 heures,et qui avait même réussi la prouesse de venir à

du président du Medef de l’époque, Jean Gandois,démisnaire.Depuispresque vingt ans donc,on avait l’impressionle travail était devenuun ministère de bord de route. Minicantonné à assurer le job le plus ingrat de la Républiquministre de la grisaille très grise, le ministre de la marée ndu chômage,le porte-parole de l’impuissance.

myriam el Khomri n’était pas trop d’accord. Visiment, six mois après son arrivée, elle y trouvait toujourscompte. Même quand il s’agit de prendre un air forcémombrageux et tourmenté et qu’il faut se creuser les méninpour trouver d’autres mots que la fois précédente pour ancer une nouvelle et énième hausse du chômage. OK, OKfait preuve de mauvais esprit, le taux de chômage a baiss0,1 % en janvier.Champagne? Passi vite,car selon un com

niqué très ofciel et peu euphorisant de la Rue de Grenparudansla foulée, il fallait prendre ce « 1 » après la virguledes pincettes.Une baisse,c’est tellement inattendu qu’ellforcément suspecte. Et puis, de toute façon, « même qu

j’annonçais de bons chiffres, se souvient Gérard Lar(2005-2007, sous Villepin), les syndicats gueulaient: “C’estassez!” ou alors “Les chiffres sont faux!” ».François Rebsa(2014-2015, sous Valls), lui, place au premier rang des corles plus redoutées du ministère l’annonce des chiffres du mage, l’apprentissage des acronymes de la cartographie de


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François Rebsamen, ministre du travail sous Manuel Valls en 2014-2015, a vécu l’annoncedes chiffres mensuels du chômage comme une véritable corvée: « Ça pourrit la vie

du ministère. Quelquefois, je traînais des pieds pour l’annonce. Hélas, j’avais un rappel automatique. Le président me téléphonait pour me dire “Allez, François, faut communiquer.” »

D ’ a p r è s L i o n e l B o n a v e n t u r e / A F P

19 mars 2016 — Illustrations Brest Brest Brest pour M Le magazine du


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contrats aidés destinésaux chômeursvraimentdansla moLes TUC, le CES, le CAE, le CIE, le CIP, le CPE… Osaitplus tropcommentles appeler, alors,pour se donner boconscience, on les dissimule derrière des lettres majuscPour desrésultats plutôt minuscules.Ne soyonspas mesqLa seule fois où Rebsamen a cessé de râler, c’est quandraconté son expérience des contrats aidés: « Dans le cadr

la conférence sociale de 2014, on a étendu la garantie jeu pour qu’il y ait la prise en charge de 100 000 gamins pau sous main courante de justice. Un an après, je suis allé v er qu’ils avaient un boulot et qu’ils étaient bien dans l pompes. Là, on a l’impression de servir à quelque chosMais en règle générale, les contrats aidés, c’est commesomnifères, ça endort mais ça ne résout rien. Et, à forcecoûte très cher et ça désespère. En 1967, Georges Pompne s’était pas trompé de beaucoup quand il avait dit : « S

jour, on atteint les 500 000 chômeurs en France, ça serrévolution. » Heureusement que nos 5 millions de chômn’ont encore jamais décidé de venir, en horde débraimettre le feu à la Rue de Grenelle… En revanche, et msi c’est passé assez inaperçu,l’économiste Pierre Larrouta porté plainte contrele ministre du travail,le premier min

et le président. Pour « non-assistance à personne en dangEt ce n’est pas un canular: « On a déposé plainte en octdernier. Il faut arrêter les blagues et se bouger. Décrétons ld’urgence du chômage. On se réunit et on prend cinq mes fondamentales pour créer 1 million d’emplois. Là, tou suite. Ce serait autre chose que François Hollande qui 500000 chômeurs en formation. C’est dramatique de que, sans croissance, on ne peut rien faire. »

à cet instant, pour ramener un peu de sérénité, ma

Yoda a levé l’index et a parlé très lentement: « Etre unministre du travail, ce n’est pas simple. » Maître Yoda,le surnom de Raymond Soubie. Qu’on peut aussi appelermond « la Science ». Yoda fut le conseiller social de NicSarkozy entre 2007 et 2010,mais c’est seulement la face vide son iceberg personnel. Yoda Soubie a créé le smic a

Jacques Delors en 1970 et a supervisé quelques-unesgrandes lois sociales des quarante dernières années. Il conl’arbre généalogique de tous les syndicats représentatifs pedigree de chaqueministre du travaildepuis 1969.« Unministre doit être inventif et connaisseur. Il doit savoir éter, discuter et créer des relations de conance dans la davec les syndicats et le patronat. Il faut de l’investissemede l’humilité. On ne peut pas y consacrer deux heures pa par-là. Car c’est un ministère à la fois politique et très tnique.» Et comme, en plus, une fois installé à Grenellesquatte rarement la rubrique show-biz de Paris Matchétonnant qu’on ne se bouscule pas à la double porte du C’est rarementune vocation, parfois un lot de consolation,vent une variable d’ajustement dans le jeu de chaises mcales gouvernemental.On a bossé,on a réalisé une large é

qualitative auprès de grandes gures du syndicalisme dondes hobbies, faut-il le rappeler, est de lancer un ministrtravail en l’air pour tirer dessus comme au ball-trap.Après dépouillement, on peut vous assurer qu’il y a dgrandes catégories de ministres du travail.Ceuxqui ontlaet la rage au ventre : ilssontrares.Et lesintermittents dusoils sont trop. Chacun a son chouchou. François Chérèancien patron de la CFDT, syndicat dit réformiste, aimaitXavier Bertrand (2007-2009, puis 2010-2012, sous FilGérard Larcher ou Michel Sapin « parce qu’ils bossaie

l’univers social français (« Il m’a fallu un certain tempsd’adaptation ») et ses soucis relationnels avec l’inspection dutravail (« J’avais dû intervenir car un inspecteur du travail martyrisait l’Opéra de Paris avec des PV incessants car, pour lui, faire danser des petits rats de l’Opéra après 20 heures était assimilable à du travail de nuit et à de l’esclavage d’enfants! »).Le plus pénible avec cette perverse ofcialisation mensuelle,

c’est qu’elle revient tous les mois. Pour un miracle qui ne seproduit jamais. « Ça pourrit la vie du ministère , poursuit Reb-samen. Quelquefois, je traînais des pieds pour l’annonce. Hélas,

j’avais un rappelautomatique. Le présidentme téléphonait pour me dire “Allez, François, faut communiquer.” Le pire, c’est qu’on ne sait pas trop comptabiliser. On s’y perd dans les caté- gories. On essaie un peu d’interpréter les chiffres… Mais même le patron de Pôleemploi que j’avais interrogé m’avait répondu: “Ah! Si seulement j’y comprenais quelque chose…” »Ce serait comique si ce n’était pas tragique. Cinq millions dedemandeurs d’emplois. Chiffre brut, brutal et sans âme.Depuis qu’il est ministre des nances, et non plus celui dutravail (2012-2014, sous Ayrault), Michel Sapin sembled’ailleurs beaucoup plus décontracté.Plus de lugubre voyageà Nantes après qu’un chômeur s’est immolé devant une

agence de Pôle emploi. Dans son bureau de Bercy, avec vuesur la Seine, Sapin se contente d’une vie beaucoup pluspépère. C’était vendredi après-midi, mais quand même:« Alors? De quoi parle-t-on? Je m’endors unpeu là… » Trèsbien, on va faire vite alors: « Est-ce vous qui avez soufé àFrançois Hollande cette histoire d’inversion de la courbe duchômage? » Ça l’a réveillé d’un coup, le ministre. « Ah non! a-t-il hululé. Je n’emploie plus le terme, il est maudit ! Mais pour vous répondre… En fait, je ne me souviens plus trop… Mais je suis prêt à ser vir de paratonnerre. » Autre question:« Puisqu’il ne veut rien dire, pourquoi ne pas arrêter d’an-noncer le chiffre mensuel ? – Ce serait la révolte ! On nousreprocherait de casser ou de cacher le thermomètre ! Rien à faire. Il faut subir. » Myriam El Khomri avait bien essayé dereler la publication de la mauvaise nouvelle mensuelle à soncollègue,StéphaneLe Foll,le porte-parole du gouvernement.

« Oh ! C’était juste une boutade…, rectie-t-elle. Mais c’est vrai qu’au premier conseil des ministres, j’ai interpellé tousmes collègues pour leur dire que les statistiques que je devaisannoncer tous les mois n’étaient que la résultante de toutes les politiques menées par tous les ministres. »

O

ui, parce qu’il est temps que la

vérité éclate au grand jour. Aceux qui fantasment encoresur un ministre au cerveaufumant,un GéoTrouvetou à latête d’un laboratoire à idéesglobalisantes et innovantes

dont l’impactnucléaire annihi-lerait le chômage de masse, Eric Woerth (2010, sous Fillon),« pas aigri, juste réaliste », répond: « Si le ministère du tra-vail avait un rôle à jouer sur la baisse du chômage, ça se saurait. » Pourêtreun peu plusgentil, ondiraque leministredu travail, qui est celui des salariés avant d’être celui des chô-meurs, se doit de dynamiser la formation professionnelle,d’agir sur les conditions de travail et de gérer les copains deRebsamen (les inspecteurs du travail), et qu’il est censé créerles conditions favorables du retour à l’emploigrâce aux fameux

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Illustrations Brest Brest Brest pour M Le magazine du Monde — 19 mars 2016


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qu’on pouvait discuter ». En revanche, Brice Hortefeux (2009,sous Fillon) l’a beaucoup fait rire: « Extraordinaire! Il n’yconnaissait rien, il voulait être partout sauf à Grenelle mais pour faire illusion, il racontait à tout le monde qu’un ouvrage que je venais de publier était devenu son livre de chevet. Lui, il m’a fait rêver! » Spontané-ment, Bernard Thibault, patron

de la CGT, syndicat dit contes-tataire, a été marqué par Elisa-beth Guigou (2000-2002, sous Jospin) : « On était obligé de lui expliquerle contexte,les enjeux… Je ne dis pasqu’il faut avoir une maîtrise ne de la matière, maisil faut quand même avoir unminimum… » Syndical ? Enmatière d’erreurs de casting,Soubie sait de quoi il parle.SousSarkozy, le vrai ministre du tra-vail, c’était lui. Il manageait letitulaire ofciel au ras du licouquand il ne lui coupait pas carré-

ment la tête. Il s’en défend àpeine : « Si j’ai fait partir Xav ier Dar cos (2009, sousFillon)? Mais je n’étais ni prési-dent ni premier ministre… Unbrillant esprit,mais plus à l’aise à l’éducation qu’au travail. »Darcos? Thibault nes’en souve-naitmêmeplus.Il a dûreprendrela listedesministres pour retrou-ver la mémoire. « Il y en a eutellement. Unevalse de ministresinterchangeables. Quatre diffé-rents sous Sarkozy. Trois sous Hollande. C’est une tendance révélatrice de la place qu’on

accorde aux questions sociales.On gouverne par le chiffre, par la logique économique et nan-cière. C’est un ministère qui pèse de moins en moins… »Il a même failli disparaître.L’été dernier quand l’amiRebsamen,terrassé par l’ennui,a ni par déserter Grenelle pourreprendre guilleret la mairie deDijon, Emmanuel Macron,maître de la forteresse de Bercy,a voulu en faire son quatre-heures, du ministère. « Je m’y suis opp osé , admet Laurent

Berger, secrétaire général de laCFDT. Le travail ne doit pasêtre un sous-produit de l’écono-mie. » Rivalité séculaire. « Par rapport à l’énorme structure que représente Bercy, Grenelle est un petit machin, », selon Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travailau ministère. « Quand les ministres successifs de l’économie,dont Macron, disent: “Je m’occupe du travail dominical, du smic, du licenciement”, c’est non seulement l’expression

Il y a deux catégoriesde ministres du travail.

Ceux qui ont la rage

au ventre : ils sont rares.Et les intermittents du

social : ils sont trop.

Myriam El Khomri, l’actuelle ministre du travail, était certaineque, avec sa nouvelle loi, tout allait s’arranger: « Ma loi va poser les bases pour améliorer le climat de confiance qui est essentiel

si on veut faire avancer les choses dans notre pays. »

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D ’ a p r è s L i o n e l B o n a v e n t u r e / A F P


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d’une volonté politique du ministre, mais aussi dtechnocratie de Bercy qui convoite avec gourmandise les abutions de Grenelle. Mais le dialogue social, c’est le travaLe dialogue social : une tradition théâtrale nationale doministre du travail est le grand ordonnateur. C’est lui

débouche le chablis obinouze et ingurgite trois p

déjeuners quotidiens. «ministère, c’est de l’humexplique Gérard Larcherministère de potier. Vous pé sez de l’humain. Il faut avo goût des autres. » Soyons untechnique avant de goûtechablis. Le dialogue socia« négo sociale »,c’est le gro job du ministre du travail’emploi, de la formation fessionnelle et du… dialosocial, justement. Il doit trotous les moyens imagina(argumentaire à la Don C

leone, marchandage de smenaces viriles mais courtobuffet gastronomique inésable) pour que les deux enmis irréductibles, syndicapatronat, au terme d’une «finale » aussi subtile que lente, se fassent un gros smsur des sujets aussi décisifsl’âge de départ à la retrale replâtrage de l’assuranchômage,bref,toutes lesgralois sociales. Mais « ce n

jamai s un dialogue socideux, selon Michel Saencore éveillé. Il y a toujo

le ministre qui tient la chdelle, qui écoute à la porqui aide à ce que le rapproment porte ses fruits. »Ça semble un peu légecoquin comme ça, le dialosocial, mais en réalité… Vlivré, en exclusivité, le sement de Jean-François Pillancien négociateur en cheMedef, sur les enjeux fonmentaux dela négo.Ce quiprouve que, oui, il y a un fd’humanité au fond des ydu grand capital : « La dim

sion émotionnelle est très fO n p arle qu a n d m êm gens au chôm age, de dra humai ns. Ce qui nous ptout au long d’une négo, c’es

intérêt général très fort. » Ila dit ça avec lecœur, mêmes’pas résisté à nous raconter son expérience de négos aveintermittents du spectacle qui avaient réussi à dénichernuméro perso. « J’ai reçu 1405 SMS dont certains très viodu style “On va te crever”. » La négo comporte trois éta

La “négo sociale”,c’est le gros du job.Il faut faire en sorte

que deux ennemisirréductibles, syndicats

et patronat, finissentpar s’accorder sur

des sujets décisifs.

« Ma première bilat [réunion bilatérale avec les syndicats]de la journée, je la faisais à 6 h 30 à Grenelle, se souvient

Gérard Larcher, ministre du travail sous Villepin de 2005 à 2007,aujourd’hui président du Sénat. Parce qu’à cette heure-là,

on n’est embêtés par personne et on est vrais. Sans artifice. »

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19 mars 2016 — Illustrations Brest Brest Brest pour M Le magazine du

Etape numéro 1: ouverture des hostilités. Woerth raconte:« C’est une mise en scène et un jeu de rôles. Il y a photographeset caméras à l’entrée. Le ministre ouvre sa porte. Les syndica-listes font la gueule. Vous souriez. On ferme la porte. L’idéal,c’est qu’ils n’en sortent pas au bout de dix minutes… Vousarrê-tez l’ordre du jour, le timing de la négo. Vous dites ce que vousavez à dire, ils disent ce qu’ils ont à dire. Vous êtes entourés de

collaborateurs de part et d’autre. A la sortie, les syndicalistes se succèdent aux micros: “Le ministre a écouté, mais il est très loinde la réalité. Les choses ne se passeront pas comme ça.” » Etapenuméro 3: signature de l’accord.Il y a photographes et camérasà la sortie. Le ministre ouvre sa porte… etc. Michel Sapin,décidément très en verve en ce début de week-end,comparel’accord à « un accouchement ». « C’est une joie rare dans une vie. » Pardon? On a oublié l’étape numéro 2? On ne peut pasen parler. C’est comme le 13e étage à NewYork.Ça n’existe pas.Mais c’est là que tout se passe. Dans un monde souterrain etinterlope où les « bilats » les plus stratégiques succèdent auxcoups de l les plus cryptés.Les« bilats »,ce sont les réunionsbilatérales oùtout se négocie en face à face entre,tour à tour etdans le désordre, le ministre, les négociateurs syndicaux etpatronaux. Les bilats se dilatent souvent. Sur plusieurs

semaines,voire plusieursmois. On empruntedesportes cachéesà des heures condentielles.« Mapremière bilat de la journée, je la faisais à 6 h 30 à Grenelle, intervient Gérard Larcher,aujourd’hui président du Sénat. Parce qu’à cette heure-là, onn’est embêtés par personne et on est vrais. Sans artice. C’était le premier d’une longue série de petits déjeuners. » Jean-PierreSoisson (1988-1991,sous Rocard) estattablé devant le meilleursteaktartarede Paris: « Moi, lesnégos, je lesfaisais auchablis. »Sousson mandat,l’Unioneuropéenne négocie la charte socialeeuropéenne. « Troisfoispar semaine, je partais pour Bruxelles. Alors, dans le coffre, j’avais toujours une caisse de chablis. Physiquement, les négos, je peux vous dire que c’est dur. »

Po u r s a vo i r s i v o us ê t es c a lé

en dialogue social, on a imaginéun test ludique. Saurez-vous relierles intitulés avec leurs histoires ?Les intitulés : 1) La négo « Liliane,fais les valises! ». 2) La négo façonmanif « Fillon l’a dans le fion ».3) La négo « Cigare, foot ettruelle».

Les histoires: A) Jean-Pierre Soisson: « En 1989, il y a une grève très dure sur les chantiers navals de Saint-Nazaire. Çadure, ça dure, tout est bloqué. Louis Viannet, le patron de laCGT, me dit : “On peut pas régler ça tout seul. Il faut appeler le patron. Il est joignable entre 17 et 18 h 30 dans sa maisondu Luberon.” J’ai appelé Georges Marchais à l’heure dite. Le surlendemain, la grève était terminée. »

B) François Chérèque, ancien patron de la CFDT : « En2003, il y a les négos sur les retraites avec François Fillon.C’est dur, c’est dur. Une nuit, 4 heures du matin, on rompt lanégo sur un constat de désaccord. Trois heures plus tard, je dis sur Europe 1 : “Je reste ouvert si on change ça, ça et ça.” Sur le chemin du retour, coup de l du premier ministre, Jean-Pierre Raffarin : “Si vous êtes prêt à discuter, venez.” A Matignon, on est assis à son bureau avec la feuille des points de négo. Raffarin barre, rajoute, il me donne tout ce

que je veux en échange de l’alignement de tous sur quarante ans de cotisations. Les négos ofcielles reprennent, Fillontente un dernier coup de poker. De nouveau, il refuse tout. Suspension de séance. Je le prends bille à bille dans une salle. Je lui parle de ma bilat avec Raffarin. Fillon, d’ordinaire très gentleman farmer, est devenu tout blanc. Il était hors jeu. Raffarin et Fillon se feront la gueule un bon bout de temps. »

C) Jean-Pierre Soisson se sert un verre: « Pour discuter, Marc Blondel, l’ancien patron de FO, voulait des cigares et de labière. Il venait avec le petit Jean-Claude Mailly [l’actuelpatronde FO, NDLR] qui notait tout sur son petit cahier. Très solide,le petit Mailly. » Justement, le « petit Mailly » se souvient:« Un soir de négo, on était dans le bureaude Soisson qui regar-dait un match avec l’AJ Auxerre, le club de foot de sa ville. Il dit à Blondel: “Si on gagne, je te le ce que tu veux.” » Soissonse ressert un verre: « Blondelétait devenu un copain. On déjeu-nait ensemble au moins une fois par semaine. Et puis on se voyait chez les francs-maçons. A l’atelier du Grand Orient. Une élite intellectuelle incroyable. Il y avait aussi Jean-Michel Bay-let, Rebs’, Pierre Joxe. Cette proximité? Vous rigolez? Bien sûr que ça jouait dans les négos! »Quand on est ministre du travail,il y a deux choses à ne jamais

faire : débarquer chez Jean-Jacques Bourdin, sur RMC, sansavoir révisé le chapitre CDD du code dutravail ; faire un enfantdans le dos des syndicats. La négo sans négo, c’est pas recom-mandé pour la santé du ministre. Il y a un bon exemple,vieuxde pile dix ans. Toute ressemblance avec des faits actuels n’estpas du tout fortuite. Dominique de Villepin est un premierministre qui surfe sur l’opinion, Gérard Larcher est au travail, Jean-Louis Borloo régente un grand ministère des affairessociales. « On est obnubilé par le chômage des jeunes, raconteLarcher. Réunion à Matignon. Villepin a une idée : le CPE,contrat premièreembauche. Pendant deux ans, l’employeur peut rompre le contrat de travail sans en donner le motif. Avec Bor-loo, on lui dit qu’il faut soumettre ce projet aux partenaires sociaux. On lui demande trois mois pour préparer la loi sur labase de négos. Refus. “Trois semaines?” Borloo me tire par lamanche: “Arrête, Gérard, tu vois bien qu’il veut pas.” Villepin

annonce ça en conférence de presse. » Bilan:trois mois de grève,des frissons comme en 1968, une loi promulguée, mais que leprésidentChirac décidede ne jamaisappliquer. Et aujourd’hui?On en est où? « J’ai évoqué avec divers acteurs la loi El Khomri. Et ce gros problème de méthode : pas beaucoup de concertation avec les partenaires sociaux, la maladresse d’avoir pris l’initiative, sans doute à la demande de Matignon, d’an-noncer le 49-3 dès le départ. Et, surtout, un volet sécurité trop pauvre lorsqu’on souhaite plus de mobilité pour les salariés et plus de exibilité pour les entreprises. Cela donne une loi assezdéséquilibrée et dont on voit bien qu’elle est aussi un enjeu de pouvoir pour Valls et Macron et, donc, pour Hollande. Celarend les choses compliquées pour rattraper le coup. » L’hommequiparle s’appelle Pierre Ferracci,patron du groupeAlpha, trèspuissant dans la sphère sociale, expert en conseil en relations

humaines.Noussommes le 3 mars,il sort du bureaude FrançoisHollande. C’est le « Yoda de gauche » et, sur la loi El Khomri,ilest très« actif» pouressayer de rectier le tir. Sa voix a porté car,depuis, le chef de l’Etat,dans ses petits souliers, a repris la mainpour essayer de rendre la loi PS-compatible. Cette entorse audialoguesocialdela part d’un gouvernementde gauche, MichelSapin aussi, ça l’a gêné. « Je n’ai pas été énervé… Encore que là, j’étais peut-être un peu énervé. Parce qu’onsent le gâchis. On sent qu’il y a de la vraie matière pour faire avancer les choses. »Mais tout ça,ça lui a juste donné enviede se recoucher.


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Au cœur de la vieille ville, le palais Zwingertémoigne du temps glorieux du royaume

de Saxe. Ce patrimoine baroque a faitl’objet d’une restauration minutieuse.


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our la séance photo, Jan

Vogler a tenu à aller chercher sonVioloncelle

dans son appartement de la Morizgasse, justeen face de la Frauenkirche. Un stradivarius de1707.Il raconte qu’en 2005,lorsqu’il a joué pourl’inauguration de cetteéglise emblématique deDresde, détruite par les bombardements de

février 1945 et reconstruite grâce à la mobilisa-tion des habitants,une forte émotion avait par-couru l’assemblée. « Un moment extrêmement touchant, c’était une ville qui communiait enmusique. » Pour cetenfant de l’Est,né en 1964sous la RDA,dans le quartier Prenzlauer Bergà Berlin, puis devenu violoncelliste de renom-mée internationale, cet instant a été un baumeoffert auxâmes deshabitantsde Dresdedont ilconnaît trop bien le traumatisme.Lorsque, en2007, le maire dela ville lui a proposé dedeve-nir intendant des Dresdner Musikfestspiele,lefestival de musique classique de la ville, il n’apas hésité une seconde. « A cette époque, je vivais à NewYork depuis dix ans. J’avais déjàune vision très claire de ce que je voulais faire.

Pas juste un festival. Je voulais élargir les hori- zons, montrer Dresde comme une ville entre l’Est et l’Ouest, Dresde ville blessée et recons-truite. Un beau message. »Depuisque JanVogleren assurela direction,lefestival, qui se déroule chaque année en mai, aconnuun développementinternationalexcep-tionnel.Les meilleurs orchestres du monde sepressent pour jouer dans un des nombreuxlieux de concert de la ville, églises, musées…Etle public accourt: l’audiencea augmenté de30% l’andernier,certains concertsde cette sai-son affichent déjà complet. Cette année,l’Orchestrephilharmonique d’Israël estl’invitéd’honneur. Un symbole fort dans une ville qui

fut un bastion du parti nazi dans lesannées 1930. Une façon de contrer, aussi,l’image qui colle à Dresde depuis que,chaquelundi, des milliers de manifestants de Pegidafont résonner dans les rues de la vieille villeleur slogan « Wir sind das Volk » (« Noussommes le peuple »). Un discours xénophobequi a fait florès dans la région: agressionsracisteset incendies envers des foyers de réfu-giés se sont multipliés ces derniers mois.

C’est ici qu’est né le mouvement Pegida etses manifestations xénophobes. La perle baroquede l’ex-RDA n’a pourtant rien de ces cités

déshéritées où fleurit habituellement le populisme.Prospérité économique, renouveau démographique,universités prestigieuses, culture florissante…Reconstruite sur les cendres des bombardementsde février 1945, la capitale de la Saxe afficheun dynamisme à faire pâlir ses voisines européennes.par CéCile Boutelet — p ho to s Katrin StreiCher

Dresdeaux deux visages.

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Photos Katrin Streicher pour M Le magazine du Monde — 19 mars 2016

Le village de Clausnitz, au sud de Dresde,s’est rendu tristement célèbre n février à lasuite de la diffusion sur Internet d’une vidéooù l’on voit les habitants et la police terroriserdes réfugiés descendant d’un car.Pegida estné icien octobre 2014,bien avant lavague d’arrivée des réfugiés en Allemagne.Mais cette immigration a renforcé le mouve-ment et ses accointances avec le parti AfD(Alternative für Deutschland,), qui capitalise

sur le rejet de la politique d’accueil d’AngelaMerkel. Le 13 mars, l’AfD a atteint des scoresinédits en Allemagne pour un parti de droiteradicale dans lestroisrégions où setenaientdesélections. On ne votait pas en Saxe. Mais dansl’Etat-région voisin de Saxe-Anhalt, l’AfD estarrivéeen deuxième position,derrière la CDUd’Angela Merkel, avec 24 % des voix.Sous le soleil pelé de ce début mars, la vue dela vieille ville depuis le pont Augustus estexceptionnelle. La Frauenkirche, le châteaurésidentiel, le palais Zwinger et tous lesbâtiments baroques du front de l’Elbe ontretrouvé le lustre de jadis, du temps glorieuxdu royaume de Saxe. Tout ce qui avait étédétruit a été entièrement restauré ou recons-

truit depuis la réunication. Jusqu’à certainesfaçadesde bâtiments ayant totalement disparudu fait de la guerre ou du régime soviétique,reconstruites à l’identiqueà partir de décors enstucet pierres taillées, plaqués surdes surfacesen béton. Un pastiche parfois controversé, maisqui fait le bonheurdes touristes… et des sym-pathisants de Pegida,qui utilisent le cadre his-torique comme décor de leurs délés.« Ça m’attriste vraiment. Toute la ville, sonimmense potentiel, l’opéra est abusé par cesmanifestations », déploreCélineMoinet,haut-boïste soliste à la Staatskapelle de Dresdedepuis 2008. La jeune femme née à Lille a vuen quelques années se transformer la ville,

devenue plus dense, pluscolorée. « La blessure de février 1945 est très forte ici, c’est ce qui frappe quand on arrive. Il y a un côté maisonde poupée dans ces rénovations à l’identique,une nostalgie d’un modèle qui est parfois de l’ordre du fantasme », dit-elle.Dans un élégantcafé de la Hauptstraße, tout proche d’un café-

théâtre, elle raconte ses débuts en Allemagne,« passage obligé » dans une carrière musicaleinternationale, et puis la réussite au concoursde Dresde, une consécration professionnelle.« La réputation internationale de la Staatska- pelle est un paradoxe, parce qu’ici c’est uneville de province. On est loin de tout. Et il y a un particularisme de Dresde, qui se ressent beau-coup dans la musiqueclassique. C’est unefaçonde jouer, un son qu’on préserve à tout prix,

comme les partitionsparfois centenaires sur les-quelles on joue, patiemment annotées par des générations de musiciens. »

De l’autre côté de

l ’ e lb e , da n s l e

quartier de neus-

t adt, c ’ e s t u n e

autre dresde quis’est réveillée cesdernières années.Les façades ont

aussi été rénovées, mais certaines ont étéconéesà desartistes contemporains,à l’image

de la fameuse «cour des éléments», où lesgouttières se transforment en longues trom-pettes qui zigzaguent le long des murs.D’autres murs restés en l’état depuis la RDAsont joyeusement taggés, dans un esprit quirappelle le Berlin desannées2000.Partout,descafésbranchés,des boutiques improbables,desrestaurants, des falafels bariolés. Dans les rues,des jeunes parlent toutes les langues. LaNeustadt est l’un des quartiers préférés d

le magazine du monde - 19 mars 2016

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