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DUPRAZ Louise M1 Médiation Décembre 2014 – Note de Synthèse Jacques Faget Médiations : les ateliers silencieux de la démocratie

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DUPRAZ

Louise

M1 Médiation

Décembre 2014 – Note de Synthèse

Jacques Faget

Médiations : les ateliers silencieux de

la démocratie

DUPRAZ Louise FAGET, Jacques, Médiations. Les ateliers silencieux de la démocratie, Toulouse, Erès coll : « Trajets », 2010

1. Présentation de l'ouvrage

Doctorant en droit et directeur de recherche au CNRS, Jacques Faget est également

conférencier, formateur et praticien de la médiation dans le monde entier. Publié en 2010, son

ouvrage Médiations : les ateliers silencieux de la démocratie, fournit une présentation large des

processus de médiations actuellement mis en œuvres aux quatre coins du globe. Son étude

s'articule en plusieurs parties, allant des origines et fondements théoriques du procédé à son

application concrète dans différents champs. Son intérêt majeur est de fournir une vision large de

la médiation, étayée par de nombreux exemples et schémas qui permettent une compréhension

globale de cette discipline.

Unique en son genre, cette étude n'en est pas pour autant universelle. En effet, dès la préface,

l'auteur établit qu'elle est issue de sa propre subjectivité, en tant que chercheur français marqué

par le contexte de son époque et par son histoire personnelle. Cette affirmation est le point de

départ de l'ouvrage, et semble correspondre tout à fait à l'esprit de la médiation, un art aussi

formel que subjectif. De plus, la dimension collective de la construction de cette discipline est une

composante essentielle du texte, puisque Jacques Faget cite un grand nombres d'ouvrages, et

d'auteur, faisant intervenir par ce biais une multiplicité de voix, qui permettent de nourrir et

d'élargir son propos.

Médiations : les ateliers silencieux de la démocratie s'articule en trois parties. D'abord, l'auteur

revient sur la construction de la médiation, ses origines et son développements à travers l'histoire,

avant de s’intéresser au déroulement du processus en lui même, constitué d'un cadre normatif,

mais traversé par toute une série de modèle dont il propose l'étude. En dernier lieu, Jacques Faget

s’intéresse aux champs d'applications de la médiation, présentant en huit chapitres la variété des

domaines dans lesquelles sont mis en œuvre cette discipline. Cette large étude traite d'une

multitude de sujets, néanmoins on y retrouve des thèmes récurrent, notamment la tension, à la

fois fondatrice et problématique, entre l'instrumentalisation institutionnel, qui tend à recréer un

ordre à travers la médiation, et l'essor des initiatives privés qui cherchent à modeler de nouveaux

rapports sociaux, basés sue des accords individuelles consentis librement. L'étude de cette

confrontation, qui s'ajoutent à celle des tensions observables dans les groupes et les sociétés,

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DUPRAZ Louise FAGET, Jacques, Médiations. Les ateliers silencieux de la démocratie, Toulouse, Erès coll : « Trajets », 2010

fournit un regard éclairant sur la complexité de l'émergence de la médiation.

Afin de mieux appréhender l'ouvrage, nous étudierons dans une première partie sa construction et

les thèses qu'il avance, avant de nous intéresser à l'apport qu'il fournit à celui qui se forme à la

médiation.

Suite à la préface précédemment évoquée, Jacques Faget définit, en

introduction, l'objet de son ouvrage, stipulant qu'il « consiste à analyser les raisons, les modalités,

les conséquences et les enjeux du développement d'un ensemble de pratiques institutionnelles et

sociales qualifiées précisément de médiations qui apparaissent dans les pays occidentaux à partir

des années 1970 et 1980, et dont le champ d'application ne cesse, depuis, de s'étendre. »1 L'auteur

attribue l'absence de véritable étude, globale, sur le sujet au caractère pluridisciplinaire de la

médiation, et révèle l'ampleur de son développement, notamment en énumérant tous les types de

médiateurs existant.

Cherchant à définir les termes du sujet, l'auteur commence par s'intéresser à la notion de conflit,

en tant que partie de l'interaction humaine, présente sous d'innombrables formes. Le conflit est

collectif, on ne peut le déclencher seul, il est aussi une construction, c'est à dire le fruit d'un

processus, que l'auteur décline en plusieurs parties, allant du contexte à la séquence conflictuelle,

en passant par la transgression et la construction des certitudes. Selon les points de vues, ou selon

ce qu'il en résulte, un conflit peut être considéré comme fécond ou dévastateur, c'est en cela que

se pose la question de sa fonction et de son traitement. Par ailleurs, Jacques Faget s'intéresse à la

notion de paix qui, selon lui, « peut se concevoir dans un contexte conflictuel à la condition que la

nature et l'intensité des conflits soient contenues dans des limites acceptables, ou que leur

expression soit ritualisée, institutionnalisée. »2 Il ne s'agit pas là d'une paix négative, c'est à dire

d'une absence de conflit, mais un état d'équité, de justice et de contention par rapport aux

clivages qui peuvent survenir dans les sociétés. Ainsi, la pacification est un processus, qui passe par

le rituel, et qui peut être divisé en catégories : la violence, le droit ou la recherche de solution par

les belligérants eux même, aboutissant à une réconciliation. Cette dernière approche, dans

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laquelle il faut situer les MARC (modes alternatifs de règlement des conflits), tend à se développer

dans les démocraties occidentales, notamment par le développement des médiations. Du point de

vue de l'auteur, l'émergence de cette discipline hybride, qui cherche de nouvelles modalités de

régulations entre un ordre imposé et un ordre négocié, constitue «l'indicateur d'une société qui

cherche une nouvelle façon de gouverner la cité et de fabriquer de la cohésion à travers de

nouveaux référentiels d'action »3 A travers la métaphore du fluide, Jacques Faget émet l'idée que la

médiation ai pour objectif de rétablir des liens, des mouvements de circulations dans des

situations figées.

Avant de procéder à l'analyse des origines de la médiation, l'auteur revient sur les obstacles à son

analyse, qu'il définit en trois types. En premier lieu, des entraves analytiques qui tiennent à la

difficulté existante de distinguer clairement ce mode de résolution des conflits des autres, de

l'isoler pour en faire un objet d'étude. Par ailleurs, l'émergence et la pratique de la médiation est

fortement marquée par le militantisme et la religion, ce qui pose la question de son objectivité.

D'autres part, la multiplicité des usages et le manque d'autonomie des pratiques de médiations

rendent compliqué l'étude du procédé. En dernier lieux, l'existence de visions sectorielles et

national achèvent de brouiller les pistes. C'est en cela que la démarche globale, de Jacques Faget

prend toute sa pertinence.

Partie I : La construction sociopolitique de la médiation

1. Les origines de la médiation

Dans ce premier moment, l'auteur revient sur la genèse de la médiation, qu'il situe en 1681, avec

le travail de Abraham de Wicquefort, diplomate hollandais qui écrivit « L'ambassadeur et ses

fonctions » Dans un des chapitres de l'ouvrage, Wicquefort évoque la posture de médiateur et en

émet une première définition. Néanmoins, c'est au 20ème siècle, en particulier à partir de 1970,

que le processus se développe véritablement. Les premiers programmes de médiation s'articulent

autour d'un socle de valeur, religieux et politique. Ainsi, les expériences menées à partir de 1974

3 P.22

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aux États-Unis sont le fait de minorités protestantes attachées au pacifisme et à la non-violence.

L'engagement dans la médiation correspond ici à la défense de valeurs chrétienne fondatrices pour

ses groupes.

Par ailleurs, l'activisme social pour la défense des droits civiques qui se développe durant les

années 1960 aux États-Unis, joue un rôle prépondérant dans la mise en place de la médiation. En

effet, la création des boutiques de droit ou encore des « community board » a pour objectif de

fournir un accès libre et gratuit aux ressources juridiques, notamment pour les plus défavorisés.

Ces nouvelles pratiques sociales s'attachent à rendre aux citoyens la propriété de leurs conflits, et

les incitent à les régler par d'autres biais, tels que la conciliation ou la médiation. Le dernier

terreau favorable à l'émergence de la médiation évoqué par Jacques Faget, est celui de la

communauté des sciences humaines et sociales, qui produit d'important travaux qui étayent et

accompagnent la formation de la discipline. Parmi ces mouvements, l'auteur évoque en premier

lieu les « critical legal studies », un courant d'analyse du droit né en 1977, qui plaide pour une

« empowerment democracy » en s'appuyant sur toute une série de critique à l'égard des

institutions juridiques. Par exemple, les CLS défendent le postulat que « la norme juridique est

abstraite. Elle ne tient pas compte des besoins particulier et fait entrer les litiges dans des

catégories juridiques préalablement établies et stéréotypées »4 et dénoncent les travers d'un

système impersonnel, qui privilégie la réponse individuel à la revendication collective et qui ne

répond pas à la réalité. Cette approche a servis de base théorique à un grand nombre d'initiative

individuel.

Par ailleurs, Jacques Faget évoque deux figures majeurs dont les travaux ont influencés

l'émergence de la médiation : Palo Alto et Carl Rogers. Le premier a développé dans les années

1950, l'interactionnisme, qui propose une approche systémique des relations humaines. Selon

Alto, le travail des médiations permet de traiter les pathologies du modèle de communication,

c'est lui qui a développé l'idée fondatrice de la mise en présence physique des acteurs du conflit.

Carl Rogers, éminemment connu pour son travail sur la psychologie humaniste, a étudié

l'importance de l'aide du tiers pour aider une personne a libérer son potentiel et trouver elle

même la solution à son conflit. De plus, l'apport qu'il fournit concernant l'attitude empathique,

sans recours à l'interprétation constitue un des fondements de la médiation. Enfin, l'auteur évoque

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le courant intellectuel dit de la « french theory », mené notamment par Michel Foucault, qui

dénonce les logiques des rapports de domination, et dont les idéaux semblent présents dans la

médiation. Après avoir étudié les fondements intellectuels et de valeurs du processus, l'auteur

s'attache à montrer le contexte et les conditions de son développement.

2. Le développement de la médiation

L'émergence de cette discipline est dû à différents facteurs, notamment la transformation des

institutions publiques, l’avènement du néolibéralisme ou encore l'essor des phénomènes

migratoires et des nouvelles technologies. Les nombreuses mutations auxquels se confronte le

monde actuel entraînent une nécessité de développer de nouvelles pratiques de régulations,

permettant d'articuler des espaces multiples et complexes, c'est en cela qu'il existe un lien entre la

médiation et la post-modernité.

Afin de définir les conditions contextuelles du développement de la médiation, l'auteur s'attache à

en démontrer les origines linguistiques, anglophones puis française du fait de la propagation par le

Canada, politique, en relation avec une volonté de pacification des liens et de la volonté des

citoyens de se réapproprier un rôle traditionnellement dévolu à l’État, et religieuse, empreinte

d'une forte culture chrétienne et protestante. De plus, l'émergence de la médiation semble lié au

contexte juridique et à la culture qui la produise. En effet, Jacques Faget montre que le processus

émerge d'abord dans les pays de common law, et qu'il intervient au moment où les institutions

judiciaires souffrent, du fait de leurs engorgements, d'un déclin de légitimité, ce qui entraîne la

nécessité de chercher des modes alternatifs de résolutions des conflits. Culturellement, le

développement de ces derniers semblé lié aux valeurs individualistes propres à la société

américaine, prônant « le principe optimiste, et par certains aspects naïf, d'un acteur autonome,

rationnel, responsable, capable d'engagement. »5 La médiation ne peut, à priori, fonctionner dans

des sociétés traditionnelles, où l'identité est collective et où la tradition religieuse joue un rôle

proéminent.

5 P.58

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Après avoir étudié le contexte du développement de la médiation, l'auteur s'intéresse aux raisons

sociopolitiques d'un tel mouvement. En premier lieu, il souligne la nécessité de nouvelles instances

régulatrices au sein de nos sociétés. Le terme de régulation renvoi à l'existence de dynamique

sociales, mouvantes, dont le règlement ne serait plus dévolu à un seul acteur, sinon à une série de

processus interconnectés à différents niveaux, et en perpétuel évolution. Afin de spécifier

davantage cette affirmation, Jacques Faget commence par s'intéresser à «la métamorphose des

régulations politiques »6 Partant du constat qu'il existe actuellement une mutation entre une

puissance étatique fortement ancrée et l'émergence de modalités de production des dynamiques

de sociétés infiniment plus complexes, l'auteur affirme que c'est désormais par des modèles

hybrides que s'affirme le fonctionnement d'un monde globalisé, hétérogène et beaucoup moins

soumis à la hiérarchisation qu'auparavant. En parallèle, il observe un déclin des institutions,

traditionnellement chargées de réguler les relations sociale.

En effet, les réponses judiciaires civiles et pénales ne suffisent plus à assurer la régulation d'une

société, parce que la demande est en pleine explosion, et parce qu'il existe une nécessité de

réponses individuelles satisfaisantes aux conflits que vivent les citoyens. En conséquence, le

modèle de la médiation propose de sortir d'une conception pyramidale des relations sociales,

hiérarchisés et normalisés, pour aller vers un système dit de Rhizome, selon la théorie élaborée par

Gilles Deleuze et Félix Guattari. Cette dernière est une construction dans laquelle les éléments sont

organisés de façon horizontales, et où chacun peut en influencer un autre. L'ordre y est négocié, et

non imposé, selon un principe d'hétérogénéité, le principe d'action y est particulariste. Dans les

faits, la médiation n'est pas un moyen de transformation radicale du modèle en place, sinon un

contournement, le vecteur d'une hybridation des modèles. L'état lui-même peut décider de

recourir à un tel procédé, comme lors de la médiation ordonné par Michel Rocard pour sortir de la

crise néo-calédonienne, qui aboutit aux accords de Matignon de 1988.

Selon Jacques Faget, « la médiation peut être analysée à la fois comme un symptôme et un

remède, symptôme de l'emprise croissante prise par la bureaucratie sur la vie publique et sociale,

et remède par la mise en œuvre de contres-pouvoirs démocratique et de modalités efficientes de

traitement des problèmes »7 L'auteur illustre cette affirmation en citant l'institution du Médiateur

de la République, qui montre à la fois les difficultés du système et la recherche de moyens de

6 P.607 P.65

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régulation efficaces, face à l'effondrement d'un ensemble de processus traditionnel. Cette

dynamique va de pair avec une transformation de nos sociétés.

En effet, les individus qui les constituent sont de plus en plus autonomes, avec une réflexion

individuelle plus importante et une demande forte de transparence et de proximité. Face à la crise

que connaissent les régulations juridiques et judiciaires, de nouvelles approches de résolution des

conflits sont privilégiées, comme en atteste le livre vert de la commission des communautés

européennes qui assure la promotion des MARC.

Dans un ultime mouvement concernant les origines de la médiation, l'auteur s'intéresse aux

caractéristiques de son développement. En effet, il tend à montrer le caractère fragmentaire et

pluriel de la médiation, avec un grand nombre de spécialisations fortement marquées. La

polyvalence professionnel et l'importance du bénévolat contribuent également à offrir un

panorama brouillé du processus. Concernant l'institutionnalisation des pratiques, celle-ci se fait de

manière expérimentale, parfois autonome, parfois dépendante. Enfin, on assiste à une certaine

marchandisation de la médiation, par le biais d'entreprises ou d'associations privées qui

fonctionnent dans une logique concurrentielle, tant au plan de la formation que des prestations.

Malgré une forte diversité constatée par l'auteur, qui reprend dans la troisième partie de l'ouvrage

les différents champs de la médiation, il existe des aspects commun à toutes les applications du

processus, des normes qui définissent la manière dont il se déroule.

Partie II : La construction normative de la médiation

3. Le cadre éthique et déontologique de la médiation

Selon Jacques Faget, c'est le cadre de la médiation qui la distingue des autres pratiques. Son

éthique est l'aboutissement d'une construction conjoncturelle, d'une doctrine élaborée par un

groupe que l'auteur définis comme blanc, protestant et nord-américain. Les balises déontologiques

de la discipline contribuent à former un sentiment d'appartenance, renforcé par l'existence

d'écoles, de diplôme ou encore par la publication d'ouvrages. Néanmoins, il est important de

souligner l'orthodoxie de la médiation est davantage le fait de la pratique que celle d'une théorie

universelle.

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DUPRAZ Louise FAGET, Jacques, Médiations. Les ateliers silencieux de la démocratie, Toulouse, Erès coll : « Trajets », 2010

A propos de l'éthique, l'auteur souligne qu'elle se base sur une vision culturelle de l'humain et un

projet de transformation social porté par des valeurs politiques. Trois principes fonde cette

approche : l'égalité, la liberté et la fraternité. Ainsi, l'autonomie, sous l'expression empowerment

constitue un des piliers du principe de la médiation. D'autre part, les relations entre les acteurs

sont horizontales, en opposition avec le fonctionnement stratifié qu'on trouve habituellement

dans nos sociétés. Enfin, le processus tend à mettre en place une certaine harmonie sociale, de

restaurer un mieux être collectif, selon une conception irénique du monde.

Du point de vue idéologique, l'auteur émet le postule que « La médiation s'inscrit dans le projet

politique d'une société post moderne dans laquelle « l'individu sujet » est placé au cœur de la

régulation sociale »8 Cette conception s'articule selon plusieurs modalités. En effet, la médiation

prône la démocratie participative, un modèle qui encourage la contribution direct et la

responsabilisation des citoyens, dans un monde où la confiance sociale connaît un affaissement et

où l'univers politique semble enfermé dans la compétition. Le paradigme est celui de la mise en

place d'une rationalité communicationnelle qui donne à chacun à s'exprimer, une forme d'éthique

de la discussion. Ensuite, l'auteur évoque l'importance de l'essor des politiques de

reconnaissances, partant du principe que la réalisation de soi dépend d'un processus de

reconnaissance mutuel. Cette nécessite va de pair avec l'avènement de l'individualisme, inscrit

dans une rationalité du vivre ensemble.

Cette volonté éthique s'incarne, selon Jacques Faget, par un certain nombre de caractéristiques qui

définissent le cadre du processus de médiation. C'est d'abord l'impartialité du tiers qui est mise en

avant, ce qui oblige le praticien à faire le deuil de la recherche de la vérité, à ne pas mener

d'investigation. Cependant, le praticien n'est pas confiné à la passivité. En effet, la posture de

neutralité est décrite comme une valeur forte et active.

D'autres part, l'indépendance et l'absence de pouvoir sont également des principes

fondamentaux. Le médiateur ne peut contraindre les acteurs à entrer en médiation, ni définir de

quel côté se trouve la vérité. C'est seulement par la relation de confiance qu'il peut prendre un

certain ascendant sur les médiés. Ces principes s'incarnent dans le fait que les rencontres ont lieu

en face en face, ce qui permet un dialogue direct et un accès immédiat à la coopération et au

passage à une logique gagnant/gagnant. La participation direct augmente grandement le degré de

8 P.90

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DUPRAZ Louise FAGET, Jacques, Médiations. Les ateliers silencieux de la démocratie, Toulouse, Erès coll : « Trajets », 2010

responsabilisation des acteurs et renforce l'implication personnel.

En tant que fondement, l'auteur évoque également le cadre juridique, qui permet de minimiser les

dangers potentiels de la médiation. Les notions de consentement éclairés, de bon sens et de

confidentialité garantissent la bonne mise en place du processus. En aval, l'accord peut être soumis

à l'accord d'un juge qui en apprécie la validité. Homogène par certains aspects, les principes de

médiations sont cependant divisés en différents modèle, que l'auteur s'attache à analyser

4. Les modèles de médiations

Il existe une grande variété de manière d'aborder la résolutions des conflits. Le premier paradigme

analysé par Jacques Faget est celui du « problem solving ». Ce processus se caractérise par une

recherche rapide de solution, le conflit y étant considéré comme problématique. Il est

particulièrement indiqué dans les cas d'urgence, pour éviter un procès coûteux et si les

protagonistes ne se connaissent pas. La méthode de médiation y est directive, proche de

l'arbitrage, et l'accord est souvent basé sur des concessions mutuels. Dans un second temps,

l'auteur s'intéresse au modèle de la négociation raisonnée, développé notamment par Harvard.

Contrairement au « problem solving », cette approche cherche le bénéfice mutuel, en traitant

séparément la question, la personne impliqué et le différent. La volonté de se recentrer sur les

besoins communs afin de faire émerger des intérêts convergent se rapproche du processus de la

communication non-violente développé par Marshall Rosenberg. Jacques Faget évoque d'autres

personnalité majeurs dans la définition des modèles de médiation, tel Fiutak, avec le paradigme de

l’Arène, Johan Galtung qui travaille sur le concept de paix positive et John Paul Lederach à propos

de la transformation personnel à travers le conflit.

Par ailleurs, l'auteur évoque le modèle narratif, qui postule que les différents émergent du

contexte social et culturel. Le travail sur l'histoire du conflit permet de le mettre à distance et de

l'aborder en tant que sujet extérieur. Même si différents modèles peuvent être identifiés, la réalité

correspond généralement à une hybridation des pratiques, réunis autours des principes fondateurs

précédemment évoqués. Après avoir dégagé les fondements et caractéristiques théoriques de la

médiation, Jacques Faget s'intéresse aux différents champs de son application.

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Partie III : Les champs de la médiation

5. Les médiations politiques

Les médiations politiques s'articulent, selon l'auteur, en deux pôles, la médiation par le haut, et

celle par le bas. Il est difficile de rendre compte de la première, car les études qui s'y intéressent

ont une approche qualifiée par Jacques Faget de finaliste et ethnocentriques. Le conflit y est vu

comme un problème à résoudre le plus rapidement possible. Cinq caractéristiques permettent de

définir cette approche. D'abord, l'auteur souligne l'importance des cycles du conflit pour définir les

moments d'interventions, plutôt au début ou quand il arrive à maturité, ainsi que la notion de

choix dans la médiation, avec le constat que des relations anciennes et de proximités culturelles

sont plus propices à une mise en œuvre satisfaisante. Autre point important, le contexte

international, notamment économique, ainsi que la présence de force de paix sur le territoire

influent sur l'efficacité des médiations. Enfin, la posture du médiateur est variable, facilitateur,

formulateur ou manipulateur selon le contexte. Les médiations par le haut ne respectent pas

forcément le principe de l'impartialité, et l'effet qu'elles produisent est plus remarquable sur le

court terme que sur la durée.

Concernant les médiations par les bas, celles-ci s'articulent selon une autre dynamique. En vertu

du secret professionnel, elles sont invisibles, et difficile à évaluer. Généralement situés dans les

démocraties occidentales, elles s'appuient sur un modèle d'action dépolitisée et un socle

théorique philosophie et religieux, aboutissant à la mise en place d'une ingénierie de la paix,

composée d'experts de formations diverses. La médiation par le bas est un processus qui vise à la

régulation des différents, dans l'optique de fabriquer une paix positive.

Ces deux approches sont qualifiées par l'auteur de complémentaires. En effet, les médiations

prennent place à plusieurs niveaux, et il apparaît nécessaire de travailler sur tous les plans pour

assurer une juste résolution des conflits. Selon Jacques Faget, ces niveaux sont aux nombres de

quatre : la diplomatie étatique, les individus ou institutions qui coopèrent avec les gouvernements

de façon non-officiel, le dialogue public et les actions visant à promouvoir la paix dans la société

civile. Cette approche semble pertinente, notamment pour les « deep rooted conflict », par

exemple en Irlande du Nord, mais suscite néanmoins des interrogations. Ainsi, on peut se

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DUPRAZ Louise FAGET, Jacques, Médiations. Les ateliers silencieux de la démocratie, Toulouse, Erès coll : « Trajets », 2010

demander si le développement des médiations politiques ne correspondrait pas à une privatisation

de la diplomatie, et à la diffusion d'un certain type d'ordre, issu des démocraties occidentales.

6. Les médiations environnementales

La médiation environnementales débute aux États-Unis en 1973, et connaît un véritable

développement à partir des années 1980. Elle concerne différent type de conflits, et constitue une

véritable spécialisation dans le champs des pratiques de médiations. En effet, un certain nombre

de spécificités la distingue. Ainsi, les médiations environnementales mobilisent un grand nombre

de participants, combinant des forums ouverts et des rencontres plus confidentielles. Il existe, de

plus, une complexités technique, relationnel et institutionnels qui rend nécessaire une formation

spécifique à cette pratique. Par ailleurs, ces médiations prennent du temps et constituent de

véritables enjeux publiques. En France, elles peinent à se développer et restent le fruit d'initiatives

civiles. En revanche, dans les pays anglo-saxons, les mobilisations sont nombreuses et se

caractérisent par des luttes sociales entre différents groupes de pressions, avec par exemple les

mouvements NIMBY et PIMBY (« not in my backyard » / « please in my back yard ») qui sont des

mobilisations de voisinages.

L'objectif des médiations environnementales est la recherche d'une solution équitable pour les

deux parties, selon Jacques Faget : « une décision est équitable quand le degré de maîtrise qu'ils

exercent sur le processus d'élaboration des mesures est élevé, plus fort que le niveau de confiance

entre les protagonistes »9 Ces mouvements marquent une remise en cause de la répartition des

pouvoirs, et tend à réduire la fracture existant entre les experts et le reste de la population.

Le processus se déroule en plusieurs étapes : une phase préparatoire qui vise à rassembler les

acteurs concernés, la mise en place d'un cadre, établis par l'ensemble des participants, l'échange

et le partage des savoirs, qui aboutit à la mise à l'épreuve des propositions émises pendant les

rencontres. Les médiations environnementales, malgré leurs développement, se heurtent à une

certains nombres de difficultés, tel que l'incapacité des institutions à suivre son développement,

ou la complexité techniques des problématiques.

9 P.167

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DUPRAZ Louise FAGET, Jacques, Médiations. Les ateliers silencieux de la démocratie, Toulouse, Erès coll : « Trajets », 2010

7. Les médiations judiciaires

Il existe une grande différence entre le paradigme de la médiation et celui de la justice, c'est

néanmoins dans ce domaine que la médiation est apparu, et que son utilisation y est le plus

répandu.

Concernant le champs de la médiation pénal, trois constats poussent à son développements : la

baisse de la récidive chez les délinquants qui passent en médiation, la souffrance de communautés

fracturés, et la nécessité de rendre justice aux victimes de façon individuelle, dans une logique de

réparation. Le courant de la « restaurative justice » est dérivée du système judiciaire, qui en pose

le cadre, elle s'y intègre car elle a une application pénale et englobe toutes les sanctions visant à

une réparation par l'offenseur. Enfin, elle est extérieur au système en tant que mouvement social

et transformateur, marquant l'évolution des modes de vie vers un individualisme plus prononcé. A

la différence des modèles punitifs, ou axés sur la réhabilitation, ce type de justice repose sur des

principes de réappropriation par les protagonistes de la résolution du conflit, ainsi que sur

l'établissement d'une sentence positive, et sur un modèle décisionnel alternatif.

Deux principaux modes de « restaurative justice » peuvent être identifiés. D'un côté, un

fonctionnement dérivé du système judiciaire, où la médiation constitue une parenthèse dans le

système de justice, parenthèse qui peut intervenir à tout moment, et mener à l'interruption de

l'action publique. Cette méthode est principalement utilisé à l'encontre des mineurs. Par ailleurs,

un système intégré peut être mis en place, il se caractérise par une introduction de la médiation

visant à enrichir l'éventail des modalités d'applications des sentences, c'est pourquoi il intervient

généralement à la fin de l'action judiciaire, en tant que complément. L'auteur remarque que

l'institutionnalisation de ces procédés reste inachevé, malgré une diffusion large dans de

nombreux pays. De plus, les tentatives d'encadrement de ces processus comportent le risque

d'induire une certaine dépendance vis à vis des institutions judiciaires.

En parallèle des médiations pénales, on trouve les médiations judiciaires civiles qui connaissent

également un essor important, principalement dans les pays de « common law ». Lors d'un procès,

la médiation peut être proposée par un juge qui délègue alors une partie de son pouvoir, sous

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DUPRAZ Louise FAGET, Jacques, Médiations. Les ateliers silencieux de la démocratie, Toulouse, Erès coll : « Trajets », 2010

réserve de l'accord des partis. Cette façon de traiter les différents tend davantage à la résolution

du conflit que du litige, et fait intervenir une dimension psychologique dans la logique juridique.

8. Les médiations familiales

La médiation familiale est le dispositif le plus connus, et celui qui connaît l'expansion la plus large,

et ceci pour diverses raisons. D'abord, la métamorphoses des liens familiaux, reposant sur un

rapport d'égalité, plus individualistes, et plus institutionnalisé, aboutissent à des ensembles flous

et instable, l'auteur évoque l'image de rhizomes familiaux. Par ailleurs, le discrédit des pratiques

judiciaires, ainsi que l'essor des politiques publiques qui soutiennent le développement de la

médiation familiale jouent également un rôle dans la hausse des investissements. Paradoxalement,

ces derniers ne provoquent pas d'augmentation de la demande sociale, au contraire. En effet, les

médiations familiales sont soumises à un certain nombres de tensions qui justifient une telle

situation. Il existe une résistance institutionnelle de la part des magistrats et des avocats de la

famille qui détiennent en partie le monopole du traitement des affaires familiales. De plus, la

médiation est critiquée car elle semble tendre à imposer un certain discours normatif, avec des

injonctions morale à l'encontre des médiés. L'identité professionnel des médiateurs est

difficilement définissable, du fait des appartenances et des milieux multiples, l'activité présente

notamment la spécificité de se définir par une posture, et non par un objet. Économiquement, une

tension double est observée par l'auteur, endogène par le phénomène de la concurrence des

formations et des organismes, exogènes relativement aux professions juridiques. L'absence de

cadres théoriques précis contribue à brouiller les pistes.

En effet, il n'existe pas, en médiation familiale, de code de déontologie explicite, et l'ampleur du

champ d'application est mal définis, ce qui pose la question de l'application de la médiation en cas

de violence physique, par exemple. L'ensemble de ces tensions expliquent les difficultés que

connaissent les médiations familiales, malgré un soutien politique fort.

9. Les médiations communautaires et sociales

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DUPRAZ Louise FAGET, Jacques, Médiations. Les ateliers silencieux de la démocratie, Toulouse, Erès coll : « Trajets », 2010

Ces médiations existent sous différents noms, elles visent aux développement du lien social et à la

régulation des conflits par la médiation des différents. On trouve une grande diversité dans ces

modes d'organisations, qui reposent sur des supports aussi bien privés que publiques, se

composent de petits centres et de grandes organisations, et s'appuient tout autant sur le

volontariat que sur des professionnels, ou la formation de praticiens dans les quartiers. Ces

procédés poursuivent également des objectifs différents.

Ainsi, les médiations qualifiées d'agnostiques par l'auteur, concernent les conflits signalés par les

habitants d'un quartier. Elles répondent à une demande sociales, et met en place des programmes

spécifiques relativement à la situations des lieux où elles interviennent. C'est dans ce type de

modèle qu'on trouve des médiateurs formés dans les quartiers, la priorité est donnée au

rétablissement de la communication, afin de mener les acteurs à trouver eux même leurs accords.

Ce dispositifs dépend généralement des autorités de la ville.

Par ailleurs, les médiations adaptatrices ont pour objectifs de faciliter l'accès à l'information

juridique et administrative, elles peuvent être aussi interculturelles, pour participer aux dialogues

entre les groupes. Les médiateurs ont pour objectifs de répondre aux besoins de la population et

de participer à l'amélioration des relations sociales.

Enfin, il existe également des médiations régulatrices, correspondant à une mobilisation sur les

enjeux de la délinquance urbaine. Depuis les années 1990, il existe différents types de médiateurs

sociaux, dont le rôle n'est pas définis spécifiquement, et qui contribuent à assurer la tranquillité

des quartiers difficiles. De telles actions sont parfois, selon Jacques Faget, qualifié comme une

justice de seconde classe, une sous-traitance de la justice. Cependant, ces alternatives présentent

de bons résultats et de haut taux de satisfaction, notamment aux États-Unis. En France, ces

programmes restent mal connus, et il existe peu de coopération avec les travailleurs sociaux.

10. Les médiations scolaires

L'école a, selon l'auteur, une mission de normalisation, qui connaît de grandes difficultés

notamment du fait de la faillite des mécanismes de socialisations familiaux. Face à la montée de la

violence, la médiation se présente comme une contre-culture, qui tend à construire des

régulations qui diffèrent des logiques punitives et à envisager l'avenir différemment. Les premiers

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programmes ont eu lieu à partir de 1972 à New York. Aujourd'hui, la médiation scolaire est

présente dans de nombreux pays, selon différents modèles.

En premier lieu, la médiation par les pairs promeut la coopération au sein d'un établissement, elle

peut être localisée ou le concerner tout entier. Le procédé consiste en une opération de

sensibilisation au sein de la communauté éducative, puis à la mise en place de formation des

élèves à la posture de médiateurs qui sont amenés à mener des co-médiations. Ces expériences

suscitent généralement un haut niveau de participations et une bonne intégration au sein des

établissements.

Dans d'autres cas, on trouve des modèles de médiations par les adultes, qui interviennent dans

différents types de conflits, toujours dans une logique d'impartialité. Il existe également des

médiations entre les familles et l'école, qui visent à renforcer les liens afin de prévenir l'échec

scolaire ou la sortie du système.

Par ailleurs, il existe des politiques de médiations restauratrice, en particulier aux États-Unis, qui

s'appuient sur trois niveaux d'actions : la prévention des conflits, qui passe par différentes

initiatives basées sur l'intelligence émotionnelle et sociale, des actions ciblés, ponctuelles qui

passent par la médiations par les pairs et contribuent à développer une capacité collective à

prendre un charge un conflit, et enfin un dispositif d'action intensif concernant les problèmes

chronique. Ce dernier point est mis en œuvre par l'organisation de conférences, une approche

systémique des relations entre enseignants, familles et élèves qui mobilise l'ensemble de la

communauté. Généralement, l'impact de ces programmes est positif, même si son bénéfice peut

être diminué si l'établissement conserve par ailleurs un système de sanction punitif.

11. Les médiations commerciales et d'entreprises

Bien que les médiations commerciales bénéficient d'une reconnaissance juridiques, elles

connaissent un développement moins important que prévu. Il existe une confusion entre les

différents modèles de pratiques, et une hybridation de ces derniers, qui peuvent se mélanger avec

l'arbitrage ou la négociation. Ces approches sont davantage de l'ordre du « problem solving », et

ont lieux principalement dans deux cas : pour garantir la pérennité des relations d'affaires au delà

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d'un conflit, ou pour régler un problème en toute discrétion. Par ailleurs, ces solutions plus rapide

présentent une intérêt économique, étant à moindre coût.

Concernant les entreprises, les médiations concernent généralement les conflits internes,

interpersonnels ou collectifs, et à tous niveau de la hiérarchie. Elles se développent en raison de la

baisse de l'influence des syndicats, des transformations du management, du déclin de la culture de

l'entreprise et du contexte de compétition. Certains aspects, comme le harcèlement moral ou

sexuel, posent la question du champ d'action de la médiation, qui rencontre parfois des résistance.

En effet, on peut s'interroger sur la pertinence d'une telle approche, notamment lorsque les

relations sont verticales.

12. Les médiations sanitaires

Ces médiations sont récentes, et concernent le système hospitalier. Elles marquent le

développement d'une démocratie sanitaire, appuyé notamment par la charte européenne des

droits des patients. Véritable contre-culture qui rompt avec les pratiques autoritaire, la médiation

marque la mutation du système de la santé, et suscite une certaine mobilisation politique. En

France, ce processus ce développe à partir de 1996, et connaît une véritable essor en 2002, elle

répond généralement aux plaintes de patients concernant les conditions de traitement et

d'information. Il existe dans le domaine de la santé, un véritable besoin de reconnaissance, de

dignité face au mépris d'une institution qui apparaît parfois comme déshumanisé. L'ouverture du

dialogue entre les acteurs comportent généralement une forte charge émotionnelle, ce qui, selon

Jacques Faget « apporte la preuve de la pertinence d'un espace de parole et de rencontre entre

personnels soignants et patients. »10 Cette approche permet ainsi d'instaurer une confiance et une

empathie plus grande dans les relations thérapeutiques.

10 P.272

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Conclusion

Les transformations de nos sociétés, où l'individualisme revêt une importance croissante

entraînent l'émergence de nouveaux conflits. La dilatation des liens familiaux et communautaires,

ainsi que le déclin des mythologies qui constituent l'imaginaire collectif des groupes fragilisent le

tissu social et entraînent la nécessité de mettre en place de nouveaux modes de régulations. Hors

des logiques de spectacle, hors des sociétés événementielles, émergent un ensemble d'initiatives

subtiles et discrète, qui tendent à mettre en place de nouveaux modes de gestions, de règlements

des conflits. A ce propos, Jacques Faget précise que « les médiations ne sauraient apporter des

remèdes à tous les malentendus, à toutes les chicanes et les fâcheries. Leur première et principale

limite est qu'elles ne s'imposent pas et ne concernent que les groupes ou les individus qui veulent

bien renoncer au combat »11 Par ailleurs, l'émergence de ces nouvelles méthodes présentent un

risque, car elles sont le fruit d'une libéralisation croissante, qui pourraient échapper au contrôle

des structures collectives. Cependant, les logiques institutionnelles de réponses aux conflits sont,

en pratique, tellement engorgés et en crise, que le recours à des modes alternatifs de résolution

est appelé à devenir une nécessité croissante.

Différents défis découlent de cette émergences. En premier lieu, la nécessité pour les médiations

de garder leurs autonomie face à une institutionnalisation croissante, qui leurs apportent

cependant cadres et justification, d'autres part, la tension entre une émancipation des individus,

induite par le processus non-directif de la médiation, et l'adoption d'une communication moins

ouverte, par exemple dans les médiations commerciales, qui peut mener à une normalisation des

comportements.

Malgré ces tensions, l'auteur déclare : « tous les ateliers de médiation que j'ai évoqués diffusent

dans la société les ferments d'une nouvelle forme démocratie d'interaction »12 La lenteur, et la

subtilité de la mise en place des processus de médiations constituent des caractéristiques majeurs

de ces nouveaux modes de régulation, qui permettent de redéfinir les dynamiques démocratiques.

11 P.27412 P.279

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2. De la pertinence de l'ouvrage

Le projet de Jacques Faget est ambitieux, l'analyse de la construction

sociopolitique de la médiation depuis les années 1970-1980 dans les pays occidentaux, tant sur le

plan normatif que dans la diversité de ses applications n'avait pas, jusqu'alors été menée

véritablement. Cette clarification intervient dans un moment clé du développement du processus.

En effet, une institutionnalisation des pratiques se développe, des codes communs de déontologie

sont élaborés en France et en Europe notamment, et la médiation tend à s'ancrer de plus en plus

dans la société civil.

Dans la première partie de l'ouvrage, l'auteur montre en quoi le terreau intellectuel observable à

partir des années 1960 favorise le développement d'une pensée, d'un cadre qui prépare

l'émergence de la médiation. Puis il montre comment le contexte politique et institutionnelle des

années 1970 crée les conditions propices aux développements de modes alternatifs de règlement

des conflits et analyse trois dynamiques de construction de la médiation : la fragmentation des

initiatives, l'institutionnalisation progressive des pratiques, et la marchandisation des processus,

qui rentrent dans une logique de marché.

Par la suite, Jacques Faget explore la construction du cadre formel et les différents modèle de

résolution des conflits. La posture de l'auteur, qui évoque des contours changeants et une

tendance à l'hybridation paraît tout à fait pertinente, au sens où il ne fige pas les pratiques,

montrant au contraire le caractère vivant et dynamique des médiations. A travers cette grille

d'interprétation, la troisième partie propose, en une succession de chapitres, un état des lieux des

champs d'applications de la médiation. Dans chaque cas, l'auteur regroupe et analyse les

informations disponibles dans chaque domaines. Les différents aspects évoquées, bien que

disparates, se regroupent et se font écho d'un chapitre à l’autre, retraçant les effets et les

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conditions de mise en œuvre de chaque discipline.

Bien que les caractéristiques divergent selon chaque procédé, la grande part des éléments

communs font que ce troisième mouvement ressemble parfois à un catalogue, et que le lecteur a

du mal à distinguer la spécificité des différentes médiations, ainsi que l’intérêt de les traiter

séparément. De plus, on regrette d'avoir peu de réponse à des questions fondamentales telles

que : qui sont les médiateurs ? Où se forment-ils ? Qui fait appel à des médiations ? Cet aspect

aurait sans doute été utile afin d’appréhender au mieux ce qui sépare chaque champs de la

médiation. Souvent, Jacques Faget évoque les études qui visent à dégager l'impact des pratiques

sur les groupes et les conflits qu'elles tentent de transformer, tout en reconnaissant la difficulté

méthodologique d'établir de véritables bilans. Ce n'est pas du fait de l'auteur, néanmoins il est

regrettable de constater que peu de travaux tendent véritablement à rendre compte des effets de

la médiation, de ses succès et de ses limites.

Cependant, cet ouvrage est tout à fait éclairant. Il fournit une vision synthétique et organisé des

pratiques de médiations, tant au niveau théorique que dans ses applications, tant au niveau

contextuel qu'intellectuel. J'ai choisi cet ouvrage car j'avais à cœur d'explorer le champs de la

médiation de façon globale, afin d'appréhender au mieux la profession à laquelle je me forme. En

effet, il me semblait nécessaire d'effectuer un premier travail sur la médiation traitée de façon

générale, afin d'avoir une vision d'ensemble des pratiques, et tout particulièrement de lier ses

origines à son modèle théorique, et à la façon dont elles sont pratiquées actuellement. J'ai

particulièrement aimé cette phrase de Jacques Faget, qui déclare « j'ai tendance à penser qu'une

formation généraliste, associée à une connaissance minimale des contextes institutionnels ou

sociaux particuliers, permet d'exercer la médiation dans tous les domaines. »13

En effet, il m'apparaît que la pratique de la médiation découle avant tout d'une posture, et d'une

série de principes, telles que l'impartialité, l'écoute active et la responsabilisation des acteurs, et

qu'elle saurait profiter à tous type d'organisations et de conflits, à condition d'être menée de

13 P.98

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manière juste, et avec le consentement mutuels des partis. A ce stade de mon parcours, je suis

davantage attirée par la médiation sociale et en entreprise, le travail avec les groupes. Néanmoins,

il me semble que d'autres types de médiations pourraient me convenir, la médiation pénales ou

environnementales par exemple. Je crois fermement que la souplesse et la pluridisciplinarité,

associées à la rigueur, sont les garants d'une actions juste et bien menées. L’intérêt majeur de la

médiation, et un des élément qui m'amène à l'étudier aujourd'hui, réside pour moi dans son

aspect plurielle, dans le fait qu'elle mobilise autant la psychologie, que la connaissance du droit, de

la société et des particularités de chacun. C'est pourquoi j'aimerais, à terme, mettre en place un

centre de médiation généraliste où travailleraient de concert différents types de professions : des

juristes, des psychologues, des médiateurs.. Afin de travailler sur la régulation des conflits et du

tissu social, avec différents types de publics.

Par ailleurs, le travail sur le langage et le développement personnel des individus m'apparaît

également comme un facteur de pacification des relations, d'établissement de liens nourrissants et

productifs pour les individus. La découverte de la communication non-violente, à laquelle je me

forme, m'a fait entrevoir à quelle point l'exercice juste de la parole peut mener à un apaisement

des conflits, et libérer la créativité et le dynamisme dans les liens sociaux. Les récit de Marshall

Rosenberg, sur les médiations qu'il a mené entre des tribus africaines, dans des prisons ou encore

avec des couples, m'ont enthousiasmé car elle montre l'efficacité et la simplicité du procédé qu'est

la communication non-violente. Le médiateur doit, à mon sens, développer un langage

empathique et clair, et se connaître suffisamment pour pouvoir gérer ses émotions et projections

afin qu'elles ne parasitent pas le processus. Le travail de communication doit autant se faire, sinon

plus, avec soi-même qu'avec autrui.

Il est nécessaire, à mon sens, de traiter chaque conflit dans sa globalité, et pas seulement le litige,

afin qu'il ne réapparaisse pas sous une autre forme. J'ai apprécié l'ouvrage de Jacques Faget, parce

qu'il fournit une étude large et extrêmement complète de la médiation, reconnaissant son

caractère confidentiel, à contre-courant d'une société du spectacle et de la rapidité. Ce retour à un

travail de fond sur les dysfonctionnement que rencontrent les démocraties et les relations

humaines m'apparaît tout à fait pertinent dans un contexte de crise politique, économique et

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environnementales, où les figures traditionnelles de maintiens de l'ordre connaissent un déclin

important. Face à la passivité, à la dépolitisation et au pessimisme d'une société en perte de

vitesse, la médiation offre une alternative, qui offre à tout un chacun la possibilité d'accéder à

l'« empowerment », de récupérer son pouvoir personnel et de reprendre en main son destin.

Jacques Faget est enseignants et conférenciers dans différents pays, il évoque énormément dans

son ouvrage la diversité des pratiques selon les états. Je trouve cette approche internationales

particulièrement intéressante, car elle permet de constater la diversité des pratiques, et en même

temps leurs points de convergence. Ayant vécu une année au Mexique, j'ai pu observer à quelle

point la gestion des liens familiaux et professionnels était différente de ce qu'on observe en

Europe. De nombreux voyages aux Canada, aux États-Unis et au Maghreb m'ont également aidé à

appréhender les différences culturels, la diversité des sociétés. A mon sens, il est aujourd'hui

impossible de se former à une profession telle que la médiation sans reconnaître et explorer cette

pluralité, et c'est pourquoi j'ai trouvé tout à fait pertinent que l'auteur ne se limite pas à une

description des pratiques française, bien au contraire. L'approche des modèles anglo-saxons,

permet tout particulièrement de comprendre l'émergence de la médiation, et d'expliquer les

limites inhérentes à son développement dans notre pays. En effet, le paradigme judiciaire et social

n'y est pas le même.

La médiation est composé d'une pluralité de pratiques, dont Jacques Faget rend compte dans la

seconde partie de l'ouvrage. Ce mouvement est, à mon sens, le plus intéressant, car il fournit une

description claire et détaillée d'une multiplicité d'approche, qui permet d'entrevoir la diversité des

modes de résolution des conflits par la médiation. Cette partie recoupe tout à fait les différentes

techniques abordée au cours du premier semestre du master Médiation, et m'a permis d'enrichir

mes connaissances et de découvrir d'autres méthodes, d'autres points de vues. Le premier

mouvement, celui des fondements théoriques de la Médiation, m'a donné la possibilité de mettre

en lien ma formation avec des auteurs étudiés au cours de ma licence, Michel Foucault

notamment.

Pour conclure, je dirais que l'ouvrage de Jacques Faget a été une découverte intéressantes et riche,

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qui m'a aidé à m'interroger sur la médiation et à l'explorer plus profondément. Bien que certaine

partie m'aient parus quelques peu répétitive, j'ai eu plaisir à lire ce texte qui regroupe, en toute

simplicité, une somme importante d'informations sur les pratiques de résolution des conflits.

Malgré le caractère ambitieux de son projet, l'auteur fait preuve, dès la préface, d'une grande

humilité, qui ouvre la porte au dialogue, à la remise en question et à l'enrichissement des idées par

d'autres sources. Cette synthèse ouvre la voie, dans mon cas, à une exploration plus poussée

d'aspects spécifiques de la médiation, et à un stage de découverte afin d'observer et de participer

sur le terrain aux processus de médiations.

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