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Intitulé « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues », ce Rapport Final d’Opération regroupe deux sujets portant sur deux types d’ouvrage distincts. Le premier concerne la manière de collecter et de conduire les eaux souterraines. Le second met en exergue le savoir-faire utilisé pour transporter l’eau sous pression, par une conduite en plomb à travers un large vallon, sans risquer « le coup de bélier ». 1°) - De la manière d’exploiter et drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord-Est de Béziers (ZAC de Mazeran, Tranche 01, « Le Garissou ») L’opération de fouille qui fait l’objet du présent rapport a porté sur deux puits antiques. Le premier est un puits-collecteur d’une profondeur de 5 m, alimenté en eau de filtration par 2 sections d’une galerie souterraine (GDS 02), creusée à la sape selon la technique du puits/galerie. Elle est repérable en surface sur une vingtaine de mètres, par 5 puits circulaires, équidistants de 4 ou 8 m. Cette galerie souterraine s’apparente à un drain-tunnel et se rapproche des cuniculi que l’on rencontre dans les campagnes romaines et dont l’origine étrusque est attestée. Le second puits a une section carrée de 1,3 m de côté. Sa fouille a révélé une galerie cachée 11 m sous terre (GDS 03). Le puits transperce une nappe perchée dont l’eau est ensuite transportée par la galerie pour alimenter vraisemblablement une citerne enterrée, non loin de la villa du Garissou. Ce mode de fonctionnement galerie drainante souterraine/citerne avait déjà été observé en 2009, lors d’une intervention similaire effectuée 500 m au sud, au lieu-dit « Mazeran » (GDS 01). Ces deux structures hydrauliques rappellent les hyponomes d’Alexandrie de la période ptolémaïque. Nous avons donc affaire à deux galeries souterraines ou mines d’eau, typologiquement différentes mais calquées sur un même modèle technique, celui du creusement en puits/galerie. Son apparition remonterait au début du Ier millénaire avant notre ère, en Perse. Cependant, l’aspect minier de ce savoir-faire suggère une origine encore plus ancienne. 2°) - Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34) Le second sujet est le fruit d’une réflexion qui porte sur les vestiges connus sous le nom de « Piles de Causses-et -Veyran (34) » et dont l’origine hydraulique est largement développée dans cette présentation. L’hypothèse s’appuie sur les découvertes effectuées depuis plusieurs dizaines d’années sur ces piles, interprétées d’abord comme des trophées puis comme les supports d’un aqueduc en bois. L’enquête historique, archéologique et ethnographique permet de proposer le schéma suivant. Une adduction d’eau en plomb traversait un large vallon par un système de siphon inversé (principe des vases communicants). Afin d’éviter l’explosion de cette tuyauterie en plomb, des ouvrages appelés cheminées d’équilibre étaient greffés à la conduite, tout au long du tracé dans le vallon. Ces cheminées dont la plus haute devait atteindre 17 m, portaient un bassin à l’air libre dans leurs parties supérieures. Une section de la conduite venait se jeter dans cette vasque puis une autre section repartait vers la prochaine cheminée, cela 6 fois de suite. Cet exercice permettait ainsi d’évacuer l’air provenant des turbulences dans les tuyaux et de retrouver une pression normale sans avoir à subir le coup de bélier (phénomène de surpression). Au total, 6 petits siphons suppléaient à un seul par une succession de cheminées d’équilibre espacées tous les 2 actus (70 m). Cet aménagement constituait une alternative aux aqueducs à la construction lente et coûteuse. Il permettait aussi un accès à l’eau dans tout le vallon par un simple branchement ou dérivation sur ces cheminées et par un jeu de vannes et de robinets. Un gestion raisonnée de l’eau, en somme… Inrap Méditerranée 561. rue Étienne Lenoir, Km Delta, 30 900 Nîmes Tél. 04 66 36 04 07- Fax 04 66 36 29 13 www.inrap.fr Chronologie Epoque Antique Sujets et thèmes Hydraulique Mobilier Céramique Faune Os Par Roland Haurillon avec les contributions de Laurent Bruxelles Jean-Marc Féménias Isabel Figuéral Vianney Forest Olivier Mignot Céline Pallier Pierre Rascalou Inrap Méditerranée novembre 2012 Rapport final d’opération Fouille archéologique Hérault (34), Béziers, ZAC de Mazeran Tranche 01 « Le Garissou » Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues : L’exemple des galeries drainantes souterraines de Béziers (34) L’adduction en conduite forcée par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34) Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Tranche 01 - Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues » Rapport final d’opération Roland Haurillon

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Intitulé « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues », ce Rapport Final

d’Opération regroupe deux sujets portant sur deux types d’ouvrage distincts. Le premier

concerne la manière de collecter et de conduire les eaux souterraines. Le second met en exergue

le savoir-faire utilisé pour transporter l’eau sous pression, par une conduite en plomb à travers

un large vallon, sans risquer « le coup de bélier ».

1°) - De la manière d’exploiter et drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des

galeries souterraines au Nord-Est de Béziers (ZAC de Mazeran, Tranche 01, « Le Garissou »)

L’opération de fouille qui fait l’objet du présent rapport a porté sur deux puits antiques. Le

premier est un puits-collecteur d’une profondeur de 5 m, alimenté en eau de filtration par 2

sections d’une galerie souterraine (GDS 02), creusée à la sape selon la technique du puits/galerie.

Elle est repérable en surface sur une vingtaine de mètres, par 5 puits circulaires, équidistants de

4 ou 8 m. Cette galerie souterraine s’apparente à un drain-tunnel et se rapproche des cuniculi

que l’on rencontre dans les campagnes romaines et dont l’origine étrusque est attestée.

Le second puits a une section carrée de 1,3 m de côté. Sa fouille a révélé une galerie cachée

11 m sous terre (GDS 03). Le puits transperce une nappe perchée dont l’eau est ensuite

transportée par la galerie pour alimenter vraisemblablement une citerne enterrée, non loin

de la villa du Garissou. Ce mode de fonctionnement galerie drainante souterraine/citerne

avait déjà été observé en 2009, lors d’une intervention similaire effectuée 500 m au sud, au

lieu-dit « Mazeran » (GDS 01). Ces deux structures hydrauliques rappellent les hyponomes

d’Alexandrie de la période ptolémaïque.

Nous avons donc affaire à deux galeries souterraines ou mines d’eau, typologiquement

différentes mais calquées sur un même modèle technique, celui du creusement en puits/galerie.

Son apparition remonterait au début du Ier millénaire avant notre ère, en Perse. Cependant,

l’aspect minier de ce savoir-faire suggère une origine encore plus ancienne.

2°) - Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb

par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

Le second sujet est le fruit d’une réflexion qui porte sur les vestiges connus sous le nom de

« Piles de Causses-et -Veyran (34) » et dont l’origine hydraulique est largement développée dans

cette présentation.

L’hypothèse s’appuie sur les découvertes effectuées depuis plusieurs dizaines d’années sur ces

piles, interprétées d’abord comme des trophées puis comme les supports d’un aqueduc en bois.

L’enquête historique, archéologique et ethnographique permet de proposer le schéma suivant.

Une adduction d’eau en plomb traversait un large vallon par un système de siphon inversé

(principe des vases communicants). Afin d’éviter l’explosion de cette tuyauterie en plomb, des

ouvrages appelés cheminées d’équilibre étaient greffés à la conduite, tout au long du tracé dans

le vallon. Ces cheminées dont la plus haute devait atteindre 17 m, portaient un bassin à l’air

libre dans leurs parties supérieures. Une section de la conduite venait se jeter dans cette vasque

puis une autre section repartait vers la prochaine cheminée, cela 6 fois de suite. Cet exercice

permettait ainsi d’évacuer l’air provenant des turbulences dans les tuyaux et de retrouver une

pression normale sans avoir à subir le coup de bélier (phénomène de surpression).

Au total, 6 petits siphons suppléaient à un seul par une succession de cheminées d’équilibre

espacées tous les 2 actus (70 m). Cet aménagement constituait une alternative aux aqueducs à

la construction lente et coûteuse. Il permettait aussi un accès à l’eau dans tout le vallon par un

simple branchement ou dérivation sur ces cheminées et par un jeu de vannes et de robinets. Un

gestion raisonnée de l’eau, en somme…

Inrap Méditerranée 561. rue Étienne Lenoir, Km Delta, 30 900 Nîmes

Tél. 04 66 36 04 07- Fax 04 66 36 29 13

www.inrap.fr

Chronologie

Epoque Antique

Sujets et thèmesHydraulique

MobilierCéramiqueFauneOs

Par

Roland Haurillon

avec les contributions de

Laurent BruxellesJean-Marc FéméniasIsabel FiguéralVianney ForestOlivier MignotCéline PallierPierre Rascalou

Inrap Méditerranéenovembre 2012

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Hérault (34), Béziers, ZAC de MazeranTranche 01 « Le Garissou »

Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues : L’exemple des galeries drainantes souterraines de Béziers (34)

L’adduction en conduite forcée par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

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Inrap Méditerranée561 rue Étienne-Lenoir, 30900 NîmesTél. 04 66 36 04 07, [email protected]

novembre 2012

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01

Par

Roland Haurillon

avec les contributions de

Laurent BruxellesJean-Marc FéméniasIsabel FiguéralVianney ForestOlivier MignotCéline PallierPierre Rascalou

Hérault (34), Béziers, ZAC de MazeranTranche 01 « Le Garissou »

Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues : L’exemple des galeries drainantes souterraines de Béziers (34)

L’adduction en conduite forcée par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

2 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

I Données administratives, techniques et scientifiques

6 Fiche signalétique 7 Mots-clefs des thesaurus 8 Intervenants 10 Notice scientifique 11 Localisation de l’opération 13 Arrêté de prescription 15 Arrêté de désignation 16 Fiche de projet

II Chapitre 1

24 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

24 1.1. Historique de l’opération 25 1.2. Aspects environnementaux du Garissou 27 1.3. Contexte historique et archéologique du Garissou 31 1.4. Ecriture et toponymie 31 1.5. Synopsis de la phase de diagnostic 31 1.6. L’opération de fouille : généralités 33 1.7. Le premier puits 01 (US 01) 51 1.8. Le puits US 200 58 1.9 L’étude céramique 64 1.10. Quelques réflexions concernant les restes osseux découverts dans le puits US 200 64 1.11. Des données paléo-environnementales décevantes 65 1.12. Qanats, hyponomoï, cuniculi, GDS biterroises : un même concept hydraulique 68 1.13. Des galeries souterraines biterroises dans les textes du XVIIIe

69 1.14. L’expérience de Mazeran 75 1.15. La découverte du Puits 50 75 1.16. La citerne du Garissou et sa relation avec la galerie GDS 03 77 1.17 Le Garissou : un réservoir d’eau naturel 77 1.18. Restitution finale des 3 galeries souterraines sur plan satellite 80 1.19. Les galeries connues au Nord de Béziers 80 1.20. Les galeries de Valros 80 1.21. « L’aqueduc » de Pézenas 82 1.22. Quelques ouvrages hydrauliques souterrains incontournables 86 1.23. Conclusion

87 Bibliographie générale

Sommaire

3

90 Liste des planches, figures et clichés

93 2. Résumé de la fouille des puits sur Béziers par Archéopuits, au lieu-dit « Le Garissou » (34)

III Chapitre 2

97 1. Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

97 1.1. Présentation 97 1.2. Etat des connaissances 99 1.3. La pile P5 101 1.4. Le coup de bélier 101 1.5. La cheminée d’équilibre 102 1.6. Mise en application d’après les observations de terrain 103 1.7. L’apport des sources bibliographiques 105 1.8. Les soutèrazi 107 1.9. Les « Pyramides » ou « soupiraux » de La Boissière (34) 110 1.10. Les cheminées d’équilibre sur les aqueducs 112 1.11. Cheminées d’équilibre et galeries drainantes souterraines ? 114 1.12. La source des Robinets 114 1.13. Espacements, accès et dimensions des piles 117 1.14. Conclusion

118 Bibliographie

120 Liste des planches, figures et clichés

IV Inventaires techniques

124 1. Inventaire du mobilier par unité stratigraphique

126 2. Listing des Unités Stratigraphiques et abréviations

128 3. Liste des minutes de terrain

Données administratives, techniques et scientifiques

I.

6 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Fiche signalétique

Localisation

Région Languedoc-Roussillon

DépartementHérault (34)

Commune Béziers

Adresse ou lieu-dit« Le Garissou »

Codes

code INSEE34 032

Coordonnées géographiques et altimétriques selon le système national de référence (Lambert 93)

Puits 01 :X : 720198,97Y : 6251695,80Z : 91 m ngf

Puits 200 : X : 720138,37Y : 6251547,04Z : 87 m ngf

Références cadastrales

CommuneBéziers

Année2011

section(s)DK

parcelle(s)61

Statut du terrain au regard des législations sur le patrimoine et l’environnement

Proprietaire du terrain SEBLI (Société d’équipement du Biterrois et de son Littoral)

Références de l’opération

Numéro de l’arrêté de prescription 11/323-8400

Référence projet 2011/400

Numéro de l’opérationFA11132001

Numéro de l’arrêté de désignation du responsable11/455-8400

Maître d’ouvrage des travaux d’aménagement

La SEBLI, 15 place Jean Jaurès, CS 642, 34536 Béziers Cédex

Nature de l’aménagement

Aménagement d’une ZAC

Opérateur d’archéologie

Inrap Méditerranée

Responsable scientifique de l’opération

Roland Haurillon, Inrap

Organisme de rattachement

Inrap Méditerranée 561 rue Étienne-Lenoir - Km Delta 30 900 Nîmes

Base Inrap Villeneuve-Lès-Béziers3 rue de l’AcropoleLotissement Actipolis34420 Villeneuve-Lès-Béziers

Dates d’intervention sur le terrain FouilleDu 05/12 au 20/12/2012

post-fouille Année 2012

Lieu de dépôt temporaire du mobilier

Base Inrap Villeneuve-Lès-Béziers3 rue de l’AcropoleLotissement Actipolis34420 Villeneuve-Lès-Béziers

Surfaces Surface des observations25 m2

7I. Données administratives, techniques et scientifiques

Mots-clefs des thesaurus

Chronologie

Paleolithique

Inferieur

Moyen

Superieur

Mesolithique et Epipaleolithique

Neolithique

Ancien

Moyen

Récent

Âge du Fer

Chalcolithique

Protohistoire

Âge du Bronze

Ancien

Moyen

Recent

Age du Fer

Hallstatt (premier Âge du Fer)

La Tene (second Âge du Fer)

Antiquite romaine (gallo-romain)

Republique romaine

Empire romain

Haut-Empire (jusqu’en 284)

Bas-Empire (de 285 a 476)

Epoque médiévale

haut Moyen Age

Moyen Age

bas Moyen Age

Temps modernes

Epoque contemporaine

Ere industrielle

Sujets et thèmes

Edifice public

Edifice religieux

Fortification urbaine

Bâtiment

Structure funéraire

Voirie

Hydraulique

Habitat rural

Villa

Batiment agricole

Structure agraire

Urbanisme

Maison

Structure urbaine

Foyer

Fossé

Sépulture

Grotte

Abri

Megalithe

Artisanat

Argile : atelier

Atelier

Dolium

Mobilier

nb Industrie lithique

Industrie osseuse

Céramique

Restes

Végétaux

Faune

Flore

Objet métallique

Arme

Outil

Parure

Habillement

Trésor

Monnaie

Verre

Os

Peinture

Sculpture

Inscription

Minerai (cuivre)

Etudes annexes

Géomorphologie

Datation

Anthropologie

Paléontologie

Zoologie

Botanique

Palynologie

Macrorestes

Et. de céramique

An. de métaux

Aca. des données

Numismatique

Conservation

Restauration

8 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Intervenants

Intervenants scientifiquesPrénom Nom, organisme d’appartenance Tâches génériques Tâches affectées dans le cadre de l’opération

Henri Marchési, SRA Conservateur régional Autorité scientifique

Christian Olive, SRA Ingénieur d’étude Prescription et contrôle scientifique

Hervé Petitot, Inrap Adjoint scientifique et technique Mise en place et suivi de l’opération

Roland Haurillon, Inrap Assistant d’études Responsable d’opération

Intervenants administratifsPrénom Nom, organisme d’appartenance Tâches génériques Tâches affectées dans le cadre de l’opération

Henri Marchési, SRA Conservateur régional Prescription et contrôle scientifique

Christian Olive, SRA Ingénieur d’étude Prescription et contrôle scientifique

François Souq, Inrap Directeur interrégional Méditerranée Mise en place et suivi de l’opération

Hervé Petitot, Inrap Adjoint scientifique et technique Mise en place et suivi de l’opération

9I. Données administratives, techniques et scientifiques

Équipe de fouillePrénom Nom, organisme d’appartenance Fonction Tâches affectées dans le cadre de l’opération

Roland Haurillon, Inrap Assistant d’études Responsable d’opération

Christophe Tardy, Inrap Chargé d’études Travaux de terrain

Isabel Figueral, Inrap Chargée d’études Travaux de terrain

Jean-Marc Femenias Archéopuits Travaux de terrain

Olivier Mignot Archéopuits Travaux de terrain

Catherine Bioul, Inrap Topographe Relevés et plans

Accompagnement techniquePrénom Nom, organisme d’appartenance Tâches génériques Tâches affectées dans le cadre de l’opération

Olivier Boudry, Inrap Assistant d’études Accompagnement technique

Guilhem Colomer, Inrap Assistant d’études Accompagnement technique

Rémi Chantant, Inrap Conseiller Sécurité et Prévention Suivi du chantier HSCT

Brigitte Thuillier, Inrap Technicienne Mise en place et suivi des DICT

Équipe de post-fouillePrénom Nom, organisme d’appartenance Fonction Tâches affectées dans le cadre de l’opération

Roland Haurillon, Inrap Assistant d’études Rédaction, DAO et coordinationdu RFO

Jean-Marc Femenias Archéopuits Rédaction

Olivier Mignot Archéopuits Rédaction

Pierre Rascalou, Inrap Chargé d’études Etude céramique

Vianney Forest, Inrap Chargé d’études Etude archéozoologique

Catherine Bioul, Inrap Topographe Relevés et plans

Vincent Belbenoit, Inrap Assistant d’études DAO

Isabel Figueral, Inrap Chargée d’études Carpologie et anthracologie

Stéphane Barbey, Inrap Assistant d’étude Mise en page du RFO

10 Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »Inrap · RFO de fouille

Notice scientifique

Béziers (34), opération ZAC de Mazeran, Tranche 01, lieu-dit « Garissou »

Durant la première quinzaine de décembre 2011, une petite opération archéologique a eu lieu au « Garissou », secteur situé au Nord Est de Béziers. Elle concernait 2 puits dont la fouille exhaustive a permis la découverte de deux galeries souterraines. Creusés à la sape selon la technique du puits/galerie1, ces ouvrages hydrauliques sont datés de la période antique. Le premier a été repéré sur une vingtaine de mètres. Il est composé de 5 puits circulaires dont la profondeur n’excède pas 5 m (1 puits-collecteur construit et 4 puits de creusement). Espacés de 4 ou 8 m, ils forment un chapelet matérialisant en surface l’axe de la galerie drainante souterraine qui alimente en eau d’infiltration le puits collecteur. De par de nombreuses similitudes, cet ouvrage rappelle les cuniculi étrusques de l’agro romano2.

La fouille d’un second puits a révélé une autre galerie. Cachée 11 m sous terre, elle ressemble à un large tunnel de plus de 1 m, pour une hauteur de 3 m. Le puits fouillé est carré, non construit (1,3 m de côté). Ses parois sont tapissées d’un dépôt de calcite attestant d’un écoulement d’eau continu et un fonctionnement à l’air libre. Ces observations confirment sa fonction : le puits sert à l’exploitation d’une nappe perchée située entre deux couches de densité différente (niveau fissuré sur couche indurée).Ce puits a été associé à une structure similaire observée partiellement, il y a une trentaine d’années (Lécuyer 1990). L’alignement de ces deux puits d’exploitation conduit à une vaste citerne enterrée, non loin de la villa romaine du Garissou et de son fastueux balnéaire. Ce schéma de fonctionnement (galerie drainante souterraine/citerne), identique à celui étudié la toute première fois au lieu-dit « Mazeran » (Haurillon 2009)3, rappelle les hyponomoi d’Alexandrie datés de la période hellénistique (Hairy 20094).

1. Des puits équidistants sont foncés afin de permettre l’extraction des déblais issus du creusement de la galerie souterraine. Hérité d’un savoir faire minier, cette technique serait originaire de Perse et connue sous le nom de qanàt.

2. Réseau de drainage souterrain découvert en Italie au siècle dernier et que l’on supposait romain.

3. L’ouvrage hydraulique de Mazeran : aqueduc, qanàt ou qanàtqueduc ?

4. I. Hairy in L’eau alexandrine, des hyponomes aux citernes. Du Nil à Alexandrie, histoires d’eaux, p. 208.

Si le premier ouvrage hydraulique découvert au Garissou s’apparente à un drainage souterrain superficiel, le second est voué à l’exploitation de la ressource hydrique et au stockage d’appoint. Deux ouvrages différents mais un même concept technique : celui du creusement en puits/galerie.

11I. Données administratives, techniques et scientifiques

Localisation de l’opération

Languedoc Roussillon,Hérault, BéziersZAC de MazeranLe Garissou

Puits 01 :X : 720198,97Y : 6251695,80Z : 91 m ngf

Puits 200 : X : 720138,37Y : 6251547,04Z : 87 m ngf

Fig. 01 : Carte nationale et régionale

PézenasPézenas

BéziersBéziers

MontpellierMontpellier

N

Fig. 02 : Localisation du site sur fond de carte routière au 1/250 000e

N

PL. 01 : Cartes de situationDAO : R. Haurillon

12 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Fig. 03 : En jaune, localisation du diagnostic "ZAC de Mazeran, Tranche 01" En grisé, l'emprise générale du futur Technoparc (Carte IGN au 1/25 000e, Ed. 2000)

Baeterrae

Le Garisso

Béziers

Le Garissou

Puits 01

Puits 200

Le Garissou

Mazeran

Fig. 04 : Localisation des 2 puits dans l’emprise du diagnostic archéologique

Compariès

Puits 200

Puits 01

Le Garissou

Mazeran

Domaine du Garissou

PL. 02 : Cartes IGN au 1/25 000e

DAO : R. Haurillon

13I. Données administratives, techniques et scientifiques

Arrêté de prescription

14 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

15I. Données administratives, techniques et scientifiques

Arrêté de désignation

16 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Fiche de projet

17I. Données administratives, techniques et scientifiques

18 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

19I. Données administratives, techniques et scientifiques

20 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

II. Chapitre 1

« Par la soif, on apprend l’eau »E. Dickinson

24 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

1.1. Historique de l’opération (Pl. 01 et 02 : cf. Localisation de l'opération)

Dans le cadre d’une convention publique d’aménagement, la Communauté d’Agglomération Béziers Méditerranée (CABM) a confié à la SEBLI1, la création et la réalisation d’une ZAC accueillant le futur Technoparc de Béziers. Dénommé « ZAC de Mazeran », ce projet s’étend sur une superficie d’environ 80 hectares au Nord Est de la commune de Béziers. Il concerne les alentours de la RN 9 au niveau de la « rocade Est » et touche la proximité immédiate de l’autoroute A75 et de son raccordement Nord à Béziers. Préalablement à l’exécution des futurs travaux et conformément aux dispositions du code du patrimoine, une opération de diagnostic archéologique était prescrite par le Service Régional Archéologique. C. Olive, Ingénieur d’études et représentant de l’état, assurait le suivi scientifique de l’intervention.L’emprise de la ZAC ayant été divisée en plusieurs tranches, cette première partie concernait une surface de 16 hectares, au lieu-dit « Le Garissou », secteur le plus septentrional du futur Technoparc. Cette intervention était menée par B. Morhain, archéologue au Service Archéologique Municipal de Béziers et s‘est déroulée durant l’hiver 2010-2011 (tranche 01). Les résultats mettent en évidence une petite occupation protohistorique caractérisée par quelques fosses dépotoirs. La période antique, la mieux représentée, est attestée par de nombreuses traces de plantation et provignage matérialisant deux grandes trames cadastrales. La plus ancienne concerne une dizaine de fosses appartenant au cadastre de Béziers E (césarien, orienté à N42°E). Le second maillage est lié au cadastre de Béziers C (également césarien, orienté à N27°O), plus dense puisque l’on recense 150 fosses. Quelques parcelles antiques sont délimitées par des fossés isoclines à cette trame ainsi qu’une hypothétique voie de communication située en limites orientales des vignobles.

Deux structures circulaires interprétées comme des puits ont été découvertes lors de cette intervention de diagnostic. Le premier puit se situait au nord de la parcelle DK 61. D’un mètre de diamètre, il se distinguait par un cuvelage de blocs calcaires partiellement conservé. La fouille rapide du comblement supérieur a permis de récolter quelques éléments de céramique de la période du Haut-Empire.Le second puits est situé à l’extrême ouest de la parcelle DK61, à l’intersection de deux fossés orientés selon la trame parcellaire du cadastre de Béziers C. Un sondage-test a été effectué dans la partie supérieure du puits : quelques tessons ramassés permettent de situer son comblement au premier siècle avant notre ère. Son implantation et le matériel céramique ramassé suggèrent une contemporanéité avec les vignobles et les limites parcellaires du cadastre de Béziers C.À l’issue de l’intervention, toutes les tranchées ont été rebouchées, hormis les deux sondages dans lesquels ont été découverts les deux puits.

1. Société d’Equipement du Biterrois et de son Littoral

25II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

La fouille concernant ces 2 structures a été confiée à une équipe de l’Inrap. Cette même équipe avait déjà découvert une galerie drainante souterraine antique (GDS 01), lors de la fouille d’un puits situé 500 m plus au Sud, au lieu-dit « Mazeran » (Haurillon et al 2009). Le puits AMT 13, en réalité un ouvrage d'exploitation, perçait une « nappe perchée », dont l’eau était récoltée par un canalet de blocs calcaires, aménagé au fond d’une galerie. Creusé à la sape selon le principe du qanat2, ce type d’ouvrage inédit en biterrois, connait peu de référents de même période. Aussi, la découverte de 2 nouveaux puits à proximité de la fouille de Mazeran offrait l’occasion, peut-être, de renouveler cet évènement et par conséquent, compléter nos informations sur ces aménagements.

Notre intervention s’est déroulée durant la première quinzaine du mois de décembre 2012, soit un an après la phase de diagnostic menée par le Service Archéologique de Béziers. Cette intervention de fouille s’est effectuée avec l’intervention d’Archeopuits3, association spécialisée dans l’exploitation de ces structures et qui avait déjà participé à la fouille du site de Mazeran.

1.2. Aspects environnementaux du Garissou

Situé entre l’interfluve Orb et Libron, le secteur du Garissou est coincé entre la D.113 reliant Béziers à Pézenas au Sud, les limites communales de Boujon sur Libron au Nord, l’ancien tracé du ruisseau du Gargailhan à l’Ouest et enfin à l’Est, par le domaine de Compariès et Saint-Louis. Il forme un vaste plateau d’une hauteur moyenne de 85 m ngf, qui domine toute la ville de Béziers et les terrasses dudit ruisseau.

1.2.1. Contexte géomorphologique (C.Pallier) (Pl. 03)

« - Le bassin de l’Hérault est largement dominé par les affleurements de marnes sableuses ou argileuses, déposées dans un profond golfe lors de la transgression marine miocène. Suite au creusement de vallées lors d’une période de régression, puis au retour de la mer à l’intérieur de celles-ci et sur les zones côtières, le cycle pliocène se termine par l’émersion définitive des terrains. Les anciennes vallées sont alors remblayées par des apports détritiques de cailloutis et d’argiles rubéfiées, en partie originaires de la Montagne Noire.Le paysage actuel a été principalement modelé par le creusement des vallées de l’Hérault, de l’Orb et de leurs affluents, durant le Quaternaire. Des épisodes volcaniques sont survenus au cours du Pléistocène ancien et moyen. En Languedoc, l’activité tectonique depuis le Miocène est mineure. Les séries miocènes peuvent être affectées par un léger pendage et de petites failles d’effondrement (cartes géologiques de Pézenas n° 1015 et Agde n° 10404).D’après la carte géologique d’Agde, l’emprise du Garissou se développe sur les terrains constitués : -de molasses et marnes miocènes, gris bleu, plus ou moins recouvertes

par la molasse calcaire marno-sableuse jaunâtre dans laquelle se développe des niveaux sableux et des bancs de grès plus ou moins indurés. La série est parfois entrecoupée de bancs de calcaire coquillier blanchâtre, parfois gréseux.

2. Nom donné à un ouvrage hydraulique iranien de type drainage souterrain creusé à la sape à partir de puits verticaux espacés régulièrement (cfr infra le paragraphe sur le qanat)

3. Association loi 1901 représentée par J.-M. Féménias et O. Mignot

4. Berger et al, 1978 et 2003

26 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

PL. 03 : Fond de carte géologique

DAO : R. Haurillon

Fig. 05 : Localisation des puits du Garissou dans les aquifères poreux du Miocène (Extrait de la carte géologique d'Agde du BRGM au1/50 000e)

27II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

-de colluvions Cx, constituées par des dépôts généralement très graveleux, issus des nappes d’alluvions plus anciennes et ne pouvant être rattachées à aucun niveau particulier du Pléistocène moyen. Ces colluvions reposent en discordance sur les terrains miocènes.

Ces éléments constituent le cadre géologique régional dans lequel se mettent en place les formations superficielles holocènes. »

1.2.2. Contexte hydrogéologique

Le secteur au Nord Est de Béziers est caractérisé par des aquifères libres tels que les nappes superficielles ou nappes perchées. « Un aquifère est un corps (couche, massif) de roches perméables comportant une zone saturée suffisamment conductrice d’eau souterraine pour permettre l’écoulement significatif d’une nappe souterraine et le captage de quantité d’eau appréciable. Un aquifère peut comporter une zone non saturée. Il est homogène quand il a une perméabilité d’interstices (sables, graviers) ; la vitesse de percolation y est lente. Il est hétérogène avec une perméabilité de fissures (granite, calcaire karstique) ; la vitesse de percolation est plus rapide » (Castany 1979, Margat1990). Ces couches aquifères se rencontrent au niveau des terrasses alluviales anciennes et peuvent prendre un caractère superficiel au raccordement de la surface topographique. Dans une moindre mesure, les formations tertiaires (miocène et éocène notamment) peuvent aussi être concernées par ces phénomènes où le contexte géologique crée localement des petits aquifères semi-captifs concernant les horizons superficiels. Les bancs poreux constituent un aquifère dans laquelle l’eau de ruissellement pénètre pour devenir eau d’infiltration. Cette molasse gréseuse se comporte donc comme une véritable éponge quand les eaux ne s’infiltrent pas ou mal à cause des couches imperméables d’argile situées sous ces horizons gréseux. Dans les aquifères poreux, comme c’est le cas ici, l’eau est contenue dans les pores ouverts de la roche et peut y circuler librement. Cette notion d’aquifère est particulièrement importante car elle justifie l’utilisation de la technique utilisée à Mazeran et au Garissou, particulièrement bien adaptée à la nature hydrogéologique du secteur.

1.3. Contexte historique et archéologique du Garissou (Pl. 04)

1.3.1. La période antique

Le Garissou, c’est avant tout la villa romaine installée à mi-pente Ouest du Puech du même nom qui surplombe en rive gauche, l’ancien cours d’eau du Gargailhan. Ce dernier a été canalisé lors de la construction de la ligne ferroviaire Béziers-Neussargues, durant la deuxième moitié du XIXe siècle. Dans le cadre préalable à la réalisation de la rocade Nord de Béziers en 1990, un gué aménagé à la période antique avait été découvert dans le lit de ce ruisseau. Au regard des découvertes complémentaires effectuées dans ce secteur, les archéologues avaient conclu à un drainage efficace dans ce fond de vallée (Vidal, Bonifas, Labarussiat 1990-1991).Au Sud, la villa romaine est bordée par l’axe antique Béziers-Pézenas. Elle s’étend sur près de 1,5 ha (Fédière 1973). Si l’on se réfère aux 82 monnaies découvertes par un amateur, son occupation a commencé au premier siècle av. J.-C. et a perduré jusqu’à la fin du VIème siècle, voire même au début du VIIème siècle de notre ère (Giry 1987).

28 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Fig. 06 : Carte archéologique (En bleu, la zone concernée par la fouille)

Fig. 07 : Les 2 lieux-dits du "Garrissou" (Extrait de la Carte de Cassini)

Fig. 08 : Le "Garrissou" qui domine le ruisseau du Gargailhan

avant sa disparition(Exrait de la carte d'Etat-Major 1900)

Le Gargailhan

Villa romaine

Localisation du site

PL. 04 : Cartes archéologiques et historiques

DAO : R. Haurillon

29II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

Pendant la deuxième moitié des années 80, B. Lenoir, propriétaire du terrain et fouilleur de la villa5, met partiellement au jour un habitat raffiné constitué d’un ensemble thermal (bassin à opus sectile, pièce sur hypocauste), péristyle, murs, caniveaux et conduits en plomb. Il consigne ces découvertes dans une revue annuelle, « Les amis du Garissou ». Dans cette revue, B. Lenoir mentionne l’importance de l’eau et narre plusieurs épisodes comme par exemple, celui de la construction du Motel Tamarou sur le Pech de Garissou, au début des années 1970. Le creusement des fondations de ce bâtiment a entrainé la découverte de « veines d’eau naturelles que l’on dut colmater car le flux par son débit allait nuire à la suite des travaux ». Cette intervention a eu pour conséquence le tarissement d’une source qui coulait dans le parc du Domaine de Garissou6.

Aussi, la présence de sources dans ce secteur, la proximité de la voie Béziers-Pézenas, le luxe attesté par la profusion et la richesse des marbres trouvés lors de la fouille de la villa, l’abondance de la céramique et de la découverte de plus de 200 monnaies, tous ces éléments entrainent B. Lenoir vers l’hypothèse d’un lieu de rassemblement public, peut-être de culte ou un sanctuaire dédié aux divinités des eaux.

1.3.2. L’occupation médiévale

Le Garissou, c’est aussi le site médiéval qui succède à la villa romaine, signalé dès 972 comme une «villa que vocant Fonte Garitione (...), Fonte Garitione (...), villa Fonte Garitione»7 mais aussi en 1106 « Terram de Garrucione » et en 1163 « ad Garricionem »8. De nombreuses archives municipales, départementales et le cartulaire de Béziers (Rouquette 1918) font mention de « Garrucione, Garrutionum, Garrutione, Garutiano, Garrisso, Garrissone puis Garrisson, Garrissou et Garissou ». Cette villa médiévale n’a pas été localisée précisément mais elle est probablement située sous l’actuel emplacement du domaine. L’ensemble se trouve à 400 m au nord de la villa antique.Préalablement à la construction de la rocade nord de Béziers, une partie des dépendances de cette villa médiévale a été fouillée. Elle comprenait un vaste complexe d’ensilage et un atelier de production de tuiles et de céramiques grises de sept fours et structures associées sur lequel nous reviendrons (Lécuyer 1990).

5. Les travaux archéologiques réalisés par le propriétaire du terrain ne bénéficiaient plus de l’agrément des services de l’état

6. Les amis du Garissou n° 10, 1987

7. Hamlin 1983 : 148, 280

8. Déjà cité supra

Cl. 1Mur Nord et demi abside de la chapelle Saint-Jean du Garissou.(Cl. : L. Vidal, Inrap)

30 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Fig. 09 : Le puits US 01 et la fosse d'installation US 03

(N° 279 et 2796 du diagnostic)

Extrait du RFO de diagnosticExtrait du RFO de diagnostic

Cl. B. Morhain

Fig. 10 : Le puits US 200 à l'intersection de 2 fossés(N° ST 07 du diagnostic)

Cl. B. Morhain

Extrait du RFO de diagnostic

Coupe de ST 07

PL. 05 : Données du diagnostic DAO : R. Haurillon

31II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

L’élément architectural majeur du secteur est la chapelle romane de Saint-Jean de Garrissou, datée du XIIe siècle. De l’ensemble, il ne subsiste que la façade Ouest et le mur latéral Nord. Appelée Saint-Roch au XVIIe siècle, elle appartenait au Chapitre de Saint-Aphrodise.

En 1980, lors de la construction d’un bâtiment du domaine, Mme Labit, propriétaire des lieux, avait observé la destruction de nombreuses sépultures à inhumation.

1.4. Ecriture et toponymie

D’après Hamlin, l’étymologie de Garissou proviendrait du nom d’un gaulois « Garitius» avec le suffixe d’appartenance « onem ». Actuellement, on trouve le toponyme Garissou écrit avec deux « r », comme par exemple sur la carte de Cassini ou la carte IGN au 1/25000. Fait plus rare, on peut lire deux toponymes identiques sur ces mêmes cartes. D’ailleurs, quelques lectures d’archive font mention de « Garrissou dit le Haut » et « Garrissou dit le Bas »9. Cette distinction est aussi utilisée par B. Lenoir lorsque ce dernier situe la villa antique au lieu-dit « Garissou-le-Bas »10. Le domaine du même nom et les travaux archéologiques précédents l’écrivent bien avec un seul « r ». Aussi, adopterons-nous cette écriture.

Enfin dans le département du Tarn, on emploie le terme de garissou pour désigner la roche locale, un calcaire dolomitique. Cette roche a été exploitée en carrière pour permettre la construction des bâtiments et murs de la cité de Cordes sur Ciel (81).

1.5. Synopsis de la phase de diagnostic (Pl. 05)

Les données recueillies par le service archéologique municipal de Béziers, lors de la phase de diagnostic, ont été intégrées dans ce paragraphe afin de réunir la totalité des informations concernant les deux puits dans un seul et unique document.

Le premier puits a été repéré dans la tranchée 17 (ST2796). Il se situe dans la partie basse d’une légère dépression colmatée par les colluvions au niveau 87,6 m ngf. La trame archéologique est représentée par un ensemble de traces de parcellaires, de fosses de plantation et de traces agraires. Le puits est proche d’un petit chemin rural d’axe N/NO-S/SE qui fait office de limites Est de la parcelle K61. Après enlèvement d’un niveau de colluvionnement de limon brun gris sur presque 1,5 m d’épaisseur, une fosse pseudo-circulaire de plus de 4 m de diamètre apparait : le puits est appuyé contre le bord Est de ladite fosse. Le parement Ouest du puits en surface a disparu (quelques blocs ont été retrouvés dans le puits). Une coupe mécanique pratiquée dans l’axe du puits et de la fosse d’installation a permis de dresser un profil de l’ensemble.

- Liste des Unités Stratigraphiques relevées lors de la phase de diagnostic : St 279 : fosse antique contenant le conduit du puits (St 2796) dont le diamètre est très large :

environ 4m.

Us 280 : comblement argileux marron compact avec présence de poupées calcaire, quelques

céramiques et escargots.

9. Archives Municipales de Béziers (séries BB et DD 5)

10. Les amis du Garissou n° 01, p. 06, 1987

32 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Us 2791 : comblement argilo-limoneux, marron, relativement meuble avec présence de tuiles,

escargots et galets (2-10 cm) et de rares nodules de molasse miocène.

Us 2792 : comblement argileux marron compact, avec blocs de molasse (10-20 cm), de rares

poupées calcaire et rare gravillons (2 cm), des galets, de gros blocs de calcaire équarris

provenant sans doute du parement du puits en partie détruit et une céramique antique.

Us 2793 : comblement argileux marron et compact, avec nombreuses poupées calcaire,

céramiques et quelques gravillons.

Us 2794 : substrat remanié (molasse miocène) avec présence d’argile, de couleur marron clair

jaunâtre avec quelques poupées calcaires.

Us 2795 : comblement situé derrière le parement conservé du puits. Argileux, marron, compact

avec présence de blocs calcaires.

St 2796 : puits antique empierré et constitué de blocs de calcaire coquillé, équarris. Le diamètre

est d’environ 90 cm pour le conduit pour une hauteur visible de 1,3 m.

Us 2797 : comblement intérieur du puits de 0 à -120 cm depuis le niveau de conservation

empierré est constitué de nombreux blocs calcaires (effondrement), de galets, de couleur

marron foncé tachetés de jaune (nodules de molasse miocène), compact, très argileux et

comportant des céramiques antiques.

Us 2798 : comblement intérieur du puits de -120 cm (depuis le haut conservé) à - 250 cm. Son

sédiment se compose de nombreux nodules et de taches de molasse miocène, de quelques

céramiques antiques. Il est de couleur verdâtre à jaunâtre, de densité compact et de nature

argileuse.

Us 2799 = Us 2792 : Us de démolition ou d’effondrement comprenant la partie nord ouest du

parement en pierre du puits.

Le second puits a été découvert dans la tranchée de sondage 03 et nommé ST 07. Il est situé 185 m au Sud/Sud-Ouest du premier, à l’angle d’une intersection de 2 fossés (Pl. 05, Fig. 10). Il s’apparente à une fosse circulaire de 3 m de diamètre comblée par un sédiment limoneux brun foncé assez meuble. Une rapide vérification mécanique permet de relever le profil infundibuliforme du creusement supérieur.Le matériel céramique récolté dans cette partie du comblement est constitué d’une quinzaine de tessons. Ces fragments datent le colmatage au Ier siècle avant J.-C.

Liste de couches enregistrées lors de l’intervention de diagnostic : St 7 : puits se matérialisant au décapage mécanique comme une fosse circulaire d’un diamètre

de 3 mètres. Une fois sondée, elle s’est avérée descendre en entonnoir jusqu’au conduit de

forage principal dont les dimensions et la forme reste à déterminer.

Us 8 : elle est sur l’Us 670, 671 et 672. De nature limoneux, le comblement est de couleur

marron foncé avec une densité meuble. On note la présence de petits galets épars (2-5 cm),

de nodules de molasse miocène (2-5 cm) et d’escargots divers.

Us 670 : se trouve sur l’Us 672, 671 sous l’Us 8. Son comblement est limoneux, de couleur

marron pour une densité compacte. En outre, le sédiment observé contient des nodules de

molasse miocène et de petits escargots.

Us 671 : elle est positionnée sous l’Us 8, 671 et sur l’Us 672. Le comblement est limoneux

argileux, de couleur marron allant au gris foncé et d’une densité compacte. En outre on

note la présence de nodules de molasse miocène, de rares gravillons, de cendres et de petits

morceaux de charbon, ainsi qu’un bloc de molasse miocène rubéfiée.

Us 672 : se situe sous les Us 8, 670 et 671. Le comblement est limoneux, de couleur marron

clair, de densité compacte. On remarque la présence de blocs de molasse miocène (5 à

10 cm), de nombreux petits nodules de même nature, de quelques galets de (2 à 5cm),

d’escargots, un canidé en connexion et des céramiques.

33II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

1.6. L’opération de fouille : généralités

L’opération de fouille des deux puits a été programmée début décembre 2012 pour une durée d’une dizaine de jours (5 jours par puits). L’équipe était composée de 4 personnes : 3 archéologues dont 2 en alternance et les 2 collaborateurs d’Archéopuits. Une pelle mécanique de 20 tonnes était mise à disposition pendant 2 jours par la société Beaussire. Une journée était prévue à l’ouverture et à l’aménagement de la fenêtre de travail. La seconde journée était utilisée à l’extension des fenêtres d’ouverture puis au rebouchage et à la remise en état du terrain en fin d’intervention. Lors de la condamnation des puits, 50 tonnes de matériaux graveleux ont été utilisés afin de stabiliser le compactage et permettre à l’eau de filtrer à l’intérieur des ouvrages hydrauliques.

1.7. Le premier puits 01 (US 01)

-Mise en œuvre et méthodologie de fouilleNotre investissement a porté d’abord sur l’étude du puits situé le plus à l’Est de l’emprise, renommé puits US 01. Il a débuté par un terrassement complet de toute cette zone. En effet, les parois effondrées du sondage, la présence d’eau et le tas de déblais ont empêché l’installation de la plateforme de travail d’Archéopuits (Cl. 2). De plus, la coupe-test de vérification effectuée lors du diagnostic a rendu l’ensemble instable (blocs du parement du puits en surplomb et coupe stratigraphique fragilisée par la variation du niveau d’eau). Il a donc fallu assainir cette zone en décapant mécaniquement une surface de travail à partir de la base de la coupe de vérification, soit un décaissement de 3 m.

– Les fenêtres de décaissement (Pl. 06 et 07)

Deux larges fenêtres ont été creusées par paliers afin de sécuriser la zone d’intervention. Une première excavation de 11 m par 15 m était pratiquée en prenant le puits comme point de repère central. Une couche de sédiment de 1,5 m de hauteur a ainsi été décapée sur une surface de 165 m2, soit un volume de 247 m3. Les déblais étaient stockés de par et d’autre de la tranchée de diagnostic à une portée de flèche de la pelle. Ce volume de terre était ensuite repris mécaniquement pour être entreposé à distance suffisamment éloignée du lieu de fouille.

Un second décaissement de 5,5 m par 6 m et d’une profondeur de 1,5 m, a été pratiqué à l’intérieur même de la première fenêtre. Le volume de terre extrait est de 52,8 m3. Ce second palier entame un niveau de colluvions anciennes brunes claires (US 21) et d’éléments de molasse gréseuse jaunâtre (US 22). Après enlèvement de ces deux horizons, le substratum gréseux induré est atteint. Il constitue le plan de travail (US 06). Enfin, après la réalisation d’escaliers d’accès et le talutage de certains côtés, le site a été entièrement balisé et les deux volumineux tas de déblais écrêtés.

Au total, c’est presque 300 m3 de terre évacuées lors de la mise en œuvre des paliers de sécurité et de la surface de travail. Dans ce cadre d’intervention, l’accès au puits n’est envisageable si aucun élément ne se trouve en surplomb ou en phase de déstabilisation. Les sondages profonds de vérification réalisés lors de la phase de diagnostic sont souvent responsables de ces contraintes de mise en œuvre. Particulièrement destructeurs, ils sont cependant nécessaires à la détection de structures profondes.

Cl. 2Etat des lieux (Puits 01).(Cl. : Equipe Inrap)

34 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Fig. 11: Ier palier de décapage. Apparition de la fosse de réaménagement (US 03)

US 03

US 01

Fig. 12 : IIe palier de décapage. Nivellement à la base de US 03.

Apparition de US 05

Puits US 01

US 03

US 05

Fig. 13 : Vue Est de l'espace de travail

Ier palier

IIe palier

Fig. 14 : Vue Sud de l'excavation

Ier palier

IIe palierPuits 01

PL. 06 : Aménagement du plan de travail DAO : R. Haurillon

35II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de BéziersInrap · RFO de fouille

D

C

B

A

EF

X = 1 720 170

X = 1 720 175

X = 1 720 165

X = 1 720 180

X = 1 720 170

X = 1 720 175

X = 1 720 165

X = 1 720 180

Y = 2 240 500

Y = 2 240 495

Y = 2 240 490

N+

+K

L

0 1mEch : 1 / 50

2 m

Talutage

Talutage

Talutage

US 02

US 05

US 06

US 17

US 09

Ier palier de décapage

86,25 m NGF

86,25 m NGF

IIe palier de décapage

84,15 m NGF

84,5 m NGF

86,25 m NGF

87,7m NGF

87,6 m NGF

US 03

US 07

US 10

US 30

US 25

US 29

US 20 US 28

PL. 07 : L'intervention sur le puits 01

Fig. 15 : Plan général du Puits US 01

Ier palier de décapage

Sol actuel

Sol actuel

Escaliers

Fig. 16 : Pro�l K-L de l'excavation

Niveau de sol antique

84,15 ngf

84,5 ngf

82,27 ngf

87,6 ngfK

86,25 ngf

87,7 ngf L

US 23

US 21

US 22

US 06

US 32

Ier palier dedécapage

(fenêtre 01)

2e palier de décapage

(fenêtre 02)

Aquifère gréseux

Puits 01

4 m

+ +

Puits 01

Fenêtre 01 : 165 m2 décapé. Volume de terre = 247 m3Fenêtre 02 : 33 m2 décapé. Volume de terre = 52,8 m3

Total de l'aménagement : 299,8 m3 de terre

DAO : V. Belbenoit, R. Haurillon

36Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »Inrap · RFO de fouille

0 1 m

PL. 08 : Pro�ls du Puits US 01 Fig. 20 : Pro�l du puits dans l'axe de la galerie drainante souterraine GDS 02

US 04

US 11

US 12

US 06

Fig. 17 : Localisation des pro�ls du puits US 01Fig. 18 : Vue en plan du puits US 01

A

B

C D

C D

US 05

Puits (US 01)

US 07

Ouest Est

82,27 ngf

84,31 ngf

Galerie EstGalerie Ouest

82,79 ngf

Substratmiocène

?

Zonenon véri�ée

US 03

?

A BSud Nord

84,47 ngf

82,27 ngf

Puits (US 01)

Fig. 19 : Relevé du pro�l N/S du Puits US 01

Substratmiocène

US 02US 02

US 04

US 11

US 12 US 06

DAO : V. Belbenoit, R. Haurillon

37II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

1.7.1. Les résultats (Pl. 08)

Après un nettoyage et la mise en place d’une pompe électrique, nous avons décidé de ne pas installer la plateforme de travail, tant qu’il était possible d'évacuer au seau les comblements du puits. Cette option s’est avérée positive puisque nous avons atteint le fond du puits 2 mètres plus bas, nous permettant ainsi d’économiser une demi-journée de travail au montage/démontage de la plateforme.

Lors de la réalisation de la première fenêtre, une fosse ovoïde de presque 4 m de diamètre est apparue (Us 03). Le puits US 01 était installé dans cette fosse, en limite Sud Est (86,5 m ngf). Interprétée d’abord comme la fosse d’aménagement de ce puits, la fouille a confirmé qu’il s’agissait en fait d’un creusement lié à une réfection de l’ensemble.

Le puits est circulaire (US 01). Il est conservé sur une hauteur de 2 m pour un diamètre total de même valeur (rappelons que 3 m ont été écrêtés lors de la réalisation des deux paliers de sécurité). Le chemisage irrégulier est large de 0,5 à 0,6 m (US 02). Il est constitué de blocs calcaires coquillés grossièrement équarris et de quelques blocs gréseux. Le tout est monté à joints vifs. Cette construction circulaire délimite un conduit de 0,9 m. La hauteur totale de l’ouvrage hydraulique est de 5,4 m (niveau de sol actuel : 87,65 m ngf). Au fond, un ressaut est creusé dans le substrat sur lequel est fondé le puits. Ce surcreusement matérialise un bassin de décantation d’une profondeur de 0,5 m. Une petite saignée orientée Est-Ouest s’élargit en son centre pour former une petite cupule assez peu marquée qui devait faciliter le nettoyage du puits.Ce dernier est alimenté par deux sections opposées d’une même structure linéaire d’axe Est-Ouest (US 07 et 17). Elle est interprétée comme à une galerie souterraine de type drain-canal (GDS 02)11.

1.7.2. Le remplissage

Le puits est comblé par 3 niveaux de remblais. Le plus récent est épais de 1,2 m. Il s’agit d’US 21 (US 2797 du diagnostic). Il est constitué de blocs de calcaires coquillés, de galets enrobés dans une matrice de limon très argileux brun foncé tachetée de nodules de molasse miocène jaunâtre. Ce niveau correspond à la phase ultime d’abandon. Les blocs trouvés dans cet horizon proviennent de l’éboulement du parement supérieur du puits. Il semblerait que ce comblement se soit effectué naturellement au regard des rares éléments anthropiques récupérés dans cette couche (7 fragments de céramique et 8 fragments de tegula).Le second niveau est épais de 2,6 m (US 04, anciennement US 2798). Il est composé d’un sédiment de limon argilo-sableux brun-jaunâtre tacheté de nodules de substrat. L’ensemble paraît avoir fait l’objet d’un lessivage provoqué par les fluctuations du niveau d’eau à l’intérieur du puits. Là aussi, le comblement semble naturel.Enfin, le remplissage le plus ancien (US 11) correspond au colmatage du puits de décantation. Le comblement est constitué d’un sédiment argileux à texture fine. L’ensemble est compact, la couleur tire vers le jaune-gris. Pendant la fouille, certains niveaux avaient été individualisés comme les couches US 16 et 12. Elles ont été intégrées dans cet horizon qui forme un seul même évènement dans le temps (impuretés déposées par l’eau).Le matériel céramique n’est pas très abondant mais il est homogène : il date le fonctionnement et le comblement du puits à la période du Haut-Empire (cfr infra étude céramique).

11. La GDS 01 concerne le premier ouvrage hydraulique découvert à Mazeran en 2009 par la même équipe

38 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

0 1 m

Fig. 21 : Cliché et relevé du pro�l de la galerie souterraine, côté Est du puits 01

Fig. 22 : Cliché et relevé du pro�l de la galerie souterraine, côté Ouest du puits 01

PL. 09 : La galerie drainante souterraine GDS 02

DAO : V. Belbenoit, R. Haurillon

US 18

US 14

US 13

US 05

US 14

US 15

US 13

B

SudNord

A

US 06

US 18

US 13

US 14

Calcite

82,79 m ngf

0 1 m

Sud NordC D

US 06

US 13 Calcite

82,27 m ngf

SudB

US 05

US 13

US 15

82,27 m ngf

US 14

Partie écrêtéeà la pelle mécanique

US 03

1 m

39II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

1.7.3. L’alimentation en eau

Dans le parement interne du puits sont apparues deux ouvertures étroites situées en vis-à-vis, orientées selon un axe Est-Ouest. D’une hauteur conservée d’au moins 1,1 m et large de 0,5 m, ces « exutoires » matérialisent le conduit d’un ouvrage souterrain. Ecrêtée superficiellement par un décapage incisif, la galerie côté Est est nettement plus lisible que celle côté Ouest du puits. Un maigre filet d’eau filtre à travers les sédiments qui comblent la galerie. Il précise le fonctionnement de l’ensemble : l’eau qui circule dans ces deux sections vient alimenter le puits. Nous avons donc affaire à un puits-collecteur entretenu par un même ouvrage souterrain de drainage qui centralise l’eau. La faible partie de galerie fouillée ne permet pas d’attester l’origine exacte de cette eau mais elle provient au moins de l’aquifère gréseux et du joint de strate US 22 et US 06.

1.7.4. La section Est de la galerie souterraine GDS 02 (Pl. 09)

Légèrement écrêtée, la galerie souterraine côté Est s’apparente en surface à un tracé linéaire de 0,4 m de large, taillé dans la molasse gréseuse indurée (US 07). Par l’intérieur du puits, on remarque que cette galerie est conservée sur 1,25 m de hauteur. Elle est taillée au même niveau que la base du puits (Cl. 03). Large de 0,5 m, le profil de cette galerie s’affine légèrement dans sa partie haute. Au contact de ce dernier, elle est intégrée à la construction par l’agencement de blocs calcaires qui recouvrent la voûte de cette dernière en formant linteau. Les dimensions de la galerie découverte au Garissou se rapprochent beaucoup de celles relevées sur les cuniculi étrusques (Viollet 2004)12 : « Ces galeries ont des dimensions voisines de 1,5 m en hauteur pour 0,5 m de largeur ». Le constat est similaire lorsque D. Imani décrit un qanat iranien (D. Imani 2011)13 : -« La hauteur du canal est de 1,2 à 1,3 m et sa largeur est de 0,55 à 0,6 m ».

La fouille nous a contraint à individualiser les comblements du puits et de la galerie. En réalité, ce sont les mêmes. Ils appartiennent à un colmatage identique puisque l’ensemble fonctionne de concert.Le plus ancien dépôt (US 18) correspond à un sédiment limoneux brun lessivé contenant quelques blocs de calcaires (fonctionnement de l’ouvrage et dépôt naturel occasionné par les apports minéraux de l’eau dans la conduite). Le second comblement est constitué de blocs de calcaires coquilliers (US 19). Leur présence peut s’expliquer de deux manières. La première privilégie l’utilisation d’éléments en matériaux périssables de types fascines (fagots de branchage) ou conduites en bois. Aménagés dans cette partie de tunnel hydraulique et comprimés par ces blocs de pierre14, ces fagots auraient fonctionné comme un filtre en fixant les sédiments dans ses entrelacs. La seconde explication de la présence de ces pierres peut être liée à l’éboulement du puits. Lors de l’abandon et destruction partielle de ce dernier, quelques blocs détachés du parement ont pu combler l’espace dans la galerie en partie colmatée. Cette supposition est privilégiée par plusieurs évènements développés ci-après.

12. Galeries drainantes souterraines découvertes dans le Latium et creusées selon la technique du qanat (système de puits-galeries) qui permettaient d’assainir certaines dépressions envahies par les eaux d’infiltration (cfr infra)

13. P. 29

14. Cette méthode n’est pas sans rappeler les conseils formulés par Columelle dans son Res Rustica, concernant les fossés drainants : « … on formera comme un câble des sarments liés ensemble, assez gros pour occuper le fond de la fosse qui en est la partie la plus étroite, et dans laquelle on le presse et l’adapte… »

Cl. 3Contact puits/galerie.(Cl. : Équipe Inrap)

40 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

87,7 m ngf

86,25 m ngf

84,15 m ngf

82,79 m ngf

Fig. 23 : 1° - Nettoyage. Vue stratigraphique côté Est après enlèvement du puits US 01

US 25

US 26

US 07

US 28

Fig. 24 : 2°- Repérage. Anomalies lisibles dans la berme des paliers de sécurité

Fig. 25 : 3° - Restitution de la voûte de la galerie souterraine par photomontage

US 23

US 21

US 22

US 06

Colluvions brunes

Colluvions anciennes

Molasse destructurée

Molasse gréseuseindurée

US 32

Fig. 26 : 4° - Restitution du puits d'extraction par photomontage

Galeriesouterraine

Puits d'extraction

PL. 10 : Les anomaliesDAO : R. Haurillon

41II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

Enfin, le comblement supérieur du drain-tunnel s’apparente à un limon sableux jaunâtre lessivé (US 20) qui appartient à un évènement lié, lui aussi, à l’abandon du puits.

Sur la paroi Nord et au pied de la galerie, on note un très fin dépôt de calcite qui trahit un écoulement ponctuel de l’eau à l’air libre. Cette observation confirme que nous sommes bien en présence d’une galerie fonctionnant comme un drain : l’eau arrive par capillarité et filtration.Lors de notre intervention, cet ouvrage fonctionnait encore malgré le colmatage complet de la galerie souterraine.

1.7.5. Les anomalies stratigraphiques (Pl. 10)

Après la fouille exhaustive du puits, nous sommes intervenus sur la galerie. On observe cette structure en plan sur quelques mètres dans sa partie Est. Elle disparait ensuite à l’angle du second palier de sécurité. Un nettoyage rigoureux de la berme talutée fait apparaître une excroissance circulaire de 1 m de diamètre (US 25). Légèrement décentrée, cette anomalie recoupe le comblement de la galerie. D’autre part, le nettoyage de la berme du premier palier de sécurité met en évidence une structure infundibuliforme, comblée par un sédiment orangé (Fig. 24, US 26). Ces deux évènements nous incitent à avancer l’hypothèse selon laquelle nous sommes en présence de puits de creusement dont la fonction était l’évacuation des déblais issus de la sape de la galerie (Fig. 23 et 24). Une restitution par photomontage (Fig. 25 et 26) permet de faciliter la compréhension et l’articulation de tous ces évènements et nous amène à étendre nos recherches pour valider ces hypothèses.

1.7.6. La fenêtre d’extension côté Est du puits 01 (Pl. 11)

Profitant d’un retour de pelle mécanique, nous avons réalisé une fenêtre d’extension dans l’axe de la galerie Est. Un décapage sur -1,5 m de profondeur a permis de confirmer la fonction de la fosse US 25. Il s’agit bien d’un puits de creusement situé à 4 m dans le prolongement du puits-collecteur US 01. Il recoupe une trace irrégulière qui s’apparente à un fossé d’un mètre de largeur (US 28). Cette empreinte se situe au dessus de la galerie souterraine, selon un axe identique : ce sont des fissures d’effondrement (Fig. 27, 29 et 30). En effet, lorsque la voûte de la galerie souterraine s’est écroulée, elle a provoqué un affaissement des parties supérieures qui sont venus combler l’espace vide, par effet de soutirage. Cet affaissement a littéralement aspiré les niveaux géologiques sur plus d’un mètre de hauteur, dans le prolongement du tracé de la galerie (cette remarque pour insister sur le fait que l’ouvrage souterrain s’est effondré alors que la galerie n’était pas complètement colmatée).En prolongeant la tranchée vers l’Est, nous avons découvert un autre puits de creusement US 26. Cette structure au comblement orangé avait déjà été repérée dans la coupe de la berme du premier palier de sécurité. Au décapage, elle affecte un plan légèrement ovoïde de 1,1 m dans sa plus grande longueur. Elle est située à 4 m du puits de creusement US 25 et recoupe la trace matérialisée par les effondrements.

42 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

85,9 m ngf

US 25

US 26

US 28

US 26

US 07

US 28Fissures

d'e�ondrement

Voûte de la galeriesouterraine

Puits d'extraction

Puits d'extraction

US 27

US 22

US 06

Miocène destructuré

Miocène induré

Puits 01

Puits d'extraction

US 27

US 28

Fig. 29 : Aperçu Ouest de la relation voûte/e�ondrement

Fig. 27 : Extension à l'angle Est de la fenêtre de travail. Apparition de 2 puits d'extraction (US 25 et 26) et des �ssures d'e�ondrement (US 28)

Fig. 28 : Fenêtre d'extension côté Est en cours de réalisation. Au Ier plan, la galerie souterraine

PL. 11 : La fenêtre d'extension côté EstDAO : R. Haurillon

Fig. 30 : Vues Est du puits d'extraction US 27 dans l'axe dela galerie souterraine

43II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

4 m

US 27

GDS 02

E�ondrement

US 27

Colluvions brunesUS 23

Sol bruni�éUS 32

Colluvions anciennesUS 21

Miocène destructuréUS 22

Fig. 31 : Mise au jour du puits d'extraction US 27

Fig. 33 : Séquence stratigraphique partielle le long de la berme opposée à la coupe US 27

Fig. 32 : Coupe de US 27.Relation puits /galerie

PL. 12 : Le puits d'extraction US 27DAO : R. Haurillon

44 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

1.7.6.1.Le puits de creusement US 27 (Pl. 12)

Toujours dans cette direction, la pelle mécanique a accroché la partie supérieure de la galerie. Le cliché 29 met en évidence la relation voûte/effondrement et permet d’expliquer l’origine de ces éboulements. En effet, on remarque que la galerie souterraine a été creusée dans le substrat gréseux induré, juste au dessous du niveau de miocène hétérogène déstructuré et instable (US 22). Cette position a vraisemblablement fragilisé l’ensemble qui n’a pu résister longtemps à l’eau et à son travail de sape.Enfin, en poursuivant notre sondage quelques mètres plus loin, nous avons découvert un 3e puits de creusement nommé US 27, apparu à -1 m du niveau de sol actuel (Fig. 31). D’un diamètre de 1,3 m, il est comblé par un sédiment orangé légèrement graveleux, identique à US 26. Notons que ce sédiment orangé facilement identifiable, n’a été repéré que dans les comblements supérieurs de ces 2 puits de creusement. Ce sédiment s’est retrouvé piégé, par effet de soutirage, lors des effondrements de la galerie. D’époque antique, il témoigne d’un niveau de sédimentation complètement disparu après deux mille ans d’érosion. Cette observation permet de supposer que la galerie s’est effondrée durant cette période.

Aménagée perpendiculairement à l’axe de la galerie souterraine, une coupe mécanique a été réalisée dans la moitié Ouest de la structure. Cette coupe souligne la relation entre le puits de creusement et la galerie souterraine. On repère aisément les effondrements et la déstabilisation des horizons situés au dessus de l’horizon gréseux dans lequel a été creusée la conduite (Fig. 32).Un point altimétrique relevé au pied de la galerie souterraine donne une valeur de 83,56 m ngf, soit 1,29 m plus haut que le fond du puits US 01 et 0,77 m ngf au niveau de la galerie, à l’entrée du puits-collecteur US 01. Ces valeurs permettent de calculer le degré de la pente à 0,5 % (longueur de 15 m entre les 2 prises des points altimétriques au pied de la galerie divisée par 0,77 m correspondant à la différence entre les 2 valeurs altimétriques). Ce pourcentage est une valeur d’écoulement que l’on retrouve fréquemment dans les calculs de pendage des aqueducs antiques.L’eau s’écoule bien d’Est en Ouest dans ce tronçon de galerie.

Au final, cet investissement mécanique nécessaire à la compréhension de l’ensemble, confirme nos hypothèses. Nous sommes bien en présence d’un système hydraulique construit à la sape selon la technique du puits/galerie. Ajouté à celui étudié lors de l’opération de Mazeran en 2009 (GDS 01), c’est le deuxième ouvrage antique de ce type attesté dans cette partie Nord Est de Béziers.

1.7.7. La partie Ouest de la galerie souterraine GDS 02 (Pl.13)

Située côté Ouest de la fenêtre de travail, l’autre section de la galerie souterraine est visible par l’intérieur du puits (US 17). Les caractéristiques morphologiques sont assez proches de sa voisine, US 07 : même largeur et même colmatage. Contrairement à la section de galerie opposée, la base de cette section Ouest est située au même niveau que le fond du puits et non pas au niveau de la base du cuvelage. Cette portion de galerie est donc plus profonde de 0,5 m par rapport à la portion Est.Dans sa partie supérieure, la galerie s’évase largement côté Nord alors que sa paroi Sud est verticale. Á cet endroit, elle est recouverte par un massif de blocs calcaires (US 05). En surface, ce radier pseudo-circulaire a un diamètre n’excédant pas 2 m. Son nettoyage fait apparaître quelques blocs posés de chant suggérant un extrados très mal conservé. L’ensemble a été interprété comme une réfection, après l’effondrement de la galerie et du puits-collecteur. Cette hypothèse s’appuie sur la présence de l’imposante fosse de creusement US 05, interprétée d’abord comme la fosse d’installation du puits-collecteur. Cependant, au regard de la faible

45II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

profondeur du puits US 01, un tel creusement ne s’imposait pas. Il faut donc y voir un creusement lié à une réorganisation de cette zone.Aussi, la possibilité d’un réaménagement expliquerait pourquoi la base de la section Ouest de la galerie souterraine est au même niveau que le bassin de décantation. Suite à l’effondrement probable du puits et de cette partie Ouest de la galerie, l’ensemble a été remodelé. Ainsi, la galerie a été recreusée de 0,5 m et réaménagée en consolidant les parties supérieures à l’aide d’une couverture de pierres.Entre la berme Ouest du second palier de sécurité et le radier de consolidation, le tracé de la galerie effondrée est irrégulier. Le comblement matérialisant ces effondrements est constitué de gros blocs gréseux jaunâtres qui semblent désolidarisés du substratum. Le long des bermes Ouest des deux paliers de sécurité lissés et talutés par la pelle mécanique, la lecture stratigraphique est rendue difficile par le degré d’inclinaison de ces bermes (Fig. 34). Comme dans la partie Est, on observe un contour pseudo-circulaire interprété comme un puits de creusement (US 29). La fouille ponctuelle en sape de l’intérieur de ce puits de creusement le long de la coupe de la berme de sécurité permet d’attester des éboulements verticaux de substratum (Fig. 36). Ces effets de paroi confirment l’effet d’aspiration ou de soutirage provoqué par l’effondrement de la galerie souterraine. Ici, la largeur des fissures d’éboulement dépassent le mètre au niveau de l’ouvrage de drainage enterré.

1.7.8. La fenêtre d’extension côté Ouest (Pl. 13)

Une extension mécanique a été effectuée sur une longueur de 6 m, dans le prolongement de l’axe de la galerie, de côté Ouest. Une large structure de 2,7 m, aux bords réguliers et parallèles, est apparue 1 m sous le niveau de sol actuel. Ce large creusement est comblé par un limon brun légèrement rougeâtre dans lequel ont été ramassés quelques tessons antiques (US 31). Orientée Ouest-Nord Ouest, cette anomalie file sous la berme de la fenêtre d’extension, en direction du dépôt de terre. L’intervention se termine donc ici.

En l’absence de test de vérification faute de temps, deux hypothèses concernant l’interprétation de cette large structure ont été retenues. La première concerne des fissures d’effondrement. Au regard de la largeur de ces éboulements, cette suggestion n’est pas très convaincante mais reste envisageable. La seconde interprétation s’appuie sur la possibilité d’un drainage creusé en tranchée ouverte. Cette proposition s’inspire des exemples d’ouvrages hydrauliques souterrains étudiés en Lorraine, à Cutry « La Hache » et daté de la période antique (Boulanger 2005). L’équipe Inrap mosellane a ainsi remarqué qu’à partir d’une certaine profondeur, c’est-à-dire autour de 2 m, les drainages creusés à la sape en puits/galerie disparaissent pour faire place à un large fossé au fond duquel est installé le drain. Plus proche de nous, ce principe a été reconnu sur le site de Lavérune (34), lors d’une opération de diagnostic (I. Rémy 2012). Un large fossé antique de plus de 2 mètres a été repéré sur plusieurs dizaines de mètres et partiellement décapé. Sondé mécaniquement dans la partie médiane de son cheminement, il cachait un drain empierré à 2,6 m de profondeur (Cl. 04). Un second sondage pratiqué dans la partie amont de la structure, suggérait la présence d’une galerie souterraine creusée à la sape dans la molasse miocène.

Ces premières observations réalisées lors de cette intervention mettent en évidence l’association de deux techniques de drainage souterrain pratiquées sur un même ouvrage, par tranchée et à la sape. Cette configuration est particulièrement intéressante puisque c’est la première fois que l’on peut observer ce système daté de la période antique, dans notre région. Aussi, espérons que les prochaines fouilles permettront de cerner toutes les subtilités de ce fonctionnement hydraulique unique en la matière.

Cl. 4Drain-fossé (?) en cours de fouille.(Cl. : I.Rémy, Inrap)

46 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Fig. 34 : Le Puits US 01 et le massif de pierre US 05 "retaillé" à la pelle mécanique

Puits 01

US 05

US 30

US 29

Fig. 35 : Restitution du puits d'extraction. La galerie souterraine US 17 est masquée par les e�ondrements US 30

US 30

US 17

Puits 01

US 29

Fig. 36 : Fenêtre d'extension côté Ouest. Apparition de US 31

US 31

Parois e�ondrées du puits d'extraction

US 30

US 29

US 30

US 31

Fig. 37 : Fin de l'intervention. Rebouchage du puits

PL. 13 : Fenêtre d’extension côté Ouest DAO : R. Haurillon

47II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de BéziersInrap · RFO de fouille

?

Y=2240. 490

Y=2240. 500

Y=2240. 510

X=1720.160

X=1720.170

X=1720.

490Y=2240.

500Y=2240.

510Y=2240.

160X

=1720. 170X

=1720. 180X

=1720. 190X

=1720.

N

Méditerranée

Béziers (34)Opération Zac de Mazeran TR 01, lieu-dit “Le Garissou”

Responsable d’ Opération : R. Haurillon Topographie : C. Bioul

Le 13 01 2012

Coordonnées Lambert 93 CC.43 (calage GPS +/- 0.20 cm)

Altitudes rattachées NGF 69Ech 1:100

0 10 m

Tranchée de

diagnostic

Tranchée de

diagnostic

US 17

US 07

84.53

87.75 m ngf

84.07m ngf

86.29 m ngf

86.53 m ngf

Puits 01

Extension mécaniqueEst

Extension mécaniqueOuest

86.25 m ngf

US 28

US 27

US 25 US 26

87.7 m ngf

87.3 m ngf

86.3 m ngf

85.2 m ngf86.45 m ngf

190

87.6 m ngf

Fig. 38 : Plan de restitution du réseau «puits/galerie» après extensions latérales

US 31

US 29

US 05

US 30

PL. 14 : Aspect général du fonctionnement de la galerie GDS 02

X=1720.180

Galerie souterraine

E�ondrement par sapage

Extension

Puits de creusement rebouché

1er palier de sécurité (-1,5 m)

Talutage

Zone de travail (- 3,2 m)

Puits-collecteur

Sondage mécanique (godets 3 et 2 m)

48Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »Inrap · RFO de fouille

Emplacement du puits/collecteur

Point de rencontre

Fig. 39 : Creusement à la sape avec évacuation des déblais par les puits d'extraction

Fig. 40 : Les puits d'extraction sont rebouchés après creusement de la galerie.Le puits-collecteur est alimenté en eau d'in�ltration

Puits 01 US 27US 26Us 29

PL. 15 : Hypothèse de restitution du creusement et du fonctionnement de la galerie drainante souterraine GDS 02

Point de rencontre des deux sapeurs dansla galerie souterraine

4 m

Eau d'in�ltration (percolation)

Sens d'exploitation

Evacuation des déblais

Molasse gréseuse miocène

Bassin de décantation

Plan

Plan

4 m

Coupe

Coupe

US 23

US 32US 21

US 22US 06

US 23

US 32US 21

US 22US 06

GDS 02GDS 02

DAO : R. Haurillon

49II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

1.7.9. Les puits de creusement de la galerie GDS 02 (Pl. 14)

Á l’issue de ce premier investissement, nous pouvons prétendre que la galerie souterraine est constituée d’un puits-collecteur et de quatre puits de creusement. Alignés selon un axe Est Ouest, ils sont équidistants de 4 m ou l’un des ses multiples. La fouille rapide de ces éléments n’a pas permis d’étudier leur dynamique de comblement. Á Metz Queuleu (Boulanger 2007), ces puits étaient comblés après le creusement de la galerie et l’aménagement d’un drain empierré dans la galerie. Il est fort probable que les puits de la galerie GDS 02 du Garissou ont fait l’objet d’un même traitement : les comblements sont exempts de matériel anthropique hormis dans la partie supérieure et leurs textures s’apparentent aux horizons géologiques traversés. Les puits de creusement de la galerie GDS 02 n’ont pas d’autres fonctions que celles de faciliter l‘extraction des déblais et l’aération du drain-tunnel, le temps du creusement. Quel intérêt à laisser ces puits ouverts sur des terrains à vocation agricole une fois la galerie aménagée ?La manière avec laquelle les ouvriers-sapeurs sont parvenus à combler ces puits sans condamner la galerie reste à préciser. Il est vraisemblable cependant que ces travailleurs devaient maitriser les techniques minières et par là même, l’usage du boisage et de l’étayage. Pour harmoniser le fonctionnement de l’ensemble, on peut spéculer sur la présence de plusieurs puits-collecteurs comme US 01. Ces derniers devaient être creusés sur tout le tracé de la galerie GDS 02, entre une série de plusieurs puits de creusement. Espacés régulièrement et fonctionnant à l’air libre, ils permettaient de fractionner la conduite souterraine et pouvaient être utilisés comme puits de visite, d’évent et bien évidemment de stockage d’eau. En cas d’éboulement, il était possible de s’introduire dans la galerie par ces ouvertures et par repérage acoustique, de localiser la section effondrée ou bouchée. D’autre part, ces puits fonctionnaient comme une cheminée d’évent et permettaient de réguler la pression dans la galerie en cas d’obturation.La fouille menée au Garissou n’a pas permis de préciser la distance entre deux puits-collecteur mais elle est d’au moins 16 m (distance entre le puits US 01 et la limite de notre fenêtre de vérification). La fouille prochaine du site de Lavérune « ZAC de Pouget » (34) permettra de combler cette lacune puisque l’ouvrage drainant a été reconnu sur plus de 100 m.

1.7.10. Hypothèse de restitution (Pl. 15)

Les résultats de notre étude concernant le premier puits du Garissou permettent de proposer un plan de l’aspect général de l’ensemble et d’en déduire une hypothèse de creusement et de fonctionnement. Comme on peut le voir sur le schéma de la planche 15, les puits sont foncés jusqu’à 5 m et espacés de 4 ou 8 m.La galerie souterraine est installée dans le substratum gréseux, sous l’horizon géologique fissuré et déstructuré (US 22), c’est-à-dire à l’endroit où l’eau d’infiltration devait stagner avant de pénétrer dans l’horizon sous-jacent de molasse gréseuse. La présence de la galerie souterraine GDS 02 est donc vraisemblablement conditionnée par un défaut de drainage interne du sol, à un niveau situé à 3 ou 4 m de profondeur.L’hypothèse de restitution présentée ne tient pas compte des réfections postérieures du puits-collecteur ou de la galerie côté Ouest.

50 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Domaine du Garissou Puits 01

Fig. 41 : Vue panoramique Sud du Garissou. Plateforme d'Archéopuits installée au dessus du puits US 200

Fig. 42 : Le puits US 200 en surface

Puits 200

Fig. 43 : Vue zénithale du puits à partir de la plateforme

Fig. 45 : Pains de calcite extraits du puits 200

PL. 16 : Présentation du Puits US 200Fig. 47 : Fin de fouille (- 11m)N

N

Sens d'écoulement

Fig. 46 : Accès à l'eau (- 8 m)

N

DAO : R. Haurillon

Fig. 44 : Découverte de la galerie souterraine (Rétrécissement du conduit dû au dépôt de calcite)

51II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

1.8. Le puits US 200 (Pl. 16)

Rebaptisé US 200 au moment de notre intervention, le second puits est situé au Sud-Sud Ouest du puits 01, à une distance de 168 m. Il est installé à l’angle Nord-Ouest de deux fossés perpendiculaires isoclines à la centuriation coloniale romaine (cadastre C de Béziers). Il apparait après enlèvement de 0,8 m de recouvrement, au contact du substratum du miocène, appelé localement « tuf ». Le comblement du puits à ce niveau est constitué de limon brun moyen homogène. Contrairement à son voisin étudié ci-dessus, aucun parement n’est visible.

1.8.1. Réflexions techniques et intervention d’Archéopuits

Après un rapide décapage mécanique, l’aménagement d’une fenêtre de travail et plusieurs accès, le relevé en plan de la structure et enfin le nettoyage superficiel des effondrements à l’intérieur du puits, la plateforme de travail d’Archéopuits est installée à l’aplomb du puits et signale le départ de la vidange du puits (Fig. 41). Cette intervention nécessite 3 personnes en permanence : les 2 représentants d’Archéopuits et un archéologue de l’Inrap. La première travaille dans la structure et évacue les déblais. La seconde est à la manœuvre du treuil électrique. Elle remonte les seaux de déblais qui sont ensuite évacués à la brouette. Cette personne est en permanence sur la plateforme. Enfin, la troisième personne stocke les déblais et récupère les éléments détritiques sortis du puits. Une station de tamisage a été installée en cas de découverte de sédiments organiques à tamiser sur place.Une fois bien rodée, ce fonctionnement permet de gérer l’extraction de 3 m3 de déblais par jour. Ainsi, le colmatage du puits 200, qui représente un volume de plus de 20 m3 de terre, a été extrait en 7 jours, montage et démontage de la plateforme inclus.

1.8.2. Les concrétions calcaires (Fig. 44 et 45)

Très rapidement, le profil infundibuliforme du puits US 200 évolue vers des parois verticales. Le conduit affecte une forme carrée de 1,3 m de côté. Á -2 m de profondeur (84 m ngf), une gangue de calcite apparaît le long des parois. Cette concrétion résulte d’une précipitation chimique (cristallisation) de l’eau contenue dans les nappes aquifères de surface, chargée en gaz carbonique et en calcaire dissout. Lorsque cette eau arrive à l’air libre, il se produit une évaporation du CO2 qu’on appelle dégazage et qui entraine le dépôt du calcaire par précipitation : c’est la calcite ou CaCO3.Cet indice est important car il permet d’orienter l’interprétation de cette structure et d’anticiper notre investissement. En effet, la formation de ce dépôt suggère un fonctionnement du puits en espace ouvert, la cristallisation de la calcite ne pouvant se produire en milieu clos ou étanche. Cet ouvrage n’est donc pas un puits « classique ». En s’appuyant sur l’exemple de la fouille de Mazeran en 2009, nous pouvons prétendre à la présence d’un puits d’exploitation d’une nappe perchée.

Á partir de 4,6 m de profondeur, au point d’altitude de 81,4 m ngf, le dépôt de calcite dépasse 0,1 m d’épaisseur. Ces concrétions tapissent les quatre côtés du puits d’une épaisse couche blanchâtre à jaunâtre, hormis dans certaines parties des angles du puits carré (Cl. 5). Cette absence a été interprétée comme le négatif d’une structure en bois disparue ayant pu appartenir à une ossature liée au creusement (étaiement) ou au soutènement d’une plate forme de travail ou d’une descenderie.Cl. 5

Absence de calcite à l’angle N/E du puits 200.(Cl. : Équipe Inrap)

52 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Sur la surface de ces concrétions calcaires, on remarque un microrelief constitué d’ondulations serrées qui forment comme de minuscules vaguelettes. La tranche de certains échantillons est striée de multiples couches aux couleurs claires. Ce dépôt réduit la section intérieure du puits à 1,1 m (Fig. 44). Le décompactage lié à l’extraction des comblements fait apparaître des fissures sur ces parois minérales et provoque une déstabilisation de l’ensemble qui menace la suite de l’opération. La décision d’écrouler cette gangue calcaire est rapidement envisagée. Aussi, plusieurs centaines de kilos de pains de calcite ont été extraites du puits afin de poursuivre la fouille (Fig. 45).

1.8.3. La galerie drainante souterraine GDS 03 mise au jour (Pl. 17 et 18)

Á -7 m de profondeur (79 m ngf), un surcreusement est pressenti à l’endroit où le rideau de calcite disparait. Taillée dans le substratum miocène formant des passées sableuses jaunâtres et verdâtres, une voûte apparaît. Á ce niveau, la couche de comblement (US 204) se caractérise par une texture argileuse d’aspect grisâtre, chargée de nodules et de pépites de manganèse. Cet horizon sédimentaire est lessivé. Il subodore la présence d’eau et l’existence de régimes de fluctuation. Effectivement, à ce niveau d’intervention, l’eau commence à sourdre et la pompe hydraulique ne quitte plus la zone d’extraction des déblais.

Le fond du puits est atteint à -10,8 m, à l’altitude 75,65 m ngf. Sans être alerte, le régime d’eau est régulier et inonde toute la zone de fouille pendant la nuit. Le sens d’écoulement s’effectue du Nord Est vers le Sud Ouest. La fouille horizontale à partir du fond du puits met en évidence deux creusements opposés, orientés selon un axe N/NO-S/SO qui matérialisent un tunnel. La vidange du colmatage d’une section de ce boyau sur 1,7 m de longueur permet d’identifier une nouvelle galerie souterraine, baptisée galerie GDS 03 (PL. 18).Cette galerie est creusée à la sape. Elle n’est pas bâtie. Sa hauteur sous voûte avoisine 3 m et sa largeur 1,1 m. Le fond a un profil en « U » ouvert, il est tapissé d’une pellicule de calcite. Les parois à la base du puits forment un ressaut suggérant un possible aménagement non interprété. Toute la surface à l’aplomb du puits est largement recouverte de concrétions de calcite.La voûte forme un arc taillé dans la molasse, les bords sont verticaux et ne sont pas concrétionnés à l’intérieur de la galerie. La coupe Nord fait apparaître un niveau de calcite au niveau d’un épaulement visible sur la paroi et forme comme un petit rétrécissement. Aucun aménagement de type canalet n’a été découvert.La fonction de cet ouvrage est semblable à celle que nous avions étudiée lors de notre intervention sur Mazeran (GDS 01) : c’est un puits qui sert à l’exploitation d’une nappe perchée.Faute de temps et en l’absence de moyens techniques adaptés à la fouille de ces galeries, l’investissement porté au puits US 200 est terminé.

1.8.4. Colmatages et dynamiques de comblements (Pl. 19)

L’interprétation des remplissages de ce type de structure est tributaire du colmatage ou non de la galerie souterraine. a) - La galerie souterraine est comblée : c’est le cas de la galerie GDS 01 découverte à Mazeran en 2009. L’apport sédimentaire en amont et son dépôt lité finissent par engorger puis asphyxier presque totalement le conduit. L’eau continue cependant de s’écouler.Le comblement du puits s’appuie sur le bouchon formé par les sédiments déposés et stabilisés dans la galerie. L’ensemble des remplissages est fixé ; il n’y a pas dispersion des matériaux.

N/NO S/SE

Calcite

86,55 ngf

75,65 ngf

Niveau plateforme

US 201

US 202

US 203

US 204

US 205

US 208Calcite

Miocène Miocène

US 213

Fig. 49 : Pro�l N/NO-S/SE du Puits US 200

B

S/SO N/NE

86,55 ngf

75,65 ngf

Niveau plateforme

US 201

US 202

US 203

US 204/209

US 205

US 208 = 210

US 211= 212 = 214

US 213

Calcite

Calcite

Miocène Miocène

A

Fig. 50 : Pro�l S/SE-N/N0 du Puits US 200 et de la GDS 03

Miocène

Sens d'écoulement

A

B

N

Fig. 48 : Relevé zénital et emplacement des axes (Le carré noir correspond à la fenêtre de descente

de la plateforme)

4 m

PL. 17 : Plan et coupes du Puits US 200

53II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de BéziersInrap · RFO de fouille

55II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

1 m1 m

1 m

Fig. 51 : E�ondrement au contact puits/galerie (Partie Sud/Sud-Ouest)

Fig. 52 : Départ de la galerie Sud/Sud-Ouest

Fig. 53 : Coupe stratigraphique de la galerie (Côté Nord/Nord-Est)

Fig. 54 : Détails stratigraphiques avec 2 niveaux de fonctionnement

Fig. 55 : Relevé des pro�ls du puits et de la galerie Fig. 56 : La galerie en activité une dernière fois...

PL. 18 : Présentation de la galerie drainante souterraine GDS 03DAO : R. Haurillon

1

2

56 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

9

10

75,65 ngf

Calcite

Miocène Miocène

Miocène

Lessivage

Comblement en dôme

Soutirage

1

2

3

4

9

10

75,65 ngf

Calcite

Calcite

Miocène Miocène

Miocène

Lessivage1

2

3

4

5

Fig. 58 : Phase 2 - Stabilisation horizontale des comble-ments dans la galerie après l'e�et combiné du soutirage/lessivage. Le processus de remplissage est terminé

DAO : R. Haurillon

PL. 19 : Schéma d'interprétation de la dynamique de comblement du Puits US 200

et de la galerie GDS 03

4 m

Fig. 57 : Phase 1 - Abandon. Le puits d'exploitation est comblé mais pas la galerie.Début du processus de lessivage/soutirage en espacemal colmaté

57II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

b) - La galerie souterraine n’est pas comblée : c’est le cas ici de la galerie GDS 03 (Fig. 57). La fouille du puits et d’une petite section de galerie permet de supposer que l’ouvrage a été condamné rapidement, sans précaution préalable. D’importants volumes de terre ont été jetés dans le puits, sans tenir compte de l’espace vide dans la galerie et dans laquelle l’eau devait encore circuler. Mal compacté, ce remplissage a provoqué un ou plusieurs effondrements sous l’action répétée du soutirage et du lessivage. Le laps de temps entre un ou plusieurs effondrements et le moment où ce « trou » a été comblé définitivement a pu s’étaler sur plusieurs siècles. Les couches situées dans le puits sont représentées par des limons bruns moyens et peu compacts (US 201 à 203). La nature « légère et aérée » de ces couches s’explique par un tassement partiel, dépendant des instabilités occasionnées par les phénomènes cités plus haut.

Á force de remblais, l’ouvrage finit par trouver son équilibre de comblement. Les volumes de terre jetés dans le puits se sont peu à peu « horizontalisés » dans la galerie, sous l’effet combiné du lessivage et du tassement (Fig. 58). Les sédiments de la partie inférieure de l’ouvrage s’apparentent à des limons sableux très argileux, gris-jaunâtres, très compacts (US 204 à 214) qui donnent l’impression d’un trempage et d’une décantation générale. Ces sédiments sont chargés de galets roulés, de nodules de concrétions calcaires et mitraillés de billes de manganèse. Ces horizons ont subi l’action répétée des fluctuations du niveau d’eau, à l’intérieur de l’ouvrage hydraulique souterrain.

1.8.5. Datation des comblements

Le matériel récolté dans les différentes couches est constitué de petits fragments de céramique, de nombreux éléments de construction (tegulae, briques) et un nombre important de restes osseux d’animaux, souvent connectés. L’essentiel du mobilier appartient à la période antique. Un seul fragment mal identifié fait courir sa chronologie sur plusieurs siècles (entre le VIe et le XIIIe siècle ap. J.-C.).L’ensemble reste homogène et ce, malgré la présence à 150 m d’une aire d’activité constituée d’une centaine de silos et de sept fours de potiers et tuiliers datée de la période médiévale. Ces ateliers à forte densité de dispersion et d’épandage de tessons, « n’apparaissent » pas dans les couches sédimentaires du puits US 200. Un second puits d’exploitation, identique à celui que nous avons mis au jour, a été découvert pendant la fouille de cette occupation médiévale (Lécuyer 1990). L’étude du comblement de ce puits, enregistré puits 50, n’a pas révélé de matériel contemporain de cette activité. Nous en concluons donc que ces deux puits étaient comblés avant ces évènements.

1.8.5.1. Datation radiométrique Une datation C14 à partir de restes osseux n’offre pas un grand intérêt au regard du schéma de comblement que nous avons interprété. Par contre, une datation radiométrique du fonctionnement du puits US 200 est en cours : « Un échantillon de calcite appartenant au puits US 200 a été prélevé pour datation. En effet, la concrétion qui enduit les parois du puits 200 est contemporaine de son fonctionnement. Il est possible d’en effectuer la datation par la mesure du déséquilibre des isotopes de l’uranium et du thorium. En datant les premières lamines (contre la paroi initiale du puits) et la dernière (qui était au contact de l’eau), on peut caler chronologiquement toute la période de fonctionnement du puits. L’avantage de cette méthode est qu’elle est très précise, même pour les périodes récentes, et qu’elle s’affranchit des problèmes de paliers rencontrés dans les datations C14.

58 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Cette approche peut être couplée à la réalisation de lames minces qui auront pour intérêt d’identifier des discordances (nettoyage du puits, assèchement...). Leur observation permet également de savoir si le puits était protégé de la lumière du jour ou non. Dans ce dernier cas, des algues se sont obligatoirement développées contre les encroûtements de calcite et ont interféré avec les processus de cristallisation de la calcite.Enfin, en même temps que la datation U/Th, il est possible de mesurer les isotopes stables de l’oxygène (O18) et du carbone (C13). Ces isotopes renseignent sur les températures et l’importance de la végétation à l’époque où ce puits était fonctionnel. »15

Dans l’attente de précisions chronologiques, une datation antique lato sensu de cette structure est proposée.

1.9. L’étude céramique (P. Rascalou, céramologue Inrap)

1.9.1. L’ensemble puits US 01/galerie drainante souterraine GDS 02

« La fouille du puits 01 et de la GDS 02 nous apporte un lot relativement conséquent de fragments de céramiques ou de terres cuites architecturales. L’ensemble de ces éléments se rattache au Haut-Empire au sein de la période gallo-romaine. La distinction entre le mobilier issu des niveaux liés à l’installation de la structure, à son fonctionnement ou encore à son colmatage définitif ne permet pas de saisir une évolution chronologique. La période de production des céramiques les plus récentes, comme les brunes orangées du Biterrois, les africaines de cuisine ou les formes flaviennes en sigillée sud-gauloise, se trouvent en effet dans les niveaux d’installation.

1.9.2. Eléments de datation de l’implantation du puits 01

Les éléments de datation de la construction du puits se retrouvent dans son parement (US 02) ou dans les comblements liés à l’installation de la structure (US 03, 05, 09 et 10). On dispose de 22 fragments de vaisselle et de 5 fragments d’amphores. Ces dernières proviennent de Tarraconaise (1 fr.), de Bétique (1 anse et 2 fr. de Dressel 20) ou de la région (1 fr.). Au sein de la vaisselle, une majorité de tesson appartient à la catégorie des brunes orangées du Biterrois. On y rencontre le fond d’une possible urne de type A1 et le bord d’une marmite B1 (Fig. 59, 6, 8). Ils sont associés à un fragment de couvercle Hayes 196 en céramique africaine de cuisine (Fig.

59, 9). Parmi les 2 fragments de sigillée sud-gauloise se trouve une coupe Drag 37. Des éléments sans doute plus anciens sont également présents. On relève en effet le bord d’une marmite, de type caccabus, SABL-O B7 (Fig. 59,

4). Enfin, quelques tessons à pâte claire (3 fr.) ou en commune sableuse grise (1 fr.) complètent ce lot. Des éléments architecturaux ont été remployés, comme des fragments de tegulae (14 fr.) ou encore un bloc taillé en calcaire coquillier (Fig. 60, 11).L’association de céramiques brunes orangées du Biterrois, d’africaine de cuisine et d’une forme flavienne en sigillée sud-gauloise situe l’ensemble au plus tôt dans la première moitié du IIe s. ap. J.C.

15. Explication fournie par L. Bruxelles, géomorphologue Inrap

59II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

us 18 1

us 157

us 04

10

us 03

6

us 03 4

us 10 8us 10

9

cm0 15

us 043

us 04

2

us 12

5

Fig. 59 : Céramiques du puits US 01Sigillée sud-gauloise (1-2), pâte claire (3), commune sableuse oxydante (4-7), brune orangée du Biterrois (8), africaine de cuisine (9), commune sableuse réductrice (10)

DAO : P. Rascalou

11 12

Fig. 60 : Mobilier du puits US 01Bloc de calcaire coquillier (11) et tuyau en terre cuite (12)

PL. 20 : Quelques éléments du puits US 01 et de la GDS 02

60 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

1.9.3. Datation du comblement du puits US 01

Les comblements inférieurs du puits (us 11 et 12) se distinguent du colmatage supérieur par la présence de plusieurs fragments de cruches. On y retrouve 8 fragments, dont un départ d’anse, en céramique à pâte claire et 17 fragments, avec un fond, de céramique brune orangée du Biterrois (Fig. 59, 5). Á côté de cette vaisselle, les éléments architecturaux sont plus rares (1 fr. de tegula). On relève la présence d’un fragment de tuyau en terre cuite (Fig. 60, 12). Il est sans doute aussi à mettre en relation avec le fonctionnement de la structure. Ces quelques témoins n’apportent pas de précisions chronologiques par rapport aux niveaux d’installation.Il est probable que le comblement supérieur du puits (us 04) soit intervenu tardivement, ou du moins sur un rythme plus long. Le matériel n’est pas très volumineux mais surtout plus varié, avec aux côté des éléments de vaisselle, des amphores (1 anse de Dressel 20 et 3 fr. de gauloise), toujours de terres cuites architecturales (tegulae) et quelques éléments de faune (1 os et 1 coquillage).La vaisselle ne présente pas de caractères fonctionnels particuliers par rapport à l’utilisation du puits : un fragment de coupe Drag 37 en sigillée sud-gauloise, un bord de cruche en céramique à pâte claire et un bord de couvercle en commune sableuse grise (Fig. 59 - 2, 3 et 10). Ces éléments typologiques ne sortent pas du cadre chronologique fixé.

1.9.4. Datation du colmatage de la galerie drainante souterraine GDS 02

Le mobilier récolté dans les niveaux de sédimentation comblant la galerie drainante (us 15 à l’ouest ou us 07, 13 et 18 à l’est) est assez maigre. On dispose de seulement quelques éléments en céramique. Un petit fragment de sigillée provient d’un bol Drag 27 et six fragments à pâte sableuse à cuisson de type oxydant appartiennent à une urne de forme SABL-O A10 (Fig. 59,

1, 7). Un fragment à pâte calcaire de lampe à huile, plutôt bien venu dans un tel contexte, est également présent. Ces éléments restent dans le cadre chronologique du Haut-Empire (Ier-IIIe s. ap. J.C.)La fouille du puits US 01 et des galeries drainantes du Garissou apporte des lots de mobiliers que l’on place dans le Haut-Empire. Il ne nous est pas possible d’être très précis sur la période de construction et d’abandon de cet ouvrage. L’association de formes flaviennes en sigillée sud-gauloise, de céramique brunes orangées du Biterrois et d’africaine de cuisine situe l’ensemble au cours des IIe et IIIe s. ap. J.C. Il n’y a pas d’éléments susceptibles d’émettre un doute sur une implantation plus tardive en envisageant que ce matériel puisse être résiduel. L’aspect des tessons n’indique d’ailleurs pas qu’ils puissent provenir d’un épandage antique à la surface du sol et être piégé dans l’excavation. Les cassures ne sont pas franchement érodées. L’ensemble nous paraît donc homogène.La présence d’un matériel antique dont la fonction paraît répondre à la spécificité de la structure est également à prendre en compte. Même s’ils ne sont pas nombreux, on retrouve en effet essentiellement des éléments de cruches dans les derniers niveaux de fonctionnement. Elles peuvent permettre de façon opportuniste le puisage de l’eau qui s’écoule au fond du puits. La présence d’une lampe est plus anecdotique mais permet d’envisager un éclairage pour l’entretien des galeries.

61II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

1.9.5. L’ensemble puits US 200/galerie drainante souterraine GDS 03

La fouille du puits US 200 et d’une section de galerie souterraine livre en assez grand nombre du mobilier. On y retrouve essentiellement des témoins de la période gallo-romaine, sans doute même du Haut-Empire. La vaisselle en céramique est peu présente avec seulement une quinzaine de tessons. Ils se répartissent régulièrement sur l’ensemble du comblement. Les gros éléments, tels que ceux appartenant à des amphores (37 fr.) ou des terres cuites architecturales, sont bien plus nombreux. Une douzaine de kilogrammes de tuiles a par exemple été remontée du puits. Ces éléments sont, dans la plupart des cas, en position résiduelle. Il est donc difficile de s’appuyer sur ceux-ci pour donner une datation même si l’ambiance chronologique est indéniablement antique. Ils ne présentent pas non plus de caractères fonctionnels spécifiques à la structure comme cela a pu être observé sur le premier puits/regard fouillé à Mazeran (Haurillon et al 2011)16. Dans le comblement du puits, associé à d’importants rejets de faune (carcasses d’animaux), un élément pourrait se rattacher au Moyen âge. Il s’agît d’un pot en céramique commune grise dont nous rapprochons le profil à une forme produite sur l’atelier du Garissou (Lecuyer 1992). Le processus de comblement de la galerie et du puits, avec des effets de lessivage et de soutirage sans doute très importants (cf. supra), permettent d’envisager une période de formation très longue du colmatage définitif et bien postérieure au fonctionnement de l’ouvrage.

1.9.6. Le mobilier des niveaux inférieurs du comblement de la galerie GDS 03

Les premiers niveaux de sédimentation de la galerie souterraine (us 211 et 213) livrent peu de mobilier. Seuls quelques gros éléments, tels que des fragments d’amphores (4 fr.) ou de tegulae (4 fr.) sont présents. Des os ou fragments osseux ont également été collectés (12 fr.). L’association de tessons d’amphores italiques (2 fr.) d’époque tardo-républicaine et d’amphores gauloises (2 fr.) du Haut-Empire nous conduit à considérer ce matériel comme résiduel et peu fiable d’un point de vue chronologique.

1.9.7. Le mobilier des niveaux supérieurs du comblement de la galerie

Les niveaux de sédimentation comblant la partie supérieure de la galerie (us 205, 208 et 210) ne sont guères plus riches. Le mobilier paraît néanmoins plus varié avec la présence de quelques éléments de vaisselle en céramique (1 fr. de brune orangée du Biterrois et 1 fr. de commune sableuse grise), de la faune (10 fr. d’os) et d’un morceau d’une fibule en bronze (Fig. 61, 13). Le matériel reste toujours bien marqué par les tessons d’amphores (2 fr. de Tarraconaise) ou les fragments de tuiles (6 fr. de tegulae et 3 fr. d’imbrices). Á ces matériaux de construction s’ajoute d’ailleurs un fragment de plinthe en marbre. Là encore, l’impression qui domine est celle d’un matériel issu de la destruction d’un établissement antique et donc largement résiduel. Toutefois, et sans doute est-ce dû à la pauvreté de l’échantillon, rien ne permet d’établir une datation post-antique pour le fonctionnement de la galerie souterraine.

16. Dans ce cas, après colmatage de la galerie, la présence d’eau au fond du puits a permis la poursuite de son utilisation

62 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

0

25mm

us 203

14

0 15 cm

13

15

Ech 1:2

0

10cm

us 210

us 200

Fig. 61 : Mobilier du puits US 200Fragment de �bule (13), céramique sableuse grise (14) et tegula (15)

Fig. 62 : Les pots de type 16 de l’atelier du Garissou (1-5) (d’après Lecuyer 1992) et celui du puits US 200 (14).

14

1816

17us 200

us 200us 201

0 10

cm

Fig. 63 : Mobilier du puits PT200. Fragments de tegulae réutilisés (16-18)

PL. 21 : Quelques éléments du puits US 200 et de la GDS 03

DAO : P. Rascalou

cm0 5

cm0 5

63II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

1.9.8. Le mobilier des premiers niveaux de colmatage du puits

Le mobilier issu des niveaux inférieurs du puits (us 203 et 204) présente tout autre chose. De façon opportune, l’excavation reçoit les restes de faune (carcasses d’animaux). Plus de 200 os ou fragments osseux, constituant plus de 3 kilos, ont été recueillis. Le mobilier céramique reste pauvre et toujours marqué par la présence de gros matériaux tels que des fragments d’amphores (1 fr. d’italique, 2 fr. de Tarraconaise et 3 fr. d’amphores diverses d’identification incertaines) ou de tuiles (8 fr. de tegulae et 1 fr. d’imbrex). La vaisselle n’est illustrée que par un seul tesson à pâte sableuse oxydante.Á côté de ce matériel résiduel antique, 4 fragments de céramique appartiennent à un même pot à pâte sableuse et cuisson de type réducteur. Mise à part la faune, c’est le seul témoin qui ne semble pas franchement résiduel. Il constitue donc l’élément datant pour la formation de ces couches. Seule nous est parvenue la partie haute du vase (Fig. 61, 14). Le pot est sans col avec un bord déversé, peu épaissi et marqué par quelques facettes. La lèvre est légèrement pincée, créant de très fines gorges sur les faces intérieures et extérieures. La pâte est semi-fine, de couleur grise, uniforme en tranche et bien plus sombre en surface. Elle est bien fournie en paillettes de mica et les éléments non plastiques (quartz ?) sont peu présents. Une incision, fortuite ou non, est présente sur le haut de panse. Son profil se rapproche de celui de pots bien connues, classées sous le type 6a (CATHMA 1993), et constituant de bons marqueurs chronologiques pour la fin de l’Antiquité et du Haut Moyen-âge. Ces derniers se distinguent de notre exemplaire par des bords en bandeau offrant des profils en poulie avec une gorge interne. Il surmonte un col généralement bien marqué. Le renvoi au type 16 de l’atelier du Garissou (Lecuyer 1992, fig. 27. 1-5) paraît bien plus évident (Fig. 62, 14). Cet atelier prendrait place après une première occupation du site autour du XIIe siècle. Les datations archéomagnétiques conduites sur les fours confortent une période d’activité au cours du XIIIe siècle. Pour cette période, des rapprochements peuvent encore être faits avec les productions des ateliers de céramiques communes, rouges ou grises, des ateliers d’Argelliers ou de Saint-Gilles-du-Gard. Néanmoins, pour un profil de bord somme toute assez simple, il restera difficile de s’arrêter sur un renvoi typochronologique assuré.

1.9.9. Le mobilier des niveaux supérieurs de comblement du puits

Le mobilier recueilli sur le reste du conduit (us 200, 201 et 202) est à l’image des comblements inférieurs. On y retrouve surtout des éléments résiduels de gros matériaux, des amphores (1 fr. d’italique, 5 fr. de Tarraconaise, 1 fr. de Bétique et 3 fr. de gauloises) et surtout des tuiles (17 fr. de tegulae et 3 fr. d’imbrices). Un fragment de tegula présente la marque [FECI] (Fig. 61, 15). Seulement deux éléments peuvent se rattacher à de la vaisselle (1 fr. à pâte claire et 1 fr. de commune sableuse oxydante). On note quelques éléments pouvant être plus tardif. Il s’agît de fragments de tuiles récupérés, taillés, perforés ou partiellement creusés (Fig. 63). Ce type d’objets fabriqués à partir de matériaux de récupération se rencontre régulièrement sur les sites postérieurs à l’Antiquité et implantés à proximité d’établissements gallo-romains importants. Ils constituent de maigres indices allant vers une datation post-antique au comblement du puits.Les collectes de mobiliers effectuées au cours de la fouille du puits PT200 ont apporté d’assez nombreux éléments de céramique. L’essentiel du mobilier est daté de la période antique, généralement plutôt du Haut-Empire. Si l’on envisage un probable fonctionnement de l’ouvrage au cours de l’Antiquité, les témoins présents paraissent tout de même en position résiduelle. On trouve surtout des fragments de gros éléments, tels que ceux d’amphores ou de tuiles. Il reste donc difficile d’établir une datation

64 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

plus précise pour la construction de l’ouvrage au cours de l’Antiquité. Les derniers niveaux de comblements n’apportent pas plus de précisions chronologiques. Ils ont pu se former très tardivement. La présence d’un bord de pot dont le profil renvoi à un type fabriqué durant l’Antiquité tardive ou même à une production locale du XIIIe siècle reste troublante. Toutefois, l’importance du lessivage des sédiments dans la galerie comme celui du soutirage des comblements du puits a sans doute maintenu très longtemps une excavation en surface. Une telle dynamique de comblement alliée à une utilisation vraisemblablement prolongée d’un tel ouvrage ne s’oppose donc pas à la présence d’un élément bien plus tardif dans le conduit.

1.10. Quelques réflexions concernant les restes osseux découverts dans le puits US 200 (V. Forest, archéozoologue)

« Plus de 200 os ou fragments osseux, d’un poids total de plus de 3 kilos, ont été prélevés lors de la vidange du puits-regard US 200. Ils ont fait l’objet d’un tri rapide des vestiges couche par couche, afin de cerner la nature et l’organisation spatiale de l’assemblage, et trouver d’éventuels éléments datant. L’ensemble est composé de plusieurs squelettes partiellement conservés/prélevés (porcins, chiens, blaireau (x), ânon) et d’ossements disparates dont l’interprétation est à approfondir. Les os de bovins résulteraient de découpe, et seraient issus d’animaux divers. Au contraire, des os longs d’ovicaprins ou de lagomorphes (lièvre et lapin) pourraient provenir par paire gauche et droite de mêmes animaux dont manifestement seules quelques régions des squelettes nous seraient parvenues. Les assemblages par couche se différencient bien les uns des autres dans leur composition. Chaque squelette notamment se cantonne à une seule couche. Il ne semble pas que des mouvements de l’une à l’autre aient pu se produire. Les premières conclusions concernant la datation des abandons des restes animaux reposent sur deux types de données : les espèces présentes et la morphologie (corpulence) des animaux. Le squelette d’ânon, assez exceptionnel, et quelques ossements de chat (?) évoquent plutôt l’Antiquité tardive et le Moyen-Âge, d’après la dynamique de diffusion de ces espèces en Languedoc durant la période romaine. Les dimensions d’un métacarpe bovin dans l’US204 plaident plutôt pour une période postérieure au VIIe s. inclus. Quelques sondages ostéométriques sur des os d’ovicaprins et de bovins, dont il faudrait confirmer l’impression par une étude archéozoologique complète, suggèrent même les XIIIe-XIVe s. Au contraire, la scapula de bovin de l’US213 serait plus nettement antique (Ier ap. – début VIIe s.) »

1.11. Des données paléo-environnementales décevantes (I. Figueral)

« La découverte des deux nouvelles galeries drainantes souterraines, avec des niveaux préservés sous la nappe phréatique nous permettait d’envisager une étude archéobotanique, afin d’obtenir des informations sur l’environnement végétal local et sur la vocation économique des parcelles. En effet, les contextes humides sont très favorables à la conservation de la matière organique.Sur le terrain, les prélèvements effectués dans les deux structures ont concerné :a) Le puits Us 01 et la galerie GDS 02 : l’Us 04 a été choisie, au détriment

de l’Us 11 (la plus profonde). Celle-ci correspond en effet au dépôt

65II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

d’argile dans le bassin de décantation et nous avons considéré qu’il était peu probable que le matériel organique se soit conservé.

b) Le Puits Us 200 et la galerie GDS 03 : les trois couches les plus profondes (Us 211, 212 et 214).

Au laboratoire, les tests réalisés se sont avérés négatifs, c’est-à-dire que les couches étudiées étaient stériles. Deux hypothèses peuvent être avancées pour essayer d’expliquer ce résultat décevant : - un assèchement temporaire (de courte ou longue durée) des niveaux

actuellement sous l’eau, en raison des battements de la nappe perchée.- un entretien régulier des structures afin d’éviter leur engorgement, suivi

d’abandon et du comblement rapide des structures.»

1.12. Qanats, hyponomoï, cuniculi, GDS biterroises : un même concept hydraulique

La découverte de la galerie souterraine de Mazeran (GDS 01) et celles du Garissou (GDS 02 et 03) forment un petit corpus localisé au Nord-Est de Béziers. Leur aspect technique est comparable à certains ouvrages hydrauliques recensés essentiellement dans tout le pourtour méditerranéen. Dans son article sur les galeries drainantes17, D. Larcena résume ainsi ces ouvrages : -« La technique particulière de la galerie drainante est à l’origine une technique minière d’exhaure mise au point, vraisemblablement dès le IIe millénaire av. J.-C., sur le plateau iranien ou en Arménie. C’est sur le glacis intérieur qui borde les dépressions iraniennes que les « Kirez » ou « qanats » sont les plus nombreux et identifiés comme les plus anciens. A partir du centre iranien, la diffusion s’est propagée vers l’Ouest. »

1.12.1. Le qanat (Fig. 65)

De nombreux textes anciens grecs et latins font références à ces ouvrages. Cependant, ces derniers sont observés par des témoins qui ne saisissent pas forcément toutes leurs subtilités techniques et les décrivent en des termes mal appropriés ou par des mots polysémiques. Aussi, lorsque les études philologiques s’attaquent à ces descriptions, l’interprétation du sens originel de ces textes constitue un débat passionnant (Briant 2001).

L’ingénieur des mines, H. Goblot, fut l’un des premiers à faire l’historique de ce type d’exploitation de l’eau dans son ouvrage incontournable sur les qanats (Goblot 1979). Il écrit : - « Des auteurs les ont décrits comme des « aqueducs », ce qui est parfaitement inexact, et ne donne qu’une idée insuffisante de leur signification. Au vrai, ce sont des mines d’eau, constituées par des travers-bancs, reliés à la surface par des puits dont les orifices, alignés, forment la projection du trajet de la galerie… ». H. Goblot précise que le qanat ne doit pas être confondu avec : «…des techniques qui supposent un transport d’eau par des ouvrages, totalement ou en partie souterraines, mais qui exploitent des eaux visibles (source, rivière, lac) et non pas souterraines ».

P. Leveau, complète la définition de cet ouvrage en ces mots (Leveau 2010) : -« Le terme « qanat » désigne un type d’ouvrage hydraulique que l’on rencontre le plus souvent dans les zones arides et semi-arides d’Eurasie et d’Afrique du Nord sous une très grande diversité de dénominations. Il est utilisé pour décrire une méthode de creusement des galeries hydrauliques à partir de puits régulièrement espacés et formant une ligne continue. Dans

17. Géographe, chercheur et professeur à l’École des hautes études en sciences sociales, D. Larcena a écrit notamment : « Derrière la fontaine, l’eau cachée ». Encyclopédie du Ventoux – Alpes de Lumière

66 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

le cas de longues galeries creusées à une grande profondeur, l’évacuation des matériaux et la ventilation nécessitaient le creusement de puits ou de descenderies ». Ce même auteur précise : «…qu’une très grande variété du vocabulaire est utilisée par les communautés paysannes qui construisent ces ouvrages hydrauliques : Kiraz ou khariz iraniens et afghanes, foggaras sahariennes, khettara ou targa du Sud-Est marocain, falaj du Sultanat d’Oman, sahrig du Yemen, ngoula ou kriga de Tunisie, chegga à Bou Saada (Grewe 1998, n. 45, p. 197), auquel on ajoutera minas et cimbras de la Péninsule ibérique ou encore « mines d’eau » françaises ».

C’est donc un système hydraulique qui se caractérise par le creusement d’une galerie souterraine à partir de puits régulièrement espacés. Issu d’une tradition minière, cet ouvrage exploite l’eau cachée ou infiltrée contenue dans des aquifères poreux à de grandes profondeurs. Dans le jargon archéologique, le terme générique de qanat est fréquemment utilisé pour décrire un concept technique. On parle alors de « creusement en puits/galerie de type qanat ».

1.12.2. L’hyponomos ou hyponome

Les fouilles préventives effectuées ces dernières années en Egypte ont permis de redécouvrir des aménagements hydrauliques datant de l’époque hellénistique et utilisés jusqu’à l’époque arabe (Hairy 2009). Appelées hyponomoi du nom de l’ingénieur Hyponomos, conseiller technique d’Alexandre le Grand, ces systèmes se caractérisent par un série de puits et de galeries drainantes qui alimentaient des citernes comme celles découvertes à Alexandrie. Les puits exploitent la nappe contenue dans les sables sédimentaires et dans les couches d’altération des grès dunaires (niveaux déstructurés). Les galeries ou hyponomoi, collectent les eaux souterraines et les portent vers des citernes de stockage.La mise en œuvre et le mode d’exploitation des galeries biterroises GDS 01 et 03 sont identiques à ces hyponomoi : les puits de ces deux ouvrages transpercent les nappes perchées stagnant dans des horizons géologiques déstructurés avant de s’infiltrer dans les couches miocènes gréseux compacts et indurés. L’eau contenue dans ces niveaux est collectée par percolation. La récolte des eaux cachées est ensuite emmenée dans de vastes citernes.Dans son opus, H. Goblot fait une remarque pertinente en précisant : « …C’est certainement en Egypte que les Romains ont appris à bien connaitre et construire les qanats…très tôt et longtemps province romaine hors des révoltes et des guerres orientales, les Romains ont dû trouver des techniciens avertis, si bien qu’ils furent sans doute les instigateurs et les instruments d’autres transferts. »

1.12.3. Le cuniculus étrusque (cunicule)

Avec les exemples du qanat ou de l’hyponomos, il faut mentionner un système de drainage similaire, découvert en Italie au siècle dernier. Dans un courrier adressé au Directeur de l’Ecole française de Rome en 1882, De La Blanchère mentionne un système de drains-tunnels dont les restes s’observent partout dans les tufs de l’agro romano (De La Blanchère 1882)18 : « C’est un réseau de petits tunnels non maçonnés, de cuniculi, comme disaient les anciens, qui existe partout dans la campagne romaine…Ces étranges cuniculi, dont j’ai exploré, mesuré, dessiné une centaine, existent partout dans les tufs latins. Ils ont 1,5 m environ de haut, de 0,7 à l m de large, parfois plusieurs kilomètres de long, et s’enfoncent en certains cas jusqu’à plus de 15 m sous Terre… ».

18. P. 94-106

67II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

Dans cette même correspondance, C. Tommasi-Crudeli19 ajoute les propos suivants qu’il tient d’une de ses connaissances, un certain Joseph De Michèle, natif de Barète (district de Pizzoli, Province d’Aquila20) : … « Il nous a raconté que toutes les personnes de sa famille ont travaillé, de père en fils, au creusement de cuniculi tout-à-fait semblables, même sur des longueurs de 300 à 400 mètres; et il nous a décrit, avec une précision classique, les outils dont on se sert pour ce travail, la manière de s’en servir et les procédés qu’on emploie pour se diriger sous terre sans dévier de la ligne droite, pour assurer l’uniformité des pentes, etc. etc. …On entreprend ces travaux surtout pour épuiser les conques des collines et des montagnes qui manquent de tout écoulement naturel. C’est, comme vous voyez, la copie exacte de ce que M. de la Blanchère a si bien décrit, à propos de l’ancien drainage de la campagne Véliterne21. De Michèle nous a assuré qu’un homme peut creuser dans le tuf une galerie de 1,5 m de haut sur 0, 6 m de large (ce sont les dimensions moyennes des cuniculi de la campagne de Rome) en avançant à raison de 0,8 m par jour, au moins. C’est une donnée qui peut servir à calculer approximativement ce que peut coûter un pareil travail ».Dans sa définition22, De La Blanchère insiste sur le fait que le drainage cuniculaire consiste à : « soutirer l’eau sous la couche absorbante, et l’écouler souterrainement afin d’enlever l’humidité sans éroder la surface des terres. Il est creusé au dessous des terrains très perméables du sol, enfoncé plus ou moins dans la couche plus dure qui forme le second étage. Il draine donc le sol désagrégé,… ».

Pendant longtemps, l’origine de ces cuniculi avait été attribuée aux Romains. En réalité, elle est d’époque étrusque et daterait au moins de la naissance de Rome. La création de ce système cuniculaire est donc fort ancienne. Son origine se situe à la même époque que celle des ouvrages perses23. H. Goblot considère ces cuniculi comme des qanats24 et suppose que ces étrusques seraient venus d’Orient où étaient pratiqués déjà l’art des mines et de ces ouvrages. Cependant depuis quelques années, la thèse selon laquelle ce seraient les Perses qui auraient importé cette technique d’Egypte ou d’Oman a ses partisans25.

19. . P.136-146

20. La province de L’Aquila est une province italienne de la région des Abruzzes

21. Une des cinq régions du bassin Pontin, près de Rome

22. Dictionnaire des Antiquité grecs et romaines

23. Ière moitié du Ier millénaire avt J.-C

24. Les qanats, une technique d’acquisition de l’eau, p. 188

25. In colloque « La technologie gréco-romaine entre restitution et reconstitution. Lire entre les lignes, mettre entre les mains », p.18. Déjà cité supra

68 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

1.12.3.1. Le cuniculus et la galerie GDS 02 du GarissouCes cuniculi avaient donc une fonction agricole d’assèchement et d’assainissement des couches superficielles de tufs et de pouzzolanes en soutirant l’eau du sol désagrégé (Cl. 6). Ces remarques permettent d’argumenter l’origine du premier ouvrage reconnu au Garissou. En effet, l’aspect général de la galerie drainante souterraine GDS 02 n’est pas sans rappeler certaines caractéristiques du cuniculus. D’autre par, sans être de même nature, les horizons géologiques dans lesquels sont creusés ces ouvrages ont des propriétés hydrogéologiques communes. En effet, la galerie GDS 02 du Garissou a été creusée dans le miocène gréseux homogène, c’est-à-dire un niveau aquifère structuré. Ce niveau est sous jacent au niveau désagrégé de blocs de molasses gréseuses et de colluvions anciennes carbonatées, US 22 (Fig. 16, 25, 29 et 33). Cet horizon, très hétérogène et très perméable, devait constituer un obstacle à l’assainissement des terrains situés dans cette zone (Cl. 7). Aussi, le creusement de la galerie juste dessous ce niveau ou au niveau du joint de strate aurait pu faciliter l’évacuation de l’humidité de ce secteur. En effet, quelle motivation majeure aurait pu justifier une telle entreprise, au risque de voir s’ébouler la galerie dont la voûte flirtait dangereusement avec l’interstrate, alors qu’il suffisait de creuser 0,5 m plus bas ? Cette position stratigraphique n’est donc pas accidentelle. Il faut y voir là une volonté d’assainir un secteur mal drainé de l’ager beterrensae, comme l’ont fait les cuniculi en Italie.

1.13. Des galeries souterraines biterroises dans les textes du XVIIIe

Deux ouvrages bibliographiques décrivent ce système hydraulique reconnu dans le Biterrois. Intitulé « Les Fontaines de Béziers», le premier dénonce le souci des consules de la ville à se fournir en eau potable (Sabatier 1841). En juillet 1753, l’intendant de la province donne l’ordre de faire vérifier les plans et devis par un certain M. de Garipuy, directeur des travaux de la sénéchaussée de Carcassonne. Il conclue par ces mots : « Il résulte de tout ce détail qu’il n’y a point de source qui fournissent aux fontaines de Béziers, qu’elles ne reçoivent d’autres eaux que celles qui filtrent à travers les terres dans des aqueducs creusés à la sape. Ce moyen de procurer des eaux à une ville qui n’est point dominée par des fontaines naturelles est sans doute très ingénieux et digne des Romains auxquels on en attribue l’invention… » (p. 14).

Cl. 7Défaut d’infiltration après une pluie de Décembre (Puits US 01).(Cl. : P. Forest, Inrap)

Cl. 6Exemple de cuniculus creusé au niveau du joint de strate pouzzolane-tuf (Italie).(Cl. : Internet)

69II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

Dans ce même recueil, il est signalé qu’au mois de pluviose an XII, M. Fontenay, ingénieur de l’arrondissement de Béziers, publie un état descriptif des divers ouvrages existants pour alimenter en eau la ville de Béziers. Dans son inventaire, il signale notamment : «Un aqueduc appelé des Romains26, construit à la sape, partie dans un tuf glaiseux, partie dans le roc, à environ 20 mètres en dessous de la surface de la terre ; la partie connue de cet aqueduc a une longueur d’environ 440 m, sur des largeurs et hauteurs inégales de 2 ou 3 mètres ; il a été pratiqué à cet aqueduc, de distance en distance, des puits ou regards qui s’élèvent au dessus de la surface du terrain ; les eaux transpirent par les côtés et voûtes de cet aqueduc de même que par les parois des regards, et se ramassent à la base… » (p.44).Dans un second ouvrage, « Histoire de la ville et des Evêques de Béziers », le même auteur écrit un paragraphe concernant l’aqueduc de Béziers (Sabatier1854). Dans cet article, l’avocat mentionne celui de la Carrière-Vieille qu’il décrit en ces termes : « …également creusé à la sape, il a une élévation qui varie de 4 à 5 mètres. La voûte est généralement à plein cintre ; en quelques endroits les parois diminuant progressivement vers le sol se resserrent de manière qu’on n’y peut marcher que de côté. Cet aqueduc ne reçoit, au lieu d’une véritable source, que des filtrations ou pleurs de terre ; sa voûte, en quelques parties, est en fer à cheval ; ces deux circonstances me portent à regarder cette conduite comme une construction du Moyen Age ».

Bien que les conclusions concernant l’architecture et le fonctionnement de cette structure restent à réactualiser, ces observations sont particulièrement précieuses. L’origine romaine des galeries décrites par E. Sabatier n’est cependant pas vérifiable, a fortiori si ces dernières ont été exploitées et recreusées pendant plusieurs siècles. Selon J.-L. Andrieu, qui fut le premier à proposer une étude exhaustive concernant l’aqueduc de Béziers, cet ouvrage de la Carrière Vieille aurait alimenté en eau la conduite médiévale de la ville (Andrieu 1990). Ces passages historiques mettent en évidence la similitude des ouvrages observés, désignés alors sous le nom « d’aqueduc », avec le fonctionnement intrinsèque du qanat. Ils appartiennent à un même procédé d’aménagement et d’exploitation d’eau d’un aquifère par un système de puits/galerie.

1.14. L’expérience de Mazeran (Pl. 22)

La référence en matière de galerie souterraine régionale est localisée 500 m au Sud du Garissou, au lieu-dit « Mazeran ». Réalisée dans le cadre de l’opération autoroutière A 75, section Béziers-Pézenas (Haurillon et al 2009), la fouille d’un puits circulaire isolé a permis la découverte d’une galerie souterraine creusée à la sape, 10 m sous terre. Large de 0,6 m pour une hauteur variable comprise entre 1,6 m et 1,9 m, elle est dotée à sa base d’un canalet (drain) construit de blocs posés de chant qui récoltait les eaux de filtration. L’étude a révélé sa parenté avec la technique du qanat et a permis de cerner les fonctions multiples du puits, à la fois creusement, exploitation, regard, entretien, ventilation et accessoirement puits hydraulique lorsque la galerie est colmatée. L’axe de la galerie souterraine est parallèle à un fossé drainant la partie la plus basse d’un talweg orienté Nord-Nord Ouest/Sud-Sud est. Le drainage de tout le petit vallon s’appuie sur un système efficace : le fossé évacue les eaux de ruissellement et de surface, la galerie souterraine récupère et draine les eaux de filtration. L’ensemble semble orienté selon un axe isocline à la centuriation E de Béziers.

26. Aqueduc du Puech d’Hortès décrit plus bas, PL. 24

70 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Fig. 64 : Le principe du qanàt

Labours

1

5

Tranchée de diagnostic

Nord-Ouest

Ph

ase

Dia

gn

ost

ic

Sud-Est

US 01

Limon sableux

Pro�l de la section NOde la galerie

Pro�l de la section SEde la galerie

4 m

73,16 ngf

63,70 ngf

Fosse d'installation

du puits

Colluvions anciennes

Niveau destructuré

Molasse miocène

Niveau induré

PercolationPercolation

Nappe perchée perforée

Ruissellement

Aquifère gréseux

Aquifère gréseux

Paremente�ondré

Transport

Rigoleaménagée

Parement

Fig. 65 : Fonctionnement du puits de Mazeran

PL. 22 : La galerie drainante souterraine de Mazeran GDS 01DAO : R. Haurillon

Fig. 66 : Contact puit-galerie N-NO vu de l'intérieur de la GDS 01

Fig. 67 : Colmatage de la section S-SE de la galerie GDS 01

72Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »Inrap · RFO de fouille

N

Volume d'eau

NNN

NN

Fig. 69 : Vue axonométrique restituée de la citerne

Accès condamné

4 m

6 m ?

5 m

7,4 m ?

4,5 m ?

Regard d'accès

Niveau de sol

Couloir (?) et puits

Regard d'accès

Ouïes

Fig. 74 : Le bouchon de condamnation sous la voûte du mur Sud

Fig. 71: Détails de l'appareillage du mur Ouest de la citerne

Fig. 72 : Les 2 ouïes dans la constuction du mur Nord de la citerne

Fig. 73 : Marches d'accès au puits(- 8 m du sol actuel)

PL. 23 : La citerne du Petit Mazeran

Puits Puits

Fig. 70 : Pro�l Nord de la citerneFig. 68 : Pro�l Ouest

4 m

Niveau de sol Niveau de sol

1,8 m

10,5 m

3,1 m

1,8 m

0,6 m

5 m

DAO : R. Haurillon(à partir des croquis et relevés de

F. Marc-Antoine, propriétaire)

53,4 m ngf

63,9 m ngf

56,5 m ngf

Arrivée supposée de la galerie GDS 01

Surcreusement

Surcreusement

Base de la citerne

100m3

100m3

100m3

Base de la citerne

73II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

1.14.1. La citerne du Petit Mazeran (Pl. 23)

L’eau récoltée par la galerie était acheminée vers une citerne située 600 m en aval du talweg du ruisseau de Mazeran, rive gauche. Un test à la fluorescéine a permis de pister son parcours et de valider cette hypothèse. Cette citerne se trouve dans la propriété du Petit Mazeran : elle est cachée dans le jardin entre deux énormes micocouliers. Accessible à partir d’un regard situé au niveau du sol, elle s’apparente à une vaste chambre rectangulaire enterrée munie de profonds renfoncements voûtés. Les dimensions approximatives sont les suivantes : L : 6 m, l : 4,5 m, H totale vérifiée : 10,5 m27.La partie immergée de la citerne est appareillée de gros blocs équarris de calcaires coquillés assemblés à joints vifs qui se rapproche d’une construction en opus quadratum. Les murs supérieurs sont couverts d’un enduit qui s’apparente à du mortier. L’ensemble offre un aspect homogène et soigné. Á l’endroit où la galerie devrait arriver au contact de la citerne, on note deux barbacanes dans le parement du mur Nord (Fig. 72). Au pied, deux petits monticules de sable trahissent une arrivée d’eau encore fonctionnelle. Le fond de la citerne semble plat. Il est complètement recouvert d’un dépôt de sable blanc. Á l’angle Nord-Est de la citerne, part un « couloir » taillé dans le substrat, d’une largeur d’au moins 1 m et aux parois verticales de 1,4 m de hauteur. Il se dirige vers la partie Sud-Ouest en se rétrécissant pour accéder à un puits situé à l’aplomb du regard de visite. Trois escaliers taillés facilitent l’accès au fond du puits, 1,6 m plus bas, soit à 53,4 m ngf. Cet aménagement puits/couloir rappelle le puits à « dromos »28, d’origine grecque. D‘autre part, les traces d’escoude à tranchant plat, visibles dans le substrat formant les parois du puits nous orientent, soit vers des périodes contemporaines, soit vers des périodes pré-romaines29. Enfin, le plan d’ensemble de ce surcreusement rappelle étrangement le relevé d’une citerne en forme de bouteille, effectué sur le chantier de Gabari en Alexandrie et datée de la période ptolémaïque (Hairy 2009)30. Aussi, toutes ces remarques restent à valider par une étude approfondie de cette structure. L’origine grecque de Béziers et les vestiges enregistrés dans la campagne biterroise à cette période, nous obligent à ne négliger aucune piste susceptible de souligner son passé hellénistique31.

En Février 2012, le volume d’eau calculé à minima était estimé à plus de 100 m3 (Fig. 68). La mesure de la colonne d’eau effectuée en Aout 2009, date à laquelle nous fouillions alors le puits de Mazeran, est la même que celle effectuée en Février 2012, soit 7 m. Ce résultat induit un volume d’eau identique à celui noté en été 2009. Il faut en conclure que le niveau d’eau dans la citerne n’est pas tributaire des épisodes climatiques.

En spéculant sur le fonctionnement synchrone de la galerie souterraine et de la citerne à la période romaine, nous pouvons conclure que ce système constitue un potentiel hydraulique non négligeable. L’ensemble a pu participer à une dynamique économique qui pouvait s’appuyer sur une ressource d’appoint et l’exploitation des eaux cachées (irrigation/arrosage, appoint domestique ou industriel32).

27. Données aimablement fournies par F. Marc-Antoine, propriétaire des lieux

28. L’accès à l’eau se fait par un couloir

29. Communication orale de R. Pellé (Inrap, spécialiste du bâti ancien)

30. L’eau alexandrine : des hyponomes aux citernes, p. 215.

31. F. Mazière (Inrap) : inventaire des petits établissements ruraux des Ve-IVe s. av. J.-C. dans l’arrondissement de Béziers in L’ouvrage hydraulique souterrain de Mazeran : aqueduc, qanat ou qanatqueduc ? RFO 2011, p. 70 à 72.

32. Pour avoir un ordre d’idée même approximatif concernant un cycle de meunerie : 6 m3 d’eau = 1kg de grain = 0,75 kg de farine = 1,3 kg de pain

74 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Le puits 50

Cl. : N. Lécuyer

Fouille 1990

Domaine du Garissou

Fig. 75 : Localisation du Puits 50 (Lécuyer 1990)

Cl. : N. Lécuyer

En 1990Fig. 76 : La citerne au bord de la départementale D. 15

(Axe Boujan-Béziers)

La citerne

En 2012 Fig. 77 : La citerne cachée par la végétation

PL. 24 : Le Puits 50 du site médiéval du Garissou et la citerne

DAO : R. Haurillon

75II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

1.15. La découverte du Puits 50 (Pl. 24)

Ce schéma galerie drainante souterraine/citerne s’est reproduit lors de l’enquête archéologique menée dans le cadre d’étude du second ouvrage du Garissou, la galerie GDS 03. Lors de l’aménagement de la rocade Nord du contournement de Béziers en 1990, une structure circulaire a été fouillée et interprétée comme un puits. Baptisé Puits 50, ce dernier a été décrit de la manière suivante :-« Le puits S.50 se présentait en surface comme une vaste fosse très exactement circulaire, d’un diamètre de 3 m. La structure, creusée dans le substrat, présentait une forme d’entonnoir renversé 33et un remplissage homogène : il s’agissait d’une terre argilo-sableuse brun foncé contenant un fragment de vase à parois fines et plusieurs petits fragments de tuiles roses dont la forme n’était pas identifiable. Le «goulot» prenait, à environ 2 m de profondeur, un plan carré de 1,10 m de côté et présentait un placage blanc-gris, épais de 2 à 3 cm résultant d’un dépôt de calcite. Le type de remplissage restait identique jusqu’à une profondeur de 7 m environ, l’accès au fond de la tranchée pratiquée étant alors impossible sans grands risques. De rares tessons de céramique grise médiévale ont été prélevés dans ce comblement : l’hétérogénéité et le degré d’érosion du matériel provenant de ce puits n’en permettent donc pas une datation précise. Tout au plus pouvons-nous remarquer que ce type de construction ne correspond pas à la structure des deux autres puits fouillés sur le site (S.60 et 58) puits quant à eux médiévaux mais dont le sommet avait été arasé ».

Á la lecture de cette description, la similitude avec le puits US 200 est incontestable : même forme, même section, présence de calcite à partir de 2 m et profondeur du puits d’au moins 7 m. Nous l’avons donc associé à notre ouvrage hydraulique et interprété comme un puits d’exploitation. Distants de 160 m, les deux puits d’exploitation en présence forment un alignement dont le prolongement de l’axe nous conduit tout droit vers une structure de stockage au bord de la départementale 15, à l’ouest du site (axe Béziers-Boujan sur Libron).

1.16. La citerne du Garissou et sa relation avec la galerie GDS 03 (Pl. 25)

Signalée par défaut comme un puits34 sur le cadastre de Béziers, nous avons affaire en vérité, à une citerne. Elle est installée à mi-pente sur le versant Ouest du coteau qui domine toute la vallée du Gargailhan, à - de 200 m au Nord de la villa antique du Garissou. Cachée par une épaisse végétation, une imposante construction en ciment protège l’ensemble. Lorsque l’on arrive à s’extirper avec difficulté de ce piège végétal pour atteindre une petite porte en bois, trois petits escaliers nous amène à l’aplomb de cette réserve d’eau. Dans la pénombre, l’ensemble évoque une forme oblongue, d’au moins 3 m de longueur et large de plus de 1,5 m. Le parement est construit en briques alvéolées qui lui donnent un aspect moderne. L’agencement irrégulier de ces modules matérialise un aménagement plus modeste que le volume réel de la citerne. La profondeur est estimée à 6 m et la colonne d’eau à 3 m. Au fond se devine un aménagement circulaire que l’on ne peut préciser.

33. Cet entonnoir, qui précède la cheminée du puits, devait être aménagé pour faciliter les opérations de puisage aucune trace d’aménagement type trou de poteau n’a été relevée sur le quart de la paroi fouillée. Mais Il est fort probable que ce cône renversé corresponde à un aménagement destiné à recevoir le cuvelage ou la margelle (par la suite détruits ou épierrés)

34. Béziers, lieu-dit cad Garissou, Sect. DK 38, extrait cadastral au 1/1000e

76 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Fig. 78 : Partie supérieure de la citerne du Petit Mazeran, lieu d'arrivée de la galerie GDS 01

La citerne de Mazeran (GDS 01)

Fig. 79 : Test à la �uorescéine positif : la galerie GDS 01 alimente bien la citerne

Fig. 80 : La citerne du Petit Mazeran. Colonne d'eau : 7 m. Volume estimé : plus de 100 m3 !

Fig. 81 : Accès de la citerne située au bord de la RD 15, dans l'axe de la GDS 03

La citerne au bord de la RD 15 (GDS 03)

Fig. 82 : L'intérieur est revêtu de briques alvéolées a�n de faciliter la �ltration

Fig. 83 : Partie inférieure oblongue (On distingue au fond un aménagement circulaire)

DAO : R. Haurillon

PL. 25 : Le point d'arrivée supposé de la galerie GDS 03 : des similitudes avec la citerne du Petit Mazeran

77II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

Cette citerne a servi à l’alimentation en eau du domaine du Garissou bien avant la construction de la rocade. La propriétaire des lieux nous précisait que cette structure hydraulique était alimentée en eau par percolation. Au regard des clichés de la planche 25, sa similitude avec la citerne du Petit Mazeran est frappante.

1.17. Le Garissou : un réservoir d’eau naturel

Le Garissou est réputé pour ces sources et considéré comme une vaste réserve d’eau naturelle. Lors d’une enquête archivistique menée aux archives Municipales de Béziers, des documents de 1786 mentionnent des travaux souterrains35. Ils concernent des relevés de journées des ouvriers. Ainsi, pour la semaine du 28 août au 2 septembre, des travailleurs ont été employés à « dégorger36 l’aqueduc de la source de Garrissou dit le bas » et du 3 au 9 septembre, quelques jours avaient été nécessaires pour « continuer le creusement de l’aqueduc de la source de Garrissou dit le haut ». Lors de ces travaux il avait fallu 18 fioles d’huile « pour éclairer les ouvriers dans l’aqueduc cy devant », du coton pour les mèches des lampions, de l’amadou et des allumettes. On a aussi utilisé un tour à essieu, certainement pour remonter les déblais, et 18 cannes de corde, c’est-à-dire à peu près 22 m37. D’après ces précieuses informations, nous serions donc en présence d’un aqueduc déjà existant et un second ouvrage en cours de creusement38. Au regard des outils utilisés, nous avons bien affaire à deux creusements souterrains. Comme aucun élément de cette période n’a été identifié lors de notre intervention, nous pouvons conclure qu’il existe certainement deux autres galeries souterraines, dont une est antérieure à 1786. Ce rapide calcul porte donc au nombre de quatre les galeries souterraines creusées dans le secteur du Garissou, toutes périodes confondues.

1.18. Restitution finale des 3 galeries souterraines sur plan satellite (Pl. 26)

Pour résumer, nous avons représenté par date chronologique de découverte, les 3 ouvrages hydrauliques révélés par les fouilles archéologiques au Nord-Est de Béziers en 2009 et 2011, sur un même fond de carte satellite. Nous avons précisé l’axe supposé des galeries, le sens d’écoulement de l’eau, le point d’arrivée suggéré, les altitudes au sol et la proximité des sites archéologiques connus. Ce modeste inventaire permet de mettre en évidence un ensemble hydraulique souterrain antique, dans un secteur spécifique à une période précise. Il confirme l’importance de la gestion hydrique souterraine, qu’elle soit d’exploitation ou de drainage.

35. Enquête menée par P. Forest dans le cadre de la fouille de Mazeran en 2009

36. Cette intervention consistait à ôter les ordures, ou le sable qui empêche de passer des eaux, des humeurs, dans des tuyaux, des conduits, des passages

37. Archives Municipales de Béziers (séries BB et DD 5)

38. Le terme aqueduc est aussi utilisé pour désigner une galerie drainante souterraine

78 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Mazeran

Le Garissou

Béziers

Puits 13

Citerne du Petit Mazeran

Villa romaine

Villa médiévale ?

Axe antique Béziers-Pézenas

73 m NGF

Boujan-sur-Libron

GDS 01

Puits-citernedu

Petit Mazeran

Le Garissou

Mazeran

Béziers

Puits 01

Axe antique Béziers-Pézenas

Villa romaine

Villa médiévale ?

87 m NGF

Boujan-sur-Libron

GDS 02

Boujan-sur-Libron

Le Garissou

Mazeran

Béziers

Axe antique Béziers-Pézenas

Villa romaine

Villa médiévale ?

Puits 200

Puits 50CiterneFouille 1990

87 m NGF

GDS 03

PL. 26 : Situation des 3 ouvrages hydrauliques souterrains sur carte satelliteen tireté bleu, leur axe supposé

en jaune, le sens d'écoulement d'eau

DAO : R. Haurillon

Fig. 84 : La galerie drainante souterraine de Mazeran GDS 01

Fig. 85 : La galerie drainante souterraine du Garissou GDS 02

Fig. 86 : La galerie drainante souterraine du Garissou GDS 03

79II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

Fig. 87 : Regard d'accès

Fig. 88 : La galerie souterraine à -10 m sous terre

Fig. 89 : Réservoir de Pradines. Derrière les spéléologues,l'accès à l'aqueduc de Béziers (Extrait de "La Marseillaise" du 02/03/1969)

PL. 27 : "L'aqueduc des romains" au Puech d'Hortès (Béziers Nord)

DAO : R. Haurillon

80 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

1.19. Les galeries connues au Nord de Béziers (Pl. 27)

Une galerie a été visitée dans les années 1970, au Puech d’Hortès39 et au niveau de ruisseau de Bagnols (affluent gauche de l’Orb), au Nord de Béziers. Son tracé a été repéré plusieurs mètres sous terre, en bordure et au dessous du lit de Bagnols. Une source dite de « Pradines » serait même captée par une galerie souterraine dans les environs.Lors d’un charruage, la couverture d’un regard a été accrochée permettant l’accès à la galerie appelée, « l’Aqueduc de Romains40 ». Les spéléologues biterrois avaient ainsi pu pénétrer dans ce tunnel et marcher plusieurs centaines de mètres avant de déboucher rive droite du ruisseau de Bagnols. Quelques rares clichés et un relevé ont permis d’immortaliser ces instants41. Déjà décrit par E. Sabatier42 et par J.-L. Andrieu43, ces documents ont été réunis par P. Forest lors de son enquête fournie sur l’aqueduc de Béziers et intégrée au rapport final d’opération de fouille de Mazeran.

L’amalgame entre ces galeries, l’aqueduc souterrain romain et l’adduction médiévale de Béziers est toujours d’actualité. Á défaut d’une chronologie franche, tous ces éléments sont datés de leur dernière utilisation. Cependant les découvertes récentes des galeries du Garissou et de Mazeran relancent le débat sur l’origine de tous ces ouvrages.

1.20. Les galeries de Valros

Pour alimenter le sujet, on mentionnera les galeries souterraines de Valros, village situé à une quinzaine de kilomètres à l’Est de Béziers. Cachées sous le village actuel, elles sont creusées à la sape dans la molasse gréseuse miocène. Elles ont été photographiées mais n’ont fait l’objet d’aucune étude. Aussi, tout reste à faire dans cette commune en matière d’hydraulique souterraine…

1.21. « L’aqueduc » de Pézenas (Pl. 28)

On ne peut clore ce rapide inventaire régional sans mentionner l’exemple de la « Mère des Fontaines » de Pézenas. Bien que moins ancien que nos découvertes, cet ouvrage encore en fonction est l’unique représentant régional d’un système hydraulique empruntant les principes techniques rapportés dans ce document. Appelée aussi « Aqueduc des Romains », cette galerie trouverait son origine au début du XVème siècle, d’après les textes d’archives (Soutou 1986) : « c’est le 20 septembre 1406 que le roi Charles VI accorda à la ville le droit de se faire construire des fontaines (…). Dès que nos citoyens eurent reçu ce privilège, ils firent conduire de plus d’une lieue les eaux d’une source… ».Cette galerie souterraine comporte 34 regards, 3 bassins et trois entrées. Elle a une longueur légèrement inférieure à 3 km. L’eau était récoltée sous terre puis emmenée jusqu’au Couvent des Ursulines, au Nord de Pézenas. Construit à la sape dans la molasse gréseuse et des niveaux de poudingue, cet ouvrage a fait l’objet de plusieurs réfections au cours du XVIIIe siècle après l’effondrement répété des galeries.

39. Appelé aussi Puech de Baumes ou Tournissac

40. Description de E. Sabatier dans son ouvrage « les fontaines de Béziers » (cfr infra paragraphe sur la bibliographie historique supra)

41. Je remercie J. Fauré, ancien président du club de spéléologie de Biterrois pour ces 2 clichés

42. Les Fontaines de Béziers, déjà cité

43. Cfr supra, note de bas de page 59

81II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

Fig. 90 : Un des 3 accès à la galerieCL. : M. Ott (Inrap)

Fig. 91 : Les entrées d'eau dans la salle de captage

Fig. 95 : ...et une fonction passive

Fig. 92 : Un des 39 regards avec son "chapeau" retaillé

Fig. 94 : La galerie drainante : une fonction active...

Fig. 93 : ...Creusées à la sape, jamais bâties...

PL. 28 : "La Mère des Fontaines" de Pézenas (XVe siècle ap. J.-C)DAO : R. Haurillon

82 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

La partie en amont est la plus intéressante : c’est la partie active44 de l’ouvrage. Enfouies sous une dizaine de mètres de profondeur, les galeries sont au nombre de 3. Une épaisse gangue de calcite recouvre l’ouvrage de réfection du XVIIIe siècle. Ce dernier consiste en un appareillage de blocs calcaires montés à joints vifs. Une seule de ces galeries n’est pas maçonnée : taillée dans le substrat, elle évoque son aspect d’origine45. Une chambre de captage est censée récolter l’eau d’une source que nous n’avons pas identifiée. Par contre, des coulées de calcite formant comme des fontaines pétrifiées trahissent de nombreuses entrées d’eau. Cette eau, qui n’est pas empêchée par la maçonnerie du XVIIIe, exsude et ruisselle entre les interstices des blocs. L’ensemble vit, respire, transpire… Nous sommes bien en présence d’un système hydraulique souterrain destiné à recueillir les larmes et les pleurs de terre, formule employée par les consuls biterrois pour désigner les eaux cachées.La hauteur d’eau dans la galerie peut dépasser 1 m. Ce niveau est tributaire des effondrements et des comblements localisés dans certaines parties de l’adduction souterraine qui n’est plus entretenue. La qualité de l’eau est aussi dépendante de ces phénomènes : limpide dans les galeries en amont, cette eau s’apparente à une vase nauséabonde dans les parties avales. La présence de chiroptères n’est pas étrangère à cette pollution naturelle. Cependant, cette fréquentation a un double écho puisque cette structure souterraine est en passe d’être répertoriée en site Natura 200046.La partie inférieure de la galerie a l’aspect d’un tunnel spacieux où l’eau canalisée coule dans une rigole. C’est la partie passive de l’ouvrage qui n’a plus qu’une fonction de transport. L’ensemble est maçonné et lié au mortier. Quelques concrétions sont encore visibles mais rien de commun avec ce que nous avons vu en amont.

L’ouvrage est d’une rare qualité de conservation. Il reste une référence en matière de savoir faire hydraulique et offre l’opportunité d’observer le fonctionnement d’un système identique à celui découvert à Mazeran ou au Garissou, dans notre région.

1.22. Quelques ouvrages hydrauliques souterrains incontournables

1.22.1. Les exemples de la Gaule Belge

Quelques éléments de comparaisons sont localisés en gaule belge, comme par exemple celui des Raschpëtzer ou « puits mugissants », découvert au Luxembourg dans les années 1990 (Kayser et Waringo 2002). Creusé à la sape à l’époque romaine, cet aménagement souterrain comprendrait une trentaine de puits dont les plus profonds atteignent 36 m. Ils sont reliés entre eux à la base par une galerie principale longue de 600 m et traverse un plateau gréseux pour capter l’eau d’infiltration contenue dans l’aquifère. Une canalisation en pierres sèches emmenait cette eau vers des résidences romaines installées dans la pente ensoleillée de la vallée de l’Alzette.Dans la vallée de la Moselle, entre Trêves et Traben-Trarbach, on retrouve ce type d’ouvrage (Kühnen 2003) : -«…quelques unes des villae avaient des galeries souterraines du type oriental de qanat pour amener de l’eau comme, par exemple, à Bekond, Mehring et Pôlich ».

44. Partie où la galerie collecte les eaux d’infiltration

45. Lu sur un devis de 1735 signé Pelissier

46. Biotope 2009, Document d’Objectifs du Site d’Importance Communautaire de l’Aqueduc de Pézenas

83II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

En Lorraine, quelques fouilles ont permis d’apporter de nombreuses informations concernant ces structures enterrées (K. Boulanger 2009). Ainsi en 2002, à Metz-Queuleu (57), au lieu-dit « ZAC des Hauts de Queuleu », une équipe de l’Inrap a pu étudier un système de 3 galeries drainantes souterraines antiques, parallèles les unes aux autres. Elles sont matérialisées en surface par 69 fosses circulaires espacées régulièrement selon une distance de 6 à 7 m. Le recoupement de quelques fosses révèle des puits cylindriques d’un diamètre moyen de 0,95 m et d’une profondeur située entre 3,5 m et 4,6 m. Les galeries sont creusées à la sape et leur section moyenne est de 0,5 m de large pour une hauteur de 1,5 m. Les puits sont rebouchés après creusement de la galerie et aménagement d’un drain en pierre. Aucun puits de visite n’a été pratiqué. L’ensemble fonctionne donc fermé/bouché.Un terrassement extensif et l’aménagement d’une large fenêtre par palier, ont permis de mieux appréhender le fonctionnement de l’ensemble daté de la période gallo-romaine (Fig. 97, 98 et 99). La seconde intervention s’est déroulée trois ans plus tard, à Cutry (54), au lieu-dit « La Hache »47. Dans un contexte de faubourg gallo-romain, un large puits cylindrique a été fouillé intégralement. D’un diamètre de 2,25 m pour une profondeur de 5 m, ce puits fonctionnait avec une galerie souterraine creusée à la sape. Large de 0,4 m pour 1,5 m de hauteur, elle se raccordait à sept autres puits, tous espacés de 8 m. L’ensemble était parallèle à la voie antique qui traverse tout le faubourg. Après le septième puits, la galerie cède la place à un fossé étroit d’environ 2 mètres de profondeur, au profil en « U ». Cet aménagement appartient à une fourchette chronologique comprise entre le milieu du IIe et la fin du IIIe siècle ap. J.-C.

1.22.2. Le sanctuaire de l’eau de Grand (88) :

Ce petit village vosgien est réputé pour son exceptionnel ensemble cultuel gallo-romain de l’eau. Il est alimenté par un système d’adduction constitué de presque 300 puits appartenant à plus de 15 km de galeries souterraines (Bertaux 1991). La profondeur de ces puits est fonction du relief et varient de 4 à 12 m, la moyenne se situant entre 6 et 9 m. Ils semblent en général espacés de 9 m ou l’un de ses multiples. De nombreux exemples semblent montrer que ces puits pouvaient être ou non rebouchés. Creusées à la sape ou en tranchées ouvertes, souvent bâties, ces galeries récoltent l’eau karstique de deux bassins versants latéraux pour les conduire au centre du village où se situe la résurgence (talweg). Les réseaux capturés par ces galeries constituent un apport qui multiplie par 3 la capacité du débit du réseau karstique naturel.

1.22.3. Le sanctuaire des arènes de Tintignac à Nave (19) :

En 2009 en Limousin, dans un autre contexte de sanctuaire, la fouille d’un puits a débouché sur la découverte d’une galerie drainante souterraine située 13 m sous terre (Maniquet 2009)48. Son profil est de 1 m de largeur pour 1,9 m de hauteur. Au pied de cette galerie, a été aménagé un drain constitué de tegulae posées à plats sur lesquelles étaient installées des tuiles courbes s’apparentant à des imbrices, ces dernières étant scellées par un mortier hydraulique. Cet agencement n’est d’ailleurs pas sans rappeler une découverte similaire effectuée en haut du Garissou dans les années 1950. Repérée sur une vingtaine de mètres dans un fossé, une conduite en plomb

47. Déjà cité supra

48. http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Ressources-multimedias/Publications/Hors-collection/p-10939-Le-sanctuaire-des-arenes-de-Tintignac.htm

84 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

N

0 20 m

DAO F. Verdelet et R. Jude, Inrap

Metz-Queuleu (57) : "ZAC des Hauts de Queuleu".(Fouille K. Boulanger, Inrap 2002)

Fig. 96 : Plan général de la fouille et localisation de la fenêtre de véri�cation

Plan retouché

1er décapage

Fig. 97 : Á 210,5 m ngf, alignement des puits

N

2ème décapage

Plan retouché

2ème décapage

N

Fig. 98 : Á -1,75 m plus bas (208,75 m ngf),

apparition des �ssures d'e�ondrement

des galeries

Plan retouché

4ème décapage

N

Fig. 99 : Á -3,5 m de profondeur (207 m ngf),

apparition du drainage

(Montage réalisé à partir des plans originauxde F. Verdelet et K. Boulanger, Inrap.)

PL. 29 : La fouille de Metz Queuleu (57)

85II. Chapitre 1 1. De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

était posée sur un lit de tégulae et recouverte d’imbrices49. Les observations effectuées à Tintignac supposent le comblement du ou des puits (il semblerait qu’il y en ait au moins 2) mais pas de la galerie souterraine. L’archéologue termine en précisant que cette structure capte une source, en un point aujourd’hui indéterminé et que cette eau a servi vraisemblablement à alimenter des citernes, bassins ou puits qui restent à découvrir.Cette configuration est très proche des exemples que nous venons de présenter. Il est vraisemblable que cette galerie hydraulique souterraine a été creusée selon la technique que nous avons évoquée tout au long de ce document. L’ensemble de l’aménagement fait penser à un mode drainant/filtrant plutôt qu’à un système de transport d’eau de source. La présence de structures similaires en Limousin n’est pas rare. L’article de P. Saumande intitulé « Les aqueducs limousins » recense quelques ouvrages hydrauliques qui s’apparentent au système des qanats50. Ce petit inventaire s’ajoute à celui des aqueducs souterrains de Limoges antique (Loustaud 1997). Les conditions hydrogéologiques favorables et la présence de nombreux bassins miniers contribuent au développement d’une maitrise adaptée à la récolte d’eau souterraine. Les niveaux aquifères s’apparentent à des horizons géologique appelés « tuf » et qui sont en vérité des arènes granitiques ou schisteuses. Enfin, certains aqueducs sont alimentés par des galeries souterraines dont l’origine technique est très proche de ce que nous avons vu mais dont l’identification n’est pas toujours aisée, faute de référents. L’adduction de Mediolanum (Saintes, 17) est un très bon exemple de ce polymorphisme mais il en existe beaucoup d’autres…

49. Les amis du Garissou n° 1, p. 11

50. Lemouzi, mémoires d’histoire régionale (t. 20), N° 130 (avril 1994), p. 09 à 30

86 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

1.23. Conclusion

La petite intervention archéologique menée au « Garissou », a permis d’identifier deux nouvelles galeries drainantes souterraines à partir de la fouille de deux puits antiques. Creusés à la sape selon la technique du qanat (terme utilisé dans son contexte technique pour désigner un creusement en puits/galerie), ces ouvrages possèdent des caractères typologiques spécifiques qui permettent déjà de définir deux catégories.La première concerne la galerie GDS 02. Reconnue sur une vingtaine de mètres, elle est représentée par 5 puits circulaires dont la profondeur n’excède pas 5 m (1 puits-collecteur qui fonctionne « ouvert » et 4 puits de creusement, comblés après la taille de la galerie). Espacés de 4 à 8 m, ils forment un chapelet matérialisant en surface l’axe de cet ouvrage souterrain. L’ensemble est utilisé au drainage superficiel des eaux d’infiltration. C’est un drain-tunnel que l’on peut comparer aux cuniculi de l’agro romano dont l'origine remonterait à la période étrusque.

Le second ouvrage ressemble à une large galerie taillée 11 m sous terre, découverte par la fouille d’un puits carré non construit. Ces parois complètement concrétionnées plaident en faveur d’un écoulement d’eau constant qui trahit la fonction de l’ensemble. L’alignement de ce puits avec une structure similaire fouillée il y a une vingtaine d’années, nous amènent jusqu’à une vaste citerne enterrée non loin de la villa romaine du Garissou et de son fastueux balnéaire. Ce schéma de fonctionnement, galerie drainante souterraine/citerne, est identique à celui observé au lieu-dit « Mazeran », il y a 3 ans. Ces deux ouvrages ressemblent aux hyponomoi d’Alexandrie, datés la période hellénistique et romaine. Ce sont de véritables structures d’exploitation dont la fonction principale est la collecte d’eau de stockage contenue dans les nappes perchées.Deux ouvrages différents mais un même concept technique : celui de leur creusement en puits/galerie dont l’usage remonterait au début du Ier millénaire avant notre ère et localisé en Perse. Cependant, ce savoir faire qui rappelle la technique minière suppose une utilisation encore plus ancienne. Cette réflexion nous renvoie donc à l’origine de cette technique, son héritage et sa diffusion : invention ponctuelle, indépendante, transfert ?Déjà décrit dans les archives et les textes biterrois du XVIIIe, ce système étudié une première fois à Mazeran (34), puis confirmé au Garissou (34), atteste d’une véritable maitrise adaptée au contexte environnemental du secteur qui confirme la spécialisation de ces puisatiers/fontainiers. Si la découverte de tels ouvrages ne permet pas, pour l’instant, d’appréhender l’importance de cette ressource souterraine dans le cadre global d’une gestion hydraulique de l’ager baeterrensae, elle permet de reactualiser la vision quelque peu figée des techniques utilisées par les romains pour récolter l’eau.

87II. Chapitre 1

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89II. Chapitre 1 Bibliographie générale

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Bibliographie (P. Rascalou)

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90 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Chapitre I

De la manière d’exploiter et de drainer les eaux cachées à l’époque antique : l’exemple des galeries souterraines au Nord Est de Béziers

Planche 01 : Cartes de situationFig. 01 : Carte nationale et régionaleFig. 02 : Localisation de l’opération sur fond de carte routière au 1/250 000e

Planche 02 : Cartes IGN au 1/ 25 000Fig. 03 : En jaune, localisation du diagnostic «ZAC de Mazeran, Tranche 01» sur l’emprise du futur Technoparc (Carte IGN au 1/25 000, Ed. 2000)Fig. 04 : Localisation des puits dans l’emprise du diagnostic archéologique

Planche 03 : Fond de carte géologiqueFig. 05 : Localisation des puits du Garissou dans les aquifères poreux du Miocène. (Extrait de la carte géologique d’Agde du BRGM au1/50 000)

Planche 04 : Cartes archéologiques et historiquesFig. 06 : Carte archéologique (En bleu, la zone concernée par la fouille)Fig. 07 : Les 2 lieux-dits du «Garrissou». Extrait de la Carte de CassiniFig. 08 : Le «Garrissou» qui domine le Gargailhan avant sa disparition (Extrait de la carte d’Etat-Major 1900)

Planche 05 : Données du diagnostic Fig. 09 : Le puits US 01 et la fosse d’installation US 03 (Numéros

279 et 2796 du diagnostic)Fig. 10 : Le puits US 200 (Numéro ST 07 du diagnostic)

Planche 06 : Aménagement de la fenêtre de travail 01Fig. 11 : Ier palier de décapage. Apparition de la fosse de creusement (US 03) du puits 01Fig. 12 : IIe palier de décapage. Mise à niveau à la base du puits 01Fig. 13 : Vue Est de l’espace de travailFig. 14 : Vue Sud de l’excavation

Planche 07 : Fenêtre de travail Fig. 15 : Présentation du Puits US 01Fig. 16 : Profil K-L de l’excavation

Planche 08 : Profils du Puits US 01Fig. 17 : Localisation des profils du puits US 01Fig. 18 : Vue en plan du puits US 01Fig. 19 : Relevé du profil N/S du Puits US 01Fig. 20 : Profil du puits dans l’axe de la galerie drainante souterraine GDS 02

Planche 09 : La galerie drainante souterraine GDS 02Fig. 21 : Cliché et profil de la galerie souterraine, côté Est du puits 01Fig. 22 : Cliché et relevé du profil de la galerie souterraine, côté Ouest du puits 01

Planche 10 : Les anomalies Fig. 23 : 1° - Nettoyage. Vue stratigraphique côté Est après enlèvement du puits US 01Fig. 24 : 2°- Repérage. Des anomalies sont lisibles dans les bermes de paliers de sécurité Fig. 25 : 3° - Restitution de la voûte de la galerie souterraine par

photomontage Fig. 26 : 4° - Restitution du puits d’extraction par photomontage

Planche 11 : La fenêtre d’extension côté Est Fig. 27 : Extension à l’angle Est de la fenêtre de travail. Apparition de 2 puits d’extraction (US 25 et 26) et traces de fissures d’effondrement (US 28)Fig. 28 : Fenêtre d’extension côté Est en cours de réalisation. Au Ier plan, le puits 01 épierré et la galerie souterraineFig. 29 : Aperçu Ouest de la relation voûte/effondrementFig. 30 : Vues Est du puits d’extraction US 27 dans l’axe de la galerie souterraine

Planche 12 : le puits d’extraction US 27Fig. 31 : Mise au jour du puits d’extraction US 27Fig. 32 : Coupe d’US 27. Relation puits /galerieFig. 33 : Séquence stratigraphique partielle le long de la berme opposée à la coupe US 27

Planche 13 : Fenêtre d’extension côté Ouest Fig. 34 : Le Puits US 01 et le massif de pierre US 05 «retaillé» à la pelle mécaniqueFig. 35 : Restitution du puits d’extraction. La galerie souterraine US 17 est masquée par les effondrements US 30Fig. 36 : Fenêtre d’extension côté Ouest. Apparition d’US 31Fig. 37 : Fin de l’intervention. Rebouchage du puits

Planche 14 : Aspect général du fonctionnement de la galerie GDS 02Pl. 38 : Plan de restitution du réseau «puits/galerie» après extensions latérales

Liste des planches, figures et clichés

91II. Chapitre 1 Liste des planches, figures et clichés

Planche 15 : Hypothèse de restitution du creusement et du fonctionnement de la galerie drainante souterraine GDS 02Fig. 39 : Creusement à la sape avec évacuation des déblais par les puits d’extractionFig. 40 : Les puits d’extraction sont rebouchés une fois creusée la galerie. Le puits-collecteur est alimenté en eau d’infiltration

Planche 16 : Présentation du Puits US 200Fig. 41 : Vue panoramique Sud du secteur du Garissou. Montage de la plateforme par l’équipe d’Archéopuits au dessus du puits US 200Fig. 42 : Le puits US 200 en surface Fig. 43 : Vue zénithale du conduit à partir de la plateformeFig. 44 : Découverte de la galerie souterraine (Rétrécissement du conduit dû au dépôt de calcite)Fig. 45 : Pains de calcite extraits du puits 200Fig. 46 : Accès à l’eau (- 8 m)Fig. 47 : Fin de fouille (- 11m)

Planche 17 : Plan et coupes du Puits Us 200 et de la GDS 03Fig. 48 : Relevé zénithal avec emplacement des axes de coupe (En noir, la fenêtre de descente de la plateforme)Fig. 49 : Profil N/NO-S/SE du Puits US 200Fig. 50 : Profil S/SE-N/N0 du Puits US 200 et de la GDS 03

Planche 18 : Présentation de la galerie drainante souterraine GDS 03Fig. 51 : Effondrement au contact puits/galerie (Partie Sud/ Sud Ouest)Fig. 52 : Départ de la galerie Sud/Sud OuestFig. 53: Coupe stratigraphique de la galerie (Côté Nord/Nord Est)Fig. 54 : Détails stratigraphiques avec 2 niveaux de fonctionnementFig. 55 : Relevé des profils du puits et de la galerieFig. 56 : La galerie en activité une dernière fois...

Planche 19 : Schéma d’interprétation de la dynamique de comblement du Puits US 200 et de la GDS 03Fig. 57 : Phase 1 - Abandon. Le puits d’exploitation est rebouché Fig. 58 : Phase 2 - La couche 5 vient combler l’espace provoqué par la mise en place des comblements dans la galerie (effet combiné du soutirage/lessivage)

Planche 20 : Quelques éléments du puits 01 et de la GDS 02Fig. 59 : Céramiques du puits US 01. Sigillée sud-gauloise (1-2), pâte claire (3), commune sableuse oxydante (4-7), brune orangée du Biterrois (8), africaine de cuisine (9), commune sableuse réductrice (10)Fig. 60 : Mobilier du puits US 01. Bloc de calcaire coquillier (11) et tuyau en terre cuite (12)

Planche 21 : Quelques éléments du puits US 200 et de la GDS 03Fig. 61 : Mobilier du puits US 200. Fragment de fibule (13), céramique sableuse grise (14) et tegula (15)Fig. 62 : Les pots de type 16 de l’atelier du Garissou (1-5) (d’après Lecuyer 1992) et celui du puits US 200 (6)Fig. 63 : Mobilier du puits PT200. Fragments de tegulae réutilisés (16-18)

Planche 22 : La galerie drainante souterraine de Mazeran (GDS 01)Fig. 64 : Le principe du QanàtFig. 65 : Fonctionnement du puits de MazeranFig. 66 : Entrée N-NO vue de l’intérieur de la GDS de MazeranFig. 67 : Colmatage de l’extrémité S-SE de la GDS de Mazeran

Planche 23 : La citerne du Petit MazeranFig. 68 : Profil OuestFig. 69 : Vue axonométrique restituée de la citerne du Petit MazeranFig. 70 : Profil Nord de la citerneFig. 71: Détails de l’appareillage du mur Ouest de la citerneFig. 72 : Les 2 ouïes dans la constuction du mur Nord de la citerne

Fig. 73 : Marches d’accès au puits recouvertes d’un sédiment sableux (- 8 m du sol actuel)Fig. 74 : Le bouchon de condamnation sous la voûte du mur Sud

Planche 24 : Le Puits 50 du site médiéval du Garissou et la citerneFig. 75 : Localisation du Puits 50 sur la fouille (Lécuyer 1990)Fig. 76 : La citerne au bord de la départementale D. 15 (Axe Boujan-Béziers)Fig. 77 : La citerne cachée par la végétation

Planche 25 : Le point d’arrivée de la GDS 03 : un air de déjà vu...Fig. 78 : Partie supérieure de la citerne du Petit Mazeran, lieu d’arrivée de la galerie GDS 01Fig. 79 : Test à la fluorescéine positif : la galerie GDS 01 alimente la citerneFig. 80 : La citerne du Petit Mazeran. Colonne d’eau : 7 m. Volume d’eau estimé : au moins 100 m3 !Fig. 81 : Accès de la citerne située au bord de la RD 15, dans l’axe de la galerie GDS 03Fig. 82 : L’intérieur est revêtu de briques alvéolées afin de faciliter la percolationFig. 83 : Partie inférieure oblongue (On distingue au fond un aménagement circulaire)

Planche 26 : Situation des 3 ouvrages hydrauliques souterrains antiques sur carte satelliteFig. 84 : La galerie drainante souterraine de Mazeran, GDS 01Fig. 85 : La galerie drainante souterraine du Garissou, GDS 02Fig. 86 : La seconde galerie drainante souterraine du Garissou, GDS 03

Planche 27 : « L’aqueduc des Romains » au Puech d’Hortès (Béziers Nord)Fig. 87 : Accès par un regardFig. 88 : La galerie souterraine à -10 m sous terreFig. 89 : Réservoir de Pradines. Derrière les spéléologues, l’accès à l’aqueduc de Béziers (extrait de «La Marseillaise» du 02/03/1969)

92 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Planche 28 : La Mère des Fontaines de Pézenas (XVe siècle ap. J.-C)Fig. 90 : Un des 3 accès à la galerieFig. 91 : Les entrées d’eau dans la salle de captageFig. 92 : Un des 36 regards avec son «chapeau» retailléFig. 93 : Creusées à la sape, jamais bâties...Fig. 94 : La galerie drainante: une fonction active...Fig. 95 : ...et une fonction passive

Planche 29 : La fouille de Metz Queuleu (57)Fig. 96 : Plan général de la fouille et localisation de la fenêtre de vérificationFig. 97 : Á 210,5 m ngf, alignement des puitsFig. 98 : Á -1,75 m plus bas (208,75 m ngf), apparition des fissures d’effondrement des galeries Fig. 99 : Á -3,5 m de profondeur (207 m ngf), apparition des canalisations

Clichés insérés dans le texte

Cl. 01 : Mur Nord et demi abside de la chapelle Saint-Jean du Garissou (Cl. : L. Vidal, Inrap)

Cl. 02 : Etat des lieux (Puits 01) (Cl. Equipe Inrap)

Cl. 03 : Contact puits/galerie (Cl. Equipe Inrap)

Cl. 04 : Drain-fossé (?) en cours de fouille (Cl. : I.Rémy, Inrap)

Cl. 05 Absence de calcite dans l’angle NE du puits 200 (Cl. Equipe Inrap)

Cl. 06 : Exemple de cuniculus creusé au niveau du joint de strate pouzzolane-tuf (Italie) (Cl. Internet)

Cl. 07 : Défaut d’infiltration après une pluie de Décembre (Puits US 01) (Cl. : P. Forest, Inrap)

93II. Chapitre 1

« Notre présence a fait suite à un diagnostic réalisé par le Service Archéologique de la Ville de Béziers et par une volonté du SRA d’appréhender par la fouille les structures en creux repérés alors. Ainsi, la prescription avait pour but de comprendre ces deux « puits » tout en ayant à l’esprit qu’un site avait été étudié plus en contrebas de cette parcelle, deux ans plus tôt, à laquelle l’Association Archéopuits avait participé (Haurillon et al 2009). Nous sommes intervenus sur cette nouvelle opération biterroise en décembre 2011, en une dizaine de jours.

* Aménagement 1 :Un décapage de surface partiellement mécanisé a été nécessaire pour faire apparaître une structure particulière. Celle-ci se composait, après cette première phase de découverte, d’un cuvelage à faible diamètre de passage. Dans le but de stabiliser le terrain afin d’établir la plateforme Archéopuits, un décaissement a été réalisé principalement à l’aide d’une pelle mécanique.Une couche de blocs en vrac, suivant un axe sud-est / nord-ouest, a été observée sur le côté sud-ouest de la structure. Il recouvre en partie l’arasement du cuvelage de ce côté-ci. Le dégagement manuel de ce niveau a permis de mettre en évidence une rupture de la construction de la maçonnerie interne du puits sur le côté nord-est. En effet, une tranchée suivant un axe ouest / est a été suivie sur plusieurs mètres. Elle est comblée par de la terre et montre une taille dans le substrat depuis l’aménagement fouillé.L’exploration préliminaire de cette structure s’avérant plus longue que prévu et le prolongement de ces éléments liés à elle nous a incités à reporter l’établissement de la plateforme. Au final, il s’est avéré que les particularités de cette structure ne nécessitaient plus de moyens spécifiques à la fouille en profondeur. La prise d’informations en parallèle sur ces étendues latérales a été alors totalement gérée par le responsable d’opération.

* Aménagement 2 :Également signalé lors du diagnostic, cet aménagement se situe à proximité de la jonction de deux fossés. Non bâti, il apparaissait comme un puits dont le débouché en surface était largement ouvert. Taillé dans le substrat de moyenne tenue, cette structure formait un plan circulaire. Puis, après un décapage mécanique afin d’établir la plateforme Archéopuits, elle prenait une forme quadrangulaire proche du carré.

Cette fouille a présenté des difficultés particulières du fait des dimensions hors normes de la structure générant une grande quantité de déblais. De même, la présence d’une gaine de calcite, d’une épaisseur moyenne de 15 cm, tapissant les parois, était présente sur plusieurs mètres de haut et menaçait de s’effondrer. La stabilité du substrat supportant cette masse étant engagée, nous avons opté pour l’abattage de ces énormes plaques après un relevé de profil intermédiaire afin de conserver l’information archéologique de sa formation.Puis, plus bas, l’apparition de voûtes formées dans le substrat et non appareillées, sur les côtés est et ouest, a laissé supposer la présence d’une galerie comme cela avait été remarqué en 2009 au lieu-dit « Mazeran ». Le comblement supérieur de ces voûtes se composait principalement de matériaux naturels originels effondrés sur le sédiment de bouchage du puits. Après une mise en sécurité de ces deux zones, la fouille a pu être menée jusqu’à terme. Ceci a permis de dégager un canal en fond de structure et pouvoir faire les relevés nécessaires (dessins et photos) afin de présenter les données. »

2. Résumé de la fouille des puits sur Béziers par Archéopuits, au lieu-dit « Le Garissou » (34) (J.-M. Féménias et O. Mignot)

III. Chapitre 2

96 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Fig. 100 : Plan de situation des piles sur la carte au 1/25 000e

PL. 30 : Localisation des piles de Causses-et-Veyran

P4

P5

P3 P2P1

P0

La source des Robinets

Causses-et-Veyran

Le champ au plomb

Fig. 101 : Vue Sud/Sud-Est de l'alignement des piles matérialisant l'axe du siphon inversé

Puech Quinau

136 m ngf132 m ngf

97III. Chapitre 2

Préambule

L’occasion d’alimenter le sujet concernant la diversité des techniques d’acquisition et de conduction de l’eau me permet de compléter certaines observations réalisées dans le cadre d’une réflexion concernant les « Piles » de Causses-et-Veyran. Ces ouvrages ont déjà fait l’objet de nombreuses publications qui spéculent sur des tours trophées ou les vestiges d’un aqueduc en bois. Les découvertes effectuées ces dernières années par J.-L. Espérou nous amène à proposer un schéma de fonctionnement qui s’appuie sur des références archéologiques, historiques et ethnologiques. La présentation de ce concept hydraulique, car il est bien question d’eau, avait donc sa place ici.Aussi, après avoir mis en évidence une façon de récolter l’eau souterraine contenue dans les aquifères poreux au Garissou et à Mazeran, dirigeons nous quelques kilomètres plus au Nord pour présenter la manière avec laquelle les romains ont fait traverser une adduction d’eau en conduite forcée dans un vallon, par l’aménagement de six siphons inversés51. Concrètement, comment faire passer une conduite en plomb dans une vallée longue de 400 m et d’une hauteur de chute de 20 m, sans pont-aqueduc et sans risquer « le coup de bélier » ?

1.1. Présentation (Pl. 30 et 31)

Le village de Causses-et-Veyran est situé dans le département de l’Hérault (34), à une quinzaine de kilomètres au Nord/Nord-Ouest de Béziers. Lorsque l’on se promène au Sud-Est du village, le long de la D. 19 qui mène à Murviel-lès-Béziers, on remarque deux puissantes constructions circulaires perdues dans les vignes. Elles appartiennent à un système hydraulique composé à l’origine, de six piliers alignés selon un axe N/NO-S/SE et équidistants de 70 m pour la plupart. Des six tours, ne restent que les deux constructions installées dans le fond d’un large vallon, au pied sud du Puech Quinau. Sur la carte IGN au 1/25 000e, ces deux architectures apparaissent sous le terme générique de « piliers ». Datées de la période romaine, elles restent une énigme tant pour le milieu archéologique que pour les habitants de cette commune. Considérées au siècle dernier comme des tours trophées, elles sont actuellement interprétées comme des vestiges appartenant à un aqueduc en bois.

1.2. Etat des connaissances

C’est E. Sabatier52, qui le premier, propose une interprétation de ces monuments lors d’une fouille en 1841. Quatre des six piles présumées font l’objet d’un descriptif dans lequel on apprend que leurs circonférences

51. Un siphon est un système servant à transvaser des liquides selon le principe des vases communicants

52. Membre de la S.A.S.L.B. (Société Archéologique Scientifique et Littéraire de Béziers)

1. Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

98 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Fig. 102 : Rondelle de la pile P1

Fig. 103 : Vue Nord de la pile P3(La �èche indique une des marches d'un escalier volant)

Fig. 104 : Vue Sud de la pile P4

Fig. 105 : Base de la pile P5 (Cliché J.-L. Espérou)

PL. 31 : Présentation des piles de Causses-et-Veyran

DAO : R. Haurillon

99III. Chapitre 2 1. Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

avoisinent 7 m et une hauteur conservée de 5 m (il ajoute cependant qu’elles étaient plus grandes). D’autre part, au sud de l’enfilade des piles, il mentionne la découverte d’un conduit en plomb qui a donné à cet endroit, le nom de « Champ au Plomb ». Enfin, encore un peu plus au sud, il reconnait des murs antiques qu’il interprète comme les restes d’un fanum. Il en conclut que ces architectures sont des tours trophées, interprétation qui ne sera pas démentie par l’article de J. Coulouma en 193453. Quelques années plus tard, l’Abbé Giry en 196354 oriente son interprétation vers les vestiges d’un aqueduc. En 1970, dans son important ouvrage sur Béziers et son territoire dans l’Antiquité publié, M. Clavel-Lévêque consacre 3 pages sur ces témoins de pierre55. Elle revient sur l’hypothèse plausible de tours trophées mais réfute celle d’un aqueduc : « Récemment, on a interprété ces tours comme des piles de l’aqueduc d’une villa, ce qui est impossible d’après la situation qu’elles occupent par rapport au fleuve Orb. »Pourtant, M. Bonnafous56 en 1994 puis L. Montagner en 199757 suivent cette piste et proposent même de restituer les plans d’un système hydraulique en élévation, en bois. Un rare exemple d’aqueduc a été étudié en Espagne et témoigne de ce type de construction (Laborda 2011)58. Cependant, plusieurs aspects techniques nous obligent à ne pas retenir cette option.En 1999, J.-L. Andrieu et J.-L. Espérou relancent le débat en découvrant certains éléments déterminants mais ne concluent pas quant à l’identification de ces mystérieuses piles59.Enfin, en 2009, J.-L. Espérou publie son travail sur l’aqueduc romain de Béziers60 dans lequel il consacre quelques pages aux « piles » de Causses-et-Veyran. Il dresse alors un bilan des vestiges connus en y ajoutant les observations effectuées en 1999. L’auteur mentionne, non plus quatre, mais six piles espacées approximativement de 70 m, dont il fouille l’une des bases (P5). Cette intervention permet ainsi de renouveler la vision générale de l’ensemble.

1.3. La pile P5 (Fig. 105 et 106).

Dernière de la série, la pile P5 est située la plus au Sud. Elle est installée sur le rebord de la colline du « Champ au Plomb ». C’est une maçonnerie circulaire de 2 m de diamètre, similaire de ses homologues. Comme le note J.-L. Espérou, son centre est occupé par un « bassin cylindrique » construit en opus signinum61. D’un diamètre de 0,9 m, il est conservé sur 0,3 m de hauteur. Les parties situées dans l’axe de l’ensemble des piles, de part et d’autre du massif de maçonnerie circulaire, ont été arrachées. Ces saignées pouvaient correspondre à l’emplacement d’une tuyauterie en plomb située en vis-à-vis, soit une entrée et une sortie, comme le schéma le décrit de manière fidèle. Il conclut en écrivant très justement : « ...Ces tours seraient donc des bassins confirmant ainsi leur dénomination occitane de pilas (bassin de pierre) ».

53. Les tours trophées de Causse-et-Veyran, 1934

54. G. Barruols : Le monument funéraire de Villelongue d’Aude CL, Xll, 1963, ρ. 98, n° 2

55. Béziers et son territoire dans l’Antiquité 1970, p. 148-151

56. Les Piliers, un aqueduc romain, 1994

57. Les piliers gallo-romains de Causses-et-Veyran. Bulletin de la Société Archéologique de Béziers, 1997-1998

58. Acueducto romano de Los Banales in Caesaraugusta, 82, 2011, pp.169-198

59. Revue de la Fédération Archéologique de l’Hérault, p. 129-136

60. P. 71 à 75

61. Mortier hydraulique ou béton de tuileau

100 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

PL. 32 : Les éléments connus associés au fonctionnement d'une cheminée d'équilibre

DAO : R. Haurillon

Fig. 106 : Plan et coupe de la pile P5 (Dessin de J.-L. Espérou)

Fig. 107 : Fondation de la pile P2 d'après la description de E. Sabatier (Dessin de J.-L. Espérou)

Entrée d'eau

Sortie d'eau

Sortie d'air

Niveau dynamiquemaximale

Niveau dynamiqueminimale

Event

Fig. 108 : Schéma de fonctionnement d'une cheminée d'équilibre

Fig. 109 : Hypothèse de restitution d'une pile d'après les informations récoltées

4 m

Event

Chambre dedépression

Conduite forcée en plomb Conduite forcée en plomb

101III. Chapitre 2 1. Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

Ce dernier, qui n’a jamais cru à un aqueduc en bois, a l’occasion de pousser le raisonnement un peu plus avant. Cependant, comme aucune explication rationnelle concernant l’interprétation de l’ensemble n’est proposée, nous profitons de ces nouvelles découvertes pour présenter notre hypothèse de fonctionnement, théorie qui nécessite quelques préalables techniques à la compréhension de ce dispositif hydraulique ingénieux.

1.4. Le coup de bélier

Le coup de bélier est un phénomène universel : lorsque l’on ferme brusquement une vanne ou un robinet, la canalisation, du fait de l’arrêt de l’écoulement et de l’inertie de la masse d’eau en mouvement, subit un choc qui se traduit souvent par un claquement. C’est un phénomène de surpression qui apparaît au moment de la variation brusque de la vitesse d’un liquide. À bien des égards, ce phénomène physique peut engendrer un dysfonctionnement qui peut être résolu grâce à la mise en place d’un « antibélier » qui se traduit par l’aménagement sur la conduite d’une cheminée d’équilibre ou chambre d’équilibre.

1.5. La cheminée d’équilibre (Fig. 108)

C’est un dispositif hydraulique essentiel à la régularisation des débits d’acheminement de l’eau dans une conduite forcée. Il s’apparente à un réservoir en contact avec la surface libre. Ce réservoir joue un rôle de tampon ou ventouse, neutralisant les variations de débit et permettant de limiter sa contribution aux coups de béliers.

Lors de l’ouverture d’une canalisation : la mise en mouvement de l’eau conduite est directement liée au débit qui augmente. Le volume contenu dans la chambre d’équilibre permet d’approvisionner la conduite en aval en attendant que le débit de la conduite en amont prenne progressivement le relais.Lors de la fermeture de cette canalisation : le rôle de la chambre d’équilibre est d’absorber temporairement le débit excédentaire de l’eau provenant de la conduite en aval (ainsi que son énergie cinétique) afin qu’il ne contribue pas à augmenter la pression dans la conduite en amont.Dans le cas qui nous intéresse, il s’agit de faire passer l’eau dans une conduite forcée en plomb, d’un côté à l’autre d’une vallée62 . Pour se faire, on construit à travers ce vallon ces fameux piliers (cheminées) au sommet desquels est aménagé un réservoir ou chambre d’équilibre (Fig. 109). L’eau arrive de la source des Robinets par écoulement libre dans une canalisation en céramique en forme de « U » partiellement retrouvée. Elle tombe dans un réservoir appelé bassin de chasse et rentre en conduite forcée dans un tuyau de plomb. Elle court sous terre jusqu’au pied du premier pilier (P0), monte verticalement contre ce pilier et arrive dans la chambre hydraulique (bassin) en hauteur en formant un coude. Elle se déverse dans cette cuve pour être aussitôt emmenée par un tuyau opposé, situé légèrement plus bas dans le réservoir. Ce tuyau de descente longe le pilier jusqu’au sol et s’enterre. Il arrive au second pilier qu’il escalade et déverse son eau dans le bassin aérien et ainsi de suite… Enfin, l’eau termine la traversée du large vallon au pilier P5 qui fait office de bassin de fuite. De là, elle chemine jusqu’au bassin de la villa de La Plecho, toujours en conduite forcée dans un tuyau de plomb mais avec une pression quasi nulle.

62. Pour mémoire, une colonne d’eau de 10 m exerce à sa base une pression de 1 kg/cm2 (1 kg/cm2 = 1 atm. = env. 1 bar = 1000 hPa). La pression hydrostatique augmente de 1 bar tous les 10 mètres

102 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

1.6. Mise en application d’après les observations de terrain

En reprenant les valeurs enregistrées par J.-L. Espérou, le point de départ constitue la valeur altimétrique de référence, soit 136 ngf et la pile P5, située à 132 m ngf, son point d’arrivée. Entre ces deux points, nous avons 4 m de dénivelé (perte de charge), ce qui permet de mettre en place un système de siphon inversé. Le calcul de J.-L. Andrieu et J.-L. Espérou concernant la perte de charge valide l’option du siphon63. Cependant, l’eau est emmenée par une conduite forcée en plomb qui doit parcourir une distance d’au moins 400 m en passant dans un vallon dont le développé est d’environ 450 m et la flèche64 de près de 20 m, soit 2 bars de pression. Face à de telles conditions, les tuyaux n’y résisteraient pas. Aussi, pour réguler et amortir ces chocs, on aménage des cheminées ou chambres d’équilibre.Ces cheminées ont un diamètre à la base compris entre 2 et 2,36 m et sont construites en opus quadratum. Ce diamètre est fonction de la hauteur des « piles », celles situées au fond du vallon (P3 et P4) étant plus grandes que celles à mi-pente ou sur le rebord de chaque versant (P1, P2 et P5). Cette hauteur représente la mesure relevée entre le niveau de sol et la ligne piézométrique théorique (Fig. 112). Cette ligne virtuelle correspond au tracé entre le point de départ du niveau d’eau dans le réservoir de chasse et le point d’arrivée dans le réservoir de fuite.Dans la partie supérieure de ces cheminées est donc installé une chambre ou réservoir (en béton de tuileau par exemple, comme les vestiges de la pile P5 ?). Ces chambres ont quatre fonctions : Elles permettent de réguler la pression dans les tuyaux de plomb et forment un petit siphon intermédiaire. Elles facilitent la purge d’air dans la conduite en plomb. Les réservoirs ont une sortie d’évent située dans la partie la plus haute. Elles servent de bassins d’assainissement, les impuretés de l’eau se déposant au fond de la cuve. Enfin, elles peuvent être utilisées comme réservoirs d’alimentation dans le cas d’un ajout de tuyauterie.Au sortir du vallon, après la pile P5, la conduite en plomb devait encore cheminer sous terre pendant 200 m, jusqu’à un bassin d’arrivée. Selon J.-L. Espérou, les vestiges de murs repérés à « La Jasse de Veyran ou Villa de La Plecho » matérialiseraient ce bassin plutôt que les ruines d’un fanum comme le supposait E. Sabatier. La hauteur au point d’arrivée d’eau est estimée à 131 m ngf. Cette altitude permet à l’eau de circuler dans la conduite en plomb, depuis la pile P5 jusqu’au bassin selon une pente de 0,5 % (en conduite forcée mais avec une pression moindre).Voici donc l’explication du fonctionnement général du système mis en place pour faire traverser l’eau de la source des Robinets dans un large vallon. La priorité de l’ensemble réside en la présence de plusieurs chambres d’équilibre qu’il faut porter au niveau de la ligne piézométrique théorique. Les romains ont donc sectionné le siphon au moyen de six cheminées d’équilibre, qui jouent le rôle de vases communicants. Six petits siphons ont été substitués à un seul grand, plus faciles à construire, à entretenir et permettant un accès à l’eau plus aisé.

63. La perte de charge se traduit par une diminution de pression. C’est l’énergie dissipée par le frottement du liquide dans le tuyau de plomb. S’ajoute la perte de charge singulière qui correspond aux coudes, vannes, diamètre de la conduite et robinet. Elle peut se réguler par la prise d’eau dans les réservoirs aériens des piles

64. Hauteur de la chute d’eau

103III. Chapitre 2 1. Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

1.7. L’apport des sources bibliographiques

Dans son histoire de l’architecture (Choisy 1899), l’auteur décrit la manière avec laquelle les romains faisaient descendre l’eau des flancs des collines pour la faire remonter à contre-pente. Il précise : « …qu’ils n’arrivèrent à ce résultat qu’en emprisonnant l’eau dans des conduites en plomb et le plomb ne résiste pas aux fortes pressions…d’ailleurs ils avaient observé les désastreux effets des « coups de bélier » : pour y parer, ils interrompaient les parties plongeantes par des colonnes où l’eau monte, prend un instant son niveau naturel, puis redescend ». Il ajoute : «…que cet artifice qui parait avoir été pratiqué dès l’époque de Vitruve se trouve réalisé à Pompéi (Fig. 110) et aujourd’hui encore, il est d’application courante dans tout l’Orient ». Vitruve a décrit cette technique mais le passage qui lui est consacré a été mal retranscrit (par les copistes qui ne connaissaient pas ce concept). Passage des écrits de Vitruve65 : In ventre, coll{ivi}aria66 sunt facienda, per quae vis spiritus relaxetur. Ita, per tistulas plumbeas aquam qui ducent, his rationibus bellissime poterunt efficere ; quod decursus, et circumductiones, et ventres et express{u}s hac ratione possunt fieri : cum habebunt, a capitibus, ad fastigi{a} libramenta.Traduction : Dans le ventre67, des {adoucis}68 doivent être faits, par lesquels la violence de l’impulsion soit amortie. Ainsi ceux qui conduiront l’eau par tuyaux de plomb pourront par ces moyens très élégamment procéder, parce que les plongées et lacets et ventres et refoulements peuvent se faire par ce moyen, lorsqu’ils auront depuis les sources des nivellements à pente.Ce n’est donc pas « colliviaria » qu’il faut écrire mais « columnaria » (colonne). En effet, la transcription la plus fidèle est celle de Baldus et Philander qui le traduisent ainsi parce qu’ils pensent que Vitruve entend par là qu’il faut enter des bouts de tuyaux qui s’élèvent comme des colonnes sur ceux qui sont dans les lieux bas pour leur donner de l’air. Cette proposition est confirmée par les écrits suivants de l’architecte romain : « ...ut vis spiritus relaxetur… », traduction littérale de C. Germain de Montauzan par « force d’aspiration »69 que A. Choisy traduit par « violence de l’impulsion »70 et qu’il faut interpréter par « pression ».Aussi, on peut retranscrire le passage de Vitruve ainsi : « Dans la partie basse de la conduite, des colonnes doivent être faites, par lesquels la violence de l’impulsion (pression) soit amortie ». Cette traduction abonde dans le sens de la théorie de H. Fahlbusch71 qui voit dans le terme « columnaria », -« des tours portant en hauteur un réservoir intermédiaire, jouant le rôle des modernes cheminées d’équilibre, et permettant de purger l’air du ventre du siphon ».Dans son ouvrage sur les romains et l’eau, A. Malissard aborde un passage sur la distribution des eaux à Pompéi (Malissard 2002)72. À partir du castellum qui domine la ville, il explique la manière avec laquelle l’eau circule en conduite forcée dans les tuyaux de plomb. Afin de pallier le dénivelé entre le château d’eau et la porte de Stabies, les Pompéiens avaient élevé une série de siphons en escalier afin de faire baisser la pression de l’eau

65. Traduction d’A. Choisy 1909 : Livre VIII, Chapitre VI (des conduites d’eaux), 6.6

66. « Colliviaria » est tiré du mot colluvies qui signifie courant d’égout (sic). Vitruve livre VIII, 6.6

67. C’est la partie inférieure de la conduite, celle qui se trouve dans le vallon

68. Retranscrit ainsi. Dans la traduction de C. Perrault (1684), ce mot est traduit par « ventouse »

69. In l’aqueduc de Lyon, étude comparée d’archéologie romaine, 1908, p.187

70. In Vitruve, Tome III, texte et traduction 1909, p. 103

71. Prof. Dr. H. Fahlbusch : Remarks on Vitruv’s colluviriae, 1979Prof. Dr. H. Fahlbusch : Remarks on Vitruv’s colluviriae, 1979

72. P. 214 à 217

104 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Fig. 110 : Cheminée hydraulique à Pompéi

Fig. 112 : Fonctionnement du soutèrazi (d'après un relevé d'Andréossy)

Conduite forcée

Fig. 111 : Trois soutèrazi à Kilyos (Turquie). Celui de gauche fait 15 m de hauteur

Fig. 113 : Fort Kila sur la Mer Noire alimenté en eau parun système de soutèrazi (Gravure du XIXe siècle)

PL. 33 : Cheminée hydraulique et soutèraziDAO : R. Haurillon

105III. Chapitre 2 1. Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

(Fig. 110). Ces ouvrages s’apparentaient à des « piles de maçonneries »73, dans lesquelles on avait ménagé des saignées pour y placer les conduits. Au sommet de ces piles se trouvait une cuve de plomb qui recevait l’eau de la conduite montante et qui la redistribuait dans la conduite descendante. Ainsi, on évitait le coup de bélier et l’explosion des tuyaux de plomb. Treize de ces piles sont encore visibles dans la ville romaine dont la plus haute atteint 6,75 m.Ce schéma de distribution hydraulique avait été suggéré lors d’une vaste étude sur l’eau antique de la ville de Nîmes (Veyrac 2006). L’auteur y proposait une distribution sous pression à partir du castellum, selon un modèle identique à celui de Pompéi (p. 177). Quelques trop rares éléments d’architecture mal identifiés n’ont pas permis de confirmer cette supposition. Cependant cette vision hydraulique pompéienne appliquée à Nemausus est tout à fait probable. Aussi le sujet reste-t-il toujours d’actualité.Dans son opus (Eydou 1917), l’auteur précise que ce système comporte un très haut degré de perfectionnement par un véritable fractionnement de la canalisation, mais qu’il n’est applicable que pour des débits relativement peu variables. A. Choisy ajoute que ce procédé est encore utilisé dans tout l’Orient. Connues sous le nom de soutèrazi, ces architectures sont toujours visibles en Turquie, comme par exemple dans les villes de Constantinople ou de Kilyos.

1.8. Les soutèrazi (Pl. 33)

Littéralement « équilibre d’eau »74, ce terme turc désigne une tour portant un réservoir associée à l’aménagement d’une adduction par siphon inversé. Au XIXe siècle, lors de son ambassade à Constantinople, le Comte Andréossy décrivait l’ensemble de la manière suivante (Andréossy 1828) : « Pour former une conduite à soutèrazi, on a besoin de choisir des sources dont le niveau soit supérieur de plusieurs pieds au réservoir de distribution que l’on veut établir. On amène les eaux de ces sources dans des canaux souterrains légèrement inclinés jusqu’à ce qu’on arrive au bord d’une vallée, d’un bas-fond ou d’un pli de terrain. On y élève de ce côté et du côté opposé un soutèrazi, auquel on adapte des tuyaux en plomb, verticaux, de diamètres déterminés, placés parallèlement sur les deux faces opposées. Ces tuyaux cessent d’être joints dans la partie supérieure, ce qui forme ainsi un bassin. L’un permet à l’eau de monter au niveau d’où elle était descendue ; par l’autre, l’eau descend de ce niveau jusqu’au pied du soutèrazi, où elle trouve un autre canal souterrain qui la conduit à un second soutèrazi, où elle s’élève et descend dans un troisième et ainsi de suite jusqu’à la dernière station. Là, un réservoir la reçoit et la distribue dans divers directions, par des orifices dont le débit est connu (Fig. 112). Ces soutèrazi peuvent être simples (2 tuyaux) ou composés (plusieurs directions). Pour se faire, on aménage en haut de ces derniers un bassin de répartition d’où partent d’autres canalisations. Selon Andréossy, cette technique utilisée à Constantinople et dans l’empire Ottoman supplée aux aqueducs sur arcades dont le prix estimé est cinq fois supérieur75. D’autres conduits similaires aux soutèrazi sont visibles en Espagne, en Sicile ou au Maroc où ces derniers sont appelés des tours élévatrices (Fig. 114 et

115). Il en existe aussi en France, à la Crau (Var), où une conduite forcée

73. Terme utilisé par l’auteur

74. Mot composé de sou (eau) et de tèrazi (équilibre)

75. Pour se faire une opinion sur le coût de la mise en œuvre d’un aqueduc, voir l’article de P. Leveau : Organisation, durée et coût des chantiers : un travail d’équipe conduit par section in conduire l’eau et la contrôler : l’archéologie des aqueducs romains. Colloque SFAC, 2006.

106 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Fig. 114 : Tours élévatrices de l'eau. Tamesloht (Maroc) Fig. 115 : La prise du système des tours élévatrices. Tamesloht (Maroc)

Fig. 116 : Tour d'évent de la Crau (83)(En encadré la sortie d'air)

Fig. 117 : Cheminée d'équilibre de la centrale hydroélectrique d'Isawa (Japon)

PL. 34 : Divers types de cheminées d'équilibre

DAO : R. Haurillon

107III. Chapitre 2 1. Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

alimentait en eau la ville d’Hyères au XVIIIe siècle76. Appelée aussi tour d’évent, c’est une cheminée sur laquelle on peut voir encore partiellement la canalisation en terre cuite qui grimpe le long de la tour conservée sur 4 m de hauteur. Dans sa partie supérieure un orifice est visible : c’est la purge d’air (Fig. 116).Enfin, ces cheminées d’équilibre sont toujours construites lors de l’aménagement de certaines centrales hydro-électriques. La pression dans les conduites forcées est telle que les amenées d’eau ne résisteraient pas, les turbines de production non plus d’ailleurs (Fig. 117).

1.9. Les « Pyramides » ou « soupiraux » de La Boissière (34) (Pl. 35)

Un système hydraulique fonctionnant vraisemblablement selon un principe similaire est visible sur la commune de La Boissière (34), village de garrigue situé au Nord-Ouest de Montpellier. Cette proximité géographique est trop tentante pour ne pas s’attarder sur quelques lignes de présentation et fait donc l’objet d’une parenthèse.

Partiellement conservé, l’ouvrage est daté du début XIXe siècle et n’a fonctionné qu’une vingtaine d’années. Il s’agit d’une conduite forcée en terre cuite qui traverse une large dépression pour porter l’eau d’une source captée dans la colline, jusqu’à la fontaine du village. Les conditions topographiques permettent de mettre en place une adduction par siphon inversé partitionné. D’une longueur de plus de 1 km, le parcours complet de la conduite enterrée est matérialisé sur le cadastre napoléonien de 1828 (Fig.

120).L’adduction est constituée de 3 piles qui devaient faire office de cheminées d’équilibre, appelées localement « pyramides » ou « soupiraux77 ». Si la pile P1 la plus en amont de la conduite a disparu dans la garrigue, les deux piles situées au Nord-Ouest du village sont encore en élévation (piles P2 et P3). L’ensemble a fait l’objet de partielles observations (Lalanne 2001). Aussi, quelques remarques techniques supplémentaires viennent compléter cet article et permettent d’alimenter nos hypothèses en comparant cet ouvrage moderne à l’exemple romain de Causses-et-Veyran.

1.9.1. Le cheminement de l’eau

L’hypothèse du fonctionnement de l’ensemble est le suivant. Située à 130 m de hauteur, l’eau de la source captée de « Font Vive » ou « d’Aigues Vives » est conduite dans un tuyau en terre cuite qui chemine sur presque 600 m sur un plateau légèrement incliné vers l’Est, jusqu’au bord d’une petite falaise (départ du siphon). Une prospection pédestre sur le plateau dans l’axe de l’adduction permet de récolter quelques fragments erratiques de terre cuite provenant de la canalisation détruite. La conduite plonge ensuite dans ce petit ravin pour atteindre une première pyramide ou cheminée d’équilibre, aujourd’hui disparue. Elle entame ensuite la seconde partie de la descente, franchit un petit rec sur petit un pont empierré encore visible, chemine 180 m sous terre, « s’oxygène » dans la partie haute de la pile P2 (?), effectue le même exercice au niveau de la pile P3 (?) et termine enfin sa course au pied de la première fontaine du village.

76. http://www.museedeleau.com/article.php?identifiant=0005

77. Soupirail : ouverture pratiquée pour donner du jour ou de l’air à une cave ou à un autre lieu souterrain

108 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Source de Font Vive ou d'Aigues Vives

Fig.118 : Vue Est de la Pile 02

Pile 02

Fig. 119 : La conduite forcée enterréerecoupée par le fossé moderne

Pile 01 Pile 02

Pile 03

Source

Fontaine

Fig. 120 : Tracé complet de "l'aqueduc" de La Fontaine sur plan cadastral napoléonien de 1828

N

Fig. 121 : Vue Sud / Sud Ouest de la Pile 03

Fig. 122 : Réfection de la partie supérieure de la Pile 03 Fig. 123 : Vestige de la conduite de distribution Sud de la Pile 03

DAO, R. Haurillon

PL. 35 : Les "Pyramides" ou Piles de La Boissière (34)

109III. Chapitre 2 1. Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

1.9.2. Les pyramides conservées

De formes trapézoïdales et orientés aux 4 points cardinaux, les 2 piliers ou pyramides conservés sont espacés de 120 m selon un axe Ouest-Est. Ils sont construits en pierre locale de calcaire grisâtre et l’ensemble est lié au mortier. Leurs bases varient de 2 m (pyramide P2) à 2,4 m (pyramide P3). Les constructions s’affinent de 0,2 m tous les mètres pour atteindre une élévation actuelle de 5 à 6 m. Sur le mur sud de chaque pilier, c’est à dire perpendiculairement à l’axe de la conduite principale, on remarque une saignée matérialisant l’emplacement d’un conduit vertical en terre cuite, partiellement conservé. Pris dans la maçonnerie, ce conduit est constitué de tuyaux en céramique emboités les uns dans les autres et dont le diamètre intérieur est de 0,07 m. Au regard du fonctionnement général de l’ouvrage, ils sont interprétés comme des conduits de distribution ou d’alimentation en eau qui fournissaient par gravité un réservoir installé jadis, au pied des piliers.

1.9.2.1. La pyramide P2La nette différence dans l’aspect général des deux architectures encore en élévation, subodore une réfection complète de la pile P2. Contrairement à la pile 03, on remarque de très nombreux fragments de canalisations en terre cuite insérés dans la maçonnerie de l’ensemble. Ces éléments ont pu appartenir à la conduite principale (montante et descendante) qui « approvisionnait », à l’origine, la citerne de dépression située dans la partie haute78. Après destruction de la pyramide, ces matériaux ont pu faire l’objet d’un remploi lors d’une reconstruction globale.D’autre part, on note une importante hétérogénéité des matériaux formant l’édifice et de leur agencement (importante irrégularité du chainage et des arêtes). De plus, le mortier est beaucoup plus sableux que celui utilisé à la mise en œuvre de la pile P3. Enfin, la finesse de la pile P2 et l’étroitesse de sa partie supérieure annihilent l’espoir d’un réservoir de décompression à cette hauteur. Pour terminer, cette pile est désaxée de quelques degrés Ouest par rapport à l’axe de la tuyauterie principale et son alignement avec la pile P3. Comme on peut le remarquer sur le plan napoléonien de 1828, tous ces éléments sont orientés selon des axes cardinaux bien définis, validés à la boussole lors d’une prospection de terrain. Au pied de la Pyramide P2, un fossé de drainage coupe la tuyauterie principale en terre cuite, à une profondeur de 0,6 m. Cette canalisation est encore visible dans le talus Est dudit fossé (Fig.

119). Elle file en droite ligne vers la pyramide P3, selon un axe strictement Est-Ouest mais se trouve légèrement désaxée par rapport à la Pile P2. Enfin, l’ensemble n’offre pas cette patine laissée par le temps que l’on peut apprécier sur l’autre pile.

1.9.2.2. La pyramide P3La construction de la pile P3 offre un aspect nettement plus homogène dans sa construction que sa voisine. Le travail est soigné, les pierres et petites lauzes sont calibrées et liées par un mortier unique. L’ensemble est élégant, les formes sont harmonieuses et régulières. Comme la pile P2, elle s’affine en perdant 0,2 m par mètre. Á 5 m de hauteur, on remarque un changement dans sa construction (Fig. 122). L’angle de rétrécissement de la pyramide se fait plus aigu, les matériaux utilisés n’ont plus la même patine et leur agencement est différent. Le constat est similaire à celui précédemment avancé lors de la description de la Pile P2 : cette partie n’est pas d’origine. Comme sa jumelle, on observe sur le côté sud de la pile une profonde saignée verticale en haut de laquelle les restes d’une tuyauterie en terre cuite sont encore visibles. Cassé à l’endroit où la maçonnerie diffère, ce conduit devait alimenter en eau et par gravité, un bassin installé au pied de

78. Sans citerne placée en haut des piliers, ce système ne peut fonctionner

110 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

l’architecture (Fig. 123). Cette hypothèse induit forcément l’existence d’une citerne hydraulique en haut de la pile alimentée par la conduite principale et qui jouait donc aussi un rôle de distribution. Cette citerne et ce bassin ont disparu.

1.9.3. Des questions de fonctionnement

Certaines explications techniques rationnelles font défaut. Par exemple, pourquoi la pile 02 située dans la partie la plus basse du ventre du siphon est-telle plus petite que sa voisine installée 3 m plus haut (2 m pour P2 et 2,4 m pour P3 à leurs bases) ? Pourquoi le conduit latéral d’alimentation sur le côté ouest de la pyramide est-il présent après la reconstruction de la pile P2 ? Ce dernier n’ayant plus d’utilité, puisqu’il n’y a plus de citerne de distribution, cet ajout ne s’imposait pas. D’autre part, en supposant que ce tuyau latéral soit en réalité un conduit d’évent, pourquoi désaxer l’ensemble ?

Toutes ces observations concernant des irrégularités dans le fonctionnement de l’ouvrage hydraulique de La Boissière ont peut-être pour origine, une mauvaise conception de l’aqueduc et de sa maîtrise. A-t-il était reconstruit par des personnes qui n’avaient pas assimilé toutes les subtilités des vases communicants ou des mises en pression de conduites forcées ? Ce système d’adduction requiert en effet, une solide formation d’ingénierie hydraulique pour un fonctionnement efficace et optimal.On peut supposer aussi que l’utilisation de cet ouvrage a pu susciter jalousies et rancœurs chez certains villageois. En effet, d’après J.-F. Lalanne, les parcelles situées aux abords du conduit étaient les plus généreuses et les plus enviées : -« les propriétaires des terrains riverains avaient profité de l’aubaine pour y installer des jardins, ce qui provoqua des jalousies, finalement la canalisation ne fut plus entretenue79 ». Ce « favoritisme » de proximité aura donc pu exacerber plus d’un habitant, d’autant plus que l’ouvrage était un financement communal, donc un bien pour chacun. Associés à la disparition (?) de toute la documentation archivistique concernant les trois années de construction de la conduite et au laps de temps ridicule du fonctionnement de cette dernière (une vingtaine d’années), on peut se demander si derrière tous ces évènements ne se cacherait pas en réalité une querelle de village. Ce malaise aurait été nourri par un motif tout à fait justifiable, lors même que l’on appartient à une communauté rural presqu’autarcique, je veux parler de la spoliation de quelques uns à l’accès à l’eau et à la terre.

1.10. Les cheminées d’équilibre sur les aqueducs (Pl. 36)

Les conduites en plomb ayant fait l’objet de récupérations systématiques, la théorie présentée ici s’appuie sur quelques rares exemples comme celui de Pompéi ou sur des ouvrages modernes comme celui de La Boissière que nous venons de décrire. Cependant, ce concept technique s’applique aussi à certains aqueducs à l’architecture monumentale. Pour exemple, lorsqu’A. Triou étudie l’adduction de Saintes (Triou 1968), ce dernier fait allusion à ces cheminées d’équilibre. Quand il décrit une partie de section d’aqueduc en conduite forcée (3 tuyaux de plomb), il découvre une structure complètement arasée qu’il décrit comme un massif de fondation d’une pile. Située à l’intersection des axes de direction des plates-formes amont et aval, il émet l’hypothèse « d’une tour bassin conservant la pression », dont il estime la hauteur à une

79. P. 06, la première fontaine de La Boissière, déjà cite supra

111III. Chapitre 2 1. Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

34

35

Fig. 124 : Vue panoramique partielle de l'aqueduc

154 m

1670 m

592 m 924 m

D'après un dessin d'Orthlo� et Kassinos, 2003

Ligne piézométriquethéorique

1

2

33

34

36

35 37

Fig. 125 : Schéma de fonctionnement (en jaune, les parties détruites)

6 m

14,5 m

Ligne d'eau

16,5 m

30 m

Eau en conduite libre

Eau en conduite forcée

Eau en conduite libre

1 Bassin de chargePassage sur arches (1er ventre)

Tour NordPassage sur arches (2e ventre)

Tour SudPassage sur arches (3e ventre)

Bassin de fuite

23334353637

33

Fig. 126 : La "tour pression" Nord avec son rampantHauteur : 30 m (il manque 10 m)

Fig. 127 : La "tour pression" Sud. Hauteur conservée : 26 m (il manque 6 m)

35

PL. 36 : Le triple siphon inversé de l'aqueduc d'Aspendos (Turquie)DAO : R. Haurillon

112 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

douzaine de mètres, d’après le calcul concernant l’ajustement du siphon. L’auteur suppose que cette tour : «…constituait une cheminée d’équilibre extrêmement utile pour régulariser les débits, éviter les coups de bélier et évacuer les bulles d’air ou corps flottants entrainés lors de l’entrée de l’eau dans les siphons. Elle permettait encore le dépôt de pierres et corps lourds, et rendait possible et facile une prise d’eau auxiliaire alimentant le quartier environnant ». Faute de preuves matérielles plus convaincantes, ces interprétations ont, hélas, bien du mal à s’imposer.

Un autre aqueduc a fait l’objet de cette hypothèse : il concerne l’aqueduc d’Yzeron (un des aqueducs de Lyon). Cette adduction devait franchir une dépression sur 5 km, dont la flèche atteignait 90 m aux alentour de Craponne (partie la plus basse du siphon). Á certains endroits, la pression pouvait atteindre 9 bars. Aussi les ingénieurs romains ont-ils décidé de construire une cheminée d’équilibre sur une colline qui se trouvait sur le cheminement de l’aqueduc. Outre le partitionnement de la conduite en plomb en plusieurs sections plus petites, ils ont construit l’ouvrage qui devait atteindre 16 m de hauteur, valeur correspondant à la ligne piézométrique théorique entre le réservoir de chasse et celui de fuite. Mal conservé, l’ouvrage est suggéré par deux des quatorze piliers qui supportaient cette « tour » appelés « les Tourillons ».

L’exemple le plus spectaculaire de ce système se trouve à Aspendos en Turquie (Pl. 36). Cet aqueduc ne comporte pas moins de trois siphons inversés sur une distance de près de 2 km. Sans conteste un des mieux conservé de tout le monde romain, cet ouvrage est surtout réputé pour ses « tours-pression », qui sont des cheminées d’équilibre. Conditionnée à partir d’un bassin de charge au départ du siphon inversé, l’eau circule en conduite forcée dans des blocs de pierre emboités les uns dans les autres. Après une descente vertigineuse, l’ensemble gravissait par pression une rampe escarpée jusqu’en haut de la première chambre de décompression où l’eau était portée à une hauteur de 40 m ! Elle tombait dans une petite piscine en même temps que l’air s’évacuait du conduit et retrouve une pression atmosphérique normale. Elle repartait ensuite par une prise d’eau située à la presque base du bassin de décompression, jusqu’à la seconde tour, haute d’une trentaine de mètres (Pl. 125, n° 5). La vidange et la prise d’eau se répétaient alors pour « aérer » la conduite. Enfin, au sortir du bassin de fuite situé sur le bord du plateau, l’eau circulait de nouveau en conduite libre.On notera que le plan du fonctionnement de l’aqueduc d’Aspendos présenté dans ce paragraphe est identique, dans sa conception technique, au relevé d’Andréossy qui concernait les soutèrazi (Fig.112 et 125)

1.11. Cheminées d’équilibre et galeries drainantes souterraines ?

Un aménagement gardois a été interprété comme une cheminée d’équilibre sur une galerie drainante souterraine, connue sous le nom de tunnel Ravel et datée de 1592 (Fabre 2011). Situé quelques kilomètres à l’Est de Nîmes, cet ouvrage creusé 12 m sous terre permettait d’assécher l’étang de Clausonne. Découverte lors d’un effondrement de terrain au niveau de la partie médiane de la galerie, une colonne verticale surmonte la voûte de ce souterrain hydraulique (Cl. 08). Cette colonne est creuse, d’une hauteur conservée de 4,1 m80 et son diamètre intérieur est de 1,35 m. Sa construction est formée de 12 assises superposées constituées de 4 blocs de calcarénite taillés en arc de cercle, de 0,22 m d’épaisseur.

80. Il manque au moins 6 m

113III. Chapitre 2 1. Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

Lorsque la galerie était suralimentée et se trouvait dans l’incapacité d’évacuer un volume d’eau supérieur à son débit maximal, cet ouvrage assurait la sortie d’air qui provenait des bouillonnements et des turbulences de l’eau et ainsi, éviter une surpression dans la conduite et favoriser un meilleur écoulement.Cette structure, en réalité une colonne d’évent plus qu’une cheminée d’équilibre selon la définition proposée en début de texte, faisait aussi office de regard. Elle est certainement l’avatar d’un puits de creusement ayant participé à l’aménagement de la galerie souterraine.

Cl. 8Vestige de la colonne d’évent greffée sur la galerie souterraine Ravel repéré après un effondrement de terrain.(Cl. : S. Laurent, Inrap)

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1.12. La source des Robinets

Cette appellation bien originale, participe à l’interprétation de l’ensemble des piles de Causses-et-Veyran. En effet, ce système de siphon inversé avec ces tours de régulation de pression devait permettre d’utiliser la conduite de manière harmonieuse, une utilisation « raisonnée » en somme. Hormis au niveau des réservoirs de chasse et de fuite, ce contrôle pouvait aussi s’effectuer tout au long de la canalisation. Rien n’empêchait un accès à l’eau dans le vallon par le branchement de dérivations, le tout contrôlé par un système de vannes ou de robinets. Ainsi, l’eau pouvait cheminer sur de grandes distances simplement par gravité au sortir des piles hydrauliques ou à partir de bassins situés au pied des ces piles. Les canalets d’un système d’irrigation à conduites libres pouvaient y sillonner pour desservir les parcelles d’exploitation ou un habitat proche. D’autre part, ce fractionnement de la conduite facilitait grandement son entretien.Cette utilisation est tributaire bien évidemment du débit d’eau de la source et de la quantité utilisée qui doit être proportionnelle à celle du réservoir de chasse, ce dernier devant toujours fournir. Selon les calculs de J.-L. Espérou et J.-L. Andrieu, ce débit serait de 2 litres/seconde, soit une production journalière de 170 m3.

1. 13. Espacements, accès et dimensions des piles

Les piles de Causses-et-Veyran respectent une distance à peu près constante qui oscille autour de 70 m, soit 2 actus. Cette valeur rappelle les principes énoncés par Vitruve ou Pline l’Ancien concernant l’implantation de regards lors de la construction d’aqueducs81 : « …on aura soin d’établir des puits que l’on espacera entre eux de deux actus ». Cette équidistance n’est pas accidentelle. L’ingénierie romaine applique la normalisation utilisée à la construction des aqueducs, à l’ouvrage de Causses-et-Veyran. En effet, ce dernier n’est finalement rien d’autre qu’un aqueduc. Sa conception est juste un peu différente.Cette remarque permet d’argumenter la présence d’un accès ou d’une ouverture dans la partie haute des piles et valide un peu plus la thèse présentée dans cet ouvrage.

Comme le signalait Andréossy, on monte à la partie supérieure des soutèrazi turcs au moyen de pierres de taille en saillie placées en échelons sur une de leurs faces. Cet aménagement est d’ailleurs encore visible sur l’un des clichés de M. Bildirici (Fig. 111).Par comparaison, le bloc cassé inséré dans le pilier P04 de Causses-et-Veyran pourrait bien être le témoin d’une des marches d’un escalier volant (Fig. 103), un peu comme celles que l’on peut voir encore sur quelques rares tourelles de bergers82. Cette supposition abonderait dans le sens de J.-H. Coulouma qui écrivait : « Nos prédécesseurs ont signalé des briques rectangulaires entrant par leur pointe dans la maçonnerie ; nous ne les avons pas retrouvées83 ». J. Montagner renchérit dans son article sur les piles gallo-romaines : « Une pierre, en saillie, nous fait supposer que cet avancement n’était pas unique. Certains moellons avaient été disposés pour former un petit escalier permettant d’accéder au sommet du pilier ; des cassures et des irrégularités sur certaines pierres le confirment ».

81. Vitruve, De Architectura,VIII, 6. Pline l’Ancien, Histoires naturelles, XXXI

82. « Tornela » en occitan, ces élévations en pierre de 3 ou 4 m de hauteur permettaient au berger de prendre de l’altitude pour surveiller son troupeau. Un exemple est encore debout à Saint-Martin-de-Londres (34)

83. Les tours trophées de Causses. Rhodania, Congrès d’Orange, Vaison-la-Romaine 1934 (N° 1686)

115III. Chapitre 2 1. Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

La hauteur estimée de ces piles correspond à la distance entre le niveau de sol au pied de la pile et la ligne piézométrique théorique. En calculant une longueur du siphon de 400 m avec les valeurs de 136 m ngf au départ du réservoir de chasse et 132 m ngf au niveau de l’embase de la pile P5 (valeur correspondant à la hauteur d’eau à la sortie de cette pile et qui fait office de bassin de fuite), puis en traçant la ligne piézométrique théorique entre ces deux points, nous obtenons les valeurs suivantes :

Pile 00 Pile 01 Pile 02 Pile 03 Pile 04 Pile 05

Diamètre - 2,1 m 2 ,25 m ? 2,35 m 2,13 m 1,98 m

Circonférence - 6,6 m 7 m ? 7,4 m 6,7 m 6,21 m

Hauteur estimée ≈ 6 m ? ≈ 11 m ≈ 15 m ≈ 17 m ≈ 12 m ≈ 2 à 3 m

On remarque que la hauteur estimée des piles est proportionnelle au diamètre/circonférence de chacune, ce qui valide la fiabilité de cette théorie.Lors de l’observation de la pile P2, E. Sabatier a repéré sa fondation à double redans, sur 2 m de profondeur (Fig. 107). Cet ancrage hors norme suggère une construction solide et massive dont la rigidité est accentuée par la forme des pierres de construction. Le moellon est travaillé sur plusieurs faces en retour d’équerre démaigrie ou à face pyramidante avec queue abattue. L’archéologue ne manque pas de décrire cette particularité puisqu’il précise que la partie de ces pierres de revêtement engagée dans l’intérieur de la maçonnerie affecte un peu la forme pyramidale. Cette observation est d’abord reprise par M. Bonnafous, dans sa description de la pile P1 : -« …le corps des blocs est taillé en biseau, « pyramide tronquée »84, puis par J. Montagner qui argumente, lors d’une description de la pile 04 : «…que le côté des pierres engagées dans le ciment grisâtre est parfois de forme pyramidale, ce qui contribuait à assurer la solidité de la construction. »85

Comme aucun élément déterminant conservé ne permet de préciser l’apparence générale de ces piles, toutes les hypothèses sont possibles. Dans le cas d’un pilier en pierre ou d’une colonne, on peut évoquer l’utilisation de matériaux légers comme la pierre ponce ou le bois, afin d’alléger la partie supérieure de l’ensemble et éviter une surcharge et le flambage de la pile86. Aussi, colonne, pilier, pyramide, obélisque ou flèche, la restitution de la forme finale de ces structures de Causses-et-Veyran est laissée à l’appréciation de chacun. Au regard des nombreux ouvrages antiques qui nous sont parvenus, porter à plusieurs mètres de hauteur un réservoir qui fera office de chambre d’équilibre n’a sans doute pas été un défi insurmontable pour ces experts en architecture (Cl. 9).

Un œil sur une hypothèse personnelle de restitution de ces piles confirme la qualité et la sobriété architecturale de l’ensemble (Cl. 10). Dans ce petit vallon, les hydrologues romains ont fait traverser l’eau sous pression dans une conduite en plomb, de piles en piles, en alliant technique, efficacité et esthétisme, confirmant une fois de plus l’importance du rendu final de l’ouvrage.

84. Les Piliers, un aqueduc romain, p. 05, Bonnafous 1994

85. P. 03, les piliers gallo-romains de Causses-et-Veyran

86. Á titre d’exemple, le panthéon d’Adrien à Rome supporte la plus grande coupole de toute l’Antiquité. La calotte de la coupole est constituée d’un béton allégé en granulat de pierre ponce et tuf]

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Cl. 10Hypothèse de restitution finale par photomontage.(Cl. : R. Haurillon, Inrap)

Cl. 9Schéma d’interprétation du fonctionnement de l’adduction antique de Causses-et-Veyran par sextuple siphon inversé.(R. Haurillon, Inrap)

117III. Chapitre 2 1. Un exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sextuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

1.14. Conclusion

En croisant toutes les observations effectuées depuis plus d’un siècle et en s’appuyant sur des exemples attestés, ce nouveau travail sur les piliers de Causses-et-Veyran permet de proposer l’existence d’une adduction d’eau en conduite forcée, utilisant le principe du siphon inversé partitionné en six sections par des piles qui font office de cheminées d’équilibre. Ce mode opératoire facilitait ainsi la traversée de petites vallées sans avoir à subir les désastreux effets du coup de bélier provoqué par la surpression dans les conduites de plomb. Aussi, nul besoin d’aqueduc, à la construction longue et onéreuse. Outre l’aspect pratique du fractionnement, le fonctionnement de la conduite était propice à une distribution « raisonnée » de la ressource hydrique. Il suffisait de brancher des dérivations à partir des chambres d’équilibre et de gérer le débit de ces branchements par un système de robinets et de vannes au pied des piliers. Ces derniers fonctionnaient alors comme de véritables châteaux d’eau. Pressenti dans la lecture des textes anciens aux traductions parfois approximatives, ce procédé de mener les eaux en conduites forcées n’avait pas encore été découvert dans notre région, peut-être même en Gaule. Aussi, cette hypothèse confirme le degré de spécialisation de l’ingénierie romaine et vient alimenter nos connaissances sur la gestion de cette ressource durant l’Antiquité. Elles s’ajoutent aux découvertes effectuées au Nord-Est de Béziers, aux lieux-dits « Mazeran » et « Le Garissou » qui fait l’objet du présent rapport. Grâce à l’archéologie, toutes ces techniques perdues sont remises en lumière et permettent de jeter un regard nouveau sur le patrimoine hydraulique de ce territoire à cette période.Cette interprétation appelle d’ores et déjà de nombreuses questions et ouvre de nouvelles perspectives de recherche qui passent par un retour sur le terrain et un investissement de fond sur les différents paramètres de fonctionnement qui permettront d’entériner cette hypothèse.Je ne peux terminer cette enquête sans rendre hommage à tous les chercheurs et passionnés qui se sont penchés sur ces vestiges si particuliers que sont les piles de Causses-et-Veyran. Ma pensée va particulièrement vers J.-L. Espérou dont le travail a permis de faciliter la compréhension du fonctionnement de cet ensemble.

118 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

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Choisy 1909 : CHOISY (A.), - Vitruve. Tome III. Texte et traduction, livres VII-X, textes annexes, Paris, imprimerie-librairie Lahure, 1909.

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Fabre, Fiches, Marchand, Mathieu et Pey 2011 : FABRE (G.), FICHES (J.-L.), MARCHAND (G.), MATHIEU (V.) et PEY (J.), - Entre Gardon et Vistre, Clausonne, l’étang, ses drainages et l’aqueduc antique de Nîmes In : FABRE (G.) dir. – Sites, Monuments et temps de l’eau entre Vidourle et Rhône, Bulletin de l’Ecole Antique de Nîmes, 29, 399 p.

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Bibliographie

119III. Chapitre 2 Bibliographie

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Vitruve : De l’Architecture, Les dix livres d’architecture de Vitruve corrigés et traduits en 1684, par Claude Perrault. Pierre Mardaga éditeur, 354 p.

120 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Liste des planches, figures et clichés

Chapitre IIUn exemple unique de mener les eaux forcées à l’époque romaine : l’adduction en plomb par sex-tuple siphon inversé de Causses-et-Veyran (34)

Planche 30 : Localisation des piles de Causses-et-VeyranFig. 100 : Plan de situation des piles sur la carte au 1/25 000Fig. 101 : Vue Sud/Sud Est de l’alignement des piles matérialisant l’axe du siphon inversé

Planche 31 : Présentation des piles de Causses-et-VeyranFig. 102 : Rondelle de la pile P1Fig. 103 : Vue Nord de La pile P3 (La flèche indique une des marches d’accès à la chambre hydraulique) Fig. 104 : Vue Sud de la pile P4Fig. 105 : Base de la pile P5 (Cliché J.-L. Espérou) Planche 32 : Les éléments connus associés au fonctionnement d’une chambre d’équilibreFig. 106 : Plan et coupe de la pile P5 (Dessin de J.-L. Espérou)Fig. 107 : Fondation de la pile P2 d’après la description d’E. Sabatier au XIXe siècle (Dessin de J.-L. Espérou)Fig. 108 : Schéma de fonctionnement d’une cheminée d’équilibreFig. 109 : Hypothèse de restitution d’une pile d’après les informations récoltées

Planche 33 : Cheminée hydraulique et soutèraziFig. 110 : Cheminée hydraulique à PompéiFig. 111 : Trois soutèrazi à Kilyos (Turquie). Celui de gauche a 15 m de hauteurFig. 112 : Fonctionnement du

soutèrazi (d’après un relevé d’Andréossy)Fig. 113 : Fort Kila sur la Mer Noire alimenté en eau par un système de soutèrazi (Gravure du XIXe siècle)

Planche 34 : Divers types de cheminées d’équilibreFig. 114 : Tours élévatrices de l’eau. Tamesloht (Maroc)Fig. 115 : La prise du système des tours élévatrices. Tamesloht (Maroc)Fig. 116 : Tour d’évent de la Crau (83)Fig. 117 : Cheminée d’équilibre de la centrale hydro-électrique d’Isawa (Japon)

Planche 35 : Les « Pyramides » ou Piles de La Boissière (34)Fig. 118 : Vue Est de la Pile 02Fig. 119 : La conduite forcée enterrée recoupée par le fossé moderneFig. 120 : Tracé complet de « l’aqueduc » de La Fontaine sur plan cadastral napoléonien de 1828Fig. 121 : Vue Sud/Sud Ouest de la Pile 03Fig. 122 : Refonte de la partie supérieure de la Pile 03 Fig. 123 : Vestige de conduit de distribution Sud de la Pile 03

Planche 36 : Le triple siphon inversé de l’aqueduc d’Aspendos (Turquie)Fig. 124 : Vue panoramique partielle de l’aqueducFig. 125 : Schéma de fonctionnement (en jaune, les parties détruites)Fig. 126 : La «tour pression» Nord avec son rampant. Hauteur : 30 m (il manque 10 m)Fig. 127 : La «tour pression» Sud. Hauteur conservée : 26 m (il manque 6 m)

Clichés insérés dans le texte

Cl. 08 : Vestige de la colonne d’évent greffée sur la galerie souterraine Ravel (30) repéré après un effondrement de terrain (Cl. : S. Laurent, Inrap)

Cl. 09 : Schéma d’interprétation du fonctionnement de l’adduction antique de Causses-et-Veyran par sextuple siphon inversé (R. Haurillon, Inrap)

Cl. 10 : Hypothèse de restitution par photomontage (R. Haurillon, Inrap)

Crédits photographiques : Toutes les photos sont de l’auteur, de l’équipe Inrap ou d’Archeopuits, sauf les suivantes : Fig. 87-88 : J. FauréFig. 111 et 114 : M. Bildirici (les mémoires de l’eau en Méditerranée)Fig. 115 : M. El Faïz (les maîtres de l’eau, p. 316)Fig. 117 : Qurren

IV. Inventaires techniques

124 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

- Le puits PT01

US 02- 5 fragments dont 2 bords de tegulae (1190 gr.)

US 03 - 1 fragment de céramique sigillée sud-gauloise- 1 fragment de céramique à pâte sableuse oxydante micacée (b.o.b.)- 1 fond et 9 fragments d’une même urne à pâte sableuse oxydante micacée (cf. BOB A1) (fig. 5)- 1 bord de marmite (cf. caccabus) à pâte sableuse oxydante rugueuse (commune italique ?) de type SABL-O B7 (fig. 4)- 1 fragment d’amphore Dressel 20 de Bétique- 1 fragment d’imbrex (40 gr.)- 7 fragments de tegulae (550 gr.)

US 04 - 1 fragment de coupe en céramique sigillée sud-gauloise de type Drag 37 (fig. 2)- 1 bord de cruche en céramique à pâte claire de type CL-REC 3 (fig. 3)- 2 fragments dont 1 bord de couvercle à pâte sableuse réductrice de type SABL-R E2 (fig. 9)- 1 anse d’amphore de Bétique de type Dressel 20- 2 fragments d’amphore gauloise à pâte calcaire- 1 fragment probable d’amphore gauloise locale à pâte sableuse orangée- 5 fragments dont 3 bords de tegulae (1960 gr.)- 1 os (50 gr.)- 1 coquillage

US 05 - 1 fragment de céramique à pâte claire- 1 fragment de céramique

sableuse oxydante (b.o.b.)- 2 fragments de tegulae (650 gr.)- 1 tige en fer (de clou ?)- 1 bloc quadrangulaire en calcaire coquillier (long. : 20 ; larg. : 20 ; haut. : 8 cm) creusé d’un logement hémisphérique (diamètre de 6 cm pour une profondeur de 4,5 cm) (fig. 10)

US 07- 1 fragment de lampe à huile à pâte calcaire et engobe brun-rouge- 1 coquillage

US 09- 1 petit fragment de coupe Drag 37 en céramique sigillée sud-gauloise- 2 petits fragments de céramique à pâte claire- 1 petit fragment de céramique brune orangée du Biterrois- 1 petit fragment de céramique à pâte sableuse réductrice- 1 petit fragment d’amphore de Tarraconaise

US 10- 1 bord de couvercle en céramique africaine de cuisine de type AF-CUI 196 (fig. 8)- 1 petit fragment de bord de marmite en céramique brune orangée du Biterrois de type BOB B1 (fig. 7)- 1 fragment d’amphore de Bétique de type Dressel 20

US 11- 1 fragment de tegula (130 gr.)- 1 fragment de tuyau en terre cuite (côté femelle) à pâte orangée (1220 gr.) (fig. 11)

US 13- 1 fragment d’amphore gauloise

US 15- 1 bord et 5 fragments d’une même urne à pâte sableuse

oxydante de type SABL-O A10 (fig. 6)- 1 coquillage

US 18- 1 petit fragment de bord de probable coupelle Drag 27 en céramique sigillée sud-gauloise (fig. 1)- 1 fragment de terre cuite indéterminé

- Le puits PT 200

US 201- 1 fragment de céramique à pâte claire- 1 fragment aux surfaces émoussées d’amphore italique- 2 fragments d’amphore de Tarraconaise- 3 fragments de tegulae (640 gr.)- 1 fragment de dalle en grès- 136 os (630 gr.)- 3 fragments d’imbrices (180 gr.)- 9 fragments de tegulae (1350 gr.)- 1 fragment de tegula perforée (150 gr.) (fig. 16)- 1 fragment d’amphore de Tarraconaise- 1 fragment d’amphore Dressel 20 de Bétique- 3 fragments d’amphore gauloise- 1 fond plat d’urne ou de cruche à pâte sableuse oxydante

US 202- 5 fragments de tegulae (600 gr.)- 17 coquillages- 2 fragments d’amphore de Tarraconaise

US 203- 1 fragment de céramique à pâte sableuse oxydante- 1 bord et 3 fragments (dont 2 bords) d’une même urne à pâte sableuse réductrice micacée à rapprocher du type CATHMA 6a (fig. 14)

1. Inventaire du mobilier par unité stratigraphique

125IV. Inventaires techniques

- 1 fragment d’amphore italique- 2 fragments d’amphore de Tarraconaise- 1 fragment d’amphore de Tarraconaise ? (blanche)- 1 fragment d’amphore indéterminée (italique ?)- 1 fragment d’amphore indéterminée (Bétique ?)- 4 fragments dont 1 bord de tegulae (1100 gr.)- 190 os (1860 gr.)

US 204- 4 fragments de tegulae (340 gr.)- 1 fragment d’imbrex (30 gr.)- 54 os (1210 gr.)

US 205- 1 fragment d’amphore de Tarraconaise- 2 fragments de tegulae (310 gr.)- 1 os (10 gr.)

US 208- 1 fragment de céramique sableuse oxydante micacée (b.o.b.)- 1 fragment de céramique sableuse réductrice- 4 fragments de tegulae (820 gr.)- 2 fragments d’imbrices (220 gr.)- 3 os (80 gr.)- 1 fragment de plinthe en marbre

US 210- 1 fragment d’amphore de Tarraconaise- 1 fragment d’imbrex (80 gr.)- 6 os (50 gr.)- 1 fragment de fibule en bronze (fig. 13)

US 211- 1 fragment d’amphore italique

US 213- 1 fragment d’amphore italique avec gangue de mortier- 2 fragments d’amphore gauloise- 4 fragments dont 2 bords de tegulae (1270 gr.)- 12 os (300 gr.)

H.S.- 1 fragment de céramique à pâte claire- 1 fragment d’amphore gauloise- 2 fragments de tegulae (160 gr.)- 1 os (10 gr.)

- 2 fragments d’imbrices (90 gr.)- 11 fragments dont 2 bords de tegulae (2450 gr.)- 1 fragment de brique épaisse (hauteur : 4 cm) (340 gr.)- 1 fragment de tegulae creusée (trou non perforant de 5 cm de diamètre et 1,5 cm de profondeur) (fig. 17)- 1 fragment probable de tubulure (40 gr.)- 1 fragment probable d’amphore de Bétique de type Dressel 23- 2 fragments d’amphore de Tarraconaise- 2 fragments d’amphore italique- 1 fragment d’amphore gauloise- 1 fragment de dolium à dégraissant de pouzzolane- 2 fragments dont 1 fond annulaire de cruche à pâte claire- 2 fragments d’amphores indéterminées- 1 fragment de céramique sigillé italique- 1 fragment de céramique à pâte claire- 1 fragment de céramique à pâte sableuse oxydante- 1 fragment d’amphore italique- 1 fragment d’amphore de Tarraconaise- 1 bord d’amphore de Bétique de type Dressel XX- 2 fragments d’amphore gauloise à pâte calcaire- 1 fragment d’anse moulurée d’amphore gauloise à pâte sableuse (gardoise)- 6 fragments dont 1 bord de tegulae (1650 gr.)- 1 fragment de tegula avec marque [FECI] (fig. 12) et 1 fragment de tegula grossièrement retaillée et creusée d’un trou non perforant au centre (fig. 15)- 8 fragments de terre cuite indéterminés aux surfaces érodée- 6 os (70 gr.)- 1 coquillage

126 Inrap · RFO de fouille Hérault, Béziers, ZAC de Mazeran, Le Garissou « Techniques hydrauliques antiques oubliées ou disparues »

Abréviations : GDS : Galerie drainante SouterraineUS : Unité stratigraphique

Puits 01 : US 01 : Puits entitéUS 02 : Parement du puits constitué de blocs de calcaire et de grèsUS 03 : Niveau de limon brun argileux avec inclusions de substratum. Il s’agit de la fosse de réaménagement du puitsUS 04 : Comblement du puits à - 3 m du niveau actuel constitué de limon brun moyen US 05 : Massif de pierres et blocs calcaires en contact Ouest du puits 01 noyé dans une matrice de limon brun-gris. Consolidation de la partie supérieure de la galerie souterraine au contact du puits après un premier effondrementUS 06 : Molasse gréseuse miocène (substratum)US 07 : Section de la Galerie Drainante Souterraine (GDS 02) à l’Est du Puits 01US 08 : Comblement de limon argileux brun situé le long de la berme Ouest de la fenêtre de travail et qui correspond à un lambeau de la fosse US 03US 09 : Couche ponctuelle de limon brun gris recoupée par le parement du puits US 02. Appartient probablement à US 03US 10 : Comblement inférieur de la fosse de creusement US 03 qui recoupe US 30 (fissures d’effondrement côté Ouest)US 11 : Couche de comblement du puits sous US 04US 12 : Couche de comblement très compact et sableux ocre foncé du puits situé sous US 11US 13 : Couche de comblement supérieur de la galerie drainante Ouest US 17 constituée de limon sableux jaunâtre. Partie supérieurs

de la galerie Ouest (US 17) situé sous l’empierrement US 05. Equivalence avec US 20 (galerie Est) ?US 14 : Couche de comblement de la galerie drainante Ouest US 17 constitué de limon sableux brun gris incluant de nombreux blocs calcaires. Situé sous US 13 et sur US 15. Equivalence avec US 19 (galerie Est) ?US 15 : Couche de comblement de la galerie drainante Ouest US 17 constitué de limon sableux gris situé sous US 14 et formant le remplissage inférieur du drain US 17US 16 : Ier comblement au fond du puits 01. Texture très proche d’US 12US 17 : Section de la Galerie drainante souterraine du côté Ouest du puits 01US 18 : Comblement inférieur de la galerie drainante Est US 07. Texture de limon sableux gris proche d’US 15. Equivalent à US 15 (côté Ouest) ?US 19 : Comblement de limon sableux brun gris lessivé incluant de gros blocs calcaires. Comblement médian de la galerie drainante Est (US 07). Intercalé sur US 18 et sous US 20. Equivalent à US 14 de la section de galerie Ouest ?US 20 : Niveau de limon sableux brun-jaunâtre très hétérogène. Présence de petits éléments de molasse. Comblement supérieur d’US 07. Equivalent à US 13 ?US 21 : Colluvions anciennes brunes claires incluant de nombreuses poupées calcaires et de nodules de manganèse. Couche située sous US 32 et sur US 22US 22 : Horizon très hétérogène d’éléments de molasse gréseuse jaunâtre à verdâtre. Correspond à la surface altérée du miocène. Dans cet horizon se sont infiltrés

des éléments d’US 21US 23 : Couche de colluvionnement de couleur brun-moyen, d’une épaisseur de 1,3 m située entre le niveau de sol actuel et US 32. Le niveau d’apparition antique se situe dans cet horizon, à -0,7 m du sol actuelUS 24 : Comblement supérieur du puits. Correspond à US 2793 du diagnosticUS 25 : Puits de creusement situé dans l’angle Sud Est matérialisé par les bermes des paliers de sécurité. Le comblement est constitué de limon brun-jaunâtre très hétérogène avec présence de poches de marne grisâtre et blocs gréseux. Ces horizons correspondent aux déblais issus du creusement du puits et réutilisés au colmatage du puits une fois la galerie creuséeUS 26 : Puits de creusement situé à 4 m à l’Est de US 25 et à 8 m du puits US 01. Il est caractérisé par un comblement limoneux orangé dans sa partie supérieureUS 27 : Puits de creusement situé à 16 m du puits-collecteur 01, caractérisé par un comblement supérieur de limon orangé similaire à US 26. Apparu lors de la réalisation de fenêtre d’extension côté EstUS 28 : Fissures d’effondrement côté Est constituées de limons bruns tachetés de nodules de molasseUS 29 : Puits de creusement côté Ouest, à 4 m du puits 01US 30 : Comblement limoneux brun tacheté d’éléments molassiques correspondant aux effondrements côté Ouest. Partie située entre la berme Ouest et recoupé par US 10US 31 : Structure de 2,7 m de largeur sur au -2 m de longueur apparue lors de la fenêtre d’extension côté Ouest.

2. Listing des Unités Stratigraphiques et abréviations

127IV. Inventaires techniques

Comblement hétérogène de limon brun légèrement rougeâtre avec poches de limons argileux brun-jaunâtre. Présence de galets roulés. Correspond certainement au comblement d’une tranchée d’installation d’un drain US 32 : Niveau de pédogénèse. Séquence colluviale de limon brunifié de 0,2 m d’épaisseur situé sur US 21 et sous US 23

Puits 200 : US 201 : Limon brun légèrement sableux. Présence de faune, fragments de tuilesUS 202 : Limon grisâtre plus sableux avec présence de malacofauneUS 203 : Limon sableux gris avec malacofauneUS 204 (équivalence avec US 209) : Limons gris argileux très oxydés avec présence importante de nodules de manganèseUS 205 : Couche de limon argilo-sableux compact gris jaunâtre (substrat remanié) avec nodules de manganèseUS 206 : Partie supérieure de la galerie. EffondrementUS 207 : Comblement de limon sableux dans la partie supérieure de la galerieUS 208 (équivalence avec US 210) : Sédiment de limon argilo-sableux gris brun avec traces de particules charbonneuses. Gros galets roulés (sup. à 0,1 m)US 209 (équivalence avec US 204) : litage sableux jaunâtre correspondant à la voûte supérieure de la galerie partiellement effondréeUS 210 (équivalence avec US 208) : Second niveau de comblement dans la galerie Sud Ouest. Limon brun avec passées grisâtres à jaunesUS 211 (équivalence avec US 212 et 214) : Fond du canalet dans la galerie Sud Ouest. Limon gris avec traces d’oxydation et nombreux galets roulésUS 212 (équivalence avec US 211 et 214) : couche au fond du puitsUS 213 : Comblement compact de limon argilo-sableux jaunâtre comprenant de nombreux galets, blocs ou plaques de calcite

US 214 (équivalence avec US 211 et US 212) : Matrice sableuse jaunâtre compacte avec inclusions de cailloux et galets roulés. Présence d’éléments de calciteUS 215 : Concrétions de calcite

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3. Liste des minutes de terrain

Numéro de minute AMT Type Echelle Sujet

01 Puits US 01 et Puits US 200 Plan 1/ 40Niveau de décapage (Fenêtre 01)

02 Puits US 01 Plan 1 /20Relevé général(Fenêtre 02)

03 Puits US 01 Plan 1 /20 Relevé général n° 2

04 Puits US 01 Coupe 1 /20 Profils du puits

05GDS 02(galerie drainante souterraine) Coupe 1/10 Profil des sections

06 Puits US 01 et GDS 02 Plan Schéma Fenêtre de décapage avec localisation des points topos

07 Puits US 01 et GDS 02 Plan 1 /100 Fenêtre d’extension côté Est

08 Puits US 01 et GDS 02 Plan et coupe 1 /100 Profil stratigraphique de la fenêtre d’ouverture

09 Puits US 01 et GDS 02 Plan et coupe 1 /10 et 1/20 US 25 et US 07

10 Puits US 200 Coupe 1 /20 Relevé Axe S/N du puits

011 Puits US 200 et GDS 03 Plan 1 /50 Relevé E/O du puits

012 Puits US 200 Plan Schéma Fenêtre de décapage avec localisation des points topos