actes de substance : de la matière au sens dans la représentation paléolithique

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Randall White Actes de substance : de la matière au sens dans la représentation paléolithique

Résumé. L'auteur analyse les perles de stéatite et d 'ivoire de l'Aurignacien 1 pour illustrer son point de vue sur les systèmes anciens de signification perçus à travers l 'approche de la chazne opératoire. Une telle approche peut permettre de comprendre les idées, les relations sociales, les divisions du travail et les processus techniques sous-jacents à la construction matérielle et à la communication de l'identité sociale durant l'Aurignacien.

Mots-clés. Parure, Aurignacien, ivoire, stéatite, chazne opératoire, signification, ornements.

Introduction

«Qu'est ce que cela signifie? ,,- Cette question est à la fois la plus naïvement conçue et la plus fréquemment posée sur les représentations du Paléolithique supérieur. Aucun historien d'art formé au cours des deux dernières décennies ne poserait cette question d'un Van Gogh ou d'un Picasso. Pourquoi alors voyons-nous des généra­tions de préhistoriens traiter des corpus entiers de représentations paléolithiques comme si d'uniques signi­fications et motivations s'y dissimulaient? Les exemples sont nombreux : les sculptures de femmes sont des images de fertilité; des animaux peints et gravés sont les insu·uments de magie de chasse; les signes géométriques servent de repères d'identité ethnique et/ou d'équivalents gravés de signe linguistique.

La pire et la plus répandue des conc~ptions erron­nées n'est pas même formulée comme une question mais comme une présupposition contenue dans le terme '' art paléolithique "· Conkey et moi-même avons fréquem­ment et hautement décrié l'emploi du concept d'« art », en raison de son statut d'artefact historique des périodes les plus récentes de la soi-disant tradition occidentale. En effet, l'usage au x x" siècle du terme «art, n'a quasiment aucun rapport avec le concèpt latin d '« ars '' , lequel intégrait les domaines que nous distinguons en «art , et «savoir-faire ». '

Tout traitement ~mplet ê!Qe l'esthétique culturelle par

Abstract. The author 's analysis of Aurignacian 1 bead5 of steatite and ivory is used to illustrate the insights into ancient systems of meaning to be gained from an approach based in an expanded notion of the "chazne opératoire". Such an approach potentially allows an understanding of the ideas, social relations, divisions of labor and technical procedures underlying the material construction and communication of social identity in the early Aurignacian.

la littérature anthropologique éclaire la vaste diversité des cosmologies, philosophies et contextes sociaux qui sous-tendent ce que nous généralisons en tant qu '« art ». J e préfère le terme de « représentation », lequel bénéficie d'un usage large et complexe en théorie anthropologi­que. Les représentations peuvent ainsi revêtir plusieurs formes, comporter des logiques sous-jacentes aux diffé­rences profondes et répondre à diverses motivations; et, ceci est important, de nombreux médias représentation­nels n 'opèrent même pas par les filières visuel/ formel.

Ceci étant compris et accepté, nous pouvons éviter de nous cantonner aux origines de l'« art, ou «des arts», lesquelles sont pourvues de valeurs culturelles considéra­bles mais très souvent ethnocentriques. Nous pouvons plutôt redéfinir ce qui se produit au début du Paléolithi­que supérieur comme une invention des formes de repré­sentations matérielles (White 1992). Une telle approche a en outre l'avantage de permettre une expansion à partir de l'imagerie graphique pour inclure, par exemple, le domaine représentationnel des ornements personnels, un domaine d'étude capital dans les analyses anthropolo­giques des sens, valeur et identité sociaux.

Ma position ici est qu'en demandant" Qu'est-ce que cela signifie? , ou «A quoi cela sert-il ?, - tout de même moins contestable du point de vue anthropologique - et qu'en concevant les représentations du Paléolithique supérieur en tant qu'« art » tel que nous l'entendons, nous éludons les questions relatives aux significations.

Randall White, Département d'Anthmpologie, New York University, 25 Waver! y Place, NY 10003

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Arts préhistoriques

Comment, alors, devons-nous reconceptualiser notre sujet, notre notion de signification et, ce qui me semble plus important encore, comment rendre opérationnelles ces nouvelles conceptions dans le cadre d'une véritable recherche archéologique? Ma réponse à cette dernière question est de se concentrer, littéralement, sur la manière dont les représentations significatives sont/ étaient construites, ce que j 'ai dénommé " actes de substance >> dans le titre de cet article.

Orientation technologique

Le terme '' technologie '' a eu une connotation extrême­ment limitée et sans intérêt d 'un point de vue théorique en anthropologie américaine depuis des décennies. Des cadres matérialistes tels que ceux de White (1 959) et Steward (1955) laissèrent relativement peu de place pour pouvoir considérer les outils et les techniques comme quoi que ce soit de plus que des moyens de production prescrits culturellement. La théorie matérialiste en anthropologie américaine qui précède et qui suit immédiatement la seconde guerre mondiale semble avoir opéré sans connaissance des développements théoriques naissants au sein de ce qui est devenu le structuralisme européen (Mauss 1936; Leroi-Gourhan 1943, 1945). Ma propre orientation vis-à-vis de la technologie découle de celle d'André Leroi-Gourhan (dont on vient juste de commencer à traduire les travaux majeurs théoriques et méthodologiques en anglais (Leroi-Gourhan 1993), qui, lui-même, était clairement inspiré par les perspectives de Marcel Mauss. L'une des notions cruciales des recherches de forme de Leroi-Gourhan est la notion de chaîne opéra­toire qu'il considérait comme une séquence convention­nelle, acquise, d'opérations techniques impliquées dans toute la production culturelle depuis la manufacture des outils en pierre jusqu'à la peinture des cavités souterrai­nes, en passant par la chaîne d'assemblage moderne. Ces chaînes étaient des constituants de culture plutôt que des produits dérivés.

Au niveau des épisodes de production individuelle m atérielle, ces chaînes opératoires sont constituées de séquences de techniques appliquées, que Leroi-Gourhan considérait comme la manipulation d'outils convention­nels au moyen de gestes habituels, acquis. De manière plus générale, on peut considérer les chaînes opératoires comme étant organisées selon des systèmes techniques plus globaux, gérés par un nombre restreint de principes techniques. Leroi-Gourhan a clairement reconnu que ces systèmes techniques sous-jacents n'étaient/ne sont j amais les seul s possibles et a essentiellement soutenu que la variation régionale qui leur est sous-j acente se manifeste dans ce que les archéologues reconnaissent comme le style. Une nouvelle génération d'académiciens de la technologie et de la culture matérielle (Lechtman 1971, Lemonnier 1983, Schlanger 1994) a développé le fonde-

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ment construit par Leroi-Gourhan (voir références complémentaires dans Dobres et Hoffman 1995).

Mon objectif ici est d'illustrer comment une observa­tion détaillée et une expérimentation visant à compren­dre la chaîne opératoire nécessaire à la construction des représentations matériellê~ p~ut IJflener à de nouveaux aperçus des contextes sociaux, écon9miques et idéolo­giques des représentations elles-mêmes. Ce faisant, j e cherche à éviter certains des dangers et malentendus évidents dans la prose récente au sujet de l'« art paléo­lithique ''·

Etude de cas : ornements personnels de l'Aurignacien I

L'échantillon

Les sites européens attribués à l'Aurignacien 1 (environ 35-30 000 BP) ont révélé une abondance d 'ornements personnels sous forme de perles, pendants, dents d'animaux percées et coquilles marines perforées (White 1989 ; Taborin 1993; Hahn 1972, 1986). Dans un article précedent, j 'ai exploré en détaille choix de matériau brut et les techniques de fabrication ainsi que la manière dont ceux-ci variaient à travers le paysage européen au tout début du Paléolithique supérieur. Mon point de vue a été et demeure que ce large corpus d'ornements personnels, quasi absent dans la période du Moustérien qui précède (White 1995a), reflète des transformations significatives dans la société humaine européenne avec le début de l'Aurignacien, un peu avant 35 000 années. A la lumière de ce que nous savons généralement du contexte social des ornements corporels humains modernes, il semble raisonnable de supposer que la première apparition dans l'inventaire archéologique d'assemblages larges et variés d'ornements personnels implique la construction matérielle et la représentation d'une diversité d'identités individuelles et sociales.

Chaine opératoire schématique pour les ornements personnels de l'Aurignacien 1

Pour l'Aurignacien (ou bien pour tout autre civilisation), un plan schématique des constituants d 'une chaîne opératoire des techniques d'ornementation personnelle pourrait ressembler à ce qui suit :

l) Postulats culturels quant à la personne. 2) Croyances sur la relation entre matériaux, actes

représentationnels, formats représentationnels et/ ou efficacité sociale 1 supranaturelle.

3) Choix et acquisition (par extraction directe ou par mécanisme social d'échange) de matériaux bruts en fonction de ce qui précède - croyances et cultures.

Randall White Actes de substance : de la matière au sens dans la représentation paléolithique

4) Choix de formes, textures, couleurs ou sujets. 5) Organisation de production (sociale, temporelle et

spatiale). 6) Combinaison de gestes et d'outils pour la produc­

tion d 'ornements cohérents avec le système technique régional et global et qui permette

7) la représentation de signifiants désirés quant à l'identité sociale, l'âge, le statut reproductif, les associa­tions supranaturelles, etc.

8) l'usage des représentations ornementales dans des actes signifiants (socialement, esthétiquement et cosmologiquement).

9) Mise au rebut volontaire (basée sur les intentions de retrait futur/ usage ou idées sur leur pouvoir résiduel et leur efficacité) ou accidentel.

Il est important de souligner que les archéologues ont tendance à travailler au travers de ces chaînes en commençant par la fin; à entamer par les schémas de reconnaissance concernant la distribution d'obj ets dans le sol et à se déplacer à rebours à travers d~s inférences ou des analyses d'ordre supérieur à multifacettes.

Attributs formels des perles

La maj orité des ornements personnels retrouvés dans les sites européens aurignaciens (White 1995b) était fabri­quée à partir d'ivo ire comme la plupart des célèbres statuettes du Vogelherd perforées pour la suspension. Dans l'Aurignacien européen occidental, des facsimilés de canines de cerf et de coquilles marines (figure 1) étaient éxécutés en ivoire (certains exemples en talc et en calcaire sont également connus). De plus, il y a une variété de pendentifs plus ou moins idiosyncratiques fabriqués en ivoire et, moins souvent, en os, en bois de renne ou en talc. Pour des raisons de place, j e me concen­trerai ici sur les séquences opérationnelles pour la production en masse de "perles,, d'ivoire, accordant un traitement moins détaillé aux autres ornements en ivoire plus rares.

Deux attributs formels des perles et pendentifs de l'Aurignacien 1 sont particulièrement dignes d'intérêt : le

Figure 1. L'un des facsimilés de coquilles provenant cle l'Aurignacien /, La Souquette, France.

One of the shell facsimiles ji"om the Aurignacian /, La Souquette, France.

Figure 2. Perle en ivoire en forme de panier provenant de l 'A urigndcien !, Abri Blanchard, France, montrafl; le_ lustTê caractéristique (échelle en 1Tlm). q

Ivory bashet-shaped bead from the Aurignacian 1 of Abri Blanchard, Fmnce, showing characteristic luster (scale in mm).

lustre de surface et le facsimilé. Premièrement, pour ce qui est de la texture, presque toutes les perles et penden­tifs de l'Aurignacien 1 arborent un remarquable lustre de surface qui n 'est pas un produit de processus post-déposi­tionnel. Le lustre sur les perles d'ivoire (figure 2) était créé intentionnellement par des techniques (discutées plus bas) de frottement et de polissage (v. plus bas), notamment l'emploi d 'un abrasif métallique efficace : l'ocre en poudre (hématite).

Il est possible d'émettre l'hypothèse que le potentiel qu'a l'ivoire d'acquérir des polis lustrés ait été exploité à

travers la création et l'application de techniques appro­priées pour reproduire dès l'Aurignacien les caractéristi­ques tactiles et sensibles d'autres médias ornementaux telle que la nacre, le talc/ stéatite et l'émail dentaire (figure 3, V). En d'autres termes, le polissage de l'ivoire était en soi une représentation des textures rencontrées ail­leurs dans le monde naturel. Notre propre médium cultu­rel de représentation est le plus souvent visuel ; en consé­quence, nous avons tendance à traiter les autres caracté­ristiques sensibles d'objets comme peu ou pas représenta­tives. Néanmoins, un instan t de réflexion révélera que, même au sein de la soi-disant «tradition occidentale», les qualités tactiles de l'ivoire poli ont été tellement recher­chées que les éléphants sont au bord de l'extinction.

L'hypothèse selon laquelle le polissage de l'ivoire était une tentative pour représenter les qualités de surface d'autres substances d'intérêt tacti le est renforcée par l'existence dans les sites de l'Aurignacien 1 de facsimilés en ivoire de coquillages (nacre), et de dents d'animaux (émail dentaire et dentine naturellement lustrée). En effet, les perles d 'ivoire et de talc en forme de panier, si fréquentes dans les sites de l'Aurignacien 1 du sud-ouest de la France (voir ci-dessous), montrent une ressem­blance en forme et en taille (la standardisation de taille est discutée plus bas et a été quantifiée dans White 1989) avec une catégorie de coquillages de Méditérranée découverte dans des sites de l'Aurignacien 1 dans le sud­est de la France : Cyclope neritea (figure 4). A la lumière de ce constituant apparemment tactile de la représentation de l'Aurignacien 1, il n'est peut-être pas surprenant d'observer que plus de 95 % des ornements personnels de

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Arts préhistoriques TECH NE, n" 3, 1996

Figure 4. Cyclope neritea, Tessemblant aux tm· les en Jonne de panier de l 'A w ·ignacù'rt /. LongeuT 6.5 mm. (Photo Y Taborin).

Figure 5. Série d 'éba·uches de perles reconstituées en bâtonnets. AuTignacien 1, La Souquette, Fwnce. Longeu1· moyenne : 11 mm.

Figure 6. Ebauche de perle, amincie de chaque coté. Aw·ignacien /, Bmssempou)•, France (Musée des antiquités nationales, France). Longeur : 12 mm.

A Cyclope neritea, 1·esembling Aurignacian 1 bashet-shaped beads. Length: 6,5 mm. A series of bead bla.nks reconsti'I./.Cted a.s

ivory !'OCÜ. A uTignacian /, La Souquette, France. Average length: 11 mm.

A bead blank, thinned Ji'mn each side. Aurignacian /, Bmssempouy, Fmnce. Length: 12 mÏrt.

l'Aurignacien 1 sont contruits en ivoire, talc, coquille ou dent animale.

Perspectives régionales

La séquence de production pour les perles aurignacien­nes en pie1Te tendre et en ivoire varie de manière tant intra que interrégionale. En France, la forme la plus répandue, représentée p ar plus de l 000 spécimens, est celle du groupe nommé «perles en forme de panier». Ces perles ont été découvertes en grande quan tité au débu t de ce siècle dans les abris Blanchard, Castanet, La Souquette, Isturitz et Saint-Jean-de-Verges. Quelques­unes, provenant de Brassempouy, ont été datées récemment vers 33 000 BP (Del porte, Buisson 1990). Elles ont été réalisées (figure 5) à partir de tiges d'ivoire ou de talc en forme de bâtonnets qui étaien t segmentés 1

et cassés en ébauches cylindriques de un à deux centi­mètres de long. Celles-ci étaient à leur tour amincies de façon bilatérale à une extrémité pour former une sorte de pédoncule (figure 6). Une perforation était alors fai te à la jonction du pédoncule et de l'extrémité non amincie sans doute par creusement (figure 7). Ces ébauches amincies et perforées étaient ensuite sculptées puis polies jusqu'à leur forme finale en panier (figure 8) par l'emploi d 'abord d'abrasifs grossiers, puis d 'abrasifs métalliques plus fins (hématite en poudre). Mes expériences indiquent qu'une moyenne d'une à deux heures de travail par perle d'ivoire et de 30 minutes par perle de talc est requise pour cette opération.

1. Ce process us particu lie r de segmenLat ion é tait e ffectué à l'a ide d'une lame de silex qui traça it une rainure sur toute la circonférence de la tige.

Les perles d'ivoire des sites aurignaciens du sud de l'Allemagne, également datées au radiocarbone de 32 et 33 000 ans sont sensiblement différentes, bien que le principe de base de réduction d'un bâtonnet d'ivoire so it identique. Dans le cas de Geissenklosterle par exemple (Hahn 1986), un bâtonnet de section elliptique était segmenté et débité en ébauches. Chaque ébauche était alors polie et perforée. Mais dans ce cas, deux trous séparés par un renflement, étaient percés dans l'ébauche (figure 9) . Ce type de perle est tout aussi inconnu en France que cell e en forme de panier en Allemagne.

Choix de matières premières et acquisition

La palette entière de matières premières destinées à la parure incluse dans l'inventaire comprend diverses substances animales et minérales y compris du calcaire, du schiste, du talc-schiste, du talc, des dents de mammi­fères, de l'os, du bois de cervidé, de l'ivoire, des espèces fossiles et contemporaines de coquilles m arines et d 'eau douce, du corail fossile, des fossiles bélemnites, du jais, du lignite, de l'hématite, de la pyrite. Néanmoins, cette liste relativement étendue ne devrait pas être lue comme suggérant une sorte d'usage fortui t des matériaux ren­conu·és dans l'environnement. Un certain nombre de choix éta ient fa its.

Si l'on examine les espèces d 'animaux dont les den ts étaient choisies pour des objets de suspension aurigna­ciens, les choix varient plus ou moins selon la régio n. En France, en Belgique, en Allemagne et en Russie, les canines de renard (figure l 0) prédominent, suivies en quantités bien moindres par les craches de cervidés, le plus souvent de cerf (figure 11). En Espagne et en Italie, presque toutes les dents percées sont des craches de cert:

Randall White Actes de substance : de la rnatière au sens dans la TepTésentation paléolithique

Figure 7. Ebauche de perle, amincie de chaque coté et perforée jJar creusement. Aurignacien /, A/JTi BlanclutHl, France. LongeuT : 1 0 rnrn.

Figure 8. Perles (ivoire el talc) en forme de panier pmvenant de l'Aurignacien 1, Abri Blanchaul, France.

Figure 9. Perles h double jJetjoration jJmvenant de 1 'Aurignacien /, Geissenklüsterle, Allemagne.

A head blank, thinned from each side and petforated by gouging. Aurignacian 1,

Basket-shaped beads (ivmy and talc), Aurignacian 1, Abri Blanchard, Fm·nce.

Double perforated beads, Au,-ignacian 1, Geissenklosterle, Gennany.

Abri Blanchard, France. Length: 10 mm.

les canines de renard étant absentes. A Madlec, en République tchéque, les incisives de castor dominent, suivies de près par les incisives d'élan e t de bovidé. Dans presque tous les cas, le choix des espèces pour fabriquer les objets à suspendre est fondamentalement différent de celui de la faune consommée, ce qui suggère une finali té idéologique et non pas diététique.

Les coquilles fossiles - et actuell es (Taborin 1993) -constituent peut-être un tiers des objets de suspension découverts dans les sites de l'Aurignacien français. Hors de France, à l'exception possible de l'Italie du nord (Bartolom ei et al 1992), elles sont suffisamment rares pour être considérées virtuellement absentes des sites aurignaciens en Espagne, en Belgique, en Allemagne, en

Figure 1 O. Canine de renm·d jmjoTée provenant de Kostienki 17 (Culture de Streletskaya > 3 7 000 BP).

Perforated fo x canine from Kostienki 17 (Stu letskaya cultut·e > 3 7 000 BP).

Figure Il . Cmche de cerf Jl.erfor1e p.ar creusement jJrovenant Île 1 '!. Î.uignacien., 1, Brassempouy (Musée des antiquités nationales, France).

Deer canine petforated by gouging, Aurignacian /, Bmssempouy.

République tchèque, en Hongrie et en Russie. Les fossiles marins locaux (bélemnite, corail) servaient de matériaux bruts pour les objets de suspension (figure 12) dans certains sites contemporains de l'Aurignacien en Russ ie (White 1993).

Occasionnellement, des objets percés en calcaire sont découverts à travers l'Europe. Les pierres tendres plus rares telles que le talc, le lignite et l'hématite, étaient transformées en objets à suspendre à l'Aurignacien, le plus souvent dans le sud de la France, mais parfois en Espagne, en Italie et en Allemagne.

Les ornements personnels sont fréquemment fabriqués à partir de matières premières qui sont exotiques aux régions dans lesquelles elles furent décou-

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Figure 12. Corail fo ssile perforé fnovenan t de Kostienki 17 (Culture de Streletslwya > 3 7 000 BP).

Perfomted fossil coral from Kostienki 17 (Streletslwya culture > 37000 BP).

vertes. Ceci est tout particulièrement vrai des coquilles et des minéraux rares, mais peut également s'avérer vrai de l'ivoire, puisque les restes de mammouth sont virtuelle­ment absents des sites aurignaciens I (Delpech 1983) dans le sud-ouest de la France (bien que la collecte effectuée par les Aurignaciens d'ivoire subfossile à partir de gîtes naturels soit une possibilité (v. infra). En général, l'usage des minéraux rares en France se raréfie avec la distance de l'origine naturelle. Par exemple, l'usage du talc diminue des Pyrénées vers le nord. De la même manière, les espèces de coquillages de la Méditérrannée ou de l'Atlantique sont plus rares vers l'intérieur de la France.

Contribution des matières premières à la forme représentationnelle : l'ivoire de mammouth comme matière première

Les défenses proboscidéennes ne sont que des dents spécialisées (incisives supérieures) et sont composées en majeure partie de dentine. Contrairement à beaucoup d'autres ivoires, les défenses d'éléphant et de mammouth ont une structure complexe (figure 13) formée par des cellules spécialisées connues sous le nom d'odonto­blastes. Ces odontoblastes produisent de la dentine neuve le long de la cavité pulpaire. Quand une dentine neuve est produite, les odontoblastes migrent à la nouvelle surface de la cavité pulpaire, laissant des traces connues sous le nom de tubules dentinales (MacGregor 1985) ou lignes de Schreger. Celles-ci irradient vers l'extérieur à

partir de la cavité pulpaire et s'inclinent obliquement vers la pointe de la défense. Le résultat, en section transver­sale, est une structure tri-dimensionnelle complexe

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(figure 14) en forme d'arcs qui s'étendent perpendiculai­rement l'un par rapport à l'autre, à travers la largeur de la défense, produisant à l'intersection ce à quoi l'on fait souvent référence sous le terme de << cœur de marguerite , ou schéma de Schreger.

En section transverse, _ c, s~héma de Schreger découpe de larges cerclés éoncfntriques auxquels on fait souvent référence sous le terme de' << lames, (figure 15). Celles-ci sont en réalité des interfaces entre des cônes d 'ivoire emboîtés. Dans la défense vivante, les bordures entre ces lames ne sont pas des aires de faiblesse structu­relle, étant liées les unes aux autres par les intersections complexes des tubules dentinales qui composent les lignes de Schreger et par des fibres de collagène qui rem­plissent les interstices entre les tubules dentaires. Cepen­dant, lors du déssèchement et de la détérioration de la dentine, les défenses ont tendance à se fissurer ou à s'épaufrer le long de ces bordures concentriques large­ment plus développées dans les zones extérieures du dia­mètre de la défense. Le noyau intérieur de la défense, dans l'aire qui entoure le canal du nerf central, est forte­ment compact, homogène et virtuellement immunisé contre un épaufrement. Par conséquent, cet ivoire inté­rieur est particulièrement difficile à trava iller avec des outi ls en pierre. Il n 'est dès lors peut-être pas surprenant que dans les sites aurignaciens riches en ivoire du sud-ouest de la France, cet <<ivoire de noyau ,, soit abon­damment représenté dans les déchets issus de la réduction des défenses.

, , , ,

Go Figure I 3. MorfJiwlogie des défenses de fnoboscidiens.

The mm·phology of fJToboscidian tusks.

Randall White Actes de substance : de la matière au sens dans la u présentation paléolithique

Figure 14. Lignes de SchregeT vues en section tm nsversale d 'une défense de mammouth de la .fïn du Pléistocène. Remarquer les fractures cle dessication.

Schreger tines seen in transverse section in a mammoth tush from the tate Pleistocene. Note the dess ication fractures.

L'ivoire a des propriétés (couleur, lustre, douceur ou chaleur au toucher) qui le distinguent d'autres médias tels que l'os et le bois de renne. Néanmoins, ces qualités ne peuvent être pleinement exploitées qu'au moyen de polissage avec des abrasifs fins. Selon Ritchie ( 1969), les spécialistes de l'ivoire moderne préfèrent des abrasifs fins métalliques y compris du rouge de bijoutier, ce qui n'est rien de plus que de l'hématite/ ocre rouge. En effet, une analyse au MEB des perles d'ivoire de l'Aurignacien I (White 1995b) a révélé des particules d'ocre rouge (figure 16) dans les stries du polissage fin sur leurs surfaces. De plus, de larges caches d'ocre rouge ont été récupérées dans deux des plus riches sites aurignaciens porteurs d'ivoire du sud-ouest de la France : Abri Blanchard et Abri Castanet (Didon 1911 ; Peyron y 1935 ).

Outils, techniques et gestes : perspectives ·expérimentales

Mes recherches expérimentales sur le travail de l'ivoire m'ont amené à réviser plusieurs de mes idées eiTonnées et naïves en ce qui concerne les défenses proboscidéen­nes comme matière première. Ma première erreur était de supposer que la défense de l'éléphant africain moderne pouvait être une alternative expérimentale satisfaisante à la défense de mammouth. Bien que, superficiellement,, les différences ne semblent pas énormes, les deux.r1fqrmes d'ivoire présentent des schémas de fracture "'tout à fait différents et qui sont le produit de différences significatives dans l'angle d'inter­section des lignes de Schreger (connus sous le nom des angles de Schreger).

Figure 15. Lames concentriques de dessication vues en section transversale de la m?trne cléfense.

Concentric dessication laminae seen in transverse section in the same tush.

Figure 16. Stries de jwlissage et traces d 'ocre sur la surface d 'une perle en talc, Abri Blancha.rcl.

Polishing striations and traces of ochre on the surface of a talc bead, Abri Blanchard.

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ATts pTéhistoTiques

Contrairement à ma présupposition ini tiale, les défenses fraîches se sont avérées extrêmem ent difficiles à pénétrer et à réduire en parties utilisables. L'ivoire frais ne se fracture pas le long des lames concentriques de grande échelle observables en sections transversales, a insi que j e l'avais si naïvement imaginé. Une défense d 'éléphant fraîche ne peut non plus se sectionner longi­tudina lement en entamant une fissure dans la mince extrémité proximale (bordant la cavité pulpaire) et en la propageant vers l'extrémité distale de la défense.

L'ivoire " permafrost » d 'Alas ka recueilli dans les années 20, tout comme l'ivoire frais d'éléphant d 'Afrique, n'a pu être travaillé effi cacement par percussion directe. Des tentatives de percussion directe ont produit les mêmes résul tats que ceux auquels on pourrait s'attendre en frappant un épais morceau de bois dur avec un marteau en pierre! En effet, il existe des similarités distinctes entre les réactions de bois dur et de l'ivoire à la percussion et la perforation, fondées sur des similarités de structure et de grain. Des éclats de taille conséquents ont été ô tés par percussion seulement là où la défense avait été déjà fi ssurée par dessication.

Qu'il soit frais ou artificiellement désséché (séché au four), il s'est avéré impossible de travailler l'ivoire d'éléphant d'Afrique par la technique de percussion indi­recte avec utilisation d'un coin. Lors de la dessication, l'ivo ire d 'éléphant a développé des fractures concen­triques naissantes conformes aux larges lames internes de la défense. Néanmoins, celles-ci étaient trop peu dévelop­p ées pour servir de point d'accès aux coins. Le surchauf­fement dans un fo ur a rendu les défenses d 'éléphant si fragiles qu'elles en sont devenues cassables à la main, et plus faibles en structure que beaucoup d 'artefacts aurignaciens vieux de 35 000 ans.

Au moment où je l'ai reçu, le segment médian de défense de mammouth issu du «permafrost » d 'Alaska a révélé une fracture concentrique tou t à fait développée sur une bordure lamellaire proche de sa surface externe. Des tentatives pour exploiter cette fracture de dess ication par l'insertion de coins introduits par percussion depuis l'extrémité distale de ce segment médian, a produit de larges écla ts qui se sont tout de suite dirigés vers l'extérieur de la défense. Une fi ssure n 'a pu être propagée sur toute la longueur du segment, supposément parce que les lignes de force étaient dirigées vers l'extérieur lorsqu'elles se heurtaient aux interfaces entre les cones d'ivoire d'emboîtés. Avec suffisamment de travail, il est certainement possible de gratter, mettre en forme, et polir de tels éclats d'ivoire frais afin d'obtenir les formes désirées. Ainsi, leur utilisation par les artisans aurigna­ciens ne peut être entièrement exclue.

Ajoutons à cela que la défense'' permafrost ,, d'Alaska légèrement désséchée a révélé des fractures radiales perpendiculaires aux fractures laminaires concentriques (figures 14 et 15). Si ces fractures radiales ne permettaient pas aux coins de fissurer longitudinalement la défense par percussion, cela était probablement dû à l'état extrê-

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mement «frais» de la défense «permafrost ». Des tenta­tives similaires avec des fragments lamellaires de défense de mammouth plus désséchés ont mené à des succès considérables par la création de longues échardes suscep­tibles d'être travaillées.

J'en déduis quebcette _ te,chnique qui constituait une stratégie aurignacienne-" fo8&amentale (Knecht 1993) pour le travail des matériaux orgàniques, n 'est/ n 'était pas particulièrement appropriée à la structure des défenses proboscidéennes fraîches ou même légèrement déssé­chées. L'usage de défenses sub-fossiles comme matière p remière a déjà été suggéré par H ahn pour l'Aurignacien allemand et par Philipov pour le Paléolithique supérieur de la plaine russe. J e pense qu'il est quasiment certain que, 1) certaines techniques de séchage artificiel ou « curing >> étaient pratiquées sur les défenses fraîches ou que 2) des défenses « sub-fossiles >> ou tout au moins des défenses d'un certain âge étaient recherchées comme matière première par les artisans aurignaciens.

Même si cela est le cas, la production de longues tiges d'ivo ire par percussion indirecte et utilisa tion d 'un coin n 'est pas suggérée par la structure de l'ivoire et est diffi­cile à réaliser. Ces tiges semblent avoir été un objectif pré-existant des artisans aurignaciens même si elles nécessitaient de résoudre de sérieux problèmes mécani­ques. La meilleure explication que j e puisse fournir à la détermination des Aurignaciens I d 'obtenir des tiges d 'ivoire en form e de crayons est que le découpage de te lles baguettes en perles est une approche qui se prête facilement à la standardisation. Des bâ to nnets cylin­driques de même diamètre environ aboutissent facile­m ent à la production d'ébauches de perles standardisées, puis à des perles standardisées. j'ai démontré a illeurs (White 1989) le haut niveau de standardisation des perles aurignaciennes, une standardisation que j e pense motivée par l'arrangement anticipé de perles uniformes et à coudre ensemble sur des vêtements. En d 'autres termes, l'impact visuel des perl es aurignaciennes ne produisait pas son effet individuellement mais en compo­sitions complexes d'éléments uniformes et standardisés.

Des expériences de laboratoire utilisant des lames aurignaciennes de silex bergeracois, une plaquette de calcaire fin, de l'ocre rouge en poudre et l'utilisation d'eau de façon libre (essentielle à l'adoucissement et à la lubrication de la surface de l'ivo ire), ont produit des stigmates et des surfaces hautement polies semblables à ceux observés dans les perles d'ivoire aurignaciennes. Il est significatif, alors que la plupart des perles aurigna­ciennes montrent des traces d'hématite, qu'il y en a it peu - ou pas - de profondément colorées. D'après mon expéri ence du travail de la défense de mammouth «permafros t>>, des taches de couleur indélébiles ne se produisaien t que lorsque la poudre était mélangée à la graisse ou à l'huile. La nature superficie lle des dépôts d 'hématite sur les perles aurignaciennes suggère l'utilisa­tion d'eau plutôt que de graisse comme agent lubrifiant.

A ma connaissance, il n 'existe pas de preuves archéo-

Randall White Actes de substance : de la matière au sens dans la représentation paléolithique

logiques avant Sungir vers 28 000 BP pour la préparation de défenses entières en les ramollissant (les faisant chauffer, bouillir), ce qui aura it permis à l'ivoire d'être plus facilement travaillé. Même à Sungir, la chaîne opéra­toire pour la production de perles ne semble pas avoir utilisé d'ivoire entièrement ramolli. Le simple acte de tremper de l'ivoire dans l'eau n 'a que des effets superfi­ciels. Par contre, lorsque l'ivoire est réduit à des fragments plus minces, le fa it de le tremper peut faire pénétrer l'eau dans toute l'épaisseur, rendant la perfora­tion, le grattage et le creusement beaucoup plus faciles. Le fait de tremper fonctionne également bien sur des fragments de défense subfossile. Une comparaison de notre échantillon expérimental avec la véritable produc­tion de débris aurignaciens indique cla irement l'emploi d'eau dans les étapes finales de la production de perles.

A ma connaissance des collections archéologiques existantes, il n 'existe pas dans l'Aurignacien de preuve de la technique de rainurage et levier souvent mentionnée et si répandue aux époques qui ont suivies. Bien que le rainurage et le dégagement des baguettes d'ivo ire à partir de défenses fraîches constitue une approche possible (mais excessivement pénible et longue), les baguettes qui existent dans les assemblages aurignaciens ne montrent aucune trace des tiges dégagées par incision de la surface de la défense. Malheureusement, les sites français qui ont produit les plus importantes quantités d'ornements en ivoire et de débris de production ont révélé peu de segments d'ivoire permettant d 'approcher les techniques aurignaciennes de réduction des défenses.

Contextes de production, usage et élimination

Faute d'association directe entre les perles de l'Auri­gnacien I et les squelettes humains, nous sommes obligés de mettre au point des stratégies de recherche afin de démontrer premièrement que celles-ci étaient bien des objets de parure, deuxièmement de quelle manière elles étaient suspendues. Un programme combinant l'expéri­mentation et l'observa tion au MEE nous a donné un aperçu important des modes de suspensioQ des perles en forme de panier de l'Aurignacien. Les perles à coudre sur les vêtements sont reconnues mais il existe des variations sensibles en ce qui concerne l'usure des surfaces intérieu­res des trous de perles (figure 17).

j'ai souvent suggéré que les sites où les perles étaient manufacturées en quantité fu ssent des endroits particu­liers du paysage, peut-être des lieux d 'agrégation de grou­pes qui seraient par ailleurs distants et isolés. Ceci expli­querait l'hyper-abondance de matières premières exoti­ques dans ces siteS. j'ai également noté que des sites adja­cents les uns aux· auf:Îies· moôtrent des fréquences diffé­rentes dans les étapes de production des perles, ce qui indique peut-être des divisions du travail intra et inter­groupes plus compliquées que l'on ne pensait. Il existe des preuves tangibles selon lesquelles les perles étaient

Figure 17. Rebords d 'un trou (fJerle en talc en forme de panie1), Abri /3lanchard. En haut à gauche on voit l 'encoche d 'usure.

The margins of the hale of a talc basket-slw ped head, Abri Blancluml. At upfJer leji a use-wea1· notch is visible.

travaillées jusqu'à l'avant-dernier stade, par exemple perforées mais non taillées ni polies, conservées telles quelles, et finies seulement au moment où elles devaient être cousues ou attachées. Il est possible que ceci ait donné à l'artisan la liberté de créer un objet fin al taillé selon les formes et dimensions mieux adaptées à l'usage immédiat.

Plus de 25 % des perles en forme de panier de l'Auri­gnacien 1 montrent des cassures préhistoriques, le plus souvent le long du rebord du trou. Ceci pourrait facile­ment s'expliquer par l'arrachage des perles d 'un vêtement au gré des activités, ou par la remise en état de vêtements au cours de laquelle les perles, usées ou brisées, devaient être ôtées et j etées. Néanmoins, si l'usage et l'entretien des vêtements avec perles ne sont que des hypothèses, la production intensive de perles est manifeste par les larges quantités de débris de fabrication retrouvés. Le fort pourcen tage de perles entières et intactes pourrait s'expliquer par le stockage ou la mise en cachette de grandes quantités de perles ou de vêtements décorés de perles. Malheureusement, les techniques de fouille au début de notre siècle n 'enregistraient pas la localisation d 'objets en trois dimensions; par conséquent, l'analyse spatiale au sein des sites est impossible pour le moment.

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Conclusion

Je suis persuadé que l'approche par l'observation et l'analyse fine décrites ci-dessus, conçues en termes d 'une version modifiée de la chaîne opératoire de Leroi­Gourhan, ouvre l'accès à des domaines de pensée et d'action d'un passé lointain. En particulier, une perspec­tive technologique large, lorsqu'elle est combinée à des indications de contextes archéologiques, et l'usage parci­monieux et prudent d 'analogies ethnographiques nous conduisent à considérer de nouveaux systèmes d'interprétation. Cette perspective, à mon sens, a le mérite de situer les perles aurignaciennes, non seulement

à l'intérieur d 'un large système culturellement fondé d 'ornements corporels, mais de montrer les pratiques qui permettaient de négocier les défis normaux (physiques, sociaux et spirituels) de la vie quotidienne.

Pour en revenir au problème initial de la signifi­cation, je souhaiterais s9ulign~ à .nouveau la nature multi-dimensionnelle des significat\ons construites ou interprétées, significations considérées ici pas tellement comme des idées mais comme des productions, des performances, des choix et des savoir-fa ire hautement contextualisés.J'espère avoir rendu évidente la futilité de maintenir <<art '' et <<technologie» en catégories d 'analyse distinctes.

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Parution de La Méthodologie scientifique appliquée à l'étude des biens culturels : diagnostic & évaluation techno-économique, de Salvatore Lorusso et Bruno Schippa, premier ouvrage à donner une vision d'ensemble des techniques et méthodes

appliquées à la recherche du patrimoine ainsi que des questions de documentation et d'économie soulevées. La traduction de l'italien est due à Marcel Stefanaggi, du Laboratoire de recherche des monuments historiques. (EREC édit., 1995).