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Le grand défi du Prix de la critique de la bande dessinée québécoise par Nicolas Fréret - Sentinelle 2

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Le récipiendaire du Prix Asie de la Critique ACBD 2015 pour Poison City publié chez Ki-oon Tetsuya Tsutmi adresse ses remerciements aux lecteurs français et à l’Association des Critiques et journaliste de Bande Dessinée.

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Le grand défi du Prix de la critique de la bande dessinée québécoise

Nicolas Fréret

L’Association des journalistes et critiques de bande dessinée remettra en cette fin d’année le tout nouveau Prix de la critique ACBD de la bande dessinée québécoise, avec l’ambition de mettre en lumière sa richesse et son dynamisme. S’il s’agit de la première reconnaissance internationale francophone annuelle pour la BDQ, les éditeurs québécois sont plutôt sceptiques quant à ses répercussions sur leur développement à l’étranger.

L’ACBD a vu le jour en France en janvier 1984 sous l’impulsion de jour-nalistes convaincus que la bande dessinée était un art majeur populaire qui, à ce titre, avait sa place en grand dans les médias, et qu’il fallait pour cela promouvoir coûte que coûte l’information sur la BD sur tous les supports qui soient. Les critiques passionnés qui s’échinaient alors à parler régu-lièrement de bandes dessinées se sont réunis et se sont structurés lors du 11e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, faisant d’une pierre deux coups en lançant le Grand prix de la critique — qui s’appelait initialement le prix Bloody Mary en hommage au premier album lauréat, signé Jean Teulé. Depuis 32 ans, l’Association s’efforce de récompenser « la forte exigence narrative et graphique, marquant par sa puissance, son originalité, la nouveauté de son propos ou des moyens que l’auteur y déploie ». La liste hétéroclite des récipiendaires du Grand prix de la critique, devenus des références de leur temps, témoigne de la pertinence de la démarche. Au cours des cinq dernières années, par exemple, Dieu en personne de Marc-Antoine Mathieu, Asterios Polyp de David Mazzucchelli, Polina de Bastien Vivès, L’Enfance d’Alan d’Emmanuel Guibert, Mauvais genre de Chloé Cruchaudet et Moi, Assassin d’Antonio Altariba et Keko, ont été consacrés.

Le prix de la critique de la bande dessinée québécoise est donc le petit-frère du Grand prix, et le fruit « du développement de la BDQ dans les dix à quinze dernières années, qui s’est accompagné de l’essor d’une critique motivée et dynamique dans la presse québécoise », selon le président de l’ACBD, Fabrice Piault, qui connaît très bien le marché du livre québécois — il vient chaque année, désormais en tant que rédacteur en chef du ma-gazine Livres Hebdo, depuis la première édition du Salon du livre de Mon-tréal. « Aujourd’hui, l’ACBD compte 8 adhérents au Québec, soit près de

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10 % de ses membres actifs. Ils ont souhaité contribuer à mieux valoriser la création graphique québécoise et l’ACBD dans son ensemble a jugé qu’un prix dédié à la BD québécoise, en plus du Grand prix de la critique qui récompense des auteurs de toutes origines géographiques, permettrait de mieux souligner son originalité et la faire connaître, au Québec comme en Europe. »

« C’est quand même étrange, s’est étonné Laurent Boutin, libraire spé-cialisé à Planète BD, parce que, à ma connaissance, le seul prix hors Grand prix de la critique, c’est le Prix Asie de la critique, qui a quand même des spécificités et surtout (qui juge) une production autrement plus impor-tante que nous, alors pourquoi ce traitement de faveur ? » D’abord parce que « la bande dessinée québécoise n’est pas très connue en Europe », pour reprendre les mots de Fabrice Piault, soulignant au passage que « son émergence et sa reconnaissance, y compris au Québec, sont finalement très récentes ». « L’intérêt de ce prix est de faire apparaître le foisonnement créatif au Québec, et la qualité spécifique du travail qui y est réalisé, a précisé le président. Je ne doute pas que les ouvrages que nous primerons, au terme d’un processus de sélection qui va impliquer l’ensemble de nos adhérents, au Québec comme en France, en Belgique et en Suisse, bénéfi-cieront par la même d’un vrai coup de pouce au Québec, tandis que leurs auteurs seront mieux reconnus à l’étranger. »

L’un des objectifs de ce nouveau prix est donc de faire connaître la BDQ au-delà des frontières de la Belle Province, à commencer par les membres de l’ACBD eux-mêmes puisqu’ils seront désormais invités chaque année à lire la substantifique moelle de la production québécoise. Ce qui pourra — hypothèse — leur permettre de dénicher une bande dessinée qui fera à ce point l’unanimité qu’elle pourra se retrouver dans la sélection du Grand prix de la critique, et après tout, pourquoi pas, remporter un Grand prix au cours des prochaines années.

L’Association compte aujourd’hui 83 membres actifs — 83 votants — en Europe et en Amérique francophone, parmi lesquels des chercheurs et des historiens qui ont publié des ouvrages sur la bande dessinée, comme Michel Viau, qui a entre autres signé le premier tome de BDQ, Histoire de la bande dessinée au Québec aux ed. MEM9IRE, et qui dresse le bilan an-nuel de la production de la bande dessinée québécoise. Observateur, mais longtemps acteur du milieu, il est persuadé que ce prix « apportera une plus grande visibilité à la BD québécoise et à ses auteurs, tant au Québec qu’en Europe. C’est une évidence, dit-il. L’ACBD n’est pas très connue au Québec, mais en Europe c’est autre chose, et que cet organisme décerne

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un prix à un album québécois mettra en valeur la production locale. Il est possible que le prix soit remis à un album qui n’est pas ou peu distribué en Europe et qu’il puisse lui ouvrir des portes. » Par ricochet, la visibilité mé-diatique pourrait inciter les éditeurs, diffuseurs et distributeurs européens à s’intéresser de plus près à ce qui se trame de l’autre côté de l’Atlantique.

Les principaux éditeurs spécialisés, eux, n’y croient pas trop, à commencer par La Pastèque, seule maison d’édition à publier l’intégralité de sa pro-duction en Europe. « Déjà qu’il y a une grande difficulté là-bas pour faire parler de BD, je crois qu’il sera difficile de faire parler de ce prix, un de plus dans le lot, a commenté avec franchise son co-fondateur Frédéric Gauthier. Mais, si ça peut aider à faire parler de nous en France, tant mieux, ça aidera à bâtir notre présence sur ces territoires. »

La Pastèque a fait le choix il y a 4 ans « d’avoir une employée à temps plein pour être présente et active sur les marchés français, belge et suisse, assurer le lien avec notre diffuseur/distributeur là-bas et augmenter nos ventes », a indiqué l’éditeur qui mise aussi sur une présence dans les fes-tivals et salons. « On tente de faire au moins 6-8 événements par année ». La maison d’édition montréalaise, qui s’est aussi spécialisée sur les livres illustrés jeunesse a, parallèlement, développé la vente de droits sur ses

Paul à Québec de Michel Rabagliati, récipirndaire du prix du public du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême en 2010; Le Noël de Marguerite d’India Desjardins et Pascal Blanchet a remporté, quant à lui, le Fiction Award remis à la Foire du livre jeunesse de Bologne

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bouquins. Et ça fonctionne très bien, selon Frédéric Gauthier, « surtout dans le volet jeunesse, (qui) aide à bâtir des liens sur certains territoires en BD ». Ironiquement, l’influence de La Pastèque en Europe serait en par-tie due à un prix international, le Fiction Award remis à la Foire du livre jeunesse de Bologne, en Italie, au Noël de Margueritte, d’India Desjardins et Pascal Blanchet.

Mécanique générale, qui avait repris du poil de la bête en 2013 après le rachat des éditions 400 Coups par les éditions Somme toute, ne publie pour le moment ses BD que sur le marché québécois, mais elle ambitionne d’intégrer le marché européen dès 2016. « Je veux amener Mécanique gé-nérale en France, affirme le directeur de l’édition, Renaud Plante. Pour ça, il faut trouver le bon distributeur pour nous soutenir et choisir des titres qui vont bien représenter la maison d’édition dès le départ. » Il sait aussi qu’il faut, comme le fait La Pastèque, avoir quelqu’un sur place pour faire le tour des librairies et faire la promo des livres. C’est parce qu’il n’était pas en mesure d’offrir cela aux Non-Aventures de Jimmy Beaulieu qu’il a passé une entente d’achat de droits avec l’éditeur généraliste belge Les Impressions nouvelles pour une publication dans le marché européen. Résultat, ce dernier a tout repensé, à commencer par changer de titre (Les Aventures) pour être plus conforme à sa vision du marché. On sent

Non aventures de Jimmy Beaulieu, paru en 2013 chez l’éditeur québécois Mécanique Gé-nérale; Les Aventures du même auteur, publié en 2015 chez l’éditeur bruxellois Les Im-pressions Nouvelles.

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bien que c’est un crève-cœur pour Renaud Plante, dont l’objectif assu-mé est de présenter l’intégralité de son catalogue, et non de le morceler. « Mais le sortir via Mécanique générale aurait été plus difficile, rétorque-t-il, lucide. On est toujours perçu comme un éditeur marginal. C’est un com-bat pour faire voir nos livres. En France, (quand on tente une approche), les représentants ont tendance à vouloir que l’on fasse des changements pour s’adapter au marché, mais moi je crois que ce serait une erreur. Un “produit québécois”, j’aimerais plutôt que l’on voit cela comme un argu-ment de vente. On a une identité. On raconte des histoires universelles, mais dans une réalité québécoise, c’est tout. Et puis ça fonctionne pour La Pastèque, alors il n’y a pas de raison que cela ne marche pas pour nous. »

Le jeune Studio Lounak souhaiterait lui aussi exporter ses BD en Europe. «Notre but premier était de pénétrer le marché français, a confié l’éditeur Gautier Langevin, malheureusement, nous nous sommes systématique-ment retrouvés devant des portes closes, ou des réceptionnistes parisi-ennes qui ne comprenaient pas notre accent. Le pire dans tout ça, c’est que je comprends très bien ce manque d’intérêt, reconnaît-il. Dans un marché saturé comme celui de la BD, où les grands groupes appartiennent tous à des fonds d’investissement qui visent à rentabiliser au maximum les mark-up sur les catalogues, les petits joueurs francophones comme nous sont considérés comme une prise de risque par la majorité des grands distributeurs et diffuseurs. Le problème est que même les distributeurs indépendants ne veulent pas de nous. Bref, nous nous sommes fait répon-dre par les mainstreams que nous étions trop indés et par les indépendants que nous étions trop mainstream. Ça, c’est sans compter le fait que les commerciaux français sont très frileux à pousser des produits qui ne sont pas 48 pages, couleur, cartonné, habituellement en bas de 12 euros. Pour

L’abominable Charles Christopher T.3 deKarl Kerschl (Ed. Lounak); Guiby T. 3 : Double face-à-face de Sampar (Ed. Michel Quintin)

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plusieurs raisons, nos produits ne correspondent pas à cette habitude de consommation de BD française, s’agace l’éditeur. Nous sommes pour-tant convaincus que plusieurs Français ont envie de se faire surprendre avec des produits originaux, qui sortent des sentiers défrichés par Spirou et Kid Paddle. Les lecteurs français seraient charmés par L’Abominable Charles Christopher, de Karl Kerschl, ou par Les Cousines vampires, de Cathon et Al-exandre Fontaine Rousseau, publiée chez Pow Pow.»

Le fondateur de Pow Pow, Luc Bossé, a conscience qu’il sera difficile pour sa jeune maison d’édition de faire sa place, surtout à distance. « Les échos que l’on a du marché franco-belge est qu’il est saturé, résume-t-il. Par-ce qu’il y a une multiplication des titres parus par année, nous sommes un peu submergés. » En attendant de s’y confronter, la maison d’édition témoigne d’un vrai sens des affaires, avec la publication, début 2015 de Capharnaüm de Lewis Trondheim, en co-édition avec L’Association. Avoir l’un des auteurs phares de la bande dessinée française à son catalogue ne peut pas faire de mal.

Pas fou, Luc Bossé ne veut pas se buter à diffuser les livres de Pow Pow dans la francophonie, même si cela fait partie de ses plans. Son premier objectif est d’avoir un catalogue anglais et français et de se positionner comme maison d’édition bilingue. « À court terme, on veut aller vers le

L’édition québécoise de Caphernaüm de Lewis Trondheim et la traduction anglaise de Mile End de Michel Hellman, tous deux publiés par les éditions Pow Pow.

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Canada anglais, surtout parce qu’ils sont juste à côté de nous, même dans notre ville, à Montréal. C’est donc la voie la plus logique. Par la suite, nous espérons avoir un distributeur vers les États-Unis aussi. Et espérons que l’Europe suivra ensuite. » Les quatre meilleurs vendeurs chez Pow Pow, Mile-End de Michel Hellman, Les Deuxièmes de Zviane, Vil et misérable, de Samuel Cantin, et donc Les Cousines vampires ont été traduits en an-glais grâce à une campagne de socio-financement qui a permis de récolter 24 301 $ à l’automne 2014. Il s’agit là d’un autre bon coup de la maison d’édition, qui a su mobiliser, pour ne pas dire galvaniser, des auteurs acquis à la cause.

À défaut de pouvoir pénétrer le marché francophone en Europe, Studio Lounak mise également sur les marchés de proximité. Gautier Langevin et son équipe ont ainsi développé au cours de la dernière année un réseau de distribution en librairies spécialisées au Canada et aux États-Unis.Mais alors est-ce que le Prix de la critique de la BDQ est susceptible, au moins dans la durée, de donner ce fameux coup de pouce aux éditeurs dans leur désir d’émancipation du marché québécois?

« Si ce prix peut nous permettre d’obtenir une certaine crédibilité, ou ne serait-ce qu’une oreille un peu plus attentive auprès des distributeurs et libraires français, ça serait très bien, espère Gautier Langevin. Même si les distributeurs ne sont pas intéressés par nos catalogues, peut-être que des éditeurs voudront faire de l’achat de droits afin de publier sur leur territoire. Ça serait déjà ça de gagner pour nos auteurs, mais elle aide très peu l’industrie québécoise de la BD à se développer. Nous avons besoin d’éditeurs québécois exportant à l’étranger, pour que la majorité des prof-its restent sur notre territoire, nous aidant ainsi à éditer par la suite d’autres auteurs québécois grâce à ses profits. »

L’éditeur de La Mauvaise tête Sébastien Trahan retient surtout que le prix ne peut pas nuire et qu’il « est d’abord une reconnaissance pour la vi-talité du secteur bande dessinée, et, sûrement, pour la qualité des œuvres qui sont publiées ici ». Et il s’en contentera puisqu’il estime de toute fa-çon ne pas avoir les capacités de sortir ses livres du Québec autrement qu’exceptionnellement. « Quand on sait qu’il y a aussi un prix Asie remis par le même jury, on peut être fier d’avoir su susciter le même intérêt que cette région du monde où existe une culture de la bande dessinée bien réelle, alors qu’ici, l’impression que le milieu évolue en vase clos est assez tenace. » Renaud Plante, chez Mécanique générale, ne peut d’ailleurs pas s’empêcher de craindre justement que cette nouvelle récompense, même si elle est ‘intéressante’, n’enferme la BDQ ‘dans une case’. La Pastèque

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quant à elle se bat pour ne pas être estampillée ‘maison d’édition québé-coise’, notamment parce qu’elle voit plus grand et qu’elle brasse des auteurs et des œuvres provenant d’ailleurs. En charge du marketing aux Éditions Michel Quintin — qui a opté pour la vente de droits en Europe de ses séries jeunesse Guiby et Les Dragouilles — Sophane Beaudin-Quintin pense au contraire qu’il y a au Québec du talent et de plus en plus d’éditeurs et que cette belle offre mérite d’être ainsi mise en valeur’ pour que cela se paie dans la durée.

« Je suis convaincu qu’un prix remis par une association de critique majori-tairement européenne sera perçu très positivement par le milieu et par les médias locaux du Québec, assez friands de ce regard extérieur, relativise pour sa part Sébastien Trahan, [...] On peut imaginer une petite embellie des ventes le temps que dureront les communications à propos du prix. J’aimerais être plus optimiste, mais je doute que le prix ait le même effet qu’un Goncourt. »

C’est ce que pensent tous les libraires consultés dans le cadre de cet article. « Un prix BD, ça marchera toujours moins bien qu’un Goncourt », a tran-ché Véronique Giuge, de la librairie Album à Paris, qui constate que « la BD n’est pas assez respectée pour ça, tandis que le Goncourt, on l’achète par principe pour le mettre dans notre bibliothèque, même si on ne le lit pas. À la rigueur, Angoulême, ça parle aux gens, mais les autres prix pas trop. »

Pour Daniel Coÿne, le gérant de la librairie parisienne Les Super Héros qui se spécialise dans la BD indépendante, la BDQ se résume en gros à Paul de Michel Rabagliati, mais il suppose qu’une bande dessinée québécoise qui arriverait sur le marché auréolée d’un prix remis par l’ACBD pourrait influencer positivement les représentants, ce qui pourrait se répercuter en librairies généralistes. « Pour nous, les prix sont un argument de plus pour les livres que l’on aime, mais si on n’adhère pas, on ne les pousse pas. N’oublions pas qu’en librairie spécialisée, on est nous-mêmes des pre-scripteurs. »

De ce côté-ci de l’Atlantique, un tel prix est « une excellente nouvelle », s’enthousiasme Réjean St-Hilaire, en charge de la bande dessinée à la li-brairie Monet, à Montréal. « C’est sûr qu’on va lui donner de la visibilité, et pas seulement les jours suivant l’annonce. On va mettre en avant les trois finalistes et le titre primé, c’est certain. »

Le propriétaire de la Librairie de Verdun est ravi, lui aussi, parce que cela fait son affaire, lui qui est passé de quelques étagères à plusieurs rayons

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consacrés à la bande dessinée. « Il y a une demande croissante pour les ro-mans graphiques et je lui fais de plus en plus de place », a expliqué Philippe Sarrasin, qui s’apprête à déménager pour doubler la surface de sa librairie de quartier.

« Ça aiguille les lecteurs et les acheteurs de collectivités qui s’intéressent superficiellement à la bande dessinée vers des livres choisis, mais ça ne remplace pas un bon libraire », a commenté pour sa part l’auteur de bande dessinée Jimmy Beaulieu, qui dit cultiver un ‘farouche scepticisme’ sur les prix en règle générale, même si ‘tout effort pour faire rayonner notre tra-vail me fait plaisir ».

Pour Michel Viau, « les éditeurs et les libraires ont un travail à faire pour que le prix remis se transforme en vente : il faut que l’album récipiendaire soit disponible en magasin, qu’il soit mis de l’avant et clairement identifié comme étant le gagnant. Cela peut générer des coûts (autocollant, bande, redistribution) que les éditeurs ne sont peut-être pas prêts à assumer. Les médias ont aussi un rôle à jouer pour que le récipiendaire reçoive l’attention méritée. Il faut que le prix soit publicisé ainsi que le gagnant. »

Est-ce que le Prix de la critique ACBD de la bande dessinée québécoise s’imposera, ici et là-bas, et qu’il permettra de mettre en lumière dans toute la francophonie les futurs Jimmy Beaulieu, Guy Delisle, Julie Doucet, Mi-chel Rabagliati, ou encore Delaf et Dubuc ? L’avenir le dira. En tout cas, on l’aura compris, plus qu’un prix, c’est un défi !

Nicolas Fréret est journaliste, membre de l’ACBD et coordonnateur du Prix de la critique ACBD de la bande dessinée québécoise

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