russia beyond the headlines

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Mercredi 16 avril 2014 fr.rbth.com Distribué avec Parmi les autres partenaires de distribution : The Daily Telegraph, The New York Times, The Washington Post, La Repubblica, etc. Visions de la Russie «Russia Beyond the Headlines» est le nouveau nom de , distribué en français avec Le Figaro La part de Lafarge-Holcim pourrait atteindre 9,1% du marché, ce qui lui permettrait de figurer parmi les trois plus grands cimentiers en Russie. PAGE 3 L’artiste se rémémore la production clandestine soviétique et livre ses senti- ments sur la création actuelle. PAGE 7 La péninsule, sous les feux de l’actualité, est aussi une région possédant un vaste potentiel touristique et agricole. Découvrez ses joyaux architecturaux et revivez trois faits marquants de l’histoire de la région. PAGES 4-5 UNE FUSION POUR MIEUX BÉTONNER LE MARCHÉ RUSSE ILIA KABAKOV SUR L’ART D’HIER ET D’AUJOURD’HUI DOSSIER SPÉCIAL : LA CRIMÉE SOUS UN AUTRE ANGLE Crise ukrainienne : une nouvelle donne diplomatique SUITE EN PAGE 8 CE CAHIER DE HUIT PAGES EST ÉDITÉ ET PUBLIÉ PAR ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), QUI ASSUME L’ENTIÈRE RESPONSABILITÉ DE SON CONTENU À lire sur notre site Web La mode pour handicapés : entre couture et force d’esprit La géographie, partie intégrante de la langue fr.rbth.com/28635 fr.rbth.com/28373 Derrière les annonces de « nouvelle guerre froide » entre la Russie et l’Occident, les relations économiques restent un facteur clé et un enjeu de stabilité. Moscou insiste pour que ses intérêts soient mieux pris en compte dans les négociations sur le futur de l’Ukraine, rejetant des valeurs « venues d’ailleurs », sur fond d’inquiétude après l’élargissement de l’Alliance atlantique aux pays de l’Est. Si les sanctions occidentales sont mal vécues, le Kremlin affirme vouloir conserver de bonnes relations avec l’Europe et préserver le dialogue. Mais la crise a donné aux liens économiques avec l’Asie un caractère devenu prioritaire. L’impératrice Alexandra Fedorovna Romanova arbore le diadème en émeraudes créé pour elle par Bolin (à gauche). À droite, un œuf réalisé par la même compagnie. MARINA OBRAZKOVA RBTH Qui n’a pas entendu parler de l’orfèvre- joaillier Karl Fabergé, fournisseur de la Cour impériale russe ? Mais qui peut citer d’autres grands bijoutiers russes ? Le pays n’en manquait pourtant pas. ORFÈVRERIE La célébrité de Fabergé a laissé dans l’ombre nombre d’autres créateurs ou artisans Jusqu’au milieu du XIXème siècle, les joailliers étaient considérés comme de simples artisans. Ce n’est que lorsqu’ils ont commencé à participer à des expo- sitions internationales que leurs noms sont devenus de véritables marques commerciales. Syndrome de Stockholm Les joailliers suédois Bolin sont arrivés en Russie au début du XIXème siècle, quelques dizaines d’années avant Fa- bergé. Ils fournissaient principalement les tsars, ce qui n’était pas une mince affaire. Ils devaient, par exemple, confec- tionner le contenu de la dot de ses filles. Coup de projecteur sur les joailliers russes Un seul ensemble nuptial coûtait au- tant qu’une maison au centre de Saint- Pétersbourg et comprenait une couronne de mariage, quelques diadèmes, un col- lier et des bracelets, sans oublier les bagues et autres boucles d’oreilles. La veille du mariage, les nouveaux joyaux des princesses étaient exposés à la vue de tous. Il s’agissait d’une tradition an- cestrale : la « valeur » de la future épouse était déterminée par celle de sa dot. La maison de joaillerie Bolin a tra- vaillé en Russie jusqu’à la Première Guerre mondiale, dont le début allait bloquer son propriétaire d’alors, Wil- helm Bolin, en Allemagne. Le bijoutier a bien essayé de rejoindre la Russie via la Suède, mais il a été retenu à Stoc- kholm, où il a ouvert un magasin et est rapidement devenu fournisseur des rois de Suède. Il a ainsi substitué, parmi ses prestigieux clients, une monarchie à une autre. SUITE EN PAGE 2 GETTY IMAGES/FOTOBANK LORI/LEGION MEDIA

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Russia Beyond The Headlines est une source d'informations politiques, économiques et culturelles internationalement reconnue. Elle propose une couverture médiatique réalisée sur le terrain par des journalistes possédant une connaissance en profondeur du pays, ainsi que des analystes et un vaste éventail d'opinions sur les événements actuels.

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Page 1: Russia Beyond The Headlines

Mercredi 16 avril 2014fr.rbth.com

Distribué avec

Parmi les autres partenaires de distribution : The Daily Telegraph, The New York Times, The Washington Post, La Repubblica, etc.

Visions de la Russie

«Russia Beyond the Headlines» est le nouveau nom de , distribué en français avec Le Figaro

La part de Lafarge-Holcim pourrait atteindre 9,1% du marché, ce qui lui permettrait de figurer parmi les trois plus grands cimentiers en Russie. PAGE 3

L’artiste se rémémore la production clandestine soviétique et livre ses senti-ments sur la création actuelle. PAGE 7

La péninsule, sous les feux de l’actualité, est aussi une région possédant un vaste potentiel touristique et agricole. Découvrez ses joyaux architecturaux et revivez trois faits marquants de l’histoire de la région.PAGES 4-5

UNE FUSION POUR MIEUX BÉTONNER LE MARCHÉ RUSSE

ILIA KABAKOV SUR L’ART D’HIER ET D’AUJOURD’HUI

DOSSIER SPÉCIAL : LA CRIMÉE SOUS UN AUTRE ANGLE

Crise ukrainienne : une nouvelle donne diplomatique

SUITE EN PAGE 8

C E C A H I E R D E H U I T PAG E S E S T É D I T É E T P U B L I É PA R R O S S I Y S K AYA G A Z E TA ( R U S S I E ) , Q U I A S S U M E L ’ E N T I È R E R E S P O N S A B I L I T É D E S O N C O N T E N U

À lire sur notre site Web

La mode pour handicapés : entre couture et force d’esprit

La géographie, partie intégrante de la langue

fr.rbth.com/28635

fr.rbth.com/28373

Derrière les annonces de « nouvelle guerre froide » entre la Russie et l’Occident, les relations économiques restent un facteur clé et un enjeu de stabilité. Moscou insiste pour que

ses intérêts soient mieux pris en compte dans les négociations sur le futur de l’Ukraine, rejetant des valeurs « venues d’ailleurs », sur fond d’inquiétude après

l’élargissement de l’Alliance atlantique aux pays de l’Est. Si les sanctions occidentales sont mal vécues, le Kremlin affirme vouloir conserver de bonnes relations avec

l’Europe et préserver le dialogue. Mais la crise a donné aux liens économiques avec l’Asie un caractère devenu prioritaire.

L’impératrice Alexandra Fedorovna Romanova arbore le diadème en émeraudes créé pour elle par Bolin (à gauche). À droite, un œuf réalisé par la même compagnie.

MARINA OBRAZKOVARBTH

Qui n’a pas entendu parler de l’orfèvre-

joaillier Karl Fabergé, fournisseur de la

Cour impériale russe ? Mais qui peut

citer d’autres grands bijoutiers russes ?

Le pays n’en manquait pourtant pas.

ORFÈVRERIE La célébrité de Fabergé a laissé dans l’ombre nombre d’autres créateurs ou artisans

Jusqu’au milieu du XIXème siècle, les joailliers étaient considérés comme de simples artisans. Ce n’est que lorsqu’ils ont commencé à participer à des expo-sitions internationales que leurs noms sont devenus de véritables marques commerciales.

Syndrome de StockholmLes joailliers suédois Bolin sont arrivés en Russie au début du XIXème siècle, quelques dizaines d’années avant Fa-bergé. Ils fournissaient principalement les tsars, ce qui n’était pas une mince affaire. Ils devaient, par exemple, confec-tionner le contenu de la dot de ses fi lles.

Coup de projecteur sur les joailliers russes Un seul ensemble nuptial coûtait au-tant qu’une maison au centre de Saint-Pétersbourg et comprenait une couronne de mariage, quelques diadèmes, un col-lier et des bracelets, sans oublier les bagues et autres boucles d’oreilles. La veille du mariage, les nouveaux joyaux des princesses étaient exposés à la vue de tous. Il s’agissait d’une tradition an-cestrale : la « valeur » de la future épouse était déterminée par celle de sa dot.La maison de joaillerie Bolin a tra-vaillé en Russie jusqu’à la Première Guerre mondiale, dont le début allait bloquer son propriétaire d’alors, Wil-helm Bolin, en Allemagne. Le bijoutier a bien essayé de rejoindre la Russie via la Suède, mais il a été retenu à Stoc-kholm, où il a ouvert un magasin et est rapidement devenu fournisseur des rois de Suède. Il a ainsi substitué, parmi ses prestigieux clients, une monarchie à une autre.

SUITE EN PAGE 2

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Page 2: Russia Beyond The Headlines

2Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le FigaroMercredi 16 avril 2014

POLITIQUE

RUSSIA BEYOND THE HEADLINES (RBTH) PUBLIE 26 SUPPLÉMENTES DANS 21 PAYS POUR UN AUDITOIRE TOTAL DE 33 MILLIONS DE PERSONNES ET GÈRE 19 SITES INTERNET EN 16 LANGUES. LES SUPPLÉMENTS ET CAHIERS SPÉCIAUX SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), ET DIFFUSÉS DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX SUIVANTS: • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE •

SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE • DUMA, BULGARIE • POLITIKA, GEOPOLITI KA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • THE ECONOMIC TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • GLOBAL TIMES, CHINE • LA NACION, ARGENTINE • FOLHA DE S.PAULO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • SYDNEY MORNING HERALD, THE AGE, AUSTRALIE • ELEUTHEROS TYPOS, GRÈCE • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD • GULF NEWS, AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE • NATION, THAÏLANDE.  COURRIEL : [email protected]. POUR DE PLUS AMPLES INFORMATIONS, CONSULTER FR.RBTH.COM. LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)

DMITRI BABITCHPOUR RBTH

Que l’on parle d’« occupation » (en

Occident) ou de « réunification » (pour

une majorité de Russes), les

événements de Crimée sont-ils

annonciateurs d’une nouvelle ligne

diplomatique ?

La question apppelle deux réponses dia-métralement opposées. D’une part, on peut considérer que Moscou cherche à reconquérir sa puissance perdue après la chute du régime soviétique, et cela, peut-être même au-delà des frontières de l’ex-URSS. On peut au contraire voir les événements de Crimée comme une « improvisation infructueuse », et envi-sager un retour proche à la normale – la Russie acceptant à contre-cœur que de nouveaux territoires de l’ex-Union so-viétique rejoignent la sphère d’infl uence occidentale, dans le cadre de négocia-tions autour d’un « élargissement de la zone de prospérité et de sécurité ». Mais comme toujours, la vérité n’est pas aussi tranchée. Pour Rossiyskaya Ga-zeta, le journal officiel de la Russie, l’in-tervention en Crimée est le signe que le pays souhaite défi nir une « zone de sécurité », c’est-à-dire marquer les ter-ritoires qu’il considère comme essen-tiels pour lui-même, où il surveillera de près l’éventuelle instauration de gou-vernements anti-russes, voire l’accrois-sement de la présence militaire des pays occidentaux. L’Ukraine fait partie de ces territoires. Mais d’après Fedor Lou-kianov, rédacteur en chef du mensuel moscovite Russia in Global Affairs, cela ne signifi e pas que la Russie veuille ri-valiser avec les États-Unis sur l’échi-quier planétaire à l’image de l’ex-URSS. Là où le bât blesse, c’est que « sur place », cette position modérée n’est pas forcément partagée, non seulement en Crimée, mais aussi dans d’autres ré-gions de l’Ukraine, et même dans la République de Moldavie avoisinante. « Si on récupère notre pays, vous pou-vez garder la monnaie », m’a dit il y a quelques semaines Valentina, une habi-tante de Crimée qui tient un petit stand de boulangerie-pâtisserie à Soudak, une

cluent pas une « situation afghane » en Europe de l’Est, avec des guerilleros ur-bains en Ukraine dans le rôle des mou-djahidines afghans. Selon Alexeï Pilko, directeur du Centre Eurasia au sein de l’agence de presse RIA Novosti de Mos-cou, « l’inconvénient majeur de ce scé-nario, c’est qu’il ne convient à aucune des parties prenantes. Il ne convient pas à Moscou, car la Russie est effective-ment bien différente de l’Union sovié-tique, laquelle produisait tout ce dont elle avait besoin, des fi lms aux vins, en passant par la viande. La Russie ac-tuelle a besoin de gazoducs et d’oléo-ducs pour obtenir des devises qui lui permettent d’acheter à l’Union euro-péenne ce qui lui est nécessaire pour vivre, non pour se divertir ». Lorsqu’on dégaine les armes, les « pipelines » se vident ; la Russie est donc la dernière à souhaiter que l’on fasse parler la poudre en Europe de l’Est. Le scénario afghan est également inac-ceptable pour l’Union européenne, comme pour l’Ukraine, où même les hommes politiques les plus bellicistes ne souhaitent guère voir leur pays de-venir le « champ de bataille où un nou-veau confl it mondial aurait éclaté » (ex-pression utilisée par Ksenia Liapina, députée appartenant au parti de l’Union panukrainienne « Patrie », nouvellement arrivé au pouvoir).C’est pourquoi on a poussé un soupir de soulagement à Kiev, mais aussi à Moscou, lorsque le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré que la Russie n’avait nullement l’intention de s’étendre au-delà des fron-tières orientales de l’Ukraine, et son ho-mologue ukrainien affirmer que le nou-veau pouvoir en place à Kiev n’avait pas pour objectif de faire adhérer l’Ukraine à l’OTAN. Le « confl it ethnique » entre Russes et Ukrainiens, si souvent évoqué, est moins ancré dans la réalité que dans les mé-dias ou dans l’esprit de certains intel-lectuels et de quelques excités. Si ces personnes ont plus facilement accès aux médias de masse de part et d’autre de la frontière ukrainienne, les opinions qu’elles expriment ne refl ètent aucune-

ment les relations entre les habitants. On pourrait en l’occurrence s’interro-ger sur l’infl uence des messages aux-quels les médias donnent comlaisam-ment voix. Selon Alexeï Vlasov, directeur du centre de recherches Nord-Sud à l’université de Moscou, « il n’y aura pas de guerre en Ukraine ; cependant, un retour à la normale n’est pas non plus envisageable en ce qui concerne la po-litique étrangère de la Russie ». Boris Volkhonski, membre de l’Institut Russe d’études stratégiques, précise ce-pendant que « de nombreux analystes espèrent que les sanctions relativement légères inciteront Vladimir Poutine à revenir à la diplomatie de l’ère Eltsine, mais ils risquent grandement d’être déçus ». Volkhonski rappelle qu’une grande partie du pays désirait, dans les années 90 et au début des années 2000, établir de nouvelles relations avec l’Eu-rope de l’Ouest et les États-Unis, des relations fondées sur la confi ance mu-tuelle plutôt que sur un « équilibre de la peur ». Lorsque les anciens bastions du bloc soviétique – RDA, Pologne, Hon-grie et Tchécoslovaquie – sont passés à un autre régime politique, Boris Eltsine a conclu que les inquiétudes de l’Ouest vis-à-vis de la Russie fi niraient par s’es-tomper. Au cours de ses premières an-nées au pouvoir, Vladimir Poutine a suivi les mêmes lignes directrices, allant jusqu’à tolérer que l’Union européenne et l’OTAN s’étendent aux États baltes, qui faisaient autrefois partie de l’URSS. Mais le nouveau « changement de gou-vernement » en Ukraine – bien plus violent qu’en 2004-2005 – a sonné le tocsin. Aux yeux de Poutine, les événe-ments survenus à Kiev montrent que l’Occident n’a pas su tirer les leçons des échecs essuyés par ses anciens alliés « révolutionnaires » – les ex-présidents d’Ukraine et de Géorgie, Victor Iouchtchenko et Mikhaïl Saakashvili, à présent très impopulaires. De plus, la violence qui a accompagné la « transi-tion gouvernementale » amorcée à Kiev fait craindre, du point de vue de la Rus-sie, qu’une « transition gouvernemen-tale » susceptible d’intervenir dans le futur à Moscou ne donne lieu à des troubles encore plus graves. Quelle sera donc la ligne politique adop-tée par le Kremlin ? Certes, il n’est pas question d’un virage total à l’Est ac-compagné d’une réorientation à 100% de la Russie vers ses voisins asiatiques, au détriment de ses partenaires euro-péens avec lesquels elle est en désac-cord. Mais la Russie n’accordera plus sa confi ance aveuglément, comme au temps où, en échange de concessions géopo-litiques, elle acceptait les explications selon lesquelles telle ou telle décision difficile à avaler serait bonne pour elle (Moscou avait écarté d’emblée les pro-messes de Bruxelles affirmant que la Russie pourrait « elle aussi profi ter » d’un rapprochement de l’Ukraine avec l’Union européenne).Le projet de rapprochement économique avec celle-ci et, dans une moindre me-sure, avec les États-Unis, sera relancé dès que les tensions qui pèsent sur les relations diplomatiques seront apaisées. Néanmoins, la sécurité risque d’être per-çue comme un facteur encore plus im-portant que les avantages économiques. Dans son discours sur l’intégration de la Crimée, le Président Vladimir Pou-tine l’a exprimé d’une manière imagée, mais claire : « Je ne peux tout simple-ment pas concevoir que nous ayons à nous rendre à Sébastopol pour rencon-trer les marins de l’OTAN. Bien sûr, cer-tains d’entre eux sont des types formi-dables, mais ce serait mieux qu’il viennent nous rendre visite, et qu’ils soient nos invités, plutôt que l’inverse ».Pour un Européen lambda, ces paroles pourraient sembler déplacées. Mais le message est certainement passé chez les personnes que j’ai interrogées en Cri-mée et à Moscou.

Ils l’ont dit

V. POUTINE (DANS UN MESSAGE AUX UKRAINIENS)

S. LAVROVMINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Ne croyez pas (...) que d’autres régions fe-ront comme la Crimée. Nous ne voulons pas la division de l’Ukraine ».

Nous n’avons aucune intention de franchir la frontière ukrainienne et nul intérêt à le faire. Absolument pas ».

«

«

Selon un sondage eff ectué sur notre site Web, 90,64% de nos lecteurs sont favorables à l’apprentissage du russe comme seconde langue pour leurs enfants. Les avis contraires ont représenté 9,36% des réponses.

En ligne

Consultez nos derniers sondages sur notre sitefr.rbth.com

ville ancienne célèbre pour sa forteresse du XVIème siècle édifi ée par les colons génois. « Mais aujourd’hui, inutile d’es-pérer retrouver notre pays », a-t-elle ajouté. Tous ceux que j’ai rencontrés en Cri-mée ont évoqué cet endroit mystérieux, « notre pays ». Pour les plus âgés, « notre pays », c’est indubitablement l’Union soviétique ; pour les plus jeunes, le pays en question ressemble à la Russie (même s’ils en ont parfois une idée vague, cer-tains n’ayant jamais traversé le détroit qui sépare la Crimée du territoire russe). Mais « notre pays », ce n’était certaine-ment pas l’Ukraine, dont la Crimée fai-sait officiellement partie depuis 1954 (dans le cadre de l’URSS, de 1954 à 1991). C’est peut-être l’échec le plus cui-sant de l’actuel gouvernement ukrai-nien, certes, mais aussi de tous ses pré-décesseurs qui ont gouverné le pays depuis son accession à l’indépendance en 1991. Ils n’ont jamais réussi à don-ner aux Criméens le sentiment d’être chez eux en Ukraine. Un ressenti similaire, mais à plus grande échelle, est palpable en Transnistrie, un petit État non reconnu officiellement, qui appartenait à la Moldavie – au-jourd’hui tournée vers l’Europe – avant de faire sécession en 1992. Contraire-ment aux Criméens, les habitants de Transnistrie avaient pris les armes pour rester au sein de la Moldavie en 1992, lorsqu’un confl it bref mais acharné écla-ta avec les Moldaves, avant de se conclure par une trêve. En 2006, la Transnistrie avait organisé un référen-dum sur une éventuelle intégration à la Russie ; 97% des votants étaient fa-vorables à cette idée, mais Moscou a poliment décliné l’offre. Armen Oga-nessian, rédacteur en chef du magazine moscovite International Life affirme : « À présent, certaines régions d’Ukraine, mais aussi de Moldavie, dont la Ga-gaouzie turcophone située au sud de celle-ci, se voient confortées dans leur espoir de se réveiller un jour en étant intégrées à la Russie ». Si cette tendance donne de l’espoir aux Transnistriens et aux Gagaouziens, elle inquiète les occidentaux. Certains n’ex-

ANALYSE GÉOPOLITIQUE Les événements dans l’Est de l’Ukraine ont modifié l’échiquier planétaire

Vers un "pivot" de la Russie à l’Est ?

John Kerry et Sergueï Lavrov lors d’une première rencontre à Paris pour évoquer la crise ukrainienne au cours de quatre heures de discussions.

AP

Page 3: Russia Beyond The Headlines

3Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro Mercredi 16 avril 2014

ÉCONOMIE

ANNA KUCHMARBTH

MARIA KARNAUKHPOUR RBTH

Les sanctions occidentales n’ont

finalement touché que deux banques

russes, mais elles ont convaincu les

autorités et les banquiers de mettre en

place un système national de paiement.

La classe moyenne russe ne semble pas

avoir été affectée par le ralentissement

économique, ni par la dévaluation du

rouble. Les Russes achètent toujours

plus de voitures et de logements.

SYSTÈMES DE PAIEMENT Les banques négocient entre elles un accord au niveau national

TENDANCE Lorsque la devise nationale s’affaiblit, les Russes la convertissent en biens durables

L’hégémonie de Visa et de Mastercard sur le marché russe fait depuis longtemps l’objet de critiques. Bien avant les évé-nements en Ukraine, la Banque centrale de Russie s’était penchée sur des solu-tions alternatives afi n de briser le mono-pole des deux géants internationaux.D’après les estimations des banquiers, la part de Visa et Mastercard dans le vo-lume du nombre de cartes est de 80 à 90%. Des avis en nombre grandissant

Selon la banque d’ État Sberbank, l’in-dice de la consommation des ménages « Ivanov » a crû pour la première fois depuis un an. Il s’agit d’un indice com-posite refl étant le comportement de la classe moyenne russe. Si en 2013 cet indice chutait parallèlement à celui de confi ance des consommateurs (moins 11% à la fi n de l’année dernière), au-jourd’hui, la confi ance est à la hausse. « Le chef de la famille gagne plus : son revenu moyen a crû de 3% au cours du dernier semestre. On s’attend à une croissance des bénéfi ces des entreprises, alors que le niveau de chômage a recu-

La Russie cherche une alternative à Visa et Mastercard

Le rouble chute, la consommation croît

La société Arianespace a signé avec l’Agence fédérale spatiale russe (Roskosmos) un contrat pour la livraison de sept lanceurs Soyouz-ST supplémentaires destinés au cosmodrome de Kourou, en Guyane française, selon un communiqué consacré à la mise en orbite du satellite d’observation de la Terre Sentinel-1A. Le satellite a été lancé par Soyouz-ST.Le communiqué indique que le contrat permettra à Arianespace de satisfaire les commandes gouvernementales et privées jusqu’en 2019.

Les ventes de voitures et de véhicules utilitaires légers (LCV) neufs en Russie ont reculé de 0,4% en mars 2014 par rapport à la même période de l’année dernière, pour un chiff re de 243 300 unités, a annoncé l’Association des aff aires européennes (AEB).« Ces derniers mois, la baisse du marché s’est ralentie, ce qui est un signe de stabilisation, a dit Jorg Schreiber, président du comité des producteurs automobiles de l’Association des aff aires européennes (AEB). Il semble que nous avons enfi n atteint une stabilisation en mars 2014. La question est de savoir si elle sera durable ». Les ventes de voitures ont reculé de 2%, soit 602 500 unités, en janvier-mars 2014 par rapport à la même période de 2013.

Moscou et Pékin envisagent d’accélérer la préparation d’une série de contrats énergétiques à l’occasion de la visite du président russe Vladimir Poutine en Chine en mai prochain, a annoncé le vice-premier ministre Arkadi Dvorkovitch.Au début d’avril, M. Dvorkovitch s’est rendu à Beijing à la tête d’une délégation comprenant les responsables des ministères en charge de l’énergie et les représentants de grands groupes tels que Gazprom, Rosneft, Novatek et Rusal. Selon le vice-premier ministre russe, la délégation a rédigé les contrats principaux prêts pour signature : « Il s’agit de contrats portant sur la livraison de gaz à la Chine par l’itinéraire oriental et d’un contrat concernant le projet GNL Yamal piloté par le groupe Novatek ».

EN BREF

LA RUSSIE LIVRERA SEPT SOYOUZ-ST À ARIANESPACE

LÉGÈRE BAISSE DES VENTES DE VOITURES EN MARS

POUTINE SE REND À PÉKIN EN MAI POUR SIGNER DES CONTRATS ÉNERGÉTIQUES

ALEXANDRA MERTSALOVAKOMMERSANT

Le regroupement des deux leaders

mondiaux du ciment, Lafarge et

Holcim, va renforcer ses positions en

Russie. La part de marché du nouvel

ensemble pourrait atteindre 9,1%.

INDUSTRIE Le français Lafarge et le suisse Holcim formeront le deuxième producteur de ciment en Russie

Le français Lafarge et le suisse Holcim ont annoncé, le 6 avril, leur intention de fusionner par échange d’actions. La future holding sera contrôlée à 57% par Holcim, et les 43% restants reviendront à Lafarge, ont indiqué les parties dans un communiqué. Les nouveaux parte-naires espèrent que la valeur de leur société atteindra 44 milliards d’euros (soit 60 milliards de dollars) avec un volume de ventes de 31 milliards d’eu-ros (43 milliards de dollars). Les entre-prises estiment que la fusion permettra à la structure de réduire les coûts, et les économies réalisées étant de l’ordre de 730 millions d’euros (1,9 milliard de dollars).En Russie, Holcim possède deux usines de ciment à Kolomna (région de Mos-cou) et à Volsk (région de Saratov). En 2013, le groupe a produit 5,8 millions de tonnes de ciment en Russie.Le français Lafarge détient également deux usines en Russie : une à Voskres-sensk (région de Moscou) et l’autre à

Une fusion pour mieux bétonner le marché russe

Leader mondial, le français Lafarge avait vu ses ventes diminuer en Russie. Sa fusion avec le suisse Holcim devrait lui permettre de remonter la pente.

21,6millions de tonnes de ciment, soit 32,6% : c’est la part du groupe Euroce-ment, leader russe du secteur

66,4millions de tonnes, tel est le volume global de la pro-duction de ciment dans le pays

En chiffres

En ligne

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Korkino (région de Tcheliabinsk), qui l’an dernier ont produit cumulativement 4,1 millions de tonnes de ciment, ce qui représente 7% de la production totale en Russie. Une part de 15% des entre-prises russes de Lafarge est détenue par la Banque européenne pour la recons-truction et le développement.Dans les fi liales russes de Lafarge et de Holcim, la décision de fusionner n’a pas été commentée. Le mariage des deux groupes va conduire à une redistribu-tion des rôles dominants sur le marché russe. La part du nouvel ensemble atteindra 9,1% du marché, avec une production de plus de 6 millions de tonnes de ci-ment par an, estime le directeur asso-cié de la société de conseil CMPRO, Vla-dimir Gouze. Ainsi, Lafarge-Holcim deviendra le deuxième producteur de ciment dans le pays. Le nouvel ensemble se classera devant l’entreprise russe No-voroscement, de Lev Kvetnoi, dont la part s’élève désormais à 8,7% du mar-ché (5,8 millions de tonnes par an). Le principal acteur du secteur en Russie demeure Eurocement : la part du groupe, qui en 2013 a produit 21,6 millions de tonnes de ciment, était de 32,6% l’an dernier.Le volume total de la production de ci-ment en Russie l’an dernier s’élevait à

66,4 millions de tonnes. « Étant donné que les principaux actifs de Lafarge et Holcim sont concentrés dans la région de Moscou, la part du marché régional devrait atteindre environ 23% », ajoute Vladimir Gouze. Le regroupement des actifs pour les en-treprises occidentales était devenu un processus inévitable, estime M. Gouze. D’après les chiffres de 2013, le volume des ventes de Lafarge en Russie a di-minué de 6%. La société française avait envisagé la vente de ses actifs russes. Les actionnaires des deux groupes ont répondu de manière positive à la nou-velle d’une fusion. Après l’annonce de celle-ci, les actions de Holcim à la SIX Swiss Exchange avaient progressé de 1,62% dans un contexte de chute de l’indice SMI de 1,15%. Celles de La-farge à la Bourse de Paris avaient grim-pé de 2,57%, avec un recul de l’indice du CAC 40 de 1,8%.

fait que stimuler la demande. BMW, Mercedes, Jaguar et Land Rover s’at-tendent également à une progression de leurs ventes. Volvo table sur une crois-sance de 10%. L’optimisme des marques automobiles est justifi é par la dyna-mique observée depuis le début de l’an-née – la demande croît de 10 à 15% en moyenne pour BMW, Mercedes, Jaguar et Land Rover.L’immobilier constitue l’autre objet de dépense privilégié des Russes. « Au cours des trois premiers mois de 2014, la de-mande a été très élevée, explique Maria Litinetskaia, PDG de Metrium Group. Le segment du logement neuf de classe économique a connu une progression de 30 à 40% au premier trimestre, alors que le segment des appartements an-ciens était en hausse de 20 à 30% ». Dans le même temps, les Russes ont épargné davantage, les dépôts affichant une croissance de 1,3%. Ils préfèrent cependant conserver désormais leur argent en devises étrangères plutôt qu’en roubles. La part des dépôts en devises est passée de 17,5% à 20%. Les Russes s’inquiètent du ralentissement écono-mique et d’une éventuelle crise fi nan-cière, sujets abondamment évoqués dans les médias.

lé de 0,8% », expliquent les experts de Sberbank.Toutefois, la hausse concerne surtout les gros achats. Les détaillants indiquent que la réorientation de la demande constitue la principale tendance de ces derniers mois. Les Russes disposant d’un revenu moyen de 570 euros par per-sonne préfèrent réduire les dépenses quotidiennes et 55% des sondés achètent désormais des produits moins chers. Pa-rallèlement, sur fond d’économies sur les articles de base dans le budget fa-milial, la classe moyenne effectue plus de gros achats, notamment des équipe-ments ménagers et de l’électronique grand public – leur indice a crû de 6%.La couche la plus aisée de la classe moyenne se protège de la dévaluation en achetant des voitures et de l’immo-bilier ainsi que d’autres biens durables.Les concessionnaires automobiles Audi observent que la chute du rouble n’a

s’expriment dans le secteur financier russe en faveur d’un système de paie-ment universel qui soit sous le contrôle du régulateur national. « La solution la plus cohérente serait la création d’un tel système sous l’autorité de la Banque cen-trale de Russie », estime Sergueï Med-nov, membre de la direction de la Banque de Moscou, qui est contrôlée par l’ État. La Banque centrale a justement l’inten-tion de créer un centre de gestion des transactions nationales russes avant le 1er juin 2014. Le mesure améliorerait non seulement la sécurité nationale, mais apporterait également des revenus sup-plémentaires à la Banque centrale .Cependant, les experts qualifi ent de plus prometteur le système de paiement PRO100 comme celui du centre de vire-

ments de Sberbank. Les cartes de paie-ment ont d’abord été fournies aux fonc-tionnaires. « Pour fusionner avec le système de paiement PRO100, il faut en moyenne au moins un mois et demi à la banque », dit Andreï Nesterov, directeur du département des communications stratégiques « OuEK ». Pour une banque, le ticket d’entrée dans le système coûte 30 000 euros, dit Nesterov. Les coûts de fonctionnement sont inférieurs à ceux des systèmes étrangers.Selon la spécialiste Alma Obaevaïa, il faudra au minimum six mois pour que le système local entre en service. Pour concurrencer globalement Visa et Mas-tercard, il faudra bien davantage. Or, les systèmes de paiement nationaux ont un défaut de taille. « Les problèmes appa-

En Russie seuls 25% de la population peuvent être considérés comme appartenant à la classe moyenne. Dans les grandes villes, cet indice peut atteindre les 50-60%. La classe moyenne est composée de Russes disposant d’un revenu de 940 euros par mois.

La classe

moyenne

raissent quand les consommateurs veulent se servir de leurs cartes de paie-ment à l’étranger, où il n’y a pas de sup-port du système russe. Et il sera problé-matique dans la situation actuelle de faire passer au niveau international un projet quelconque », fait remarquer Tamara Kas-sianova, première vice-présidente de l’as-sociation « Club russe des directeurs fi -nanciers ».Tandis que la Russie élabore son propre système de paiement, l’UnionPay chinois a déjà pris position sur le marché russe à l’automne 2013, et ambitionne aussi de représenter une alternative à Visa et Mastercard. Le système national de paie-ment de la Chine a été fondé en 2002 pour acquérir en quelques années une dimension internationale.

Déjà présent sur le marché russe, l’UnionPay chinois se positionne comme une alternative de dimension mondiale

REUTERS

PHOTOXPRESS

Page 4: Russia Beyond The Headlines

4Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le FigaroMercredi 16 avril 2014

DOSSIER

LES JOYAUX DE LA CRIMÉE

CETTE TERRE RICHE EN HISTOIRE ET EN ARCHITECTURE EST PLUS QU’UN LIEU DE VILLÉGIATURE SUR LA MER NOIRE

TOURISME SUR LA PÉNINSULE

SNEJANA SHERSTYUKPOUR RBTH

La Crimée est une destination de

prédilection pour les Russes, les

Ukrainiens ou les Biélorusses. Outre ses

sites archéologiques et de villégiature,

elle est jalonnée d’édifices historiques.

Le palais de LivadiaL’une des plus luxueuses résidences de Crimée, le palais Livadia est le dernier édifi ce construit sous l’Empire russe pour la famille du tsar. Ce long bâtiment blanc pourvu de nom-breuses baies réalisées dans le style ita-lien a été édifi é en 1911. Il a été conçu par l’architecte criméen Nikolaï Kras-nov. Selon certaines sources, l’empereur Nicolas II aurait dépensé pour sa construction près de quatre millions de roubles-or prérévolutionnaires (à titre de comparaison, un fonctionnaire moyen percevait, en 1911, un salaire annuel de 4 000 roubles, soit mille fois moins). Depuis 1993, le palais de Livadia est classé comme musée. Le palais est situé à 3 km de Yalta.

Le palais de Massandra Ce palais construit dans le style Louis XIII a été prématurément privé de propriétaire. Le maître d’œuvre en était l’architecte français Étienne Bou-chard, lequel travaillait pour le compte d’un membre de la noble et riche fa-mille du prince Semion Vorontsov. Ce dernier n’a toutefois jamais vu le pro-jet arriver à son terme : les travaux furent en effet suspendus en 1882 lors du décès de Vorontsov. Sept ans plus tard, le domaine fut racheté par l’em-pereur Alexandre III. La construction fut achevée en trois ans, mais l’empe-reur décéda avant de voir la dernière touche à ce palais dont Nicolas II hé-rita. Dans les années 1930, l’édifi ce fut converti en sanatorium. Après la Se-conde Guerre mondiale, il devint rési-dence d’État où séjournèrent Staline, Khrouchtchev et Brejnev. Situé à Verkhnyaya Massandra, le pa-lais-musée est ouvert de 9h à 18h.

Le Nid d’hirondelleCette résidence a été érigée pour un gé-néral russe au nom inconnu, lors de la guerre russo-turque de 1878. Baptisée par son premier propriétaire « château de l’amour », elle a été immortalisée par les tableaux d’Ivan Aïvazovsky.Depuis l’époque de sa construction sur la montagne Avrorin, le château a plu-sieurs fois changé de propriétaire : il fut détenu par la famille d’un médecin

de la Cour, puis par la marchande mos-covite Rachmaninova. Celle-ci décida de détruire la structure originale en bois et d’y construire à la place un château, également en bois. C’est Rachmanino-va qui donna au château son nom ac-tuel : « le Nid d’hirondelle ». L’architecture de style gothique doit à son dernier propriétaire, le magnat du pétrole Von Steinhel, d’avoir été préser-vée jusqu’à nos jours. Le château, qui-date de 1912 et est devenu plus tard un

site icônique de la Crimée, s’élève au sommet d’une falaise de 40 mètres. De taille modeste, l’intérieur de l’édifi ce comprend un hall d’entrée, une salle de séjour attenante et des escaliers condui-sant aux deux chambres situées dans la tour à deux niveaux. Le baron Steinhel parti pour l’Alle-magne au début de la Première Guerre mondiale, le château du « Nid d’hiron-delle » fut acquis par un marchand mos-covite qui y ouvrit un restaurant – l’éta-blissement dut fermer à la mort de son fondateur. Après le tremblement de terre de 1927 (de magnitude 9), le bâtiment fut endommagé et fermé au public pen-dant 40 ans. Un restaurant a de nouveau ouvert dans le « Nid d’hirondelle » restauré. L’ar-chitecture tout à fait inhabituelle de cette résidence en fait aujourd’hui un lieu touristique extrêmement fréquen-té.Le château est situé à proximité du vil-lage de Gaspra, non loin de Yalta.

Le palais PaninaCe palais médiéval, orné de belles tours crénelées, couvert de lierre et aux fa-çades gothiques, a été construit dans la première moitié du XIXème siècle ; il appartenait à la famille des princes russes Golitsine.Le bâtiment a été édifi é à partir du pro-jet d’un célèbre architecte style néo-russe, Fedor Chekhtel. Le palais de Gas-pra des Golitsine est ensuite passé à la famille des aristocrates Kotchoubey, puis à l’héritière de cette richissime fa-mille, Sophie Panina. Deux ans de la vie de l’écrivain russe Léon Tolstoï sont associés à son nom ainsi qu’à ce palais. Durant son séjour à Gaspra, l’écrivain rendit visite à Tchekhov et Gorki, Kou-prine et Chaliapine. Au cours de son dernier séjour à Gas-pra, Tolstoï prit froid : il se sentait si mal que les médecins avaient abandon-né tout espoir de guérison. L’écrivain, refusant les attentions que son corps nécessitait, exprima le souhait d’être

ALEXEÏ EREMENKORBTH

Bien avant le récent référendum sur le

rattachement du territoire à la

Fédération de Russie, la Crimée était

entrée dans l’histoire à la faveur de

trois épisodes plus qu’anecdotiques.

HISTOIRE La Crimée occupe une place à part dans la mémoire russe

Potemkine en conquérant Le lien de la Crimée avec la Russie est une vieille histoire. Dès le XVIIIème siècle, ce fut une préoccupation de Ca-therine II et de son fi dèle allié, le prince Potemkine. La conquête de l’Empire des steppes au nord de la mer Noire per-mettait de neutraliser les Tatars, qui me-naient des raids incessants dans le sud de la Russie. Le Khanat de Crimée fi t partie des terres annexées confi ées au prince Potemkine et en 1787, l’impéra-trice se rendit sur place avec Joseph II (incognito) pour jeter les bases d’un par-tage de l’empire ottoman entre la Rus-sie et l’Autriche.

Les trois événements qui ont inscrit la péninsule sur la carte du monde

La charge de la brigade légèreLe 25 octobre 1854, James Thomas Bru-denell, septième comte de Cardigan, lança 673 cavaliers britanniques contre la batterie d’artillerie russe protégeant la ville de Balaklava. Il perdit près de la moitié de sa brigade légère (113 morts et 247 blessés) dans cette charge suici-daire immortalisée par Tennyson, Ki-pling, et Iron Maiden. Le maréchal fran-çais Pierre Bosquet résuma l’évenement d’une phrase restée célèbre : « C’est ex-ceptionnel, mais ce n’est pas une guerre. C’est de la folie ». La défaite de la brigade légère consti-tua le succès le plus spectaculaire des troupes russes lors de la Guerre de Cri-mée de 1854-1856. C’est le fait d’armes majeur qui marqua l’entrée de la Cri-mée dans l’histoire mondiale. L’armée russe, malgré des miracles de persévé-rance, n’aurait pu gagner la guerre contre une alliance regroupant presque toutes les grandes puissances europén-

nes (la France, l’Angleterre, la Sardaigne et l’Empire ottoman, soutenus par l’Au-triche et la Prusse). Par ailleurs, les armes obsolètes et la corruption parmi les commandants militaires n’aidaient pas la cause russe. Mais sans la défense de Sébastopol et de Balaklava, la situa-tion aurait été désespérée. Pour la petite histoire, la Guerre de Cri-mée a donné à la culture mondiale le sonnet de Balaklava (parmi les sonnets criméens) et le cardigan, vêtement in-venté par le comte du même nom : les Britanniques avaient considérablement souffert du froid près de Sébastopol.

Attaque au gaz dans les carrièresC’est l’un des principaux mystères de la Seconde Guerre mondiale : l’Alle-magne nazie n’a utilisé des armes chimiques que lors de la campagne de Crimée. La Wehrmacht avait conquis une grande partie de la Crimée à l’au-tomne 1941, mais les combats pour la

presqu’île se poursuivirent jusqu’à l’été suivant. Pour l’assaut contre Sébasto-pol, les Allemands eurent recours aux canons Dora, les plus massifs utilisés au cours du confl it. À l’est de la Crimée, l’Armée rouge se replia sans se retirer entièrement. Plus de 10 000 soldats en retraite sur le front de Crimée se réfugièrent dans les car-rières du village d’Adjimuchkaï, qui s’étendaient sur une quarantaine de ki-lomètres, et résistèrent au siège des troupes nazies près de six mois. Sans parvenir à se frayer un chemin à l’in-térieur, les Allemands purent en re-vanche démolir les tunnels et boucher les puits. Ces opérations se révélant in-suffisantes, ils se rabattirent sur l’injec-tion de gaz chimique dans les galeries. Seuls 48 des défenseurs retranchés dans les carrières survécurent.

Le palais Vorontsov à Aloupka a servi de décor à de nombreux films de l’ère soviétique et post-soviétique.

Reproduction picturale de la Défense de Sébastopol par Alexandre Deïneka (1942).

En ligne

Dix sites dont vous n’auriez jamais pensé qu’ils étaient en Russie

fr.rbth.com/28059

En 1787, la Grande Catherine voyagea en Crimée avec un passager incognito : l’Empereur d’Autriche Joseph II

Une carte pour retrouver tous les palais

LORI/LEGION MEDIA(3)

NATALIA MIKHAYLENKO

RIA NOVOSTI

Page 5: Russia Beyond The Headlines

5Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro Mercredi 16 avril 2014

DOSSIER

enterré en Crimée. Il avait pour cela fait l’acquisition d’une petite parcelle de terrain accolée au domaine. Mais à la surprise générale, Tolstoï se rétablit (sans doute avec l’aide du légendaire climat de Crimée) et vécut encore huit ans. Le palais est situé dans le village de Gaspra. Le sanatorium pour enfants « Iasnaïa Poliana » s’y trouve actuelle-ment, et une exposition dédiée à l’écri-vain a été ouverte au premier étage.

Le palais IoussoupovCe palais de style néoromantique avec des éléments Renaissance a été édifi é par l’architecte criméen Nikolaï Kras-nov pour le prince Félix Ioussoupov, an-cien gouverneur-général de Moscou. La dernière reconstruction a été dirigée par le même Nikolaï Krasnov pour le jeune Ioussoupov, héritier de Félix (et célèbre en tant que protagoniste du meurtre de Grigori Raspoutine) ; Krasnov n’était pas satisfait de l’apparence de son do-maine, le qualifi ant d’affreuse bâtisse aux murs gris, incompatible avec l’ar-chitecture d’un bord de mer. Sculptures de lions et statues en marbre de per-sonnages de la mythologie de la Grèce antique importées de Venise décorent les arches et les escaliers. Le style néo-russe prédomine dans les intérieurs.Fondateur du parc du palais Ioussopov, le jardinier Karl Kebach était célèbre en son temps. Le parc couvre une su-perfi cie de 16,5 hectares, sur lesquels sont répartis 7 500 végétaux (arbres et arbustes ornementaux notamment). Le palais est situé dans la localité de Koreiz.

Le palais VorontsovCe palais a été construit au milieu du XIXème siècle pour le gouverneur-gé-néral du kraï de Novorossiisk, Mikhaïl Vorontsov. On le doit à l’architecte fa-vori de la reine Victoria d’Angleterre, Edward Blore, qui a contribué à l’édi-fi cation du célèbre Buckingham Palace, ainsi qu’à la construction du château de Walter Scott en Écosse. La façade sud du palais, orientée vers la mer, a été conçue dans un style mauresque évo-quant le palais espagnol de l’Alhambra des seigneurs arabes de Grenade, construit à la fi n du XIVème siècle. Sur la frise aux niches profondes de la façade, une inscription arabe stylisée reproduit à six reprises la devise des califes de Grenade : « Pas de vainqueur sinon Allah ! ». Un clin d’œil au fait que la Crimée a été arrachée aux Otto-mans à l’issue de guerres incessantes. Devant la façade du palais, la « terrasse du lion » est accessible par un monu-mental escalier orné de trois paires de lions en marbre blanc. Ces lions veil-lant au-dessus des marches supérieures sont identiques à ceux d’Antonio Ca-nova situés sur la tombe du pape Clé-ment XII à Rome. La façade arrière du palais ainsi que sa partie ouest ont été construites selon une variante de l’architecture roman-tique sur le thème du style Tudor du XVIème–début du XVIIème siècle. En incluant les annexes, le complexe des différents bâtiments du palais comprend environ 150 pièces.Un musée se trouve actuellement dans le bâtiment du palais. Le palais Voront-sov est situé dans la ville d’Aloupka.

PAUL DUVERNETPOUR RBTH

La Russie promet des sommes

colossales pour relancer l’économie de

la Crimée. Un chantier guetté par les

investisseurs, que le flottement

législatif incite cependant à la

prudence.

INVESTISSEMENTS L’équilibre ténu entre risque et opportunités

Moscou a promis de dépenser des mil-liards d’euros en Crimée, dont cinq pour la seule année 2014. On parle déjà en Russie de la péninsule comme d’un nou-veau Sotchi : les efforts budgétaires an-noncés évoquent les olympiades par leur échelle, mais aussi parce qu’il est ques-tion de redévelopper un territoire lais-sé en jachère pendant deux décennies. Les grosses dépenses seront affectées à la construction de gazoducs et de bâti-ments, de canalisations d’eau potable, de routes et d’infrastructures portuaires. Les sociétés œuvrant dans les secteurs des infrastructures gazières, routières, ferroviaires et portuaires vont guetter le lancement de très importants appels d’offres. « Le pont ou le tunnel qui re-liera physiquement la Crimée à la Rus-sie va coûter au moins 1,1 milliard d’eu-ros. C’est un ouvrage d’une grande complexité », estime Alim Omerov, un entrepreneur des BTP originaire de Cri-mée et basé à Moscou. Omerov a déjà étudié ce projet dans le passé et pense que le savoir-faire de groupes étrangers pourrait être sollicité.Les investissements seront orientés vers les deux secteurs phares de la Crimée : le tourisme et l’agriculture. Dans les deux cas, cela devrait stimuler les pe-tites et moyennes entreprises. Alim Ome-rov envisage d’ailleurs d’investir dans la distribution d’eau et dans l’agricul-ture. « La Crimée possède des terres fertiles et un climat idéal pour cultiver les céréales, fruits et légumes. Ce po-tentiel est sous-exploité et va repartir sur de bonnes bases, estime Omerov. Même chose pour la production viti-cole. Les caves qui ont été privatisées produisent aujourd’hui de la piquette alors que tous les éléments sont réunis pour produire du bon vin ».L’injection de capitaux devrait arroser d’autres secteurs. Moscou va doubler

Les milieux d’affaires attentifs et attentistes sur les perspectives en Crimée

les revenus des retraités et des employés de l’ État, ce qui devrait se traduire par une augmentation du pouvoir d’achat, avec un effet positif sur la consomma-tion. Ce qui tombe bien par exemple pour le géant français Auchan, qui a inauguré fi n février sa première grande surface de Crimée à Simferopol, juste avant l’intégration de la péninsule dans la Fédération de Russie. Si Auchan est visiblement confi ant dans la croissance de la consommation, ce n’est pas le cas de toutes les chaînes internationales. Le groupe espagnol Inditex, qui englobe les marques Zara, Massimo Dutti et Bershka, vient de renoncer à y ouvrir des magasins. « Je pense que les Occi-dentaux vont rester réticents à investir en Crimée, mais nous pourrons comp-ter sur des investissements chinois ou saoudiens », estime Omerov.Outre les sanctions internationales et le climat d’instabilité politique autour de l’Ukraine, d’autres éléments inspirent la prudence parmi les investisseurs : l’Ukraine a promis de lancer des pour-suites judiciaires contre la Russie et les sociétés profi tant des expropriations. Avec des dommages et intérêts qui at-teindront sans nul doute des centaines de millions d’euros. Les cours d’arbitrage internationales vont avoir du travail, et les litiges risquent de tenir à l’écart les grandes fi rmes in-ternationales, mais aussi les sociétés russes qui ont des intérêts en Ukraine. L’incertitude porte sur la somme qui sera fi nalement exigée de la Russie et, pour les sociétés russes en Ukraine, il existe un risque qu’elles soient saisies sous forme de dédommagement.L’un des secteurs les plus fragilisés par le climat politique est le tourisme. Or, c’est l’un des piliers de l’économie lo-cale. Touristes et investisseurs ont en commun de fuir l’instabilité. Pour Ome-rov, « il y aura un gros creux pendant deux ou trois ans, mais tout rentrera ensuite dans l’ordre ». L’homme d’af-faires souligne que l’infrastructure tou-ristique laisse aujourd’hui à désirer. Ga-geons que ces trois années permettront de faire les rénovations nécessaires pour placer la Crimée au niveau de la concur-rence turque et grecque.

Auchan vient d’ouvrir ses portes à Simferopol.

La silhouette gothique actuelle du « Nid d’hirondelle » lui vaut un succès inusable parmi les touristes, qui viennent se faire photographier en masse aux abords.

milliard d’euros, coût minimum estimé du pont entre la Crimée et la Russie.

milliards d’euros de dépenses budgétaires en Crimée pour la seule année 2014.

1,1

5

En chiffres

1  Le village de Novy Svet (Nouveau

Monde) est né à la fin du XIXème siècle grâce au prince Lev Golit-sine, père fon-dateur de la viti-culture russe . Il était initialement connu sous le nom de Paradis, avant d’être re-baptisé à la suite d’une visite de Nicolas II, selon le souhait du Tsar. La grotte de Cha-liapine servait de cave à la collec-tion de vins du prince, d’où est issue une entre-prise vinicole.

2  La grotte de Marbre, dont l’en-

trée s’élève à 920 mètres au des-sus du niveau de la mer près d’Alouchta, est d’une beauté unique à l’image de ses innom-brables galeries.

3  La ville de « Cherso-nèse Tau-

rique », avec ses colonnes de pierres blanches, ses églises médié-vales et les ruines de son théâtre antique, est clas-sée par l’UNESCO parmi les cent sites les plus re-marquables dans le monde.

“ PARADIS ” CRIMÉENS

3

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Page 6: Russia Beyond The Headlines

6 OPINIONS

Mercredi 16 avril 2014

RUSSIA BEYOND THE HEADLINES EST PUBLIÉ PAR LE QUOTIDIEN RUSSE ROSSIYSKAYA GAZETA. LA RÉDACTION DU FIGARO N’EST PAS IMPLIQUÉE DANS SA PRODUCTION. LE FINANCEMENT DE RBTH PROVIENT DE LA PUBLICITÉ ET DU PARRAINAGE, AINSI QUE DES SUBVENTIONS DES AGENCES GOUVERNEMENTALES RUSSES. RBTH A UNE LIGNE ÉDITORIALE INDÉPENDANTE. SON OBJECTIF EST DE PRÉSENTER LES DIFFÉRENTS POINTS DE VUE SUR RUSSIE ET SA PLACE DANS LE MONDE À TRAVERS UN CONTENU DE QUALITÉ. PUBLIÉ DEPUIS 2007, RBTH S’ENGAGE À MAINTENIR LE PLUS HAUT NIVEAU RÉDACTIONNEL POSSIBLE ET À PRÉSENTER LE MEILLEUR DE LA PRODUCTION JOURNALISTIQUE RUSSE AINSI QUE LES MEILLEURS TEXTES SUR LA RUSSIE. CE FAISANT, NOUS ESPÉRONS COMBLER UNE LACUNE IMPORTANTE DANS LA COUVERTURE MÉDIATIQUE INTERNATIONALE. POUR TOUTE QUESTION OU COMMENTAIRE SUR NOTRE STRUCTURE ACTIONNARIALE OU ÉDITORIALE, NOUS VOUS PRIONS DE NOUS CONTACTER PAR COURRIER ÉLECTRONIQUE À L’ADRESSE

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LES SANCTIONS VONT-ELLES FAIRE MAL ? DEUX AVIS CONTRAIRES

CE SUPPLÉMENT A ÉTÉ ACHEVÉ LE 14 AVRIL

DES EFFETS RÉELS À PLUS OU MOINS LONG TERME

FEDOR LOUKIANOVPOLITOLOGUE

VLADIMIRKOLOSSOVGÉOGRAPHE

Président du Conseil pour la politique étrangère et la poli-tique de défense

Membre de l’Académie des Sciences de la Russie

Les pays du G7 se réuniront dé-sormais sans la Russie, qu’ils ont vouée à l’isolement internatio-nal en prenant des sanctions

contre elle. Mais quelle en sera la por-tée réelle ?Qu’il ait été organisé dans les règles ou non, le référendum sur la Crimée a eu lieu. Si certains dirigeants occidentaux avaient voulu y voir un simple geste tactique pour faire monter les enchères, leur espoir a été déçu. Il faut mainte-nant mettre les menaces à exécution. Il n’existe pas d’exemple de mesures punitives efficaces contre une super-puissance nucléaire qui occupe la ma-jeure partie de l’Eurasie, conserve une infl uence dans le monde entier et pos-sède un gigantesque réservoir de res-sources naturelles. Est-il possible d’isoler la Russie, comme on menace de le faire ? Un iso-lement complet est évidemment hors de question. D’abord parce qu’un pays aussi immense et d’une telle impor-tance ne peut être tenu à l’écart. En-suite parce que, même dans le cas de sanctions extrêmes qu’imposerait l’Oc-cident au risque de se porter préju-dice, un blocus mondial est bien im-probable. En Asie, au Proche-Orient et en Amé-rique latine, on est admiratif devant l’audace que représente le défi lancé

La Russie a beau prétendre que les sanctions occidentales ne lui font pas peur, son économie pourrait souffrir de certaines

mesures déjà prises ou en réserve. En d’autres termes, je crains que l’opti-misme affiché par Moscou ne soit pré-maturé. Il est vrai qu’on imagine mal que des pénalités d’une grande am-pleur soient adoptées et appliquées contre un pays aussi important que la Russie. La mise au ban d’une puis-sance déjà profondément intégrée dans l’économie mondiale serait sans pré-cédent. Mais c’est un défi majeur que la Russie a lancé à l’ordre géopolitique mondial qui prévaut depuis le déman-tèlement de l’Union soviétique. Un défi que l’Occident, galvanisé par l’initia-tive russe en Ukraine, ne peut qu’être contraint, sinon tenté de relever.Selon toute vraisemblance, les con-séquences des sanctions ne seront pas fortement ressenties dans l’immédiat en Russie : les mesures les plus séri-euses prendront du temps (incidem-ment, elles finiraient d’ailleurs par coûter cher à l’Occident si elles étaient maintenues ou renforcées). Comme dans les années 1980, les États-Unis et leurs alliés chercheront à faire baisser les prix mondiaux du pétrole, du gaz et de diverses denrées, confor-mément aux tendances que l’on ob-

pour la première fois depuis les années 1980 à la domination américaine. Of-fi ciellement, personne n’affichera son soutien au rattachement de la Crimée à la Russie. Quels que soient les senti-ments de la Chine, du Brésil ou encore de l’Iran à l’égard de l’Ukraine, on ne voit pas d’un bon œil le précédent d’un État reconnu par l’ONU annexer une partie d’un autre État. Mais on regarde avec un grand intérêt la Russie com-mencer à jouer un rôle véritablement indépendant sur la scène internatio-nale sans se soucier de la réaction de l’Occident. Voilà en effet qui pourrait modifi er l’équilibre mondial du pou-voir. Et qui, pour Pékin par exemple, pourrait ouvrir des perspectives consi-dérables. Une mobilisation anti-russe n’est certes pas exclue, d’autant plus que l’Occi-dent, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, se retrouve face à un refus fl agrant de jouer selon les règles éta-blies après la Guerre froide. Les sanc-tions viseront à porter atteinte à l’éco-nomie russe, et les moyens sont nombreux. Mais un autre scénario est possible. Il faut s’attendre à une forte réaction dans un premier temps. Mais si la Russie se tourne sérieusement vers l’Est, les stra-tèges verront les choses différemement. Qu’est-ce qui importe le plus ? Le contrôle de l’Ukraine, qui n’est pas une priorité américaine ? Ou l’évitement d’une alliance russo-chinoise, qui pour-rait dangereusement menacer les inté-rêts des États-Unis ? À ce stade, il pour-rait s’avérer qu’après tout, le sort de l’Ukraine ne soit pas, pour l’Occident, d’une importance vitale.

ARTICLE INITIALEMENT PUBLIÉ DANSKOMMERSANT

POURQUOI LA RUSSIE NE CRAINT PAS L’ISOLEMENT

serve actuellement dans les économies développées où l’on s’efforce de réduire la dépendance à l’égard des énergies fossiles et à diversifi er les ressources énergétiques. L’Union européenne va intensifi er sa recherche de nouvelles sources d’approvisionnement en hy-drocarbures et accélérer la construc-tion de terminaux d’accueil de navi-res-citernes livrant du gaz liquéfi é en provenance des États-Unis, d’Afrique du Nord et d’autres régions.Des domaines comme l’exportation d’armes et la collaboration technique et scientifi que (par exemple, la con-struction de centrales électriques nu-cléaires à l’étranger) risquent d’être également touchés. On peut prévoir que les gouvernements occidentaux exerceront une forte pression sur les partenaires actuels ou potentiels de la Russie dans ces secteurs. Ceci vaut également pour les grands projets d’investissement des sociétés occiden-tales en Russie : il n’est pas exclu qu’ils se fassent attendre longtemps.Les changements qui pourraient in-tervenir dans la politique des visas (re-fusés à certains hauts responsables et faisant l’objet de procédures plus com-plexes pour tout le monde) ne gêne-raient pas seulement les fonctionnaires mais aussi les citoyens russes ordi-naires.Enfi n, la réorientation des relations économiques russes vers l’Asie n’est pas si simple. Elle sera très coûteuse et prendra du temps. Le développement des exportations de pétrole et de gaz vers la Chine et les autres pays de la région Asie-Pacifi que passe par la réa-lisation de lourdes infrastructures né-cessitant d’énormes investissements. La Russie doit être prête à assumer l’ensemble de ces conséquences.

D’autres points de vue sur l’actualité dans la rubrique Opinions sur FR.RBTH.COM/OPINIONS

P A R T A G E Z V O T R E O P I N I O N S U R N O T R E S I T E , F A C E B O O K / L A R U S S I E D A U J O U R D H U I O U T W I T T E R . C O M / R B T H _ F R

POURQUOI LA RUSSIE A BESOIN DES ÉTATS-UNIS fr.rbth.com/28499

L’ÉNERGIE AU CŒUR DU PROBLÈME INDUSTRIELfr.rbth.com/28401

LES BRICS ONT CONDAMNÉ LES SANCTIONS CONTRE LA RUSSIEfr.rbth.com/28477

Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro

KONSTANTIN MALER

Page 7: Russia Beyond The Headlines

7Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro Mercredi 16 avril 2014

CULTURE

La Photobiennale de Moscou réunit jusqu’au 25 mai les œuvres de grands photographes français et étrangers. Les Français sont à l’honneur dans les expositions suivantes. Jusqu’au 28 avril, la Maison moscovite de la photographie accueille la « Belle époque » de Jacques-Henri Lartigue, qui a capté des scènes de loisirs de la haute société au début du siècle dernier. La même Maison regroupe jusqu’au 20 avril les photographies qu’Henri Cartier-Bresson a consacrées à la capitale britannique et qui sont présentées dans le cadre de l’exposition « Autre Londres ». Enfi n, la fondation de la culture Ekaterina propose du 12 avril au 18 mai les réalisations de deux photographes français, Thierry Cohen (« Des villes obscurcies ») et Martial Cherrier (« La catastrophe du corps »).

Le 28 avril dans la galerie de l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) à Paris, s’ouvrira l’exposition de photographies de Marion Péhée, intitulée « Le pari de Sotchi », qui permettra aux visiteurs de revivre les grands moments des XXIIèmes Jeux olympiques d’hiver . Photographe français à la recherche d’un nouvel angle sur les JO de Sotchi, Marion Péhée a voulu montrer un autre aspect des compétitions, notamment en saissant les réactions des supporteurs dans les tribunes. Le 29 avril, plusieurs conférences sur l’histoire et les traditions de la Russie se dérouleront dans les diff érents amphithéâtres de l’INALCO.

EN BREF

PHOTOBIENNALE 2014 À MOSCOU PHOTO À PARIS : « LE PARI DE SOTCHI »

On ne peut que se réjouir de la paru-tion des souvenirs de Nadejda Man-delstam Sur Anna Akhmatova pour au moins trois raisons : d’abord parce que ce livre est un rescapé, sauvé par Na-talia Chtempel voisine des Mandelstam à Voronej, comme ont été sauvés dans des mémoires anonymes les poèmes de Mandelstam et d’Akhmatova, dont l’ad-mirable Requiem. Sans ce réseau ines-péré de résistance que resterait-il de leur œuvre ? Parce qu’on se souvient aussi des mémoires de Nadejda Man-delstam, Contre tout espoir, de sa plume alerte, de son esprit caustique et de la voix incroyablement libre et moderne de l’octogénaire. Enfi n, parce qu’Akhma-tova, poétesse immense, et son œuvre sont insuffisamment connues en France.Elles se sont rencontrées en 1924 et ont traversé leur siècle dans l’œil du cy-clone, « par un temps sans pitié », comme l’écrit Akhmatova. Tantôt c’est elle qui rend visite aux Mandelstam en reléga-tion, tantôt c’est eux qui vont la voir à Léningrad, parfois ils se retrouvent à Moscou ; pendant la guerre Akhmato-va sauve Nadejda en la faisant venir à Tachkent. Quarante années durant, vagabondes solitaires et complices, ballotées par la vie, chacune à sa manière au service de la poésie, elles se retrouvent, toujours pour des discussions sans fi n. Avec une intelligence et une liberté de pensée rares, elles analysent leur siècle, les com-portements humains, leurs mécanismes, la responsabilité, la peur : « De tout ce que nous avons connu, le plus fonda-mental et le plus fort, c’est la peur et son dérivé – un abject sentiment de honte et de totale impuissance » et, fait sans précédent dans la littérature russe, leur statut de femme. Aux yeux des hommes, « un esprit logique est bien sûr un grand défaut chez une femme », écrit Nadejda, tandis qu’Akhmatova re-connaît non sans malice les avoir ber-nés en cachant son intelligence pour ne pas leur déplaire. Nadejda Mandelstam rappelle « la force de son intelligence et la causticité de son verbe », souli-gnant que « l’analyse [était] le fonde-ment structurel » de sa pensée. Akhma-tova, dit-elle, n’était pas la poétesse de l’amour mais « du renoncement à l’amour au nom d’une humanité supé-rieure ». Elle décrit une Akhmatova, toujours très bien informée, solidement ancrée dans son temps, au milieu de son peuple et de ses souffrances : pen-dant le blocus terrible de Léningrad, dans les appartements communautaires ou sous les murs des prisons, aux anti-podes de la poétesse frivole et passéiste, stigmatisée par un pouvoir imbécile.Portée pendant des décennies par la seule mission dont elle se savait inves-tie, sauvegarder l’œuvre d’Ossip Man-destam, son mari, Nadejda a connu avec ses souvenirs une gloire tardive et inat-tendue, à la mesure de son chemine-ment exceptionnel et tragique à travers le siècle.

Classé en 2000 par ART News comme l’un des « dix plus grands artistes vi-vants », Ilia Kabakov s’exprime sur l’art clandestin soviétique, l’émigration et la création contemporaine.

Comment êtes-vous entré en contact avec

l’art non officiel ?

À l’époque de Staline, chaque geste des artistes était contrôlé. Des commissions visitaient les ateliers et emportaient les toiles. Mais sous Khrouchtchev et Brej-nev, plus personne ne s’intéressait à ce que tu disais dans ta cuisine ou faisais dans ton atelier. À Moscou, à partir de 1957 environ, est apparu un univers ab-solument incroyable dédié à l’art clan-destin. On y trouvait des peintres, des poètes, des écrivains, des théologiens amateurs et des compositeurs. Ces gens n’organisaient aucune exposition et n’avaient ni critiques, ni galeries, ni ventes. C’était comme vivre dans un abri antiaérien. Vous savez, dans un abri an-tiaérien, tout le monde est ami avec tout le monde, tout le monde partage, un sandwich, une pomme… On vit tous la même situation, de sorte qu’il y a du respect et de la compréhension mutuels. Quand les portes de l’abri antiaérien se sont ouvertes, en 1987 approximative-ment, chacun s’est retrouvé face à son destin.

Lorsque vous êtes parti à l’étranger et que

vous avez pu cesser de porter un masque

soviétique, vous-êtes vous senti soulagé ?

Quand je suis parti, j’ai pu rencontrer ceux auxquels je rêvais. Cela ressemble au conte d’Andersen, le vilain petit ca-nard. Les cygnes existaient vraiment. J’ai réalisé que la plus belle période dans la vie du monde artistique occidental s’était déroulée entre les années 1980 et 2000. C’était l’âge d’or du musée et de l’exposition en Europe et en Amé-rique. Je l’ai vécu. J’étais immensément heureux. Comme un musicien qui passe d’une salle de concert à une autre et donne des récitals dans chacune d’elle. Par ailleurs, il y avait un grand intérêt et beaucoup de curiosité pour celui qui avait quitté cette sorte de Corée du Nord, et cette curiosité signifi ait pour moi un grand nombre d’expositions.J’étais Sinbad le marin, celui qui de-vait tout dire à l’Occident à propos de cette terrible fosse, de laquelle je pou-vais rapporter quelques messages et récits. Je pensais que de la colère, du désespoir et de l’angoisse, j’en aurais pendant toute ma vie, mais les choses se sont passées de sorte que, lorsque je suis parti de mon pays, ma tête s’est vidée, et maintenant il n’y a plus grand-chose à dire.

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

NADIA MANDELSTAM SE SOUVIENT D’AKHMATOVA

TitreSur Anna Akhma-tova

Auteur Nadejda Mandel-stam

Traduit par Sophie Benech

ÉditionLe Bruit du temps

CHRISTINE MESTRE

Nous, les cygnes blancs de l’art contemporain

ENTRETIEN AVEC ILIA KABAKOV

ILIA ET EMILIA KABAKOV SONT LES INVITÉS DE MONUMENTA AU GRAND PALAIS

Et il n’était pas blessant pour vous que l’on

vous traite d’abord comme une personne

venue d’Union soviétique avant de voir en

vous un artiste ?

Non, le monde de l’art était totalement apolitique. Cette période que j’ai vécue était complètement centrée sur l’art. Et quant à moi, je ne percevais pas le pou-voir soviétique d’un point de vue poli-tique, mais plutôt climatique. C’est-à-dire que là-bas, il y avait toujours de la pluie et de la merde, et qu’il en serait toujours ainsi. Le pouvoir soviétique était perçu comme une zone climatique de ténèbres éternelles et de pluie. Je n’avais aucun désir de protester, de m’aventurer hors de la fenêtre et de me mettre à crier : « Pluie, arrête de tom-ber ! ».

Comment vous est venue pour la première

fois l’idée d’une installation totale ?

J’ai eu cette idée déjà à Moscou, dans les années 1984-1985, alors que j’avais déjà conçu les projets de différentes ins-tallations qui pourraient être réalisées à Moscou. Dès que je suis parti, c’est devenu possible… Le pouvoir a fait une erreur en laissant entrer en Union so-viétique d’énormes quantités d’objets issus de la culture occidentale. Il fallait nous barricader, comme l’on fait les nazis, mais en URSS, l’art occidental était exposé dans les musées, et l’on jouait de la musique occidentale dans les conservatoires. Les bibliothèques étaient pleines des meilleures traduc-tions de la littérature occidentale. Un contexte étranger en provenance de l’autre côté de la barrière subsistait tou-jours. Les professeurs nous disaient : « Vous

avez déjà 18 ans et vous n’avez encore rien fait ; à votre âge Raphaël avait déjà peint la « Madonne Solly ». Donc, mon lieu de naissance était instinctivement associé à l’Occident, et lorsque vous dites « ici » et « là », vous fi nissez toujours par vous asseoir sur les deux chaises. Je crois qu’aujourd’hui beaucoup de personnes comprennent cela. La réali-té environnante était d’une sauvagerie morne et dégueulasse. Le contraste entre ces oasis qu’étaient le musée Pouchkine, la galerie Tretiakov, le Conservatoire, quelques bibliothèques et la sauvage-rie quotidienne qu’était alors la vie so-viétique, constituait un terrain fertile pour la production artistique.Lorsque tu lis des livres, tu observes ton environnement à partir du point de vue de tes lectures. Avec cela peuvent venir différentes attitudes, celle d’un ethnographe, lorsque tu te sens comme l’envoyé d’un club géographique anglais en Afrique observant le mode de vie des cannibales. Ou une attitude de co-lère : « Pourquoi dois-je vivre comme un chien ? » C’est le désespoir. Il y avait encore une troisième attitude : se sen-tir comme le "petit homme" de Gogol. Bien que tu sois écrasé, tu as toujours tes idéaux, ton manteau, ton libre-ar-bitre grinçant. D’un côté tu es un observateur, et de l’autre, un patient. Donc, ce que la gé-nération actuelle ne connaît pas, c’est la peur folle d’être enlevé, frappé, em-prisonné. Cette peur est difficile à dé-crire aujourd’hui.

PROPOS RECUEILLIS PARMARIA SEMENDIAEVA,

AFISHA

Né en URSS, Ilia Kabakov se rend célèbre en fondant l’école conceptuelle de Moscou. Illustrateur de livres à ses débuts, il devient le pivot de l’art dissident soviétique. Ses œuvres « Coléoptère » et « Suite » fi gurent aujourd’hui parmi les plus chères de l’art contemporain russe. Les œuvres de l’artiste sont exposées à la galerie Tretiakov, à l’Hermitage, au musée d’Art contemporain de New-York et dans bien d’autres musées prestigieux.

Biographie

UNE SEMAINE EN RUSSIE AVEC RUSSIA BEYOND THE HEADLINES

Découvrez le b log des photos de la semaine

V I V E Z L’A M B I A N C E D U PAYS

AP

SERVICE DE PRESSE

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8Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le FigaroMercredi 16 avril 2014

MAGAZINE

TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITE FR.RBTH.COM

Réunir l’amour pour la musique et l’amour pour les enfants, c’est ce que vous propose le concert de bienfaisance en faveur des orphelinats de Russie, avec le pianiste Alexandre Ghindin et l’ensemble « Hermitage » dirigé par Vahan Mardirossian. Outre la musique de Bach et de Rachmaninoff , vous entendrez un chœur d’enfants interpréter des chansons folkloriques. Vous pourrez aussi participer au concours organisé par l’ambassade de Russie. À ne pas manquer, Alexandre Ghindin étant un des pianistes les plus originaux de nos jours.› www.fnacspectacles.com

Le salon le plus connu de la Côte d’Azur ouvre ses portes pour tous les amateurs d’art contemporain. À l’occasion de son cinquième anniversaire, les organisateurs d’Art Monaco 2014 ont préparé un programme spécial dans le cadre duquel plus de 4 000 participants exposeront leurs œuvres. La Russie sera represéntée cette année par Pavel Mitkov, dont les icônes religeuses sont ou étaient appréciées par Vladimir Poutine, le pape Jean-Paul II et plusieurs autres grands personnages. Toutes les œuvres exposées seront mises en vente. Si vous appréciez l’art moderne, ce rendez-vous est à inscrire dans votre calendrier.› www.artemonaco.com

Le violoniste Vladimir Spivakov et les Virtuoses de Moscou vous convient à un récital de musique classique dans l’église Saint-Paul à Strasbourg. Spivakov est l’un des violonistes et chefs d’orchestre russes les plus connus dans le monde. Au programme : Mozart, Haydn, Chostakovitch, Piazzolla, Scherling, Van Heusen. Les jeunes boursiers de la Fondation internationale de bienfaisance de Vladimir Spivakov, lauréats de divers concours internationaux, participeront à la manifestation. Le concert est organisé dans le cadre des journées de la culture russe, qui se déroulent dans plusieurs villes d’Europe.› www.art-baden.com

CONCERT « LE MONDE DES ENFANTS »LE 19 AVRIL,

SALLE GAVEAU, 45-47,

RUE LA BOÉTIE, PARIS

ART MONACO 2014 : DES ICÔNES RUSSESDU 24 AU 27 AVRIL,

GRIMALDI FORUM, MONACO

RÉCITAL VLADIMIR SPIVAKOV AVEC LES « VIRTUOSES DE MOSCOU »LE 26 AVRIL,

ÉGLISE SAINT-PAUL, 1,

PLACE DU GÉNÉRAL EISENHOWER,

STRASBOURG

Style russeL’orfèvre-joaillier et marchand Pavel Sa-zikov est connu depuis 1793. En 1851, son fi ls Ignati a apporté à l’exposition de Londres des objets décorés de motifs de la vie rurale tels que l’ours et son maître, la crémière, le chandelier en l’honneur de la bataille de Koulikovo et d’autres œuvres de l’art populaire. Il a même remporté la médaille d’argent pour son chandelier et est rentré à Saint-Pé-tersbourg auréolé d’une grande noto-riété.Cette distinction londonienne l’a pro-pulsé au devant de la scène. Les membres de la Cour n’effectuaient plus leurs achats chez n’importe quel artisan, mais chez un joaillier ayant été reconnu dans la capitale britannique !Les aristocrates russes, qui considéraient souvent que les objets précieux français étaient meilleurs que ceux de leur pays, pouvaient désormais mettre en évidence des objets de fi erté nationale. L’impor-tante popularité dont a bénéfi cié le style russe n’est pas si étonnante. Les Euro-péens eux-mêmes appréciaient ce qui était devenu une mode « à la russe ». À l’exposition de Vienne de 1873, le sa-movar et le service à thé présentés par le joaillier Ivan Khlebnikov avaient fait sensation. Le samovar reposait sur des pattes de coq et ses poignées étaient en forme de têtes du gallinacé. Les tasses massives étaient quant à elles décorées de pierres précieuses et d’émail. Un tel raffinement ne pouvait laisser in-différent. Khlebnikov est revenu de l’ex-position auréolé d’une célébrité qui l’a encouragé à poursuivre son artisanat avec encore plus d’enthousiasme.

Le style sublime des joailliers des tsars sort de l’ombreSUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

1. Pavel Ovtchinnikov est connu pour ses objets en émail. 2. Une réalisation en argent de Pavel Sazikov.3. Ivan Khlebnikov était un maître du décor en émail.

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En ligne

La joaillerie russe en quête de reconnaissance mondialefr.rbth.com/25343

En 1996, le « sphinx de Gyzeh » d’Elena Opaleva a été couronné du prix international de diamants De Beers, l’équivalent d’un Oscar dans le milieu de la joaillerie. En 2013, le joaillier créateur Ilgiz Fazoulzianov a été sacré « Gagnant parmi les gagnants » avant de remporter pour la deuxième fois consécutive le Grand Prix du concours International Jewellery Design Excellence Award à Hong-Kong.

Ces joailliers actuels qui

rafl ent les récompenses

Les principaux centres de joaillerie russes sont situés à Moscou, Saint-Pétersbourg, Kostroma et Iaroslavl.

Le carré

magique

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pour ses objets en émail. Le joaillier acquit une certaine gloire grâce à ses techniques comme le cloisonné, le peint, le vitré et le vitraillé. Le cloisonné était utilisé à l’époque de la Rus’ de Kiev où il était arrivé en provenance de By-zance, avant de disparaître pendant le joug tataro-mongol. C’est Ovtchinni-kov qui a réussi à le faire revivre.Le destin de cet homme né dans une famille de serfs n’est pas banal. On avait très vite découvert chez lui un talent pour le dessin, raison pour laquelle il avait été envoyé exercer dans l’atelier dit des arts en or et argent. Au bout de huit ans de travail, il avait amassé assez d’argent pour racheter sa liberté, se ma-riéeravec une femme de quelque for-tune et ouvrir son propre atelier.Vingt-quatre ans plus tard, le chiffre d’affaires annuel de son atelier s’élevait à un demi-million de roubles – une somme qui couvrirait à notre époque le tournage du fi lm à grand spectacle et gros budget Titanic. Ce sont 600 per-sonnes qui travaillaient pour Ovtchin-nikov. À 35 ans, au faîte de sa gloire, ce dernier était devenu fournisseur de la Cour, avant d’être nommé citoyen d’hon-neur et Chevalier de plusieurs ordres.La Révolution de 1917 a contraint les joailliers à émigrer. Il leur était deve-nu impossible d’exercer leur métier en raison de la famine, du chaos et des expropriations de bijoux pour les be-soins de la classe ouvrière. Leur activité renaît progressivement mais relève d’une autre école, d’une autre esthétique. Le style sublime des joailliers des tsars n’est désormais vi-sible que dans les musées et les col-lections privées.

Il puisait les thèmes de ses œuvres dans l’histoire et la littérature, notamment dans les épisodes de la vie d’Ivan le Ter-rible et du saint orthodoxe Serge de Ra-donège, ou dans les vers de Mikhaïl Ler-montov. Mais ses émaux constituaient la partie la plus intéressante de son travail. Le Musée historique d’État conserve d’ail-leurs une carafe en forme de coq des années 1870, assortie de gobelets en forme de poussins et décorée d’émail cham-plevé. Cette technique était également utilisée pour les plats en argent et en or.

Ascenseur socialPavel Ovtchinnikov était lui aussi connu

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-TASS

ALAMY/LEGION MEDIA