russia beyond the headlines france

8
Mercredi 19 mars 2014 fr.rbth.com Distribué avec Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Visions de la Russie «Russia Beyond the Headlines» est le nouveau nom de supplément en français du Figaro Les victoires sportives apportent non seulement la gloire et des médailles, mais aussi des contrats publicitaires avec des multinationales. PAGE 4 La directrice du Musée d’Art Multimédia de Moscou livre au public russe de « nouvelles visions esthétiques » (dont la photo) et de grands noms de la création internationale. PAGE 8 Un parcours en dix étapes où l’on peut apprendre la langue, rencontrer des écrivains, déguster un plat traditionnel ou aller au banya sans quitter l’Hexagone. PAGES 6-7 L’OR OLYMPIQUE BON À MONNAYER OLGA SVIBLOVA OU L’ART DANS TOUS SES ÉTATS DIX ADRESSES POUR L’IMMERSION RUSSE EN FRANCE ÉDITORIAL « Langue double amène grand trouble », écrivait Ben- jamin Franklin. C’est ce qu’ont dû penser les dépu- tés ukrainiens juste après le départ du PrésidentVik- tor Ianoukovitch fin février dernier. Leur première décision a été de supprimer le droit des régions d’adop- ter le russe comme seconde langue officielle. Ils ont en fait ouvert la boîte de Pandore. Des millions d’Ukrainiens dont le russe est la langue maternelle ou préférée se sont offensés, nourrissant les tendances pro-russes en Crimée et dans l’est du pays. Le « grand trouble » ne vient pas de l’incompréhen- sion, car la quasi-totalité des Ukrainiens comprennent les deux langues et une large majorité est bilingue. Le degré d’intelligibilité mutuelle entre les deux lan- gues est élevé, aussi bien sous forme orale qu’écrite. La langue russe domine dans le bassin du Donbass (sud-est), dans les grandes villes sous la ligne allant de d’Odessa à Kharkiv, et en Crimée. Au nord et à l’ouest de l’Ukraine, ainsi que dans les campagnes, la langue ukrainienne est prépondérante. Selon un sondage réalisé en 2010 par Research & Branding Group, l’ukrainien est la langue maternelle de 65% des habitants du pays, contre 33% pour le russe. Mais ce sondage souligne aussi un paradoxe. La maîtrise de la langue russe est supérieure à celle de l’ukrai- nien. Et pourtant l’usage de celui-ci est préféré par 46% de la population contre 38% pour le russe. Dans le discours public, cela se traduit par une complainte généralisée des Ukrainiens à l’endroit des hommes politiques, accusés de mal parler la langue nationale. Il est notoire que Viktor Ianoukovitch et son ancien premier ministre Nikolaï Azarov s’expriment mieux dans la langue de Pouchkine que dans celle du poète ukrainien Taras Chevtchenko. Une autre « Russie d’Aujourd’hui » EVGENY ABOV DIRECTEUR DE LA PUBLICATION D epuis quatre ans, nous sortions un supplément que vous connaissiez sous le nom de La Rus- sie d’Aujourd’hui avec le journal Le Figaro. Désormais, cette pu- blication s’appelle Russia Beyond the Headlines (RBTH). Le chan- gement de nom témoigne de notre volonté de dépasser les stéréo- types souvent véhiculés pour évo- quer la Russie. Cette démarche implique une modification de notre ligne éditoriale. Nous ne voulons pas seulement informer. Nous souhaitons aller au-delà de ce qui fait la Une des journaux et fournir une analyse approfon- die des réalités politiques, so- ciales, culturelles et économiques du pays. Nos articles offriront des perspectives diverses et présen- teront une autre Russie. Celle, jus- tement, qui se cache derrière les stéréotypes. Russia Beyond the Headlines est un projet d’information mondial qui a vu le jour en 2007 avec pour but une diffusion dans un grand nombre de pays : de l’Argentine, à l’Uruguay et au Brésil dans l’hé- misphère sud jusqu’à l’Amérique du Nord et aux antipodes, à sa- voir l’Australie et le Japon, en pas- sant par la plupart des pays d’Eu- rope. Nous comptons actuellement pas moins de 26 suppléments pu- bliés dans 16 langues différentes. Nous les publions à travers les quotidiens nationaux les plus dif- fusés et les plus prestigieux, tels que The Wall Street Journal, The New York Times et The Washing- ton Post (États-Unis), The Daily Telegraph (Royaume-Uni), Le Soir (Belgique), El País (Espagne), La Repubblica (Italie) et bien d’autres. Cette nouvelle formule est l’abou- tissement de nos efforts de re- cherche. Elle nous permettra de consolider nos ambitions au ni- veau mondial et de renforcer ainsi notre marque « Russia Beyond the Headlines ». Nous vous invitons également à découvrir la Russie à travers notre site Internet - fr.rbth.com et à y exprimer votre opinion sur la qua- lité de notre publication et sur les thèmes qui y sont traités. La langue russe en Ukraine : trait d’union ou fossé culturel ? SUITE EN PAGE 2 L’Ukraine qui se déchire vit aussi une rivalité artificiellement entretenue entre les langues ukrainienne et russe, pourtant très proches l’une de l’autre du point de vue linguistique. PUBLIÉ EN COORDINATION AVEC THE DAILY TELEGRAPH, THE NEW YORK TIMES, THE ECONOMIC TIMES ET D’AUTRES GRANDS QUOTIDIENS INTERNATIONAUX IOULIA KOUDINOVA RBTH À lire sur notre site Web Étienne Falconet : le créateur du Cavalier de bronze Le Palais d’hiver vu par les tsars russes fr.rbth.com/28197 fr.rbth.com/28283 REUTERS REUTERS

Upload: la-russie-daujourdhui-la-russie-daujourdhui

Post on 23-Mar-2016

277 views

Category:

Documents


0 download

DESCRIPTION

Russia Beyond The Headlines est une source d'informations politiques, économiques et culturelles internationalement reconnue. Elle propose une couverture médiatique réalisée sur le terrain par des journalistes possédant une connaissance en profondeur du pays, ainsi que des analystes et un vaste éventail d'opinions sur les événements actuels.

TRANSCRIPT

Page 1: Russia Beyond The Headlines France

Mercredi 19 mars 2014fr.rbth.com

Distribué avec

Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Visions de la Russie

«Russia Beyond the Headlines» est le nouveau nom de supplément en français du Figaro

Les victoires sportives apportent non seulement la gloire et des médailles, mais aussi des contrats publicitaires avec des multinationales.PAGE 4

La directrice du Musée d’Art Multimédia de Moscou livre au public russe de « nouvelles visions esthétiques » (dont la photo) et de grands noms de la création internationale. PAGE 8

Un parcours en dix étapes où l’on peut apprendre la langue, rencontrer des écrivains, déguster un plat traditionnel ou aller au banya sans quitter l’Hexagone. PAGES 6-7

L’OR OLYMPIQUE BON À MONNAYER

OLGA SVIBLOVA OU L’ART DANS TOUS SES ÉTATS

DIX ADRESSES POUR L’IMMERSION RUSSE EN FRANCE

ÉDITORIAL

« Langue double amène grand trouble », écrivait Ben-jamin Franklin. C’est ce qu’ont dû penser les dépu-tés ukrainiens juste après le départ du Président Vik-tor Ianoukovitch fi n février dernier. Leur première décision a été de supprimer le droit des régions d’adop-ter le russe comme seconde langue officielle. Ils ont en fait ouvert la boîte de Pandore. Des millions

d’Ukrainiens dont le russe est la langue maternelle ou préférée se sont offensés, nourrissant les tendances pro-russes en Crimée et dans l’est du pays.Le « grand trouble » ne vient pas de l’incompréhen-sion, car la quasi-totalité des Ukrainiens comprennent les deux langues et une large majorité est bilingue. Le degré d’intelligibilité mutuelle entre les deux lan-gues est élevé, aussi bien sous forme orale qu’écrite. La langue russe domine dans le bassin du Donbass (sud-est), dans les grandes villes sous la ligne allant de d’Odessa à Kharkiv, et en Crimée. Au nord et à l’ouest de l’Ukraine, ainsi que dans les campagnes, la langue ukrainienne est prépondérante. Selon un sondage réalisé en 2010 par Research & Branding

Group, l’ukrainien est la langue maternelle de 65% des habitants du pays, contre 33% pour le russe. Mais ce sondage souligne aussi un paradoxe. La maîtrise de la langue russe est supérieure à celle de l’ukrai-nien. Et pourtant l’usage de celui-ci est préféré par 46% de la population contre 38% pour le russe. Dans le discours public, cela se traduit par une complainte généralisée des Ukrainiens à l’endroit des hommes politiques, accusés de mal parler la langue nationale. Il est notoire que Viktor Ianoukovitch et son ancien premier ministre Nikolaï Azarov s’expriment mieux dans la langue de Pouchkine que dans celle du poète ukrainien Taras Chevtchenko.

Une autre « Russie d’Aujourd’hui »

EVGENY ABOVDIRECTEUR DE LA PUBLICATION

Depuis quatre ans, nous sortions un supplément que vous connaissiez sous le nom de La Rus-

sie d’Aujourd’hui avec le journal Le Figaro. Désormais, cette pu-blication s’appelle Russia Beyond the Headlines (RBTH). Le chan-gement de nom témoigne de notre volonté de dépasser les stéréo-types souvent véhiculés pour évo-quer la Russie. Cette démarche implique une modification de notre ligne éditoriale. Nous ne voulons pas seulement informer.

Nous souhaitons aller au-delà de ce qui fait la Une des journaux et fournir une analyse approfon-die des réalités politiques, so-ciales, culturelles et économiques du pays. Nos articles offriront des perspectives diverses et présen-teront une autre Russie. Celle, jus-tement, qui se cache derrière les stéréotypes.Russia Beyond the Headlines est un projet d’information mondial qui a vu le jour en 2007 avec pour but une diffusion dans un grand nombre de pays : de l’Argentine,

à l’Uruguay et au Brésil dans l’hé-misphère sud jusqu’à l’Amérique du Nord et aux antipodes, à sa-voir l’Australie et le Japon, en pas-sant par la plupart des pays d’Eu-rope. Nous comptons actuellement pas moins de 26 suppléments pu-bliés dans 16 langues différentes. Nous les publions à travers les quotidiens nationaux les plus dif-fusés et les plus prestigieux, tels que The Wall Street Journal, The New York Times et The Washing-ton Post (États-Unis), The Daily Telegraph (Royaume-Uni), Le Soir

(Belgique), El País (Espagne), La Repubblica (Italie) et bien d’autres.Cette nouvelle formule est l’abou-tissement de nos efforts de re-cherche. Elle nous permettra de consolider nos ambitions au ni-veau mondial et de renforcer ainsi notre marque « Russia Beyond the Headlines ».Nous vous invitons également à découvrir la Russie à travers notre site Internet - fr.rbth.com et à y exprimer votre opinion sur la qua-lité de notre publication et sur les thèmes qui y sont traités.

La langue russe en Ukraine : trait d’union ou fossé culturel ?

SUITE EN PAGE 2

L’Ukraine qui se déchire vit aussi une rivalité

artificiellement entretenue entre les langues

ukrainienne et russe, pourtant très proches l’une de

l’autre du point de vue linguistique.

PUBLIÉ EN COORDINATION AVEC THE DAILY TELEGRAPH, THE NEW YORK T IMES , THE ECONOMIC T IMES ET D ’AUTRES GRANDS QUOTIDIENS INTERNATIONAUX

IOULIA KOUDINOVARBTHÀ lire sur notre

site Web

Étienne Falconet : le créateur du Cavalier de bronze

Le Palais d’hiver vu par les tsars russes

fr.rbth.com/28197

fr.rbth.com/28283

REUTERS

REUTERS

Page 2: Russia Beyond The Headlines France

2Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le FigaroMercredi 19 mars 2014

DOSSIER

La politisation des langues

LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX : • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE

ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE • DUMA, BULGARIE • POLITIKA, GEOPOLITIKA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • THE ECONOMIC TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • GLOBAL TIMES, CHINE • LA NACION, ARGENTINE •

FOLHA DE S.PAULO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • SYDNEY MORNING HERALD, THE AGE, AUSTRALIE • ELEUTHEROS TYPOS, GRÈCE • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD • GULF NEWS, AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE • NATION, THAÏLANDE. 

EMAIL : [email protected]. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ FR.RBTH.COM.

LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)

Mais c’est aussi vrai des dirigeants na-tionalistes ukrainiens comme l’ancien premier ministre Ioulia Timochenko ou l’ancien boxeur Vitali Klitchko, respec-tivement originaires de Dniepropetrovsk et de Kiev. Ce dernier a prononcé à plu-sieurs reprises des discours en russe de-vant des milliers de militants nationa-listes réunis à Maïdan, au plus fort de l’insurrection de février dernier. Des écrivains ukrainiens mondialement connus comme Andreï Kourkov écrivent en russe, ce qui exaspère les nationa-listes. Prônant une forme locale de ja-cobinisme, ces derniers militent pour un statut dominant de la langue ukrai-nienne, laquelle serait « menacée » par l’hégémonie du russe. « Il n’est pas question d’interdire le russe ni de porter atteinte aux droits indivi-duels », tempère Artiom Loutsak, un responsable du mouvement nationaliste « Pravi Sektor » dans la région de Lviv. D’ailleurs, « tous les peuples d’Ukraine ont le droit de parler leur langue, mais ils doivent aussi parler l’ukrainien, qui est la langue du peuple titulaire [de la souveraineté, ndlr] ».

Coupure géographique et division linguistique exacerbées par la politisation et la tentative de rapprochement avec l’UEL’expert ukrainien Alexandre Kava, lui-même originaire de Ternopil dans l’ouest de l’Ukraine, estime que les divisions autour de la langue viennent de l’into-lérance du gouvernement. « La politique d’État [en matière de langues, ndlr] est dominée par les Ukrainiens de l’Ouest, qui considèrent leur point de vue comme le seul correct. Cette approche n’a pas conduit à la consolidation du pays, car les habitants de Crimée et d’autres ré-gions du sud-est se sont sentis traités comme des citoyens de seconde zone, parlant la ‘mauvaise langue’ ». Le confl it autour du langage s’est rapi-dement politisé après l’arrivée au pou-voir en 2005 de forces politiques favo-rables à un rapprochement avec l’Union européenne. Cette politique proactive a déjà porté ses fruits. Il y a encore dix ans, le russe dominait à Kiev, la capitale de l’Ukraine. Aujourd’hui, c’est le contraire. Les dia-logues bilingues sont fréquents. Par

SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

La langue russe dans les pays de l’ex-Union soviétique

1 Plus de 140 millions

d’habitants en Russie et 300 millions en ex-URSS utilisent le russe comme langue de com-munication.

2 Le russe est une

des six langues officielles utili-sées à l’ONU et à l’UNESCO. La Russie siège au Conseil de l’Eu-rope.

3 La Russie, marché en

pleine expan-sion, représente des besoins en spécialistes rus-sophones dans tous les sec-teurs.

4 Connaître le russe

facilite l’accès aux autres lan-gues slaves. Le russe demeure la « lingua fran-ca » des pays de l’Est .

5 Nombre d’écri-

vains, de phi-losophes et de savants mon-dialement cé-lèbres ont écrit ou écrivent en russe.

RAISONS D’APPRENDRE LE RUSSE

5exemple : un locuteur A initie une dis-cussion en russe, tandis que son inter-locuteur B choisit de répondre en ukrai-nien.

Imposition théorique de l’ukrainien dans l’affichage, liberté relative dans les médiasAutre phénomène purement ukrainien, le « sourjyk », un sociolecte du nord-est de l’Ukraine, mélange les deux lan-gues et est parlé par plus de 20% de la population. La télévision ne diffuse dé-sormais qu’en ukrainien, mais il arrive qu’un invité à l’antenne choisisse de s’exprimer en russe. La loi stipule que tous les affichages (publicités, panneaux d’information, si-gnalisation diverse) doivent être en ukrainien. Mais dans la cage d’escalier d’un immeuble, on lit souvent des mes-sages en russe (par exemple : « l’ascen-seur est en panne », etc.). Dans une proportion de 60%, les chan-sons diffusées à la radio sont en russe. Les fi lms russes diffusés en salle ou à la télévision doivent être sous-titrés ou doublés en ukrainien. En revanche, la presse écrite reste un espace de liberté. L’un des principaux quotidiens du pays, Segodnya, n’existe qu’en russe, tandis que d’autres titres tirent dans deux éditions distinctes (russe et ukrainien) ou uniquement en ukrainien. Il est difficile de trouver des livres ou des journaux en ukrainien dans le sud-est du pays, tandis qu’à l’inverse, on ne trouve pas de presse en russe dans l’Ouest du pays.« On n’habite pas un pays, on habite une langue », philosophait Emil Cio-ran. En refusant la cohabitation avec les russophones, les nationalistes ukrai-niens prennent le risque d’habiter bien-tôt dans un pays rétréci.

Phénomène ukrainien, le sourjyk, un sociolecte, mélange les deux langues et est parlé par plus de 20% de la population

Salle de classe dans une école russe à Sébastopol.

Les premières traces de la langue russe sur le territoire ukrainien actuel remontent au XIIème siècle. Une vague de colons au XVIème siècle renforce son parler. La russifi cation s’est accélérée au XVIIIème siècle avec les acquisitions territoriales de l’empire russe. Jacobin à sa manière, le tsar Alexandre II bannit en 1876 l’ukrainien des manuels scolaires et des textes religieux. L’URSS encourage au contraire l’enseignement de l’ukrainien à l’école mais conserve au russe une place prédominante dans la société.

Le russe en Ukraine : une longue histoire

SERGEY SAVOSTIANOV

NATALIA MIKHAYLENKO

Page 3: Russia Beyond The Headlines France

3Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro Mercredi 19 mars 2014

DOSSIER

DMITRI ROMENDIKRBTH

Le russe bénéficie d’un attrait croissant

dans de nombreux pays de l’ex–URSS.

Outre qu’il reste la langue natale d’une

large population, sa maîtrise a un

caractère utilitaire et/ou prestigieux.

EX-URSS Son attrait a diminué après la dislocation de l’espace soviétique, mais aujourd’hui, la langue russe revient en force

Les enseignants sont aux premières loges pour noter le regain d’intérêt. Dmitri La-rionov, professeur de russe, a fait ses études secondaires au Kazakhstan, puis s’est inscrit à la fi liale de l’Université de Moscou au Kazakhstan également. « Les premières années, nous suivions nos cours dans la fi liale de l’université à Astana, la capitale du Kazakhstan, pour les ter-miner ensuite à Moscou ». Larionov compte plusieurs chefs religieux musul-mans parmi ses élèves – des Kazakhs, à qui il enseignait la langue russe. « Ils com-prenaient qu’avec deux langues officielles dans le pays, il demeure essentiel de maî-triser le russe, pour la communication avec les paroissiens russophones ainsi que pour les manifestatons officielles ». 40% des quotidiens et magazines kazakhs sont publiés en russe, langue enseignée à l’école. Dans le nord du Kazakhstan, des régions entières sont russophones.À l’époque de l’Union soviétique, on di-

La « lingua franca » de l’espace eurasiatiquesait que le russe était « une langue de communication internationale ». Les ha-bitants des républiques nationales qui faisaient partie de l’URSS, utilisaient le russe pour communiquer entre eux. Cer-tains le maîtrisaient mieux, comme les Ukrainiens, les Biélorusses ou les Ka-zakhs, d’autres moins bien, comme les Estoniens ou les Arméniens. Mais le russe était obligatoirement enseigné à l’école. Point de carrière de haut niveau en URSS sans sa maîtrise parfaite. En 1991, la si-tuation a changé. L’Union soviétique s’est divisée en 15 pays. L’attitude envers le russe y varie considérablement.Au Kirghizstan, pays voisin du Kazakhs-tan, l’enseignement se fait en russe dans certains établissements. La langue d’État est le kirghize, mais le russe conserve le statut de langue officielle. Lilit Daba-gyan, diplômée de philosophie à l’Uni-versité slave de Bichkek, témoigne : « Dans la ville, beaucoup parlent en russe. Une de mes amies était dans une école où tous les cours étaient dispensés en kirghize, mais pendant les récréations, les élèves passaient au russe, car dans certains milieux, c’est à la mode et pres-tigieux... »Par cette anecdote, Lilit aborde un thème important – l’intérêt croissant à l’égard

La présidente de l’Association française des russisants (AFR), Maître de confé-rences honoraire en langue et civilisa-tion russe et soviétique, répond à nos questions sur l’intérêt pour le russe.

Où en est l’enseignement du russe en

France ?

Depuis une dizaine d’années, l’intérêt pour le russe en France s’est stabilisé. Mais à mon avis, il est en train de pas-ser de l’enseignement secondaire au ni-veau universitaire, ce qui représente un grand changement qualitatif. En France, à partir des années 1950, le russe a été enseigné dans de nombreux collèges et lycées. Au niveau universitaire, la langue, la littérature et l’histoire de l’URSS et de la Russie étaient principalement étu-diées par les futurs professeurs, spécia-listes de la Russie. Actuellement, cette demande n’existe pratiquement plus, mais elle a été en partie remplacée par celle, croissante, des futurs ingénieurs, futurs cadres supérieurs et spécialistes d’autres domaines de haut niveau. La diminution des cours de russe dans les collèges et lycées a commencé vers la fi n des années 1970-début des an-nées 1980. Elle a atteint presque 60%, mais s’est arrêtée depuis environ dix ans. Dans les années 1960, l’effectif des apprenants de russe était constitué pour un tiers de descendants de l’immigra-tion, pour un gros deuxième tiers d’en-fants de communistes, et le troisième se composait de personnes comme moi, qui apprenaient cette langue par simple curiosité. Il me semble qu’actuellement c’est essentiellement ce type de public qui étudie le russe, des gens qui s’in-téressent à la Russie pour des raisons personnelles ou par curiosité intellec-tuelle.Dans l’enseignement supérieur, il ne reste que très peu d’étudiants français dans les sections d’études slaves. On y trouve principalement des Russes et des étudiants russophones. Ces sections pré-

paraient au professorat mais, puisque le nombre de places aux concours a di-minué et que ce type de formation n’est pas recherché sur le marché du travail par les entreprises, peu d’étudiants s’y inscrivent. En revanche, les étudiants qui ont suivi une formation dans le cadre de programmes spécialisés, souvent en double diplomation, n’ont pas de diffi-cultés pour trouver un emploi. C’est par exemple le cas à l’Université de Nan-terre, qui est la seule en Europe à pro-poser un cursus droit russe en russe, assuré par des enseignants qui viennent spécialement de Russie. Il existe plu-sieurs dizaines d’autres programmes conjoints, par exemple entre Sciences Po Paris et l’Institut d’État des rela-tions internationales de Moscou, l’IEP de Bordeaux et l’Université de Kras-nodar, l’École polytechnique et l’Uni-versité de Novossibirsk. Les étudiants diplômés de ces formations sont recher-chés par les entreprises.

Que disent les statistiques sur le nombre de

postes de professeurs de russe et d’élèves

qui apprennent cette langue ?

En 2011 et 2012, seuls 13 420 élèves apprenaient le russe. Ces chiffres n’ont pratiquement pas évolué au cours des dix dernières années. Le russe est en-seigné par 199 professeurs, ce qui re-présente 16 professeurs en moins qu’en 2010. Cela s’explique surtout par la di-minution du nombre de cours de russe première langue étrangère. Parallèle-ment, ces derniers temps, de plus en plus d’enseignants sont des contractuels ayant le statut de maîtres auxiliaires qui peuvent être facilement licenciés, si nécessaire. Ces deux-trois dernières années, des postes ont été à nouveau ouverts aux concours d’ État de recru-tement des enseignants, mais seulement quatre postes par an. Pour ce qui est de l’enseignement supérieur, il n’existe au-cune donnée globale sur le nombre de professeurs et d’étudiants car jusqu’ici

personne n’a établi ces statistiques. L’AFR vient de lancer un grand son-dage afi n de combler ce vide.

Quelles sont des difficultés rencontrées

par les francophones apprenant le russe ?

Pour les Français, le russe est très com-pliqué, à la différence de l’espagnol ou de l’italien, par exemple. Les princi-pales difficultés sont les déclinaisons et les aspects verbaux. Et c’est encore plus difficile aujourd’hui pour les élèves qu’il y a 50 ans, quand le latin, qui com-porte également des déclinaisons, était enseigné dès la première année de lycée. Quand un élève de quatrième commen-çait à apprendre le russe, il connaissait déjà le principe des déclinaisons. Il faut dire qu’en France, nous ne sommes pas non plus les meilleurs en enseignement des langues étrangères. La difficulté du russe vient aussi de ce qu’à l’école primaire, l’enseignement du français repose sur une approche trop scientifi que. Les élèves ne maîtrisent donc pas bien la grammaire du fran-çais et il leur est d’autant plus difficile de comprendre les déclinaisons du russe.

Quel rôle joue l’Association française des

russisants (AFR) ?

Elle a pour but de promouvoir la langue et la culture russes en France. Mais nous voulons que les gens se fassent leur propre opinion sur la Russie, qu’ils ne perçoivent pas la Russie telle qu’elle est présentée par les médias russes ou fran-çais. L’association revendique une indé-pendance absolue, y compris vis-à-vis des structures politiques aussi bien en France qu’en Russie. C’est une société savante qui compte un peu moins de 400 membres, principalement, des profes-seurs de russe. Elle peut être l’interlo-cutrice du ministère de l’Éducation na-tionale. Notamment, en 2009, lors de la

grave crise des universités, le ministère nous a invités, comme d’autres sociétés savantes, à des entretiens parce que nous étions politiquement plus neutres que les syndicats et maîtrisions toutes les nuances de notre domaine scientifi que. Tous les deux ans, l’Assemblée générale annuelle de l’association se tient paral-lèlement à un colloque international or-ganisé par une université française sur un thème en rapport avec la Russie. Nous entretenons de bonnes relations avec le Centre de la Russie pour la science et la culture à Paris. Quand on me demande, par exemple, où apprendre le russe, je conseille toujours les cours du Centre. Les professeurs russes y ont une très bonne base méthodologique. Le 22 mars prochain, notre Assemblée générale sera suivie d’une conférence qui se déroulera sur le stand du Centre à la Foire du livre de Paris. J’essaie, entre autres, d’organiser des stages d’été pour les élèves français qui apprennent le russe. En Russie, les Al-liances françaises proposent des stages d’été pour les jeunes Russes qui ap-prennent le français. Des discussions sont en cours sur les possiblités qu’elles auraient d’y accueillir des élèves fran-çais de russe. Cette année, pour la première fois en 25 ans, de jeunes Français ont la pos-sibilité de partir en tant qu’assistants dans les écoles et les universités russes. Ce programme d’échanges existe de-puis très longtemps au niveau intergou-vernemental, une quarantaine de jeunes Russes font un stage dans des établis-sements français, mais le programme ne fonctionnait plus pour les Français. Cette année, cinq postes sont ouverts. C’est un pas en avant.

Propos recueillis parMARIA TCHOBANOV

du russe dans de nombreux pays post-soviétiques. Beaucoup comprennent que leur carrière est liée à la Russie, d’une manière ou d’une autre. Maîtriser le russe est ainsi redevenu l’une des clés du suc-cès, comme à l’époque soviétique.Ce n’est pas le cas partout. Les pays baltes – la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie – ont adhéré à l’Union européenne. La popu-lation de ces pays, y compris de nom-breux russophones, est plutôt tournée vers l’Europe. Mais les russophones sont loin d’avoir tous obtenu leur nationalité dans les pays baltes. La Lettonie et l’Es-tonie ont même introduit une catégorie spécifi que – celle de non-citoyens du pays. Il s’agit principalement de russophones, des descendants de militaires considérés comme des occupants, ou des personnes qui ont échoué à l’examen obligatoire du letton ou de l’estonien. En Lettonie, environ 287 000 personnes sont dans ce cas, soit quelque 15% de la population du pays, et en Estonie, 90 000, soit quelque 7% de la population nationale. Leur pas-seport de « non-citoyens » confère ce-pendant à ces personnes les mêmes droits que les citoyens des pays de l’UE.L’Ukraine se situe à mi-chemin entre les pays pro-russes et les pays baltes. Envi-ron la moitié de la population y parle le

russe qui n’avait, encore dernièrement, le statut de langue officielle que dans la République autonome de Crimée. Dans les universités, l’enseignement ne se fait qu’en ukrainien, et le russe est enseigné comme langue étrangère dans les écoles secondaires. En 2012, une loi reconnais-sant le statut officiel de la langue russe dans les régions où la population russo-phone dépasse les 10% a été adoptée.Les jeunes des régions russophones sont davantage tournés vers la Russie. Nikolaï Fedine de Kharkiv poursuit ses études à Moscou. Auparavant, il a étudié à Khar-kiv (deuxième plus grande ville d’Ukraine), dans une université ensei-gnant en ukrainien, mais il a voulu pour-suivre sa formation en Russie. « En Rus-sie, l’enseignement pour les étrangers est payant, alors que les citoyens russes étu-dient gratuitement. J’ai eu de la chance, j’ai de la famille à côté de Moscou, j’ai pu obtenir un titre de séjour et pour-suivre mes études gratuitement ».Malgré la complexité de la législation russe en matière d’immigration, quelque 30 000 citoyens des pays de l’ex-Union soviétique étudient dans les universités russes. Et la dynamique de ces dernières années montre que leur nombre va crois-sant.

Armelle Groppo a été vice-présidente chargée des relations internationales de l’université Paris Ouest-Nanterre-La Défense et attachée de coopération universitaire, conseiller culturel adjoint à l’ambassade de France à Moscou.

Biographie

En ligne

Souhaiteriez-vous que vos enfants apprennent le russe en seconde lan-gue ? Donnez votre avis sur fr.rbth.com

L’apprentissage du russe cède du terrain en France

ENTRETIEN

ARMELLE GROPPO

Elle l’a dit

Les gens apprenant aujourd’hui le russe s’y intéressent pour des raisons personnelles ou par curiosité intellectuelle »

«

Dans une école kirghize, pendant la récréation, les élèves parlent entre eux en russe, car c’est à la mode dans leurs milieux

13 420élèves français ap-prenaient le russe en 2011-2012, un chiffre quasi stable depuis une dizaine d’années.

En chiffres

MARIA TCHOBANOV

SHU

TTERSTO

CK

/LEGIO

N-M

EDIA

Page 4: Russia Beyond The Headlines France

4Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le FigaroMercredi 19 mars 2014

ÉCONOMIE

La spécialisation économique de l’Ukraine orientale et du sud-ouest de la Russie est identique. Dans la période de développe-

ment industriel de l’URSS, chaque ré-gion avait une spécialisation défi nie à l’échelle de tout le pays, le sud-est de l’Ukraine étant le cœur industriel de la partie européenne de l’URSS. La chute de l’URSS a provoqué l’obliga-tion de régler trois problèmes fonda-mentaux de l’interactivité écono-mique : le transit du gaz naturel de la Russie vers l’Union européenne par le territoire de l’Ukraine, la nécessité de maintenir les liens technologiques entre les entreprises mécaniques d’Ukraine et de Russie, la concurrence soudainement apparue dans la livrai-son de denrées agricoles et celle qui se livre sur le marché mondial de l’ar-mement. Le premier problème est le transit du gaz, qui rapporte à l’Ukraine 2,9 mil-liards d’euros par an. La situation de monopole de l’Ukraine dans le tran-sit (52%) la place en position de force pour négocier avec la Russie d’impor-tantes réductions sur le gaz pour sa consommation intérieure. Le deuxième problème, celui de l’ar-mement, concerne les entreprises mé-caniques d’Ukraine, technologique-ment liées aux sociétés russes, de multiples composants clés des missiles étant fabriqués en Ukraine.Le règlement des problèmes énumé-rés dépend clairement des décisions du pouvoir politique en place à Kiev. Quand des représentants de l’Ukraine occidentale sont au pouvoir, les pro-blèmes s’enveniment. Quand c’est un représentant de l’Est (Ianoukovitch), la situation tend à se normaliser.La situation actuelle est liée à la concurrence entre la Russie et les États-Unis sur le marché européen du gaz. La Russie livre 150 milliards de mètres cube de gaz au prix de 340-380 dollars (247-277 euros) pour 1 000 mètres cube. Les Américains sont prêts à fournir leur gaz de schiste ou leur charbon aux centrales électriques eu-ropéennes à des prix inférieurs à 300 dollars (218 euros) pour 1 000 mètres cube. C’est avantageux pour l’Europe, mais celle-ci est liée à la Russie par des contrats à long terme. Si le gouverne-ment « pro-occidental » nouvellement formé à Kiev recommence à perturber le transit, les exportateurs américains bénéfi cieront d’une formidable chance de promouvoir leur gaz de schiste et leur charbon sur le marché européen. Il est tout à fait évident que cette si-tuation n’arrange pas la Russie et que celle-ci mettra en place les mesures nécessaires pour l’établissement des conditions de transit normales.

AVIS D’EXPERT

L’ÉNERGIE AU CŒUR DU PROBLÈME INDUSTRIEL

ALEXEÏ SKOPINEÉCONOMISTE

Professeur titu-laire de la chaire d’économie régio-nale et de géogra-phie économique à l’École natio-nale supérieure d’économie

KIRILL MELNIKOVPOUR RBTH

L’une des questions majeures concer-

nant la crise ukrainienne dans un

proche avenir sera économique : la

situation dans le pays affectera-t-elle

les livraisons de gaz à l’Europe ?

ÉNERGIE Les dirigeants de Gazprom cherchent à rassurer leurs partenaires européens

Début mars, Moscou a annoncé la non-reconduction des réductions sur les prix du gaz accordées à l’Ukraine. Les tarifs préférentiels ont été négociés à la mi-dé-cembre. Il avait été convenu que la Rus-sie accorderait un crédit de 15 milliards de dollars (seuls 3 milliards ont été ef-fectivement transférés). Une partie des fonds reçus par Kiev devait être consa-crée au paiement des sommes dues à Ga-zprom. Les conditions devaient être re-conduites aux termes d’un nouvel accord tous les trimestres. Les livraisons de gaz à l’Ukraine au taux préférentiel de 268,5  dollars au lieu de 415 pour 1 000 mètres cube ont commencé le 1er janvier 2014. Mais fi n février, l’agence ukrainienne Naftogaz ne pouvait plus honorer les factures de gaz russe.Les nouvelles conditions de fourniture

Le territoire ukrainien sur la route du gaz

de gaz à Kiev ont été accueillies dans le calme. « Nous leur avons versé des fonds, nous avons baissé les prix du gaz, mais les paiements ne suivent pas », a fait va-loir le président russe Vladimir Poutine. Selon des sources proches des négocia-tions, le montant de la dette de Naftogaz s’élèverait à un peu plus de 2 milliards de dollars.

Une aide au paiement de la dette gazière ukrainienneOn ne voit pas encore comment la situa-tion va évoluer. La Russie – le groupe Gazprom lui-même ou le gouvernement – est prête à accorder un nouveau crédit à hauteur de 2-3 milliards de dollars à Naftogaz. Les dirigeants ukrainiens ont fait savoir qu’ils comptaient sur ces fonds. Parallèlement, ils négocient avec le Fonds monétaire international un crédit de 14 milliards de dollars au minimum pour soutenir l’économie ukrainienne dans son ensemble. Il s’agit de permettre à l’Ukraine de régler ses factures de gaz russe pendant au moins deux mois. Les nouveaux dirigeants indiquent qu’il n’est pas question de prélever du gaz illéga-

lement, donc de prendre le risque d’une détérioration des relations avec l’Europe.Le gaz russe couvre à peu près un tiers des besoins des consommateurs euro-péens. La moitié de ce volume transite par le réseau ukrainien de gazoducs. Sa capacité de transit s’élève à 288 milliards de mètres cube à l’entrée et à 178,5 mil-liards de mètres cube à la sortie, dont 142,5 milliards sont destinés à l’Europe. L’année dernière, l’Ukraine a importé 27,9 mètres cube ; le volume restant – 86,1 mètres cube – a transité par son ter-ritoire pour être livré en Europe. Les dirigeants européens ont de leur côté manifesté leur volonté de préserver la stabilité du transit du gaz russe à tra-vers l’Ukraine. Le Commissaire européen à l’énergie, Günther Oettinger, a déclaré que le plan d’aide économique d’urgence à l’Ukraine discuté à Bruxelles, qui s’élève à 610 millions d’euros, comprendrait un montant affecté au paiement partiel de la dette gazière. De leur côté, les diri-geants américains ont offert à Kiev un crédit d’un milliard de dollars. L’Ukraine cherche à réduire sa dépen-dance vis-à-vis du gaz russe – des négo-ciations sont en cours avec la Slovaquie, en vue la fourniture de quelque 10 mil-liards de mètres cube de gaz. C’est un représentant du principal four-nisseur d’énergie européen, RWE, qui le dit : « Gazprom a toujours été un parte-naire fi able ». Avant de préciser : « Nous ne voulons faire aucun pronostic pour un futur que nous ne pouvons prédire ».

Aucun risque pour l’EuropeDes sources proches de Gazprom assurent que, pour le moment, les livraisons du gaz russe transitant par l’Ukraine en Eu-rope ne sont pas menacées. Un représen-tant de l’agence Minenergo rappelle que la suspension du transit par l’Ukraine en 2009 a coûté au géant russe des pé-nalités s’élevant à 3 milliards de dollars. Un haut responsable de Gazprom ex-plique que « la question plus grave en-core est celle de la réputation. Compte tenu des accusations de la Commission européenne, la situation est déjà compli-quée. Le troisième paquet énergie est en cours de négociation. Gazprom investit dans le développement de la production pour le marché européen ; aussi une ré-pétition de ce scénario est-elle inaccep-table ». En outre, Moscou a bien compris la né-cessité de diversifi er les livraisons en Eu-rope : le transit par le réseau Nord Stream, ouvert l’année dernière, doit dépasser les 20 milliards de mètres cube cette année. De plus, Gazprom poursuit les négocia-tions avec les dirigeants européens sur un autre projet, South Stream, qui per-mettrait d’exporter le gaz dans la région par la mer Noire.

En mars 2014, l’association Dialogue franco-russe (DFR) publie son premier recueil de rencontres mensuelles, les Rencontres DFR. Ces Rencontres traitent de sujets intéressant les entreprises françaises actives en Russie, dont la présentation est assurée par des experts. En 2013, elles ont notamment accueilli Ivan Prostakov, qui a parlé des clés du succès des implantations en Russie ; Catherine Joff roy pour les particularités du droit russe dans l’établissement de contrats ; le consul général de la Fédération de Russie à propos de la politique des visas ; ou Alexandre Adler, qui a passé en revue les considérations géopolitiques concernant les relations entre la Russie et l’Europe. Le recueil comporte onze chapitres, un par rencontre, et en annexe, une présentation de l’économie de la Russie en 2014, rédigée par le coordinateur de ces Rencontres DFR, Denys Pluvinage.

EN BREF

LES RENCONTRES FRANCO-RUSSESMARIA KARNAUKHPOUR RBTH

Les médaillés des Jeux d’hiver de

Sotchi prennent modèle sur les

vedettes sportives les plus médiatiques

pour convertir rapidement leur

notoriété en contrats lucratifs.

PUBLICITÉ Les athlètes russes victorieux à Sotchi sollicités pour monnayer leur image

Le couple formé par Alena Zavarzina et Vic Wild, qui a offert trois médailles à la Russie, vient de signer un contrat avec les montres russes « Raketa ». Alena est devenue le visage de la campagne publi-citaire, puis elle a rejoint le Conseil d’ad-ministration. Quant à son mari, il est de-venu directeur de l’usine. Les collaborateurs les plus éminents des champions savent comment transformer

Valeur marchande de l’or olympiquele succès sportif en contrats publicitaires lucratifs. Un bon exemple en est le joueur de hockey Alexandre Ovechkine, qui a créé sa propre ligne de vêtements en col-laboration avec Reebok. Il est le « vi-sage » des jeux vidéo NHL et d’autres marques sportives et cosmétiques. Ses revenus pour l’année 2013 s’élèvent à 16,8 millions de dollars. Le nom de la championne olympique de patinage artistique Adelina Sotnikova va attirer des talents vers le sport. La marque « Adelina », a été déposée pour vanter une école de formation sportive.Le record du marketing est détenu par la joueuse de tennis Maria Sharapova. La somme de ses contrats publicitaires au cours des cinq dernières années a été

multipliée par 1,5 et atteint 24 millions de dollars. Aujourd’hui, Sharapova a des accords avec sept des plus grandes marques mondiales, des producteurs de voitures aux fabricants de déodorants, totalisant 23 millions de dollars.Selon Mikhaïl Elaguine, directeur exé-cutif créatif du groupe de communica-tion TWIGA, les stars du sport favorisent la notoriété de la marque. Mais atten-tion, car « la personnalité de l’athlète peut être trop voyante... On se souvien-dra de l’athlète, plus de la marque » . Souvent, les athlètes tournent des spots publicitaires avant la compétition, rap-pelle Elaguine. « Or, en l’absence de ré-sultats, l’échec sportif peut rejaillir sur la marque elle-même », prévient l’expert.

Les Américains sont prêts à fournir leur gaz de schiste ou leur charbon aux Européens »

«

Adelina Sotniko-va prêtera son prénom à un éta-blissement de for-mation sportive.

En ligne

Suivez l’actualité de la crise ukrainienne sur notre site :fr.rbth.com/ukraine

fr.rbth.com/27839 fr.rbth.com/25181

La citoyenneté russe pour

220 000 euros

Étrangers en Russie : comment lancer son

entreprise ?

ITAR-TASS

REU

TERS

Page 5: Russia Beyond The Headlines France

5Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro Mercredi 19 mars 2014

OPINIONS

CE SUPPLÉMENT DE HUIT PAGES EST ÉDITÉ ET PUBLIÉ PAR ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), QUI ASSUME L’ENTIÈRE RESPONSABILITÉ DU CONTENU. SITE INTERNET FR.RBTH.COM EMAIL [email protected] TÉL. +7 (495) 7753114 FAX +7 (495) 9889213 ADRESSE 24 / 4 RUE PRAVDY, ÉTAGE 7, MOSCOU 125993, RUSSIE. EVGENY ABOV : DIRECTEUR DE LA PUBLICATION RUSSIA BEYOND THE HEADLINES (RBTH), PAVEL GOLUB : RÉDACTEUR EN CHEF DES RÉDACTIONS INTERNATIONALES, MARIA AFONINA : RÉDACTRICE EN CHEF DE LA RÉDACTION FRANCOPHONNE, JEAN-LOUIS TURLIN : DIRECTEUR DÉLÉGUÉ, DIMITRI DE KOCHKO : CONSEILLER DE LA RÉDACTION, ANDREÏ CHIMARSKI : DIRECTEUR ARTISTIQUE, MILLA DOMOGATSKAÏA : DIRECTRICE DE LA MAQUETTE, MARIA OSHEPKOVA : MAQUETTISTE, ANDREÏ ZAITSEV, SLAVA PETRAKINA : SERVICE PHOTO. JULIA GOLIKOVA : DIRECTRICE DE LA PUBLICITE & RP ([email protected]) OU EILEEN LE MUET ([email protected]). MARIA TCHOBANOV :

REPRÉSENTANTE À PARIS ([email protected]). © COPYRIGHT 2014, AFBE "ROSSIYSKAYA GAZETA". TOUS DROITS RÉSERVÉS. ALEXANDRE GORBENKO : PRÉSIDENT DU CONSEIL DE DIRECTION, PAVEL NEGOITSA : DIRECTEUR GÉNÉRAL, VLADISLAV FRONIN : DIRECTEUR DES RÉDACTIONS. TOUTE REPRODUCTION OU DISTRIBUTION DES PASSAGES DE L’OEUVRE, SAUF À USAGE PERSONNEL, EST INTERDITE SANS CONSENTEMENT PAR ÉCRIT DE ROSSIYSKAYA GAZETA. ADRESSEZ VOS REQUÉTES À [email protected] OU PAR TÉLÉPHONE AU +7 (495) 7753114. LE COURRIER DES LECTEURS, LES TEXTES OU DESSINS DE LA RUBRIQUE “OPINION” RELÈVENT DE LA RESPONSABILITÉ DES AUTEURS OU DES ARTISTES. LES LETTRES DESTINÉES À ÊTRE PUBLIÉES DOIVENT ÊTRE ENVOYÉES PAR COURRIEL À [email protected] OU PAR FAX (+7 (495) 775 3114). RUSSIA BEYOND THE HEADLINES N’EST PAS RESPONSABLE DES TEXTES ET DES PHOTOS ENVOYÉS. RBTH ENTEND OFFRIR DES INFORMATIONS NEUTRES ET FIABLES POUR UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DE LA RUSSIE.

LE COURRIER DES LECTEURS, LES OPINIONS OU DESSINS DE LA RUBRIQUE “OPINIONS” PUBLIÉS DANS CE SUPPLÉMENT REPRÉSENTENT DIVERS POINTS DE VUE ET NE REFLÈTENT PA S N É C E S S A I R E M E N T L A P O S I T I O N DE LA RÉDACTION DE RUSSIA BEYOND THE HEADLINES OU DE ROSSIYSKAYA GAZETA. MERCI D’ENVOYER VOS COMMENTAIRES PAR COURRIEL : [email protected]

GÉOPOLITIQUE DE LA MER NOIRE

LE RETOUR D’UNE LITTÉRATURE D’IDÉES

VLADIMIR KOLOSSOVPOLITOLOGUE

ANDREÏ VASSILEVSKILITTÉRATEUR

Professeur et doc-teur en géographie, directeur du Centre d’études géopoli-tiques à l’Institut de géographie de l’Académie des Sciences de Russie

Critique littéraire, rédacteur en chef de la revue littéraire « Noviy Mir »

Jusqu’à la fi n du XVIIIème siècle environ, la mer Noire était un bas-sin intérieur turc. Mais après le renforcement et l’élargissement

sur ses côtes du territoire de l’empire russe, qui deviendra ensuite l’URSS, la région devient une zone de rivalité avec la Turquie, qui remplace l’Empire otto-man, et reçoit le soutien des puissances occidentales. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Turquie devient membre de l’OTAN, alors que la Rou-manie et la Bulgarie étaient intégrées au Pacte de Varsovie. La confrontation se stabilise car la mer Noire apparaît comme un enjeu secondaire.La situation se complique durant ces vingt dernières années. L’effondrement soviétique fait apparaître de nouveaux États nés de républiques sécessionnistes autoproclamées : la Géorgie, l’Ukraine (un des plus grands pays d’Europe pos-sédant avec la Crimée 37,5% de la côte de la mer Noire, contre seulement 10,9% pour la Russie), la Moldavie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ces derniers n’ayant pas d’accès direct à la mer mais y étant historiquement liés.Premier point : aujourd’hui, la zone est composée de plusieurs pays très diffé-rents de par leurs populations, leurs économies et leurs potentiels militaire et politique. En outre, ces États sont très hétérogènes des points de vues eth-nique et religieux. L’expert américain Saul Cohen souligne qu’une telle situa-tion favorise la rivalité entre des puis-sances plus infl uentes. En outre, les dif-férences en matière de développement entre les pays de la région changent constamment. La Russie et la Turquie restent des puissances régionales. Dans le même temps, l’Azerbaïdjan a connu une croissance remarquable grâce aux revenus pétroliers, alors que l’Ukraine a accumulé beaucoup de retard sur ses voisins occidentaux.Deuxièmement, la situation géopoli-tique de la région de la mer Noire s’est compliquée en raison de la faiblesse in-

Dans les années 1990, après la chute de l’URSS, on pouvait penser que les écrivains s’étaient enfi n libérés de toute

censure idéologique. Ne serait-ce que parce que personne ne s’en soucie vrai-ment. Le pétrole, la lutte pour le pou-voir, les chaînes de télé et les médias sont au centre de l’attention, pas la lit-térature. Pour des raisons historiques, la littéra-ture en Russie a longtemps assuré des fonctions multiples, remplaçant tantôt les traités de philosophie, tantôt la li-berté de la presse, ou s’attelant à la po-litique tout comme à la religion. Depuis 1990, chacun se limite à son domaine. La Russie connaît la liberté de la presse, la liberté politique, la liberté de conscience et de culte. Les églises offi-cient au grand jour, les partis politiques militent, s’affrontent au Parlement, et les journaux publient ce qu’ils veulent. Quant à l’écriture, son statut est à part, hors du gouvernement et de la société.Mais 15 années ont passé, et le gouver-nement semble aujourd’hui se souvenir de l’existence de la littérature. Trop sou-vent, et avec trop de conviction, la so-ciété russe s’est entendu dire que son niveau culturel baissait, que son sys-tème éducatif s’effondrait, que sa litté-rature traversait une crise, tout comme le monde de l’édition, les bibliothèques… Et que le marché ne résolvait rien. Qu’il fallait l’intervention de l’État.

La Russie se montre très méfi ante à l’égard de l’interna-tionalisation progressive de la mer Noire »

Paradoxa-lement, la littérature russe contempo-raine manque d’idées politiques claires »

«

«

térieure des nouveaux pays et des confl its non résolus. La région compte quatre États non reconnus internatio-nalement : la Transdniestrie, l’Abkha-zie, l’Ossétie du Sud et le Haut-Kara-bagh. Or, ces confl its gelés impliquent directement ou non sept pays : la Géor-gie, la Moldavie, l’Arménie, l’Azerbaïd-jan, la Russie, l’Ukraine et la Rouma-nie.En troisième lieu, la mondialisation conduit à l’érosion et à l’élargissement des frontières régionales, ainsi que l’in-tervention d’acteurs non étatiques tels que les multinationales, les mouvements nationaux et les communautés d’émi-grés. La région de la mer Noire est de-venue prioritaire au niveau mondial.La présence d’hydrocarbures en mer Caspienne et en Asie centrale est la cause de ces changements. La mer Noire est devenue un couloir énergétique entre la Caspienne et l’Europe.Le transit est désormais l’un des prin-cipaux moteurs de développement, la garantie d’une devise forte et un fac-teur de création de communications mo-dernes pour beaucoup de pays de la ré-gion. La concurrence entre les États dans les domaines des investissements et de la construction de gazoducs et de terminaux sur leur territoire a renfor-cé les rivalités. Plusieurs parties de la région sont sorties de leur isolement. Le monopole de la Russie sur le tran-sit des ressources d’énergie de la Cas-pienne a fondu après la chute de l’URSS, et d’autres débouchés sur la Chine et la région Asie-Pacifi que sont apparus.Les hydrocarbures ont attiré des ac-teurs globaux comme les États-Unis et l’Union européenne. Washington sou-tient les demandes d’adhésion à l’OTAN de la Géorgie et de l’Ukraine. Cette ma-nœuvre est perçue par le Kremlin comme une menace pour sa sécurité. La mer Noire et le sud du Caucase jouent un rôle stratégique pour Washing-ton en raison de ses intérêts au Proche et au Moyen-Orient, ainsi que dans la

lutte contre le régime iranien. L’adhé-sion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’OTAN a aussi modifi é le rapport de forces autour de la mer Noire. Beaucoup de pays riverains souhaitent adhérer à l’Union européenne. La Tur-quie depuis longtemps ; l’Ukraine et la Moldavie depuis peu. De son côté, la diplomatie européenne mise sur les le-viers économiques et le « soft power » pour démocratiser et régler les confl its gelés. La Russie se montre néanmoins très méfi ante à l’égard de cette inter-nationalisation constante.Les frontières de la région de la mer Noire infl uencent les déclarations po-litiques. L’émergence de telles régions résulte aussi incontestablement de l’in-tensification des relations entre un groupe de pays voisins ou partageant

un espace maritime commun. Ces liens précèdent souvent le renforcement d’un discours politique et l’institutionnali-sation des régions. Les exemples de dé-térioration des relations ne sont toute-fois pas rares. À l’heure actuelle, les frontières de la zone sont consolidées par la création en 1992 de l’Organisation de coopéra-tion économique de la mer Noire (OCEMN). Composée de 12 pays, l’OCEMN ne rassemble pas que les États ayant un accès direct à la mer Noire, mais aussi l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Moldavie, l’Albanie, la Grèce et la Ser-bie. Malgré les atouts de l’organisation, ses États membres préfèrent négocier directement avec les grandes puissances qu’avec de telles unions régionales.

À cela s’ajoute un autre facteur : la forte augmentation de l’activisme po-litique d’opposition depuis la fi n des années 2000. Moscou et Saint-Péters-bourg ont vu défi ler toutes sortes de manifestations auxquelles prenaient régulièrement part écrivains et hommes de lettres. Le gouvernement a bien été obligé de tourner la tête et de voir que, oui, la littérature existe, et qu’elle re-commence à jouer un rôle sur la scène politique.C’est à ce moment-là qu’on a commen-cé à parler d’une régulation fi nancière dans ce domaine. Accorder une aide à certains, que l’on refuse catégorique-ment à d’autres. La question se pose bien évidemment : n’y a-t-il pas un risque d’encadrement de la liberté d’écriture, de son droit à s’exprimer en toute indépendance ?Les écrivains se verront-ils de nouveau dicter ce qu’ils doivent écrire et sur-tout ce qu’ils ne doivent pas écrire ? Exactement comme sous l’Union so-viétique ? Mais l’URSS représentait une idéologie étatique dont la Russie contemporaine est exempte, excepté peut-être si l’on considère le rôle abs-trait du patriotisme et le souhait de ne pas trop critiquer le pouvoir. Et si critique il y a, elle ne doit certaine-ment pas s’adresser au chef de l’État ! L’État actuel cherche encore sa ligne idéologique qui permettrait à une com-munauté littéraire de se former et d’exi-

ger : « Voici ce que nous voulons ». Pour l’instant, rien à craindre de ce côté-là.Paradoxalement, la littérature russe contemporaine elle-même manque d’idées politiques claires. Seule conso-lation, quelques œuvres qui s’appa-rentent à ce que l’on pourrait nommer un roman politique. D’ordinaire, les écrivains politiquement engagés se livrent à ces activités parallèlement à leur vie littéraire : ceci est mon roman, et là est mon engagement politique.Pas d’idéologie politique donc, mais une conception du monde en revanche bien présente. Ainsi s’est formée his-toriquement la littérature en Russie. Or une littérature à l’écart de la socié-té, qui n’existe qu’en vertu de ses obli-gations de belles-lettres ici ne survit pas. L’esprit de Tolstoï et Dostoïevski est toujours présent. Pour le lecteur russe, tout ce qui apporte une réfl exion

philosophique a trait à des interroga-tions existentielles et ne suscite pas vraiment d’intérêt. L’esthétique pure, plus communément désignée comme l’art pour l’art, ne touche qu’un public restreint, bien spécifi que. Mais lorsque l’œuvre aborde des questions sociétales, prend position dans le débat, elle éveille alors l’intérêt du lecteur, et ce, indé-pendamment de sa qualité artistique.À cet égard, le roman retentissant de Zakhar Prilepine San’kia est loin d’être un chef d’œuvre, pour rester poli. Par contre, il traite bien des jeunes révo-lutionnaires. Les œuvres d’Alexandre Terekhov sont longues, arides et indi-gestes certes, mais son dernier roman, Allemands, sur la bureaucratie mos-covite, est un thème d’actualité. Et si les interminables épopées de Maxime Kantor, violemment anti-libérales, restent fi nalement très vides de sens, les personnages et le sujet sont d’un niveau scolaire. Mais Maxime Kantor est lu parce que ses romans sont consi-dérés comme porteurs d’idées.Prenons encore Boris Akounine. Très engagé politiquement, il est l’auteur de la célèbre série de polars historiques qui suit les aventures du jeune détec-tive Eraste Fandorine. Tout se déroule au XIXème siècle, sous l’ancienne Rus-sie tsariste. Bien qu’il s’agisse de ro-mans policiers, les textes énoncent clai-rement la façon dont doit se comporter un gentleman envers les ins-titutions, ce qui lui est permis ou non. C’est justement ce qui fait des écrits d’Akounine un événement. D’un point de vue purement stylistique et litté-raire, je ne pense pas que ses romans soient vraiment écrits d’une main de génie. Mais ce sont avant tout des textes idéologiques, donc ils sont lus et ap-préciés.

KONSTANTIN MALER

KONSTANTIN MALER

CE SUPPLÉMENT A ÉTÉ ACHEVÉ LE 17 MARS

Page 6: Russia Beyond The Headlines France

6Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le FigaroMercredi 19 mars 2014

CULTURE

DIX ADRESSES POUR UNE IMMERSIONRUSSE DANS L’HEXAGONE

LA RUSSIE EST PRÉSENTE EN FRANCE PAR SES

RACINES HISTORIQUES ET CULTURELLES QUI

SURVIVENT SOUS DES FORMES DIVERSES

QUESTION DE LANGUES

La langue et la culture russes sont lar-gement présentes en France, essentiel-lement à Paris. Le petit parcours que nous vous proposons en dix étapes vous permettra d’aller à leur rencontre.

La librairie du GlobeLa librairie du Globe spécialisée dans le livre et la langue russes, est un es-pace culturel indépendant, un lieu de rencontre des Russes vivant en France et des Français intéressés par la Rus-sie . La librairie cherche à montrer les nouvelles tendances et la diversité du monde du livre tant en Russie que sur la Russie. On peut y acheter et com-mander des livres en langues russe et française, des manuels scolaires, des dic-tionnaires et des titres de presse écrite, des DVD avec et sans sous-titres, des CD musicaux et des livres audio. Le magasin accueille des rencontres litté-raires avec des auteurs et des traduc-teurs ou des personnalités de la socié-té civile, des concerts, des projections cinématographiques, des conférences et même des ateliers pour les enfants.

67, BD BEAUMARCHAIS 75003 PARIS

› www.librairieduglobe.com

La librairie « Les éditeurs réunis » ou YMCA-PRESSL’une des plus vieilles librairies en

France, fondée par des émigrés russes. Elle est spécialisée dans la vente de livres d’auteurs russes édités en Occi-dent. Doté d’une bouquinerie et situé en plein cœur du quartier latin, le ma-gasin « Les éditeurs réunis » propose un large choix de la littérature mon-diale classique et contemporaine en russe et en français, des livres sur l’his-toire et la culture de la Russie, des ou-vrages de philosophes et théologiens ainsi que des ouvrages universitaires, des dictionnaires et des manuels. On y trouve les livres de la maison d’édition YMCA-Press, fondée en 1921 et éditant des auteurs interdits en URSS, notam-ment Alexandre Soljenitsyne.

11, RUE MONTAGNE STE GENEVIÈVE

75005 PARIS

› www.editeurs-reunis.fr

La Bibliothèque Y. TourguenievLa plus vieille bibliothèque russe de Paris a été créée en 1875 à l’initiative du révolutionnaire German Lopatine avec la participation active et le sou-tien fi nancier de l’écrivain Yvan Tourgue-

VENIAMINE GORKOVSKIIPOUR RBTH

Jeunes pousses et grands noms de la

littérature russe seront au grand

rendez-vous de l’édition mondiale à la

Porte de Versailles (21-25 mars), où la

traduction sera notamment à l’honneur.

LIVRES Jeunes écrivains, auteurs confirmés, éditeurs et traducteurs illustreront la diversité

Pouchkine en son temps avait déjà re-connu l’importance des traducteurs, ces « chevaux de poste de l’instruc-tion ». Il est donc naturel que le stand R50, celui de la Russie au prochain Salon du livre de Paris, soit cette année animé par le jeune Institut de la Tra-duction de Moscou. Autour de ce stand sont prévues des rencontres avec les espoirs de la littérature russe contem-poraine, avec des auteurs confi rmés et des représentants des éditions jeunesse, ainsi qu’une présentation des pro-grammes de soutien à la traduction dont bénéfi cient les éditeurs français.

Dans le sillage des grandes classiques, une littérature renouvelée« Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov… Aucun des ces écrivains n’a d’égal dans la littérature russe contemporaine. Et c’est normal : elle a changé », com-mence par expliquer Evgeny Rezni-tchenko, directeur exécutif de l’Insti-tut de la Traduction. « Les classiques du XIXème siècle écrivaient de véri-tables encyclopédies de la vie russe

Toutes les littératures russes au Salon du livre de Paris

tandis que les écrivains d’aujourd’hui sont davantage centrés sur leur vie et leur expérience propres. Pour recréer une ‘encyclopédie’ cohérente, il faut réunir et traduire tous ces auteurs si divers », résume-t-il.

Tous Russes, tous différentsCette diversité sera représentée au Salon du Livre. Avec Marina Stepno-va notamment, qui s’est affranchie des cadres de la prose traditionnelle dans son roman Les femmes de Lazare ; ou Elizabeth Alexandrova-Zorina, « qui évoque les questions traditionnelles des femmes avec son sens aigu de la compassion pour les petites gens ».Sera également présent Sergueï Belya-kov, « qui a réussi à raconter d`une manière fascinante l’histoire tragique de la vie d`un scientifi que, Lev Gou-milev, fi ls d’Anna Akhmatova et Ni-kolaï Goumilev ». D’autres écrivains comme Andreï Dmi-triev, Andreï Volos, Sergueï Sedov, Vla-dislav Artemov, et Roman Sentchine – «  auteur de romans familiaux traditionnels avec des touches de mo-dernité » – illustrent eux aussi cette variété qui se veut au cœur de la pré-sence russe au Salon du livre. Evgeny Reznitchenko ne cesse d’insis-ter sur ce thème : « Vous voyez, avec une simple liste, on se rend déjà compte de la diversité de nos auteurs en termes artistiques et littéraires. Sans parler

niev. L’un des plus importants centres culturels et intellectuels russes à l’étran-ger, elle a lancé « Les archives littéraires russes » sous la direction d’Yvan Bou-nine. En 1925, elle comptait 60 000 livres de valeur ainsi que des revues. En 1940, son contenu a été transféré en Alle-magne. En 1957, un groupe d’émigrés russes a décidé de rétablir l’illustre mai-son « Tourgueniev ». La bibliothèque ressuscitée a été ouverte en 1959.

11, RUE DE VALENCE 75005 PARIS

Ouverte aux visiteurs le mardi, le jeudi et le samedi de 15h00 à 19h00.

La Galerie « Russkiy Mir »La galerie « Russkiy Mir » a été ouverte en 2008 sur la base de l’édition du même nom. La galerie cherche à montrer au public ce même monde russe, dans toute sa diversité créatrice et sa richesse, à travers les peintres russes du XXème siècle et des peintres contemporains : Igor Andreev, André Lanskoy, Anatoli Poutiline, Yuri Azarov, Boris Lejeune, Oskar Rabine, Evgeny Kropivnitski, Sta-nislav Nikireev, Boris Zaborov.

Le Centre de la Russie pour la science et la culture (CRSC)La principale mission du CRSC, situé dans le 16ème arrondissement de Paris, est la promotion de la science et de la culture russes en France.Le Centre propose des cours de russe sur neuf niveaux : du débutant au ni-veau avancé, mais aussi des cours spé-cialisés – russe des affaires, préparation aux concours, civilisation, littérature, traduction, médias russes, etc. Les cours sont donnés par des spécialistes hau-tement qualifi és et locuteurs natifs. Le CRSC organise des stages linguistiques dans les universités de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Le Centre accueille tout au long de l’année, des événements culturels, grand public et scientifi ques.

61, RUE BOISSIÈRE 75116 PARIS

› www.russiefrance.org

En ligne

Toutes les nouveautés littéraires surfr.rbth.com/6364

1. 7ème Salon du livre russe au Centre de Russie pour la Science et la Culture à Paris, 2013. 2. Concert au Village russe.3. Une vitrine de la librairie du Globe.

des opinions politiques de tous ces écri-vains, toutes différentes les unes des autres. Les rencontres avec nos auteurs seront donc intéressantes pour les lec-teurs étrangers aussi bien en termes littéraires que parce que ces auteurs participent activement à la vie de la Russie contemporaine ».

Sans traducteurs, pas de littérature mondialeL’Institut de la Traduction, créé en 2011 sous la tutelle du directeur adjoint de l’Agence fédérale pour la presse et les médias en Russie, Vladimir Grigoriev, vise à promouvoir la littérature russe dans le monde et s’attache à soutenir les traducteurs et éditeurs étrangers œuvrant dans ce domaine. Il a ainsi mis en place différentes formes d’aides à l’intention des traducteurs ou des éditeurs, pour la traduction et la pu-blication d’œuvres littéraires. « Le traducteur est un intermédiaire, voire un pilier de la littérature mon-diale, et ce depuis les premières ver-sions de la Bible en plusieurs langues », rappelle Evgeny Reznitchenko. Et de préciser : « Nous présenterons donc les nouvelles traductions d’auteurs clas-siques et contemporains en français, notamment des pièces de théâtre de Vladimir Maïakovski et des romans de Sergueï Lebedev et de Roman Sent-chine ; les livres de Marina Stepnova et Elizabeth Alexandrova-Zorina, et

1

En ligne

« Tous au russe ». Apprenez la langue de Pouchkine surfr.rbth.com/12021

SERVICE DE PRESSE(3)

Page 7: Russia Beyond The Headlines France

7Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro Mercredi 19 mars 2014

HISTOIRE

VICTOR LITOVKINEPOUR RBTH

La principale base de la flotte militaire

russe en mer Noire se trouve sur le

territoire ukrainien. Moscou veut

absolument conserver cette porte

stratégique vers la Méditerranée.

STRATÉGIE La ville fondée par Catherine II reste un enjeu capital

Répondant à la volonté de l’impéra-trice russe Catherine II, la ville de Sé-bastopol a été fondée en 1783 sur la rive sud-ouest de la péninsule de Cri-mée bordant la mer Noire, près des ruines du village grec antique de Cher-sonèse. Des ruines examinées au-jourd’hui encore par les archéologues. C’est Catherine II qui donna à la nou-velle cité son nom, traduit du grec par différentes sources comme « la ville vénérée », « sacrée » ou « grandiose », ou encore « la ville de la gloire ». L’im-pératrice et ses stratèges avaient été séduits par le site en raison de ses 30 baies profondes protégées des vents, dont certaines s’enfoncent dans la fa-laise sur huit kilomètres.Sébastopol a été le théâtre d’un long siège et d’un des affrontements les plus durs de la Seconde Guerre mondiale. En 1941-42, les soldats de l’Armée rouge et les marins de la fl otte de la mer Noire défendirent la ville pendant 250 jours et autant de nuits avant de devoir abandonner leurs positions. Passons à l’après-guerre. À partir de 1948, Sébastopol, jusqu’alors rattachée à l’oblast de Crimée, dépend directe-ment de la République socialiste fédé-rative soviétique de Russie avec un sta-tut de ville spéciale. Mais en 1954, à l’initiative du premier secrétaire du Parti communiste d’URSS Nikita Khrouchtchev, la Crimée est transfé-rée à l’Ukraine en l’honneur du tricen-tenaire de l’union de celle-ci avec la Russie. Sébastopol, sans faire partie de l’oblast de Crimée, passe alors en fait sous la coupe du pouvoir de Kiev mais relève en droit de celui de Moscou. L’un des ports de guerre les plus importants de l’Union soviétique, la ville reste sous la tutelle du ministère de la Défense de l’URSS, même après la dislocation de celle-ci.Pourtant, la situation change bruta-lement dans les années 1990, quand l’Ukraine devient un État indépendant englobant la Crimée. Aux termes d’un accord sur l’amitié, la collaboration et le partenariat signé par Moscou et Kiev en 1997, la Russie reconnaît le statut ukrainien de Sébastopol et l’in-violabilité des frontières de l’État ukrainien, tandis que l’Ukraine laisse intacts les droits de la Russie sur la base militaire maritime de Sébasto-pol et sur la présence de la fl otte russe en mer Noire jusqu’en 2017.Pour comprendre les enjeux, il est utile de rappeler les moyens et les effectifs qui entrent dans la composition des unités opérationnelles stratégiques du dispositif naval basé à Sébastopol. La liste est longue : l’état-major et le com-mandement de la fl otte, la 68ème bri-

Sébastopol : le port militaire que Moscou veut garder en Crimée

gade de protection du domaine mari-time, le 17ème arsenal de la Marine, le 810ème détachement de l’infante-rie marine, le 247ème détachement di-visionnaire de sous-marins, le 854ème détachement côtier de l’unité d’artil-lerie, le bataillon détaché des ingé-nieurs de marine, le centre de liaison, la 30ème division de vaisseaux sous-marins, dans laquelle se trouvent le croiseur lance-missiles « Moskva », les vaisseaux lance-missiles de renfort aé-rien « Bora » et « Samoum », la bri-gade des parachutistes, celle des pa-trouilleurs lance-missiles, le régiment d’assaut aérien, le régiment aérien mixte, la brigade de sécurité radio et technique, les arsenaux, les dépôts de matériel militaire et des provisions de combat, les usines de réparation et les écoles de préparation des jeunes com-mandants... En tout : 25 000 militaires, sans compter les ouvriers et les em-ployés qui travaillent dans les entre-prises et dans les établissements liés à la fl otte. Soit, au total, plus de cent mille personnes, membres des familles compris.D’après l’accord du 31 mai 1997 entre l’Ukraine et la Fédération de Russie sur le statut et les conditions de la présence de la fl otte de la mer Noire sur le territoire ukrainien, le nombre de vaisseaux et navires russes pouvant naviguer ou mouiller dans les eaux territoriales ukrainiennes est autorisé jusqu’à 388 unités (dont 14 sous-ma-rins diésel), soit un dispositif compa-rable à la puissance maritime de la Turquie. Par ailleurs, 161 avions et hé-licoptères peuvent être stationnés sur les aérodromes de Gvardeïskoïe et de Sébastopol. Il a été prévu que l’accord conclu il y a près de vingt ans soit automatique-ment reconduit pour des périodes de cinq ans, à moins que l’une des deux parties s’y oppose. Un second accord, signé à Kharkiv en avril 2010 entre le président russe Vladimir Poutine et son homologue ukrainien Viktor Ianouko-vitch, a prolongé la présence de la fl otte russe de la mer Noire à Sébastopol jusqu’en 2042. En vertu de ce nouveau « contrat », Moscou s’engage à verser chaque année 98 millions de dollars aux autorités de Kiev pour la location de sa base maritime en Crimée. Un autre paramètre important stipule que la Russie accorde une réduction de 100 dollars par tonne de gaz livrée à l’Ukraine.Tel est le prix que les autorités russes consentent à payer en l’absence d’une alternative, à savoir une base militaire navale sur le territoire russe donnant accès à la mer Noire. Le port de No-vorossiisk n’est pas assez profond et n’a pas les infrastructures nécessaires. Et puis, la présence de la fl otte à Sé-bastopol règle une question stratégique de taille : couvrir le sud de la Russie en empêchant la présence dans la mer Noire de porte-avions déployés par un ennemi potentiel...

Rédigé parMARIA TCHOBANOV

1  La Crimée est une pé-ninsule au

sud de l’Ukraine. Son territoire abrite la Répu-blique autonome de Crimée, Sé-bastopol, ain-si qu’une petite partie de la ré-gion de Kherson. Simféropol est la capitale de la République auto-nome de Crimée.

2 Selon les don-nées du

Bureau national des statistiques d’Ukraine, au 1er novembre 2013, la population de la Crimée comptait 2 millions d’habi-tants. La popula-tion est compo-sée de 50% de Russes, de 24% d’Ukrainiens et de 12% de Tatars de Crimée.

3  La Crimée n’a pas de langue

« officielle ». Se-lon un sondage réalisé en 2004, le russe était par-lé par 97% de la population.

FAITS SUR LA CRIMÉE

« Pourquoi apprendre le russe ? » : tel est le titre du recueil publié par le Centre de la Russie pour la Science et la Culture à Paris afi n d’expliquer où et comment apprendre la langue russe en France. Enrichi de nombreux témoignages, cet ouvrage présente un panorama de la culture et de la société russes. Co-édition du Centre de Russie et du Groupe L’Étudiant, Paris, 2007.

Un livre

pratique

les mémoires de Nadejda Mandels-tam sur Anna Akhmatova. Nous met-trons aussi en avant des auteurs qui n’ont pas encore de traductions fran-çaises avec l’espoir qu’ils trouveront un éditeur ».Enfi n, une attention spéciale a été por-tée à la littérature jeunesse cette année avec une présentation du catalogue de la littérature enfantine russe par Xenia Moldavskaya, et des lectures par Ser-gueï Sedov, auteur russe de « contes touchants et modernes ».

Des expositions et conférences, mais aussi des livres sur Kalachnikov et son inventionQuelques mètres plus loin, le stand S60 du Centre de la Russie pour la Science et la Culture à Paris accueillera une

exposition documentaire sur le bicen-tenaire de la naissance du poète russe Mikhaïl Lermontov : il servira égale-ment de cadre à la présentation du prix littéraire « Russophonie », remis annuellement pour la meilleure tra-duction d’une œuvre russe en fran-çais.Seront également présentés des livres d’Elisabeth Essaïan, Sophie Hasque-noph, Caroline Charron, Martine Ber-tho, Marina Tchebourkina, Geneviève Dispot et Kira Sapguir.Notons par ailleurs une conférence in-titulée « Fabergé, de la cour du tsar à l’exil », par Caroline Charron, ou en-core une présentation des livres sur Mikhaïl Kalachnikov, l’inventeur de l’arme du même nom devenue (triste-ment) célèbre, l’AK-47, par Elena Joly.

7, RUE DE MIROMESNIL 75008 PARIS

› www.facebook.com/GalerieRusskiyMir

I-Gallery InstantLa galerie d’art I-Gallery Instant, spé-cialisée dans l’art russe, a été ouverte à Montmartre en 1998 à l’initiative de la critique d’art Olga Khlopova et de son époux Maxime Khlopov, docteur en sciences physiques et mathématiques, directeur du Virtual Institute of Astro-particle Physics (Institut virtuel inter-national de la physique des astroparti-cules, sous le patronage du CNRS). La galerie accueille des expositions de toiles de peintres russes contemporains vi-vant en Russie ou à l’étranger.

12, RUE DURANTIN 75018 PARIS

› www.i-gallery.fr

Nuits blanches au Village russe Le restaurant russe Les nuits blanches est l’unique site en France avec banya et branches de bouleau en plus. Son cabaret offre un véritable petit coin de la Russie contemporaine dans Paris. Tout y est irrévérencieux, éclectique,

tout en démesure : tant le design de l’intérieur que la programmation ori-ginale des soirées musicales, et l’am-biance enfl ammée des soirées dans la boîte de nuit « Kalachnikov ».

21, QUAI D’AUSTERLITZ, 1-2 PLACE

AUGUSTA HOLMES 75013 PARIS

› www.villagerusse.com

Artlantic, centre d’affaires et de la culture russes en BretagneFondé par Nikolaï Elkine, un musicien russe vivant en France sur la côté bre-tonne, l’Artlantic est devenu un centre d’attraction pour ceux qui s’intéressent à la culture russe et voudraient établir des contacts d’affaires avec la Russie. On y organise des festivals culturels russes et y propose des cours de russe et d’art populaire russe, des expositions et des concerts, des rencontres d’affaires et des stages .

MOËLAN SUR MER 29350 KERSALUT

+ 33 2 98 96 54 02

Le restaurant Kalinka de Caen Le Kalinka, à Caen, n’est pas un simple restaurant proposant en Normandie une cuisine russe : son propriétaire Leonid Zeletchonok en est l’homme orchestre qui organise, le vendredi et le samedi, des soirées musicales dans l’établisse-ment aux allures de petite isba, avec l’accueillante matriochka à l’entrée. Il chante des chansons populaires avec une voix profonde donnant des frissons.

182, RUE SAINT-JEAN 14000 CAEN

+ 33 2 31 34 68 00

La Maison de la Russie de NiceL’association « La Maison de la Russie de Nice », créée en 2002, regroupe plu-sieurs associations du Midi œuvrant pour le développement des liens entre la Russie et la France. Proposant des activités culturelles et éducatives, la « Maison » organise des saisons musicales annuelles, des confé-rences internationales, des rencontres amicales « Samovars », et propose des cours de langue russe pour adultes et pour enfants. Elle a par ailleurs lancé une étude sur l’héritage russe sur la Côte d’Azur.

3, AVENUE CYRILLE BESSET 06100

NICE

› www.maisondelarussie.fr

2

3

3

En 2012, Moscou était la ville invitée au Salon du livre à Paris. En 2014 la Russie sera encore très présente.

SERGEY SAVOSTIANOV

SERVICE DE PRESSE

Page 8: Russia Beyond The Headlines France

8Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le FigaroMercredi 19 mars 2014

MAGAZINE

TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITE FR.RBTH.COM

Créé avec seize comédiens du Studio 7 du Théâtre d’art de Moscou, David Bobee et Kirill Serebrennikov abordent Les Métamorphoses d’Ovide dans une confi guration apocalyptique, inspirée de l’univers des jeux vidéo. Pour souligner la façon dont diff érents niveaux de réalité s’entremêlent, David Bobée a fait appel au chorégraphe congolais DeLaVallet Bidiefono, qui a contribué à faire de ce spectacle un télescopage étourdissant entre passé et présent, réalisme et fantasmagorie.

› www.theatre-chaillot.fr

Le chœur russe de Toulouse vous convie à un grand concert commun avec l’Orchestre d’instruments traditionnels russes de l’École des Arts G.Sviridov de Saint-Pétersbourg. Les choristes présenteront leur répertoire de chants traditionnels liturgiques et populaires russes et interpréteront des œuvres des compositeurs russes et européens arrangées pour des instruments traditionnels russes : balalaïkas, domras, bayans et autres gouslis.

› www.toulousechanterusse.fr

Née à Moscou en 1953. Diplômée de la faculté de psychologie de l’Université d’État de Moscou (MGU) en 1978. 1980-1990 : elle se consacre au cinéma documentaire sur l’art et se tourne vers l’art contemporain et la photographie. En 1996 elle crée et préside la Maison de la photographie aujourd’hui nommée Musée d’art multimédia de Moscou.

Le festival « L’Europe autour de l’Europe » se déroule tous les ans au printemps à Paris. 63 longs métrages et une sélection de documentaires, d’animation et expérimentaux (36 fi lms) sont montrés dans une vingtaine de salles à Paris. Le thème de cette édition est « Lumière et obscurités », ce qui nous ramènera aux origines, avec les peintres et les photographes. Kira Mouratova fera sa “master class” avec L’accordeur, En découvrant le vaste monde et Changement de destinée… Et le tragique Alexeï Balabanov, avec Morphine et le mystique Je veux aussi, représenté par son producteur et ami Sergueï Selyanov.

› www.evropafilmakt.com

À L’AFFICHE

"METAMORPHOSIS" OU OVIDE REVU À L’ÈRE DES JEUX VIDÉODU 21 AU 28 MARS,

THÉÂTRE NATIONAL DE CHAILLOT,

PARIS

QUAND TOULOUSE CHANTE EN RUSSELE 26 MARS,

ÉGLISE SAINT-AUBIN, 45,

RUE RIQUET, TOULOUSE

CINÉMA RUSSE AU FESTIVAL "L’EUROPE AUTOUR DE L’EUROPE"DU 2 AU 11 AVRIL, DANS PLUSIEURS

SALLES À PARIS

ALEXANDRA SOPOVAPOUR RBTH

La fondatrice et directrice du Musée

d’art multimédia de Moscou mène avec

passion une action qui lui a valu le

ruban de Chevalier de la Légion

d’honneur et le prix Mont-Blanc 2013.

PORTRAIT Directrice de musée, elle fait découvrir au public russe de « nouvelles visions esthétiques »

Le MAMM : son bébéImpossible aujourd’hui d’imaginer le pay-sage culturel moscovite sans le MAMM (Musée d’Art Multimédia de Moscou). Di-plômée en psychologie, scénariste et réa-lisatrice de fi lms documentaires et sur-tout commissaire d’exposition d’art contemporain, Olga Sviblova affiche près de 2 000 expositions à son actif, aussi bien en Russie qu’en Finlande, en Suisse, en Hollande, au Royaume-Uni et en France. « Quand j’ai commencé à tra-vailler à l’ouverture du musée, j’avais conscience que la photographie était une sorte de média. Une œuvre d’art peut être réalisée avec de la peinture mais aussi avec des excréments d’éléphant, comme le fait Chris Ofi li. Le travail d’un grand artiste n’en pâtit pas ».Olga Sviblova parle de la « magie » de la photographie, car c’est à la fois de l’art et un témoignage. Même un cliché mis en scène ou travaillé à l’ordinateur reste le témoignage d’un fragment de réalité. « Quand j’ai commencé avec le musée, je savais qu’on se dirigeait vers l’art contemporain et les nouvelles technolo-gies qui ne sont pas simplement un chan-gement de technique mais aussi de conception. À l’époque, dans les années 90, la photo était un support assez po-pulaire, le seul moyen d’attirer un public suffisant. Ensuite, ce public, il a fallu l’éduquer ».Olga Sviblova voulait, dans ces années 90, non seulement faire découvrir au pu-blic russe les nouvelles formes d’art, mais aussi l’aider à se réapproprier sa propre histoire. La photo était également le moyen idéal de donner un aperçu du monde, dont l’homo sovieticus n’avait qu’une idée stéréotypée. « Les uns pen-saient que l’occident était le paradis, les autres que c’était l’enfer. Nous avons mon-tré qu’il était peuplé de gens réels », se remémore Olga.

Sa collectionAutrefois, les photographes dont le style ne correspondait pas au « réalisme so-cialiste » étaient menacés. Ces artistes n’avaient souvent pas d’atelier, il n’avaient pas d’espace où stocker les archives. C’était dangereux de conserver chez soi des clichés contredisant la ligne officielle. À la fi n des années 90, ces archives ont commencé à prendre de la valeur et beau-coup d’héritiers et de collectionneurs ont fait confi ance à Sviblova et ont soutenu son nouveau musée de la photo.« Les résultats de notre travail en di-saient plus que les mots. Je ne suis pas un politicien avec des promesses de cam-pagne électorale, je suis une pragmatique avec de grands rêves. C’est important. On ne peut rien faire sans le rêve et une stratégie de développement efficace », ajoute-t-elle.Encore un objectif : réhabiliter la notion d’histoire en Russie, où tant de monu-ment ont été détruits et remplacés par

Olga Sviblova : l’amour de l’art sous toutes ses formes

d’autres. « À travers la notion de monu-ment authentique, nous voulions mon-trer à la Russie la variété des visions es-thétiques, notamment dans l’art contemporain ».

Un curateur à l’écoute« L’image d’un curateur qui serait dé-miurge est quelque peu exagérée. Quand je travaille avec un artiste, j’essaie de ré-véler sa voix propre. Parfois, cela passe par le confl it, d’autres fois par une idylle joyeuse. Il faut savoir se taire pour en-tendre l’artiste ».À l’instar du héros de La vie de John Malkovitch, Sviblova penètre dans le cer-veau de l’artiste et même dans son « sys-tème sanguin ».

Une directrice qui se fait hôtesseDepuis 17 ans, le musée occupe presque tout le temps et les pensées d’Olga Svi-blova. Mais nulle menace de monotonie.« Tout tourne plus au moins autour du musée. Même lorsque je suis chargée de monter le pavillon russe à la Biennale de Venise et que l’objectif principal est qu’il tienne droit, je suis consciente que les cinq années passées sur le chantier de notre musée m’ont appris à résoudre des milliers de questions, autant fi nan-cières, qu’organisationnelles, pratiques. Par exemple, si le personnel de nettoyage se sert de mauvais produits d’entretiens, c’est moi qui vais leur parler ».

De même, il arrive que Sviblova fasse office d’intérprète pour les fréquents in-vités français ou encore lors des grosses journées d’inauguration de nouvelles ex-positions, qu’elle aide au vestiaire !

La vie sous toutes ses formesOlga Sviblova avoue ne jamais avoir voulu être actrice : c’est le seul métier qui ne l’a jamais attirée. Ce qui l’intéresse, c’est la réalité et non sa mise en scène et la pièce qu’elle écrit sans cesse n’est autre que celle de sa vie. Et elle n’a pas peur d’endosser les rôles les plus variés : man-nequin pour des défi lés ou balayeuse.« Pendant six ans, j’ai travaillé comme gardienne d’immeuble et je peux vous dire que je faisais bien mon travail, c’était propre chez moi ».Une fois rentrée après la journée de tra-vail, quelle que soit l’heure, elle lit six journaux et quatre revues politiques, deux revues littéraires ou artistiques sans compter les livres. Pas une journée ne se termine sans sa dose de nouvelles et d’ar-ticles. Depuis vingt-deux ans, le mois d’août, c’est les vacances : elle rejoint la maison fl ottante de son mari Olivier Mo-rand au beau milieu d’une nature luxu-riante et sauvage : un marais, les oiseaux, les animaux et son potager. « J’ai la main verte, dit-elle. Je fais pousser des tomates, des aubergines et des poivrons, tout ce qu’il me faut pour bien vivre. J’aime la vie sous toutes ses formes ».

Grace à l’énérgie d’Olga Sviblova,

le MAMM est devenu très vite l’épicentre de la

vie culturelle à Moscou.

Elle l’a dit

Biographie

OLGA SVIBLOVAOGONIOK, 11.11.2013

J’aime l’avenir... et je pense que j’arrive à le sentir. Quoi qu’il soit - à ce jour. Et je pense que j’ai reçu un don - le don d’admirer le don des autres »

«

Lisez - nous tous les jours sur fr.rbth.comet sur vos plateformes préférées

Partagez votre opinion

Prochain

NUMÉROLe 16avril

RIA

NO

VO

STI

ITAR-TASS