le proletaire no 513 / octobre - novembre 2014 1pcint.org/40_pdf/03_lp-pdf/501-600/lp-513-w.pdf ·...

8
organe du parti communiste international ( Suite en page 7 ) ( Suite en page 3 ) ( Suite en page 2 ) «programme communiste» Revue théorique en français «il comunista» Journal bimestriel en italien «el programa comunista» Revue théorique en espagnol «El proletario», Journal en espagnol «Proletarian», bulletin en anglais Journal bimestriel N o 513 Octobre - Novembre 2014 51è année -1 , 3 CHF, £1,5 , 60 DA, 0,5 DT, 20 DH, 500 F CFA, 1,5 $ CA DANS CE NUMERO --Ukraine: L'intoxication nationaliste n'a pas empêché les mineurs de faire grève contre la guerre. Un premier pas sur le long chemin de la reprise de classe! - - A bas la guerre impérialiste en Irak et en Syrie ! - - Ferguson, USA. Un épisode de la guerre entre les classes - - Une victoire du trotskisme municipal à Seattle - - Non à l'expulsion du militant iranien Saïd Niroumand! CE QUI DISTINGUE NOTRE PARTI: La ligne qui va de Marx-Engels à Lénine, à la fondation de l’Internationale Communiste et du Parti Communiste d’Italie; la lutte de classe de la Gauche Communiste contre la dégénérescence de l’Internationale, contre la théorie du «socialisme dans un seul pays» et la contre- révolution stalinienne; le refus des Fronts populaires et des fronts nationaux de la résistance; la lutte contre le principe et la praxis démocratiques, contre l’interclassisme et le collaborationnisme politique et syndical, contre toute forme d’opportunisme et de nationalisme; la tâche difficile de restauration de la doctrine marxiste et de l’organe révolutionnaire par excellence - le parti de classe -, en liaison avec la classe ouvrière et sa lutte quotidienne de résistance au capitalisme et à l’oppression bourgeoise; la lutte contre la politique personnelle et électoraliste, contre toute forme d’indifférentisme, de suivisme, de mouvementisme ou de pratique aventuriste de «lutte armée»; le soutien à toute lutte prolétarienne qui rompt avec la paix sociale et la discipline du collaborationnisme interclassiste; le soutien de tous les efforts de réorganisation classiste du prolétariat sur le terrain de l’associationnisme économique, dans la perspective de la reprise à grande échelle de la lutte de classe, de l’internationalisme prolétarien et de la lutte révolutionnaire anticapitaliste. Petit dictionnaire des clous révisionnistes Activisme (2) Battaglia Comunista n°7 (13e année, 4-17 avril 1952) Mobilisation pro-impérialiste autour du Kurdistan Le Kurdistan Syrien, composé de 3 zones frontalières avec la Turquie, dont celle de Kobané, comprend 2 millions d’habitants en- viron (soit en gros un dixième de la population totale de la Syrie); mais plusieurs centaines de milliers de Kurdes vivaient et travaillaient dans les grandes villes syriennes, notamment à Alep et à Damas. En s’attaquant à Kobané, ISIS veut sans doute unifier les territoires qu’il domine; mais surtout il veut s’assurer du contrôle de la frontière avec la Turquie, la ville étant une voie de transit vitale pour le pétrole de Rakka, capitale provinciale sur lequel il a mis la main en en chassant le Front Al Nosra. Les différen- tes factions rebelles ne luttent en effet pas seulement contre le régime de Damas; elles luttent aussi entre elles pour se tailler des fiefs qu’elles administrent au profit de leurs com- manditaires. La force d’ISIS tient à ce qu’il a réussi, y compris mais pas uniquement, par la violence la plus brutale, à fédérer autour de lui plus d’intérêts bourgeois que ses rivaux. Outre les déclarations de responsables onu- siens et de dirigeants politiques bourgeois en faveur des Kurdes de Kobané, les appels des traditionnelles personnalités démocrates (en France citons les inévitables Kouchner et Ber- nard-Henri Lévy), outre la mobilisation inter- nationale du PKK (Parti des Travailleurs Kur- des) et de ses alliés ainsi que d’autres groupes Depuis des semaines, le sort des Kurdes syriens est devenu l’une des justifications les plus importantes de l’intervention impérialiste sous hégémonie américaine en cours dans la région; les médias internationaux ont focalisé l’attention autour du Kurdistan syrien (Kurdistana Rojava, Kurdistan de l’Ouest, en kurde) et de la ville de Kobané attaqués par les forces du groupe intitulé «l’Etat Islamique» (plus connu sous les appellations anglaises ou arabes: ISIS ou Daech). kurdes, on a assisté également dans de nom- breux pays à la participation active de forces d’extrême-gauche, au nom de la lutte contre l’obscurantisme d’ ISIS et de l’urgence à éviter un «massacre» de civils à Kobané. Cette implication de l’ «extrême-gauche» prétendu- ment révolutionnaire ne sert, en définitive, qu’à cautionner l’intervention impérialiste aux yeux des prolétaires indignés par les actions perpétrées par les Islamistes d’ISIS Citons, à titre d’exemple, des extraits d’un tract d’une organisation libertaire active dans cette campagne, l’OCL, qui «expliquait» sa position (nous avertissons que le lecteur que le raisonnement est plutôt alambiqué): «Si nous appelons à mobiliser et à ampli- fier la solidarité avec la résistance de Kobanê et plus généralement avec la lutte du peuple kurde, c’est d’abord parce qu’il y a urgence et que chaque jour, chaque heure compte. Et si cette urgence nous concerne, c’est parce que le mouvement de libération du Kurdistan – avec ses caractéristiques plutôt positives et d’autres plus discutables et critiquables – nous apparaît aujourd’hui, dans cette région du monde, comme la principale force suscep- tible non seulement de contrecarrer la double barbarie des islamistes et des régimes en place, mais aussi d’introduire dans les zones kurdes et bien au-delà, suffisamment d’élé- ments de transformation et de rupture à partir desquels il devient au moins possible – et pensable – de postuler des formes d’égalité, d’ouvrir des espaces politiques autonomes [?] d’appropriation du commun [?], et d’avan- cer des perspectives intelligibles et audibles de libération sociale et politique. C’est là une condition non suffisante mais nécessaire pour faire reculer les barbaries à l’oeuvre, pour rendre de nouveau l’air respirable et ce mon- de habitable ici aussi» (1). Ce qui n’est pas audible dans le tract de l’OCL fustigeant «les dictatures de Damas et Bagdad», «les djihadistes» et «les pétromo- narchies», c’est une dénonciation ouverte de l’impérialisme, américain et français. Une telle dénonciation serait difficile alors que le tract critique essentiellement le manque d’ef- ficacité des bombardements américains (ju- gés «dérisoires» par les experts militaires de l’OCL), et se contente de dire que la coalition impérialiste «prétend combattre pour élimi- ner les djihadistes», autrement dit ne combat pas vraiment! Il est vrai que si nous nous trouvons en présence d’une lutte contre la «barbarie» (George Bush aurait dit: contre «l’empire du mal»), on peut bien souhaiter la victoire de la civilisation des missiles de croi- sière et des chasseurs-bombardiers! L’OCL a donc sans doute été satisfaite de l’intensification sans cesse croissante de l’in- tervention américaine au fil des jours. C’est en tout cas l’avis des trotskystes du NPA de Toulouse; dans leur communiqué du 19/10 intitulé «Soutien total et inconditionnel aux combattantes et combattants de la liberté [!] de Kobané» (2) ils n’hésitent pas à écrire: Meurtre policier à Sivens La mort du militant écologique Rémi Fraisse, tué par une grenade offensive «non létale» de la police qui lui a arraché une partie de la colonne vertébrale et de la moelle épinière, n’était pas une bavure selon le ministre de l’intérieur: c’était donc un meurtre. Le premier ministre a affirmé au parle- ment, sous les applaudissements unanimes des députés du PS et de la droite, qu’il n’accepterait pas «une mise en cause des policiers et des gendarmes, qui comptent de nombreux blessés dans leur rang». Le meur- tre policier était ainsi validé par Valls, en quelque sorte comme une action légitime au cours d’une bataille: le gouvernement a donc endossé la responsabilité du meurtre. Selon le site Médiapart, il y a eu «men- songe d’Etat», car pendant 2 jours les auto- rités ont tenté de brouiller les pistes et fait semblant d’ignorer ce qui s’était passé: on parlait alors d’un «manifestant trouvé mort» En fait elles ont été immédiatement mises au courant de ce qui s’était passé et de la responsabilité d’un gendarme. Nous n’entrerons pas dans la discussion de savoir si les grenades offensives (23 ont été tirées selon cette nuit là, selon le patron des gendarmes) ont été utilisées conformé- ment au règlement par les gendarmes; selon le syndicat policier Sud-Intérieur «Lancer une grenade offensive sur des civils n’est pas un acte de policier ou de gendarme. C’est un travail de tueur. Ceux qui préten- dent le contraire confondent l’administra- tion et la mafia» (1). Et d’ailleurs, après avoir répété que les grenades offensives étaient quasiment inoffensives, le ministère de l’intérieur a finalement décidé d’interdi- re leur utilisation... Le meurtre de Rémi Fraisse a provoqué une vague d’indignation qui s’est traduite par des mouvements spontanés de grèves et de blocages dans les lycées; elle s’est tradui- te aussi par l’organisation dans différents villes de manifestations de protestation con- tre la violence policière. Le gouvernement a répondu en interdi- sant des manifestations dans certaines villes (Paris, Toulouse, Rennes...) et en les répri- mant avec la sauvagerie policière coutumiè- re: démonstration encore une fois que la violence des gendarmes à Sivens n’était pas une bavure, mais s’inscrivait dans une poli- Il faut insister sur ce thème (1). Tout comme certaines infections sanguines qui provoquent toute une série de maladies, y compris menant à l’asile d’aliénés, l’activis- me est une maladie du mouvement ouvrier qui requiert un traitement permanent. L’activiste prétend toujours avoir une connaissance parfaite des circonstances de la lutte politique et être «à la hauteur de la situation»; mais, exagérant énormément les potentialités des facteurs subjectifs de la lutte de classe, il est en réalité incapable de faire une analyse réaliste des rapports de forces. Il est donc naturel que les malades de l’activisme réagissent aux critiques en accusant leurs adversaires de sous-évaluer les facteurs subjectifs et de réduire le déter- minisme historique à un mécanisme auto- matique, ce qui est l’argument classique de la critique bourgeoise du marxisme. C’est pourquoi nous avons dit au point 2 de la partie IV des «Bases pour l’organisa- tion»: «Selon la juste acception du détermi- nisme historique, il faut considérer que, alors que le développement du mode de production capitaliste dans chaque pays et sa diffusion sur toute la terre se poursuit sans trêve ou presque sur les plans techni- ques, économiques et sociaux, les forces respectives des classes en conflit dépendent au contraire des vicissitudes de la lutte historique générale, des batailles perdues ou gagnées et des erreurs de méthode stra- tégique» (2). Cela revient à dire que selon nous la reprise du mouvement ouvrier révolution- naire ne coïncide pas uniquement avec les poussées engendrées par les contradictions du développement économique et matériel de la société bourgeoise; cette dernière peut connaître des crises très graves, des contras- tes violents, des effondrements politiques, sans que pour autant le mouvement ouvrier se radicalise sur des positions extrêmes, révolutionnaires. Autrement dit, il n’exis- te pas d’automatisme dans les rapports entre économie capitaliste et parti prolé- tarien révolutionnaire. Il peut arriver, comme c’est le cas aujourd’hui, que le monde économique et social bourgeois subisse des secousses for- midables, donnant lieu à de violents affron- tements, sans que le parti ait la possibilité d’élargir son activité, sans que les masses plongées dans l’exploitation la plus atroce et dans des tueries fratricides, réussissent à démasquer les agents opportunistes qui lient leur sort aux querelles impérialistes, sans que la contre-révolution relâche son étreinte de fer sur la classe dominée, sur la masse des non-possédants. Dire: «Il existe une situation objective- ment révolutionnaire, mais il manque le facteur subjectif de la lutte de classe, le parti révolutionnaire», c’est faire erreur sur toutes les étapes du processus histori- que, c’est proférer un pur non sens, une absurdité grossière. C’est le contraire qui est vrai: dans n’importe quelles circonstan- ces, même les plus périlleuses pour la domi- nation bourgeoise, même quand l’appareil d’Etat, la hiérarchie sociale, l’ordre politi- que bourgeois, les syndicats, les moyens de propagande, bref quand tout semble sur le point de s’effondrer, la situation ne peut devenir révolutionnaire, mais elle devien- dra même à tous les effets contre-révolu- tionnaire, si le parti révolutionnaire de clas- se fait défaut, s’il est mal formé, s’il est hésitant sur le plan théorique. Une situation de crise profonde de la société bourgeoise est susceptible de dé- boucher sur un mouvement de renversement révolutionnaire quand «les classes supérieu- res ne peuvent plus, et les classes inférieures

Upload: others

Post on 22-Sep-2020

2 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 1pcint.org/40_pdf/03_LP-pdf/501-600/lp-513-w.pdf · 2 LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 ( Suite de la page 1 ) «le NPAsalue

1LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014

organe du parti communiste international

( Suite en page 7 )( Suite en page 3 )

( Suite en page 2 )

«programme communiste»Revue théorique en français

«il comunista»Journal bimestriel en italien«el programa comunista»Revue théorique en espagnol

«El proletario», Journal en espagnol«Proletarian», bulletin en anglais

Journal bimestriel

No 513Octobre - Novembre 2014

51è année -1 , 3 CHF, £1,5 , 60 DA,0,5 DT, 20 DH, 500 F CFA, 1,5 $ CA

DANS CE NUMERO

--Ukraine: L'intoxication nationaliste n'apas empêché les mineurs de faire grèvecontre la guerre. Un premier pas sur lelong chemin de la reprise de classe!--A bas la guerre impérialiste en Iraket en Syrie !--Ferguson, USA. Un épisode de laguerre entre les classes--Une victoire du trotskisme municipalà Seattle--Non à l'expulsion du militant iranienSaïd Niroumand!

CE QUI DISTINGUE NOTRE PARTI: La ligne qui va de Marx-Engels à Lénine, à la fondation de l’Internationale Communiste et du Parti Communiste d’Italie;la lutte de classe de la Gauche Communiste contre la dégénérescence de l’Internationale, contre la théorie du «socialisme dans un seul pays» et la contre-révolution stalinienne; le refus des Fronts populaires et des fronts nationaux de la résistance; la lutte contre le principe et la praxis démocratiques, contrel’interclassisme et le collaborationnisme politique et syndical, contre toute forme d’opportunisme et de nationalisme; la tâche difficile de restauration de ladoctrine marxiste et de l’organe révolutionnaire par excellence - le parti de classe -, en liaison avec la classe ouvrière et sa lutte quotidienne de résistance aucapitalisme et à l’oppression bourgeoise; la lutte contre la politique personnelle et électoraliste, contre toute forme d’indifférentisme, de suivisme, demouvementisme ou de pratique aventuriste de «lutte armée»; le soutien à toute lutte prolétarienne qui rompt avec la paix sociale et la discipline ducollaborationnisme interclassiste; le soutien de tous les effortsde réorganisation classiste du prolétariat sur le terrain de l’associationnisme économique, dansla perspective de la reprise à grande échelle de la lutte de classe, de l’internationalisme prolétarien et de la lutte révolutionnaire anticapitaliste.

Petit dictionnaire des clous révisionnistes

Act iv isme (2)Battaglia Comunista n°7 (13e année, 4-17 avril 1952)

Mobilisation pro-impérialisteautour du Kurdistan

Le Kurdistan Syrien, composé de 3 zonesfrontalières avec la Turquie, dont celle deKobané, comprend 2 millions d’habitants en-viron (soit en gros un dixième de la populationtotale de la Syrie); mais plusieurs centaines demilliers de Kurdes vivaient et travaillaientdans les grandes villes syriennes, notammentà Alep et à Damas.

En s’attaquant à Kobané, ISIS veut sansdoute unifier les territoires qu’il domine; maissurtout il veut s’assurer du contrôle de lafrontière avec la Turquie, la ville étant unevoie de transit vitale pour le pétrole de Rakka,capitale provinciale sur lequel il a mis la mainen en chassant le Front Al Nosra. Les différen-tes factions rebelles ne luttent en effet passeulement contre le régime de Damas; ellesluttent aussi entre elles pour se tailler des fiefsqu’elles administrent au profit de leurs com-manditaires. La force d’ISIS tient à ce qu’il aréussi, y compris mais pas uniquement, par laviolence la plus brutale, à fédérer autour de luiplus d’intérêts bourgeois que ses rivaux.

Outre lesdéclarationsde responsables onu-siens et de dirigeants politiques bourgeois enfaveur des Kurdes de Kobané, les appels destraditionnelles personnalités démocrates (enFrance citons les inévitables Kouchner et Ber-nard-Henri Lévy), outre la mobilisation inter-nationale du PKK (Parti des Travailleurs Kur-des) et de ses alliés ainsi que d’autres groupes

Depuis des semaines, le sort des Kurdes syriens est devenu l’une des justifications lesplus importantes de l’intervention impérialiste sous hégémonie américaine en cours dansla région; les médias internationaux ont focalisé l’attention autour du Kurdistan syrien(Kurdistana Rojava, Kurdistan de l’Ouest, en kurde) et de la ville de Kobané attaqués parles forces du groupe intitulé «l’Etat Islamique» (plus connu sous les appellations anglaisesou arabes: ISIS ou Daech).

kurdes, on a assisté également dans de nom-breux pays à la participation active de forcesd’extrême-gauche, au nom de la lutte contrel’obscurantisme d’ ISIS et de l’urgence àéviter un «massacre» de civils à Kobané. Cetteimplication de l’ «extrême-gauche» prétendu-ment révolutionnaire ne sert, en définitive,qu’à cautionner l’intervention impérialiste auxyeux des prolétaires indignés par les actionsperpétrées par les Islamistes d’ISIS

Citons, à titre d’exemple, des extraits d’untract d’une organisation libertaire active danscette campagne, l’OCL, qui «expliquait» saposition (nous avertissons que le lecteur quele raisonnement est plutôt alambiqué):

«Si nous appelons à mobiliser et à ampli-fier la solidarité avec la résistance de Kobanêet plus généralement avec la lutte du peuplekurde, c’est d’abord parce qu’il y a urgence etque chaque jour, chaque heure compte. Et sicette urgence nous concerne, c’est parce quele mouvement de libération du Kurdistan –avec ses caractéristiques plutôt positives etd’autres plus discutables et critiquables –nous apparaît aujourd’hui, dans cette régiondu monde, comme la principale force suscep-tible non seulement de contrecarrer la doublebarbarie des islamistes et des régimes enplace, mais aussi d’introduire dans les zoneskurdes et bien au-delà, suffisamment d’élé-ments de transformation et de rupture à partir

desquels il devient au moins possible – etpensable – de postuler des formes d’égalité,d’ouvrir des espaces politiques autonomes[?] d’appropriation du commun [?], et d’avan-cer des perspectives intelligibles et audiblesde libération sociale et politique. C’est là unecondition non suffisante mais nécessaire pourfaire reculer les barbaries à l’oeuvre, pourrendre de nouveau l’air respirable et ce mon-de habitable ici aussi» (1).

Ce qui n’est pas audible dans le tract del’OCL fustigeant «les dictatures de Damas etBagdad», «les djihadistes» et «les pétromo-narchies», c’est une dénonciation ouvertede l’impérialisme, américain et français. Unetelle dénonciation serait difficile alors que letract critique essentiellement le manque d’ef-ficacité des bombardements américains (ju-gés «dérisoires» par les experts militaires del’OCL), et se contente de dire que la coalitionimpérialiste «prétend combattre pour élimi-ner les djihadistes», autrement dit ne combatpas vraiment! Il est vrai que si nous noustrouvons en présence d’une lutte contre la«barbarie» (George Bush aurait dit: contre«l’empire du mal»), on peut bien souhaiter lavictoire de la civilisation des missiles de croi-sière et des chasseurs-bombardiers!

L’OCL a donc sans doute été satisfaite del’intensification sans cesse croissante de l’in-tervention américaine au fil des jours.

C’est en tout cas l’avis des trotskystes duNPA de Toulouse; dans leur communiqué du19/10 intitulé «Soutien total et inconditionnelaux combattantes et combattants de la liberté[!] de Kobané» (2) ils n’hésitent pas à écrire:

Meurtrepolicier à

SivensLa mort du militant écologique Rémi

Fraisse, tué par une grenade offensive «nonlétale» de la police qui lui a arraché unepartie de la colonne vertébrale et de lamoelle épinière, n’était pas une bavureselon le ministre de l’intérieur: c’était doncun meurtre.

Le premier ministre a affirmé au parle-ment, sous les applaudissements unanimesdes députés du PS et de la droite, qu’iln’accepterait pas «une mise en cause despoliciers et des gendarmes, qui comptent denombreuxblessés dans leur rang».Le meur-tre policier était ainsi validé par Valls, enquelque sorte comme une action légitime aucours d’une bataille: le gouvernement a doncendossé la responsabilité du meurtre.

Selon le site Médiapart, il y a eu «men-songe d’Etat», car pendant 2 jours les auto-rités ont tenté de brouiller les pistes et faitsemblant d’ignorer ce qui s’était passé: onparlait alors d’un «manifestant trouvé mort»En fait elles ont été immédiatement mises aucourant de ce qui s’était passé et de laresponsabilité d’un gendarme.

Nous n’entrerons pas dans la discussionde savoir si les grenades offensives (23 ontété tirées selon cette nuit là, selon le patrondes gendarmes) ont été utilisées conformé-ment au règlement par les gendarmes; selonle syndicat policier Sud-Intérieur «Lancerune grenade offensive sur des civils n’estpas un acte de policier ou de gendarme.C’est un travail de tueur. Ceux qui préten-dent le contraire confondent l’administra-tion et la mafia» (1). Et d’ailleurs, aprèsavoir répété que les grenades offensivesétaient quasiment inoffensives, le ministèrede l’intérieur a finalement décidé d’interdi-re leur utilisation...

Le meurtre de Rémi Fraisse a provoquéune vague d’indignation qui s’est traduitepar des mouvements spontanés de grèves etde blocages dans les lycées; elle s’est tradui-te aussi par l’organisation dans différentsvilles de manifestations de protestation con-tre la violence policière.

Le gouvernement a répondu en interdi-sant des manifestations dans certaines villes(Paris, Toulouse, Rennes...) et en les répri-mant avec la sauvagerie policière coutumiè-re: démonstration encore une fois que laviolence des gendarmes à Sivens n’était pasune bavure, mais s’inscrivait dans une poli-

Il faut insister sur ce thème (1). Toutcomme certaines infections sanguines quiprovoquent toute une série de maladies, ycompris menant à l’asile d’aliénés, l’activis-me est une maladie du mouvement ouvrierqui requiert un traitement permanent.

L’activiste prétend toujours avoir uneconnaissance parfaite des circonstances dela lutte politique et être «à la hauteur de lasituation»; mais, exagérant énormément lespotentialités des facteurs subjectifs de lalutte de classe, il est en réalité incapable defaire une analyse réaliste des rapports deforces. Il est donc naturel que les maladesde l’activisme réagissent aux critiques enaccusant leurs adversaires de sous-évaluerles facteurs subjectifs et de réduire le déter-minisme historique à un mécanisme auto-matique, ce qui est l’argument classique dela critique bourgeoise du marxisme.

C’est pourquoi nous avons dit au point 2de la partie IV des «Bases pour l’organisa-tion»: «Selon la juste acception du détermi-nisme historique, il faut considérer que,alors que le développement du mode deproduction capitaliste dans chaque pays etsa diffusion sur toute la terre se poursuitsans trêve ou presque sur les plans techni-ques, économiques et sociaux, les forces

respectives des classes en conflit dépendentau contraire des vicissitudes de la luttehistorique générale, des batailles perduesou gagnées et des erreurs de méthode stra-tégique» (2).

Cela revient à dire que selon nous lareprise du mouvement ouvrier révolution-naire ne coïncide pas uniquement avec lespoussées engendrées par les contradictionsdu développement économique et matérielde la société bourgeoise; cette dernière peutconnaître des crises très graves, des contras-tes violents, des effondrements politiques,sans que pour autant le mouvement ouvrierse radicalise sur des positions extrêmes,révolutionnaires. Autrement dit, il n’exis-te pas d’automatisme dans les rapportsentre économie capitaliste et parti prolé-tarien révolutionnaire.

Il peut arriver, comme c’est le casaujourd’hui, que le monde économique etsocial bourgeois subisse des secousses for-midables, donnant lieu à de violents affron-tements, sans que le parti ait la possibilitéd’élargir son activité, sans que les massesplongées dans l’exploitation la plus atroceet dans des tueries fratricides, réussissent àdémasquer les agents opportunistes qui lientleur sort aux querelles impérialistes, sans

que la contre-révolution relâche son étreintede fer sur la classe dominée, sur la masse desnon-possédants.

Dire: «Il existe une situation objective-ment révolutionnaire, mais il manque lefacteur subjectif de la lutte de classe, leparti révolutionnaire», c’est faire erreursur toutes les étapes du processus histori-que, c’est proférer un pur non sens, uneabsurdité grossière. C’est le contraire quiest vrai: dans n’importe quelles circonstan-ces, même les plus périlleuses pour la domi-nation bourgeoise, même quand l’appareild’Etat, la hiérarchie sociale, l’ordre politi-que bourgeois, les syndicats, les moyens depropagande, bref quand tout semble sur lepoint de s’effondrer, la situation ne peutdevenir révolutionnaire, mais elle devien-dra même à tous les effets contre-révolu-tionnaire, si le parti révolutionnaire de clas-se fait défaut, s’il est mal formé, s’il esthésitant sur le plan théorique.

Une situation de crise profonde de lasociété bourgeoise est susceptible de dé-boucher sur un mouvement de renversementrévolutionnairequand «les classes supérieu-res ne peuvent plus, et les classes inférieures

Page 2: LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 1pcint.org/40_pdf/03_LP-pdf/501-600/lp-513-w.pdf · 2 LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 ( Suite de la page 1 ) «le NPAsalue

2 LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014

( Suite de la page 1 )

«le NPA salue l’efficacité des frappes de l’USAir Force de ces 4 derniers jours». Et, saluantaussi «la décision de l’état-major US d’inté-grer un commandant des YPG [milices kurdesliées au PKK] à son QG des frappes aérien-nes» et se félicitant par avance d’une «remon-tée des bretelles de la Turquie à [une réunionde] l’Otan», le NPA toulousain «dénonce laveulerie et l’hypocrisie du gouvernement Vallset de François Hollande et de l’Union Euro-péenne» qui resteraient spectateurs des évé-nements!

A notre connaissance la direction du NPAn’a pas claironné publiquement des positionsaussi clairement pro-impérialistes; mais elle asigné avec des organisations pro-kurdes et lessociaux-impérialistes du PCF et cie, une lettrepour demander à Hollande le soutien militairede l’impérialisme français aux combattants deKobané – ce qui revient au même. On peut liredans cette lettre: «Notre pays [sic!] s’est enga-gé aux cotés des Irakiens et des Kurdes pourmettre un terme à l’emprise des djihadistessur cette partie du monde, et c’est une bonnechose» (3). Le NPA est ainsi passé en quel-ques semaines de la condamnation de l’inter-vention impérialiste française à son approba-tion! Ces prises de position sont la conséquen-ce logique de l’engagement dans la campagnede mobilisation impérialiste qui était manifes-te dès le mois d’août avec un communiqué«exigeant» – de qui sinon de l’impérialisme?– la fourniture d’armes «à toutes les forces quicombattent le confessionalisme» (4) donc ycompris même aux forces bourgeoises réac-tionnaires pourvu qu’elles combattent ISIS!Peu après les divers grands Etats impérialistesoccidentaux accédaient aux «exigences» duNPA...

VOUS VOULEZ LA DÉMOCRATIEAU MOYEN-ORIENT?

FAITES APPEL ÀL’IMPÉRIALISME!

Une journée«mondiale» de solidarité avecKobané a été organisée le premier novembre.Dans l’appel officiel à cette journée, il étaitdit: «Si le monde veut la démocratie eu Moyen-Orient, il doit soutenir la résistance kurde àKobané» (5). Qui c’est «le monde»? L’appel,un peu plus bas, parlait de façon plus précised’ «acteurs mondiaux»: «Il est grand tempsde donner aux acteurs mondiaux des raisonsde changer d’avis». Et pour dissiper touteambiguïté sur qui sont ces «acteurs» à qu’ilfaut faire changer d’avis: «La soi-disant coa-lition internationale de lutte contre l’EI n’apas apporté une aide efficace à la résistancekurde (...). Ils n’ont pas rempli les obligationsqui sont les leurs en matière de droit interna-tional».

On voit qu’il ne s’agit bel et bien d’unappel à l’impérialisme (ou d’une pressionsur celui-ci) pour qu’il renforce son inter-vention militaire au Moyen-Orient, en re-prenant les écoeurants arguments bourgeoishabituels: démocratie, droit international,«humanité», «prévention d’un génocide encours» (ne reculant devant rien, le texteparle même de «pire génocide de l’histoiremoderne»!), etc., qui ont toujours été utili-sés pour justifier les guerres.

Le droit international, ce sont les règlesqui codifient les relations entre Etats bour-geois; basé sur des rapports de force, ce droitn’est jamais respecté par ceux, s’ils en ont laforce, qu’il gêne, comme le prouve toute l’his-toire des relations internationales.

La «démocratie», c’est le système pacifi-que de domination bourgeoise qui est basésur la collaboration des classes; il est possi-ble quand le capitalisme est suffisammentprospère pour acheter la paix sociale grâce àla corruption de larges secteurs d’ «aristocra-tie ouvrière» et à la concession au reste desprolétaires de quelques avantages, qui nesont que des miettes des masses de profitsencaissés. Dans les pays où le capitalisme est

trop faible et où les tensions sociales sont trèsfortes en raison du besoin d’extorquer jus-qu’à la dernière goutte de plus-value auxmasses, la domination bourgeoise revêt iné-vitablement un tour brutal, violent, terroris-te. Le terrorisme des Islamistes syriens n’estque le pendant du terrorisme de l’Etat et ducapitalisme syriens qui s’exerce sans retenuedepuis des décennies. Les crimes d’ISIS pâ-lissent devant les crimes du régime qui, en-core aujourd’hui, tue, massacre et torture àgrande échelle (c’est ainsi que près de 2000prisonniers auraient été tués, le plus souventtorturés à mort, dans les geôles du régimedepuis le début de l’année) (6).

Vouloir la « démocratie » au Moyen-Orient, autrement dit la perpétuation du capi-talisme, mais sous une forme pacifique, est ourêver les yeux ouverts, ou proférer un menson-ge pour camoufler l’intervention impérialiste!

Pendant que se mobilisaient et s’agitaientles partisans des combattants kurdes, pendantqu’ils réclamaient l’envoi d’armes, qu’ils de-mandaient le retrait du PKK de la liste des«organisations terroristes» (liste où sont ins-crits les organisations et partis qui affrontentl’impérialisme et les Etats bourgeois occiden-taux), les «acteurs internationaux» sérieux, eneffet, agissaient sur le terrain – et dans le sensvoulu par eux!

Les bombardements américains n’ontcessé de s’accroître (plus d’une centaine à lami-octobre), et les contacts avec le PYD (nomde l’organisation du PKK en Syrie) et lesEtats-Unis ont été rendus publics. La presseinternationale a révélé que de difficiles négo-ciations secrètes avaient eu lieu ces dernièressemaines, alors même que le gouvernementturc réprimait dans le sang des manifestationskurdes en soutien à Kobané (plus de 30 morts),entre la Turquie, les Etats-Unis, le PYD et lesorganisations kurdes d’Irak pour coordonnerla défense de la ville et arriver à un accordentre factions kurdes (7).

Le PKK/PYD a obtenu, essentiellementgrâce à la bataille de Kobané, ce qu’il recher-chait: sa reconnaissance par l’impérialismeaméricain et les impérialismes occidentaux(8), qui sanctionne son intégration de fait dansla coalition internationale dirigée par les Etats-Unis. Il a même obtenu que le PDK (PartiDémocratique du Kurdistan) de Barzani quidirige le Kurdistan semi-autonome irakien,abandonne ses partisans locauxdu CNK(Con-seil National Kurde syrien, qui reprochait auPKK/PYD son refus de participer à la luttecontre Damas), et reconnaisse sa prééminencedans les régions kurdes syriennes. La Turquie,qui, à l’ombre du pétrole kurde irakien, entre-tient des rapports privilégiés avec le PDK (9),a fait un geste en acceptant de laisser passerpar son territoire des peshmergas (combat-tants) du PDK pour renforcer les combattantsde Kobané.

Cependant, signe de la précarité de l’uniondes factions kurdes, le PKK/PYD n’a acceptéla venue que d’une centaine de combattantsdu PDK, en précisant qu’ils ne seraient can-tonnés à l’arrière: il ne veut partager la direc-tion des combats avec personne.

RECOMPOSITION EN COURSSUR FOND

DE RIVALITÉS D’INTÉRÊTS

Nous avons vu que les négociations entrela Turquie, les Etats-Unis et les factions kur-des ont été, et sont toujours, difficiles. Bienqu’elle fasse partie de l’OTAN et qu’elle aitadhéré à la coalition, la Turquie rechigne àlaisser les Américains utiliser ses aérodromespourattaquer ISIS. Elle demande comme préa-lable à tout engagement militaire qu’on luiaccorde la création en Syrie, le long de safrontière, d’une «zone-tampon» qui soit aussiune «zone d’exclusion aérienne» (no-fly zone:zone interdite à l’aviation syrienne). Mais lesAméricains refusent car cela risquerait de lesconduire... à un conflit avec Damas!

Depuis l’été 2013 en effet l’impérialismeaméricain a conclu que le renversement du

régime de Bachar El-Assad risquait de dé-boucher sur une situation incontrôlable enSyrie, étant donné l’échec à mettre sur piedune force d’opposition suffisamment solideet fiable: l’exemple libyen est là pour montrerles difficultés à reconstituer un appareil d’Etatdans un pays fragmenté en multiples factionsbourgeoises rivales. Les Américains se sontofficiellement fixé la tâche de constituer uneforce d’opposition islamiste «modérée» aurégime syrien, tout en avertissant que cettetâche prendrait «des mois et des années»;cela laisse tout le temps de négocier avec lerégime et ses parrains, Russie et Iran.

Entre-temps le risque d’effondrement durégime irakien leur a fait considérer ISIS com-me le véritable ennemi à abattre. Mais bombar-der en Syrie, où se trouvent les bases d’ISIS,implique un minimum d’accord avec le régimed’El-Assad qui dispose d’une aviation et desystèmes de défense antiaériens sophistiqués.Bien qu’ils le nient officiellement, les impé-rialistes américains ont donc renoué des con-tacts avec le régime syrien honni, le laissantmême redoubler ses attaques contre les grou-pes insurgés! De même, Paris, qui affirmetoujours haut et fort son hostilité à Damas, adiscrètement pris contact, comme d’autrescapitales européennes paraît-il, avec les Ser-vices syriens pour leur demander leur aidecontre les jeunes partis combattre dans lesrangs islamistes (10). La tentative a échouéparce que les autorités syriennes ont posécomme condition à leur collaboration la réou-verture de l’ambassade de France à Damas,mais le fait est significatif.

En centrant l’attention sur les combats deKobané, les médias internationaux, répondantdocilement aux desiderata de l’impérialismeaméricain, ont caché de fait les attaques durégime contre les insurgés d’Alep, Homs etailleurs; selon l’Observatoire Syrien des Droitsde l’Homme, pas moins de 553 bombarde-ments auraient été effectués par l’aviation sy-rienne contre les rebelles rien que dans lapériode du 20 au 25 octobre (11): dans un cielsyrien bien encombré, missiles de croisière etavions américains et avions syriens ne se com-battent pas, mais se partagent la tâche...

Pour la Turquie d’Erdogan, à l’inverse,l’ennemi désigné est le régime syrien et lesdifférentes factions rebelles islamistes sontdes alliés au moins potentiels; elle reprochedonc amèrement aux Etats-Unis de ne pass’attaquer aux forces de Damas et d’avoirrenoncé à faire tomber le régime de Bachar El-Assad. Alors que son président Erdogan entre-tient pour des raisons de propagande nationa-liste le rêve de l’empire ottoman perdu, laTurquie nourrit des ambitions impérialistesrégionales bien réelles qu’elle n’entend passacrifier aux intérêts américains. Inquiet desretombées des troubles en Syrie (des dizainesde milliers de réfugiés syriens se trouvent surson territoire), le gouvernement turc redouteen outre la création d’un Etat kurde indépen-dant, qui risquerait d’attiser les aspirationssécessionnistes parmi les Kurdes turcs.

La Turquie s’entend très bien avec lesautorités du Kurdistan irakien liées au PDK deBarzani, à cause bien sûr du pétrole, mais aussiparce qu’elles s’affirmaient hostiles à l’indé-pendance. Mais les différends sans cessecroissants de ces autorités avec le gouverne-ment de Bagdad et la poussée de ISIS ontchangé la donne. Bien qu’ils soient en théorieau nombre de plusieurs dizaines de milliers etpuissamment armés, les peshmergas kurdesn’ont pas bougé le petit doigt pour venir ausecours de l’armée irakienne régulière lors-qu’elle a été attaquée par ISIS; ils ont aucontraire attendu sa débandade pour agran-dir leur territoire en s’emparant de la ville deKirkouk et de sa région riche en pétrole. Et finjuin, après que les autorités israéliennes aientmultiplié les déclarations fracassantes en fa-veur d’un Etat kurde indépendant (12), Barza-ni déclarait à la BBC qu’il allait organiser unréférendum sur l’indépendance du Kurdistanirakien. On n’a plus entendu de tels propospar la suite, mais le Kurdistan irakien, armé parles divers impérialismes occidentaux, jouitaujourd’hui d’une indépendance de fait.

LE PKK, PARTI NATIONALISTEBOURGEOIS

Créé à la fin des années 70, le PKK est uneorganisation nationaliste kurde de Turquie,

présente aussi dans l’émigration turque enEurope, qui a entamé au milieu des années 80une guérilla sur le mode maoïste pour l’indé-pendance du Kurdistan turc. Il a réussi dansune large partie à canaliser à son profit lacolère des populations kurdes soumises de-puis toujours à une véritable oppression de lapart des autorités d’Ankara (pendant long-temps interdiction de parler kurde, même enprivé, répression de toute velléité d’organisa-tion kurde, etc.), alors qu’elles constituentenviron un cinquième de la population deTurquie. Au milieu des années 90, le PKKabandonna ses platoniques références aumarxisme pour les remplacer par des référen-ces à l’Islam; il abandonna aussi la revendica-tion d’indépendance pour la remplacer parcelle de l’autonomie. Il professe maintenantune idéologie purement démocratique digned’un parti parlementaire. Début 2013 il aappelé ses partisans à déposer les armes à lasuite de l’ouverture d’un «processus de paix»avec le gouvernement.

Pendant des années le PKK, protégé parle régime de Afez El-Assad (père du prési-dent actuel), avait constitué une base arrièredans les régions kurdes de Syrie; ses adver-saires lui reprochent d’avoir collaboré pen-dant cette période avec les services secretssyriens pour y réprimer toute opposition aurégime. Mais quelques années plus tard lerapprochement de la Syrie et de la Turquieentraîna l’expulsion des militants du PKK, cequi conduisit à l’arrestation de leur chef,Ocalan, qui purge maintenant une peine deprison à vie en Turquie.

La détérioration des rapports avec la Tur-quie depuis l’éclatement de la guerre civileen Syrie a conduit à un nouveau rapproche-ment du PKK et de son organisation en Syrie(PYD) avec le régime de Damas. En 2012celui-ci retirait du Rojava ses soldats et sespoliciers dont il avait un besoin urgent pourrésister à l’insurrection, remettant en prati-que les clés de la région au PKK/PYD; à ladifférence des autres partis et organisationskurdes syriennes celui-ci a en effet toujoursrefusé de rejoindre la révolte contre le régimeet il a maintenu les contacts avec les autoritéssyriennes. Il a même livré des batailles san-glantes aux insurgés, soit du Front Al-Nosra(Islamistes radicaux), soit de l’Armée Sy-rienne Libre («modérés» pro-Américains),pour défendre les frontières de sa région; et àl’intérieur de celle-ci, il n’a pas hésité àréprimer ses adversaires politiques: ce fut lecas dans la ville de Amouda où la répressionen juin 2013 d’une manifestation pacifiquepar le PYD fit plusieurs morts et se solda parl’enlèvement de plusieurs militants d’oppo-sition; en protestation, des manifestations,sit-in et grèves de la faim eurent lieu enplusieurs endroits exigeant le retour des per-sonnes enlevées (13).

Le PKK/PYD prétend avoir réalisé, selonles nouveaux préceptes d’Ocalan, une «révo-lution» au Rojava en instituant une organisa-tion territoriale... sur le modèle suisse! Selonlui cette révolution dépasserait les révolu-tions française, russe et chinoise en raison deson caractère démocratique...

En réalité le PKK/PYD est un parti na-tionaliste bourgeois, anti-prolétarien, qui estbien incapable non seulement de mener unerévolution, mais aussi de défendre les inté-rêts de classe des exploités: il n’a jamaishésité à chercher le soutien de n’importequel Etat bourgeois ou de n’importe quelimpérialisme; sa reconnaissance par l’impé-rialisme américain en est une démonstrationsupplémentaire.

Contrairement à ce qu’affirme sa propa-gande reprise sans sourciller par ses sou-tiens européens comme les libertaires quenous avons cités au début de cet article, lePKK/PYD n’appelle pas «à ne faire aucuneconfiance aux Etats et aux régimes en pla-ce»! Il n’appelle pas «les populations (...) às’engager directement dans la résistance, àse battre, à s’organiser par elles-mêmes, às’armer militairement et politiquement, às’auto-défendre socialement, à coordonnerleurs milices populaires, à ne compter quesur leurs propres forces et mobilisation pourprotéger leur territoire et leurs vies et re-pousser les djihadistes» (14). D’ailleurs lapopulation de Kobané, loin de s’engager

Mobilisationpro-impérialiste autour

du Kurdistan

( Suite en page 4 )

Page 3: LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 1pcint.org/40_pdf/03_LP-pdf/501-600/lp-513-w.pdf · 2 LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 ( Suite de la page 1 ) «le NPAsalue

3LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014

tique répressive bien déterminée du gouver-nement, qu’on a vu à l’oeuvre en d’autresoccasions. L’année dernière le ministère del’intérieur s’inquiétait quasi-officiellementdes «risques d’explosion sociale» et Valls,qui n’était pas encore premier ministre, avaitdonné aux services de renseignement depolice d’ «anticiper une éventuelle radica-lisation des mouvements sociaux. Des poli-ciers sont postés autour des usines» (L’Ex-pansion, 2/2/2013).

Mais cela fait des années que, sous lesdivers gouvernements de droite et de gau-che, tous défenseurs empressés du capitalis-me, la répression policière relayée par lajustice, frappe de plus en plus fort: se rappe-ler, pour ne pas remonter plus haut, à larépression des manifestants lycéens lors dumouvement sur les retraites; cela fait desannées que la police a vu son arsenal répres-sif s’accroître avec des armes soi-disant

Meurtre policier à Sivens«non létales» qui ont provoqué de gravesblessures à des manifestants ou même lamort de personnes interpellées (les dites«bavures policières», qui sont en réalité laconséquence inévitable d’unepolitique tou-jours plus répressive, ont fait 127 mortsdepuis l’an 2000) et que des lois répressivessont votées les unes après les autres.

Cette tendance de fond n’est pas due à laméchanceté particulièredes gouvernements,mais à l’aggravation continuelle des ten-sions sociales auxquelles tout gouvernementbourgeois répond par la carotte et le bâton,autrement dit en conjuguant la répressionavec des concessions pour calmer les mé-contentements. Mais lorsque les conces-sions à accorder aux prolétaires et aux mas-ses en général sont de plus en plus rares, larépression devient inévitablement plus in-dispensable pour «maintenir l’ordre».

L’ordre bourgeois consiste en des rap-ports sociaux basés sur une violence fonda-mentale: pour vivre, ceux qui ne possèdent

( Suite de la page 1 )

rien – les prolétaires – sont obligés de ven-dre leur force de travail à la petite minoritéqui possède tout et qui récolte le fruit de cetravail – les capitalistes. Cet ordre ne peutêtre imposé et défendu que par la violence,même quand cette violence est seulementvirtuelle, incarnée dans la peur du gendar-me, la soumission à la loi, bref dans lerespect de l’Etat, monstrueux système rami-fié de violence concentrée.

Contester concrètement, sur le terrain,des intérêts bourgeois, y compris limitéscomme ceux liés à la construction d’un petitbarrage, c’est violer l’ordre bourgeois etalors la répression la plus brutale s’abat.

Le meurtre de Rémi Fraisse comme tou-tes les brutalitéspolicières ontvaleur d’aver-tissement pour les prolétaires: les hommespolitiques bourgeois même les plus démo-crates, de droite ou de gauche, ne reculentdevant rien pour défendre des intérêts capi-talistes. Et lorsqu’il s’agira demain de dé-fendre l’existence même du capitalisme, ilsdéchaîneront toute la violence à leur dispo-sition, comme il l’ont fait hier dans l’histoirecontre le prolétariat insurgé, et comme le

font quotidiennement leurs confrèresde tousles pays.

Le prolétariat devra répondre sur ce ter-rain en opposant la violence révolutionnai-re à la violence réactionnaire des loups et deschiens de la vieille société; par sa victoire ilvengera toutes les innombrables victimes ducapitalisme, mode de production le plus cri-minel de toute l’histoire de l’humanité.

Ukraine:L’intoxication nationaliste n’a pas

empêché les mineurs de fairegrève contre la guerre.

Un premier pas sur le longchemin de la reprise de classe!

Les nationalismes exacerbés avec lesquels les fractions bourgeoises se combat-tent en Ukraine (les «pro-russes» au nom dudroit à l’autodétermination, les pro-euro-péens au nom de l’unité de l’Etat national)sont les armes idéologiques utilisées par lesclasses dominantes pour mobiliser les mas-ses populaires et surtout prolétariennes endéfense d’intérêts nationaux ou régionauxqui n’ont absolument rien à voir avec lesintérêts des prolétaires. Ces derniers, enplus d’être systématiquement exploités entant que force de travail à qui les capitalistesextorquent de la plus-value (et donc duprofit) sont voués à être utilisés commechair à canon sur les fronts ou dans les villesbombardées.

Les intérêts bourgeois ont leur racinedans le mode de production capitaliste quiest fondé sur l’exploitation intensive et ex-tensive de la force de travail prolétarienne;réglé par la propriété privée et l’appropria-tion privée de la production de marchandi-ses, le système capitaliste est incapable defonctionner sans une concurrence qui de-vient plus féroce et plus aiguë dans la mesu-re où par son développement même il aug-mente les facteurs de crise et d’affrontementtant sur le marché national que sur le marchémondial. Le développement capitaliste neprocède pas de façon harmonieuse et régu-lière, mais par secousses toujours plus vio-lentes; ces secousses se répercutent inévita-blement au niveau politique, augmentant oudiminuant les frictions et les heurts entreentreprises, et entre groupes économiqueset financiers.

Les crises économiques ne frappent pasuniquement l’économie et par conséquentles rapports entre capitalistes et prolétaires;leurs conséquences se font sentir sur tous lesplans:politique, diplomatique,militaire. Lespartenaires se transforment en concurrents,les alliés en ennemis, la défense des intérêtsdes groupes les plus puissants devient ladéfense des «intérêts nationaux»; la «patrie»apparaît avec une force renouvelée commele symbole idéal des intérêts nationaux quela bourgeoisie présente toujours comme lesintérêts de «tout le peuple» alors qu’ils ne

sont que des intérêts de classe, les intérêtsdes exploiteurs. A l’époque de l’impérialis-me, de la dite «mondialisation», ce qui sepasse dans un pays, et à plus forte raison sice pays se trouve dans une zone de fortestensions inter-impérialistes, a des répercus-sions dans le monde entier.

C’est pourquoi les tensions politiquesentre fractions bourgeoises qui ont éclatéen Ukraine ces dernières années et qui ontpris la forme d’un conflit armé, impliquentnécessairement les intérêts économiques etpolitiques de la Russie, des Etats euro-péens et des Etats-Unis. Après l’implosionde l’URSS, toute la zone-charnière entre laRussie et les pays ouest-européens est de-venue un terrain de conquête pour les im-périalismes les plus puissants: Etats-Unis,Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, etc.,sur les plan économique, financier, politi-que et militaire.

De son côté la Russie n’a pas abandonnéses ambitions impérialistes, ni au niveaumondial, ni au niveau des anciens pays ducamp dit «socialiste»; et elle est prête àprofiter des faiblesses des pays nouvelle-ment indépendants et d’un situation interna-tionale où les Etats-Unis en particulier et lesautres impérialismes occidentaux sont endifficulté dansbeaucoup de régions du mon-de, à commencer par le Proche et le MoyenOrient, mais aussi en Afrique.

Depuis plusieurs années l’Ukraine esten proie à de graves problèmes économi-ques et financiers; elle est fortement endet-tée auprès de la Russie (surtout pour leslivraisons de gaz) et du FMI. Ces difficul-tés ont poussé le gouvernement ukrainien àentamer des discussions avec l’Union Euro-péenne. La Russie a profité de la crisepolitique ukrainienne qui a suivi pour an-nexer la Crimée, alors qu’elle s’était enga-gée dans un «traité d’amitié» signé en 1997avec l’Ukraine à ne pas le faire (énièmedémonstration de ce que valent les traitésd’amitié entre Etats bourgeois!).

Inutile de dire que l’intérêt russe enversla Crimée est surtout celui de sauvegarder sabase navale de Sébastopol pour garantir laliberté de manoeuvre de sa flotte en Mer

Noire, le contrôle de la frontière avec laTurquie, le passage vers la Méditerranée parle détroit des Dardanelles. Le soutien deMoscou aux séparatistes pro-russes des ré-gions orientales de l’Ukraine (la partie laplus industrielle et minière du pays) s’expli-que par des intérêts économiques, politi-ques et militaires. Il sera très difficile pourl’Ukraine et les impérialismes occidentauxde revenir aux frontières antérieures; lescontrastes qui ont débouché sur la guerrepartisane des séparatistes pro-russes pour-rontdifficilementêtrerésolusàbrèveéchéan-ce; étant donné l’état actuel des rapportsinter-impérialistes, il n’y a guère d’autrepossibilité, au moins dans un premier temps,que l’acceptation de l’annexion de la Cri-méepar laRussie, accompagnéesinon,d’uneannexion, au moins d’une large autonomiede la région du Donbass (qui comprend la«république de Donetsk» et la «républiquede Lougansk») sur la quelle la Russie entendexercer une influence prépondérante.

Les informations sur les événements enUkraine qui sont diffusées par les médiasoccidentaux sont évidemment tendancieu-ses: elles diabolisent le «tsar» Poutine etcachent une bonne partie de la réalité. Parexemple que les séparatistes aient recours àdes mercenaires, parce que la populationdes régions orientales ne soutient pas laguerre; tandis que le gouvernement de Kievdoit faire face à des mutineries (1) et desmanifestations des mères de soldats qui con-tinuent à s’opposer à la guerre (2).

Et, ce qui du point de vue prolétarienest le plus intéressant, c’est que les mi-neurs du Donbass, bien qu’ils ne puissentcompter sur des syndicats de classe etencore moins sur un parti prolétarien declasse, sont entrés en grève en mai et juincontre la guerre et pour l’augmentation deleurs salaires à Donetsk, Krivoy Rog etdans d’autres mines (3).

Au delà des motivations très confuses,imprégnées de nationalisme à l’eau de rose,des soldats qui se sont mutinés et ont refuséde partir pour le «front»; et au delà del’absence de perspectives de classe y com-pris dans les luttes des mineurs, il reste le faitque s’est exprimée parmi les prolétaires unecertaine rupture de la solidarité nationale etde l’interclassisme. Que cette rupture n’aitpas engendré ni ne pouvait engendrer auto-matiquement un mouvement de classe duprolétariat, qu’il soit d’origine russe, ukrai-nien, tatar ou autre, nous le savons bien;mais c’est un signal pour les prolétaires engénéral: il est possible de s’opposer à laguerre bourgeoise; il ne faut pas craindre defaire grève pour défendre ses intérêts immé-diats et en même temps contre la guerre, lasolidarité entre prolétaires a une force quipeut peser sur les décisions que doiventprendre les Etats. C’est aussi un signal pourles classes bourgeois qui ne peuvent utilisercomplètement à volonté les masses proléta-riennes: c’est aussi en partie pour cette rai-

son que la Russie et le gouvernement deKiev ont décidé d’atténuer leur antagonis-me et d’arriver à un «cessez-le-feu».

La grande majorité des prolétaires estcependant encore profondément intoxiquéepar le démocratisme et le nationalisme. Laprétendue «révolution orange» qui auraitfait passer sur l’Ukraine le souffle de ladémocratie, de la libre et pacifique expres-sion de chacun, dans le respect de l’indépen-dance nationale, et, surtout dans la privati-sation accélérée des entreprises et la circu-lation et la circulation des capitaux, n’étaitqu’une illusion bourgeoise: à l’époque del’impérialisme la souveraineté nationale seréduit à une simple formule de propagandeagitée pour se faire passer pour la victimed’une «agression» de puissances rivales etdemander un soutien aux alliés du moment,alors que dans la réalité des faits économi-ques et financiers, elle n’est qu’un paraventcouvrant l’activité des grands groupes na-tionaux ou extra-nationaux.

C’est pourquoi en appeler à la souverai-neté nationale, au droit international ou auxtraités diplomatiques est en définitive unefaçon de justifier la défense d’intérêts ja-mais ouvertement déclarés en tant que tels etimposés par la force. Les mouvements po-pulaires quiglorifient la paix, la démocratie,la lutte contre la corruption et l’illégalité,etc. et qui, à la façon des Indignés d’Espagneet d’ailleurs se nomment «euromaïdan» ouautre, ne sont que des véhicules politiques etidéologiques contre un éventuel réveil declasse du prolétariat.

Les grèves des mineurs du Donbass ontdémontré, face à l’exaspération des contra-dictions capitalistes qui se sont transfor-mées en affrontement armés, que les intérêtsprolétariens et bourgeois sont irréductible-ment opposés. Sur cette voie, les prolétairespeuvent trouver une orientation les menantvers l’affirmation de leur force de classe,vers la constitution de leur propre mouve-ment, de leurs propres organisations, versl’affrontement ouvert entre les classes surun plan complètement différent de celui dela guerre entre bourgeois.

Mais la guerre de classe ne naît pas dujour au lendemain. Elle implique d’abordque les prolétaires se reconnaissent commeune classe distincte de toutes les autres clas-ses de la société, avec des intérêts opposésaux intérêts bourgeois; elle implique que lesprolétaires prennent confiance dans leurspropres forces, non seulement lors de mou-vements épisodiques, mais avec une conti-nuité dans l’espace et dans la durée. Il seranécessaire qu’ils s’organisent de façon clas-siste, d’abord pour la lutte de défense éco-nomique et ensuite au niveau politique, dansla constitution du parti de classe, le véritableparti révolutionnaire communiste, guideunique de la lutte historique pour l’émanci-pation du capitalisme.

La guerre en Ukraine, comme il y a plus de 20 ans la guerre dans l’ex-Yougoslavie est laréponse bourgeoise à la crise économique qui étrangle le pays et aux contrastes qui font seheurter à nouveau les impérialismes européens et américain à l’impérialisme russe dans lespays de l’est européen.

( Suite en page 4 )

(1) http://www.sudinterieur.fr/2014/11/05/les-forces-de-lordre-ne-sont-pas-faites-pour-tuer-ni-brutaliser-des-manifestants/#more-541 Ce syndicat dénonce «l’approchede classe» dans l’action de la police au nomd’une orientation démocratique qui la met-trait «au service des gens». En «infiltrant lesmilieux dangereux» au lieu de tout miser «surla surveillance systématique des populationspour des raisons d’économie budgétaire», lapolice pourrait alors garantir «la forme démo-cratique de la République». Bref une policedémocratique à la Sud, misant sur les mou-chards, serait plus efficace pour défendrel’ordre bourgeois...

Page 4: LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 1pcint.org/40_pdf/03_LP-pdf/501-600/lp-513-w.pdf · 2 LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 ( Suite de la page 1 ) «le NPAsalue

4 LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014

( Suite de la page 3 )

directement dans la résistance, s’est enfuieen Turquie (15), démontrant que la guerre encours n’est pas sa guerre.

UNE SEULE ISSUE:LA PERSPECTIVE

PROLÉTARIENNE DE CLASSE

Comment pourrait-il en être autrement?Pour cela il faudrait qu’il y ait en acte unevéritable révolution, pas une pseudo-révolu-tion démocratique à la suisse, mais une vérita-ble révolution sociale faite par les massesexploitées et opprimées. Dans la Syrie bour-geoise où le capitalisme est le mode de pro-duction dominant, historiquement, il ne peutplus être question que d’une révolution pro-létarienne, une révolution socialiste.

Mais une telle révolution ne pourrait avoircomme arène une petite région agricole; elledevrait s’appuyer sur un puissant mouvementde classe dans les grands centres urbains où setrouvent concentrés les prolétaires de toutesles nationalisés; pour cette révolution, il nes’agirait plus de «protéger un territoire» ré-gional, mais de s’étendre d’abord à tout lepays et ensuite internationalement à tous lespays; il ne s’agirait plus de coordonner desmilices «populaires», mais d’édifier une ar-mée de classe, plus seulement de se défendrecontre les djihadistes réactionnaires, mais desaper leur puissance en insufflant la lutte declasse à l’intérieur de leur territoire. Il nes’agirait plus d’instaurer un régime démocra-tique et laïc, mais d’abattre l’Etat bourgeois etde le remplacer par le pouvoir dictatorial desopprimés, la dictature du prolétariat indispen-sable pour extirper le capitalisme. Evidem-ment une telle révolution ne pourrait songer àquémander l’appui de l’impérialisme dontelle appellerait au contraire les prolétaires à larévolte! Et cette révolution ne pourrait êtredirigé par un parti national ou nationaliste,mais uniquement par le parti prolétarien inter-national et internationaliste.

C’est bien parce qu’il n’existe rien de tel,que la révolte en Syrie a dégénéré en combatssanglants où s’affrontent diverses forces bour-geoises, plus ou moins soutenues par desparrains étrangers et qui, pour maintenir ousolidifier leur emprise sur leurs partisans etsur les masses, n’ont d’autre ressource qued’utiliser au maximum l’idéologie dominantela plus réactionnaire: la religion.

Comme le synthétisait l’article de Bordi-ga que nous publions sur ce journal, les plusgraves crises de l’ordre bourgeois ne peuventque déboucher sur une situation contre-révo-lutionnaire en l’absence du parti de classe,parce que cette absence implique que le prolé-tariat est incapable d’agir en tant que forceindépendante: la bourgeoisie a alors toutelatitude pour surmonter, à sa façon, la crise.

Mais, nous dira-t-on, s’il n’y a pas departi de classe, pas de mouvement proléta-rien indépendant, au moins faut-il s’opposeraux plus réactionnaires et appuyer les forcesles plus démocratiques? Et si les militairesaméricains ou français peuvent faire obsta-cle à la «barbarie» ou à «l’obscurantisme» nefaut-il pas les soutenir, au Moyen-Orientcomme en Afrique?

C’est un argument classique – choisir le«moindre mal», le camp bourgeois le moinsméchant – qui a été utilisé d’innombrablesfois, en temps de guerre comme en temps depaix, pour enchaîner la prolétariat à la bour-geoisie, pour empêcher l’apparition ou le ren-forcement d’organisations de classe; son seulrésultat est toujours de livrer les prolétairessans défense à leurs bourreaux.

Non seulement en effet il est impossiblede venir en aide aux masses opprimées ens’associant, d’une façon ou d’une autre, àl’impérialisme qui pille et ravage la planète,exploite et massacre ces masses dans le mon-de entier; mais ce faisant, on ne peut que lerenforcer, on ne peut qu’accroître la puissan-ce du capitalisme et affaiblir jusqu’à la luttede résistance la plus élémentaire des prolétai-res. Le premier ennemi des prolétaires est leurpropre bourgeoisie: s’allier avec elle, quel quesoit le prétexte, c’est trahir le prolétariat.

Il n’est pas possible de s’opposer réelle-ment aux forces réactionnaires, islamistes ounon, en reprenant des programmes et des pers-pectives démocratiques bourgeoises et en s’al-liant en conséquence avec des forces bour-geoises; mais seulement en mettant en avantun programme et des perspectives anti-démo-cratiques, c’est-à-dire de classe, anticapita-listes, antibourgeoises, et en recherchant surcette base l’union avec les prolétaires et lesmasses exploitées de toutes les nationalités etde tous les pays.

Les communistes avaient établi cetterègle d’or en 1920: «L’internationale Com-muniste ne doit soutenir les mouvementsrévolutionnaires dans les colonies et lespays retardataires que dans le but de re-grouper les éléments constitutifs des futurspartis prolétariens - qui seront effective-ment communistes et pas seulement en pa-roles – et de leur enseigner leur tâchespécifique, à savoir la lutte contre les cou-rants démocratiques bourgeois dans leurspays» (16).

90 ans plus tard, alors qu’il n’existe plusd’InternationaleCommunistesur laquelle s’ap-puyer, la consigne doit être respectée avecd’autant plus d’application que l’Internationa-le elle-même, en dégénérant, l’oublia bienvite. Les prolétaires doivent s’opposer sanshésitation à toutes les interventions militairesde «leur» Etat; mais toute «solidarité» avec despopulations martyrisées ou avec des luttes, quise situe en dehors de positions de classe, que cesoit sur des bases humanitaires, démocrati-ques, nationalistes ou autres, doit être dénon-cée comme anti-prolétarienne. Paraphrasantce que disait le révolutionnaire socialiste polo-nais Warynski à propos de l’indépendance dela Pologne (17), nous pourrions dire: «il existeau monde un peuple plus malheureux que lesKurdes – c’est celui des prolétaires».

Cela ne signifie pas que les prolétairesdoivent se désintéresser du sort des Kurdes etautres nationalités, à qui il faut reconnaîtrepleinement le droit à l’autodétermination; maiscela signifie qu’ils doivent toujours défendred’abord leurs intérêts de classe; et que dans lalutte contre toutes les oppressions, y comprisl’oppression nationale, dans la lutte contretoutes les réactions, ycompris islamistes, ils nedoivent jamais transiger sur la nécessité abso-lue de l’indépendance et de l’organisation declasse, sur la nécessité primordiale de l’unitédes prolétaires par dessus toutes les divisionsnationales, ethniques, religieuses ou autres.

La véritable solidarité, non seulementavec les masses kurdes de Kojava, mais avecles masses prolétarisées de Syrie écrasées sousla mitraille, ou condamnées par millions à uneexistence misérable de réfugiés, consiste, ici,au coeur des métropoles impérialistes, à tra-vailler à la reprise de la lutte de classe, révo-lutionnaire et internationaliste contre le ca-pitalisme et l’impérialisme et à la reconstitu-tion de l’organe suprême de cette lutte, le partide classe international.

Et le premier pas indispensable est le refusde l’embrigadement dans les mobilisationspro-impérialistes, le refus de soutenir des for-ces et partis non prolétariens, le refus d’adhé-rer à des perspectives non classistes.

13/11/2014

(1) Tract du 3/10/14(2) http://www.npa31.org/actualite-po-

litique-internationale/urgence-kobane/de-claration-du-npa-31-a-manifestation-same-di-18-octobre.html4

(3) http://blogs.mediapart.fr/blog/maxi-me-azadi/250914/appel-hollande-de-soute-nir-les-forces-kurdes-syriennes. ..

(4) http://www.npa2009.org/communi-que/solidarite-avec-le-peuple-irakien. Pourle NPA, le gouvernement français est doncl’incarnation d’un «pays» dont il affirmefaire partie – et tant pis si le Manifeste disaitque les prolétaires n’ont pas de patrie...

(5) http://oclibertaire.free.fr/spip.php? ar-ticle1599.Parmi lessignatairesde l’appel (per-sonnalités bourgeoises diverses, artistes, intel-lectuels, etc.), on trouve en 2e position l’arche-vêque Desmond Tutu, celui-là même qui avait

béni le passage de l’apartheid à un régimedémocratiquepourperpétuer l’exploitationné-grière des prolétaires sud-africains. Sa signa-ture suffirait à qualifier l’appel...

(6) http://syriahr.com/en/2014/11/near-ly-2000-detainees-killed-inside-the-regi-mes-detention-facilities/

(7) Voir par exemple l’article détaillé duFinancial Times du 24/10/14.

(8) Une première rencontre officielle a eulieu en octobre entre des responsables fran-çais et Saleh Muslim, le chef du PYD; Parisrefusait jusqu’à présent tout contact avecl’argument que le PYD-PKK n’était «pasassez engagé» dans lutte contre Damas. Maisselon le diplomate qui a rencontré Muslim:«les Américains ayant eux-mêmes fini parrencontrer récemment les représentants duPYD, on ne pouvait plus refuser de voir lesKurdes syriens» cf http://www.lefigaro.fr/m o n - f i g a r o / 2 0 1 4 / 1 0 / 3 0 / 1 0 0 0 1 -20141030ARTFIG00373-la-france-rencon-tre-les-kurdes-syriens.php. L’inénarrableBer-nard-Henri Lévy a écrit sur son blog: «LePKK est le fer de lance, en Syrie, non seule-ment de la résistance à Daech, mais desvaleurs que veut éradiquer Daech (...). C’estpourquoi le PKK et les partis qui lui sont liésdoivent être reconnus pour ce qu’ils sont: unopérateur de stabilité et, demain, de paix auProche-Orient». A-t-il adhéré à l’OCL? cfhttp://laregledujeu.org/bhl/2014/10/22/il-faut-retirer-le-pkk-de-la-liste-des-organisa-tions-terroristes/

(9) Les deux principaux partis bourgeoisdu Kurdistan irakien, qui se sont combattusles armes à la mains pendant des années, sontle PDK de Barzani et l’UPK (Union Patrioti-que du Kurdistan) de Talabani formé par lafusion de divers partis dont les ex-«marxis-tes-léninistes» du Komala; Talabani est pré-sident de l’Irak depuis 2006 (poste honorifi-que sans pouvoir politique) et vice-présidentde l’Internationale Socialiste. L’UPK est pro-che des autorités iraniennes et par conséquent

Mobilisation pro-impérialisteautour du Kurdistan

Ukraine...( Suite de la page 3 )

« Il Comunista »Nr.136- Ottobre 2014

Nell’interno•-Sul periodo attuale e i compiti dei rivolu-zionari•-Riforma del mercato del lavoro (Jobs Act).Si estende e si intensifica la precarietà delsalario aumentando la concorrenza tra prole-tari. La via d’uscita non è in un'altra riforma,ma nella ripresa della lotta di classe contro ilcapitalismo!•-Ferguson, Usa: un episodio della guerra frale classi•-Allarmismo ebola in Spagna•-La violenza ufficiale fa l'ennesima vittima:assassinato a Napoli un ragazzo disarmato!•-La morte di Maria Baratto non è stato sui-cidio, ma omicidio di Stato•-L'opportunismo, nemico mimetizzato•-La donna e il socialismo (A. Bebel)•-La teoria marxista della moneta (3)•-Già nel 1851, la Regina Vittoria d’Inghil-terra, inaugurando l’Esposizione Universaledi Londra, si inchinava all’industria moder-na perché... abbatte dappertutto le barrierenazionali•-Astir: esplode la rabbia dei lavoratori damesi senza salario!•-Legalitarismo (Dizionarietto dei chiodi re-

visionistici)

Periódico bimestral. Precio del ejem-plar: 1,5 ; £ 1; 5FS; Suscripción: 8 ;£ 6; 25 FS;Suscripción de solidaridad:16 ; £ 12; 50 FS.

Lutter contre l’ivresse nationaliste d’uncôté comme de l’autre, n’est pas un «choix»idéologique pour les prolétaires; ce sera lerésultat d’une lutte qui commence inévita-blement sur le terrain immédiat de la défen-se exclusive des intérêts prolétariens; c’estsur ce terrain que naît la solidarité de classe,que naît l’union des prolétaires pour unelutte d’ensemble plus large contre toutesles forces de la conservation sociale.

Ce n’est pas en retournant à l’écono-mie dite «planifiée» ni en accélérant l’éco-nomie «de marché», que les prolétairespeuvent trouver une solution aux problè-mes de leurs conditions matérielles de vieet de travail. Dans l’ancienne URSS com-me dans la nouvelle démocratie ukrainien-ne, l’économie n’a jamais été autre choseque capitaliste et le pouvoir bourgeois.L’ennemi fondamental est le même, la clas-se dominante qui représente le capital avecses usines, ses banques, ses commerces,son Etat, sa police!

Sous tous les cieux, en Ukraine commeen Syrie, en Europe comme en Chine, enRussie comme aux Etats-Unis, le proléta-riat n’a pas d’autre alternative que la luttecontre toutes les forces, bourgeoises et pe-tite-bourgeoises, qu’elles soient démocrati-ques, laïques, chrétiennes ou islamiques,qui défendent l’ordre bourgeois. Dans laluttecontre l’exploitation, leprolétariat trou-vera comme il l’avait trouvé lors de sonpassé glorieux de révolutions depuis 1848,la voie de la lutte de classe. L’histoire n’estpas pressée, même si depuis trop de décen-nies les prolétaires du monde entier sontsoumis à des souffrances sans nombre pourfinir par être immolés au dieu capital.

14/9/2014

(1) http://ndilo.com.ua/news/u-viyisku-rozpochavsja-bunt.html, e http://ukrainean-tifascistsolidarity. wordpress.com/2014/05/

30/beginning-of-rebellion-in-the-ukrainian-army/

(2)http://ukraineantifascistsolidarity.wordpress.com/2014/06/02/soldiers-relati-ves-protests-spreading-in-ukraine/ e anchehttp://www.aitrus.info/node/3875/ attra-verso http://libcom.org/forums/news/pro-test-ukraine-02122013? page= 11#com-ment-541714

(3) http://liva.com.ua/miner-war.html,attraverso http://ukraineantifascistsolidari-ty. wordpress.com/2014/05/30/donetsk-mi-ners-strike-against-war-eyewitness-account,oltre a http://www.marxist.com/donetsk-mi-ner-strike.html

favorable au régime de Damas.Le clan Barzani qui dirige le PDK a une

longue histoire de bons rapports avec l’impé-rialisme occidental et Israël; il a tissé desliens étroits avec la Turquie et il soutientl’opposition au régime syrien. En 2011 lePDK a constitué le CNK, qui regroupe lespartis kurdes syriens partisans de la rébellioncontre Damas.

Le PYD/PKK reproche au CNK d’avoirabandonné la revendication d’autonomie duRojava pour s’allier avec les rebelles (qui ysont hostiles); et il l’accuse d’être aux ordresde la Turquie. Diverses tentatives d’accord,non suivies d’effet, ont eu lieu entre le PYD/PKK qui domine sur le terrain en raison deson organisation militaire, et le CNK.

(10) cf Le Monde, 7/9/2014(11) http://syriahr.com/en/2014/10/553-

air-strikes-by-regime-warplanes-around-sy-ria/

(12) http://www.al-monitor.com/pulse/politics/2014/07/iraq-crisis-israel-welcome-kurdish-state-us-turkey.html

(13) Voir le communiqué du TCK (Mou-vement de la Jeunesse Kurde) qui appelait àune «révolution» contre le PYD:

https://syriafree domforever. wordpress.com/2013/06/23/statement-by-the-kurdish-youth-movement-tck-about-the-latest-events-in-the-city-of-amouda-and-videos-and-pictures-from-the-protests-and-sit-ins/

(14) OCL, tract du 3/10/14. L’OCL used’une périphrase pleine de tact pour parler duPKK: «les mouvements de la gauche kur-de»....

(15) Selon Le Monde du 12-13/14, il n’yavait plus à cette date que 7 à 800 civils àKobané sur une population initiale d’environ50.000.

(16) cf «Thèses sur la question nationaleet coloniale», IIe Congrès de l’IC, Moscou,juillet 1920.

(17) cf Jacques Droz, «Histoire généralesu socialisme», PUF 1977, Tome 3, p. 324.

Page 5: LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 1pcint.org/40_pdf/03_LP-pdf/501-600/lp-513-w.pdf · 2 LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 ( Suite de la page 1 ) «le NPAsalue

5LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014

A bas la guerre impérialiste en Irak et en Syrie !Début août le gouvernement américain

décidait le déclenchement d’une «actionhumanitaire» limitée – sous forme de bom-bardements! – en Irak, après une campa-gne internationale de mobilisation de l’opi-nion publique à propos des minorités yazi-dis et chrétiennes qui auraient été mena-cées de «génocide» par l’avancée des re-belles Islamistes de «l’Etat Islamique enIrak et au Levant» (plus connus sous lesigle anglais ISIS).

Aujourd’hui, personne ne parle plus desYazidis ni des Chrétiens, c’est le sort desKurdes qui est utilisé pour la propagandebelliciste; l’opération «humanitaire» s’esttransformée en une véritable guerre, pourl’instantessentiellement aérienne.Les Etats-Unis en sont de très loin la principale forcemilitaire: ils ont effectué plus de 200 bom-bardements en Irak, des dizaines en Syrie etenvoyé plusieurs centaines de soldats enIrak (d’où ils s’étaient complètement reti-rés en 2011); mais ils ont réussi à formerautour d’eux une large coalition internatio-nale: selon eux, une quarantaine de pays enferaient partie, mais comme ils n’ont pasdonné la liste cela jette quelques doutes surcette affirmation.

Le gouvernement français, lui, avait tenuà manifester avec le maximum d’éclat saparticipation à l’intervention américaineen étant le deuxième pays à effectuer desbombardements en Irak contre ISIS (ce quia entraîné de la part de cette organisation,qui ne possède aucun avion pour bombar-der la France, un appel à tuer des citoyensfrançais dont un touriste en Algérie a été lamalheureuse victime). Les gouvernementscanadiens, hollandais, australiens, suivispar ceux de la Grande-Bretagne, de la Bel-gique et du Danemark ont eux aussi décidéde participer à la guerre aérienne, de mêmeque les gouvernements de Jordanie, d’Ara-bie Saoudite, des Emirats et du Qatar.D’autres pays qui ont rejoint la coalitioninternationale ont annoncé l’envoi d’ar-mes, comme l’Allemagne et l’Italie. L’Es-pagne a résolu de ne pas participer auxcombats, mais elle a décidé de fournir une«aide logistique». Sans faire partie de lacoalition la Russie qui était invitée à laconférence internationale de la mi-septem-bre pour mettre celle-ci sur pied, a annoncéqu’elle fournirait une «contribution»à l’en-gagement militaire international (elle en-voie déjà depuis quelques mois des armesau gouvernement de Bagdad).

Même si à ce stade il n’est pas questionpour les différents Etats participant à lacoalition d’envoyer des troupes combattreau sol, la France, le Canada, l’Allemagne, laGrande-Bretagneont, commeles Etats-Unis,envoyé, parfois depuis «plusieurs semai-nes», des «conseillers militaires» et autres«forces spéciales» en Irak pour entraîner etencadrer les combattants anti-islamistes,Kurdes ou non.

UNE INTERVENTIONUNIQUEMENT MOTIVÉE

PAR DE SORDIDES INTÉRÊTSIMPÉRIALISTES,

NON PAR DE PRÉTENDUSSOUCIS « HUMANITAIRES »

DÉSINTÉRESSÉS

L’intervention militaire a été justifiéepar les atrocités commises par ISIS dans lesrégions où il est présent (et dont il n’a pashésité à publié parfois des vidéos sur inter-net): massacre de prisonniers y compris ci-vils, décapitation d’otages, etc.; la terreurqu’il veut inspirer est une des armes d’ISIS,mais elle est utilisée aujourd’hui contre luiafin de susciter l’adhésion à l’interventionmilitaire: toute guerre a besoin de brandirdes victimes innocentes, vraies ou fausses,pour se justifier.

Mais jusqu’à la dernière période, tantqu’elles avaient lieu en Syrie (où ISIS les aperpétrées dès sa création), ces atrocitésn’émouvaient pas la bonne conscience desimpérialistes occidentaux, bonne conscien-

ce qui n’est pas davantage émue par lescrimes et les exactions commises par lerégime de Bagdad qui s’appuie sur de véri-tables commandos de la mort pour mainte-nir son autorité par la terreur!

Tout a changé au début de cet été, quandles combattants d’ISIS, appuyés par descadres militaires et des forces Baathistes del’ancien régime de Saddam Hussein, ont misen déroute l’armée régulière irakienne, etfait peser une menace directe sur Bagdad.La chute du régime mis en place après laguerre victorieuse de l’administration Bushet à l’ombre duquel ils ont eu accès aupétrole irakien, était hors de question pourles Etats-Unis: c’est cela qui les a décidéd’intervenir militairement, et non une pré-tendue pression de leur «opinion publique»qui n’est jamais autre chose qu’une créationdes medias.

Le gros des gisements pétroliers ira-kiens, exploités par des sociétés américai-nes (Exxon…), britanniques (BP, Shell),russes (Lukoil…), italiennes (ENI), fran-çaises (Total) et chinoises (PetroChina…),se trouve dans le sud, en région chiite, oùISIS et ses alliés sunnites n’ont guère dechances de pénétrer. Mais une partie nonnégligeable est situé dans la région du nordautour de Mossoul, que les nationalistesKurdes revendiquent depuis longtemps vis-à-vis de Bagdad; agrandissant de près de40% leur territoire, ils l’ont en partie occu-pée en profitant de la débâcle de l’arméeirakienne et ils veulent maintenant la dé-fendre contre les bourgeois sunnites ralliésà ISIS. Par ailleurs le gouvernement auto-nome du Kurdistan avait récemment déci-dé, contre l’avis de Bagdad, d’accorder desconcessions aux grandes firmes pétrolièresoccidentales, notamment aux «majors»américaines Exxon et Chevron et à la fran-çaise Total. En livrant des armes aux com-battants kurdes (appuyant de facto l’indé-pendantisme kurde) (1), les Américains etles Français protègent les intérêts de leursgrandes sociétés pétrolières! (2)

D’autre part, ni les grands impérialismesni les Etats de la région, ne voient d’un bon

il la remise en cause des frontières issuesde la colonisation et du partage impérialistedumonde, parungroupe« incontrôlé »com-me ISIS, qui a repris la vieille chimère dunationalisme arabe version Baath d’uneunion entre la Syrie et l’Irak, en la repei-gnant aux couleurs de l’Islam radical.

RECOMPOSITIONS EN COURSAU MOYEN-ORIENT

L’accord conclu l’été dernier sous l’égi-de de la Russie pour l’élimination des armeschimiques du régime syrien avait marqué untournant dans la politique américaine: ilsignifiait qu’étant donné son échec à trouverou mettre sur pied une force politique fiableparmi les rebelles, la chute du régime ElAssad comportait, pour l’administrationObama, trop de risques pour la stabilité del’ordre impérialiste régional.

Les rebelles syriens sont divisés en mul-tiples groupes armés plus ou moins autono-mes ou plus ou moins regroupés dans des«fronts» divers, selon les subsides reçus debourgeois locaux ou des pays voisins et desimpérialistes, certains vivant de rapines,d’extorsions ou de contrebande. Les paysarabes du Golfe ont au départ financé lesdivers groupes les plus islamistes tandis quela Turquie leur accordait une aide, tout celasous l’ il de Washington. Derrière leursréférences réactionnaires communes à lareligion et à la loi islamiques, et en s’ap-puyant sur la haine suscitée par le sanglantrégime de Damas, tous ces groupes ne dé-fendent en fait que des intérêts bourgeoisparticuliers et souvent rivaux; par exempleISIS a dû son succès en grande partie au faitqu’il a réussi à se financer en s’assurant pardivers moyens le contrôle d’une partie de laproduction et de la contrebande du pétrolesyrien vers la Turquie. Aucun de ces grou-pes ne mérite le soutien des prolétaires dont

ils sont en réalité les ennemis tout aussirésolus que l’Etat syrien. Les efforts conti-nuels (en argent comme en armements) desAméricains (appuyés par les Français, lesBritanniques et autres impérialismes) pourregrouper quelques uns de ces groupes dansune «Armée Syrienne Libre» à leur botte etpour recruter parmi les politiciens syriensdans l’immigration une force politique «is-lamiste modérée» jouissant d’un minimumde crédibilité en Syrie, ont été des échecsrépétés. Au point que la pro-américaineASL (qui sur le terrain fait figure de vérita-ble mafia) non seulement a reculé par rap-port aux forces du régime, non seulement aété en butte à la concurrence d’autres orga-nisations rebelles plus dynamiques, maispour résister aux attaques de la nouvelleorganisation qui a pris le nom d’ISIS, elle apassé une alliance avec un puissant groupeislamiste, le Front Al Nosra, qui se revendi-que ouvertement d’Al Qaïda, l’ennemi n°1des Etats-Unis!

Les dizaines de bombardements desAméricains et de leurs alliés en Syrie contredes positions d’ISIS et aussi d’Al Nosra (3),témoignent que l’ennemi de l’impérialismeaméricain en Syrie n’est plus le régime deBachar El Assad, pourtant coupable de bienplus de crimes et des massacres que lesIslamistes: nouvelle démonstration que cen’est jamais le sort des populations qui dé-termine l’action des impérialistes et desbourgeois de tous les pays!

A travers l’instabilité présente, qui estle fruit tant de la crise économique que desféroces rivalités inter-bourgeoises, des réa-lignements de force sont à l’oeuvre auMoyen-Orient: l’impérialisme américainesquisse un rapprochement avec l’Iran qu’ilmenaçait de bombardements il n’y a pas silongtemps, la Turquie, après avoir utiliséISIS, se prépare à envahir une partie de laSyrie pour y établir une «zone-tampon»,Israël qui refuse toute autodéterminationdes Palestiniens, se déclare en faveur del’indépendance des Kurdes, etc. En raisonde ses ressources en pétrole, mais aussi desa position géostratégique, la région estd’importance cruciale pour le capitalismemondial; et tant que subsistera ce dernierelle est condamnée à être le théâtre deviolents heurts d’intérêts débouchant fata-lement sur des guerres, «locales» ou plusgénérales, dont les populations sont lesvictimes. En plus des morts et blessés dansles combats et les bombardements, descentaines de milliers de personnes fuyantles affrontements ont dû quitter ces derniè-res semaines leur lieu de résidence pour seréfugier en Turquie ou dans d’autres par-ties de l’Irak; ils s’ajoutent aux centainesde milliers de réfugiés syriens qui ont trou-vé un refuge plus que précaire au Liban, enJordanie ou ailleurs. Inutile de dire que lesort tragique de ces réfugiés condamnés àune misère noire ne tracasse pas les bour-geois…

SEULE LA GUERRE DE CLASSEPEUT S’OPPOSER

À LA GUERRE BOURGEOISE !

Les gouvernements appellent la popula-tion en général et les prolétaires en particu-lier à une «union nationale» en soutien àl’intervention militaire en cours, reprenantpresque mot pour mot les vieux discoursutilisés il y a un siècle, lors de la premièreguerre mondiale. Chacun sait que ces appelsgrandiloquents à l’ «union sacrée» pour dé-fendre la «patrie» ne servaient qu’à appelerles travailleurs à se sacrifier pour défendreles sordides intérêts de «leurs» exploiteurs,de «leur» capitalisme national. Les révolu-tionnaires bolcheviks dénoncèrent le men-songe de la «défense de la patrie»; appelantau «défaitisme révolutionnaire», ils repri-rent le mot d’ordre du socialiste allemandLiebknecht: le véritable ennemi des prolé-taires est dans leur patrie, c’est la classedes capitalistes; c’est contre eux qu’il fautlutter, c’est le capitalisme qu’il faut abattre

par la révolution.De ce point de vue rien n’a changé

aujourd’hui. L’ennemi des prolétaires n’estpas un nébuleux «terrorisme» dont il fau-drait se protéger par des interventions mili-taires et des guerres (pendant des annéesselon lePremier ministre britannique Came-ron) sur d’autres continents et par des mesu-res répressives ici ; c’est «leur»propre bour-geoisie, «leur» propre capitalisme, cent foisplus coupables et criminels que tous les«djihadistes» réunis. Depuis son apparition,le capitalisme a mis la planète à feu et à sang,semant la misère et la destruction pour satis-faire sa soif de profits, provoquant des mortspar dizaines et dizaines de millions dans desguerres, tout en menant sans interruptionune guerre sociale contre ses prolétaires.Aujourd’hui il leur inflige des politiquesd’austérité, il les jette à la rue et les livre auxbrutalités et crimes policiers, pour tenter derestaurer sa santé économique chancelante ;les appels à l’union nationale pour la guerre,ne sont que le pendant des appels à l’unionnationale pour la guerre économique. Et si leprolétariat ne réussit pas à l’arrêter avant, lecapitalisme plongera inévitablement l’hu-manité dans une troisième guerre mondiale,encore plus destructrice que les précéden-tes, pour surmonter ses contradictions inter-nes qu’il a de plus en plus de difficultés àcontrôler.

Pour l’arrêter, il n’existe qu’une seulevoie, celle indiquée par le marxisme et partoute l’histoire du mouvement ouvrier: lavoie de la reprise de la lutte de classe, del’organisation indépendante de classe, dela constitution du prolétariat en classedonc en parti (Le Manifeste Communis-te) pour diriger la lutte prolétarienne jus-qu’à la victoire de la révolution commu-niste internationale et l’instauration dupouvoir dictatorial du prolétariat, étapenécessaire pour éradiquer le capitalismemondial.

C’est cette voie qu’il faut préparer encommençant par refuser toute union na-tionale avec les capitalistes et leur Etat,tout sacrifice pour les intérêts de l’écono-mie bourgeoise, toute renonciation à ladéfense exclusive des intérêts prolétariens,tout appui aux interventions militaires,toute participation aux campagnes demobilisation impérialistes, même et sur-tout quand elles se camouflent derrièredes alibis «humanitaires».

A bas la nouvelle intervention impé-rialiste au Moyen-Orient !

Non à l’unité nationale en soutien del’impérialisme !

Pour la renaissance de la lutte declasse anticapitaliste !

Pour la révolution communiste in-ternationale !

5/10/2014

(1) La politique américaine est jusqu’icila défense de l’unité irakienne ; c’est pour-quoi ils s’opposent à l’évacuation du pétrolekurde par un oléoduc turc et à sa vente sur lemarché mondial. Les intérêts turcs sont justel’inverse.

(2)Lesautorités françaisesjustifientaussileur intervention militaire par le fait que desnégociations sur de gros contrats d’arme-ments sont en cours avec l’Arabie Saoudite.On croit mourir pour la patrie, on meurtpour les marchandsdecanon (Anatole Fran-ce), disait-on déjà lors de la première guerremondiale…

(3) Des groupes rebelles pourtant finan-cés par les Américains ont condamné publi-quement ces attaques. Quant à Al-Nosra,qui accuse ISIS de ne pas vraiment combat-tre le régime de Damas et de ne pas suivreavec suffisamment de rigueur les principesislamistes ( !), il revendiquait d’être retiréde la liste américaine des organisations ter-roristes, c’est-à-dire d’être reconnu par lesEtats-Unis.

Page 6: LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 1pcint.org/40_pdf/03_LP-pdf/501-600/lp-513-w.pdf · 2 LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 ( Suite de la page 1 ) «le NPAsalue

6 LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014

Ferguson, USAUn épisode de la guerre

entre les classes

L’indignation devant ce crime fut géné-ral parmi la population et de violentes mani-festations se succédèrent pendant une dizai-ne de jours. Les autorités locales y répondi-rent par le déploiement de policiers lourde-ment armés, par l’imposition d’un couvre-feu et même l’envoi de la Garde Nationale –un corps militaire composé de réservistes –comme lors des émeutes des années soixan-te; les prêtres locaux ou nationaux (JesseJackson...), les «peacekeepers» volontaires(membres du clergé, responsables commu-nautaires, etc., collaborant avec la police) etle nouveau chef, noir, de celle-ci (qui s’étaitjoint à une manifestation pacifiste de com-mémoration organisée par les églises)n’avaient en effet pas réussi à calmer lapopulation. La police de Ferguson et lespeacekeepers (qui approuvèrent le couvre-feu) accusèrent des «éléments criminels»étrangers d’être responsables des émeutes:réaction classique en pareil cas, démentiepar le fait que la centaine de manifestantsarrêtés étaient dans leur écrasante majoritédes habitants de la ville et de ses environs.

Des milliers de personnes assistèrentaux funérailles de Michael Brown, à l’issuedesquelles un parent de la victime appela leshabitants à s’inscrire pour les prochainesélections de novembre (1), appel relayé parles peacekeepers et les démocrates locaux;il faut rappeler que le taux de participationélectorale est très faible parmi la populationnoire et pauvre, alors que les prochainesélections seront décisives pour l’adminis-tration Obama.

Au cours des semaines suivantes, démo-crates, prêtres des diverses religions et soi-disant «leaders communautaires» s’efforcè-rent de calmer la colère persistante par desmanifestations pacifistes et des actions de«désobéissance civile» (comme le ridicule«Moral Monday» – Lundi moral – à la mi-octobre). Mais la colère des jeunes et de lapopulation éclata à nouveau, et il y eut desaffrontements avec la police, le 22 octobre,lorsque des «fuites» du rapport officield’autopsie furentorganiséespour tenterd’ac-créditer la version officielle du meurtre se-lon laquelle le policier aurait abattu MichaelBrown en état de «légitime défense»!

L’ÉLECTION D’OBAMA N’A PASFAIT DISPARAÎTRE LE

RACISME

L’électiond’unprésidentDémocratenoirn’a pas changé la situation sociale aux Etats-Unis ni fait disparaître le racisme qui en estla conséquence. Ferguson n’est pas ce qu’onappelle un ghetto, mais près du cinquièmede la population, en grande partie proléta-rienne, vit en dessous du seuil de pauvreté etles habitants y sont majoritairement noirs.Les bourgeois sont par contre majoritaire-ment blancs, comme les politiciens locaux

et les policiers chargés de défendre l’ordre:pour eux les noirs font intégralement partiedes «classes dangereuses», comme on appe-lait les prolétaires au dix-neuvième siècle.Ils sont donc particulièrement victimes desbrutalités et de l’intimidation policières quisont un élément important de la dominationbourgeoise dans l’»Amérique libre».

Le drame de Ferguson n’est en effet pasun cas isolé qui aurait été causé par despoliciers particulièrement brutaux et racis-tes (bien que, à la suite des événements,plusieurs policiers aient été suspendus pourdes actes ou des propos racistes); selon lesstatistiques, un noir est tué par la policetoutes les 28 heures aux Etats-Unis (2). Lesvictimes de la police ne sont pas toutes desnoirs (42,1% sont des blancs, 31,8% desnoirs,19,7%deshispaniques, etc.) (3),mêmesi ces derniers sont proportionnellement lesplus nombreux; mais elles sont majoritaire-ment des prolétaires. La plupart du temps,les policiers ne sont pas condamnés pourleurs crimes, ou quant ils le sont, leurspeines sont en général légères: cela démon-tre que les brutalités policières sont un élé-ment normal du maintien de l’ordre bour-geois aux Etats-Unis et de la «Justice» qui lefait respecter. Les Etats-Unis sont le pays oùle taux de détention est le plus élevé aumonde (730 prisonniers pour cent mille ha-bitants) (4) et un homme noir sur dix âgé detrente ans ou plus est allé au moins une foisdans sa vie en prison. Ce taux d’emprison-nement a augmenté fortement depuis lesannées soixante-dix (il a quasiment décuplédepuis cette date, en passant de 240 000 en1972 à presque 2,3 millions en 2014) et ilcontinuerait à s’accroître (5), enmême tempsque se durcit continuellement le régime in-terne des prisons. Le budget consacré à laconstruction de prisons est depuis des an-nées devenu plus important que le budgetconsacré aux logements sociaux, au pointqu’on a pu écrire que la construction desprisons est devenue le principal programmede logement social du pays! (6).

La presse a jeté la lumière sur le harcè-lement policier à Ferguson; il se manifesteentre autres par une avalanche d’amendesdont sont frappés les plus pauvres (en 201324500 contraventionspour21000 habitants),dont le non paiement peut mener directe-ment à la prison. C’est une pratique couram-ment utilisée par les municipalités de larégion pour trouver de l’argent (7) qui cor-respond parfaitement aux principes de fonc-tionnement du capitalisme: extorquer lemaximum d’argent aux prolétaires!

LA MILITARISATIONDE LA POLICE EST LE REFLET

DE L’AGGRAVATIONDES TENSIONS SOCIALES

A l’occasion des événements de Fergu-

son, les bonnes âmes démocrates se sont ànouveau émues de la militarisation desforces de police et de «l’usage excessif dela force» par celle-ci. Après les émeutesdes Watts, une unité SWAT (Special Wea-pons and Tactics) de la police avait étécréée en 1968 à Los Angeles; dès l’annéesuivante elle fut engagée dans un combatmeurtrier contre un groupe des Black Pan-thers. Depuis les années 80 ces unités poli-cières spéciales de guerre civile se sontlentement répandues, mais le mouvements’est accéléré après les attentats de 2001. Ilen existe aujourd’hui dans 80% des villesde plus de 25000 habitants et elles sontdéployées plus de 50.000 fois par an (con-tre 3000 en 1980), à 80% pour des opéra-tions de police banales. Rien qu’en 2011plus de 500 agences de police ont été do-tées d’un véhicule blindé comme celui misen oeuvreà Ferguson.Le rapportde l’ACLU(American Civil Liberties Union) sur «lamilitarisation excessive (sic!) de la poli-ce» se lamente que «la militarisation de lapolice américaine est manifeste tant dansl’entraînement reçu par les officiers depolice qui les encourage à adopter unementalité de ‘guerrier’ et à considérer lapopulation qu’ils sont censés servir com-me des ennemis, que dans l’équipementqu’ils utilisent tels que des béliers, desgrenades étourdissantes et des véhiculesblindés. Ce changement de culture a étésoutenu par la Cour suprême des Etats-Unis (...)» (8).

Nous ne pensons absolument pas qu’il yait eu un «changement de culture» dans lapolice américaine; contrairement à ce quecroient ou veulent faire croire les démocra-tes, le rôle fondamental de la police, auxEtats-Unis comme partout, n’est pas de ser-vir ou de protéger la population, mais deservir et de protéger un ordre politique,économique et social bien précis – le capita-lisme. Et d’ailleurs la militarisation de lapolice n’est pas un phénomène spécifiqueaux Etats-Unis!

Certes à certains moment, à certainesépoques et dans certains pays, la policeprésente un visage plus «humain», elle s’af-firme «proche de la population» (commepar exemple le traditionnel «bobby» londo-nien non armé), mais c’est toujours pourjouer le même rôle et servir les mêmesintérêts bourgeois. La domination de la clas-se bourgeoise et du mode de productioncapitaliste repose sur la violence, y comprisquand cette violence est à l’«état potentiel»,c’est-à-dire quand elle n’apparaît pas alorsouvertement (sinon dans des «faits divers»)mais s’exprime dans la loi avec tout l’appa-reil juridique et policier nécessaire pour lafaire respecter.

La «culture» policière varie en fonctionde la gravité des tensions sociales: nousavons vu que les premières unités SWATont été créées après la série d’émeutes desannées soixante dans les quartiers noirs.Les réformes entreprises alors, dans unepériode de prospérité économique, pouréliminer les formes les plus intolérables etles plus archaïques de la ségrégation racia-le et pour créer une middle class noire, ontsans conteste fait baisser la tension; maiselles n’ont pu faire disparaître le racismequi est historiquement lié au développe-ment du capitalisme américain, et encoremoins faire disparaître les inégalités socia-les engendrées par le capitalisme. Celles-cin’ont cessé de se creuser depuis les annéesReagan, et le phénomène s’est accélérédepuis la dernière crise. Les bourgeois, quien sont bien conscients, ont utilisé le pré-texte de la «guerre contre le terrorisme»pour mettre en place des mesures de guer-re contre les prolétaires.

D’après l’OCDE, les Etats-Unis sont,juste après le Chili, le pays où les inégalitéssont les plus fortes! (9). Selon l’économis-te Thomas Piketty «l’inégalité des revenusaux Etats-Unis est probablement plus gran-de que dans toute autre société à n’importequel moment de l’histoire et n’importe oùdans le monde» (10). Le taux de pauvretéest le plus élevé des pays capitalistes lesplus développés (17,1% contre 11% en

Allemagne, 8,3% en Grande-Bretagne,7,1% en France, etc. ); et s’il y a en chiffresabsolus plus de pauvres blancs, les noirssont proportionnellement plus nombreux(11). Les salaires réels des 20% des tra-vailleurs les moins bien payés sontaujourd’hui inférieurs à ce qu’ils étaient en1973 (12), et l’écart de revenu moyen entreblancs et noirs (proportionnellement plusnombreux par mi les travailleurs mal payés)qui s’était un peu réduit au fil des années,est redevenu proche de ce qu’il était il y a50 ans (13). Le taux de chômage des noirsest nettement supérieur à celui des blancs:12,2% contre 5,6% en juillet de cette an-née. A Ferguson, où le nombre de pauvresa doublé dans la ville depuis une dizained’années et où les travailleurs ayant encoreun emploi auraient vu leurs revenus baisserd’un tiers depuis l’éclatement de la crise de2007, il est de 26% (14).

Les démocrates de tout poil se lamententque l’usage «excessif» de la force par lapolice creuse le fossé entre celle-ci et lapopulation; ils proposent diverses mesurespour que le police soit effectivement auservice et sous le contrôle des citoyens, touten appelant les manifestants à obéir à cettepolice meurtrière et en s’efforçant de dé-tourner la colère des masses et des jeunesvers l’impasse électorale: ils ne font queservir le capitalisme dont la police est l’ins-trument. Mais à Ferguson ils n’ont pas puempêcher les manifestations et les affronte-ments avec la police. Parlant de ces gens, unjeune manifestant a déclaré à un journaliste:«Ils sontdescendus iciavec leur: ‘Oh, soyonspacifiques. Prions, marchons, votons.’ Maisnous avons diablement besoin de nous ré-volter, jusqu’à ce que nous obtenions ce quenous voulons. De leur mettre la pressionjusqu’à ce que nous obtenions ce que nousvoulons. Nous avons besoin d’être prêts àmourir pour ça. (...). Combattre jusqu’à lamort parce qu’ils sont de toute façon entrain de nous tuer (...). Vous pouvez voterpour qui vous voulez, il n’y aura pas detravail (...). Peu importe pour qui vous vo-tez, le système ne changera pas. C’est lesystème lui-même qu’il faut changer» (15).

Les tragiques événements de Fergusonsont un épisode dans la guerre de classepermanente que la classe dominante mènecontre les prolétaires et les masses exploi-tées, aux Etats Unis comme partout. Lesjeunes de la ville ont donné l’exemple qu’ilétait possible d’y répondre par la révolte; ilsont transformé du coup ce qui aurait purester un tragique fait divers dans une ban-lieue reculée, en un événement politiquenational.C’est ladémonstration queles bour-geois craignent que l’inexorable aggrava-tion des tensions sociales transforme peu àpeu les Etats-Unis en un baril de poudre. Lesjeunes manifestants de Ferguson ont com-pris que la voie de la résignation, des protes-tations pacifiques et des élections ne mène àrien. Ce sont les faits qui le démontrent etqui démontrent la nécessité de la révolte.

Ce sont les faits qui démontreront aussila nécessité de l’organisation ce classe et duparti révolutionnaire pour organiser et diri-ger la lutte pour changer le système. Lors-que les prolétaires en seront convaincus,alors ce ne sera plus l’heure des émeutes,des révoltes isolées, mais celle de la révolu-tion qui sonnera. Nous n’en sommes pasencore là, mais c’est cette perspective qu’in-dique Ferguson.

Le 9 août à Ferguson, une petite ville de la banlieue de Saint Louis, un policier tuaitde 6 balles Michael Brown, un jeune noir désarmé levant les mains en l’air qui avait eule tort de ne pas répondre à son injonction de marcher sur le trottoir. Le cadavre deMichael Brown fut laissé plusieurs heures dans la rue, comme celui d’un chien, sansmême que ses parents puissent s’en approcher.

(1) A la suite de cet appel, la presse annon-ça que plus de 3000 nouveaux électeurss’étaient inscrits en un mois sur les listesélectorales. Mais le chiffre réel se révéla êtrede seulement... 123! Les sirènes démocrati-ques n’ont pas réussi à convaincre la popula-tion prolétarienne de Ferguson que la solutionà ses problèmes se trouve dans les urnes et queles Démocrates d’Obama sont leurs amis.

(2) cf «Operation Ghetto Storm»,www.mxgm.org. Les auteurs de ce rapportaffirment que le chiffre réel est probablementd’un mort toutes les 24 heures, car ils n’ont puavoir la confirmation de dizaines d’autres casde meurtres policiers.

Page 7: LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 1pcint.org/40_pdf/03_LP-pdf/501-600/lp-513-w.pdf · 2 LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 ( Suite de la page 1 ) «le NPAsalue

7LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014

ne veulent plus vivre comme par le passé»(Lénine, La Maladie infantile...), c’est-à-dire quand la classe dirigeante n’arrive plusà faire fonctionner son appareil d’oppres-sion et de répression, et que la majorité destravailleurs a «parfaitement compris la né-cessité de la révolution» (Lénine, ibidem).Mais cette conscience des travailleurs nepeut s’exprimer que dans le parti de classe,qui est en définitive le facteur déterminantde la transformation de la crise bourgeoiseen bouleversement révolutionnaire de toutela société. Il est nécessaire qu’existe unorgane de pensée etd’action révolutionnairecollective qui entraîne et éclaire la volontésubversive des masses pour que la sociétésorte du marasme dans lequel elle est plon-gée, ce que la classe dominante est incapablede faire parce qu’elle est incapable de dé-couvrir les formes nouvelles aptes à libérerles forces productives et à les diriger vers denouveaux développements. Le «ne plus vou-loir vivre comme par le passé» des masses,c’est-à-dire leur volonté de lutte, leur désird’agir contre l’ennemi de classe, présuppo-sent la cristallisation, parmi l’avant-gardeprolétarienne appelée à jouer le rôle deguide des masses révolutionnaires, d’unesolide théorie révolutionnaire. Dans le parti,la conscience précède l’action, à la diffé-rence ce qui se passe dans les masses etchez les individus.

Mais si nous affirmons ces positions ninouvelles, ni rénovées, serait-ce parce quenous voudrions remplacer le parti révolu-tionnaire par un cénacle de penseurs, dethéoriciens observateurs de la réalité socia-le? Absolument pas. Au point 7 de la partieIV des Bases pour l’organisation de 1952, ilest écrit: «bien que peu nombreux et n’ayantque peu de liens avec la masse du proléta-riat, et bien que toujours jalousement atta-ché à sa tâche théorique comme une tâchede premier plan, le parti refuse absolumentd’être considéré comme un cercle de pen-seurs ou de simples chercheurs en quête devérités nouvelles, ou qui auraient perdu lavérité d’hier en la considérant comme insuf-fisante...». Difficile d’être plus clair!

La transformation de la crise bourgeoiseen guerre de classe et en révolution présup-pose la désagrégation matérielle de l’assisesocialeet politique du capitalisme; mais cecin’est possible, même potentiellement, quesi la majorité des travailleurs est gagnée ouinfluencée par la théorie révolutionnaire in-carnée dans le parti, théorie qui ne s’impro-vise pas sur les barricades. Cette théorie seformerait-elle alors dans le silence des cabi-nets de travail de chercheurs coupés desmasses? Il est facile de répondre à cettestupide accusation lancée par les enragés de

l’activisme. Le travail infatigable et assidude défense du patrimoine théorique et criti-que du mouvement, l’effort quotidien pourimmuniser le mouvement ouvrier contre lespoisons du révisionnisme, l’explication sys-tématique à la lumière du marxisme desformes les plus récentes d’organisation dela production capitaliste, la réfutation destentatives de l’opportunisme pour faire pas-ser ces «innovations» pour des mesures an-ticapitalistes, etc., tout cela c’est une lutte,une lutte contre l’ennemi de classe, une luttepour éduquer l’avant-garde révolutionnaireet, si on veut, une lutte active quoique nonactiviste.

Alors que tout le gigantesque appareilde propagande bourgeois est occupé dumatin au soir, non pas tant – notons-le – àréfuter les thèses révolutionnaires, qu’àdémontrer qu’il est possible d’arriver auxrevendications socialistes en suivant unevoie opposée à celle de Marx et de Lénine,et que non seulement des partis politi-ques, mais des gouvernements constitués,jurent de gouverner, c’est-à-dire d’oppri-mer les masses, au nom du communisme,croit-on vraiment que le difficile et péni-ble travail de restauration critique de lathéorie révolutionnaire ne soit qu’un tra-vail purement théorique? Qui oserait direque ce n’est pas aussi un travail politique,une lutte contre l’ennemi de classe? Seulsceux qui sont possédés du démon de l’ac-tion activiste peuvent le prétendre. Enoeuvrant dans sa presse, dans ses réu-nions, dans les discussions d’usine, à libé-rer la théorie révolutionnaire des défor-mations inouïes provoquées par les conta-minations opportunistes, notre mouve-ment, si réduit en nombre qu’il soit, ac-complit ainsi une tâche révolutionnaire, iltravaille pour la révolution prolétarienne.

Il est absolument faux de dire que nousconcevons la tâche du parti comme étantune «lutte d’idées». Le totalitarisme, le ca-pitalisme d’Etat, la défaite de la révolutionsocialiste en Russie, ne sont pas des «idées»auxquelles nous opposerions les nôtres: cesont des phénomènes historiques réels quiont brisé les reins du mouvement ouvrier enle conduisant sur le terrain miné de la luttede partisans antifascistes ou profascistes, del’union nationale, du pacifisme, etc.

Ceux, même peu nombreux et se tenantà l’écart des clameurs de la «grande politi-que», qui mènent un travail d’interprétationmarxiste de ces phénomènes réels et de laconfirmation qu’ils apportent, malgré eux,aux prévisions marxistes (et il ne nous sem-ble pas qu’une étude sérieuse de ces problè-mes existe en dehors des exposés fonda-mentaux de notre revue Prometeo, commeen particulier l’étude sur Propriété et Capi-tal) (3), ceux-là font assurément un travail

révolutionnaire, parce qu’ils fixent dèsaujourd’hui l’itinéraire et le pont d’arrivéede la Révolution prolétarienne.

Pourdevenir effective, la reprisedumou-vement révolutionnaire n’a pas besoin de lacrisedu systèmecapitaliste, en tant qu’éven-tualité potentielle: la crise du mode deproduction capitaliste est en acte; la bour-geoisie a déjà parcouru toutes les phasespossibles de son cycle historique, le capita-lisme d’Etat et l’impérialisme étant la limiteextrême de son évolution. Mais les contra-dictions fondamentales de son système n’ontpas disparu, elles s’aggravent au contraire.Si la crise du capitalisme ne se transformepas en crise révolutionnaire de la société, enguerre de classe révolutionnaire, si la con-tre-révolution reste triomphante bien que lechaos capitaliste augmente, c’est parce quele mouvement ouvrier est encoreécrasé sousle poids des défaites subies depuis trente ansà cause des erreurs stratégiques commisespar les partis communistes de la TroisièmeInternationale, erreurs qui ont conduit leprolétariat à faire siennes les armes de lacontre-révolution.La reprisedu mouvementrévolutionnaire n’a pas encore eu lieu parceque la bourgeoisie, procédant à des réfor-mes audacieuses dans l’organisation de laproduction et de l’Etat (capitalisme d’Etat,totalitarisme, etc...) et semant le doute et laconfusion, a réduit en miettes, non pas lesbases théoriques et critiques du marxismequi restent intactes et inattaquables, mais lacapacité des avant-gardes prolétariennes àles appliquer correctement à l’analyse de laphase bourgeoise actuelle.

Dans de telles circonstances de confu-sion théorique, le travail de restauration dumarxisme contre les déformations opportu-nistes est-il un simple travail intellectuel?Non, c’est une lutte active, effective etconséquente contre l’ennemi de classe.

L’activisme fanfaron prétend fairetourner la roue de l’histoire avec des toursde valse réglés au son de la symphonieélectorale. C’est une maladie infantile ducommunisme, mais qui prolifère aussi àfoison dans les asiles de vieillards oùvégètent les... retraités du mouvementouvrier. Qu’ils reposent en paix...

(1) La première partie de cet articled’Amadeo Bordiga a été publié sur le n°précédent du Prolétaire.

(2) Les «Bases pour l’organisation(1952)» ont servi de document de sépara-tion avec le courant Daméniste. Elles ont étépubliées ensuite, avec quelques modifica-tions mineures de rédaction, comme «Thè-ses caractéristiques du parti». cf «Défensede la continuité du programme communis-te», Textes du Parti Communiste Internatio-nal n°7.

(3) «Propriété et Capital» a été republiéin extenso sur les n° 97 à 101 de ProgrammeCommuniste n°

Act iv isme (2)Battaglia Comunista n°7 (13e année, 4-17 avril 1952)

( Suite de la page 1 )

Une victoire du trotskisme municipal à SeattleA la fin de l’année 2013, la candidate de

Socialist Alternative (SAlt) a remporté, à lamajorité absolue, un des neuf sièges du con-seil municipal de Seattle, contre un candidatparticulièrement réactionnaire du Parti Démo-crate. Ville portuaire de la côte est américainede 600.000 habitants, qui possède de nom-breuses industries, et dont le principal em-ployeur est Boeing, Seattle est un bastion duparti Démocrate. SAlt est une organisationtrotskiste, membe du Comité pour une Inter-nationale Ouvrière. Les différentes sectionsdu CIO se sont enthousiasmées pour cettevictoire électorale (1).

CRÉTINISME ÉLECTORALCONTRE LUTTE DES CLASSES

SAlt a mené une campagne électorale trèsactive autour de trois axes: la revendicationd’un salaire minimum de 15$ de l’heure, «ledroit de disposer d’un logement abordable etd’un contrôle des loyers» et «l’instauration

d’une taxe sur les millionnaires pour financerle transport en commun et l’enseignement».C’est la revendication salariale qui a été auc ur de la campagne (2).

La revendication d’une hausse du salai-re minimum aux Etats-Unis, bloqué à 7,25 $depuis 2007, a été mise au premier plan pardes grèves des employés des Fast food et dela grande distribution; elle a été reprise parle président Obama qui projetait de porterprogressivement le salaire minimum à 10,10$ et par le Parti Démocrate dont il faitpartie. Les candidats démocrates à la mairiede Seattle (il n’y avait pas de candidatsrépublicains), ont également mis cette pro-messe dans leurs plate-formes électorales(3). Les maires et conseils municipaux dé-mocrates de San Francisco, de Chicago etde Los Angeles soutiennent également cetype de mesure (4).

Si l’augmentation du salaire minimumest combattue par certaines grandes entre-prises comme Wall-Mart qui en 2013 avait

obtenu de la marie de Washington qu’ellerenonce à son décret municipal fixant unsalaire minimum de 12,50 $ pour les gran-des entreprises, elle est soutenue par cer-tains milieux capitalistes au nom de labonne marche des affaires. Une augmen-tation du salaire minimum est sans con-teste une avancée pour les travailleurspayés à ce tarif, mais il faut cependantsavoir qu’ils ne représentent que 5% en-viron des salariés. D’autre part une aug-mentation de ce salaire minimum peutégalement être bénéfique pour les capita-listes. Un salaire minimum permet de fi-déliser la main d’ uvre (en évitant ainsiles coût lié à la formation et au recrute-ment) et d’améliorer la productivité. C’esten tout cas ce qui fait dire au patron de lachaîne d’habillement Gap qu’une aug-mentation de salaire «sera directementbénéfique à l’entreprise, et nous nous

( Suite en page 8 )

(3) cf http://www.lemonde.fr/les-deco-deurs/visuel/2014/08/21/ferguson-produit-d-u n e - l o n g u e - h i s t o i r e - d e - b r u t a l i t e s -policieres_4474169_4355770.html

(4) cf http://www.hrw.org/fr/world-re-port-2010/tats-unis

(5) L’augmentation du nombre de per-sonnes emprisonnées est la conséquence del’aggravation continuelle de la législation.En 1995, selon une nouvelle loi passée enCalifornie («Three Strike Law»), LeandroAndrade a été condamné à 50 ans de prisonpour vol de 9 video-cassettes; on pourraitmultiplier ces exemples révoltants, y com-pris pour des condamnations à des peinesincompressibles de prison à vie (dont lenombre a été multiplié par 4 en vingt ans etqui concernent à 80% des noirs). Ce genrede jugements n’a rien à voir avec les princi-pes classiques de la «justice», selon les-quels la peine doit être proportionnée audélit; il s’agit purement et simplement deterroriser la population pauvre dans le ca-dre de la «guerre contre le crime», qui faiten réalité partie de la guerre des classes.

L’augmentation de l’emprisonnement estune source de profits pour une série d’entre-prises spécialisées dans la construction et lagestion de prisons privées, etc. (au pointqu’il y a eu un cas où des juges corrompusont été grassement payés par ces sociétéspour envoyer le maximum de gens en pri-son!), mais elle coûte cher aux finances pu-bliques. C’est pourquoi dans plusieurs Etatsdes décisions de justice ont récemment im-posé une diminution du nombre de person-nes emprisonnées, ce qui a provoqué unelégère baisse du taux d’incarcération en 2013;mais ces décisions sont peu respectées ou ontété rejetées par la Cour suprême, comme enCalifornie. Voir: http://www.bjs.gov/content/pub/pdf/jim13st.pdf

(6) cf http://www.persee.fr/web/revues/h o m e / p r e s c r i p t / a r t i c l e / a r s s _ 0 3 3 5 -5322_1998_num_124_1_3261

(7) cf «Coupables d’être pauvres», LeMonde, 8/10/2014. Après les événementsde Ferguson le tribunal municipal de StLouis a décidé le 1/10 de supprimer 220.000mandats d’arrêt pour des infractions au codede la route...

(8) «War comes home. The ExcessiveMilitarization of American Policing»,ACLU, 1/06/2014. www.aclu.org/sites/de-fault/files/assets/jus14-warcomeshome-re-port-web-rel1.pdf

(9) Selon le «coefficient de Gini» (l’in-dice le plus utilisé pour mesurer les inégali-tés), parmi les 31 pays appartenant àl’OCDE. cf http://www.pewresearch.org/fact-tank/2013/12/19/global-inequality-how-the-u-s-compares/

(10) http :/ /scalar.usc.edu/works/growing-apart-a-political-history-of-ameri-can-inequality/index.

(11) Le taux de pauvreté est plus grandque dans les années 70 et si l’écart s’est réduit,il reste 2 fois plus élevé chez les noirs quechez les blancs. En particulier pour les en-fants, ce taux de pauvreté plus élevé est dû à lafaiblesse des transferts sociaux et autres me-sures sociales aux Etats-Unis. Si l’on ne prendpas en compte ces mesures relevant de l’ «Etatprovidence», le taux de pauvreté est sembla-ble à celui des autres pays. cf http://www.ssc.wisc.edu/~wright/ContemporaryA-mericanSociety/Chapter%2012%20—% 2 0 P e r s i s t e n t % 2 0 p o v e r t y % 2 0 —%20Norton%20August.pdf

(12) http :/ /scalar.usc.edu/works/growing-apart-a-political-history-of-ameri-can-inequality/index

(13) Le revenu moyen d’un foyer noir étaiten 2011 59% du revenu moyen d’un foyerblanc, contre 55% en 1967, cet écart s’étantcreusé depuis la dernière récession. cf http://www.pewsocialtrends.org/2013/08/22/kings-dream-remains-an-elusive-goal-many-ameri-cans-see-racial-disparities/4/#chapter-3-de-mographic-economic-data-by-race

(14) http://fortune.com/2014/08/15/fergu-son-income-inequality/

(15) http://www.truth-out.org/news/item/26043-between-the-peacekeepers-and-the-protesters-in-ferguson. La mère d’unjeune tué de 21 balles l’année dernière parla police de St Louis alors qu’il avait lesmains en l’air regrettait qu’il n’y ait pas eud’émeutes à la suite de ce meurtre: toutesles protestations avaient été pacifiques etordonnées – et n’avaient abouti à rien.

Page 8: LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 1pcint.org/40_pdf/03_LP-pdf/501-600/lp-513-w.pdf · 2 LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014 ( Suite de la page 1 ) «le NPAsalue

8 LE PROLETAIRE No 513 / OCTOBRE - NOVEMBRE 2014

No d’inscription à lacommission paritairede presse: 52926. Directeur-gérant:Dessus. ISSN 0033-0981. Versements:timbres poste ou chèque à l’ordre de:Dessus. Abonnement au «prolétaire»:7,5 / 30 FS / £ 10. Abonnement desoutien: 15 /60 FS/ £20. «programmecommuniste» (Revue théorique), lenuméro: 4 / 10 FS / £ 3 / Amériquelatine: US $ 1 / USA et Cdn: US $ 4 .Abonnement: le prix de 4 numéros.Abonnement de soutien: 32 / 80 FS /£ 25 / Amérique latine: US $ 8 / USA etCdn: US$ 35. «ilcomunista», le numéro:1,5 / 5 FS / £ 1,5. Abonnement: 13,5/35FS/£13,5.Abonnementdesoutien:27 / 70 FS / £ 27. «el programacomunista», le numéro: 3 / 8 FS / £ 2/ America latina: US $ 0,5 / USA et Cdn:US $ 3 . Prix de soutien, le numéro: 6/ 16 FS / £ 4 / America latina: US $ 1 /USA et Cdn: US $ 6. Imprimé par nossoins.

CORRESPONDANCE:

Pour la France : Programme,B.P. 57428 , 69347 Lyon Cedex 07Pour la Suisse : Editions Programme,Ch. de la Roche 3, 1020 RenensPour l’Italie : Il Comunista, C. P. 10835,20110 Milano

Points de contact:Aix-en-Provence, Paris: pour avoirla date et le lieu des prochaines réu-nions, écrire au journal.

Notre site Internet :www.pcint.org

Adresse e-mail :[email protected]

attendons à ce qu’elle nous rapporte bienplus qu’elle nous coûte» (5).

Mais pour les trotskistes, ce ne sont niles luttes des travailleurs ni les besoins descapitalistes qui expliquent la décision de lamunicipalité démocrate de mettre en placeun salaire horaire de 15$ d’ici 2017 pour lessalariés d’entreprises de plus de 500 sala-riés et 2021 pour les autres. Selon eux, c’estleur participation au cirque électoral qui apermis cela !

En toute modestie, SAlt écrit qu’«une seu-le élue socialiste authentique au conseil muni-cipal de Seattle a été en mesure de construireun mouvement pour gagner les 15 $ en moinsd’un an» et que «c’est l’élection de la candida-te de Socialist Alternative, Kshama Sawant,fin de l’année dernière qui a été décisive pourcréer un véritable moment politique qui n’a suêtre brisé». (6)

Enfin, si le salaire minimum ne s’appliquepas à toutes et tous, l’explication est que lessyndicats ont été moins électoralistes que SAlt:«nous avons défendu de déposer un référen-dum pour les 15 $. Si les grands syndicatsavaient soutenu cette menace, les entreprisesauraient pu être forcées à faire des conces-sions plus grandes encore». (6)

Avant l’élection, SAlt expliquait qu’il faut«une stratégie impliquant des manifestationsmassives, des actions de désobéissance civile,des grèves et des occupations [pour] protégeret améliorer nos conditions de vie au traversde la lutte» (7).

Maintenant qu’une «socialiste révolu-tionnaire» a un strapontin municipal, SAlttombe le masque et son crétinisme électoraléclate au grand jour; elle pourrait adoptercomme slogan: «Pas besoin de lutte de clas-se, pas besoin de grèves! Aux urnes, prolé-taires!»

POPULISME DES 99%CONTRE MARXISME

SAlt se gargarise en présentant son éluecomme une «socialiste révolutionnaire» quireprésente «les démunis et les exclus, lespauvres et les opprimés» (8), mais qu’en est-il dans la réalité? Ils affirmaient mener unecampagne électorale «radicale» et «de clas-se», en opposition aux politiciens du PartiDémocrate et leur politique pro-capitaliste.Laissons un hebdomadaire local alternatif,soutien habituel de ce parti, The Stranger,expliquer pourquoi il appelait à voter pour lacandidate de SALt: «En dépit de son étiquet-te “Alternative Socialiste”, il n’y a rien departiculièrement radical dans l’agenda pro-gressiste de Sawant» (9); c’est ce qui expli-que qu’elle avait également reçu le soutien

de quelques responsables Démocrates lo-caux affirmant que ses positions étaientbien plus proches de celles de la plate-forme du Parti Démocrate que le bilan deson challenger (10).

Dans les faits ce courant est totalementétranger au marxisme.

Sa campagne a été axée autour de laprétendue opposition entre 99% de la po-pulation et une infime minorité de « super-riches » et Wall Street. (11). Ce n’est qu’uneversion américaine de la lutte contre les200 familles et de «mon ennemi, c’est lafinance» qui gomme toutes les frontièresde classe et noie le prolétariat dans un vastemagma, le «peuple», les «99%».

C’est au nom de cet interclassisme, de lalutte contre les 1%, que SAlt propose seule-ment «un nouveau système basé sur la pro-priété publique et démocratique des 500 plusgrandes entreprises» (10), ainsi que la «na-tionalisation du secteur bancaire sous con-trôle des travailleurs» (13) pour «réparertoute l’économie»... capitaliste! (11).

Tout cela s’accompagne logiquement delamentations au sujet des «petites entrepri-ses […] déjà coulées à cause de la pauvreté,des expropriations et de l’économie briséebasée sur la sur-accumulation de capitalsans investissement alors que des familles detravailleurs souffrent» (ibidem).

Pour gauchir ce ragoût intégralement ré-formiste, nos trotskistes se font également leschantres de l’autogestion –c’est-à-dire l’auto-exploitation des prolétaires – en expliquantque «les travailleurs qualifiés et expérimen-tés aussi sont ici, nous continuerons à tra-vailler, nous n’avons aucunement besoin desmanagers. Ce ne sont pas eux qui font tour-ner l’usine, ce sont les travailleurs. Ils peu-vent partir, nous reprendrons l’entreprisesous propriété publique» (14).

Les nationalisations des banques et desgrandes entreprises, c’est-à-dire le dévelop-pement du capitalisme d’Etat, l’auto-exploi-tation des prolétaires et la défense des petitesentreprises n’ont jamais fait le socialisme,bien au contraire: le socialisme commencepar la disparition des entreprises et du mar-ché, et son préalable est la conquête révolu-tionnaire du pouvoir et la destruction del’Etat bourgeois.

Mais SAlt est bien loin de la lutte pour laconquête du pouvoir par le prolétariat. Ellereprend toutes les vieilles lunes réformistesqui ont montré depuis longtemps leur carac-tère antiprolétarien.

COMBINAISON ÉLECTORALECONTRE PARTI DE CLASSE

SAlt prétend incarner «une politique in-dépendante de la classe ouvrière, basée sur

la défense de ses intérêts propres» (7). Elleentend construire «un nouveau parti large destravailleurs» (6) ou «un parti de masse de laclasse des travailleurs». (12). En réalité, il y apeu de vernis socialiste à gratter pour voir ceque SAlt entend construire.

Elle veut en fait créer «un nouveau partides 99%» (ibidem), qui représenterait doncà la fois les prolétaires mais également lapetite-bourgeoisie et une partie de la bour-geoisie!

C’est pourquoi les pseudo-socialistes pro-posent «l’alliance en son sein de différentestendances de gauche». Ces tendances «degauche» ne sont rien de moins que les écolo-gistes du Green Party (Les Verts) ou les«progressistes [sic] au sein du Parti Démo-crate» (7). Rappelons que le Parti Démocrateest l’un des deux partis bourgeois qui sesuccèdent au gouvernement de l’impérialis-me américain, les Démocrates utilisant leurréputation d’être un peu plus à gauche ainsique l’appui des bureaucrates syndicaux, pourse présenter parfois en «amis des travailleurs»,et pour glaner des voix parmi les couchesprolétariennes notamment noires ou d’origi-ne immigrée.

SAlt ne souhaite pas construire le parti declasse, mais plutôt une coalition Arc-en-cielcomme l’avaient fait par le passé des politi-ciens bourgeois démocrates comme le révé-rend Jesse Jackson. Les compères français deSAlt, la dite «Gauche Révolutionnaire», sontaussi des spécialistes des tactiques de cons-truction du «parti large»: après avoir partici-pé à la création du NPA, ils l’ont quittélorsqu’il est entré en crise; aujourd’hui, ilszieutent vers le Front de Gauche pour créerune «opposition véritablement de gauche».Aux États-Unis comme en France, ce type demanoeuvres ne pourra aboutir – s’il réussit –qu’à construire un nouveau parti anticom-muniste!

Seul le parti de classe est indispensableà la lutte du prolétariat contre le capitalis-me, pour imposer sa dictature révolution-naire et détruire de fond en comble la so-ciété bourgeoise.

* * *

Loin d’être un quelconque atout pour lesprolétaires, la victoire de SAlt constitue unnouvelle diversion sur le chemin de la repri-se de la lutte de classe. Combinant – commeles autres groupes d’ «extrême» gauche –des prétentions à l’orthodoxie avec un la-mentable alignement sur la social-démocra-tie et une démagogie interclassiste, le trots-kisme du CIO est un adversaire des posi-tions politiques prolétariennes. Il est indis-pensable de démasquer avec clarté et ferme-té ces courants et de revendiquer contre euxla perspective invariante du communismevéritable.

(1) Les références citées dans l’articleont été publiées sur le site de la sectionbelge du CIO, le PSL

(2) «Une socialiste révolutionnaire bien-tôt élue à Seattle?»

(3) «Succès retentissant pour une socia-liste révolutionnaire à Seattle»

(4) «A SeaTac, l’heure de travail vautdésormais 15 dollars», The Observer, 22février, repris dans Courrier international,30 avril 2014

(5) «Les entreprises y trouvent aussi leurcompte», The New York Times, 27 février,repris dans Courrier international, 30 avril2014

(6) «Victoire pour les 15$ à Seattle!»(7) «Trois candidatures marxistes à Bos-

ton, Minneapolis et Seattle»(8) «Kshama Sawant prête serment en

tant qu’élue marxiste à Seattle»(9) www.thestranger.com/seattle/the-

stranger-election-control-board-endorse-ments/Content?oid=17269982. Journal gra-tuit diffusé à des dizaines de milliers d’exem-plaires, The Stranger cible un public jeune,petit bourgeois, intello et bobo.

(10) www.facebook.com/Occupied-NewsNetwork/posts/576152705772446

(11) «Les campagnes électorales de So-cialist Alternative ont remporté un grand

succès»(12) «Grandes victoires électorales pour

Socialist Alternative!»(13) «Seattle. Kshama Sawant arrêtée

suite à une action de protestation contre unesaisie immobilière»

(14) «Succès retentissant pour une so-cialiste révolutionnaire à Seattle»

Non à l’expulsion du militant iranienSaïd Niroumand!

Saïd Niroumand est un jeune iraniensous le coup d’une menace d’expulsion, sademande d’asile ayant été rejetée: l’ OF-PRA (administration qui délivre le statut deréfugié politique), a estimé que son activitépolitique n’est pas prouvée.

Saïd avait pourtant été obligé de fuir sonpays en 2009 afin d’échapper à un mandatd’arrêt pour «injures en vers les valeurssacrées», en fait pour son militantisme con-tre le régime. Il doit comparaître à la mi-novembre devant la Cour Nationale du Droitd’Asile qui va statuer sur le recours qu’il aintroduit contre la décision de l’OFPRA; laplupart du temps, la CNDA rejette les re-cours. Saïd est aujourd’hui étudiant en His-toire à l’université de Lyon; un comité desoutien a été constitué sur la fac qui appelleà un rassemblement à Paris devant les bu-reaux de la CNDA le jour de l’audience.

Au delà du cas individuel de Saïd, cetteaffaire est l’illustration de l’attitude aveclaquelle le gouvernement actuel, en parfaitecontinuité avec les gouvernement de droiteprécédents, traite la question des réfugiés:grands discours hypocrites sur les Droits de

l’Homme et la protection des peuples etrefus obstiné de les traduire dans les faits.

Une nouvelle démonstration en a étéfaite avec les réfugiés syriens (pour ne pasparler des réfugiés de Calais). Le gouver-nement français se veut en pointe pourpousser à la chute de Bachar El Assad, et,l’été dernier, pour effectuer des bombar-dements en Syrie, au nom de la défense despopulations de ce pays.

En juin 2013, le HCR (Haut Commis-sariat aux Réfugies, un organisation onu-sienne) demandait aux 21 pays européensqui avaient signé avec lui un programmede réinstallation, d’accueillir 30 000 réfu-giés syriens; en septembre le gouverne-ment françaisrépondait qu’il acceptaitd’enaccueillir... 500 (contre 10 000 en Allema-gne)! En juin 2014, seuls 80 avaient fina-lement été autorisés à venir en France!Alors que selon le HCR plus de 2 millionsde Syriens ont fui leur pays à destination,pour 97% d’entre eux, des pays voisins,s’entassant dans des pays pauvres commela Jordanie ou le Liban...

Canaillerie bourgeoise!

( Suite de la page 7 )

Une victoire du trotskisme municipal à Seattle

« el proletario »Órgano del

partido comunista internacional

N0 5 - Octubre de 2014

• Europa y las elecciones europeas¡Enésimo engaño para disfrazar la brutaldictadura de la clase dominanteburguesa! ¡Los proletarios de cadanación rechazan el engaño electoral yreconquistan el terreno de la lucha declase, teniendo como perspectiva larevolución anti-capitalista, única vía encada país para emanciparse de lavampiresca explotación burguesa!• La monarquíade felipevi y la IIIrepúblicasólo son formas de gobierno de la claseburguesa y por lo tantode explotación y miseria para elproletariado• A la muerte de Santiago Carrillo (yIII).• Podemos. Un reformismo en buscade dos autores•-Miles de inmigrantes llegan a las co-stas españolas. ¡El capitalismo europeosólo ofrece represión y miseria a estosesclavos modernos!•-UKRANIA: contra el nacionalismo porla unidad de clase. ¡La fuerza primasobre el dertecho! La caída de yanuko-vich no solucionará los problemas delas masas proletarias.•-Orientación práctica de acción sindi-cal (I)

Precio del ejemplar: Europa : 1,5 , 3FS ; América latina: US $ 1,5; USA yCdn: US $ 2.

SOUSCRIPTIONPERMANENTE

Quatrième liste 2014Aix:260,00 /Eric:8,50 / Jean-Pierre:8,00 /

Paris:900,00/Philippe:30,50 /Victor:20,00

Total liste: 1219,00Total général: 5661,50