le bandol, patrimoine du vin

12
LE BANDOL textes de Pascal Pèrier et Pierre Citerne photographies de José Nicolas LOUBATIÈRES « Patrimoine du vin »

Upload: nouvelles-editions-loubatieres

Post on 09-Mar-2016

222 views

Category:

Documents


2 download

DESCRIPTION

« Dégustés à maturité, les grands bandols offrent une étonnante complexité aromatique, tout en conservant beaucoup de vigueur et d’aplomb. Ce sont indiscutablement les plus grands vins de Provence et nous ajouterons parmi les plus grands de France. » Ainsi s’exprime Pierre Citerne dans ce livre ; hommage du dégustateur au travail de ceux qui ont su hisser les vins de Bandol à un « si haut niveau de qualité et de typicité ». Les artisans de cette réussite sont les héritiers de vingt-cinq siècles de savoir-faire. C’est l’histoire de ce terroir et de ces métiers que nous raconte pour sa part Pascal Pèrier, l’histoire de ces vins de soleil, transportés dans des tonneaux fabriqués sur place, dont la renommée traversait déjà les océans.

TRANSCRIPT

Page 1: Le Bandol, patrimoine du vin

LE BANDOLtextes de Pascal Pèrier

et Pierre Citerne

photographies de José Nicolas

LOUBATIÈRES

« Patrimoine du vin »

Page 2: Le Bandol, patrimoine du vin

Le vignoble de Bandol

Située dans le Sud-Est de la France, entre Marseille et Toulon,l’Appellation d’Origine Contrôlée Bandol s’étend sur un amphi-théâtre d’environ 1 500 ha repartis sur huit communes : Bandol,Saint-Cyr-sur-mer, La Cadière d’Azur, Le Castellet, Le Beausset,Evenos, Ollioules, Sanary.

AOC par décret du 11 novembre 1941, le vignoble de Bandolbénéficie d’un climat méditerranéen particulièrement propice à laproduction de grands vins.

Protégé des écarts de températures par la proximité de la Mé-diterranée, il reçoit 3 000 heures d’ensoleillement annuel et lesbrises d’est et sud-est lui apportent juste ce qu’il faut d’aération etde pluies : 650 mm par an, répartis entre automne et hiver.

Quant au mistral, ce célèbre vent sec de secteur ouest à nord,soufflant par rafales pouvant dépasser facilement les 100 km/h, ildégage le ciel, rend l’air limpide et permet de maintenir, mêmeaprès de fortes précipitations, un climat parfaitement sain. Lespaysans provençaux parlent de lui comme du « manjo fango »(mange boue) car quelques heures de ses violentes rafales suffisentà sécher la terre après les pluies et rendre praticables les sols gorgésd’eau. Son effet asséchant joue un rôle essentiel dans la protectioncontre les maladies de la vigne dues à des champignons microsco-piques tels que le botrytis et le mildiou, maladies cryptogamiquesqui donnent à tous les vignerons du monde bien du souci.

Autre élément indispensable à la production de grands vins, lagéologie de ce terroir qui est tout à fait exceptionnelle.

L’étude du rapport général de la commission d’enquête nomméeen 1942 par le Comité National des Appellations d’OrigineContrôlées pour définir une délimitation stricte de l’aire de l’AOCBandol, montre que les ingénieurs agronomes, J. Bordas et G.Kuhnholtz-Lordat, mirent en évidence une géologie d’une rarediversité. Cherchant les terrains les plus pauvres, arides et à faibles

/ 76 /

LE BANDOL

Page 3: Le Bandol, patrimoine du vin

Le vignoble de Bandol

Située dans le Sud-Est de la France, entre Marseille et Toulon,l’Appellation d’Origine Contrôlée Bandol s’étend sur un amphi-théâtre d’environ 1 500 ha repartis sur huit communes : Bandol,Saint-Cyr-sur-mer, La Cadière d’Azur, Le Castellet, Le Beausset,Evenos, Ollioules, Sanary.

AOC par décret du 11 novembre 1941, le vignoble de Bandolbénéficie d’un climat méditerranéen particulièrement propice à laproduction de grands vins.

Protégé des écarts de températures par la proximité de la Mé-diterranée, il reçoit 3 000 heures d’ensoleillement annuel et lesbrises d’est et sud-est lui apportent juste ce qu’il faut d’aération etde pluies : 650 mm par an, répartis entre automne et hiver.

Quant au mistral, ce célèbre vent sec de secteur ouest à nord,soufflant par rafales pouvant dépasser facilement les 100 km/h, ildégage le ciel, rend l’air limpide et permet de maintenir, mêmeaprès de fortes précipitations, un climat parfaitement sain. Lespaysans provençaux parlent de lui comme du « manjo fango »(mange boue) car quelques heures de ses violentes rafales suffisentà sécher la terre après les pluies et rendre praticables les sols gorgésd’eau. Son effet asséchant joue un rôle essentiel dans la protectioncontre les maladies de la vigne dues à des champignons microsco-piques tels que le botrytis et le mildiou, maladies cryptogamiquesqui donnent à tous les vignerons du monde bien du souci.

Autre élément indispensable à la production de grands vins, lagéologie de ce terroir qui est tout à fait exceptionnelle.

L’étude du rapport général de la commission d’enquête nomméeen 1942 par le Comité National des Appellations d’OrigineContrôlées pour définir une délimitation stricte de l’aire de l’AOCBandol, montre que les ingénieurs agronomes, J. Bordas et G.Kuhnholtz-Lordat, mirent en évidence une géologie d’une rarediversité. Cherchant les terrains les plus pauvres, arides et à faibles

/ 76 /

LE BANDOL

Page 4: Le Bandol, patrimoine du vin

On peut distinguer deux grandes zones géologiques princi-pales :

Le bassin du Beausset, qui est une grande cuvette de 13 km delarge et 35 km de long limité au nord par les massifs de Carpiagneet de la Sainte Baume, à l’est par le plateau de Siou-Blanc, puis ausud par le Mont Caumes, les reliefs du Croupatier et du Gros Cer-veau. Il s’ouvre sur la mer à l’ouest, sur les baies de Saint-Cyr etLa Ciotat.

L’unité de Bandol, qui est un bassin sédimentaire formant unsynclinal de 5 km de large et 12 km de long limité au nord par lescollines de la Gache, les reliefs de Pibarnon-Fontanieu et le massifdu Gros Cerveau, et s’ouvre à l’ouest sur la baie de Bandol.

De nombreux plissements, glissements et dislocations descouches géologiques confèrent à la région une structure extrême-ment complexe qui en fait un des hauts lieux de la géologie mon-diale. La Maison du Terroir et du Patrimoine de Sud Sainte Baume,installée sur les flancs du village de La Cadière d’Azur, présenteune collection magnifique de roches et fossiles qui montrent par-faitement cette grande diversité géologique et raconte dans le détaill’histoire de la formation du sous-sol de ce terroir. Un sentier géo-logique a été inauguré à la Cadière d’Azur lors des journées dupatrimoine 2012, des panneaux jalonnent le parcours et expliquentl’histoire de l’implantation et du développement des colonies derudistes (mollusques fossiles de l’époque du crétacé) qui ont forméla barre calcaire de la Cadière et du Castellet. Ce calcaire à rudistesa fourni de nombreux blocs de pierre utilisés dans la construction

/ 9

Vue de la Cadière d’Azur depuis la plaine des Paluns, collection Le Moulin de la Roque.

rendements, propres à accueillir les cépages nobles, ils constatentque la quasi-totalité de l’aire de production tracée par les expertsest située sur des terrains silico-calcaires du Néo Crétacé (Santonien,Coniacien, Valdonien). Une très petite partie du vignoble se trouvesur les versants des îlots triasiques du Canadeau et du Télégraphe,et sur des éboulis calcaires du Sanoisien (Oligocène) du Jurassiqueet du Lias (région de Sanary-Bandol-Saint-Cyr).

Les éléments issus de la désagrégation des roches, qui ont unrôle essentiel pour les vins de Bandol, sont issus des grès calcarifèreset des marnes sableuses, ils forment des sols squelettiques sousl’influence de leurs roches mères qui continuent à se désagrégerpartout où elles affleurent.

8 /

Gisement de rudistes. Maison du terroir et du patrimoine,La Cadière d’Azur.

Bouquet d’hyppurites (détail) calcaire à rudistes. Maison du terroir et du patrimoine,La Cadière d’Azur.

LE PATRIMOINE DU VINLE BANDOL

Page 5: Le Bandol, patrimoine du vin

On peut distinguer deux grandes zones géologiques princi-pales :

Le bassin du Beausset, qui est une grande cuvette de 13 km delarge et 35 km de long limité au nord par les massifs de Carpiagneet de la Sainte Baume, à l’est par le plateau de Siou-Blanc, puis ausud par le Mont Caumes, les reliefs du Croupatier et du Gros Cer-veau. Il s’ouvre sur la mer à l’ouest, sur les baies de Saint-Cyr etLa Ciotat.

L’unité de Bandol, qui est un bassin sédimentaire formant unsynclinal de 5 km de large et 12 km de long limité au nord par lescollines de la Gache, les reliefs de Pibarnon-Fontanieu et le massifdu Gros Cerveau, et s’ouvre à l’ouest sur la baie de Bandol.

De nombreux plissements, glissements et dislocations descouches géologiques confèrent à la région une structure extrême-ment complexe qui en fait un des hauts lieux de la géologie mon-diale. La Maison du Terroir et du Patrimoine de Sud Sainte Baume,installée sur les flancs du village de La Cadière d’Azur, présenteune collection magnifique de roches et fossiles qui montrent par-faitement cette grande diversité géologique et raconte dans le détaill’histoire de la formation du sous-sol de ce terroir. Un sentier géo-logique a été inauguré à la Cadière d’Azur lors des journées dupatrimoine 2012, des panneaux jalonnent le parcours et expliquentl’histoire de l’implantation et du développement des colonies derudistes (mollusques fossiles de l’époque du crétacé) qui ont forméla barre calcaire de la Cadière et du Castellet. Ce calcaire à rudistesa fourni de nombreux blocs de pierre utilisés dans la construction

/ 9

Vue de la Cadière d’Azur depuis la plaine des Paluns, collection Le Moulin de la Roque.

rendements, propres à accueillir les cépages nobles, ils constatentque la quasi-totalité de l’aire de production tracée par les expertsest située sur des terrains silico-calcaires du Néo Crétacé (Santonien,Coniacien, Valdonien). Une très petite partie du vignoble se trouvesur les versants des îlots triasiques du Canadeau et du Télégraphe,et sur des éboulis calcaires du Sanoisien (Oligocène) du Jurassiqueet du Lias (région de Sanary-Bandol-Saint-Cyr).

Les éléments issus de la désagrégation des roches, qui ont unrôle essentiel pour les vins de Bandol, sont issus des grès calcarifèreset des marnes sableuses, ils forment des sols squelettiques sousl’influence de leurs roches mères qui continuent à se désagrégerpartout où elles affleurent.

8 /

Gisement de rudistes. Maison du terroir et du patrimoine,La Cadière d’Azur.

Bouquet d’hyppurites (détail) calcaire à rudistes. Maison du terroir et du patrimoine,La Cadière d’Azur.

LE PATRIMOINE DU VINLE BANDOL

Page 6: Le Bandol, patrimoine du vin

Bandol, ou la solitude splendided’un grand vin provençal

L’histoire du goût des vins de Bandol semble doublement di-cile à tracer. Malgré son ancienneté, remontant à la colonisationgrecque au Ve siècle avant J.-C., ce vignoble a connu de nombreusespériodes d’ombres, de nombreux hiatus. Il possède également laparticularité d’avoir donné naissance à un cru comparable, entermes de tenue et de longévité, aux classiques bourguignons, rho-daniens et aquitains, mais assimilé, à cause de sa situation géogra-phique, à l’ensemble de vins « méridionaux », qui furent longtempsvoués à une production plus quantitative que qualitative et géné-ralement mésestimés. Préjugés et éloignement ont donc fait queles vins de Bandol, comme quelques autres crus méditerranéensde valeur, ont été traités avec une certaine condescendance par lespalais et les plumes parisiennes.

Remontons vingt-cinq siècles en arrière. La viticulture pho-céenne s’étendait jusqu’à Bandol, l’archéologie l’atteste. Vignoblepionnier, premier vin issu du sol gaulois, tourné vers ce marchélocal et septentrional si lucratif, puis orienté dans ses échangescomme l’ensemble de la Narbonnaise vers l’Italie et le reste dubassin méditerranéen, le vignoble côtier a pendant un millénaireparticipé à cette grande aventure que fut le vin dans l’Antiquitégréco-latine. En mille ans le goût et la réputation de ces vins ontcertainement beaucoup changé, varié, évolué. Le vin de Tauroentum,qui deviendra Bandol, avait-il le même goût fumé que celui deMarseille, raillé par Martial (Épigrammes, XIII, 123)? C’est probable.Même si on peut penser qu’à l’instar des marchands du XVIIIe siècle,les bons connaisseurs du vignoble, locaux ou même romains, aientdurant l’Antiquité fait une di�érence entre les di�érents crus re-vendiquant l’appellation de Massilitanum – le goût de la précisiongéographique étant une constante dans l’histoire de la passionœnophile.

50 /

LE GOÛT DU VIN

Page 7: Le Bandol, patrimoine du vin

Bandol, ou la solitude splendided’un grand vin provençal

L’histoire du goût des vins de Bandol semble doublement di-cile à tracer. Malgré son ancienneté, remontant à la colonisationgrecque au Ve siècle avant J.-C., ce vignoble a connu de nombreusespériodes d’ombres, de nombreux hiatus. Il possède également laparticularité d’avoir donné naissance à un cru comparable, entermes de tenue et de longévité, aux classiques bourguignons, rho-daniens et aquitains, mais assimilé, à cause de sa situation géogra-phique, à l’ensemble de vins « méridionaux », qui furent longtempsvoués à une production plus quantitative que qualitative et géné-ralement mésestimés. Préjugés et éloignement ont donc fait queles vins de Bandol, comme quelques autres crus méditerranéensde valeur, ont été traités avec une certaine condescendance par lespalais et les plumes parisiennes.

Remontons vingt-cinq siècles en arrière. La viticulture pho-céenne s’étendait jusqu’à Bandol, l’archéologie l’atteste. Vignoblepionnier, premier vin issu du sol gaulois, tourné vers ce marchélocal et septentrional si lucratif, puis orienté dans ses échangescomme l’ensemble de la Narbonnaise vers l’Italie et le reste dubassin méditerranéen, le vignoble côtier a pendant un millénaireparticipé à cette grande aventure que fut le vin dans l’Antiquitégréco-latine. En mille ans le goût et la réputation de ces vins ontcertainement beaucoup changé, varié, évolué. Le vin de Tauroentum,qui deviendra Bandol, avait-il le même goût fumé que celui deMarseille, raillé par Martial (Épigrammes, XIII, 123)? C’est probable.Même si on peut penser qu’à l’instar des marchands du XVIIIe siècle,les bons connaisseurs du vignoble, locaux ou même romains, aientdurant l’Antiquité fait une di�érence entre les di�érents crus re-vendiquant l’appellation de Massilitanum – le goût de la précisiongéographique étant une constante dans l’histoire de la passionœnophile.

50 /

LE GOÛT DU VIN

Page 8: Le Bandol, patrimoine du vin

la sensation tactile en bouche. L’ensemble peut paraître un peu sec,mais le vin possède du fond et n’est pas, contrairement à de nom-breux 2007 à Bandol, déséquilibré par l’alcool.

À l’opposé de ce style très traditionnel, qui produit des vinsparfois di�ciles à apprécier dans leur jeunesse, certains domainesse sont engagés dans la voie de la « modernité », répondant à uneévolution réelle ou supposée des goûts du consommateur. L’atten-tion est portée sur la fraîcheur immédiate du fruit et la rondeurde la chair, avec des macérations plus courtes, des élevages moinslongs en barriques souvent neuves. Bien que Bandol ait été le grandcentre tonnelier que l’ont sait, l’élevage en barriques neuves « à labordelaise » ou « à la bourguignonne », constitue un phénomènerécent. Certains domaines le pratiquent avec succès, même si onpeut penser que la personnalité du mourvèdre, du bandol, s’exprimemieux au travers d’élevages longs en foudres, grands contenantsmoins poreux que la barrique. La remarque peut d’ailleurs êtreétendue à la plupart des grands vins rouges méditerranéens – qu’ilssoient à base de grenache (Châteauneuf ), de sangiovese (Chianti,Brunello di Montalcino) ou d’aglianico (Taurasi).

Domaine de la Bégude Bandol rouge 2006Ce vaste domaine est le plus en altitude de l ’appellation, cul-minant à plus de 460 mètres au-dessus de la Méditerranée. Sespropriétaires, de culture bordelaise, proposent une vision per-sonnelle des vins de Bandol. Ce rouge 2006 montre une robeencore jeune et dense. Le nez est assez sauvage, mentholé, poivré,compact, souligné par des notes d’épices et d’atelier de menuiserie.L’apport boisé semble mieux intégré en bouche qu’au nez ; lamatière reste svelte, tendue, avec un fruit décidé qui se fau�leen bouche, laissant une rémanence à nouveau très poivrée.

Domaine Bunan – Moulin des Costes Bandol rouge« Charriage » 1998Une cuvée ambitieuse, basée sur les plus vieux mourvèdres de cettepropriété. Un vin très concentré, mais qui paraissait dominé parl’élevage dans sa jeunesse. Regoûté à l’âge de quinze ans, il s’exprimemaintenant avec sérénité, ampleur, cohérence. La robe est encoretrès pleine, la saveur vivante, organique, évoquant le cacao, le cèdre,la viande fraîche, les abats, portée par des tannins assagis mais pré-sents, sans sécheresse, ainsi que par une appréciable veine acide. Lefruit du mourvèdre est décidément capable de revenir de très loin. / 77

Double-page suivante.Dans les caves du Château de Pibarnon.

LE GOÛT DU VIN

Ray-Jane étant les représentants les plus connus de cette mouvance.En extrayant les tannins de la ra�e, cette méthode de vini�cationengendre des vins parfois durs dans leur jeunesse, sévères, mais ca-pables de vieillir très longtemps, développant beaucoup de dis-tinction aromatique et d’élégance.

Domaine Ray-Jane Bandol rouge 2009La famille Constant, propriétaire du domaine Ray-Jane auCastellet, revendique son appartenance à une lignée vigneronneinstallée dans la région de Bandol depuis le XIIIe siècle. Avecune telle antériorité, le classicisme stylistique des vins semblecouler de source…La présentation visuelle de ce 2009 est assez tendre, l ’expressionpour l’heure renfrognée, sur la réduction, avec des notes de cuir etde thym. En bouche se déploie une matière très serrée, bien plusen nerf qu’en chair, tannique, austère, mais d’une réelle franchise ;possédant à la fois allonge et profondeur, elle attend son heure.

Château Pradeaux Bandol rouge 2007Exploité par la même famille depuis 1752, Pradeaux constitueun point de repère capital dans le panorama des vins de Bandol.Souvent quali�és d’intransigeants, les rouges du domaine béné-�cient d’élevages en foudres prolongés (pendant quatre ans enmoyenne), qui leur assurent une grande stabilité dans le temps.Riche, puissant, mais très sobre, pour ne pas dire austère, le millésime2007 commence tout juste à laisser entrevoir de belles notes degarrigue, d’épices, de tabac. Les tannins, grenus et vifs, dominent

76 /

LE BANDOL

Page 9: Le Bandol, patrimoine du vin

la sensation tactile en bouche. L’ensemble peut paraître un peu sec,mais le vin possède du fond et n’est pas, contrairement à de nom-breux 2007 à Bandol, déséquilibré par l’alcool.

À l’opposé de ce style très traditionnel, qui produit des vinsparfois di�ciles à apprécier dans leur jeunesse, certains domainesse sont engagés dans la voie de la « modernité », répondant à uneévolution réelle ou supposée des goûts du consommateur. L’atten-tion est portée sur la fraîcheur immédiate du fruit et la rondeurde la chair, avec des macérations plus courtes, des élevages moinslongs en barriques souvent neuves. Bien que Bandol ait été le grandcentre tonnelier que l’ont sait, l’élevage en barriques neuves « à labordelaise » ou « à la bourguignonne », constitue un phénomènerécent. Certains domaines le pratiquent avec succès, même si onpeut penser que la personnalité du mourvèdre, du bandol, s’exprimemieux au travers d’élevages longs en foudres, grands contenantsmoins poreux que la barrique. La remarque peut d’ailleurs êtreétendue à la plupart des grands vins rouges méditerranéens – qu’ilssoient à base de grenache (Châteauneuf ), de sangiovese (Chianti,Brunello di Montalcino) ou d’aglianico (Taurasi).

Domaine de la Bégude Bandol rouge 2006Ce vaste domaine est le plus en altitude de l ’appellation, cul-minant à plus de 460 mètres au-dessus de la Méditerranée. Sespropriétaires, de culture bordelaise, proposent une vision per-sonnelle des vins de Bandol. Ce rouge 2006 montre une robeencore jeune et dense. Le nez est assez sauvage, mentholé, poivré,compact, souligné par des notes d’épices et d’atelier de menuiserie.L’apport boisé semble mieux intégré en bouche qu’au nez ; lamatière reste svelte, tendue, avec un fruit décidé qui se fau�leen bouche, laissant une rémanence à nouveau très poivrée.

Domaine Bunan – Moulin des Costes Bandol rouge« Charriage » 1998Une cuvée ambitieuse, basée sur les plus vieux mourvèdres de cettepropriété. Un vin très concentré, mais qui paraissait dominé parl’élevage dans sa jeunesse. Regoûté à l’âge de quinze ans, il s’exprimemaintenant avec sérénité, ampleur, cohérence. La robe est encoretrès pleine, la saveur vivante, organique, évoquant le cacao, le cèdre,la viande fraîche, les abats, portée par des tannins assagis mais pré-sents, sans sécheresse, ainsi que par une appréciable veine acide. Lefruit du mourvèdre est décidément capable de revenir de très loin. / 77

Double-page suivante.Dans les caves du Château de Pibarnon.

LE GOÛT DU VIN

Ray-Jane étant les représentants les plus connus de cette mouvance.En extrayant les tannins de la ra�e, cette méthode de vini�cationengendre des vins parfois durs dans leur jeunesse, sévères, mais ca-pables de vieillir très longtemps, développant beaucoup de dis-tinction aromatique et d’élégance.

Domaine Ray-Jane Bandol rouge 2009La famille Constant, propriétaire du domaine Ray-Jane auCastellet, revendique son appartenance à une lignée vigneronneinstallée dans la région de Bandol depuis le XIIIe siècle. Avecune telle antériorité, le classicisme stylistique des vins semblecouler de source…La présentation visuelle de ce 2009 est assez tendre, l ’expressionpour l’heure renfrognée, sur la réduction, avec des notes de cuir etde thym. En bouche se déploie une matière très serrée, bien plusen nerf qu’en chair, tannique, austère, mais d’une réelle franchise ;possédant à la fois allonge et profondeur, elle attend son heure.

Château Pradeaux Bandol rouge 2007Exploité par la même famille depuis 1752, Pradeaux constitueun point de repère capital dans le panorama des vins de Bandol.Souvent quali�és d’intransigeants, les rouges du domaine béné-�cient d’élevages en foudres prolongés (pendant quatre ans enmoyenne), qui leur assurent une grande stabilité dans le temps.Riche, puissant, mais très sobre, pour ne pas dire austère, le millésime2007 commence tout juste à laisser entrevoir de belles notes degarrigue, d’épices, de tabac. Les tannins, grenus et vifs, dominent

76 /

LE BANDOL

Page 10: Le Bandol, patrimoine du vin

Achevé d’imprimerGN Impressions en juillet 2013

sur les presses de SEPEC (France)

Dépôt légal troisième trimestre 2013

Crédit photographique :Château Pradeaux : p. 80 ; Château Sainte-Anne : p. 61, 73 ; José Nicolas : couverture, p. 1,3, 4-5, 6, 10-11, 12, 39-40, 48-49, 51, 53, 54-55, 56, 60 (d), 63, 64-65, 69, 70, 74-75, 76,77-78, 82-83, 91 ; Pascal Pèrier : p. 8, 9, 13, 15, 16, 19, 20, 22-23, 26, 29, 30-31, 34, 35,37, 38, 44, 45, 46, 47, 58, 59, 60 (g), 66, 68.

Bibliographie :« Bandol, deux siècles d’histoire (1585-1790). La naissance et l’essor d’un village de la

Provence maritime », Lucien Grillon.« Bandol au XIXe siècle et au début du XXe », Lucien Grillon« Bandol au XIXe siècle. Le vignoble, le port, la tonnellerie, le drame du phylloxéra, Lucien

Grillon », Extrait du bulletin de la Société des amis du Vieux Toulon et de sa région,1975.

« Bandol, la deuxième vague, 18801983 », Raymond Culioli, Éditions Eden, Bandol.« Provence de la Vigne et des Vins », Christiane et René Lorgues, Éditions Serre.« Gens et Vins du Bandol, Jean Noël Marchandiau », Éditions Serre.« Histoire du commerce de Marseille », Librairie Plon.« Le Vin romain antique », Jean-Pierre Brun et André Tchernia, Éditions Glénat.« Inventaire des oratoires du Var », Louis Janvier, édité par les Amis des Oratoires,1982,

Aix en Provence.« La Cadière d'Azur des origines au milieu du XIVe siècle », coécrit par un groupe de

chercheurs sous la coordination de Jean Cachard. En vente à l'office de tourisme de laCadière.

« Le Castellet, mémoires d'un village perché », Bernard Dureuil, 2004, Éditions JeanneLaffitte.

« Saint Cyr sur mer, mon village en Provence avant la guerre », Auguste Amic, ÉditionsGérard Blanc.

« Si Bandol AOC m’était conté, Lucien Peyraud (Domaine Tempier) », Lionel Heinic, LaProvence des réussites, série Terroir, Éditions Scriba.

L’éditeur tient à remercier particulièrement Pascal Pèrier dont la disponibilité et la connaissancede l’histoire du vin de Bandol ont permis à ce livre de voir le jour. Merci aussi à tous ceux quiont œuvré à son élaboration : Pierre Citerne, José Nicolas et les viticulteurs qui ont pris de leurtemps pour nous aider dans cette tâche.

Nous tenons à remercier également Les Vins de Bandol pour leur soutien.

Page 11: Le Bandol, patrimoine du vin

Table des matières

Le vignoble de Bandol ............................................................ 7(Pascal Pèrier)

Éléments d’histoire .......................................................... 15

Les tonneliers de Bandol ................................................. 29

Les maladies de la vigne .................................................. 36

Un patrimoine dans les vignes ......................................... 47

Bandol, ou la solitude splendide d’un grand vin provençal .... 50(Pierre Citerne)

Le vin blanc à Bandol : un parent pauvre, mais digne ...... 59

Le rosé, un succès encombrant ? ...................................... 62

Le vin rouge de Bandol .................................................... 67

Les lieux du Bandol, carte et adresses .............................. 88

Crédit photographique .......................................................... 92

Page 12: Le Bandol, patrimoine du vin

ISBN 978-2-86266-692-1

9 782862 66692117,50 €

www.lo

ubatieres.fr

LE BANDOLtextes de Pascal Pèrier

et Pierre Citerne

photographies de José Nicolas

« Patrimoine du vin »

« Dégustés à maturité, les grands bandols o�rent une étonnante com-plexité aromatique, tout en conservant beaucoup de vigueur et d’aplomb.Ce sont indiscutablement les plus grands vins de Provence et nousajouterons parmi les plus grands de France. »

Ainsi s’exprime Pierre Citerne dans ce livre ; hommage du dégus-tateur au travail de ceux qui ont su hisser les vins de Bandol à un « sihaut niveau de qualité et de typicité ».

Les artisans de cette réussite sont les héritiers de vingt-cinq sièclesde savoir-faire. C’est l’histoire de ce terroir et de ces métiers que nousraconte pour sa part Pascal Pèrier, l’histoire de ces vins de soleil, trans-portés dans des tonneaux fabriqués sur place, dont la renommée tra-versait déjà les océans.

Patrimoine du vin est une collection élaborée par Pierre Citerne.Chaque titre se propose de présenter une appellation sous le doubleéclairage de l ’histoire et du goût.

Pascal Pèrier est responsable de l’Œnothèque de Bandol.Pierre Citerne est anthropologue, dégustateur, membre du comité de dégustation de la Revue du Vin de France.

Photographie de couverture : La Cadière d’Azur. © José Nicolas