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L’architecture des arbres des régions tempérées SON HISTOIRE, SES CONCEPTS, SES USAGES Jeanne Millet Préfaces de Roeloff A.A. Oldeman et Frédéric Back Extrait de la publication

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  • L’architecture des arbresdes régions tempéréesSon hiStoire, SeS conceptS, SeS uSageS

    L’architecture des arbresdes régions tempéréesSon hiStoire, SeS conceptS, SeS uSageS

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    C e livre s’adresse aux amoureux des arbres, autant les professionnels (arboriculteurs, élagueurs, ingénieurs forestiers, botanistes, etc.) que le grand public. Il intéressera tous ceux qui désirent mieux comprendre comment différentes espèces d’arbre se développent et mettent en place, chacune à sa manière, une disposition particulière des branches, c’estàdire leur architecture.

    Le lecteur trouvera dans cet ouvrage hautement illustré l’ensemble des notions lui permettant d’observer l’architecture d’un arbre. On y présente quelques éléments d’histoire de l’évolution des concepts en architecture des arbres depuis leur découverte dans les années 1960 jusqu’à aujourd’hui. Les plus récentes avancées rendent maintenant disponible la séquence de développement de l’arbre, telle une carte, comme outil de diagnostic du stade de développement atteint par l’arbre, de son rapport à l’environnement et de ses potentialités de croissance à venir. Les applications sont nombreuses tant en études d’impact, en aménagement, en conservation, en foresterie et en arboriculture qu’en sciences où la séquence de développement sert de cadre de référence pour l’intégration des connaissances de disciplines diverses (physiologie, biologie du développement, biologie moléculaire, génétique, écologie, etc.) de même que pour orienter les échantillonnages.

    Jeanne MilletPréfaces de Roeloff A.A. Oldeman et Frédéric Back

    ISBN 978-2-89544-190-8

    JEANNE MILLET est docteure en biologie végétale. Pendant plus de 20 ans, elle a poursuivi des recherches en architecture des arbres à l’Institut de recherche en biologie végétale tout en étant, depuis 2009, chercheure invitée au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal. Forte de ses années de recherche et de travail de terrain, elle nous introduit à l’architecture des arbres, un domaine encore méconnu, mais combien fascinant et porteur d’avenir ! Elle nous offre ici le premier livre jamais écrit sur l’architecture des arbres des régions tempérées.

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  • © Éditions MultiMondes, 2012 ISBN 978-2-89544-190-8 (imprimé) ; 978-2-89544-442-8 (PDF) ; 978-2-89544-964-5 (EPUB) Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2012 Dépôt légal – Bibliothèque et Archives Canada, 2012

    Éditions MultiMondes930, rue Pouliot Québec (Québec) G1V 3N9 CANADA

    Téléphone : 418 651-3885 Téléphone sans frais depuis l’Amérique du Nord : 1 800 840-3029 Télécopie : 418 651-6822 Télécopie sans frais depuis l’Amérique du Nord : 1 888 303-5931 [email protected] http://www.multim.com

    Les Éditions MultiMondes reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Elles remercient la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour son aide à l’édition et à la promotion. Elles remercient également le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à son programme de publication.

    Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – gestion SODEC.IMPrIMÉ AU CANADA/PrINTED IN CANADA

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Millet, Jeanne, 1958-

    L’architecture des arbres des régions tempérées : son histoire, ses concepts, ses usages

    ISBN 978-2-89544-190-8-5

    1. Arbres - Développement. 2. Arbres - Morphologie. I. Titre.QK731.M54 2012 582.16 C2012-940274-5

    Distribution au CanaDaPrologue inC. 1650, boul. lionel-bertrand boisbriand (Québec) J7H 1n7 CanaDatéléphone : 450 434-0306 tél. sans frais : 1 800 363-2864 télécopie : 450 434-2627 téléc. sans frais : 1 800 361-8088 [email protected] http://www.prologue.ca

    Distribution en FranCelibrairie Du QuébeC/DnM 30, rue gay-lussac 75005 Paris, FranCetéléphone : 01 43 54 49 02 télécopie : 01 43 54 39 15 [email protected] http://www.librairieduquebec.frDistribution en belgiQuela sDl Caravelle s.a. rue du Pré aux oies, 303bruxelles, belgiQuetéléphone : +32 2 240.93.00 télécopie : +32 2 216.35.98 [email protected] http://www.sDlCaravelle.com/

    Distribution en suisseserViDis sa chemin des chalets 7 CH-1279 Chavannes-de-bogis, suissetéléphone : (021) 803 26 26 télécopie : (021) 803 26 29 [email protected] http://www.servidis.ch

    Distribution en nuMériQueCe livre est aussi disponible en format numérique, entre autres, chez :

    archambault (Canada) : www.archambault.caapple ibookstore (Canada, états-unis et France)blio (Canada et états-unis) : www.blio.comebookizzati (italie) : www.ebookizzati.comedicool (France) : www.edicool.comePagine Publications numériques (France) : www.epagine.frFeedbooks (France) : www.feedbooks.comFQCMs (CooPsCo) (Canada) : www.coopsco.comKobo (Canada) : www.kobobooks.comlibrairie Dialogues (France) : www.librairiedialogues.frlibrairie du Centre (France) : www.librairieducentre.comlibrairie Mosaïque (Canada) : www.librairiemosaique.comlivresquebecois.com (Canada) : www.livresquebecois.comrenaud-bray (Canada) : www.renaud-bray.comZone coopérative de l’université laval (Canada) : www.zone.coop

    Les dessins et les photographies de ce livre sont de Jeanne Millet, sauf mention.

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    Jeanne MilletPréfaces de Roeloff A.A. Oldeman et Frédéric Back

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    Vous tous, les passionnés des arbres, écoutez mon conseil : lisez ce livre ! Dès mes années d’études à Wageningen en sylviculture

    tropicale, la partie écologique de la foresterie, j’ai commencé à me demander comment, à partir de moyennes statistiques, on pouvait se forger une image des arbres ou des forêts (« peuplements »). L’arbre « moyen » d’une certaine pinède néerlandaise, par exemple, se caractérise par une hauteur moyenne, un diamètre moyen du tronc, une largeur moyenne de la cime, une masse de bois moyen en mètres cubes et ainsi de suite. Personne n’a jamais pu me montrer un tel arbre « moyen » en forêt réelle, sur le terrain.

    Cependant, de telles données dites « dures » sont à la base de la plupart des décisions de gestion et d’aménagement forestiers. Cela est dû principalement au fait que la foresterie actuelle est née, il y a environ trois siècles, autour du concept de production durable de bois (durable, nachhaltig, terme de Hans Carl von Carlowitz, Allemagne, dès 1713 !). Les données chiffrées se rapportaient donc – se rapportent toujours aujourd’hui – aux masses de bois « mûr pour la coupe » et leur évolution sur une « rotation » entre la plantation et la coupe finale, tenant compte de coupes intermédiaires. Même en « sylviculture d’après la nature », les arbres sont classés selon leur développement futur probable. La conformité à la courbe dite « normale » obtenue est imposée par des coupes périodiques dans ce but. Mais toujours, en fin de compte, il s’agit de mètres cubes de bois à x dollars chacun ou, dans les temps anciens, des daalders (Néerlandais).

    Les études en sylviculture et en foresterie avaient donc bien un siècle et demi d’avance sur les études écologiques dites générales, le terme d’écologie ne datant que de 1866 quand il fut lancé par l’Allemand Haeckel (voir aussi J.-P. Deléage, 1991, Une histoire de l’écologie. Paris, Éd. La Découverte). Il ne faut donc pas s’étonner que l’écologie actuelle, comme d’ailleurs la biologie, contienne encore aujourd’hui beaucoup de notions élaborées par les forestiers

    et les agriculteurs d’antan. Pourquoi, par exemple, exprimer les comptages de populations biologiques par hectare, une superficie économique pour quantifier les récoltes ? Ni la forêt, ni les arbres, ni les plantes, ni les animaux ne connaissent cette superficie anthropogène !

    Après mes études aux Pays-Bas, je suis entré, comme botaniste, au service de l’organisme français de recherches tropicales de l’époque, l’ORSTOM, au centre de Cayenne (Guyane Française). Je suis donc de ceux – cités par Dr Millet – qui ont commencé leurs recherches sérieuses sur les arbres en forêt sempervirente humide tropicale. L’ensemble des arbres de ces forêts subit bien moins de contraintes (ou de stress comme on dit maintenant) qu’en d’autres milieux avec leurs hivers froids, leurs grandes sécheresses, ou encore leurs hivers sans soleil. Sous les Tropiques humides, l’évolution des organismes arborescents a rencontré peu de ces contraintes. Par conséquent, ces forêts sont de véritables musées ou mines de formes biologiques, y compris plusieurs qui se sont éteintes ailleurs. Millet en parle d’ailleurs dans le présent livre en citant la ramification dichotomique qui n’existe que chez deux palmiers tropicaux, quelques fougères et surtout des arbres fossiles (Modèle de Schoute).

    J’ai eu le privilège de commencer avec rien. Les ordi-nateurs n’existaient pas encore dans une forme acces-sible à tous. Les espèces végétales de la Guyane étaient difficiles à identifier en l’absence d’une Flore avec des clefs de détermination. Mais les moyens étaient abondants et le personnel local pouvait vivre en forêt pendant des semaines ou des mois entiers. Inutile de collectionner de nombreuses mesures à défaut de moyens de calcul. Inutile de tâcher d’identifier des plantes avec certitude. Il n’y avait que deux méthodes pratiques : le dessin à l’échelle et la confection d’un herbier permettant de certifier que le dessin concernait le numéro untel dans l’herbier de Cayenne.

    Pendant mes études, un stage d’un an en Côte d’Ivoire en 1963 m’a permis d’entrer en contact avec Francis Hallé.

    Préfacede Roelof A.A. Oldeman

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    L’architecture des arbres des régions tempérées

    Inspirés par les travaux de Corner en Malaisie, qui écrivait sur « la géométrie des arbres », nous nous sommes mis d’accord sur l’importance du concept d’architecture des arbres. Nos travaux ultérieurs, à commencer par notre livre (Hallé et Oldeman 1970), ont mené à des centaines de publications sur le sujet, rédigées par nous-mêmes, nos collègues et nos étudiants. Tout cela nous a montré que, en accord avec Goethe cité par le Dr Millet, « l’étude des formes est une méthode au moins aussi universelle que celle des chiffres ». Dans la forme se joignent d’innombrables variables dans un contexte vivant qu’aucun calcul connu aujourd’hui ne saurait mettre en lumière, même avec des superordinateurs. En effet, les formules nécessaires, les « algorithmes », n’existent pas et ne peuvent peut-être pas exister, suivant la théorie du chaos déterministe. L’étude de l’architecture du vivant est cependant bel et bien quantitative, car nos dessins sont faits à l’échelle, comme des cartes géographiques, avec des dimensions spatiales mesurées et représentées à l’échelle.

    Ouvrons ici une parenthèse sur les images de paysages, forêts et arbres produites par ordinateur en visualisant des formules de la mathématique des fractales. Nous y « reconnaissons » ces arbres ou paysages parce que les images sur l’écran y ressemblent. Cependant, elles ne peuvent nous aider à comprendre le contexte vivant des formes vues dans la nature. En effet, leur déterminisme est mathématique, non pas biologique. D’ailleurs, la photographie ne peut pas non plus expliquer les organismes ou écosystèmes, surtout la photographie numérique qui est la superposition sur l’image d’une grille très fine faite de dpi (dots per inch – points par pouce), laquelle ne permet aucune lecture précise des échelles (par exemple « feuilles/branches/plantes/bosquets »), échelles où, cependant, s’effectuent la régulation et la mise en œuvre de facteurs biologiques précis.

    Pour la première fois dans ce sens, le travail du Dr Millet représente une vue cohérente des arbres dans une grande région tempérée couvrant pas loin du dixième du continent nord-américain, le Québec, et située dans un ensemble géographique tempéré encore plus vaste. Je me sens très petit, natif d’une mini-région comme les Pays-Bas (environ 35 000 km2), devant ce territoire d’une ampleur géographique si formidable.

    Mais l’autre aspect, trop souvent oublié, quoique souligné fortement dans l’introduction du présent ouvrage, est l’utilité directe des dessins synthétiques de l’architecture. Différant en ceci des images électroniques des fractales, les dessins du Dr Millet permettent de reconnaître tout de suite, avec une explication tout à fait simple, l’origine de la réaction

    d’un arbre face au stress, humain ou autre. Mes études sur les impacts des pluies acides aux Pays-Bas, en Allemagne et en France, entre autres, m’ont persuadé que l’architecture d’un arbre représente un édifice résultant d’un programme physiologique et génétique précis, mais assez flexible pour pouvoir s’adapter. Ce programme est mobilisé chaque fois qu’il est nécessaire, totalement ou partiellement, à partir d’un méristème approprié. Il construit dans cet endroit précis les branches et feuilles précises dont l’arbre a besoin dans les circonstances données. Cette manière héritée de s’ajuster, voilà l’adaptation. D’ailleurs, le programme de croissance est en équilibre avec une séquence de mort et d’abscission d’axes et d’autres organes devenus superflus ou nuisibles dans le contexte de la survie.

    Cette image architecturale et adaptative est congruente avec celle que nous dépeint le Dr Millet pour les arbres du Québec. Je ne connais qu’un seul autre exemple d’un tel travail. C’est celui du Dr Peter Gleissner qui, dans la Ville d’Aix-la-Chapelle (Aachen) en Allemagne, gère les arbres de la ville, de ses parcs et allées selon des modèles architecturaux dérivés des travaux classiques des morphologistes allemands comme Rauh et Troll. La base de ces modèles repose sur le puzzle de la disposition des organes, branches, feuilles, plus que sur l’arbre entier, contrairement aux modèles de Hallé et Oldeman qui se basent sur l’analyse (breakdown) de cet arbre dans sa totalité.

    N’eût été la pensée authentiquement neuve et originale de Jeanne Millet, je n’aurais pas accepté d’écrire cette préface. La raison d’être d’un professeur est d’aider des étudiants et des chercheurs à développer et à faire s’épanouir leur propre génie, et non de les modeler en professeurs de seconde génération, croyant aux paradigmes courants. Je reconnais le génie propre et authentique de Jeanne Millet dans ces pages. J’en suis profondément heureux. Je souhaite que vous, cher lecteur, le soyez comme moi ! Et… que vous utilisiez ce livre à bon escient dans la gestion des arbres, en ville et ailleurs !

    Ce livre n’existe pas que pour être lu, mais aussi et surtout pour être utilisé comme outil !

    Roelof A.A. Oldeman

    Docteur ès Sciences Naturelles (Montpellier, France) Professeur émérite, Chaire de Sylviculture et d’Écologie forestière, Université de Wageningen (Pays-Bas)

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    L’artiste interprète ce qu’il voit, mettant à l’honneur les beautés qu’il perçoit. Il nous offre ses œuvres qui nous émeuvent. L’art engagé, tout en faisant appel à nos émotions, sollicite notre attention sur une cause. Il porte un message, par exemple l’encouragement à prendre soin des arbres et des forêts. C’est dans ce sens que j’ai fait le film L’homme qui plantait des arbres. Ce film, réalisé en 1987, fait encore 24 ans plus tard en 2011 le tour du monde, preuve qu’il répond à un ardent besoin de l’être humain de s’entourer d’arbres mais, plus que cela, de toucher au bonheur. Ce bonheur, illustré dans le film, vient de l’élan de générosité qui n’attend pas de récompense.

    Je suis heureux de constater qu’un tel élan de générosité envers les arbres a poussé Jeanne Millet à les dessiner. Je suis impressionné par la somme de connaissances révélées par le dessin de détail et les croquis d’arbres. L’analyse architecturale illustre magnifiquement bien comment l’art (connaissance appliquée) a ouvert et ouvre encore la

    Préfacede Frédéric Back

    porte à la science (connaissance abstraite). L’art m’éveille à l’importance des arbres dans ma vie et la science oriente mes actions afin que je puisse en tirer les fruits tout en diminuant les impacts négatifs de mes gestes. Réduire les traumatismes, les infections et les dépérissements, voilà qui répond à mon désir de prendre soin des arbres.

    Ce livre tout en images réalisé par Jeanne Millet démontre l’importance de suivre son cœur et d’agir selon sa conscience. Elle l’a fait contre vents et marées et le résultat est magnifique et prometteur. Il nous revient à tous de penser et d’agir en fonction de ce que nous espérons pour l’avenir, et de laisser si possible un monde plus beau, plus prometteur qu’à notre arrivée.

    Frédéric Back

    Illustrateur, réalisateur de films d’animation, environnementaliste végétarien

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  • xi

    avant-ProPosUne rencontre décisive

    J’ai rencontré Guy Primeau, élagueur et entrepreneur, pour la première fois à mon bureau le 18 janvier 2005. Quelle rencontre ! Nous avons parlé pendant une journée entière. Deux personnes allumées se sont rencontrées. Chacune provenant d’un milieu très différent de celui de l’autre. Au cœur de leur intérêt commun, l’arbre. L’une l’étudie et le dessine, l’autre le taille et le soigne. On a beaucoup à se dire. On a beaucoup à s’apprendre. L’histoire de Guy me confirme que plusieurs élagueurs au Québec sont d’anciens monteurs de lignes. S’ils ont de bonnes intentions, des habiletés cer taines et de l’expérience à grimper, ils sont novices en ce qui a trait à la biologie de l’arbre. Mais ils veulent savoir. Ils ont besoin de savoir.

    J’ai offert à Guy de la documentation, cherchant ce qui serait le plus approprié pour ses besoins. Et je me suis surprise à lui dire : « Le livre que j’aimerais pouvoir te donner n’existe pas encore ». Quelque temps plus tard, j’ai eu l’occasion de redire cette même phrase à une autre personne. Je me suis alors répondu mentalement : « Mais qu’est-ce que j’attends pour l’écrire ? » Il me semblait que des gens plus expérimentés que moi en architecture des arbres devaient s’en occuper, mais cela n’arrivait pas. Ces gens étaient occupés à mener leurs propres projets d’écriture qui n’étaient pas celui auquel je pensais. Puis, j’ai dû admettre qu’ils travaillaient beaucoup en forêt tropicale et que, pour ma part, j’étais spécialisée dans l’analyse architecturale des arbres de régions tempérées.

    Depuis plus de dix ans, j’entretiens un contact soutenu avec les gens du milieu de la pratique en gestion de l’arbre. Aujourd’hui, j’ai envie de leur offrir ce que je connais de l’architecture des arbres sous une forme qui leur soit accessible.

    Ma réflexion m’a décidée à franchir le cap en m’autorisant une fois de plus ce rôle de « passeur ». Depuis que j’étudie l’architecture des arbres, je sens que mon rôle est de faire le pont entre des mondes séparés : entre la science et la pratique, entre la biologie et la foresterie, entre l’écologie et

    l’architecture des arbres, entre la femme et l’homme, entre la science et l’art. Le meilleur moyen d’y parvenir est encore pour moi de recueillir entre deux couvertures ce que j’ai à dire et à offrir. Ma rencontre avec Guy Primeau m’a inspiré les premiers mots de ce livre qui se veut accessible par ses mots et ses dessins, et surtout utile par les connaissances qu’il présente.

    Il y a un peu plus de vingt ans, soit en 1990, j’ai plongé dans une formation en architecture des arbres pour me faire un cadeau. J’ai choisi de suivre mon élan du cœur malgré mon insécurité qui m’était rappelée régulièrement par les dires de certaines personnes : « Tu es folle ! Tu ne trouveras jamais de travail dans ce domaine au Québec ! » J’ai tout de même plongé dans ce qui m’intéressait le plus en me disant que c’était là que j’avais le plus de chance d’avoir de bonnes idées et d’offrir le meilleur de moi-même. Cela m’a fait vivre mes plus grands défis, m’invitant continuellement à me dépasser et ne manquant pas d’entretenir en moi un profond sentiment d’être « en vie ». Au travail, mon degré de plaisir est devenu mon système d’alarme. Lorsque je n’en ai plus, je regarde ce qui ne va pas. Chaque remise en question me donne le sentiment de risquer la perte de mon emploi, mais me permet de prendre conscience et de m’offrir ce qui me manque : un retour en arrière dans mon analyse, un arrêt sur le bord de la rivière, une pause écriture pour voir clair. Chaque fois que je réussis à dépasser mon sentiment de culpabilité face à cet arrêt que je m’autorise, mes idées débloquent et je retrouve instantanément un sentiment d’envol. Ma créativité me fait aussitôt abattre un travail que d’autres qualifieront ensuite de très productif. J’ai découvert sur ce chemin que la science et l’art ont besoin l’un de l’autre. Ce livre est né d’un heureux mariage des deux. Mais il ne saurait être complet sans le lecteur qui se l’approprie et s’en nourrit. Très bonne lecture !

    Jeanne Millet

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    table des matières

    Préface de Roelof A.A. Oldeman ............................................. VIIPréface de Frédéric Back .......................................................... IxAvant-propos – Une rencontre décisive .................................... xI

    IntroductIon – L’arbre aménagé et Le besoIn de Le taILLer .. 1

    chapItre 1 – La remIse en questIon de queLques croyances popuLaIres .......................................... 5

    chapItre 2 – objectIf fLeurIr ................................................... 9 Le fonctionnement des méristèmes apicaux ................. 10 Le remplacement possible du bourgeon terminal ........ 12 L’expression du rythme de croissance .......................... 13 La période de floraison .................................................. 13

    chapItre 3 – qu’est-ce que L’archItecture d’un arbre ? ..... 17

    Le mode d’établissement du tronc ................................ 17 L’étude de l’arbre entier ................................................. 21 Une solution ................................................................... 22 Un peu d’histoire ........................................................... 22

    chapItre 4 – Les caractères archItecturaux retenus dans La défInItIon des modèLes ........................ 25 4.1 – Le mode de croissance ......................................... 25 Croissance rythmique ou continue ...................... 25 4.2 – Le mode de ramification ....................................... 29 Absence ou présence de ramification .................. 29 Ramification terminale ou latérale ....................... 30 Ramification monopodiale ou sympodiale .......... 31 Ramification rythmique, continue ou diffuse ...... 34 Ramification immédiate ou différée ..................... 38 4.3 – La disposition d’axes équivalents établis par ramification sympodiale ................................. 40 Disposition apicale ou basale .............................. 40 Disposition linéaire ou divariquée ....................... 42 4.4 – La différenciation morphologique des axes ........ 43 Orthotropie ou plagiotropie ................................. 43 4.5 – Le mode de différenciation des axes ................... 44

    Autodifférenciation ou différenciation par ramification ..................................................... 44 Différenciation pendant la croissance primaire ou secondaire ....................................................... 47 4.6 – La position de la sexualité .................................... 50 Sexualité terminale ou latérale ............................. 50

    chapItre 5 – Les modèLes archItecturaux ............................ 53 Définition des modèles .................................................. 53 Le classement des modèles ........................................... 58 Les liens entre les modèles ............................................ 59

    chapItre 6 – La réItératIon .................................................... 61 Les formes de réitération ............................................... 61 Les modes de réitération ............................................... 64 La réitération séquentielle et le modèle ........................ 66 L’évolution du concept de réitération ........................... 67

    chapItre 7 – L’unIté archItecturaLe et Les pLans d’organIsatIon .................................................. 69 L’unité architecturale en tant que structure hiérarchisée .................................................................... 69 L’unité architecturale hiérarchique ou polyarchique .... 72 L’alternance et la superposition des plans d’organisation ................................................................. 75

    chapItre 8 – Les nIveaux d’organIsatIon et La notIon de modèLes emboîtés .......................................... 77 Le module ramifié .......................................................... 77 Ajustement de la définition du modèle architectural ... 81

    chapItre 9 – compLéments du portraIt archItecturaL ....... 83 9.1 – La phyllotaxie ........................................................ 83 9.2 – La disponibilité des bourgeons et leur position .. 87 9.3 – La prédominance des organes sur un axe ........... 87 9.4 – Les sympodes ........................................................ 90 9.5 – La différenciation des rameaux courts et des rameaux longs ................................................ 91 9.6 – La durée de vie des axes ...................................... 92

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  • xiv

    L’architecture des arbres des régions tempérées

    chapItre 10 – La métamorphose archItecturaLe, La sénescence et Le dépérIssement ................. 97 La métamorphose d’une branche en réitérat total ........ 97 Diversité d’expression de la métamorphose architecturale .................................................................. 98 La métamorphose par intercalation ............................... 98 Intercalation et plans d’organisation ............................. 99 Les phases d’expansion et de régression .................... 101 Le choix du terme sénescence .................................... 104 Le dépérissement ......................................................... 105

    chapItre 11 – contrIbutIons tropIcaLes et tempérées et évoLutIon des concepts ........................... 107

    chapItre 12 – La méthode d’anaLyse archItecturaLe........ 113 12.1 – Les usages d’un puissant outil de recherche : le dessin ............................................................ 114 12.2 – Les techniques d’observation et de dessin ...... 114 12.3 – Les étapes de l’analyse architecturale .............. 115

    chapItre 13 – descrIptIon des archItectures et des séquences de déveLoppement ................. 117 13.1 – Bouleau à feuilles de peuplier (Betula populifolia Marsh.) ............................... 123 13.2 – Bouleau jaune (Betula alleghaniensis Britton) 128 13.3 – Caryer cordiforme (Carya cordiformis (Wang.) K. Koch) ............................................................ 136 13.4 – Cèdre de l’Atlas (Cedrus atlantica (Endl.) Manetti ex Carrière) .......................................... 144 13.5 – Cèdre de l’ouest (Thuja plicata D. Don) ......... 150 13.6 – Châtaigner commun (Castanea sativa Mill.) ... 154 13.7 – Chêne pédonculé (Quercus robur L.) .............. 158 13.8 – Cunninghamia lanceolata (Lamb.) Hookerfil 164 13.9 – Cyprès de Lawson (Chamaecyparis lawsoniana (A. Murray) Parl.) .............................................. 168 13.10 – Cyprès de l’Arizona (Cupressus arizonica Greene) ........................................................... 172 13.11 – Cyprès de Provence (Cupressus sempervirens L.) ........................... 177 13.12 – Douglas (Pseudotsuga menziesii (Mirb.) Franco) ............................................................ 181 13.13 – Épinette de Norvège (Picea abies Karst.) ...... 184 13.14 – Épinette noire (Picea mariana (Mill.) B. S. P. ... 189 13.15 – Érable argenté (Acer saccharinum L.) ........... 194 13.16 – Érable à sucre (Acer saccharum Marsh.) ....... 202 13.17 – Érable de Pennsylvanie (Acer pensylvanicum L.) ................................. 210

    13.18 – Érable sycomore (Acer pseudoplatanus L.) ... 220 13.19 – Frêne d’Amérique (Fraxinus americana L.) .. 224 13.20 – Frêne commun (Fraxinus excelsior L.) .......... 229 13.21 – Frêne rouge (Fraxinus pennsylvanica Marsh.) .. 234 13.22 – Hêtre à grandes feuilles (Fagus grandifolia Ehrh.)............................................................... 242 13.23 – Hêtre commun (Fagus sylvatica L.) ............... 250 13.24 – Merisier (Prunus avium L.) ............................ 253 13.25 – Metasequoia glyptostroboides Hu et Cheng ... 256 13.26 – Noyer commun (Juglans regia L.) ................. 263 13.27 – Noyer noir (Juglans nigra L.) ......................... 267 13.28 – Orme d’Amérique (Ulmus americana L.) ...... 272 13.29 – Peuplier faux-tremble (Populus tremuloides Michx.) ............................................................ 279 13.30 – Peuplier noir (Populus nigra L.) .................... 284 13.31 – Pin d’Alep (Pinus halepensis Mill.) ................ 287 13.32 – Pin laricio (Pinus nigra Arn. ssp. laricio (Poiret) Maire) ................................................. 291 13.33 – Pin maritime (Pinus pinaster Ait.) ................. 294 13.34 – Pin sylvestre (Pinus sylvestris L.) ................... 299 13.35 – Platane hybride (Platanus hybrida Brot.) ..... 303 13.36 – Pruche du Canada (Tsuga canadensis (L.) Carr.) ................................................................ 307 13.37 – Sapin baumier (Abies balsamea L. Mill.) ....... 314 13.38 – Sapin de Nordmann (Abies nordmanniana Spach) ............................................................. 325 13.39 – Sequoia sempervirens (D. Don) Endl. ............ 328 13.40 – Tilleul d’Amérique (Tilia americana L.)........ 332 13.41 – Mise en garde : Importance de tenir compte des morts d’apex pendant une analyse architecturale ................................................... 338

    chapItre 14 – « À quoI ça sert ? » .......................................... 339

    chapItre 15 – Les types de fourche ..................................... 343 Modes d’établissement de la fourche .......................... 343 Types de fourche associés aux modèles ..................... 345 Type de fourche associé à un traumatisme ................ 345 Types de fourche associés à l’accès aux ressources .. 346 Synthèse et devenir de la fourche ............................... 346 Détermination du type de fourche .............................. 347 Hypothèse sur la répartition des fourches selon l’espèce et l’environnement ......................................... 348 Interventions appropriées ............................................ 349

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    tabLe des matières

    chapItre 16 – adaptatIon de L’espèce et de L’arbre À L’envIronnement, deux nIveaux d’ajustement .. 351

    Séquence de développement et écologie de l’espèce .... 351 Caractères facilitant les changements de plan d’organisation ............................................................... 353 Interprétation de la forme ou des paramètres de développement ............................................................ 353

    chapItre 17 – Les effets de La taILLe .................................... 355

    chapItre 18 – études de cas : exempLes d’effets IndésIrabLes du traItement faIt aux arbres ............................................... 359 18.1 – Effet cumulé des tailles sur rue chez l’érable argenté ............................................................... 359 18.2 – Préparation des jeunes arbres en pépinière .... 363

    chapItre 19 – proposItIon d’une LogIque d’InterventIon en foresterIe urbaIne ................................... 367

    19.1 – Contexte en milieu urbain et péri-urbain ........ 367 19.2 – Réactions de croissance indésirables et recommandations .............................................. 368

    chapItre 20 – réfLexIon sur La vaLeur opératIonneLLe des connaIssances en archItecture des arbres en foresterIe .............................. 373

    concLusIon – Les modèLes archItecturaux, vIctImes de Leur succès ................................................... 377

    Remerciements ........................................................................ 379Glossaire ............................................................................. 381Bibliographie .......................................................................... 393

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    introductionL’arbre aménagé et le besoin de le tailler

    L’arbre est une plante géante munie d’un tronc qui fascine tout un chacun par sa prestance et sa présence tranquille. Il embellit le paysage et tempère le climat. Maître des terres inexploitées, l’arbre a été intégré aux paysages aménagés par l’homme. Depuis des lunes, il lui fournit bois, fruits, sève, gomme, etc. Pour répondre à ses propres attentes, l’être humain a éprouvé le besoin de le tailler, jusqu’à en venir à croire curieusement que l’arbre en tire des bénéfices. Qui ne connaît pas la croyance selon laquelle une bonne taille rafraîchit un arbre et le rajeunit ? D’où vient cette idée de jeunesse ? Est-ce seulement une impression de rajeunissement liée au fait qu’on diminue la hauteur de l’arbre et que la repousse est menue et feuillée contrairement au tronc ? Comment peut-on savoir si la nouvelle tige feuillée est vraiment équivalente et aussi jeune que celle qui fut à l’origine du tronc qu’on cherche maintenant à remplacer ? En d’autres mots, s’il y a un retour de jeunesse, est-ce qu’il est total ou partiel ? Il serait effectivement intéressant de se questionner sur la signification du caractère de jeunesse dans le langage « arbre » puisque cet argument semble motiver de nombreuses tailles. À moins que cette idée de rajeunissement ne soit qu’une justification pour se donner bonne conscience… Oublions-nous que chaque taille peut provoquer une entrée pour les agents pathogènes (champignons, bactéries) et que l’arbre tentera de remplacer tout ce qu’on lui a prélevé ? Est-ce que l’arbre n’est pas plutôt affaibli par une exposition accrue aux maladies et par cette contrainte qu’il a de puiser dans ses réserves pour assurer sa repousse ?

    En tant que biologiste qui s’intéresse à l’arbre, je porte un regard fasciné sur la diversité des formes, considérant qu’elles ont encore beaucoup à nous apprendre sur la réalité de ce qu’est un arbre. D’emblée, je sens le besoin de dire ma croyance que, fondamentalement, l’arbre n’a pas besoin d’être taillé. Il sait déjà très bien comment pousser. Et s’il advient parfois qu’il mette en place une structure qui présente des caractères considérés comme des défauts à

    l’œil du producteur, l’arbre s’en accommodera soit pour des raisons qui peuvent nous échapper, soit jusqu’à ce qu’il en dispose naturellement par la mort de certains de ses tissus et la tombée de ses parties désuètes. D’ailleurs, demandons-nous : « Qu’est-ce qu’un défaut ? » Soyons conscients que notre conception de ce que devraient être une croissance efficace et une forme idéale pour une plante de l’envergure d’un arbre vient directement de notre besoin d’aménager le territoire et d’exploiter les ressources que l’arbre nous fournit. Nos besoins ont guidé et forgé la conception que nous nous sommes faite de l’arbre idéal, ce qui a décidé de ce qui serait considéré comme un défaut et de ce qui ne le serait pas. Plutôt que de justifier la taille à partir de l’idée qu’on se fait de ce qui est bon pour l’arbre, admettons et assumons plutôt les raisons pratiques pour lesquelles la taille est réalisée et portons un regard neuf sur ce qu’est un arbre afin de pouvoir en tenir compte dans nos pratiques. Une conception plus juste de ce qu’est un arbre contribuera à diminuer les risques qu’il soit taillé pour de mauvaises raisons ou encore qu’il soit taillé d’une mauvaise façon, compte tenu d’un objectif particulier de contrôle de sa forme ou d’aménagement de la forêt.

    L’insistance de l’homme sur le contrôle de la forme de l’arbre a atteint son paroxysme dans deux contextes très différents (figure 0.1). L’un concerne la pratique d’un art ancien de culture de bonzaï au Japon et de penjing en Chine (figure 0.1a). Ces pratiques sont nées d’une fascination de l’homme pour les formes naturelles d’arbres qui ont été soumis aux rigueurs du climat et d’un désir de reproduire ces formes dans des jardins pour leur valeur esthétique et leur inspiration spirituelle (Donovan, Lord et Easterbrook 1985). Le deuxième contexte se trouve dans la pratique plus courante, plus étendue et plus approximative, car plus récente, des aménagements urbains (figure 0.1b). Le mouvement grandissant d’urbanisation des pays développés ou en voie de développement, couplé à un désir d’intégrer l’arbre dans le paysage pour augmenter la qualité des conditions de vie, fait

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  • 2

    L’architecture des arbres des régions tempérées

    Figure 0.1 – Bonzaï et arbre de rue, deux situations extrêmes de contrôle de la forme des arbres par l’homme. À gauche : bonzaï. Jardin botanique de Montréal (Raymond Gagnon). À droite : arbre de rue sous un système triphasé de fils électriques. Tiré de Millet et Bouchard 1998a.

    en sorte que les pressions exercées sur les arbres sont de plus en plus fortes et concernent un nombre grandissant d’arbres. De grandes exigences de contrôle de la croissance végétale découlent de la cohabitation de l’arbre, de l’humain et du mobilier urbain dans des espaces restreints comme les villes. L’arbre est un organisme qui pousse tout au long de sa longue vie. Il se départit également, de façon tout à fait naturelle, de certains des organes qui le composent, en commençant par ses feuilles à l’automne chez les espèces à feuillage caduc. Bourgeons, fleurs, fruits, morceaux d’écorce, rameaux et branches font aussi partie du nombre et leur tombée, variable selon les espèces et les individus, peut s’échelonner sur toute l’année. En milieux urbains et péri-urbains, l’arbre préoccupe le gestionnaire non seulement pour une question de forme adéquate dans un milieu donné, mais également à cause

    du changement continuel de sa forme et de ses dimensions et de tout ce qui peut en tomber. Par sa croissance, l’arbre envahit progressivement l’espace et par son élagage naturel, il parsème le sol de ses morceaux. Ces deux caractéristiques préoccupent celui qui veille à l’aménagement d’un territoire pour des questions de sécurité, de protection de matériel, de visibilité et d’accès à la circulation. Les arbres doivent être taillés, mais comment fait-on ? Afin d’éviter que l’art de la culture des arbres urbains mette autant de temps à se développer que l’art de la culture des bonzaïs et des penjings, c’est-à-dire environ deux millénaires (Donovan, Lord et Easterbrook 1985), il apparaît utile de ne pas s’en remettre uniquement à la méthode des essais et erreurs. L’usage de connaissances sur le mode de développement des arbres s’avère en ce sens un atout de toute première importance.

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    introduction – L’arbre aménagé et Le besoin de Le taiLLer

    La gestion de la forme de l’arbre ne préoccupe pas seulement l’aménagiste urbain, mais également les producteurs et les propriétaires soucieux de la santé de leurs arbres et de leur forêt (producteurs de bois d’œuvre, de pâte et papier, de fruits, acériculteurs, propriétaires terriens, etc.). L’exploitation forestière est l’activité qui implique la plus grande quantité d’arbres. Curieusement, elle fait très peu appel aujourd’hui encore aux connaissances sur le mode de développement des arbres. Comment cela se fait-il ? N’a-t-on pas besoin pour rentabiliser la production de bois de tenir compte de la nature même du fonctionnement de l’arbre ? Au Canada, pays forestier par excellence, on connaît encore très peu comment nos arbres poussent. Faut-il s’en étonner ? Il semble bien que jusqu’ici l’abondance de la ressource n’ait pas stimulé les questionnements. Tant que les arbres étaient largement disponibles, il n’y avait pas un besoin urgent de comprendre leur mode de développement. La ressource était là et on comptait sur sa capacité naturelle de se renouveler. Le fait qu’on s’alarme du manque de disponibilité en bois de qualité dans nos forêts est encore récent au Canada.

    Au Québec, les premières actions sylvicoles d’une certaine importance ont commencé à la fin du xixe siècle, menant à la création d’une pépinière forestière en 1908 (Doucet et Côté 2009). L’intensité de la plantation n’a pas dépassé 20 millions de plants par année jusqu’en 1968. Elle a atteint 40 millions en 1982, équivalant à la régénération de 7 % des superficies récoltées. Un constat d’échec de la régénération observée sur trop de superficies laissées à la régénération naturelle dans les années 1980 a mené à l’élaboration d’un vaste programme de reboisement. L’intensité de la plantation a atteint 251 millions de plants par année en 1989 (répartis sur 34 % des aires récoltées) et elle est retombée à 139 millions (sur 20 % des aires récoltées) entre 2000 et 2005. En 2007, les plants produits au Québec sont à plus de 98 % des résineux et à moins de 2 % des feuillus (Doucet et Côté 2009). Les arbres feuillus avec leur tendance à fourcher sont plus difficiles à produire. Le manque de connaissance des règles qui gèrent le développement des arbres retarde encore aujourd’hui la mise en place d’une production efficace de bois nobles de qualité, provenant essentiellement d’essences feuillues.

    Pour pouvoir changer les habitudes de pratique en gestion forestière et en production de bois, il fallait d’abord que la preuve du manque de rentabilité des pratiques actuelles soit faite. En ce début du xxie siècle, il semble qu’on ait atteint un point critique. Les coûts d’approvisionnement en bois ont augmenté à un point tel qu’il en devient moins

    coûteux socialement de s’investir dans la recherche de solution de rechange que de se maintenir dans le statu quo. Avec une exploitation forestière qui doit répondre aux besoins grandissants d’une population elle-même grandissante, la ressource se fait de plus en plus rare et des ruptures de stock surviennent au grand dam des exploitants. Les pertes d’emploi dans le domaine de la foresterie et l’état de la forêt exploitée alertent maintenant l’opinion publique et incitent aux changements politiques nécessaires à l’amélioration des pratiques. Un virage vers l’aménagement écosystémique (c’est-à-dire qui tient compte de l’écologie des forêts) et le maintien de la biodiversité s’est amorcé au Québec en 2004 (Doucet et Côté 2009). Aussi, le besoin de favoriser la régénération des forêts en vue de son exploitation, ainsi que celui d’éviter sa dégradation dans un souci de plus en plus grand de préservation, font en sorte qu’on s’intéresse de plus en plus aux caractéristiques du mode de développement des arbres et à leur rapport à l’environnement. Comme en milieu urbain, l’augmentation des besoins en foresterie stimule une recherche de rentabilité des manœuvres de contrôle de la forme des arbres. Les aménagements forestiers sont réalisés à l’échelle de la forêt plutôt qu’à l’échelle de l’arbre pris individuellement. En raison du désir de l’exploitant de limiter les besoins d’intervention directe sur l’arbre, pour une question d’économie, une approche de contrôle des conditions du milieu est généralement privilégiée. Celle-ci aurait tout autant avantage à prendre en compte les règles de croissance des arbres puisque l’arbre s’ajuste aux conditions de son environnement par la plasticité de sa forme. Cette plasticité dépend directement des règles qui gèrent sa croissance.

    Que ce soit pour obtenir un arbre qui fourche à la hauteur désirée et qui soit capable de contourner efficacement des fils électriques, ou pour obtenir un arbre au tronc bien droit et dépourvu de branches basses dans le but de faire de la belle planche, dans les deux cas on cherche à orienter la croissance de l’arbre selon des besoins précis en contrôlant son environnement. Notons ici que la taille pratiquée par l’homme, au même titre que le broutage par un herbivore, est considérée comme un élément de l’environnement. Dans les deux cas, que ce soit pour des objectifs d’aménagement urbain ou d’exploitation forestière, il devient primordial, pour un contrôle efficace de la forme de l’arbre, de savoir comment il pousse et comment il répond à son environnement.

    L’analyse architecturale des arbres est l’outil par excel–lence pour mettre au jour les caractéristiques du mode de développement propres à chaque espèce d’arbre. L’objectif de cet ouvrage est de présenter à l’élagueur, au producteur

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    Extrait de la publication

  • 4

    L’architecture des arbres des régions tempérées

    de bois et à toute personne concernée ou préoccupée par l’exploitation, la préservation, la santé et l’esthétique de l’arbre et de la forêt, ce qu’est l’architecture des arbres et ce qu’elle nous apprend du mode de développement des arbres. Nous proposons ici une révision des concepts en architecture des végétaux, tels que définis à ce jour, et des connaissances mises au jour par les analyses architecturales des arbres des régions tempérées dans l’hémisphère nord. Nous donnerons également un aperçu des intérêts pratiques de ces nouvelles connaissances. Toutes les espèces d’arbres n’ont pas encore été étudiées et ce livre ne manquera pas de vous paraître incomplet. Néanmoins, il nous semble important de présenter l’état actuel des connaissances dans ce domaine pour ce qu’elles nous révèlent déjà du mode de développement des arbres. Ce premier livre sur l’architecture des arbres des régions tempérées se veut un point de départ pour une mise à profit de telles connaissances dans une gestion éclairée de l’arbre et de la forêt qui passe par le respect et la mise à profit des potentialités de croissance des arbres. Ce livre se veut aussi un encouragement à poursuivre les travaux dans ce domaine afin qu’un jour on connaisse les étapes du développement caractéristique de chaque espèce d’arbre, pour les bénéfices d’interventions plus efficaces et moins dommageables pour les arbres.

    Tout au long de l’ouvrage, il peut arriver que des idées ou des citations soient appuyées d’une ou de plusieurs références. Afin de ne pas alourdir le texte, elles sont indiquées dans la suite du texte de façon discrète. Seul un chiffre apparaîtra entre parenthèses pour chaque référence. Le lecteur désireux d’approfondir la notion dont il est question

    ou de retourner à la source de ce qui est avancé trouvera à la fin de l’ouvrage les coordonnées complètes des références correspondant aux chiffres. Par ailleurs, certains mots dans le texte apparaissent en italique. Ces mots sont définis dans le texte ainsi qu’à la fin du volume dans le glossaire. Chaque mot nouveau fait l’objet d’une définition en plus d’être illustré par un dessin. Le glossaire, en plus de fournir les définitions, fait référence aux figures appuyant celles-ci. En somme, ce livre est conçu de façon que l’ensemble des structures et les processus impliqués dans le développement des arbres soient présentés de manière visuelle à travers les nombreuses figures en plus d’être définis et expliqués en mots. La nature n’étant pas faite de limites claires, chaque limite donnée dans le présent ouvrage à un mot ou à un concept peut être discutée. Elles le seront nécessairement un jour ou l’autre par ceux et celles qui compléteront ce tableau inachevé de l’architecture des arbres. Pour ma part, je me suis inspirée des concepts proposés par Hallé et Oldeman (62), Oldeman (89), Hallé, Oldeman et Tomlinson (63) et Édelin (38, 41). J’ai dû ajuster certaines définitions de manière à intégrer le fruit de mes propres observations et assurer ainsi une cohérence à l’ensemble. Les découvertes à venir permettront soit de confirmer ce qui est connu à ce jour, soit de proposer une nouvelle façon d’intégrer l’ensemble des connaissances. Pour l’heure, j’ose vous offrir cette œuvre inachevée, incomplète et discutable, afin qu’elle puisse stimuler les uns à réagir en la bonifiant et les autres à voir tout simplement de façon différente les arbres sur lesquels porte leur regard, que ce soit dans un souci de gestion, de production, de conservation ou simplement de contemplation.

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  • L’architecture des arbresdes régions tempéréesSon hiStoire, SeS conceptS, SeS uSageS

    L’architecture des arbresdes régions tempéréesSon hiStoire, SeS conceptS, SeS uSageS

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    C e livre s’adresse aux amoureux des arbres, autant les professionnels (arboriculteurs, élagueurs, ingénieurs forestiers, botanistes, etc.) que le grand public. Il intéressera tous ceux qui désirent mieux comprendre comment différentes espèces d’arbre se développent et mettent en place, chacune à sa manière, une disposition particulière des branches, c’estàdire leur architecture.

    Le lecteur trouvera dans cet ouvrage hautement illustré l’ensemble des notions lui permettant d’observer l’architecture d’un arbre. On y présente quelques éléments d’histoire de l’évolution des concepts en architecture des arbres depuis leur découverte dans les années 1960 jusqu’à aujourd’hui. Les plus récentes avancées rendent maintenant disponible la séquence de développement de l’arbre, telle une carte, comme outil de diagnostic du stade de développement atteint par l’arbre, de son rapport à l’environnement et de ses potentialités de croissance à venir. Les applications sont nombreuses tant en études d’impact, en aménagement, en conservation, en foresterie et en arboriculture qu’en sciences où la séquence de développement sert de cadre de référence pour l’intégration des connaissances de disciplines diverses (physiologie, biologie du développement, biologie moléculaire, génétique, écologie, etc.) de même que pour orienter les échantillonnages.

    Jeanne MilletPréfaces de Roeloff A.A. Oldeman et Frédéric Back

    ISBN 978-2-89544-190-8

    JEANNE MILLET est docteure en biologie végétale. Pendant plus de 20 ans, elle a poursuivi des recherches en architecture des arbres à l’Institut de recherche en biologie végétale tout en étant, depuis 2009, chercheure invitée au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal. Forte de ses années de recherche et de travail de terrain, elle nous introduit à l’architecture des arbres, un domaine encore méconnu, mais combien fascinant et porteur d’avenir ! Elle nous offre ici le premier livre jamais écrit sur l’architecture des arbres des régions tempérées.

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    Extrait de la publication

    CouverturePréface de Roelof A.A. OldemanPréface de Frédéric BackAvant-propos – Une rencontre décisiveTable des matièresIntroduction – L’arbre aménagé et le besoin de le taillerCouverture arrière