juliette mesnil, sept. 2006 - irma
TRANSCRIPT
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Université Paris III – Sorbonne Nouvelle
UFR Communication
DDEE LL’’UUSSAAGGEE DDEESS MMEEDDIIAASS
DDAANNSS LLEE RRAAPP ::
DDEESS SSTTRRAATTEEGGIIEESS MMEEDDIIAATTIIQQUUEESS
AAUUXX SSTTRRAATTEEGGIIEESS IIDDEENNTTIITTAAIIRREESS
Mémoire Master 2 Recherche
Sciences de l’Information et de la Communication
Présenté par : Juliette Mesnil
Sous la direction de :
Guy Lochard
Septembre 2006
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« TTout d’abord, partir des objets et de leurs usages pour mettre en évidence non pas tant ce
que les techniques font aux gens que ce que les gens en font. Le problème n’est plus ici de
raisonner en termes d’influence des médias, […] mais d’analyser les formes d’appropriations
des techniques et des objets par les groupes sociaux. »
CHAMBAT Pierre (sous la direction de), Communication et lien social. Usages des machines
à communiquer, « Communiquer, relier », CHAMBAT Pierre,
Cité des Sciences et de l’Industrie, Editions Descartes, 1992, p. 13-14.
« MMais en dehors de ces éléments, qui répondent à une intention de communiquer
spécifique et bien contrôlée, la communication véhiculera des éléments indépendants de cette
intention, et qui se rapportent au métier, à la position de l’entreprise, à son mode de
fonctionnement, à ses valeurs et aux images qui la représentent. »
SCHWEBIG Philippe, Les communications de l’entreprise. Au-delà de l’image,
Editions Mc Graw Hill, Paris, 1998, p. 59.
« AAutrefois une Théorie des Objets eut été une théorie de l’échange aboutissant à une
psycho-économie, désormais elle est une théorie des communications. Autrefois
l’environnement était exclusivement un cadre biologique ou un arrière-fond sur lequel se
détachaient les messages ; désormais il est message lui-même, message social d’authenticité
ou de kitsch, de richesse ou de dénuement, de simplicité ou de complexité : il y a bien là un
totalitarisme de la référence communicationnelle. »
MOLES Abraham A., Théorie structurale de la communication et société,
Masson et CNET-ENST, Paris, 1986, p.51.
4
RREEMMEERRCCIIEEMMEENNTTSS
Je tiens à remercier :
Guy Lochard, mon directeur de recherche, qui m’a épaulée et soutenue dans le
déroulement de mes recherches.
L’équipe de Because Music, tout particulièrement le pôle urbain : Karim
Benzina, Anthony Cheylan et Stéphane Ndjigui, pour m’avoir accueillie au sein du label, et
fourni des matériaux qui ont permis la réalisation de ces recherches.
5
SSOOMMMMAAIIRREE
Introduction p. 10
CCHHAAPPIITTRREE II
RREEPPEENNSSEERR LLEESS MMEEDDIIAASS
AA TTRRAAVVEERRSS LLEE RRAAPP
p. 20
I. Propos préliminaires p. 21
1. Position discutée p. 21
2. Hypothèse p. 22
3. Méthodologie p. 22
4. Plan p. 22
II. Penser les médias p. 22
1. Une définition des médias ! p. 22
2. Une conception traditionnelle et institutionnelle ? p. 24
3. Des médias alternatifs ? p. 28
4. Pour quel positionnement ? p. 35
III. Rap et médias : des relations paradoxales et controversées p. 41
1. Le rap et la rue p. 41
2. Le marché du rap p. 41
3. Le rap et les médias, quelles relations ? p. 42
4. Paradoxes et controverses p. 45
6
CCHHAAPPIITTRREE IIII
DDEE LL’’UUSSAAGGEE :: EENNTTRREE AAPPPPRROOPPRRIIAATTIIOONN
EETT CCOONNSSTTRRUUCCTTIIOONN
p. 48
I. Propos préliminaires p. 49
1. Position discutée p. 49
2. Hypothèse p. 50
3. Méthodologie p. 50
4. Plan p. 50
II. Penser les usages p. 51
1. La notion d’usage cantonnée aux études en réception ? p. 51
2. Eclairages définitionnels p. 52
III. De l’appropriation p. 55
1. De la teckné p. 55
2. De l’appropriation à la pratique discursive p. 55
IV. L’usager comme acteur p. 56
1. De la participation citoyenne p. 56
2. Des choix rationnels (in)conscients p. 57
3. De la conformité ? p. 58
4. Des logiques d’usages p. 58
5. Des modalités d’usages des médias p. 60
6. De la représentation à l’action p. 62
CCHHAAPPIITTRREE IIIIII
DDEEss SSTTRRAATTEEGGIIEESS
MMEEDDIIAATTIIQQUUEESS
p. 64
7
I. Propos préliminaires p. 65
1. Position discutée p. 65
2. Hypothèse p. 65
3. Méthodologie p. 65
4. Plan p. 66
II. Les stratégies au cœur de l’usage des médias … l’usage des médias au
cœur des stratégies p. 67
1. Eclairage définitionnel sur le concept de stratégie p. 67
2. Des choix stratégiques p. 68
3. Revisiter la notion de stratégie p. 68
III. Le « plan médiats » p. 69
1. Le cas de la sortie de l’album de Sefyu « Qui suis-je ? » le 24 avril 2006 p. 69
2. Le projet p. 70
3. Des évènements et lieux médiats de significations p. 72
IV. Comprendre et interpréter les stratégies d’un plan médiats p. 90
1. Le cadre situationnel p. 90
2. Les acteurs p. 91
3. Les contextes p. 93
4. Les relations p. 94
V. Les stratégies d’un plan médiats p. 96
1. Proposer une typologie ? p. 96
2. De l’usage « spé » et « généraliste » … p. 97
3. Ou des stratégies « médiationnelles » p. 99
4. De la cohérence ? p. 100
8
CCHHAAPPIITTRREE IIVV
DDEESS SSTTRRAATTEEGGIIEESS
IIDDEENNTTIITTAAIIRREESS
p. 102
I. Propos préliminaires p. 103
1. Position discutée p. 103
2. Hypothèse p. 104
3. Méthodologie p. 104
4. Plan p. 104
II. Les stratégies identitaires au cœur de l’usage des médias p. 105
1. Les stratégies identitaires p. 105
2. L’écriture médiatique ou la prise en compte des valeurs p. 110
III. Des usages aux stratégies : les lieux de construction des identités p. 112
1. Des axes identitaires p. 112
2. De la construction p. 115
3. Synthèse. Des stratégies médiatiques aux stratégies identitaires p. 118
4. De la complexité des rapports constitutifs des identités p. 120
Conclusion p. 122
Médiagraphie p. 126
Table des matières p. 133
Volume d’annexes
9
AAVVAANNTT PPRROOPPOOSS
hoisir le rap comme lieu d’étude vient d’un intérêt personnel pour cette
musique ainsi que pour l’état d’esprit et la culture qui l’enveloppent.
Pourtant le rap n’est pas qu’un divertissement et une affaire de préférences musicales. Le rap
peut aussi être considéré comme objet de recherche à part entière, ce qui est trop peu souvent
le cas.
Par ailleurs, le couple média - rap fait beaucoup jazzer. L’envisager dans le
cadre d’une recherche universitaire, permettra de développer un regard distancié quant aux
fondements des critiques.
CC
10
IINNTTRROODDUUCCTTIIOONN
es produits culturels, artistiques et tout particulièrement le rap,
entretiennent depuis toujours des relations paradoxales, antagoniques et
ambivalentes avec les médias. En effet, le rap a pris dès ses débuts, une attitude revendicative
face aux institutions, notamment face aux institutions médiatiques. Pourtant le rap fait partie
de l’espace industriel et médiatique actuel.
Notre recherche se propose alors de tenter de dépasser les opinions polarisées,
en observant une cohabitation, si ce n’est nécessaire, en tous cas, qui se pose à nous dans les
faits.
OObbjjeett dd’’ééttuuddee
Notre regard a pour point d’ancrage les médias. Plus précisément nous
proposons d’envisager les médias dans leurs usages et leurs stratégies médiatiques et
identitaires autour de la sortie de l’album de Sefyu « Qui suis-je ? ». Et ceci par une
approche communicationnelle.
Le média et encore plus, les stratégies médiatiques, participent de la forme et
ainsi de la construction discursive et identitaire ou plutôt d’identités discursives.
Notre interrogation ne porte pas sur le média en lui-même, mais plutôt sur les
stratégies qui gouvernent les pratiques médiatiques et leurs articulations avec les stratégies
identitaires. Reprenant une métaphore culinaire, nous allons observer quels sont les
ingrédients, leur dosage, mais aussi à quelle occasion est préparé le plat.
LL
11
Bien que nombreuses études portent sur les médias, que ce soit de manière
générale, sur des aspects, historiques, relationnels, économiques, etc., ou bien que ce soit de
manière particulière, envisageant alors bien souvent les médias de masse tels la radio, la
télévision,…, il s’agit à chaque fois d’inscrire le média dans un champ théorique et
conceptuel, qu’il soit sémiologique, sociologique, etc. ce qui rend l’approche singulière et
inédite.
Bien que le rap et la culture hip-hop suscitent de plus en plus d’écrits, peu de
travaux restent propres à ce domaine. Articuler le rap avec son aspect médiatique apportera
une dimension si ce n’est, nouvelle, en tout cas, inédite sous ma plume. En effet, en dehors
d’articles d’opinions concernant le rap et les médias, il n’existe pas à ma connaissance de
travaux de fond, sur les relations qu’entretiennent le rap et les médias, notamment dans une
axiomatique identitaire.
QQuueell sseecctteeuurr,, qquueellllee ppéérriiooddee,,
qquueellss mmééddiiaass ??
Le rap, aspect musical du mouvement hip-hop est le secteur auquel se limite
notre recherche. Nous aurions pu nous attacher à l’ensemble des moyens d’expression du
mouvement, comprenant ainsi, le graffiti, le breakdance et le djing. Néanmoins nous avons
choisi de restreindre la recherche au côté musical du hip-hop. D’ailleurs, parmi l’ensemble de
ses disciplines artistiques, il semblerait que le rap soit celle qui connaît manifestement la plus
haute médiatisation.
Pas né d’aujourd’hui, le rap ne peut plus être envisagé comme un phénomène
de mode. Il faut bien en effet porter notre regard sur un phénomène social, culturel et
médiatique. Il est donc question d’envisager le rap comme une discipline culturelle, artistique
et musicale hautement médiatique, relativement peu médiatisée, mais participant de la
médiation, voire au ciment de cohésions sociales.
Nous avons choisi de fonder nos recherches sur un projet : l’album de Sefyu
« Qui suis-je ? » sorti le 24 avril 2006. Le choix de ce projet comme étude de cas vient de
l’occasion d’intégrer le pôle urbain du label Because Music durant six mois en tant
qu’assistante stagiaire du chef de projet et de l’attaché de presse.
12
Si le cas est choisi notons qu’il n’est pas sélectionné par préférences, mais par
opportunité. Cette opportunité offre en effet la possibilité de recueillir informations et
matériaux de « l’intérieur », afin de constituer le corpus de recherche.
Ainsi, lorsque nous parlerons d’usages, de stratégies médiatiques et
identitaires, c’est dans le cadre de la sortie de l’album du rappeur Sefyu que nous les
envisagerons.
Notons dès à présent que les résultats seront alors limités au cas étudié, plus
particulièrement à la période d’observation déterminée de trois mois (de la mi-mars à la mi-
juin 2006). Ces limites sont constructives et permettent :
- de réunir l’ensemble des matériaux qui constituent le corpus
- de disposer de l’environnement situationnel et contextuel – en partie seulement, car toute
exhaustivité serait vaine –, élément capital afin d’étudier les usages et les pratiques.
Ainsi déterminé, le champ exploratoire suggère une certaine latitude de
recherche qui ne cessera d’être précisée au cours de ces travaux.
LLee ssuujjeett
A bien des égards, les stratégies médiatiques utilisées sont corrélées à des
stratégies discursives et identitaires. Entrer en relation avec autrui, passe par la médiation
d’un arsenal d’outils qui prend corps à travers l’usage et les stratégies d’un acteur. Une
explicitation de ces quelques lignes s’impose.
En effet, il est question d’étudier l’usage comme choix, appropriation d’une
technique, d’un support, d’une situation. Ainsi émergent des interrogations quant aux
relations mais aussi aux rapports qui s’établissent avec et par l’utilisation d’un outil. Les
usages sont des lieux riches en significations de par le corps qui s’approprie.
Face à l’ensemble des théories des sciences de l’information et de la
communication, il pourrait à première vue sembler déplacé d’évoquer le terme d’usage au
sujet de la production, ou plutôt de la construction discursive. En effet, le terme est la plupart
du temps, convoqué pour décrire les phénomènes de réception. Pourtant le terme d’usager est
à envisager dans sa dimension pratique, actionnelle et surtout interactionnelle, pour lesquelles
des partenaires, tantôt émetteur, tantôt récepteur (parfois même à leur insu) produisent des
discours et représentations et engendrent ainsi des possibilités interprétatives.
13
Il me semble que le terme de stratégie est sous jacent à l’activité humaine,
mais aussi à l’activité médiatique et discursive qui nous concerne ici plus précisément.
Envisager un moyen ou une fin comme stratégique, permet d’ancrer une action dans un
système d’enjeux, de libertés mais aussi de contraintes et de jeux de pouvoirs. La stratégie de
l’acteur est cette marge de libertés et de choix dont on propose de rendre compte. L’usage
d’un terme ou d’un média n’est pas anodin, ils relèvent de choix, qui bien souvent sont eux-
mêmes issus de valeurs, d’idéologies, de constructions imaginaires de cibles, etc.
Mes recherches s’attachent à étudier l’appropriation de dispositifs
médiatiques et à en dégager des éléments d’interprétation.
En s’intéressant à la construction d’un discours à travers l’usage des médias et
les choix sous-jacents, j’envisagerai l’interprétation d’un point de vue méta-discursif.
En effet, on peut interpréter dans le choix d’une typographie ou d’un lieu de
représentation d’un concert par exemple, un méta-discours sur l’entité énonciative. Celui-ci ne
dira pas la même chose sur les moyens financiers, humains, matériels, … impliqués, et donc
sur l’entité énonciative elle-même.
Pour poursuivre l’exemplification de ce propos, Yves Lavoinne précise que
« ce livre (objet) où, comme dans tout imprimé, les éléments matériels (le format et le nombre
de pages comme le caractère et le corps choisi) et symboliques (éditeur, collection)
déterminent, au moins partiellement, la construction de ce livre (texte). »1
La manière dont l’énonciateur se présente à autrui participe autant que le contenu à la
construction de stratégies médiatiques et ainsi à la signification.
Il s’agit d’étudier l’enveloppe, ce « packaging » qui emballe le contenu, lieu de
développement d’un méta-discours, dont on peut interpréter et tirer du sens, de l’organisation
sur elle-même.
Utiliser la communication orale interpersonnelle, le téléphone, le courrier
postal ou électronique par exemple pour annoncer une nouvelle, nous ne dirions pas, ajoute
des significations supplémentaires, mais contribue à part entière à l’interprétation des
significations qui en découlent, et même à la production qui la précède. Autrement dit, je ne
dis pas la même chose si je le dis de vive voix ou bien si je l’écris par courrier. (Par exemple,
X préfère utiliser le courrier parce que le téléphone lui revient trop cher, et X est radin, ou
bien X est trop sensible pour annoncer une nouvelle de vive voix…) En fait, X ne dit pas la
1 LAVOINNE Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication en plus, 1997, p. 15.
14
même chose de lui-même. Le choix est attaché à une personne, un énonciateur qui divulgue
des éléments de sens sur lui-même et son identité. Le message prend toute sa particularité dès
lors qu’il s’ancre et transite par un intermédiaire. Il en ressort une possibilité interprétative au
niveau identitaire, qui va bien au-delà du contenu du message ainsi que l’on s’attache souvent
à l’étudier.
En fait ce qui suscite mon intérêt ce n’est pas tant le discours comme contenu,
mais comme forme discursive, à laquelle il est donné une certaine importance à la
construction et à la possibilité d’interprétation d’un choix. Le choix d’un terme, d’une
attitude, … est bien présent dans la construction du discours. Mais cela passe aussi par les
représentations mutuelles qui contribuent à la construction de celui-ci.
Une telle approche permet donc de ne pas simplement penser en terme de
choix ou d’intention, mais en terme de co-construction discursive, médiatique et identitaire.
Mon regard se porte alors sur les complexités relationnelles. L’instauration
d’une relation nous importe presque plus que le contenu du discours. En effet, l’aspect
stratégique que nous avons choisi d’aborder, suppose d’être appréhendé en relation et en
interaction avec autrui mais aussi dans un cadre organisationnel et situationnel.
Comme nous venons de le présenter, entrer en relation, se (re)présenter à autrui
requiert de développer et mettre en œuvre un ensemble d’outils, techniques, langagiers, …
porteurs de significations, qu’il convient d’éclairer dans un contexte particulier qui est celui
que j’ai choisi, la musique rap, en l’occurrence, la sortie de l’album « Qui suis-je ? » de
Sefyu.
Le sujet présenté ici se d’ :
- aborder les propriétés communicationnelles des médias et surtout d’un plan média relatif à
un projet artistique, musical et culturel,
- analyser au travers des faits médiatiques décrits les stratégies médiatiques et identitaires
sous-jacentes.
Notre sujet participe de la spécificité d’une recherche en sciences de
l’information et de la communication, du fait qu’il prend part à l’étude « des processus
d’information ou de communication relevant d’actions contextualisées, finalisées, prenant
15
appui sur des techniques, sur des dispositifs, et participant des médiations sociales et
culturelles. »2
Les mots-clefs de cette recherche ainsi que nous l’avons exposé, sont
principalement : appropriation, usages, stratégies, médias, identité, rap.
Une fois notre domaine et notre sujet de réflexion explicités, une série
d’interrogations se pose à nous.
PPrroobbllèèmmeess eett iinntteerrrrooggaattiioonnss ??
Quels sont les médias utilisés ?
A quelles occasions ?
Comment, ensemble, s’inscrivent-ils dans un projet relationnel et communicationnel ?
Quelles sont les stratégies médiatiques développées ?
Quelles sont les stratégies identitaires sous-jacentes ?
Comment passe-t-on de la publicité des faits à la construction d’une image de marque ?
Notre démarche interrogative se schématise ainsi :
DDéémmaarrcchhee iinntteerrrrooggaattiivvee
FFoonnddeemmeennttss tthhééoorriiqquueess
Afin d’apporter des éléments de réponse aux problèmes et interrogations cités
ci-dessus concernant les stratégies médiatiques, discursives et identitaires, nous adopterons un
paradigme constructiviste, tout en faisant principalement référence parallèlement aux apports
théoriques de la sémiologie.
2 Source : http://cnu71.online.fr
16
Ainsi, un fond théorique sémiologique est omniprésent dans ces recherches. Il
s’impose tant pour ses capacités à étudier les propriétés médiatiques et communicationnelles
que pour ses compétences à révéler les sens « seconds » ou les méta-sens. La pensée
sémiologique permet de mettre au cœur l’interprétation des phénomènes dans une démarche
connotative.
Plus que cela, la sémiologie rend compte d’une rhétorique de la
représentation ou de la mise en représentation. La rhétorique comme art du discours,
conduit à envisager celui-ci comme un construit, processus mais aussi résultat d’une
interaction.
« Un vêtement, une automobile, un plat cuisiné, un geste, un film, une
musique, une image publicitaire, un ameublement, un titre de journal, voilà en apparence des
objets bien hétéroclites.
Que peuvent-ils avoir de commun ? Au moins ceci : ce sont tous des signes.
[…] l’homme moderne, l’homme des villes passe son temps à lire. Il lit d’abord et surtout
des images, des gestes, des comportements : cette auto me dit le statut social de son
propriétaire, […] il nous est donné sans cesse de lire un second message entre les lignes du
premier […]
Toutes ces « lectures » sont trop importantes dans notre vie, elles impliquent trop de valeurs
sociales, morales, idéologiques, pour qu’une réflexion systématique n’essaie pas de les
prendre en charge : c’est cette réflexion que, pour le moment du moins, nous appelons
sémiologie. Sciences des messages sociaux ? des messages culturels ? des informations
secondes ? Saisie de tout ce qui est « théâtre » […] l’information devient un signe second,
elle affiche un choix politique.
Déchiffrer les signes du monde, cela veut toujours dire lutter avec une
certaine innocence des objets. […] : bref le sémiologue, comme le linguiste, doit entrer dans
la « cuisine du sens ».
C’est là une entreprise immense. Pourquoi ? Parce qu’un sens ne peut jamais
s’analyser d’une façon isolée. […] par exemple, étudier cette opération mystérieuse par
laquelle un message quelconque s’imprègne d’un sens second, diffus, en général
idéologique, et que l’on appelle « sens connoté » »3
En cela, nous resterons proches du fait communicationnel et énonciatif. En
effet, toute communication prend sens par l’usage d’un acteur. L’acteur s’approprie des outils
3 BARTHES Roland, L’aventure sémiologique, Editions du Seuil, 1985, extraits de « La cuisine du sens », p.227 à p.229. Passages surlignés en gras par moi-même.
17
langagiers et se pose par-là comme être de discours, plus précisément dans notre cas,
énonciateur de sa condition.
Pour résumer, la démarche interrogative et analytique de ces recherches sera
sémio-discursive, recherchant la construction du sens à travers l’appropriation d’outils
médiatique. Mais aussi la compréhension des jeux des acteurs à travers la construction du
discours.
Ces quelques éléments présentent le fond théorique sous-jacent à la réalisation
de cette étude de cas relative à la sortie de l’album de Sefyu « Qui suis-je ? ». A présent,
voyons comment nous allons procéder pour analyser le projet choisis et répondre à ces
ambitions de recherches.
DDéémmaarrcchhee mméétthhooddoollooggiiqquuee
Observer les usages des médias offre un mode opératoire pour considérer les
pratiques et traiter des questionnements posés.
L’opportunité de disposer d’une place d’observateur participant au sein du
label Because Music, permet de recueillir informations, documents et propos, qui rendent
possible la constitution d’un corpus et l’observation de celui-ci.
Cette enquête de terrain nous permettra de décrire, expliquer et interpréter les
stratégies.
L’observation en tant que méthode de recherche a de nombreux points positifs
mais aussi de nombreux biais. Ainsi, le rôle d’observateur participant confère une place
ambiguë au chercheur. L’observateur est « dedans » et « dehors » à la fois. L’ancrage du
regard est multiple. Ce n’est qu’une remarque parmi tant d’autres concernant cette méthode,
qui indique bien l’ambivalence de la position d’observateur et aussi les difficultés auxquelles
il fait face. Toutefois, nous tenterons d’exploiter au mieux les opportunités d’interrogations et
de résultats que cette méthode offre.
A travers la méthode d’observation nous entendons ainsi développer une
approche communicationnelle des dispositifs médiatiques et sortir des opinions polarisées
par l’étude de la construction des usages et des stratégies.
18
LLee ccoorrppuuss
C’est par les sources documentaires auxquelles nous ferons référence que nous
serons en mesure d’analyser les stratégies de l’usage des médias dans le projet rap étudié et
d’apporter des résultats.
Les matériaux d’analyse ou corpus de recherche réunit des informations sur
une période de trois mois4. Ces informations et documents sont de nature diverse : des
autocollants, affiches, communiqué de presse, clip, pochette album cd, article de presse,
dossier de presse, biographie, document de mise en avant en Fnac, invitation pour le concert à
l’Elysée Montmartre, dossier de partenariats, photo, PLV, documents commerciaux, plan
marketing, site internet, skyblog, t-shirt, etc.5
Nous n’allons faire une analyse approfondie de chaque document. On le fera
pour un ou deux supports, dans le but de révéler une orientation. Cependant ces documents
nous intéressent non dans leur singularité, mais dans leurs interrelations, entre eux, avec le
contexte, les évènements, etc.
Le corpus est homogène du fait qu’il concerne un seul et même projet. D’autre
part, il est hétérogène du fait qu’il s’intéresse à des supports différents. Si nous avons limité
ces recherches à une approche monographique, c’est pour tenter d’embrasser une certaine
connaissance du projet dans ses applications pratiques, afin de pouvoir en envisager les
stratégies.
HHyyppootthhèèssee
L’usage d’un média développe des possibilités signifiantes autres que le
contenu. Il participe et relève d’un métadiscours et entre ainsi dans un ensemble de stratégies,
elles-mêmes liées à un environnement représentationnel (organisationnel, institutionnel,
culturel, etc.). Le rap et plus particulièrement la sortie de l’album de Sefyu « Qui suis-je ? »
est cet environnement qui nous permettra de considérer la construction de stratégies
identitaires en miroir (reflet, imaginaire et fantasmatique) avec les stratégies médiatiques.
PPrroobblléémmaattiiqquuee ??
La problématique qui guide ces recherches se formule alors ainsi : quelles sont
les stratégies médiatiques et identitaires mises en œuvre à travers l’usage des médias dans le
4 De la mi-mars à la mi-juin 2006. 5 Tous les éléments du corpus se trouvent sous la rubrique des annexes Sefyu dans le volume d’annexes.
19
projet rap étudié ? Et de manière subordonnée : en quoi l’imaginaire se construit-il sur des
oppositions de type institutionnel ?
AAnnnnoonnccee dduu ppllaann
Parce que les lieux de significations ne se trouvent pas uniquement dans le
contenu c’est en étudiant l’usage des médias et les stratégies sous jacentes relatifs à la sortie
de l’album de Sefyu, que nous atteindrons une meilleure appréhension des éléments de
significations.
Notons que ces questionnements à portée générale s’appuient ici, sur le cas
étudié.
Afin de répondre à ce questionnement principal qui guide l’ensemble de ces
recherches, nous envisagerons dans un premier temps, l’appropriation des médias,
redéfinissant ainsi la considération des médias au regard du rap et du projet étudié. Le second
chapitre mettra en évidence les propriétés de l’appropriation au service de la construction de
stratégies médiatiques et identitaires. Le troisième chapitre articulera une présentation du plan
médiats observé, avec la description et l’analyse des stratégies médiatiques. Enfin, le
quatrième et dernier chapitre abordera quant à lui les possibilités interprétatives sur le plan
identitaire et ainsi les stratégies relatives.
20
21
« IIl ne suffit donc pas d’opposer les médias par leur
schéma technique (unidirectionnel / interactif par
exemple) ou par leur capacité de mobilisation pluri ou
unisensorielle (médias chauds / médias froids de Mac
Luhan) pour épuiser leurs effets sociaux. Les médias
s’incarnent dans des objets et ceux-ci ne sont pas qu’un
reste, un sous-produit ou un mariage honteux de la
technique (numérisation, commutation, etc.) et du
marketing. Les formes matérielles prises par les
techniques participent de l’imposition comme de
l’appropriation du sens des communications et tout
changement de support induit des déformations. »
CHAMBAT Pierre (sous la direction de),
Communication et lien social. Usages des machines à
communiquer, « Communiquer, relier », CHAMBAT
Pierre, Cité des Sciences et de l’Industrie, Editions
Descartes, 1992, p. 15.
l semblerait qu’il se soit installé une conception traditionnelle et
institutionnelle des médias et de la notion même. Dépasser les conceptions
mainstream en étudiant les pratiques de terrain liées à la sortie de l’album du rappeur Sefyu
nous permettra d’aborder les médias dans leurs usages.
II.. PPrrooppooss pprréélliimmiinnaaiirreess
11.. PPoossiittiioonn ddiissccuuttééee
Le paysage définitionnel et conceptuel qui entoure le mot média est vaste et en
même temps par quelques aspects, il est restreint à certaines considérations. Par ailleurs, le
terme média est galvaudé ; il est aussi riche de significations qu’il peut en être vidé.
Nous sommes alors conduits dans ce chapitre à discuter les conceptions et à
poser les bases du positionnement conceptuel qui oriente notre approche.
II
22
22.. HHyyppootthhèèssee
Les conceptions des médias ne s’accordent ni sur un même objet, ni sur les
mêmes théories et encore moins sur les mêmes réalités. Suivre les conceptions mainstream,
accordées implicitement par un consensus définitionnel, empêcherait de porter un regard sur
des phénomènes médiatiques existants, mais non considérés comme tels. On propose ici, de
nommer média, ce qui ne l’est pas usuellement.
33.. MMéétthhooddoollooggiiee
Nous considérons qu’il est essentiel de s’accorder le temps de redéfinir le
terme comme nous entendons nous approprier son sens, afin de fonder notre description et
notre analyse et surtout de justifier la constitution de notre corpus d’étude.
Une exigence méthodologique proposée par Yves Lavoinne, à laquelle nous
répondrons, suggère d’être « attentif à la manière dont un média induit, en tant que technique,
ou construit, en tant qu’acteur social, des usages de la langue, de l’image et des sons. […] En
outre, ce parti pris de méthode implique de ne pas isoler a priori la presse, la radio ou la
télévision d’autres médias volontiers reconnus aujourd’hui comme des vecteurs culturels …»6
Quels sont ces autres médias, vecteurs de culture, dont il est question ?
44.. PPllaann
Avant de présenter notre étude de cas et parcourir les stratégies des usages des
médias, nous allons expliciter dans un premier temps ce que nous entendons par le terme
média ou plutôt ce qu’il est pertinent de considérer comme tel au regard de notre sujet de
recherche : le rap et plus particulièrement l’étude de la sortie de l’album de Sefyu « Qui suis-
je ? ». Cela nous conduira ensuite à affirmer notre positionnement théorique et conceptuel.
IIII.. PPeennsseerr lleess mmééddiiaass
11.. UUnnee ddééffiinniittiioonn ddeess mmééddiiaass !!
De nombreux auteurs s’attachent à penser les médias. Pourtant il ne semble pas
y avoir une conception unie ou alignée tant sur un mode définitionnel qu’opératoire, même si
6 LAVOINNE Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication en plus, 1997, p. 12.
23
on constate néanmoins des terrains d’ententes. Ces multiples conceptions ne s’excluent pas
l’une l’autre, mais elles dévoilent de la complexité de l’appréhension d’un objet de recherche
unifié. Ceux qui travaillent sur les médias – bien qu’ils sachent que la notion est complexe –,
pensent regarder un même objet. L’objet média serait devenu évident. Cependant à la lecture
de certains ouvrages, même simplement en parcourant les titres, sous-titres et tables des
matières, quand bien même tous prétendent porter sur les médias, on constate qu’ils décrivent
pourtant des objets différents.
La notion de média, recouvre une polysémie et un investissement selon certains
auteurs, et certaines conceptions, qui font plus ou moins autorité, qui conduisent – quasiment
– à autant de formes d’interprétation que d’auteurs.
« Le terme générique de technologie renvoie en effet à des objets d’études très
divers : procédés, outils, machines, dispositifs ou systèmes. […] On a plutôt le sentiment
d’avoir affaire à une juxtaposition de perspectives différentes ou de paradigmes indépendants,
sans qu’il y ait un accord minimal sur les définitions de base, ou la façon de poser les
problèmes. »7
La difficulté d’aborder la notion de médias vient dans les confusions multiples,
« l’assimilation entre innovation technique et innovation sociale, entre applications et usages,
l’identification entre la communication fonctionnelle, techniquement efficace et la
communication sociale, infiniment complexe. »8
La multitude d’utilisations de la notion de média et des conceptions, n’apporte
pas une clarification du terme. Penser le média au singulier est difficilement envisageable.
Pourtant si une définition doit être fournie, c’est dans sa singularité et non dans sa dimension
plurielle qu’il faut l’envisager. Cela ne doit pas pour autant perturber notre attention sur notre
objet de recherche. Objet de recherche dont nous tenterons, non pas d’apporter une nouvelle
définition, mais un regard qui n’est pas privilégié habituellement.
En effet, il se dégage une vision commune des conceptions sur les médias et
des orientations de recherche. En « bon » chercheur des sciences de l’information et de la
communication, et en « rap-attitude », je tenterai de développer une vision critique des
conceptions usuelles institutionnalisées, dites « mainstream ». Et cela sur plusieurs points :
- sur la conception même des médias, qui nous concerne à présent
7 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages, « Introduction à une socio-politique des usages », VEDEL Thierry, Editions Apogée, collection Médias et nouvelles technologies, 1994, p. 16. 8 CHAMBAT Pierre (sous la direction de), Communication et lien social. Usages des machines à communiquer, « Communiquer, relier », CHAMBAT Pierre, Cité des Sciences et de l’Industrie, Editions Descartes, 1992, p. 11.
24
- sur l’appréhension de cet objet par les usages, non en terme de réception, mais en terme de
production
- et ainsi sur les stratégies mises en œuvre, que nous aurons l’occasion d’approfondir par la
suite.
22.. UUnnee ccoonncceeppttiioonn ttrraaddiittiioonnnneellllee
eett iinnssttiittuuttiioonnnneellllee ??
Bien que les conceptions théoriques et pratiques des médias soient nombreuses,
leurs préoccupations considèrent peu d’objets médiatiques. Ce paragraphe est l’occasion pour
nous d’aborder différents angles et conceptions, théoriques et pratiques, précieux à la
compréhension du positionnement de notre regard dans la réalisation de ces recherches.
AA.. DDee ll’’iimmpplliicciittee mmaassss mmééddiiaattiiqquuee
La conception des médias s’arrête bien souvent à la presse, la télévision,
l’affichage, la radio, le cinéma et Internet.
Il se trouve que le terme média est implicitement associé au terme mass media.
Les médias sont réduits à un canal de diffusion massive. Les canaux de diffusion non massive
ne sont-ils pas pour autant médias ? Qu’en est-il de l’affichage dans ce cas là ?
Nombreux sont les auteurs qui s’attachent à étudier, la radio, la télévision, …
Pourtant les phénomènes de communication sont plus vastes. Certes, il est nécessaire de
borner son regard. Mais exclure de facto des objets précieux à l’étude des médias, par des
conceptions réduites à un consensus définitionnel, limite les possibilités d’études. Supposer
penser les médias, en envisageant seulement les mass media, c’est écarter toutes les
possibilités, pourtant ouvertes pour étudier les phénomènes médiatiques.
En effet, « tous les médias ne sont pas des mass-médias »9, ainsi que l’affirme
Eliséo Véron.
Cette assertion rejoint notre postulat. Ainsi, « l’expression « communication de masse »
désigne un mode d’utilisation (parmi d’autres) de ces supports de sens qui sont les médias. Ce
mode d’utilisation semble pouvoir être caractérisé, de façon minimale, comme l’accès public
(ou semi-public : en tout cas pluriel, collectif) à un même message ou ensemble de messages.
Cette notion « d’accès public » veut éviter une approche purement quantitative (nombre de
personnes) du problème de la communication « de masse ». Sans avoir à définir les 9 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 27.
25
dimensions de cette « masse », la notion d’accès public, collectif, aux mêmes messages
permet de distinguer certaines utilisations en termes d’une opposition public / privé. »10
Il est essentiel de constater à travers cette réflexion que parler de masse ou non,
ne revient pas à penser le média en des termes quantitatifs. Les modes d’usages et
d’appropriation apportent une dimension qualitative à la définition des médias.
« Un même média peut être l’objet d’une utilisation « non massive ». »11 Voici un schéma
conçu par Eliséo Véron et Martine Levasseur, qui distingue les pratiques médiatiques.
Ce schéma est enrichissant à plusieurs égards. Il semble pourtant ici, que les
auteurs apportent des propos contradictoires. En effet, ils considèrent de par la forme que
prend le média (et non l’usage, mais celle-ci induit cela) que la radio, la télévision, sont des 10 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 27. 11 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 28.
26
médias de masse. Pourtant si l’on prend en considération les propos cités précédemment,
l’usage qui est fait de la radio ou autre média peut être non massif. Nombreuses sont les
télévisions ou radios locales, dont la portée serait dite non de masse.
On constate à travers l’exemple de photo presse, photo amateur, qu’un
deuxième terme vient qualifier le premier, et identifier l’usage. Ainsi que le suggère
l’exemple, la distinction s’opère notamment au niveau de la professionnalisation des
pratiques. En effet la professionnalisation et ainsi l’institutionnalisation contribue à
différencier les usages. Cette remarque n’est pas anodine, puisque la professionnalisation et
par-là l’institutionnalisation du rap, apportent des distinctions concernant les usages.
Les médias, sont bien souvent regroupés et associés de manière exclusive à la
presse, la radio, la télévision… On constate tout d’abord, que ces termes ne sont que des
exemplifications qui ne nous mènent pas à ce que sont les composantes intrinsèques d’un
média. Par ailleurs des termes comme celui de presse ou encore de publicité serait plutôt un
type de traitement du contenu, puisque l’on parle de presse radio, télévisée ou presse papier.
Elles sont « d’un certain emploi ou d’une certaine fonction de divers autres médias (…) qui en
sont les supports »12
Notre ambition est de sortir de ces conceptions imposées comme évidentes et
exclusives pour pouvoir envisager l’étude de notre projet de rap.
Si la grande conception des médias, radio, télévision, cinéma, … distingue la
télévision du cinéma, ce n’est pas tant par le support, que par la relation communicationnelle
qui est sous-jacente, avec tout ce que suppose la situation contextuelle.
L’implicite mass médiatique ne laisse pas de place aux conceptions qui
envisageraient les médias, comme non nécessairement de diffusion massive. Pourtant on a pu
constater que la qualification de massivité ne vient pas des propriétés du média lui-même,
mais de l’usage qui en est fait.
BB.. LLee «« hhoorrss--mmééddiiaa »»
BB..11.. OOuu lleess mmééddiiaass àà uussaaggeess nnoonn mmaassssiiffss
Ce qui préoccupe la plupart des recherches, ce sont les mass medias, confondus
trop rapidement comme étant l’ensemble des médias.
12 CAZENEUVE Jean, cité dans LAVOINNE Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication en plus, 1997, « Des médias », p. 24.
27
Ainsi parle-t-on de « hors-média », finalement pour désigner ceux qui ne sont
pas de masse, mais restent néanmoins des médias. Alors cette appellation de « hors-média »
revient à ne pas considérer des phénomènes qui n’en restent pas moins médiatiques.
Le « hors-média » serait-il une autre catégorie de canaux de communication,
néanmoins, non corrélé à l’implicite mass médiatique ? Quelles sont toutes ces autres formes
de communication ?
A la lecture des propos du manuel le Publicitor13, la communication dite
« hors-média » apparaît comme une catégorie « fourre-tout », dans laquelle tout ce qui
n’appartient pas à la catégorie média (autrement dit médias de masse) s’insère par défaut dans
cette catégorie.
Le canon définitionnel laisse peu de place aux autres formes, il pose d’ailleurs
des limites restrictives. Il se crée alors une rubrique spécifique, pour toutes ces formes de
communication, qui ne passent pas par les mass media, et qui ne sont pas moins médiatiques
pour autant.
L’appellation de « hors-média » laisse penser que ces phénomènes médiatiques
sont laissés dans l’ombre.
Et pourtant, la communication dite « hors-média » constitue 2/3 des
investissements promotionnels14. D’ailleurs, après certains travaux parlementaires du sénat et
« selon les experts, la forte ampleur des investissements publicitaires « hors média »
représenterait une singularité française, qui s'expliquerait par une série de particularismes de
marché, mais aussi, géographiques et réglementaires. »15
BB..22.. OOuu lleess mmééddiiaass àà uussaaggeess nnoonn ppuubblliicciittaaiirreess ??
Un élément de distinction notable qu’il est à notre sens important d’évoquer,
même s’il se situe a priori sur un plan économique, est la dimension publicitaire payante du
média face à la dimension non « non payante » ou dite promotionnelle dont relèverait le
« hors-média ».
13 LENDREVIE Jacques, de BAYNAST Arnaud, Publicitor. De la publicité… à la communication intégrée, 6ème édition avec la collaboration de RIOU Nicolas, Editions Dalloz, 2004. 14 Consulter en ANNEXE 3 : Quelques chiffres. 15 Source : http://www.senat.fr (http://www.senat.fr/rap/r04-413/r04-4131.html) (rapport d’information, n°413, de M. Philippe LEROY, fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification sur l’évaluation de l’impact de la libéralisation de la publicité télévisée et les perspectives ainsi ouvertes pour l’ensemble des acteurs concernés, L'ouverture de la publicité télévisée aux secteurs interdits : quels équilibres entre déréglementation et pluralisme ? (session ordinaire de 2004 – 2005, annexe du procès-verbal de la séance du 21 juin 2005).
28
Si le hors-média, n’a pas la forme économique de la publicité, n’en a t-il pas
pour autant la capacité de publiciser ? D’ailleurs, pour certains, le hors-média est considéré
comme de la publicité masquée16.
En effet, il s’agit à présent de considérer la publicité, non dans sons sens
marchand, mais dans son sens de publicisation.
L’activité médiatique n’est pas liée pour l’essentiel à une dimension
économique publicitaire, bien qu’elle soit selon les cas, constitutive du fonctionnement
organisationnel.
Mais surtout – en ce qui nous concerne –, l’activité médiatique est
intrinsèquement liée à la dimension communicationnelle.
En effet, d’un point de vue communicationnel, que
l’on observe une activité médiatique, dite média ou hors-média,
cela ne change pas fondamentalement le fait que la chose soit
rendue publique. Assurément, les moyens utilisés sont différents.
Mais en quoi ?
Certes dans une optique technique et surtout financière, le hors-média ne peut
être comparable à ce qui est habituellement nommé média, comme nous l’avons indiqué.
Malgré cela dans une optique communicationnelle, ce qui est nommé « hors-média », est
pourtant média. En cela nous rejoignons Eliséo Véron qui considère ainsi l’exposition comme
un média17.
* * *
La dimension non massive et non publicitaire (au sens d’insertion payante),
permet pourtant de parler de phénomènes médiatiques et de médias. Quels sont donc ces
médias, pour lesquels peu d’attention est accordée et auxquels on ne reconnaît pas le nom de
média ? C’est en parcourant la nature communicationnelle (dite « promotionnelle ou
publicitaire »), autrement dit l’usage sous-jacent de ces formes de communication que nous
pourrons faire émerger leurs caractéristiques médiatiques.
33.. DDeess mmééddiiaass aalltteerrnnaattiiffss ?? 16 Consulter l’article « Hors-média : quand la pub avance masquée », Sauveur Fernandez, source : http://www.econovateur.com/rubriques/communiquer/eth1_151001.shtml. 17 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983.
29
Certains – nous faisons allusion ici, notamment et principalement aux agences
ou services de communication et marketing – proposent une alternative au paysage mass
médiatique18.
Une alternative aux médias de masse, suggère ainsi de sortir de la pensée
unique qu’offriraient les médias dits dominants ou traditionnels. Selon les époques, on parle
de médias parallèles, contre-médias, alter-médias ou médias alternatifs, libres, indépendants,
associatifs, etc. Quelles composantes communes ces termes reflètent-ils de la réalité ? Il est
souvent avancé une volonté d’indépendance face aux médias dits dominants ou encore aux
conceptions dominantes des médias, qu’en est-il ?
AA.. LL’’eessppaaccee uurrbbaaiinn iinnvveessttiitt
oouu qquuaanndd ll’’iimmaaggee ssoorrtt dduu ccaaddrree
En consultant les pages de la régie publicitaire Metrobus19, deux modes de
communication sont proposés, et ceci en correspondance avec ce que nous avons abordé
précédemment : le média et le hors-média. D’après Metrobus, le média, selon leur activité, a
pour configuration principale l’affichage (ce qui rejoint la définition canonique des médias),
illustré ci-dessous à gauche. Le hors-média, illustré à droite, serait, quant à lui, caractérisé par
sa dimension évènementielle et hautement situationnelle.
18 Source : http://www.marketing-alternatif.com. 19 Source : http://www.metrobus.fr ; Consulter ANNEXE 4 : Les opérations évènementielles de Metrobus.
30
A première vue, lorsque l’on se trouve face à l’illustration de ces deux modes
de communication ci-dessus, on ne constate pas vraiment de différences. Pourtant un regard
plus approfondi nous fait remarquer que l’affichage est cantonné à un cadre, un espace
prédéfini – en effet, la loi du 29 juillet 1881, interdit d’afficher, hors des espaces réservés à
cet effet –, alors que le hors-média dépasse un cadre physique, pour investir l’espace urbain.
Cette présentation permet de distinguer finalement, deux types de publicité
extérieure, celle dite média, de celle dite hors-média. Ceci d’une part, du fait qu’elle est
événementielle. D’autre part, du fait que la seconde s’approprie un espace qui ne lui est pas
réservé, et non du fait qu’elle est une insertion payante. Ainsi, l’affichage n’est plus restreint à
son cadre. On parle aussi dans certains cas d’affichage sauvage.
Dit autrement, la distinction médias / hors-média ne permet pas de classer
l’affichage dans l’une ou l’autre de ces rubriques. On est conduit à penser l’affichage20
autrement. Seul l’usage peut aider à la compréhension de ce qu’est un média.
20 Consulter http://www.lentreprise.com/article/4.2111.1.353.html : « L’affiche devient spectacle », CLAUSTRES Magalie, le 31.10.2002.
31
BB.. LLee ssttrreeeettmmaarrkkeettiinngg21
Le streetmarketing22 est le nom pour désigner le marketing de rue23. Son
principe est d’aller à la rencontre des publics et fonder une relation de proximité24.
BB..11.. LLeess tteecchhnniiqquueess dduu ssttrreeeettmmaarrkkeettiinngg
Tribeca25, agence de marketing alternatif, propose comme actions de
streetmarketing : l’affichage sauvage, les graffitis (légaux), les projections et la distribution.
Urban act26, agence conseil en streetégique marketing opérationnel diversifie ses outils en
proposant différentes actions, nous avons eu l’occasion de les citer plus haut.
Plutôt que de faire appel aux médias traditionnels, il s’agit de disposer d’un
réseau de partenariats et d’échanges de visibilité, qui permet la multiplication de la présence
sur les supports27.
« Les techniques de promotion se sont diversifiées. « Aujourd'hui, les labels
utilisent beaucoup la scène pour lancer des artistes, et misent sur les techniques de bouche-à-
oreille ou les actions menées dans la rue. Le « streetmarketing » se développe en particulier
dans les univers du rap et du R'n'B », souligne Dominique Leguern, directrice du Midem, le
21 Urban act, agence conseil en streetégique marketing opérationnel nous propose une définition sur son site http://www.urbanact.com. « Le street marketing ou marketing urbain consiste à conceptualiser et à organiser des opérations de communication en milieu urbain, à destination de différents publics afin de créer une émulation à l’égard d’une marque, d’un service ou d’un produit. Il s’agit d’un moyen de communication alternatif où la marque investit l’espace public et aborde les consommateurs dans des lieux qui sont les leurs et qui leur correspondent. Pour ce faire, nous nous appuyons sur un certain nombre d’outils et de concepts promotionnels novateurs tels que l’Ice Cube, la Promobile, le Boarding, le Bombing act, ou plus classiques mais tout aussi efficaces, tels que l’Echantillonnage, l’Animation Out door, la Multidiffusion de flyers ou d’autres supports, le Stickage, le Mailing, l’Affichage boutique (Store posting), ou encore l’Affichage libre (free posting). L’objectif de ces opérations étant de favoriser une communication de proximité, chose que la communication traditionnelle a parfois des difficultés à réaliser, du fait qu’elle se confond de plus en plus avec le mobilier urbain (affichage 4x3, abribus,…). Si ce mode de communication a largement fait ses preuves auprès des 15-35 ans, il permet également de cibler tout types de public (du plus spécifique au plus large, du plus jeune au plus âgé) et s’adapte à tout budget. […] Ainsi, si vous souhaitez vous démarquer et personnaliser votre communication, attiser la curiosité, faire circuler une rumeur, étonner, troubler, bref surprendre le public, vous trouverez sur ce site une manière différente et originale d’appréhender votre stratégie marketing. » 22 A noter que deux façons d’orthographier le mot sont employées : streetmarketing et street marketing. Nous optons pour la première. 23 Consulter http://management.journaldunet.com/dossiers/03109lancement/street.shtml ; cf ANNEXE 5 : « Quand le marketing investit la rue », source : http://management.journaldunet.com. 24 Consulter http://www.lexpress.fr/info/societe/dossier/pub/dossier.asp?ida=391313 ; cf ANNEXE 6 : « La pub descend dans la rue », par Henri Daguet, l’Express du 30.04.2003., source : http://www.lexpress.fr ; Consulter : « Les marques jouent la carte de la proximité pour séduire les collégiens », par Laurence Girard, Le Monde du 10.09.2002, source : http://www.passe-partout.de. 25 Source : http://www.tribeca.fr ; cf ANNEXE 7 : Le streetmarketing selon Tribeca, source : http://www.tribeca.fr. 26 Source : http://www.urbanact.com. 27 Consulter : http://www.economiematin.com article « Streetmarketing : et le tract devint moteur … », 2 juillet 2005 (cf ANNEXE 8), par OM. Ainsi que l’article « Ces Smart si stylées … », propos recueillis par Sandrine Allonier, 22 janvier 2006.
32
marché international du disque qui prévoit une relative banalisation des opérations en relation
avec le mobile : « Les nouveaux supports sont des outils marketing puissants mais
complémentaires. Ils vont rentrer de plus en plus dans les plans médias des maisons de
disques. » »28
Il est intéressant de constater que nombreuses agences de streetmarketing se
sont ouvertes, pour répondre aux besoins spécifiques des entreprises. On constate que ces
agences ne s’occupent la plupart du temps pas des opérations de la musique rap. Le
streetmarketing, n’est plus la propriété réservée de certaines organisations. Beaucoup
d’entreprises l’intègrent dans leur plan marketing.29
Pourtant, c’est spontanément que ce type de communication est développé par
le rap. En effet, le rap et le hip-hop de manière générale, ne disposaient pas de l’accès aux
médias traditionnels, ni des budgets nécessaires pour les intégrer. Ainsi le streetmarketing
s’organise peu à peu à travers le développement du mouvement hip-hop. Aujourd’hui, le
streetmarketing fait partie intégrante des plans de communication de nombreuses marques.
Ce type d’actions de rue tâche d’établir une approche directe et interactive. Il s’agit de se
mettre en scène et de développer si ce n’est de nouveaux espaces, des niches d’espaces de
communication.
BB..22.. DDuu bbuuzzzz
Le streetmarketing est pour certains, le moyen pratique de faire du buzz,
autrement dit de générer le bouche-à-oreille, voire des retombées médiatiques30. En effet, le
buzz ou marketing viral, est l’art de générer du bouche-à-oreille, positif, auprès des leaders
d’opinion.
Il s’agit de développer un dispositif « multi-canal » qui conduit les publics à
entendre parler de la marque par diverses sources d’influence31.
Le buzz se veut être une alternative voire un complément à la publicité
traditionnelle, qui, il est vrai, face aux chiffres des dépenses médias et hors-média32, la
publicité est en perte de vitesse. Le buzz est une technique de communication induisant les
leaders d’opinion à parler d’une marque ou d’un produit sans passer par les techniques
traditionnelles. 28 Source : http://perso.wanadoo.fr/ivy/madoinfos.htm. 29 Consulter http://www.loreal.fr/_fr/_fr/passion/full_article.aspx?NewsID=b3e959a4-8758-4d07-a9b8-3b233c02e526&r=3&sr=7; 30 Consulter le site : http://www.culture-buzz.com. 31 Consulter : http://www.nouveaujour.fr. 32 Consulter ANNEXE 3 : Quelques chiffres.
33
Le buzz envisage de créer une dynamique communicationnelle autour de la
marque, et ceci en s’appuyant sur une histoire, un imaginaire, une identité, etc.
Le streetmarketing est ce qui est considéré comme off-line, notamment du fait
qu’il est événementiel. On parle aussi d’undercover marketing.
BB..33.. UUnnddeerrccoovveerreedd
En effet le streetmarketing est un des aspects de l’undercover marketing33.
« L’undercover marketing désigne l'ensemble des techniques utilisées par un annonceur afin
d'approcher le consommateur dans son environnement sans qu'il ait conscience d'une
démarche commerciale. »34
Le marketing peut s’éloigner plus ou moins des techniques de
commercialisation et du rapport strictement marchand. Cependant sa composante
promotionnelle est toujours présente, si ce n’est finalement, la composante essentielle. En
revanche la mettre en avant, c’est tout autre chose.
« Pour être plus efficace encore, le street marketing doit être conçu et envisagé sous le
principe de l’undercover marketing. Les entreprises doivent influencer les individus au sein
de leur environnement, sans trace d’action commerciale. […] Pour cela, deux approches :
s’associer à des événements ou investir la culture de rue. »35
« L’objectif de cette démarche est d’impliquer le consommateur dans le processus de
communication, en lui envoyant un message personnalisé et d’atteindre directement son
comportement d’achat. Alors que la publicité classique tente bien souvent de recréer un
univers autour du produit, à introduire des liens émotionnels dans le comportement d’achat,
l’undercover se borne simplement à mettre le produit en situation36 (hidden sponsor, street
marketing, nightlife marketing…) ou à créer un événement autour du produit (marketing viral,
alterno marketing…). »37
BB..44.. IImmpplliiqquueerr lleess ppuubblliiccss
Le streetmarketing ambitionne de créer l’événement, développer une action
originale, en impliquant les publics, en les faisant participer.
33 Source : http://www.undercover-marketing.fr. 34 Source : http://www.undercover-marketing.fr. 35 Source : http://www.undercover-marketing.fr. 36 C’est nous qui soulignons. 37 Source : http://www.undercover-marketing.fr.
34
Il s’agit de « faire des individus les propagateurs bénévoles (parfois récompensés, voire
rémunérés) d’une marque, de ses produits, de la publicité et des événements conçus pour elle.
C’est le marketing viral ou buzz marketing qui vise à développer une rumeur (buzz) favorable
à la marque. »38
La mise en forme de l’affichage, comme on a pu
le voir à travers les illustrations de Metrobus, s’attache à
développer une connexion avec les publics. Au regard des
illustrations relevant du dit « hors-média », il semble selon
nous que nous sommes en présence d’une communication qui
accentue la dimension relationnelle par l’implication directe
des publics dans l’interaction.
Nombreux sont les objets du quotidien qui impliquent une relation. Le public n’est pas
simplement consommateur, il est acteur de la communication de la marque.
Il ne s’agit pas d’une simple connexion, ni d’une simple relation, comme on
aurait pu le comprendre, mais de l’implication directe dans la relation communicationnelle.
Par certains aspects ils développent une dimension de proximité avec les publics que les
médias traditionnels ne sont pas en mesure d’induire.
BB..55.. UUnnee gguuéérriillllaa uurrbbaaiinnee
La rue est le lieu de promotion, propice pour le buzz. Par
ailleurs c’est le lieu d’une guérilla urbaine.
Le streetmarketing ou comment s’approprier l’espace
urbain ?
Tout comme peut l’être nommée la rumeur, on
peut dire que la rue est le premier média du
monde.
Les opérations de guérilla, rentrent là encore dans le cadre
d’évènements ponctuels.
Leur objectif est d’étonner, d’intriguer, surprendre et susciter la conversation autour d’une
marque ou d’un produit.
38 LENDREVIE Jacques, de BAYNAST Arnaud, Publicitor. De la publicité… à la communication intégrée, 6ème édition avec la collaboration de RIOU Nicolas, Editions Dalloz, 2004, p. 528.
35
Il s’agit, comme nous l’avons vu précédemment d’activer le buzz, ainsi que de
développer une relation de proximité entre la marque et les cibles39.
Ces techniques hors-média visent pourtant à atteindre les objectifs classiques que se fixe la
publicité dite médias.
** ** **
Ainsi certains parlent de marketing alternatif. Alternatif à quoi ? A ce qui est
désigné communément comme grands médias et techniques « publicitaires » traditionnels.
Les médias dits alternatifs disposent de logiques et de
dynamiques singulières. Ce sont des moyens de communication non
conventionnels. Pourtant, « les activités « alternatives » telles que le
marketing viral ou le buzz deviennent, elles, traditionnelles. Les
entreprises allouent désormais près de 10% de leur budget marketing à
ces nouvelles pratiques, qui sont à présent une autre corde à l’arc du
marqueteur professionnel »40
Les techniques marketing ne sont généralement pas considérées par les
sciences de l’information et de la communication. Alors qu’un des axes essentiel du
marketing est celui de la communication, dit autrement dans le jargon marketing, de la
publicité ou promotion. La communication est au cœur du marketing. Inversement, les
techniques d’image et de marque (au sens de signe distinctif) sont finalement bien souvent les
préoccupations des sciences de l’information et de la communication (nous pensons ici,
particulièrement à la rhétorique ou sémiologie).
La pensée communicationnelle, trouve pour partie, sa réalisation concrète dans
les techniques marketing. Effectivement, le marketing prend en charge les formes
communicationnelles, à tous niveaux, tout particulièrement au niveau des stratégies d’image
et des représentations.
44.. PPoouurr qquueell ppoossiittiioonnnneemmeenntt ??
39 Consulter : http://www.nouveaujour.fr. 40 Source : http://www.buzz-marketing.fr “Non-traditional marketing become, well, traditional. Buzz, word-of-mouth, and viral marketing were pretty radical ideas in 2003. Now, companies are allocating almost a tenth of their annual budgets to these activities, and they have become just another arrow in the professional marketer's quiver.” traduit de l’anglais par moi-même.
36
Il se trouve que la définition qui est attribuée au média s’associe implicitement
à un rôle et une fonction, et ainsi à toute la théorie qui s’organise au-delà. Attribuer une
fonction, c’est aussi penser les enjeux de pouvoir, ainsi que les représentations implicites
auxquels participent les usagers. Lorsque l’on consulte les définitions proposées par le Petit
Larousse, des mots média, médiatiser, médiation, … on constate que les définitions sont très
enrichissantes, quant à la difficulté de définir, mais aussi de cristalliser une origine au mot,
ainsi qu’un investissement théorique et conceptuel particulier.
Ce paragraphe est l’occasion d’expliciter la manière dont on entend
s’approprier le terme média et ainsi définir le phénomène et les multiples dimensions sous-
jacentes sur lesquelles notre regard se pose.
AA.. DDeess nniivveeaauuxx dd’’aannaallyyssee
Nous avons eu recours à des notions telles celles d’outil, de technologie, de
technique, de dispositif, de support, de canal, de message, etc., et tout cela pour tenter de
définir ce qu’est un média.
Poser son regard sur les médias, c’est aussi adopter un positionnement face à ce
qui a été présenté précédemment, mais aussi face à toutes les études qui existent que nous
n’avons évoqué ?
En effet, nous ne trouvons pas satisfaction dans les assertions qui suivent : « le
contenu = le message », « le média est le message » ou encore « le canal = le média ».
Les propriétés signifiantes dépassent le seul cadre du contenu, en trouvant
notamment des fondements dans leur représentation médiatique. Ne pas prendre en compte
l’aspect situationnel et contextuel revient à ne pas véritablement s’interroger sur les
significations des usages des médias. En effet, la catégorisation se fait plutôt à partir du mode
interactionnel induit par la relation médiatique.
Les multiples considérations se situent bien souvent à des niveaux d’analyse
différents. Le schéma concernant le sens et les significations connotées de Roland Barthes
développe cette volonté de distinguer des strates de significations et ainsi des niveaux
interprétatifs.
DDeess nniivveeaauuxx dd’’aannaallyyssee oouu lleess lliieeuuxx ddee ssiiggnniiffiiccaattiioonnss
37
41
Les niveaux d’analyse présentés par le schéma ci-dessus, conçu par nous-
même, sont complémentaires et permettent dans leur ensemble d’appréhender un plus haut
niveau de significations en se questionnant sur les choix, les intentions et les stratégies des
usages des médias dans le projet rap étudié.
Le contenu n’est pas seul à participer au message ou propriétés signifiantes.
Cette réalisation schématique indique que des éléments de la construction des significations se
trouvent dans l’action ou le contenu, qui s’organise dans des lieux médiats de significations
au travers de mi-lieux d’actions et ceci, de manières relatives aux contextes.
Seule l’étude du contenu ou de l’action, ne parvient pas à fournir toutes les
significations que recouvre le message, ou plutôt qui émergent de l’acte de communication.
BB.. LLee mmééddiiaa :: uunn mmii--lliieeuu
Penser le média comme un mi-lieu, c’est prendre en compte les multiples
dimensions que recouvre le terme de lieu, ainsi que celui de milieu.
BB..11.. UUnn lliieeuu ddee CCOONNSSTTRRUUCCTTIIOONN dduu sseennss
Si Eliséo Véron envisage le média comme support c’est aussi en tant que lieu
qu’il est appréhendé.
41 Pour illustrer rapidement, la rue serait un mi-lieu d’action et les affiches, un lieu médiat de significations par exemple. Les termes mi-lieux d’actions et lieux médiats de significations seront explicités ultérieurement dans notre développement.
38
Du point de vue de Eliséo Véron et Martine Levasseur, « la notion de
« média » désigne un support de sens, un lieu de production (et donc de manifestation) du
sens. Sur le plan du fonctionnement social, bien entendu, ces supports sont toujours le résultat
de dispositifs technologiques matérialisés dans des supports de sens socialement disponibles,
accessibles à l’utilisation à un moment donné. »42
Adopter le terme de lieu, c’est selon nous, ainsi que le note Eliséo Véron, se
donner la possibilité de prendre en compte l’aspect situationnel.
Reprenant des concepts au domaine économique, on peut dire que le média est un lieu de
rencontre de pratiques discursives, entre une offre et une demande, qui passe par
l’intermédiaire de l’établissement de mondes communs et de communautés.
BB..22.. QQuuaanndd llee lliieeuu ddeevviieenntt eessppaaccee
Le terme de lieu laisse interrogatif. Michel de Certeau, non seulement, nous
éclaire sur la notion de lieu, mais aussi sur sa distinction sémantique avec celle d’espace.
« La pratique des individus est, la plupart du temps, non-intentionnelle du point de vue de
la constitution d’espace, mais c’est l’autonomie du choix des lieux auxquels ils associent
leurs pratiques qui diffère. […] Michel de Certeau (1990) appelle « pratique du lieu » le
fait de déployer les pratiques pour que le lieu devient espace.
« Est un lieu l’ordre (quel qu’il soit) selon lequel des éléments sont distribués dans des
rapports de coexistence. S’y trouve donc exclue la possibilité, pour deux choses, d’être à la
même place. La loi du « propre » y règne : les éléments considérés sont les uns à côté des
autres, chacun situé en un endroit « propre » et distinct qu’il définit. Un lieu est donc une
configuration instantanée de positions. Il implique une indication de stabilité. Il y a espace dès
qu’on prend en considération des vecteurs de direction, des quantités de vitesse et la variable
du temps. L’espace est un croisement de mobiles. Il est en quelque sorte animé par l’ensemble
des mouvements qui s’y déploient. Est espace l’effet produit par les opérations qui l’orientent,
le circonstancient, le temporalisent et l’amènent à fonctionner en unité polyvalente de
programmes conflictuels ou de proximités contractuelles. L’espace serait au lieu ce que
devient le mot quand il est parlé, c’est-à-dire quand il est saisi dans l’ambiguïté d’une
effectuation, mué en un terme relevant de multiples conventions, posé comme l’acte d’un
présent (ou d’un temps), et modifié par les transformations dues à des voisinages successifs.
42 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 27.
39
À la différence du lieu, il n’a donc ni l’univocité ni la stabilité d’un « propre ». En somme
l’espace est un lieu pratiqué » »43
BB..33.. LL’’ «« eennttrree »»
Il se crée des espaces de médiation entre les différents acteurs usagers. La
construction et la mise en représentations sont des intermédiaires autant que les lieux
(spatiaux, temporels, imaginaires, symboliques) dans lesquels elles s’expriment.
L’entre s’apparente par certains aspects à la notion de sphère publique. La
dimension consensuelle qui émerge de la possibilité de construction de lieux intermédiaires
est un élément essentiel.
L’entre est cet espace intermédiaire pratiqué, ce mi-lieu, lieu médian. Cela
suppose que chaque partie soit explicitement définie, avec l’impossibilité d’être à la même
place, ainsi que le notait Michel de Certeau quelques lignes plus haut.
« Régulé par un groupe social, chacun de ces espaces est porteur d'identité et assimilé à ce
groupe. La rue comme espace public, à disposition de l'ensemble de la population, est
soumise aux lois et règles publiques […] et fonctionnent selon leurs règles propres. S'y
trouver ou y demeurer nécessite de la part de l'individu une adaptation (de tenue, de posture,
d'élocution, de gestes, de pratiques) aux règles du lieu. Franchir ces limites et donc pratiquer
un moment l'espace intermédiaire, c'est quitter un groupe social, un rôle, un statut, une
pratique ou un moment de la pratique, pour opérer en soi et sur soi une transformation afin de
se préparer au nouvel espace à venir, au nouvel univers, que l'on va intégrer. »44
La notion de l’entre développée dans les quelques lignes qui précèdent, fait
émerger des dynamiques temporelles et spatiales, tout autant qu’imaginaires et symboliques.
Parler de dimension spatiale ne signifie pas délimitée géographiquement. D’ailleurs les
limites s’il y en a, ne sont en aucun cas stables. Elles sont mouvantes et en perpétuelle
construction définitionnelle.
Lorsque l’on regarde le schéma proposé ci-dessous par Eliséo Véron45, on
constate que le domaine de l’entre trouve des analogies dans celui de l’appropriation.
43 Source : http://www.espacestemps.net/document1138.html#ftn10 cite Michel de Certeau, L’invention du quotidien. 1. Arts de faire, Paris, Gallimard [1980], 1990, p. 173. 44 « La concierge est dans l’escalier ! », socio-anthropologie des espaces de « l’entre », BONNIN Philippe, source : http://www2.cnrs.fr/presse/thema/637.htm?print=1. 45 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983.
40
Il ne se creuse pas de dichotomie entre objet et action. Il ne s’agit plus de
considérer les médias comme un objet technique de diffusion, de transmission ou encore de
communication, assurant un rôle et une fonction déterminés. Il s’agit de considérer les
médias, comme des lieux de médiations, autrement dit de significations, nécessairement
médiates, à travers le discours autant investit, de techniques que de symboliques… au cœur
des pratiques appropriatives.
** ** **
Se positionner, s’approprier des concepts, des schémas réflexifs n’est pas si
aisé avec la densité des recherches existantes. Ce paragraphe a été l’occasion pour nous
d’affirmer notre position face à l’ensemble de ces recherches. Ainsi, nous avons proposé
d’envisager le média comme un mi-lieu, lieu intermédiaire de rencontre, mais aussi lieu de
communauté de représentations. La prise en compte des valeurs et ainsi les choix d’exposition
médiatique, sont des propriétés signifiantes, qui permettent de mieux analyser, interpréter et
comprendre en retour la corporéité et le geste médiatique.
** ** **
Certes, notre regard porte sur les outils et particulièrement sur les usages qui
leur donnent vie. Mais surtout, notre regard porte sur les modes d’organisation de la
production, sur les contextes et enjeux, tant techniques, économiques que symboliques. Nous
aborderons cela en profondeur lors du chapitre concernant les stratégies, néanmoins nous
41
proposons maintenant de présenter le domaine qui suscite l’intérêt de ces recherches, pour
lequel nous étudions l’usage des médias : le rap.
IIIIII.. RRaapp eett mmééddiiaass :: ddeess rreellaattiioonnss
ppaarraaddooxxaalleess eett ccoonnttrroovveerrssééeess
Le rap dévoile des textes révoltés et révoltants. Pourtant si le rap exprime des
propos contestataires et revendicatifs, notamment envers les institutions médiatiques et
capitalistes, il ne faut pas oublier que le rap en fait aujourd’hui partie intégrante. Est-ce une
perversion ? Cela fait partie des nombreux paradoxes, dont le rap est à certaines occasions,
sommé de répondre. Toutefois dans quelle mesure cela fait-il également partie des stratégies
qui gouvernent la diffusion voire la réalisation d’une œuvre ?
11.. LLee rraapp eett llaa rruuee
Le rap s’est formé dans la rue avant d’être repris par les majors. Les
institutions socialement légitimées l’ont pendant longtemps rejeté, et c’est encore le cas pour
partie. Le rap s’est alors développé dans la rue, sur le terrain, au plus proche des réalités
quotidiennes.
Néanmoins, la quotidienneté évolue et le succès fait parfois oublier la rue, qui a
pourtant été à la base de celui-ci. Toutefois, le rap, dans ses fondements, ne veut pas suivre
l’économie de marché, qui serait susceptible d’altérer l’authenticité.
Le rap s’inspire en effet, de courants musicaux empreints d’idéologie, tels le
jazz, la soul, le funk, ou encore du côté de personnages tels Martin Luther King, Malcom X,
les Black Panthers, etc. Le rap et le hip-hop sont avant tout, un état d’esprit, un art de vivre
ainsi que le suggère Richard Shusterman46.
La rue est le lieu de proximité par excellence, terrain connu et directement
accessible qui permet au rap de se révéler.
22.. LLee mmaarrcchhéé dduu rraapp
46 SHUSTERMAN Richard, L’art à l’état vif. La pensée pragmatiste et l’esthétique populaire, traduit de l’américain par Christine Noille, Les Editions de Minuit, Paris, 1991.
42
Pourtant, le rap n’est plus réservé au « marché de la rue ». La musique est la
seconde industrie culturelle dominante. Et le rap a lui aussi creusé sa place au sein du marché
de l’industrie musicale.
Le rap français voit sortir son premier maxi 45 tours
en 1987 (Destroy Man et Jhony Go « EGOïste,
Barclay, 1987, à droite) et son premier album en
1990 (Lionel D « Y’a pas de problème »,
cbs/squatt, 1990, à gauche).
Le marché du rap français est en gestation durant la fin des années 1980,
et émerge alors, au début des années 1990.
Certains ont ouvert la voix pour les suivants. Les plus grosses ventes
dans le rap chiffrent à présent en volume, à plusieurs centaines de mille.
Initié par la rue, le rap se retrouve aujourd’hui reconnu par certaines
institutions comme l’Olympia ou les Victoires de la Musique. Au cours des années, il gravit
les échelons de la légitimité et est considéré par la scène artistique musicale. Par ailleurs, le
rap a été intégré par les multinationales mondiales de l’édition musicale.
Néanmoins, à côté de cela, un marché pour les productions indépendantes se
distingue, empruntant parfois les mêmes supports médiatiques, mais des circuits de diffusion
distincts. La segmentation provient entre autre, de niches qui particularisent des conceptions
d’exploitation différentes.
Aller à la rencontre des publics ne passe pas uniquement par le support audio,
mais aussi par un ensemble d’autres supports médiatiques, dont nous allons examiner à
présent les relations que le rap entretient avec certains de ceux-ci.
33.. LLee rraapp eett lleess mmééddiiaass,,
qquueelllleess rreellaattiioonnss ??
aa.. LLaa mmééddiiaattiissaattiioonn dduu rraapp
Alors que le rap se développe sur le marché musical au début des années 1990,
la culture hip-hop s’ouvre quant à elle aux médias dès 1982, avec la diffusion d’une émission
Pour changer megahertz47. Puis en 1984, avec l’émission hebdomadaire, H.I.P. H.O.P.,
présentée par Sidney sur TF1.
47 Soirée filmée au Bataclan, avec le Rock Steady Crew, Afrika Bambaataa, Dondi, Futura, …, sur TF1.
43
Avant 1990, c’est LE terrain vague de la Chapelle qui est au cœur de ce
foisonnement artistique.
Pourtant le rap est peu présent sur le petit écran. Rares sont les émissions
musicales consacrées au rap. Notons tout de même l’émission Rapline, diffusée de septembre
1990 à 1993 sur M6, dédiée à la diffusion de clips, mettant la réalisation de clips de rap
français au cœur de son projet. Aujourd’hui les chaînes thématiques musicales incluent plus
ou moins selon leurs orientations de programmation le rap français dans leur grille.
La radio et la presse sont des alliés indispensables afin que le rap puisse être
diffusé. D’ailleurs la loi du 1er février 1994 sur les quotas de programmation des chansons
francophones sur les radios FM contribue à changer la donne en matière de diffusion du rap.
Mais les radios et la presse peuvent aussi être des maîtres censeurs.
Le rap de manière générale, est plutôt dénigré par les médias. Lorsque l’on
parle de lui, le plus souvent, c’est pour avancer des critiques de manière négative. Il a alors
fallu que le rap et le hip-hop se dotent de moyens propres afin de s’exposer aux publics.
Il s’est crée des fanzines et des magazines, une tranche de la presse spécialisée,
entièrement dédiée au rap et à la culture hip-hop. Plusieurs générations de magazines ont
traversé le milieu, aussi bien en presse radio, qu’en presse écrite.
Initialement, le rap ne peut se payer les espaces publicitaires alloués. C’est
pourquoi, le streetmarketing dont nous avons parlé précédemment, a été une solution pour
aller à la rencontre des publics. Aujourd’hui certes la rue n’est plus le seul lieu de production
et de médiatisation, les moyens sont plus importants et peuvent financer la mise en avant sur
des espaces publicitaires, parfois de manière colossale.
Néanmoins l’affichage sauvage, la distribution de tracts dans la rue, la
personnalisation de véhicules, etc. sont des éléments de base que le rap a développé, toujours
présents dans les plans marketing.
bb.. RRaapp eett iinnssttiittuuttiioonnss
Si le rap est légitimé par certaines institutions musicales, ainsi que nous l’avons
noté précédemment, il n’est pas légitimé par toutes les institutions. Les champs politique et
médiatique notamment, n’accordent bien souvent aucune légitimité à ce genre musical.
En fait, le rap dénonce les institutions et faits non acceptables, parfois non-dits,
et les institutions de leur côté dénoncent le côté agressif et violent du rap.
44
Relatif à l’aspect proprement médiatique, les rappeurs dégagent un rejet des
journalistes et des médias en général. En effet, soit ceux-ci ne cadrent qu’une dimension
fortement caricaturée, ou bien ils envisagent le rap dans un aspect consensuel.
Ainsi, le rap a développé directement, à travers la création de labels, de
magazines, bref, de structures propres, la possibilité de s’institutionnaliser. La
professionnalisation de certains métiers est un exemple de son organisation. Toutefois, être
acteur dans l’espace médiatique ne veut pas dire propriétaire des moyens de production.
Par ailleurs le rap a aussi fait émerger de manière indirecte certaines
institutions, qui selon Ekoué (du groupe La Rumeur), dévitalisent la musique de son
essence48, ainsi qu’il est fait référence à la radio Skyrock. Un format est de rigueur afin de
pouvoir être diffusé. Les propos qui suivent en rendent compte.
« La station avait à l'origine du mal à vendre ses espaces publicitaires, vu la catégorie
d'auditeurs qu'elle vise. Aujourd'hui, les patrons de labels français (Small, Hostile,
Atmosphériques...) travaillent avec le directeur général de Skyrock, notamment pour établir
le choix crucial des titres lancés en format single. » Nicolas Dambre, Musique Info Hebdo (28
septembre 2001)49.
« Si le refrain vient trop tard, c'est mauvais pour la chanson. Le public décroche... Oui, ça
m'ait arrivé plusieurs fois de demander à des rappeurs qu'ils déplacent leur refrain. Pour les
textes, je ne censure pas à proprement parler (...) On en discute, et s'ils veulent passer chez
nous, ils refont leur chanson. Le rap est une musique jeune, vous savez, il faut qu'elle mûrisse
(...) Je suis une radio commerciale. Mon objectif, quand je mise sur un titre ou un album, c'est
d'en faire au minimum un Disque d'Or, c'est à dire 100 000 exemplaires. » Laurent Bouneau,
Directeur Général des programmes de Skyrock, dans « Rap, la loi du fric », Télérama n°2612,
2 février 2000.50
Les logiques médiatiques et identitaires sont implicitement corrélées et toutes
deux sont inductrices de la construction de frontières imaginaires et symboliques.
cc.. LLaa ccoonnssttrruuccttiioonn ddee ffrroonnttiièèrreess ssyymmbboolliiqquueess
L’usage des médias induit la construction de frontières symboliques. Les
propos suivants en témoignent : 48 Consulter Interview « Le rap s’est fait recoloniser » Ekoué, membre du groupe La Rumeur, avril 2005, source : www.poivrerouge.ouvaton.org. 49 Consulter l’article « Skyrock, la voix de son maître », septembre 2002, source : http://www.zone-mondiale.org/users/rapaces/pages/comm10.htm ; ou ANNEXE 9. 50 Consulter l’article « Skyrock, la voix de son maître », septembre 2002, source : http://www.zone-mondiale.org/users/rapaces/pages/comm10.htm ; ou ANNEXE 9.
45
« C'est de la variété, c'est en rien de la musique populaire. C'est populiste à fond, c'est démago
à souhait. Ils appartiennent à l'autre camp. »51 Des frontières symboliques s’établissent. Il se
crée implicitement des catégories oppositionnelles d’un « nous » et d’un « eux ». Dans quelle
mesure ces catégorisations relèvent-elles de l’imaginaire ? Ou plutôt comment s’expriment-
elles dans la pratique ? Quels en sont leurs fondements ?
Nous avons esquissé quelques propos relatifs à ces questions. Nombreux sont
les éléments à prendre en compte. Ce n’est pas l’occasion ici pour nous d’en faire l’état des
lieux. Les frontières se créent de toute part, chacun élabore un espace d’action et
d’interaction.
Il se crée notamment une démarcation avec l’emploi des médias traditionnels.
Celle-ci est parfois volontaire, parfois subie. La pratique médiatique, l’espace dans lequel on
interagit est créateur de frontières symboliques. Leurs fondements qu’ils soient valides ou
non, ne sont pas à remettre en question, ils sont inscrits en certains lieux de l’imaginaire
collectif.
Quoi qu’il en soit, le rap et la culture hip-hop ont investi les médias. Et ils
participent volontiers aux jeux de pouvoirs dans l’espace public médiatique.
44.. PPaarraaddooxxeess eett ccoonnttrroovveerrsseess
Le rap entretient des relations paradoxales et bien souvent elles prêtent à
controverse. D’un côté, le rap rejette les médias. Pourtant ceux-ci sont intégrés dans les
stratégies de diffusion du rap. D’un autre côté, certains médias prennent en compte dans leur
programmation le rap, ce qui n’empêche pas parallèlement qu’il soit bien souvent repoussé
par les médias.
Les paradoxes viennent d’une certaine ambivalence exprimée à l’égard des
médias. Pour certains, l’orientation médiatique est clairement affirmée, pour d’autres, il se
manifeste des sentiments contradictoires. Au sein du rap lui-même, il se développe des
aspects radicalement différents voire opposés52.
Ces aspects se rapprochent du vieux débat formulé notamment par Theodor
Adorno entre art et commercialisation.
51 Consulter Interview « Le rap s’est fait recoloniser » Ekoué, membre du groupe La Rumeur, avril 2005, source : www.poivrerouge.ouvaton.org. 52 Consulter l’article « Bâtir un pôle du rap anti-marchand », avril 2003, source : http://www.zone-mondiale.org/users/rapaces/pages/comm12.htm ; ou ANNEXE 10 ; et le Communiqué n°7, mars 2002, source : http://www.zone-mondiale.org/users/rapaces/pages/comm07.htm.
46
De nombreux rappeurs se revendiquent capitalistes par exemple « (Passi interview en 1999
par l’émission « Capital » sur M6). »53 D’autres, comme Ekoué sont contre le capitalisme
dans le rap54.
Les paradoxes naissent au sein même du rap, mais aussi des relations qui l’ont
construit jusqu’ici. Il faut dire tout de même que les propos sont divers, et nombreux sont les
discours qui ne font pas des médias leurs agresseurs et bouc émissaires. C’est d’ailleurs un
élément supplémentaire pour nourrir le paradoxe.
Il va sans dire que l’on marche sur un fil. Dans quelle mesure le capitalisme
est-il relié au profit, à la commercialisation, à la médiatisation, etc. ? Les termes prêtent
souvent à confusion et dévoilent plusieurs fronts. Employer le terme d’ambivalence permet de
reconnaître au rap de multiples facettes. Ainsi que le note Hugues Bazin, le rap est
« aujourd’hui face aux interrogations que lui posent sa crise de croissance : celle de la
structuration de ses acteurs, de la légitimité de ses formes artistiques, de la rencontre
partenariale, de l’accompagnement qualifié des pratiques, ou de la formation
professionnelle. »55
Certes le projet communicationnel du rap s’inscrit initialement à l’encontre des
formes institutionnelles et traditionnelles. Pourtant cela ne l’empêche pas de participer aux
débats dans les espaces médiatiques.
** ** **
Ce développement a présenté brièvement le rap, orienté particulièrement dans
sa relation à la dimension médiatique.
Le terme de paradoxe suggère généralement d’opter pour une solution
tierce, alors que celui d’ambivalence entend considérer l’ensemble dans une combinatoire. Ce
que nous voulons faire comprendre à notre lecteur, c’est que nous tentons de dépasser ces
paradoxes, notamment en les considérant dans leurs articulations.
** ** **
53 GUIBERT Gérôme, L’éthique hip-hop et l’esprit du capitalisme, 2001 (document électronique, source : http://www.recherche-action.fr/Hip-hop.html#Topic57). 54 Consulter Interview « Le rap s’est fait recoloniser » Ekoué, membre du groupe La Rumeur, avril 2005, source : www.poivrerouge.ouvaton.org. 55 BAZIN Hugues, « Les enjeux et le développement de la culture hip-hop : une nécessaire reconnaissance. », 20 mai 2005, source : http://www.irma.asso.fr.
47
Ce n’est pas la « chose » mais bien l’usage qu’on en fait qui est signifiant.
L’erreur serait de croire que la signification ne prend corps et s’ancre qu’au
niveau du dit message ou contenu.
Nous ne nous sommes pas donnés comme objet les médias, mais leurs usages.
Ainsi, notre étude se propose de développer une approche constructiviste, bien loin d’un
quelconque déterministe, aussi bien technologique que social.
Nous envisageons ainsi les usages des médias comme : « d’un côté, une
matière organisée ; de l’autre, des organisations matérialisées.»56
Les médias ou les machines à communiquer dévoilent du sens à construire. Ce
ne sont pas les techniques elles-mêmes qui sont porteuses de sens, mais les usages et
appropriations qui s’inscrivent dans la pratique d’un outil. C’est ce que nous proposons
d’approfondir dans le chapitre qui suit.
56 DEBRAY Régis, Introduction à la médiologie, PUF, 2000, p. 39.
48
49
« OOrienté vers l’usage, l’objet résulte d’un
agencement entre la technique et le social, qui s’opère –
peu importe ici que ce processus s’analyse en termes de
traduction (Callon, Latour, Akrick), de négociation
(Perriault), de prescription (Stourdzé) ou de circulation
(Flichy) – de la conception où la mise en objet exige des
concepteurs d’incorporer l’usager jusqu’à
l’appropriation, qui comporte, à la différence de la
consommation, une dimension positive de création et
qui, à travers la constitution des usages, rejaillit sur
l’objet. La mise en objet désigne […] plutôt la structure
des opportunités d’action inscrites dans l’objet et fixant
un système de relations entre les acteurs enrôlés […] »
PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace
public et l’emprise de la communication, « Espace
public, espace privé : le rôle de la médiation technique »,
CHAMBAT Pierre, ELLUG, Grenoble, 1995, p. 82.
insi que nous avons tenté de le faire comprendre à notre lecteur
jusqu’à présent, c’est l’usage qui permet de nommer ce qu’est un
« média ». Ce chapitre est pour nous l’occasion de développer la notion d’usage en tant que
concept opératoire.
II.. PPrrooppooss pprréélliimmiinnaaiirreess
11.. PPoossiittiioonn ddiissccuuttééee
Parler d’usages suggère de prendre en compte la pratique sous-jacente. La
pratique ne se situe pas seulement en aval, ainsi que s’inscrivent les recherches qui s’attachent
à étudier la réception.
En effet, les recherches qui proposent d’étudier les usages sont problématiques
car elles ne portent leur regard que sur les pratiques réceptives. Certes elles font état de
AA
50
stratégies d’usages. Cependant, elles ne s’intéressent en aucun point aux stratégies
rhétoriques, si l’on peut dire, de l’orateur, qui fait usage d’outils pour se re-présenter à autrui.
Celui-ci développe une écriture médiatique propre, et s’inscrit dans la construction de la
relation communicationnelle. C’est cet usage des médias, côté producteur, auquel nous nous
intéresserons57.
22.. HHyyppootthhèèssee
Regarder les pratiques médiatiques suggère de les penser dans leurs usages.
L’usage s’envisage dans un ensemble d’actions desquelles on peut supposer
une démarche stratégique, qui apporte des éléments orienteurs de l’interprétation.
Le geste, usager de l’outil et médiateur dans la relation, est essentiel à prendre
en compte dans une optique communicationnelle.
On n’étudie pas simplement une « technique » (pour le dire rapidement) mais
aussi et surtout un geste, qui par définition n’est pas un geste quelconque, mais le geste d’une
entité en action. On retrouve là, l’ambition de notre recherche : étudier les stratégies
communicationnelles, nécessairement médiates et personnelles, rattachées à un corps.
33.. MMéétthhooddoollooggiiee
Avant d’aborder l’aspect stratégique des usages, il convient de présenter les
particularités de cette notion comme concept opératoire à l’étude de notre objet et de notre
corpus de recherche.
Ce chapitre s’attache à justifier de la pertinence de la notion d’usages pour
penser étudier les pratiques médiatiques. Il pose ainsi les bases de l’analyse des stratégies au
prochain chapitre.
44.. PPllaann
Nous apporterons tout d’abord des éléments d’éclairages concernant la
conception définitionnelle des usages, notamment en tentant d’aller au-delà d’une approche
réceptive. Ce regard constructiviste côté producteur nous permettra d’aborder sous l’angle de
l’appropriation, les pratiques discursives. Ceci nous conduira dans un troisième temps, à
passer des choix à l’action et ainsi à envisager l’usager comme acteur de sa condition.
57 Notons que les termes « usages des médias » n’est pas un mot-clef de la base de données du site http://www.sudoc.abes.fr, alors que des termes liés à l’aspect social du média y sont incorporés.
51
IIII.. PPeennsseerr lleess uussaaggeess
La notion d’usage soulève de nombreuses interrogations, tout comme cela l’est
concernant les médias, des points qui sont laissés dans l’ombre. Comment questionner ce
terme ? Quel positionnement envisageons-nous adopter pour penser la notion d’usage ?
L’usage ne concerne-t-il que le domaine des études en réception ? L’usage n’est-il pas un
concept opératoire qui permet de mettre en lumière toute pratique productive ?
11.. LLaa nnoottiioonn dd’’uussaaggee ccaannttoonnnnééee
aauuxx ééttuuddeess eenn rréécceeppttiioonn ??
L’évolution de la pensée communicationnelle, au regard des axiomatiques de
recherche, indique un intérêt grandissant pour les études concernant les usages. En effet, les
interrogations sur les usages en réception (notamment à travers les recherches des Cultural
Studies, « Uses and gratification ») connaissent une effervescence dans les recherches en
sciences de la communication. Elles se sont construites en opposition à une axiomatique de
l’influence. Pourtant les études en réception reproduisent les travers qu’elles dénonçaient
auparavant, qui était la prépondérance conférée à l’action de l’entité (émettrice), et ainsi la
prééminence qui lui est accordée dans la relation communicationnelle. En s’intéressant de
plus prêt à la notion d’usage, on a constaté que celle-ci était réservée, si ce n’est
exclusivement, disons dans 99,9 % des cas, à l’étude des processus en réception.
Les études concernant les processus de réception sont en vogue. Et leur
importance dans le champ de la recherche détourne le regard d’une pratique productive.
Il semble pourtant que l’usager peut être défini, du fait qu’il emploie un outil
ou technique, qui n’est pas de sa propre création, mais dont il apporte une nouvelle
production, par ses représentations et ses actions. Que l’on se place du point de vue du
« récepteur » ou bien de celui de « l’émetteur », tels que conventionnellement désignés, ils
sont tous deux, producteurs, ainsi créateurs de richesse, et surtout d’une valeur ajoutée. La
dichotomie producteur / usager doit alors s’estomper.
On suggère pour notre part, qu’il peut être pertinent d’employer la notion
d’usage lorsque l’on s’intéresse aux phénomènes qui gouvernent les productions. En affirmant
cela, on ne s’inscrit pas nécessairement à l’encontre de ceux qui pensent les usages dans leur
dimension unique de réception, mais on propose d’en élargir les accès.
52
Sans amalgamer les propos, puisque a priori ils concernent deux entités qui ont
un travail cognitif différent d’émission ou de réception, ainsi qu’il l’est couramment
appréhendé dans les sciences de l’information et de la communication, il s’agira d’examiner
les possibilités interprétatives que confère la dimension productive de l’activité médiatique.
Les paragraphes qui suivent feront bien souvent appel à ces études, dites,
d’usages en réception. Ceci, non nécessairement pour critiquer ou remettre en question les
propos envisagés, mais pour leur conférer de nouvelles possibilités interprétatives au regard
de notre sujet.
22.. EEccllaaiirraaggeess ddééffiinniittiioonnnneellss
aa.. SSuurr llaa nnoottiioonn dd’’uussaaggee
aa..11.. DDééffiinniittiioonn
« L’usage est une activité sociale, l’art de faire, la manière de faire. C’est une
activité que l’ancienneté ou la fréquence rend normale, courante dans une société donnée mais
elle n’a pas force de loi, à la différence des mœurs, des rites, des « us et coutumes »,
habitudes de vie auxquelles la plupart des membres d’un groupe social se conforment. »58
Nombreux termes et notions employés ici sont sources de questionnements.
Tantôt action, pratique,… dans quelles mesures les usages sont-ils relatifs à des
régularités et interdits propres à des groupes sociaux ?
aa..22.. DDuu qquuaalliittaattiiff ??
Ainsi que l’a fait remarquer Isabelle Dumez59, les données quantitatives sont,
même si très décriées par ailleurs, essentielles afin d’apporter des résultats reposant sur un
groupe d’expérimentation. Elles autorisent la modélisation et permettent d’écarter le
relativisme qui vient souvent qualifier les études des usages. Pourtant, rester dans le
quantitatif ne permettrait pas d’étudier les usages. En effet, « la méthode qualitative ne peut
pas être ignorée : entre les phénomènes, il existe des relations autres que mesurables. […]
Une étude quantitative cherche une explication objective grâce à des descriptions statistiques
alors qu’une étude qualitative cherche à comprendre un événement, un comportement, en
partant de la perspective de l’acteur. Cela induit l’utilisation d’instruments structurés et
standardisés et d’un échantillonnage statistique pour une étude quantitative, et l’utilisation
58 LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004, p. 19. 59 Lors du séminaire du CREDAM le 28 février 2006, Isabelle Dumez a présenté ses travaux de thèse concernant les Imaginaires des usages du réseau Internet. Les modes d’appropriation enfantine du média.
53
d’instruments moins structurés et d’un échantillonnage non-probabiliste pour une étude
qualitative. »60
Il faut indubitablement, avoir conscience que les résultats qualitatifs vont être
discutés. Malgré cela, l’usage ne peut se réduire à un simple nombre d’utilisations de l’objet.
Il s’agit, nous concernant, d’apporter des éléments d’éclairage relatifs à des
pratiques et des comportements.
Nous suivons la proposition d’analyse que « de Certeau désigne sous le terme
de « poiétique » (créer, inventer, générer) et qui se donne pour ambition de dépasser les
tableaux statistiques sur la circulation ou la diffusion des marchandises culturelles pour des
études plus qualitatives, souvent ethnologiques, qui s’attachent à la compréhension des
opérations auxquelles procèdent les utilisateurs. »61
a.3. Usages et représentations d’usages
Etudier les usages suggèrent de considérer une distinction fondamentale : les
usages effectifs ou comportements et les représentations d’usages.
« L’étude des modes matériels d’inscription ou de manifestation des signifiants s’accompagne
de celle des représentations des médias, qu’à un moment donné du temps se donnent les
diverses catégories d’acteurs, producteur ou consommateurs. »62
bb.. SSuurr llaa nnoottiioonn dd’’uussaaggeerr
Développer des recherches sur l’usager, suggère de le considérer comme
acteur.
Ainsi que le notent Eliséo Véron et Martine Levasseur, l’usager des médias
« ne se réduit pas à ce qu’il fait, et ce qu’il fait ne se réduit pas à ce qu’on en voit. »63
« Réhabiliter l’acteur, c’est avant tout rendre compte de ses compétences (au
sens chomskyen de capacités formelles) à traiter le monde qui l’entoure. Mais ces
compétences doivent être distinguées selon les rationalités qu’elles mettent en œuvre […]
L’usager peut être « déconstruit » selon ces compétences en quatre « états » :
60 LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004, p. 86. 61 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages, « Introduction à une socio-politique des usages », VEDEL Thierry, Editions Apogée, collection Médias et nouvelles technologies, 1994, p. 25. 62 LAVOINNE Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication en plus, 1997, « Des médias », p. 40. 63 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 16.
54
- il est récepteur lorsque dans le message il traite une représentation à travers la médiation
du langage,
- il est utilisateur (ou exploitant) lorsque, dans l’ouvrage, il traite son activité à travers la
médiation de la technique,
- il est usager (au sens strict cette fois) lorsque dans l’usage, il traite son appartenance à
travers la médiation de la société,
- il est consommateur ou électeur, lorsque dans le suffrage, il traite son désir à travers la
médiation de la norme. »64
Toutes les notions évoquées ici par Dominique Boullier, excepté la première
entendue au sens de récepteur, permettent d’apporter des détails sur l’objet de notre regard.
Les « états » proposés rejoignent notre proposition d’appréhender les usages dans leurs
dimensions sociales, d’appartenance identitaire, etc.
Notons au passage que la médiation est au cœur de tout usage.
Il est intéressant de constater que la définition de l’usage proposée est relative à
la fonction occupée par l’usager. Les propos de Serges Proulx apportent une dimension
supplémentaire pour concevoir l’activité de l’usager :
« 1. l’usager est un « consommateur » de médias et de messages dont les comportements sont
régis en vertu d’un principe marchand ;
2. envisagé comme « émetteur » d’une opinion individuelle – par exemple à travers
l’administration des sondages –, l’usager est pris en compte par le principe de construction de
l’opinion publique et de la renommée ;
3. considéré en tant que « personne » présente dans un « foyer », l’usager occupe le devant de
la scène domestique ;
4. finalement, l’usager peut être aussi défini comme « citoyen » présent dans la société civile
et régie selon un principe civique de représentation du plus grand nombre. »65
« Sous le nouveau paradigme, une étude orientée-usager va s’intéresser à la
façon dont un usager :
- étudie seul ou avec l’aide d’un intermédiaire, humain ou machine, ses besoins
d’information ;
- entre en contact avec un système d’information ; 64 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages, « Construire le téléspectateur : récepteur, consommateur ou citoyen ? », BOULLIER Dominique, Editions Apogée, collection Médias et nouvelles technologies, 1994, p. 64. 65 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages, « Les différentes problématiques de l’usage et de l’usager », PROULX Serge, Editions Apogée, collection Médias et nouvelles technologies, 1994, p. 150.
55
- construit du sens à partir de l’information qu’il a obtenue. »66
Dans tous les cas de figure, l’usager agit, produit et construit. Les différentes
perspectives envisagées dans ce paragraphe apportent des informations précieuses quant à la
manière de considérer l’usager en tant qu’acteur.
IIIIII.. DDee ll’’aapppprroopprriiaattiioonn
11.. DDee llaa tteecckknnéé
L’usage est empli de technique, en référence au terme de teckné dans son
étymologie grecque, et non aux acceptions plus modernes qui attraient au fonctionnement des
machines et à leurs technologies. L’usage est compris ici comme art d’utiliser, de pratiquer et
de savoir-faire.
En parlant de technique, au sens d’art d’utiliser, on s’écarte de la dichotomie
technique versus société, ingénieurs versus usagers. La technique aurait un aspect
fonctionnement et un aspect usage, qu’il faudrait distinguer.
Ainsi, toute activité supposerait « un cadre de référence sociotechnique,
autrement dit dans un cadre qui nous permet de comprendre les phénomènes auxquels nous
assistons et d’organiser nos propres actions […]. Le cadre de fonctionnement « définit un
ensemble de savoirs et de savoir-faire qui sont mobilisés ou mobilisables dans l’activité
technique »67 […] Le cadre d’usage, comme son nom l’indique, est celui de l’activité
effective de l’usager et correspond à la manière dont on se sert dans la réalité sociale de
l’objet technique lui-même. »68
Faire usage, n’est pas qu’une activité productive. C’est aussi un art de faire
selon les circonstances auxquelles l’acteur fait face. Comment l’acteur s’approprie-t-il non
seulement un objet, mais aussi la situation circonstancielle et structurelle ?
22.. DDee ll’’aapppprroopprriiaattiioonn
àà llaa pprraattiiqquuee ddiissccuurrssiivvee
Un média donne lieu à des modes d’appropriation d’une grande diversité.
66 LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004. p. 16. 67 FLICHY Patrice, L’innovation technique, p. 124, cité dans RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 191. 68 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 192.
56
L’usager n’est pas uniquement confronté à une situation, il se l’approprie. Il
n’en est pas seulement acteur, il en est aussi producteur.
Derrière l’appropriation et la production, il y a des facteurs d’âges,
d’appartenance sexuelle, de lieu d’accès, de degré d’usage, de conditions d’accompagnement,
etc. qui conditionnent l’usage. Les machines à communiquer intègrent les pratiques humaines
et inversement les pratiques humaines intègrent ces dernières mais aussi ces facteurs.
« Les pratiques et les « affections » étant articulées par un langage et par des
médiations symboliques, ce sont aussi ceux-ci qui sont ainsi incorporés à l’individualité des
objets. C’est aussi de cette façon qu’ils acquièrent leur analysabilité et leur descriptibilité dans
et pour une communauté de langage et de pratiques. »69
L’usager s’approprie et adapte les outils à l’action qu’il envisage en rapport
avec son environnement. Ces phénomènes d’appropriation sont au cœur de la communication,
mais aussi du lien social.
Articuler diverses techniques conduit à s’approprier et se constituer des points
de repères, avec une pratique énonciative unique liée à chaque usage.
Subtiles, les pratiques quotidiennes, les manières de faire, développent des
ruses.
IV. LL’’uussaaggeerr ccoommmmee aacctteeuurr
11.. DDee llaa ppaarrttiicciippaattiioonn cciittooyyeennnnee
La participation médiatique relève d’enjeux de pouvoirs, qui participent au
conditionnement des relations. Inversement les relations orientent les participations
médiatiques. Cette participation qui relève tant du médiatique que du social, va de paire avec
une ambition de transmettre certaines visions, de forger des représentations, des symboliques.
L’échange est au coeur des rapports communicationnels. Echanger, faire usage,
c’est participer en tant qu’acteur. A travers l’usage des médias l’acteur négocie sa
participation. Ainsi pour André Vitalis, l’usager doit être considéré comme citoyen, du fait
69 QUERE Louis, « Espace public et communication : remarques sur l’hybridation des machines et des valeurs », dans CHAMBAT Pierre (sous la direction de), Communication et lien social. Usages des machines à communiquer, Editions Descartes, Paris, 1992, p.37.
57
que celui-ci n’est pas dans une « totale extériorité par rapport aux conditions et aux modalités
de l’offre… »70
« Elle [la citoyenneté, ndlr] désigne des comportements d’implication plus que
de conformisme, de réassurance et de reconnaissance mutuelle plus que de revendication ;
portant sur des problèmes quotidiens, l’engagement personnel y apparaît comme la condition
d’une identité personnelle et d’une solidarité collective qui sont à construire dans l’ordinaire
des relations et des rencontres. »71
C’est en tant qu’acteurs sociaux de la scène, producteurs des conditions et des
modalités, que les rappeurs font émerger la constitution d’un lien social et d’un espace public.
22.. DDeess cchhooiixx rraattiioonnnneellss ((iinn))ccoonnsscciieennttss
Certes faire usage participe du jeu, mais cela ne revient pas à en être maître.
Pourtant l’usage n’est pas totalement inscrit dans l’outil lui-même. Un outil qu’il soit
médiatique ou autre n’engendre pas un unique mode opératoire.
Notre étude est portée par l’usage, l’appropriation d’outils, de médiations. Le
choix d’un mot par exemple, même s’il relève parfois de l’inconscient, est porteur de
significations sur les intentions d’actions, les perceptions, les jugements de valeurs.
Le champ de vision d’une entité est restreint et ne peut prendre en compte un
niveau exhaustif de l’information. Le fait que la possibilité de recueillir des informations ne
soit pas maximale, ne signifie pas d’une part, qu’un optimum ne peut pas être atteint et
d’autre part que l’on ne puisse pas parler de rationalité.
Le terme de rationalité reconnaît la possibilité à l’individu de faire des choix, et
non de tout prévoir. En tant qu’usager, acteur et producteur, il dispose d’une marge de liberté
qu’il exerce dans l’usage, qui s’exprime dans le choix. Ce constat relevant de la pratique
apporte une optique théorique particulière.
En étudiant les usages et les stratégies il ne s’agit pas de donner toutes
capacités d’autonomie de choix à l’usager, ni d’imposer un quelconque déterminisme par la
nature et la fonction de l’outil. Cette démarche constructiviste permet d’envisager le terme de
rationnel dans son aspect calculateur, d’un ratio, d’un rapport. Le travail inférentiel ainsi
considéré permet de prendre en compte l’action non seulement cognitive, mais aussi sociale et
70 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages, « La part de citoyenneté dans les usages », VITALIS André, Editions Apogée, collection Médias et nouvelles technologies, 1994, p. 41. 71 PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace public et l’emprise de la communication, « Espace public, espace privé : le rôle de la médiation technique », CHAMBAT Pierre, ELLUG, Grenoble, 1995, p. 95.
58
identitaire. L’activité calculatrice gouverne les interactions, c’est en celle-là que s’expriment
les choix.
33.. DDee llaa ccoonnffoorrmmiittéé ??
Certains comportements ou usages sont désignés comme déviants, provenant
de comportements anormaux, voire irrationnels ! Michel de Certeau, parle même de
braconnage à travers la mise en oeuvre de tactiques par l’usager.
Cette recherche entend considérer les usages non comme des comportements
prescrits par les normes ou l’outil lui-même, mais comme une appropriation, une pratique
singulière, attachée à une entité discursive, sociale et médiatique. Penser les usages, ce n’est
pas les considérer comme des pratiques négatives dites de détournement ou encore de
dysfonctionnement. « Ces pratiques, différentes des modes d’utilisation imposés par le
produit ou enseignés sous forme de codes par des prédicateurs, des éducateurs ou des
vulgarisateurs, ont une forme et un sens propre. Elles doivent être étudiées pour elles-
mêmes »72
Chaque usage est unique, différent des autres, d’où découle une multiplicité et
une variété d’usages. Pourtant, n’y aurait-il pas une intériorisation de routines voire une
routinisation des usages ?
En effet, une certaine régularité et récurrence émergent des usages. Il y aurait
des préconisations ou prescriptions (ou encore conventions) d’usages, relatives à la
communauté hip-hop et rap, à la communauté médiatique, etc. Dans quelle mesure est-il plus
attractif de les suivre, ou bien de s’en écarter ? Face à quelles communautés choisit-on de se
distinguer ?
S’il y a une circonscription des usages, il s’agit alors de s’interroger quant aux
recours employés. Ainsi, en questionnant les références et les appartenances normatives, on
s’écarte du dilemme de la conformité ou de la déviance. On peut ainsi y voir la constitution de
pratiques plus ou moins institutionnalisées et traditionnelles qui entrent dans un rapport
consensuel ou non.
44.. DDeess llooggiiqquueess dd’’uussaaggeess
72 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages, « Introduction à une socio-politique des usages », VEDEL Thierry, Editions Apogée, collection Médias et nouvelles technologies, 1994, p. 25.
59
« L’acculturation des techniques, leur apprivoisement repose sur la
construction d’une logique de l’usage (Perriault, 1989) qui se fonde sur une généalogie de
techniques et de pratiques antérieures. »73
« Elle [la cristallisation, ndlr] se repère par l’émergence et la reproduction
d’utilisations constantes et récurrentes intégrées dans la quotidienneté. Ce sont ces dernières
qui constituent les usages. »74
Parler de fondements des pratiques voire de cristallisation, laisserait penser que
les usages s’envisagent dans leur dimension non mouvante. Malgré cela parler de logique
d’usages ne signifie pas qu’elles soient définies de manière stable et qu’elles soient non
versatiles.
Dans quelle mesure, les « usages, pratiques multiformes et fragmentaires,
obéissent à des logiques » 75 ? Quelles sont ces régularités dans les productions et usages
médiatiques ? Y en auraient-ils qui constitueraient des contraintes, soit une « grammaire
discursive »76 ? Répondent-elles à des lois ? Comment les mesurer ? Est-il possible de prévoir
le comportement moyen d’un ensemble d’individus ? Et ceci, avec quelle précision ? La durée
de l’observation et le nombre d’individus seraient-ils des facteurs qui permettraient
d’accroître les précisions ? Combien de temps d’observation faudrait-il pour prétendre
appréhender le processus de formation des usages ?
Notre étude ne prétend pas à la mesure. Elle vise à rendre compte et faire état
d’actions, qui s’inscrivent dans une multitude de données contextuelles. Plus que d’apporter
des éléments de réponse, ce sont des éléments d’interrogations qu’il est important de soulever
dans un premier temps lorsque l’on suggère étudier les usages.
L’approche socio-politique des usages « consiste à considérer que l’utilisation
des technologies dans une société se situe au croisement de quatre logiques. D’une part, une
logique technique et une logique sociale qu’il est possible d’articuler en recourant au concept
de configuration socio-technique. D’autre part, une logique d’offre et une logique d’usage
dont l’interaction complexe peut notamment – mais non exclusivement – être approchée par
une analyse en termes de représentation.
73 LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004, p. 28. 74 Texte extrait de l’article écrit par J.-G. Lacroix, B. Miège, P. Moeglin, P. Pajon, G. Tremblay sur « La convergence des télécommunications et de l’audiovisuel : un renouvellement de perspective s’impose », dans Technologies de l’information et société, vol. 5, 1, 1992, p. 94-95, cité dans LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004, p. 44. 75 LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004, p. 57. 76 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 32.
60
En croisant ces quatre logiques, il est possible de spécifier les rapports d’usage spécifiques à
un système technologique donné, ces rapports d’usage définissant à la fois un rapport à l’objet
technique et un rapport social entre les différents acteurs. »77
LL’’uussaaggee aauu ccrrooiisseemmeenntt ddee qquuaattrree llooggiiqquueess
Logique
d'utilisation
Logique Rapport d'usage Logique
technique (objet / contexte) sociale
Logique
d'offre
Ce schéma et ces représentations mentales apportent des éclairages quant à la
manière d’appréhender les logiques qui gouverneraient les usages.
Pourtant, il est difficile, de voir émerger une dimension particulière de l’usage
des technologies, si l’on ne dispose pas du background des valeurs, symboliques et
représentations d’usages, qui diffèrent de l’usage lui-même, tout en lui étant
incontestablement liés. « Qu’il s’agisse d’outils ou de lieux matériels, leur appropriation met
en œuvre des pratiques culturelles … »78, que nous reprendrons et approfondirons au chapitre
concernant les stratégies identitaires.
S’interroger sur les usages ce n’est pas seulement mesurer l’activité, mais
observer dans quel cadre représentationnel et situationnel elle s’insère, comment et dans quel
rapport interactionnel l’activité médiatique rebondit aux éléments contextuels.
55.. DDeess mmooddaalliittééss dd’’uussaaggeess ddeess mmééddiiaass
77 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages, « Introduction à une socio-politique des usages », VEDEL Thierry, Editions Apogée, collection Médias et nouvelles technologies, 1994, p. 28-29. 78 LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004, p. 32.
61
Dans quelle mesure est-il possible d’identifier des profils de pratiques ? Est-il
pertinent de les considérer comme caractéristiques de certains groupes ?
Certes parler d’appropriation et de ses modalités revient à inscrire l’usage dans
une continuité et une succession. Ce qui conduit à considérer les usages dans leur consistance
et leur constitution en pratiques.
Pourtant, l’usage s’inscrit dans une situation, un mi-lieu propre à l’interaction
présente.
LL’’uussaaggee dd’’uunn mmii--lliieeuu
Ce schéma réalisé par nous-même ne fait pas émerger une typologie des
médias, ni des usages. Il ne confère pas la possibilité de classer un média dans une
catégorisation précise, ni de produire une classification de profils de groupes. D’ailleurs,
produire une taxinomie ne nous conduirait pas nécessairement à la compréhension des
phénomènes médiatiques et identitaires.
En revanche, ce schéma offre la possibilité de situer un « média », par
exemple, l’affichage, dans chacune des parcelles proposées. Ce schéma permet de qualifier un
objet, un outil par son usage. Et non par des propriétés qui lui auraient été assignées comme
intrinsèques.
Il est nécessaire, afin de pouvoir classer l’usage d’un média dans ce schéma de disposer du
background symbolique…
62
En effet, le terme d’espace est employé ici, comme lieu pratiqué. Cela sous-
entend qu’il est investit de valeurs relatives à des communautés, des territoires et surtout
intimement liées à l’acteur qui en fait usage.
Au sujet des termes employés, nous tenons à faire remarquer que nous
n’envisageons pas street et institution, social et intime de manière polarisée, mais plutôt de
manière graduée, susceptible ainsi de pouvoir apporter des nuances. En effet, la rue peut être
pensée comme une institution.
On retrouve au sein de notre schéma, à travers la distinction social et intime,
une conception similaire à celle avancée en théorie de l’information et de la communication
entre communication interpersonnelle et communication institutionnalisée.
Ces quelques remarques nous permettent de constater un passage de la
représentation des imaginaires des usages à l’action elle-même..
66.. DDee llaa rreepprréésseennttaattiioonn àà ll’’aaccttiioonn
Deux aspects émergent de ces recherches : l’aspect pratique lié aux
représentations et l’aspect pratique lié à l’action. D’une part, il s’agit d’interroger le praticien
acteur, au cœur de logiques multiples. D’autre part, c’est le praticien au cœur de logiques
communicationnelles et médiatiques que nous questionnons afin d’appréhender les choix, les
orientations de l’action inscrites dans des situations avec des enjeux singuliers.
Considérer les médias, c’est se donner un domaine d’observation sur lequel
porte l’appropriation. Etudier les usages, c’est prendre en compte les appropriations des
usagers, penseurs, mais aussi acteurs et producteurs.
Il s’agit de s’interroger sur ce que les organisations font des médias et non sur
ce que les médias, détermineraient des usages des organisations. C’est de ces contraintes qu’il
s’agit de se jouer.
** ** **
Nous retournons l’interrogation usuelle, en faisant le choix d’écarter la
dimension de l’usage de la réception. Ainsi nous nous dégageons d’une problématique qui
considère l’usager comme consommateur.
Notre propos ainsi formulé, forge une dichotomie, non seulement conceptuelle,
mais aussi pratique, concernant l’aspect déterministe et constructiviste. Nous faisons le choix
63
de nous écarter d’une vision normative des usages en tentant d’observer les choses sous un
autre angle de perspective.
Considérer les usages des médias, c’est prendre en compte les stratégies
d’appropriation de l’acteur, et ceci de façon solidaire avec un ensemble de représentations et
d’institutions.
L’exemple qui va suivre est quelque peu éloigné, mais illustre bien nos propos.
Un adage cité par Jacques Gonnet dit : « Pour apprendre le latin à Jean, il faut connaître le
latin, et il faut connaître Jean ». Autrement dit pas de technique (linguistique ou autre) sans
usages humains. On aura beau passer des années à apprendre à connaître le latin, si l’on ne
cherche pas à apprendre à connaître Jean, tout espoir de lui apprendre le latin est dépourvu.
Disons qu’il en est de même pour les études concernant les médias. Observer les médias, en
eux-mêmes, ne peut porter de fruits, si l’on n’observe pas le geste, et ceci de manière
interdépendante, pour pouvoir enfin prétendre atteindre une connaissance tangible. En fait, ce
n’est pas une préconisation de regard à porter, mais un constat. On ne peut étudier les médias
en dehors de toute pratique.
Pour résumer et conclure ce chapitre nous citerons les propos de Rémy Rieffel
qui propose d’envisager le rapport usages et médias « sur les bases d’un ensemble de savoirs,
de savoir-faire, de représentations, qui structure les interactions que chacun d’entre nous
développe avec les objets techniques et avec les autres personnes ; qui organise nos actions,
nos doutes, nos interprétations. »79
79 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 192.
64
65
« MMais l’essentiel pour la construction de l’usage se
joue en amont, du côté de l’offre, du côté des stratégies
des promoteurs des cartes »
CHAMBAT Pierre (sous la direction de),
Communication et lien social. Usages des machines à
communiquer, Editions Descartes, Paris, 1992,
« Communiquer, relier », CHAMBAT Pierre, p. 24.
a prééminence des significations secondaires liées aux usages des
médias nous conduit à questionner ces significations. Les choix et
intentions « cachés » laissent interrogatifs sur la mise en œuvre de leurs plans d’actions.
II.. PPrrooppooss pprréélliimmiinnaaiirreess
11.. PPoossiittiioonn ddiissccuuttééee
Les usages sont hautement stratégiques. Les lieux de la construction de
stratégies médiatiques trouvent en partie leurs fondements dans l’usage des médias. C’est
donc à travers leur observation que nous pourrons déduire des éléments de leurs stratégies.
22.. HHyyppootthhèèssee
Le concept de stratégies peut être envisagé comme concept opératoire, pour
rendre compte comment, dans un système de contraintes, l’acteur dispose d’une marge de
manœuvre. Couleurs, formats, supports, cadres, lieux, espaces, … tout cela est pensé avant
d’être mis en œuvre et « constitue un savoir intuitif, implicite, incarné dans une pratique
complexe et qui commence à peine à être étudiée. »80 Telle est notre ambition.
33.. MMéétthhooddoollooggiiee
80 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 35.
LL
66
Après le recueil, la constitution du corpus et son observation, nous analyserons
et explorerons les principes d’intelligibilité des stratégies d’usages, ou usages stratégiques.
En effet, quels sont les choix opérés dans le système de contraintes
environnant ? Comment construisent-ils la relation communicationnelle ? Sur quoi s’appuient
ces stratégies ? A partir de quels éléments peut-on les identifier ? Et au-delà, quelles sont les
stratégies mises en œuvre à travers l’usage des médias ?
Nous ne cherchons pas à codifier les usages et stratégies médiatiques, mais à
les identifier, leur donner sens et si possible comprendre le moteur et l’énergie qui leur
donnent naissance.
Les trois dimensions de ces recherches s’articulent autour de l’analyse de la
tâche ou l’action, l’analyse de l’usager et l’analyse de l’environnement dans lequel l’ensemble
opère. Mettre l’usager au cœur du dispositif, c’est prendre en compte, son statut, son
environnement, son point de vue, etc.
Pour cela nous procéderons par observation participante, ainsi qu’entretiens
non formels, non directifs. « En définitive, la détermination complète de la nature d’une
stratégie doit reposer, à terme, sur une « batterie » d’observation comprenant à la fois le
parcours observé et l’analyse du discours »81 Ainsi nous analyserons notre corpus non dans
son unité mais dans les possibilités combinatoires offertes et mises en œuvre.
44.. PPllaann
Les deux premiers chapitres avaient pour objectif de présenter la démarche
théorique et intellectuelle de cette recherche. Les deux suivants développent la démarche
analytique, conduisant à l’émergence de résultats et d’éléments interprétatifs. Ce chapitre
concerne les stratégies médiatiques, le prochain les stratégies identitaires.
Dans un premier temps nous apporterons des éléments d’éclairage et
revisiterons la notion de stratégie. Cela fait nous aborderons alors notre étude de cas, la sortie
de l’album de Sefyu « Qui suis-je ? » dans les détails de son plan médiats. Nous verrons alors
les évènements, lieux médiats de significations et plans d’actions qui s’organisent autour de
ce projet. Une troisième partie abordera les éléments clefs pour comprendre et interpréter les
stratégies du plan médiats autour de la sortie de l’album de Sefyu. L’explicitation de ces
éléments clefs permettra de déceler et comprendre les stratégies qui constituent un autre
versant des usages des médias. 81 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 130.
67
IIII.. LLeess ssttrraattééggiieess aauu ccœœuurr ddee
ll’’uussaaggee ddeess mmééddiiaass …… ll’’uussaaggee ddeess
mmééddiiaass aauu ccœœuurr ddeess ssttrraattééggiieess
11.. ééccllaaiirraaggee ddééffiinniittiioonnnneell ssuurr llee ccoonncceepptt
ddee ssttrraattééggiieess mmééddiiaattiiqquueess
Certains – nous faisons ici notamment allusion à Michel de Certeau –,
envisagent l’usage comme relevant de la tactique. La tactique serait celle adoptée par l’entité
réceptrice, comme pour déjouer et braconner les stratégies de l’entité productrice.
La présente recherche considère l’usage comme appropriation effective. Qui se
joue non d’une entité productrice, mais d’un ensemble de contraintes auxquelles il faut, pour
participer au jeu, envisager des stratégies.
Quelle nuance, faut-il apporter aux termes de « stratégie » et de « tactique » ?
D’après le Petit Larousse, une tactique est « l’art de diriger une bataille en
combinant par la manœuvre l’action des différents moyens de combat et les effets des
armes ». Et surtout dans sa seconde acception qui nous permettra de mieux cerner la
distinction, la tactique est un « ensemble de moyens habiles employés pour obtenir le résultat
voulu », que nous serions tentés de nommer stratégie, et que le Petit Larousse indique
d’ailleurs comme terme synonyme de ce second sens.
Ainsi la stratégie serait un objectif général, qui peut être mis en forme par le
moyen de plusieurs tactiques. Ou du moins, il y aurait plusieurs chemins pour atteindre un
objectif.
La stratégie c’est l’ « art de coordonner des actions, de manœuvrer habilement
pour atteindre un but »82. C’est ainsi que nous envisagerons les stratégies médiatiques, non
dans leur unité, mais dans leur combinaison des lieux de significations.
Les définitions évoquées renvoient par certains aspects à un concept militaire ou encore à un
concept rhétorique.
Développer des stratégies, c’est savoir faire usage de manière circonstanciée,
être calculateur et pragmatique.
82 Le Petit Larousse.
68
22.. DDeess cchhooiixx ssttrraattééggiiqquueess
Dans tout usage règne une part de choix. Bien que toutes les causes d’une
action ne soient pas contenues dans une seule intentionnalité, la part de choix est primordiale.
Les choix rationnels (in)conscient auxquels nous avons fait référence précédemment pour
parler de calculs inférentiels sont à envisager sur un plan stratégique. « Chaque usager évalue
l’utilité du réseau en fonction des externalités qu’il peut en attendre. … »83
En reprenant les propos d’Eliséo Véron, nous appréhendons l’usage des médias
« comme une succession de choix effectués dans un certain nombre de nœuds décisionnels,
cette succession de choix représentant la stratégie du visiteur et donc la nature de sa
« négociation » vis-à-vis du média. » 84
« Parler de stratégies revient à souligner que deux visiteurs qui déploient deux
stratégies différentes, vont valoriser différemment, en arrivant au même nœud, les directions
qui leur sont proposées. »85
Le rap ou d’autres genres de musiques disposent d’orientations propres quant
aux lieux de manifestation médiatiques. Etudier les stratégies suppose de prendre en compte
ces nœuds décisionnels.
Un véritable choix stratégique se pose lorsqu’il s’agit d’utiliser les médias. Ce
choix se réalise dans un ensemble contextuel et situationnel.
33.. RReevviissiitteerr llaa nnoottiioonn ddee ssttrraattééggiiee
Il convient d’appréhender les usages et médias comme imbriqués, d’où émerge
notre réflexion de penser l’usage des médias dans une optique systémique, à même de pouvoir
questionner et rendre compte des stratégies d’usages.
En effet, « La réflexion en termes de stratégie oblige à chercher dans le
contexte organisationnel la rationalité de l’acteur et à comprendre le construit organisationnel
dans le vécu des acteurs. »86
« Une situation organisationnelle donnée ne contraint jamais totalement un
acteur. Celui-ci garde toujours une marge de liberté et de négociation. Grâce à cette marge de
83 MUSSO Pierre et RALLET Alain (sous la direction de), Stratégies de communication et territoires, L’Harmattan, 1995, p. 272. 84 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 60. 85 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 67. 86 CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, L’acteur et le système, les contraintes de l’action collective, Editions du Seuil, 1977, p. 57.
69
liberté (qui signifie source d’incertitude pour ses partenaires comme pour l’organisation dans
son ensemble), chaque acteur dispose ainsi de pouvoir sur les autres acteurs, pouvoir qui sera
d’autant plus grand que la source d’incertitude qu’il contrôle sera pertinente pour ceux-ci,
c’est-à-dire les affectera de façon plus substantielle dans leurs capacités propres de jouer et de
poursuivre leurs stratégies. Et son comportement pourra et devra s’analyser comme
l’expression d’une stratégie rationnelle visant à utiliser son pouvoir au mieux pour accroître
ses « gains », à travers sa participation à l’organisation. »87
Les stratégies ne sont pas qu’un simple produit de la rencontre entre un outil et
un geste, elles sont également source de constitution d’imaginaires, de représentations et
d’identités. Des stratégies médiatiques, il se développe implicitement des stratégies de mise
en scène propre à chaque contexte et relatives aux situations.
En effet, la spectacularisation est au cœur de toute activité de communication.
Cette « préoccupation renvoie implicitement à une problématique de l’énonciation : quelle est
la nature même de l’acte d’exposer, de mettre-en-exposition, et comment cet acte affect le
sens de ce qui est exposé ? »88
La manière de se mettre en scène, pensée par le plan médiats est au cœur du
développement de cette analyse.
IIIIII.. LLee «« ppllaann mmééddiiaaTTss »»8899
Ce paragraphe a pour objet de présenter de manière détaillée notre corpus, outil
de base de notre analyse. C’est à travers l’étude de celui-ci que nous envisagerons la
déconstruction et la construction de stratégies.
11.. LLee ccaass ddee llaa ssoorrttiiee ddee ll’’aallbbuumm ddee
SSeeffyyuu «« QQuuii ssuuiiss--jjee ?? »» llee 2244 aavvrriill 22000066
87 CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, L’acteur et le système, les contraintes de l’action collective, Editions du Seuil, 1977, p. 91-92. 88 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 23. 89 L’expression « plan médiats » est apparue à plusieurs occasions. Il est à présent temps d’en expliciter les termes. Le mot médiat propose d’insister sur l’action et le caractère performatif du média plutôt que de le considérer comme objet. Implicitement en parlant de plan médiats, nous suggérons un plan d’actions.
70
Nous avons choisi d’étudier les stratégies d’usage des médias autour de la
sortie d’un album de rap, celui du rappeur Sefyu, intitulé « Qui suis-je ? » dans les bacs
depuis le 24 avril 2006.
Le choix de ce projet comme étude de cas vient de l’opportunité d’intégrer un
label de musique indépendant, Because Music, durant un stage de six mois (du 13 mars au 12
septembre 2006).
Durant trois mois nous avons recueilli tout type de documents et observé les
conduites et démarches relatives à ce projet.
Les informations concernant d’autres projets, telle la mixtape de Sefyu
« Motolov 4 » ou encore d’autres apparitions, telle la compilation « Hostile 2006 » (entre
autres), ne font pas partie de ce corpus. Les actions et supports d’action (exemple : concert /
flyer) auxquels nous ferons référence entrent dans le cadre premier du projet de la sortie de
l’album de Sefyu « Qui suis-je ? » (lequel projet est lui-même une action d’un projet plus
englobant, qui lui serait « premier »).
Par ailleurs, le terme de sortie, ne doit pas borner le champ d’étude à un instant
« t » en date du 24 avril 2006. L’album possède une exploitation et une vie qui va bien au-
delà de sa date de sortie. La sortie d’un album se prépare. C’est, une fois l’album à disposition
du grand public, que le travail commence.
Les actions relatives à un même projet sont nombreuses et leurs lieux de
manifestations médiatiques encore plus. Ainsi nous tenons à avertir notre lecteur, que notre
recherche se limite à une période d’étude de trois mois et ne prétend pas à l’exhaustivité,
seulement à un optimum.
Avant de présenter à notre lecteur les actions, supports d’action et lieux
médiats de significations, nous allons parcourir brièvement ce que recouvre le projet en
question dans le paragraphe qui suit.
22.. LLee pprroojjeett
Etudier la sortie d’un album ne se restreint pas au seul support album.
En effet, il y a une mécanique musicale – ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas
de projets qui se déroulent autrement –, qui fait que sortir un album, c’est aussi, sortir un
single ou maxi et en faire un clip. Autrement dit nous aurions fait erreur en considérant un
projet comme contenu intégralement dans un seul et unique support musical. Le maxi et le
clip font partie intégrante de ce projet.
71
aa.. LL’’aallbbuumm «« QQuuii ssuuiiss--jjee »»9900
L’album est le support musical dont découlent les autres supports évoqués.
C’est sur lui que le regard de la maison de disques se pose tout particulièrement, notamment
en terme de ventes.
La pochette ou « l’emballage en est le « média » premier, en tous les sens du
terme : « La communication de la promotion passe souvent par l’emballage. C’est le média de
base de la plupart des actions promotionnelles dans la mesure où c’est celui qui communique
le plus directement et le plus immédiatement… »91
Nous comprenons par-là que l’album, plus particulièrement sa pochette92 est le
premier média, lieu de significations à la disposition des publics. Et ceci avant même le
support cd. La pochette dévoile des couleurs sombres, un visage caché, un lieu urbain : le
métropolitain. Aucune mention textuelle sur la pochette de l’album, excepté l’insertion du
logo (entre visuel et textuel) du nom de l’artiste sur un panneau publicitaire du métro. Seul
l’autocollant apposé sur l’emballage de l’album93, contient des éléments textuels, informe sur
le nom de l’artiste, le titre de l’album, ainsi que les titres phares (sortis sur support single) que
les publics pourront retrouver.
Les codes typographiques, chromatiques (noir et blanc) ainsi que les visuels
utilisés ici se retrouveront à de nombreuses reprises.
Pour le reste, nous laissons notre lecteur apprécier le contenu de l’album.
bb.. LLee mmaaxxii «« LLaa llééggeennddee »»9944
Le maxi, sortit le 13 mars 2006, précède la mise à disposition de l’album et met
en avant les titres « La légende » et « La vie qui va avec ».
Nous verrons au fur et à mesure de notre développement, que ces deux titres
fondent la construction de stratégies, de concepts développés sur les supports qui permettent
d’identifier le projet en question.
cc.. LLee cclliipp «« LLaa vviiee qquuii vvaa aavveecc »»9955
90 Consulter ANNEXE I : Sefyu « Qui suis-je ? », l’album cd. 91 BROCHAND Bernard, LENDREVIC Jacques, Le publicitor, cité dans LAVOINNE Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication en plus, 1997, p. 26. 92 Consulter ANNEXE II : Visuels de l’album cd de Sefyu « Qui suis-je ? ». 93 Consulter ANNEXE III : Autocollant apposé sur l’album cd. 94 Consulter ANNEXE IV : Sefyu « La légende », pochette du maxi cd. 95 Consulter ANNEXE V : Sefyu « La vie qui va avec », le dvd du clip (version 1).
72
Le clip « La vie qui va avec » a pour vocation initiale d’appuyer le single et
ainsi la sortie de l’album.
Cependant, le clip est relativement peu diffusé à la télévision. Il est programmé
uniquement en soirée, dans les cases thématiques des chaînes telles M6 Music Black, MTV,
MCM et Trace TV.
Cinq cents exemplaires du clip ont alors été envoyés, joints avec un
communiqué de presse96 dénonçant la barrière à laquelle prennent part les institutions
médiatiques, telle la télévision.
Néanmoins, ainsi que nous avons tenté de l’indiquer lors du premier chapitre,
les lieux de manifestation médiatiques ne se limitent pas à ces médias traditionnels. Le clip
« La vie qui va avec » connaît une diffusion sur de nombreux sites internet. Le site
www.booska-p.com, entre autres, enregistre plus de 100000 visionnages en moins de deux
mois97 (notons au passage que c’est le clip le plus regardé sur l’ensemble de ce site, qui est
tout de même un site de référence pour les productions de rap français). Le clip connaît donc
un succès auprès de certains publics, quand bien même il est peu diffusé sur le petit écran.
La non-programmation tout en étant subie, est détournée en employant d’autres
moyens. Les stratégies mises en oeuvre s’apparentent dans un premier temps à un mode de
diffusion « alternatif ».
Cependant la très faible présence sur le petit écran paraît un obstacle pour la
maison de disques, qui envisage, pour maintenir les ventes de l’album de Sefyu, d’être présent
à la télévision. Pour se faire, une deuxième version du clip « La vie qui va avec » est tournée à
la mi-juin98.
Nous verrons au cours de notre recherche, que les enjeux varient et que les
considérations par les institutions médiatiques fondent la construction des stratégies.
33.. DDeess éévvèènneemmeennttss eett
lliieeuuxx mmééddiiaattss ddee ssiiggnniiffiiccaattiioonnss
La sortie de l’album de Sefyu, en tant que projet, évènement, engendre d’autres
projets, tels l’organisation d’un concert gratuit à l’Elysée Montmartre le lendemain du jour de
la sortie de l’album, l’émission Planète rap de Skyrock la semaine précédent la date de sortie,
etc.
96 Consulter ANNEXE XII : Communiqué de presse « Quand tu regardes Sefyu y’a censure qui va avec ». 97 Consulter ANNEXE XXIV : Le site www.booska-p.com. 98 Consulter ANNEXE VI : Sefyu « La vie qui va avec », le dvd du clip (version 2).
73
Ce qui nous intéresse plus particulièrement dans l’étude de ce projet, ce sont
les actions sous-jacentes telles que citées précédemment, mais aussi les plans d’action, mi-
lieux d’actions (internet, streetmarketing, etc.) et surtout les lieux médiats choisis pour
signifier, tels les interviews, les t-shirts, les affiches, les spots et pages publicitaires, etc.
Avant de rendre compte des actions, des mi-lieux d’action ainsi que des lieux
médiats de significations par lesquels se manifestent les plans d’action autour de la sortie de
l’album de Sefyu, nous allons aborder comment se construit un plan médiats.
aa.. CCoonnssttrruuiirree uunn ppllaann mmééddiiaattss
Voici un schéma de notre propre conception, qui permet de visualiser la
manière dont nous pensons étudier la construction du plan médiats.
LLaa ccoonnssttrruuccttiioonn dd’’uunn ppllaann mmééddiiaattss
74
Le projet est considéré comme un évènement principal, engendrant des
évènements qui lui sont directement ou indirectement corrélés. L’action ou l’évènement induit
des plans d’action. C’est à travers les mi-lieux, que s’organisent les plans d’action et que se
manifestent des lieux médiats de significations99, dernière unité de sens dans notre analyse.
99 Les lieux médiats de significations plus couramment nommés supports sont à envisager aussi bien dans leur nature matérielle qu’immatérielle.
75
Les évènements, plans d’action, mi-lieux et lieux médiats de signification
restent encore abstraits. Il nous faut à présent les identifier.
bb.. DDeess mmii--lliieeuuxx dd’’aaccttiioonnss ……
aauuxx lliieeuuxx mmééddiiaattss ddee ssiiggnniiffiiccaattiioonnss
Pour chacune des actions ou évènements cités précédemment, il est développé
des plans d’action, orientés vers des mi-lieux d’action, qui eux-mêmes s’appuient sur divers
supports.
Nous demandons la plus grande attention de notre lecteur dans ce paragraphe.
Il est nécessaire de se rendre fréquemment en annexe pour consulter les multiples documents
concernant le projet.
Nous exposerons dans ce paragraphe les plans d’actions en direction d’un mi-
lieu spécifique incarnés dans des lieux médiats de significations.
D’une part, il y a les plans d’actions directement relatifs, à l’album, au clip ou
au maxi, c’est-à-dire au projet en lui-même. D’autre part, il y a les plans d’actions relatifs aux
autres évènements qui découlent du projet.
Notons avant toute chose, que les premiers lieux d’identification du projet se
trouvent dans les photos de l’artiste et le logo100.
bb..11.. LLaa rraaddiioo eett
sseess lliieeuuxx mmééddiiaattss ddee ssiiggnniiffiiccaattiioonnss
De nombreuses actions sont orientées vers la radio, tant pour y créer un
évènement que pour lui venir en soutient.
Le premier objectif lié à la radio est le passage du titre, une place dans la
playlist, évaluée au nombre de passages par jour. Toute une stratégie est développée quant au
titre choisi, le moment de switcher avec un autre titre101. Le choix du titre se fait parfois
même de connivence avec la radio.
Par ailleurs il est important de faire la promotion de l’album en radio en
participant à des émissions, des interviews, la diffusion instantanée de concert, en faisant
gagner des albums, des places de concerts, en annonçant les dates, etc102.
100 Consulter ANNEXE X : Logo Sefyu « Qui suis-je ? ». 101 Consulter ANNEXE VII : Fiche artiste Sefyu en date du 27 juin 2006. 102 Nous disposons de peu de documents concernant la radio en annexe, en partie du fait de son immatérialité, mais aussi que nous n’avons pas conservé des exemplaires de la fixation sur support. La grande part des
76
Une autre action importante, non seulement parce qu’elle permet fortement de
faire connaître au public et ainsi de se donner de la visibilité, mais aussi parce qu’elle
constitue une part du budget conséquente, est l’achat d’espace publicitaire.
bb..22.. LLaa pprreessssee ……
Les domaines relatifs au plan d’action presse papier, sont similaires à ceux que
nous avons décrits concernant la radio. Interviews, articles, chroniques, édito, concours,
agenda103, achat d’espace publicitaire104, etc.
Un des objectifs lié à la presse est d’obtenir des couvertures de magazines
concernant la presse spécialisée105, ou encore d’atteindre des journaux quotidiens, tels
Libération, Le Monde, Le Parisien106, etc. L’insertion d’un cd sampler107, pratiqué dans la
presse spécialisée est un plus pour se faire connaître et se donner de la visibilité, il en va de
même pour l’encartage de sa biographie108.
L’envoi de communiqué de presse109, du support musical, etc. est un passage
obligatoire afin de se faire connaître de ces lieux de médiatisation.
bb..33.. IInntteerrnneett ……
Les actions relatives au plan internet sont là encore similaires à celles présentes
en radio et en presse. Interviews110, chroniques111, agendas, concours112, achat d’espace
éléments radiophoniques et télévisés sont physiquement absents dans nos annexes, ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils sont absents de notre corpus, et encore moins qu’ils soient inexistants dans le plans médiats. 103 Consulter ANNEXE XI : Dossier de presse ; ou consulter Groove n°102, mai 2006, Rap Mag n°19, juin 2006, entre autres. 104 Consulter ANNEXE XIV : Publicité pour le concert à l’Elysée Montmartre le 25.04.06. ; ANNEXE XV : Publicité magazine, Qui suis-je ? le 24.04.2006. ; ANNEXE XVI : Publicité magazine Sefyu, à suivre, nouveaux talents Fnac. ; ANNEXE XVII : Publicité papier, internet, Sefyu, la semaine Sky qui va avec. 105 Consulter ANNEXE XI : Dossier de presse ; ou consulter Groove n°102, mai 2006, Rap Mag n°19, juin 2006, entre autres. 106 Consulter ANNEXE XI : Dossier de presse. 107 Consulter ANNEXE XIII : Cd sampler dans Groove, n°102, mai 2006 ; cd sampler dans Rap Mag, n°19, juin 2006. 108 Consulter le magazine Campus Mag du mois de juin 2006. 109 Consulter ANNEXE XII : Communiqué de presse « Quand tu regardes Sefyu y’a censure qui va avec ». 110 Consulter ANNEXE XVIII : Interview de Sefyu, sur Skyrock.com, postée le 12.05.06. 111 Consulter ANNEXE XIX : Chronique sur www.evene.fr. 112 Consulter ANNEXE XX : Concours 16 mesures, source sur www.lehiphop.com, http://sefyunccofficiel.skyblog.com, www.cosmichiphop.com.
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publicitaire113, etc. C’est aussi l’occasion d’être présent sur la homepage114 des sites internet,
des blogs115.
Internet c’est aussi l'opportunité d’avoir un site dédié116, une vitrine.
C’est aujourd’hui l’outil par excellence afin de faire circuler une information
rapidement, autrement dit de faire du viral. A cette fin, une e-card117, présentant l’artiste est
largement diffusée.
bb..44.. LLaa ttéélléévviissiioonn ……
Le plan d’action télévision est défaillant. En effet le clip est peu programmé sur
les chaînes télévisées. La réalisation d’une publicité concernant le projet n’est pas appropriée.
En revanche l’achat d’espace publicitaire pour annoncer un évènement, comme le concert
au Nouveau Casino par exemple, avec des spots de 20 et 30 secondes sur les chaînes Trace et
MTV est prévu118.
Dans un autre registre, l’artiste peut être invité sur des plateaux d’émissions
musicales ou encore, convié à des débats, etc. Cela n’a pas été le cas. En revanche Sefyu a été
sollicité pour participer à l’émission Envoyé Spécial119.
Pour tenter d’atteindre, ces médias que sont la radio, la presse, la télévision,
internet, des mailings sont envoyés120, joints de cd single, clip, biographie121, dossier de
presse, voire de communiqué de presse selon les situations.
bb..55.. LLaa ttéélléépphhoonniiee mmoobbiillee ……
Le plan d’action téléphonie mobile prend une place de plus en plus
importante122. En effet, on peut aujourd’hui télécharger des musiques de l’album de Sefyu sur
113 Consulter ANNEXE XXI : Achat d’espace publicitaire sur www.booska-p.com. 114 Consulter ANNEXE XXII : Homepage du site www.apple.com/itunes ; ANNEXE XXIII : Homepage du site www.lehiphop.com ; ANNEXE XXI : Achat d’espace publicitaire sur www.booska-p.com. 115 Consulter ANNEXE XXV : Blogs sur Sefyu : http://sefyunccofficiel.skyblog.com ; http://sefyu-molotov4.skyblog.com ; http://sefyu150.skyblog.com. 116 Consulter www.sefyu.fr ; ou ANNEXE XXVI : Homepage du site www.sefyu.fr. 117 Consulter ANNEXE XXVII : E-card (http://www.because.tv/public/sefyu/ecard_sefyu/) ou http://madebyjuve.free.fr/sefyu/. 118 Consulter ANNEXE XXIX : Publicité télévisuelle (spot de 20’ et 30’ pour Träce TV et MTV). 119 Le reportage intitulé « Les enfants du rap », auquel a participé Sefyu a été déprogrammé deux fois, et n’a à ce jour pas encore été diffusé. Diffusion annoncée pour le mois de septembre 2006 … à suivre … ; consulter ANNEXE XXVIII : Présentation du programme Envoyé Spécial. 120 Consulter ANNEXE LVI : Mailing dj’s et émissions spés par Urban Act. 121 Consulter ANNEXE VIII : biographie de Sefyu (pour clip / maxi) ; ANNEXE IX : biographie de Sefyu (pour l’album).
78
son mobile, le télécharger en tant que sonnerie. Faire un concours pour gagner des places de
concert, etc. La musique se développe aujourd’hui également sur ce genre de support, qui ne
sont plus à négliger123.
bb..66.. LLaa rruuee ……
Le plan d’action street124 constitue une part essentielle en ce qui concerne le
plan médiats de Sefyu, et ceux relatifs au rap de manière générale, ainsi que nous l’avons
mentionné lors de notre premier chapitre125.
Le streetmarketing utilise différents types de supports. Des supports
« traditionnels », tels l’affichage126, les autocollants127, le tract128, adapté selon les situations,
tel des cartes postales afin d’y réaliser des dédicaces129, les cartons d’invitation130. Mais aussi
des supports ordinaires comme des tee-shirts131. Ou encore des supports originaux si ce n’est
inédits, tel l’apposition du logo de l’artiste sur des boîtes de donner Kebab132 distribuée dans
les 200 plus gros points de vente de l’Ile de France.
bb..77.. LLaa ccoommmmeerrcciiaalliissaattiioonn ……
Le plan d’action commercial n’est pas directement lié à ce qui est
communément considéré comme activité médiatique. Pourtant il utilise lui aussi des lieux de
manifestations médiatiques et surtout c’est à travers lui que le produit physique, album, single
est rendu disponible aux publics.
Des outils tels les argumentaires133, les PLV134 ou encore les bornes d’écoute135
sont employés pour faire connaître le produit. C’est également dans cette orientation que
s’organise le partenariat avec la Fnac, opération nouveaux talents136.
122 Consulter ANNEXE 11 : « France Télécom signe avec les indépendants Believe.fr et Because Music », le 3 mai 2006, source http://www.francetelecom.com. 123 Consulter ANNEXE 13 : « SFR et Ocean Music Mobile signent un accord de partenariat pour proposer aux abonnés de SFR une offre musicale inédite », le 20 janvier 2005, source http://www.connaitresfr.fr. 124 Consulter ANNEXE XXX : Plan d’action street marketing Urban Act, pour la sortie de l’album Sefyu « Qui suis-je ? » le 24 avril 2006. 125 Consulter ANNEXE XXXI : Photos affichage / boarding / stickage par Urban Act ; ANNEXE XXXII : Photos affichage par Campus Mag. 126 Consulter ANNEXE XXXIII : Affiche Sefyu « Qui suis-je ? » 24 avril 2006 ; cf. ANNEXE XXXIII à XL montrant de nombreuses affiches, pour des occasions diverses. 127 Consulter ANNEXE XLI à XLIV : Autocollants Sefyu. 128 Consulter ANNEXE XLV : Tract pour annoncer les concerts au Nouveau Casino le 13 et 20 juillet 2006. 129 Consulter ANNEXE XLVI : Carte postale Sefyu, album disponible. 130 Consulter ANNEXE XLVII : Invitation pour le concert à l’Elysée Montmartre le 25.04.2006. 131 Consulter ANNEXE XLVIII : Visuel des tee-shirts Sefyu. 132 Consulter ANNEXE VLIX : Photos de la boîte donner kebab Sefyu. 133 Consulter ANNEXE L : Argumentaire pour Sefyu « Molotov 4 », le cd 2 rue (18.04.2005) ; ANNEXE LI : Argumentaire pour Sefyu « La légende », le maxi (13.03.2006) ; ANNEXE LII : Argumentaire pour Sefyu « Qui
79
BB..88.. PPoouurr ssyynntthhééttiisseerr lleess mmii--lliieeuuxx dd’’aaccttiioonnss
Afin de synthétiser ce qui vient d’être développé, nous allons présenter un
schéma de notre propre conception qui tente de refléter l’ensemble des éléments parcourus
jusqu’à maintenant. Il n’est pas parfait, ni idéal. Les éléments auraient pu être identifiés et
modélisés de manières différentes.
LLeess mmii--lliieeuuxx dd’’aaccttiioonnss eett lliieeuuxx mmééddiiaattss
ddee ssiiggnniiffiiccaattiioonnss rreellaattiiffss àà llaa ssoorrttiiee ddee
ll’’aallbbuumm ddee SSeeffyyuu «« QQuuii ssuuiiss--jjee ?? »»
suis-je ? », l’album (24.04.2006) ; ANNEXE LIII : Argumentaire pour Sefyu « La vie qui va avec », le single (10.07.2006). 134 Consulter ANNEXE LV : Publicité sur le Lieu de Vente Fnac. 135 Consulter ANNEXE LIV : Borne d’écoute Fnac. 136 Consulter ANNEXE XVI : Publicité magazine Sefyu, à suivre, nouveaux talents Fnac.
80
Le projet étudié, matérialisé principalement dans l’album, le single et le clip
développe des lieux de manifestations ainsi que des lieux « supports » de significations.
Chacun des éléments évoqués ici, concernant le projet de sortie de l’album, est
présent sur des évènements auxiliaires.
cc.. DDeess évènements …… aauuxx ppllaannss dd’’aaccttiioonnss
Il faut maintenant préciser que les lieux médiats de signification sont pensés en
fonction d’une situation, d’un évènement et d’une action, dans un ensemble qui constitue un
plan d’actions.
81
Ce paragraphe a pour objet de rendre compte des nombreuses actions qui sont
organisées durant notre période d’observation autour de la sortie de l’album de Sefyu137. On
retrouve les plans d’action présentés plus haut, avec les lieux médiats de significations,
relatifs à la situation rencontrée.
cc..11.. LLee ttoouurr dduu tteerrrraaiinn
La quinzaine précédant la sortie de l’album, est mis
en place « Le tour du terrain » du 13 avril 2006 au 23 avril 2006,
dans une commune de chaque département d’Ile de France.
Le concept : l’après-midi est organisé un tournoi de
football (ou Sefyu Street Soccer) avec les gens du quartier et
l’équipe Sefyu, et le soir un showcase. Et tout cela gratuitement.
L’opération est également réalisée en province du 25 juin au 8 juillet 2006 en
relation avec des associations locales de quartier, afin de leur reverser les quelques euros
payés à l’entrée.
L’organisation de cette tournée tour du terrain est par ailleurs envisagée une
seconde fois.
Parallèlement, se déroule le concours tour du terrain, qui permettra aux trois
équipes gagnantes, de se rendre sur Paris pour un tournoi privé avec l’équipe de Sefyu.
Ainsi que nous le constatons, le tour du terrain regroupe en lui-même plusieurs
évènements.
Mi-lieux et lieux médiats de significations relatifs au Tour du terrain :
Afin de concrétiser l’action Tour du terrain il est développé autour des mi-
lieux, des lieux médiats de significations :
Radio : agendas (88.2FM), interview (ex. : RGB [95]), diffusion du titre, achat d’espace
publicitaire.
Il est essentiel que la radio annonce l’évènement dans son agenda. Etant donnée l’étendue de
l’évènement, il est principalement fait appel aux radios locales et dites spécialisées (à l’instar
des radios généralistes). Générations 88.2 FM développe une grille de programmation
orientée rap, et dessert à travers les ondes hertziennes, uniquement l’Ile de France. C’est une
radio appropriée pour promouvoir l’évènement lorsqu’il est, lors de la première vague, limité
137 Nous tenterons de conserver l’ordre d’apparition chronologique.
82
à la région parisienne. D’autres radios avec des ondes restreintes à chaque département, telles
RGB dans le Val d’Oise, ou encore Radio Droit de Cité (RDC) dans les Yvelines appuient
l’évènement en local.
Outre l’annonce de l’évènement dans l’agenda, il est important que les radios, s’intéressent au
Tour du Terrain afin de parler et faire parler autour de celui-ci. L’organisation d’interviews
par les radios permet d’annoncer l’évènement au niveau local, et de par leur nature, lui
conférer une certaine proximité. L’interview permet surtout d’aller au-delà de l’évènement et
de comprendre les ambitions de l’artiste dans l’organisation de celui-ci.
L’envergure limitée et locale de l’évènement, est une des raisons qui justifie le fait qu’il n’y a
pas d’achat d’espace publicitaire en radio. A noter que les évènements relatifs au projet sont
présentés ici de manière isolée. Toutefois, ceux-ci sont renforcés par les lieux médiats de
significations qui sont en rapport direct avec le projet. On constate par exemple qu’il n’y pas
d’achat d’espace publicitaire sur l’évènement Tour du terrain. En revanche cet évènement est
soutenu par de l’achat d’espaces publicitaires sur la sortie de l’album de Sefyu. Les supports
et évènements s’appuient les uns sur les autres. Il n’est pas nécessaire de répéter le plan
médiats dans sont intégralité pour chaque évènement, puisque chaque évènement vient
appuyer l’autre et n’existe pas pour lui-même.
Presse : interview, articles, chroniques, agenda, achat d’espace publicitaire, concours
tournoi de foot privé.
Le travail de la presse papier avoisine celui de la radio. Annoncer l’évènement dans les
agendas, faire des interviews et articles sur l’évènement lui-même propose non seulement un
effet d’annonce, mais cela confère aussi une certaine image de l’artiste concernant ses actions
et ses ambitions.
La presse papier est plus adaptée pour annoncer l’ensemble des règles de l’organisation de
l’évènement et ainsi la possibilité de participer à un tournoi privé pour les trois équipes
qualifiées.
La presse contrairement à la radio, n’est pas restreinte à son aspect local. En revanche, elle est
toujours circonscrite à la presse spécialisée (dans la gestion de son contenu).
Internet : interview, articles, chroniques, agenda, concours tournoi de foot privé.
Internet est un moyen d’annoncer une information de manière rapide, si ce n’est de manière
instantanée. A contrario, la presse papier est tenue par des dates de bouclages, et les
magazines auxquels nous faisons référence ont une périodicité, la plupart du temps mensuelle.
La réactivité est de moindre envergure.
Internet permet de répandre une information très rapidement et de manière virale.
83
Télévision : néant.
Téléphonie : néant.
Le fait que la télévision et la téléphonie soient absents du plan médiats du Tour du terrain
indique et contribue à penser en partie, que l’évènement a une ampleur perçue comme locale
et considérée comme interpellant une petite frange de publics.
Street : t-shirt, affiches, carte postale.
L’affichage est un moyen opportun pour se donner de la visibilité localement et ainsi faire
connaître l’organisation du Tour du Terrain. Pour accompagner l’évènement, des cartes
postales pour la réalisation de dédicaces sont réalisées.
Commercialisation : néant.
Notons, non seulement pour cet évènement, mais aussi pour d’autres, comme la mise en place
d’opération de streetmarketing par exemple, que cela se déroule en deux temps. Dans un
premier temps s’organise une vague parisienne, puis dans un second temps vient la vague
province.
cc..22.. LL’’éémmiissssiioonn PPllaannèèttee RRaapp,,
dduu 1177 aauu 2211 aavvrriill 22000066,, ssuurr SSkkyyrroocckk
Afin de promouvoir la sortie de l’album, Sefyu
est présent à l’émission Planète Rap, la semaine précédant la
date de sortie. L’émission est diffusée du lundi au vendredi
de 20 heures à 21 heures sur les ondes de Skyrock du 17 au
21 avril 2006.
Le concept : chaque soir de la semaine Sefyu,
vient accompagné d’artistes avec lesquels il a collaboré.
Les trois premiers quarts d’heures de l’émission sont réservés aux interviews,
la présentation et l’écoute des titres de l’album. Tout cela intercalé d’autres sons de la playlist
de la radio.
Ainsi que la skyroulette, qui est l’occasion pour l’artiste d’interagir avec les auditeurs, mais
aussi de faire gagner son album.
Le dernier quart d’heure est réservé à une prestation freestyle de l’artiste et de ces acolytes.
Mi-lieux et lieux médiats de significations relatifs à l’émission Planète
Rap :
84
Radio : spots publicitaires sur Skyrock pour annoncer l’évènement, interview, diffusion du
titre, agenda, Skyroulette.
La radio Skyrock, contrairement aux radios citées précédemment, dispose d’une portée
nationale. L’organisation de la venue de Sefyu à l’émission Planète Rap semble un élément
essentiel de la promotion de la sortie de l’album. L’émission est aussi l’occasion d’annoncer
la tournée Tour du terrain qui arrive à sa dernière semaine.
Presse : achat d’espace publicitaire.
Internet : agenda sur site et blog ; video du freestyle sur www.booska-p.com.
Skyrock dispose de son réseau internet à travers son site mais aussi ses nombreux skyblog.
Télévision : néant.
Téléphonie : néant.
Street : affiche, autocollant.
Cette émission est considérée comme un évènement en lui-même. Pour cela, des affiches et
autocollants sont réalisés mentionnant la semaine de passage de Sefyu dans l’émission
Planète Rap.
Commercialisation : néant.
cc..33.. CCoonncceerrtt ssaauuvvaaggee àà
ll’’EEllyyssééee MMoonnttmmaarrttrree llee 2255 aavvrriill 22000066
Le lendemain de la sortie de l’album, le 25 avril 2006, est organisé un
concert gratuit à l’Elysée Montmartre.
Le concept : premier arrivé, premier servi.
Ce concert est l’occasion de faire un « coup médiatique » le lendemain du
jour de la sortie de l’album.
Mi-lieux et lieux médiats de significations relatifs au concert à l’Elysée
Montmartre :
Radio : achat espace publicitaire sur 88.2, place à gagner, agenda.
Pour annoncer un tel évènement la radio est un lieu médiat approprié. La radio Générations
88.2 FM par sa portée sur la région parisienne et son orientation rap, est idéale comme lieu de
présence sur les espaces publicitaires, mais aussi pour faire gagner des invitations lors de jeux
concours.
Presse : achat espace publicitaire magazine presse spécialisée, envois promo à la presse
généraliste, agenda.
85
Internet : agenda sur site et blog.
Télévision : néant.
Téléphonie : place à gagner, diffusion du concert avec SFR fin juin.
Faire des opérations régulières ou ponctuelles lors d’évènements comme c’est le cas de ce
concert, avec des opérateurs de téléphonie mobile est de plus en plus répandu. Il s’agit en
l’occurrence dans une première phase, de faire gagner des invitations par le biais de SFR pour
se rendre au concert à l’Elysée Montmartre. Une seconde phase organise la diffusion du
concert sur les écrans nomades.
Street : affichage, invitation à retirer devant l’entrée.
Le concert est une opération importante, qui marque la sortie de l’album comme un
évènement. Des affiches annonçant le concert sont alors apposées aux abords de Paris.
Commercialisation : néant.
cc..44.. SShhoowwccaassee FFnnaacc
Parallèlement aux dates, tournées promotionnelles qui accompagnent la sortie
d’un album, s’organisent d’autres évènements, comme des showcases Fnac.
C’est ainsi que Sefyu était présent le 10 juin 2006 à la Fnac de Cergy pour la
promotion de son album, pour un showcase et une séance de dédicaces138.
Mi-lieux et lieux médiats de significations relatifs au showcase Fnac :
Radio : néant.
Presse : réseau Fnac.
Internet : réseau Fnac.
Télévision : néant.
Téléphonie : néant.
Street : néant.
Commercialisation : réseau interne de distribution Fnac.
(gratuit, dans la limite des places disponibles).
Employer le terme néant pour le street ou d’autres rubriques, signifie qu’il n’y a pas de
création de support particulier relatif à l’événement. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il
n’est pas soutenu par une campagne de street avec de l’affichage plus général (ex. : sefyu,
138 Consulter ANNEXE LVIII : Les forums de la Fnac (juin 2006), p. 24.
86
album disponible). C’est une remarque que nous avons déjà faite et qu’il est important de
garder à l’esprit.
cc..55.. JJooggaa BBoonniittoo 33,,
dduu 1155 jjuuiinn aauu 22 jjuuiilllleett 22000066139
Afin d’approfondir l’aspect footballistique et musical, un
partenariat est développé entre Because Music pour Sefyu et Nike140.
Le concept : lors de certaines dates des tournois de football
Joga Bonito, évènement organisé par Nike pour la troisième édition, Sefyu
est présent, pour y « taper le ballon », mais aussi pour y chanter et même
faire des dédicaces.
Mi-lieux et lieux médiats de significations relatifs aux tournois de football
Joga Bonito :
Radio : agenda.
La radio est un lieu approprié pour annoncer l’organisation de tournois. L’agenda des radios
est un passage obligatoire pour annoncer un évènement, et ceci de manière relativement
proche de celui-ci.
Presse : néant.
Internet : agenda site, blog.
Internet accentue les qualités de simultanéité. La participation de Sefyu sur l’agenda est
actualisée rapidement, aussi bien sur les sites et blogs officiels que les blogs de fans.
Télévision : néant.
Téléphonie : néant.
Street : carte postale dédicace.
La carte postale pour réaliser des dédicaces, est un plus. Elle entre dans une action et un cadre
de proximité avec les publics.
Commercialisation : néant.
139 Les dates : 17 juin 2006 : Blanc-Mesnil 23 juin 2006 : Cergy 24 juin 2006 : Mantes 26 juin 2006 : Sarcelles
29 juin 2006 : Trappes 30 juin 2006 : Corbeil
140 Consulter ANNEXE LVII : Proposition de partenariat avec Nike.
87
cc..66.. RRééssiiddeennccee aauu NNoouuvveeaauu CCaassiinnoo
lleess 1133 eett 2200 jjuuiilllleett 22000066
Deux dates sont organisées au Nouveau Casino, le 13 et le
20 juillet 2006.
Le concept : faire deux dates parisiennes pour maintenir la
présence et la visibilité de Sefyu auprès des publics141.
Mi-lieux et lieux médiats de significations relatifs aux
concerts au Nouveau Casino :
Radio : achat d’espace publicitaire (88.2, Skyrock), agenda, interview.
Presse : achat d’espace publicitaire, agenda.
Internet : agenda site, blog.
Les sites de Sefyu et du Nouveau Casino mettent à jour régulièrement les « news » et
annoncent ainsi l’évènement.
Télévision : achat espace publicitaire (MTV, Trace).
Pour l’occasion, des spots publicitaires sont réalisés afin de promouvoir les deux dates
parisiennes.
Téléphonie : néant.
Street : Affiche, tract.
L’affiche et le tract sont les outils les mieux adaptés pour annoncer un concert. Contrairement
à la presse ou la radio, ils sont destinés à des personnes qui sortent. Le profil des individus qui
vont en concert est différent de ceux qui écoutent ou achètent un album, l’affiche et le tract en
tiennent compte.
Commercialisation : billetterie.
cc..77.. CCoonnccoouurrss 1166 mmeessuurreess114422
Le concept : télécharger l’instrumentale du titre de Sefyu « La vie qui va
avec », poser 16 mesures, pour participer au concours, et tenter sa chance d’être sélectionné
comme gagnant afin de poser un son lors d’un concert de Sefyu.
141 A noter, contrairement aux évènements précédents, ces dates sont payantes pour les publics. 142 Consulter ANNEXE XX : Concours 16 mesures, source sur www.lehiphop.com, http://sefyunccofficiel.skyblog.com, www.cosmichiphop.com.
88
Mi-lieux et lieux médiats de
significations relatifs au concours 16 mesures :
Radio : néant.
Presse : néant.
Internet : promo sur site.
Le concours 16 mesures est un bon exemple d’opérations qui se réalisent par du viral. En
effet, le seul lieu média utilisé est internet.
Télévision : néant.
Téléphonie : néant.
Street : néant.
Commercialisation : néant.
Les actions relatives à la sortie de l’album, correspondent à des prestations
musicales live mais aussi à des prestations sportives ou de toute autre nature.
CC..88.. PPoouurr ssyynntthhééttiisseerr lleess ppllaannss dd’’aaccttiioonnss
Le schéma qui suit reprend les précédents, en le complexifiant et le considérant
dans le contexte de chacun des évènements présentés dans les paragraphes qui précèdent.
RReeccoonnssttiittuuttiioonn dduu ppllaann mmééddiiaattss
ddee llaa ssoorrttiiee ddee ll’’aallbbuumm ddee SSeeffyyuu «« QQuuii ssuuiiss--jjee ?? »»
89
Chaque action relative à la sortie du projet reprend les procédés présentés en
les adaptant à la situation particulière.
** ** **
Résumons notre paragraphe par cette formule :
Stratégie média = projet < actions < mi-lieux d’actions < lieux médiats de significations
90
Nous voulons dire ainsi qu’un projet engendre plusieurs actions, qui elles-mêmes engendrent
de nombreux mi-lieux d’actions et ainsi de suite.
L’observation du plan médiats en tant que combinaison de mi-lieux d’actions,
est un domaine opératoire pour rendre compte des éléments qui se cachent derrière les choix
stratégiques et la dynamique médiatique. Il reste encore à expliciter les éléments clefs qui
nous permettront de les interpréter.
IIVV.. CCoommpprreennddrree eett iinntteerrpprréétteerr
lleess ssttrraattééggiieess dd’’uunn ppllaann mmééddiiaattss
Ce paragraphe propose de fournir des clefs de compréhension et
d’interprétation des actions, supports d’action et lieux médiats de significations exposés
précédemment, qui pourront nous conduire dans un troisième temps à l’appréhension des
stratégies médiatiques.
La clef de compréhension des stratégies à travers les usages des médias vient
des enjeux, eux-mêmes issus de la situation, de l’environnement, des contextes, des acteurs,
etc. Nous allons maintenant identifier et approfondir ces éléments.
11.. LLee ccaaddrree ssiittuuaattiioonnnneell
Un choix, un usage s’exprime toujours dans un cadre situationnel. Une
situation dans laquelle s’inscrit l’usage d’outils de communication, peut se résumer à des
acteurs143, des représentations, des relations (directes et indirectes), des rapports, et des
contextes ; et se schématiser de manière élémentaire ainsi :
LLee ccaaddrree ssiittuuaattiioonnnneell
143 A noter que le « média » tant puisse-t-il être considéré comme un objet, est envisagé ici comme un acteur, cependant non confondu avec son usager, qui lui-même est aussi appréhendé comme acteur.
91
Nous proposons un schéma simplifié à outrance pour que notre lecteur
identifie d’abord la dynamique de base.
Ce n’est pas tant une réalité que l’on prétendrait étudier, mais ce sont des
représentations. Celles des acteurs, qu’il nous faut à présent aborder.
22.. LLeess aacctteeuurrss
S’interroger sur les stratégies qui guident les pratiques, revient à dépasser une
logique purement technique et fonctionnelle, et met ainsi l’accent sur les éventualités
d’actions de l’acteur, la praxis.
Derrière le projet étudié existent de nombreux acteurs. Nous nous attacherons à
décrire ceux estimés être principaux dans le déroulement du projet.
aa.. SSeeffyyuu
Sefyu est un rappeur de 24 ans144, originaire d’Aulnay sous Bois
(93). Il est membre du collectif NCC (Natural Court Circuit). Avec
« Qui suis-je ? » Sefyu sort son premier opus.
Par ailleurs il a déjà commercialisé ses propres titres sur son street cd « Molotov 4 » et a
collaboré à de nombreuses compilations et featurings avec divers artistes.
bb.. GG88
G8 est le label, premier producteur de l’artiste Sefyu. D’autres artistes
appartiennent à ce label, cependant Sefyu est le premier à sortir son album.
G8, c’est aussi un collectif organisé en tant qu’association caritative. A l’inverse
de l’acceptation usuelle, G8 doit être compris ici comme le G8 des pauvres.
Pour la sortie de l’album « Qui suis-je ? », G8 s’est adressé à Because Music et a confié à
cette entité l’album en contrat de licence.
cc.. BBeeccaauussee MMuussiicc
Because Music145 est un label de musique crée en 2004 par Emmanuel de
Buretel146. Il s’affirme comme un label multiculturel indépendant147.
144 Consulter ANNEXE VIII : Biographie de Sefyu (pour clip / maxi) ; ANNEXE IX : Biographie de Sefyu (pour l’album). 145 Consulter ANNEXE 2 : Edito Because, Pourquoi ? source : http://test.because.tv/editorial/index.html.
92
Différents pôles, world, électro, rock, urbain sont parties intégrantes du label.
Le pôle urbain, lequel à été rejoint par Sefyu, comprend des artistes comme Tandem, Noyau
Dur (Neg’ Marrons, Pit Bacardi, Arsenik), Keny Arkana, Perle Lama et James Deano148.
Notons à l’occasion, que les maisons de disques communiquent rarement intentionnellement
sur elles-mêmes. Cela se fait implicitement à travers le choix des artistes et de leurs
apparitions.
dd.. LLeess iinnssttiittuuttiioonnss mmééddiiaattiiqquueess
Les institutions médiatiques, telles la télévision, la presse ou encore la radio
sont, lorsque cela concerne le rap, bien souvent réticentes.
Accroître ses rôles dans la médiasphère, tant par l’ampleur d’un rôle, que la
multiplication de plusieurs rôles, permet d’augmenter le degré de liberté relative.
Auparavant, les moyens médiatiques étaient réduits, tout était à faire. A présent
les radios sont déjà en place, elles intègrent une certaine programmation rap. Aujourd’hui, les
projets de rap s’adossent à Groove, Skyrock, …
Nous l’avons fait remarquer lors de notre premier chapitre, la radio Skyrock est
devenue une véritable institution, à qui il est conféré une légitimité de construire la norme.
Certains choisissent de la contourner, d’autres participent à sa construction, d’autres encore
n’y voit pas d’autres choix que de s’y conformer.
Accroître ses rôles, être polyvalent, avoir de multiples facettes, c’est se
conférer la possibilité de toucher des cibles ou publics dans des sphères différentes.
ee.. LLeess ppuubblliiccss // cciibblleess
Certes le rap s’adresse à une frange de population ciblée. Pourtant, les publics
sont pluriels. Les lieux médiats de signification s’adaptent à la cible visée. On peut avancer
qu’il y aurait une cible dite « spé » et une cible dite « élargie ». Les mi-lieux et supports
employés sont ajustés à la cible visée.
En employant le terme générique de radio, il ne s’agit pas de considérer ce lieu
comme un seul. C’est un terme commode pour y regrouper plusieurs réalités. En effet, il faut
distinguer par exemple la radio Skyrock, qui a une portée nationale, de la radio Générations 146 Pour plus d’informations sur le parcours d’Emmanuel de Buretel, consulter ANNEXE 13 : « SFR et Ocean Music Mobile signent un accord de partenariat pour proposer aux abonnés de SFR une offre musicale inédite », le 20 janvier 2005, source http://www.connaitresfr.fr. 147 Consulter ANNEXE 12 : « Emmanuel de Buretel lance le label Because Music », posté le 20 janvier 2005, source http://www.radio-music.org/article.php?sid=2025. 148 Consulter ANNEXE 1 : Publicité magazine Because Urbain.
93
qui n’a qu’une portée locale sur les ondes FM149. L’usage de l’une ou l’autre n’induit alors
pas les mêmes visées. L’usage s’ajuste à la situation et aux contextes.
Après avoir explicité les rôles des acteurs qui participent au jeu médiatique du
projet étudié, il nous reste à rendre compte des contextes dans lesquels ils interagissent, et
surtout les relations qu’ils entretiennent entre eux.
33.. LLeess ccoonntteexxtteess
Le fait que certaines institutions aient pris du poids, non seulement dans la
création et la diffusion du rap, mais aussi dans la définition de son contenu, indique entre
autre l’importance de la prise en compte des aspects organisationnels et institutionnels pour
l’étude de l’usage des médias dans notre projet.
A titre comparatif, le rap et sa construction en rapport aux médias aux Etats-
Unis se fait dans une optique économique, alors qu’en France, elle s’ancre plutôt dans une
optique politique. Ce n’est qu’un exemple d’élément contextuel à portée générale qui rappelle
néanmoins les particularités des contextes et leur nécessaire prise en comte pour comprendre
toute relation.
Les contextes qui suscitent tout particulièrement notre intérêt sont ceux dans
lesquels s’inscrivent les usages des médias et les éléments situationnels sur lesquels reposent
les choix. Appuyer un évènement de publicité télévisée ou non, choisir de distribuer un tract
plutôt que d’afficher, ou bien envisager les deux de manière combinée, laisse transparaître
l’importance accordée, les valeurs développées et les enjeux sous-jacents. Cela conduit
également à penser les contraintes issues de ces multiples contextes.
Mettre en place un partenariat avec la radio Skyrock, organiser une opération
de streetmarketing dédiée à l’émission Planète Rap, confère une certaine importance à
l’événement.
On peut faire l’hypothèse que les usages sont relatifs à des cycles de vie. LE CYCLE DE VIE
149 Notons qu’il est possible aujourd’hui d’écouter cette radio à travers le monde entier par le biais d’internet.
94
La manière de faire usage, serait relative notamment au cycle de vie du genre
musical rap. Autrement dit l’usage des médias durant la fin des années 1980, serait propre à la
période de gestation du rap. Incontestablement les outils employés, mi-lieux d’actions et lieux
médiats de significations ne peuvent être comparables, à ceux déployés aujourd’hui en 2006,
qui correspondent à une période de croissance ou de maturité du genre.
Au-delà du genre musical lui-même, chaque artiste développe son propre cycle.
Sefyu sort son premier album. L’envergure du projet ne peut être comparée à un artiste qui en
serait à son troisième album, et ainsi largement connu des publics, même non raps. Sefyu est
un artiste en développement et en pleine phase de croissance.
Le développement de la maison de disques est par ailleurs un élément
important, qui conditionne le déploiement même du plan médiats concernant l’artiste et son
projet.
Il émerge ainsi des « mécanismes » récurrents mais aussi singuliers à chaque
évènement150, tout en étant relatifs et interdépendants à ces données.
C’est là qu’il est intéressant de constater que selon les situations, les priorités
qui sont conférées, mais aussi le cycle dans lequel se trouve le genre de musique, le projet de
l’artiste lui-même, etc., il est employé tel type de lieu ou de support d’action plutôt qu’un
autre.
En tout cas, il s’agit d’affirmer l’importance, pour comprendre les plans
d’action et lieux médiats de significations présentés précédemment, des éléments contextuels
dans lesquels s’inscrivent les actions et relations.
44.. LLeess rreellaattiioonnss 150 A côté de cela, les actions et plans d’actions, sont synthétisés dans le plan marketing et le retroplanning. Consulter ANNEXE LIX : Retroplanning marketing ; ANNEXE LX : Plan communication – marketing, au 12.05.2006 et au 03.07.2006.
95
Il se construit en effet des relations, parfois même des réseaux de relations
médiatiques, mais aussi des rapports (de force) qui apportent des éléments d’explication
supplémentaires à la compréhension des usages des médias dans notre projet.
Le fait qu’il incombe à G8 l’organisation d’un
concert à Aulnay sous Bois par exemple, alors que
l’organisation du concert à l’Elysée Montmartre,
l’achat d’espaces publicitaires … incombent à
Because Music, instaure un partage des actions.
Initialement G8, Sefyu et Because Music sont liés
par un contrat qui établit de fait une certaine relation,
ainsi qu’une certaine responsabilité des parties.
Chacun apporte son savoir-faire. Rien n’est imposé d’un côté comme de l’autre, bien qu’il y
ait des rapports conflictuels. De manière générale, les possibilités de négociation sont très
élevées.
Cette relation de négociation n’est pas aussi ouverte lorsqu’il s’agit des rapports entretenus
entre Because Music et les institutions médiatiques. C’est le cas de la (faible) diffusion du clip
à la télévision par exemple.
Les relations ainsi mises en lumière auraient pu être inversées : un faible
espace de négociation entre G8, Sefyu et Because Music et un grand espace de négociation
entre Because Music et les institutions médiatiques. Même si nous ne pouvons répertorier tous
les contextes et relations impliqués, de manière exhaustive (et ce n’est pas notre intention), il
est important de noter que des sphères d’interactions sont amenées à s’organiser dans la
mesure où les acteurs entrent en relation et développent un rapport et un positionnement par
rapport à autrui.
** ** **
Notre analyse a rendu compte d’une part, d’une certaine récurrence des mi-
lieux et supports utilisés. Et d’autre part, elle a révélé l’organisation particulière de ceux-ci en
fonction de chaque évènement. Autrement dit, il y a des modalités d’usage inscrites dans les
pratiques des acteurs, en revanche, il est nécessaire de contextualiser à chaque fois les faits en
rapports aux évènements.
La relation aux médias passe par la prise en compte des contextes dans lesquels
elle se construit. En effet, l’usage des médias s’inscrit en rapport avec des éléments
96
circonstanciels, conjoncturels mais aussi structurels. « La diversité des stratégies de
déploiement de ces technologies et de leurs modes d’appropriation est en effet l’une des
caractéristiques actuelles des usages… »151
Ainsi que notre lecteur aura pu le constater, on ne s’intéresse pas aux effets de
la pratique, mais à la pratique elle-même, ses formes et son fonctionnement.
VV.. LLeess ssttrraattééggiieess
dd’’uunn ppllaann mmééddiiaattss
De l’observation des supports, il est possible de faire émerger des éléments
d’interprétation des résultats de notre analyse du plan médiats concernant la sortie de l’album
de Sefyu « Qui suis-je ? ». Sans vouloir répondre trop hâtivement à la question de savoir s’il y
a des règles implicites derrière les choix mis en œuvre, nous identifierons les stratégies
médiatiques développées par le plan médiats présenté précédemment.
11.. PPrrooppoosseerr uunnee ttyyppoollooggiiee ??
Notre typologie, ambitionne être une typologie des stratégies des usages des
mi-lieux et lieux médiats de significations rencontrés lors de l’analyse de notre corpus
concernant la sortie de l’album de Sefyu, et non une typologie de personnes.
L’intention d’usage d’un mi-lieu d’action et des lieux médiats de significations
est propre à chaque interaction et en l’occurrence au projet étudié.
L’observation des usages renvoie à une catégorisation des attitudes face aux
produits culturels et médiatiques.
Les choix observés dans l’étude du projet, reposent sur diverses composantes,
telles l’adéquation à la cible, l’adéquation au message, la compatibilité avec le budget, etc. et
surtout sur la pondération de celles-ci. On peut néanmoins retrouver des indices des ambitions
récurrentes à la mise en œuvre de stratégies, au sein d’un même projet, développant des
événements parallèles ainsi que nous l’avons vu.
Certes la rentabilité et le volume de part de marché, sont des objectifs
primordiaux de la maison de disques qu’il nous est impossible de ne pas évoquer, car
directement liés à la subsistance de l’activité de l’organisation.
151 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 208.
97
Cependant c’est la finalité qualitative, corrélée à l’image de marque qui suscite
notre intérêt. Ancré dans un regard sémio-disursif, nous n’envisageons pas les producteurs
comme un pôle de production économique comme le fait l’économie, mais comme un
« pôle » de production de sens.
« Ainsi, l’observation des pratiques se fonde sur la perception de celles-ci
comme, si elles ne sont intentionnelles dans leur totalité, en tout cas choisies, développant
alors des ambitions, et des logiques, « négociant avec leur environnement. »152
Formuler une typologie, revient comme le notent Eliséo Véron et Martine
Levasseur153 à poser plus de problèmes qu’elle n’en résout.
Ce n’est pas une typologie, composées de multiples catégories que nous
proposerons, mais deux axes, embryons de réflexion qui suggèrent l’émergence de tendances
dans le projet de rap étudié. Ces deux axes rendent compte de dominantes et surtout ils ne
s’excluent pas l’un l’autre.
22.. DDee ll’’uussaaggee
«« ssppéé »» eett «« ggéénnéérraalliissttee »»
Notre analyse du plan médiats lié à la sortie de l’album de Sefyu conduit à
distinguer deux orientations des usages qui gouverneraient les stratégies. Il ressort d’une part
des usages dits « spés » ou spécialisés, d’autre part des usages dits généralistes.
Expliquons-nous sur les mots employés. Nous aurions pu choisir les termes de
« masse » ou encore « populaire » qui sont couramment usités. Cependant ce ne sont pas les
connotations qui s’y rattachent et que nous avons mises à jour dans notre étude. Par ailleurs le
terme de généraliste renvoie aux connotations relatives aux distinctions qui sont appliquées au
traitement de la presse, qu’elle soit, radio, télévisée, etc. et qui s’approchent plus de ce que
nous entendons développer comme référence.
En effet, les usages des médias corrélés à la sortie de l’album de Sefyu se
distinguent d’une part par le choix d’un mi-lieu qui développe des orientations thématiques
spécifiques. Mais aussi d’autre part, du fait qu’ils s’adressent à une niche de population.
Utiliser la télévision lorsqu’on fait une date à Paris, utiliser les radios locales
lorsque l’on va en province, ainsi que nous l’avons respectivement noté concernant le
152 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 77. 153 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 140.
98
Nouveau Casino et le « Tour du Terrain », met en lumière l’importance de la considération
des enjeux.
Cette distinction se retrouve au niveau des supports (le magazine Rap Mag, la
radio Générations 88.2 FM, …) mais aussi dans la démarche (musique / sociale, musique /
sport), des outils (tracts, …) des acteurs etc.
La segmentation des médias, qui s’illustre notamment à travers la multiplication de titres de
presse spécialisée, ainsi que par les chaînes, qui ne sont plus seulement thématiques, mais
spécialisées dans tel genre ou époque musicale… n’est plus à questionner. Elle induit la
multiplication de publics divers mais surtout des manières de s’organiser propres aux centres
d’intérêts, hautement segmentés. C’est la pratique sélective relative aux centres d’intérêts en
jeu qui est à interroger en regard aux pratiques à portée générale. Le rap lui-même peut aussi
bien s’ouvrir à un large public, comme il peut s’adresser à un public plus segmenté.
Dans ces deux façons de se mettre en avant – synthétisées dans le tableau ci-
dessous –, l’une serait dite « spécialisée », appelant un public, non pas restreint, mais ciblé,
des actions communicationnelles segmentées et orientées, et l’émergence d’une relation, et
d’un lien communautaire fort, dans le sens de la fermeture. L’autre serait dite « généraliste »,
n’excluant aucuns publics, des actions communicationnelles larges, et la construction d’un
lien communautaire faible, dans le sens de l’ouverture.
A noter qu’une dimension spécialisée irait dans le sens d’une accessibilité moindre, et
pourtant celle-ci n’est pas le synonyme d’exclusion.
Qualifier l’usage des médias
« Spé » « Généraliste »
Mi-lieu « spé » Mi-lieu « généraliste »
Thématique « spé » Thématique « généraliste »
Niche de population Population large
Lien communicationnel fort Lien communicationnel faible
Fermeture Ouverture
La spécialisation ou « généralisation » dont nous parlons, ne sont pas définies
ici, par leur système de reproduction, ou par le nombre d’individus susceptibles d’être
99
touchés154 – bien que ceux-ci en soient des parties constitutives –, mais par leur visée ainsi
que leur perception.
Ces termes sont aussi bien relatifs aux modes de diffusion qu’aux lieux de
manifestation médiatiques et ainsi aux personnes susceptibles d’être impliquées.
Bien que nous proposions deux axes pour considérer les stratégies d’usage
mises en œuvre, nous ne voulons pas signifier par-là qu’elles soient polarisées.
Ainsi que nous avons pu le constater lors de notre analyse du plan médiats, ce
sont des articulations et combinaisons de divers mi-lieux et lieux médiats de significations
qu’il faut envisager.
33.. DDeess ssttrraattééggiieess «« mmééddiiaattiioonnnneelllleess »»
AA.. LLeess ssttrraattééggiieess dd’’uunn
ssiimmuullaaccrree ddee pprrooxxiimmiittéé
Il émerge de ces usages nommés ici « spé » et « généraliste » une volonté
d’établir plus qu’un simple contact, un lien relationnel fort. Ce lien s’installe par une illusion
de proximité, à travers les mi-lieux d’action employés155.
La dimension de proximité ne s’instaure pas seulement sur un plan physique.
D’ailleurs cet aspect physique de la proximité n’est pas suffisant à lui seul. Pour parler de
proximité, il faut pouvoir l’envisager dans sa dimension immatérielle et notamment
imaginaire.
La cristallisation de l’image médiatique est pernicieuse car elle offre l’illusion
d’un temps et espace partagés. Les usages des médias instaurent des imaginaires
communautaires à travers la construction d’un simulacre de proximité, mais aussi de
stratégies de connexion et de propagation.
BB.. LLeess ssttrraattééggiieess ddee
ccoonnnneexxiioonn eett ddee pprrooppaaggaattiioonn
On rencontre tout particulièrement dans les outils du streetmarketing, mais
aussi dans les mi-lieux dits parfois « tribaux » ou « communautaires », telles certaines radios,
154 La population n’est pas considérée ici par son critère numéral (bien qu’il soit implicitement induit), mais par ses caractéristiques culturelles, sociales, … à travers les préférences, goûts, valeurs, etc. exprimés dans ses choix, qui révèlent l’implication face aux mi-lieux et aux thématiques. 155 De-là l’utilisation du néologisme « médiationnel », entendu comme le lien relationnel induit par les usages des mi-lieux d’actions.
100
certains magazines ou encore des sites internet, etc., des stratégies de connexion et de
propagation.
Il s’agit de proposer un lien sensoriel, voire émotionnel et affectif entre l’artiste
et les publics. Et cela en attachant une attention particulière au choix du contexte, en
développant des actions originales afin non seulement d’attirer l’attention des publics, mais
aussi de susciter leur motivation et ainsi leur participation. C’est ce que met en place « Le tour
du terrain » par exemple.
La rue est souvent le lieu adapté pour développer un lien connecteur.
44.. DDee llaa ccoohhéérreennccee ??
Comment juger de la cohérence de l’usage des lieux médiats de significations ?
Il ressort que certaines stratégies sont contradictoires. Notre période d’observation, de trois
mois, est relativement courte pour pouvoir juger de la cohérence de l’ensemble des actions
afin d’y percevoir une unité de sens.
Les pratiques médiatiques observées dans le cadre de la sortie de l’album de
Sefyu sont parfois contraires, ce qui peut paraître déroutant. Pourtant cela révèle justement de
la complexité des usages, et de leur possibilité d’appréhension. Pour exemplifier cela, on peut
évoquer les incompréhensions et les interrogations du manager de Sefyu, qui proviennent des
informations perçues comme contradictoires : doit-on construire la stratégie de lancement et
de l’exploitation de l’album autour de la radio Skyrock (et donc de ses stratégies sous-
jacentes, de sa conception de la musique rap, etc.) ?
Ainsi que le propose A. Vasquez156, il serait plus pertinent d’étudier les
stratégies de manière longitudinale, pouvant ainsi rendre compte de stratégies qui semblent à
première vue, contradictoires.
Pour alimenter nos propos, nous allons faire appel à un exemple qui sort de
notre période d’observation : le choix « crucial » du lancement du prochain single. Il s’agit de
choisir un titre orienté vers un public segmenté (« Senegalo-Ruskov »), ou bien un titre
susceptible de susciter l’implication de publics plus élargis (« En noir et blanc ») dit titre
« fenêtre ». Ce choix est essentiel non seulement dans la mesure où il guide l’appréhension
des actions qui seront organisées par la suite, mais aussi parce qu’il oriente la perception sur
le plan identitaire de l’artiste.
156 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, « Les mécanismes des stratégies identitaires : une perspective diachronique », VASQUEZ Ana, PUF, 1990.
101
En fait, chaque nouvelle apparition réajuste et apporte de la cohérence et de la
permanence ou non aux connaissances emmagasinées jusqu’alors. En cela, il est possible de
faire émerger certains critères sur lesquels se basent les calculs tactiques et ainsi la mise en
place des plans stratégiques au niveau médiatique.
** ** **
L’intérêt d’étudier l’action stratégique est d’observer dans quels systèmes de
contraintes elle se situe, mais surtout de constater le jeu qu’elle choisit de jouer, en rapport
avec les contraintes propres à l’organisation, aux acteurs, aux systèmes.
« Il faut insister sur le fait que nous n’avons pas décrit une typologie d’acteurs
sociaux, ni pas non plus des types de personnalité, mais des types de stratégies de visite.
[d’usage, ndlr] »157
** ** **
En mettant en avant les usages, notre lecteur a peut être l’impression que notre
étude se focalise sur l’acteur lui-même. Pourtant le déroulement de notre analyse va à
l’encontre de cette assertion trop rapide. En fait notre recherche est centrée sur les usages des
lieux de construction de l’entité discursive. Comment d’une fabrique de visibilité passe-t-on à
une fabrique d’identités ?
En effet, il existe bien des supports, des manières de communiquer, de
convoquer la présence d’un public dans un espace, relatif à des valeurs, symboles que
véhiculent les artistes, maisons de disques, genres musicaux…
Son, social et sport sont les axes sur lesquels reposent les stratégies
médiatiques, mais aussi les stratégies identitaires, que nous allons développer dans le chapitre
suivant.
157 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 140.
102
103
« … uun système socioculturel se définit par le mode
de communication qui le spécifie, c’est-à-dire non pas
par ses machines à communiquer ou ses techniques de
transmission, mais par le dispositif intellectuel qui y est
mis en œuvre pour produire, valider et transmettre les
connaissances et les cadres motivationnels et normatifs
de l’action. Ce faisant j’ai insisté sur l’interdépendance
qui existe entre communication et identité, entre
communication et action sociale. »
QUERE Louis, Des miroirs équivoques. Aux origines de
la communication moderne, Aubier, coll. Res-Babel,
Paris, 1982, p. 121-122 ; cité dans MIEGE Bernard, La
pensée communicationnelle, PUG, coll. La
communication en plus, 1995, p. 56.
« EEn d’autres termes, les critères choisis par chacun
d’eux pour déterminer leur action sont la conséquence
et le résultat de leur identité. »
SCHWEBIG Philippe, Les communications de
l’entreprise. Au-delà de l’image, Editions Mc Graw Hill,
Paris, 1998, p. 33.
es moyens choisis pour appuyer les actions relatives à la sortie de
l’album de Sefyu sont porteurs de traits caractéristiques identitaires et
ainsi révélateurs de la complexité de la constitution des identités.
II.. PPrrooppooss pprréélliimmiinnaaiirreess
11.. PPoossiittiioonn ddiissccuuttééee
LL
104
C’est volontairement que nous avons omis le contenu dans cette recherche,
pour nous intéresser aux lieux de significations autres que celui-ci. Le chapitre précédent
proposait, dirions-nous rapidement, des éléments de mise en forme de l’expression. Le
chapitre présent suggère d’approfondir les sens seconds des lieux d’expression des
significations. En effet la construction du sens dépasse le « vouloir-dire » et l’intentionnalité.
Ainsi, la prépondérance de la référence conduit à aborder au-delà des stratégies médiatiques,
les stratégies identitaires.
22.. HHyyppootthhèèssee
Les lieux de la construction de stratégies identitaires se trouvent dans les
stratégies d’usage des médias. La relation communicationnelle est lourde d’enjeux. L’aspect
identitaire en est un des principaux, pour lequel nous proposons d’identifier les stratégies
sous-jacentes.
Ainsi, nous partons de l’hypothèse que l’usage du média est porteur
d’informations sur l’usager et peut être associé à la construction d’identités. En d’autres
termes, des stratégies, il émerge des représentations d’intention d’action, qui conduisent à
construire du sens sur l’identité.
33.. MMéétthhooddoollooggiiee
Nous proposons d’esquisser « la situation d’interaction et la nature des enjeux
qui apparaissent, et d’observer comment s’expriment concrètement ces stratégies. »158
Pour se faire nous resterons encore une fois dans le domaine de l’observation.
Ce n’est plus sur l’action que porte notre regard, mais sur l’imaginaire qui l’engendre et
qu’elle engendre. Les représentations de l’intention d’action et les interprétations sont alors
les clefs qui nous permettront d’aborder les stratégies identitaires sous-jacentes à l’activité
médiatique.
Ce quatrième chapitre envisage quant à lui, les contextes culturels et
identitaires, relatifs au rap, mettant ainsi en évidence les usages émergents mais aussi
générateurs de cultures.
44.. PPllaann
158 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 78.
105
Ce quatrième et dernier chapitre apporte des éléments de sens « seconds »
logés sur le plan identitaire qui se sont révélés durant les chapitres précédents notamment
celui concernant les stratégies médiatiques autour de la sortie de l’album de Sefyu.
Ces éléments de sens, nous les aborderons dans un premier temps par
l’importance de la compréhension de l’usage des médias, pour en déceler les manifestations
de l’identité et de ses stratégies.
Cela nous conduira à identifier dans un second temps les lieux de construction
de l’identité, aux travers des axes identitaires et de leurs lieux de manifestations et
d’édification.
IIII.. LLeess ssttrraattééggiieess iiddeennttiittaaiirreess aauu
ccœœuurr ddee ll’’uussaaggee ddeess mmééddiiaass
11.. LLeess ssttrraattééggiieess iiddeennttiittaaiirreess
aa.. EEccllaaiirraaggee ccoonncceeppttuueell
Les éléments du corpus présentés au chapitre précédent sont en mesure
d’apporter des fondements d’identification de l’entité qui se met en scène.
La dimension processuelle est à même de pouvoir rendre compte de la
constitution d’identité, notamment à travers la négociation mais aussi la cumulation
d’expériences, et ceci de manière fluctuante, non prédéfinie, inférentielle et situationnelle. « Il
n’y a que des identités en situations, produites par les interactions. » 159
Par cette approche, « l’identité pourrait se définir comme : une structure
polymorphe, dynamique, dont les éléments constitutifs sont les aspects psychologiques et
sociaux en rapport à la situation relationnelle à un moment donné, d’un agent social (individu
ou groupe) comme acteur social. »160 Il s’avère que « l’individu n’a pas une seule identité,
mais qu’il dispose d’un faisceau d’identités possibles dont il actualise l’ « une » selon les
contraintes de la situation où il se trouve et selon ses désirs et intérêts (Goffman, 1973, 1974,
1975) »161
159 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 44. 160 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 28. 161 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 144.
106
Ce qui attire notre attention c’est plutôt la démarche identitaire qui
« s’entretient dans les pratiques de communication reposant sur des codes sociaux partagés
[…] qui font circuler les informations et les cadres d’interprétation de l’action. »162
Parler de stratégies identitaires revient à conférer la possibilité à l’individu de
s’identifier, de se comparer et de faire des choix. De l’interprétation de ces choix il émerge ou
non une certaine cohérence sur le plan identitaire163. L’ouvrage sous la direction de Carmel
Camilleri, Stratégies identitaires, en avance autant164. Et pour en résumer et en enrichir les
propos nous proposons le schéma qui suit.
LLeess ssttrraattééggiieess iiddeennttiittaaiirreess
162 PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace public et l’emprise de la communication, « Espace public, espace privé : le rôle de la médiation technique », CHAMBAT Pierre, ELLUG, Grenoble, 1995, p. 94. 163 Consulter l’article de LAMARQUE Patrick, « Un entretien avec Jean-Noël Kapferer. De l’image à l’identité », dans Médias pouvoirs, n°42, 2ème semestre 1996. 164 « La notion de stratégie, qu’elle soit comprise comme « un ensemble de dispositions prises par des acteurs pour atteindre un but donné » (Larousse), ou, par référence à la théorie des jeux en mathématiques, comme « un ensemble de décisions prises en fonction d’hypothèses faites sur les comportements des partenaires du jeu » (définition qui a l’avantage d’introduire l’idée d’interaction), suggère, dès lors qu’on l’applique aux phénomènes sociaux ou psychologiques, l’existence d’une certaine liberté d’action des acteurs sur de possibles déterminismes sociaux ou existentiels. Quant à la notion de stratégie identitaire elle postule indiscutablement que les acteurs sont capables d’agir sur leur propre définition de soi. Cette conception est une conséquence logique de la définition de l’identité comme résultat d’une interaction et non comme une définition substantiviste. Mais l’hypothèse stratégique va plus loin en ce qu’elle suppose que la production de l’identité n’est pas un simple jeu de reflets, ou le résultat de réponses plus ou moins mécanicistes à des assignations identitaires effectuées par autrui, mais qu’il entre une part importante de choix et donc d’indétermination quant aux formes et issues des processus stratégiques. Ainsi, les stratégies identitaires, telles que nous les entendons, apparaissent comme le résultat de l’élaboration individuelle et collective des acteurs et expriment, dans leur mouvance, les ajustements opérés, au jour le jour, en fonction de la variation des situations et des enjeux qu’elles suscitent – c’est-à-dire des finalités exprimées par les acteurs – et des ressources de ceux-ci. » CAMILLERI Carmel, KASTERSZTEIN Joseph, LIPIANSKI Edmond Marc, MALEWSKA-PEYRE Hanna, TOBOADA-LEONETTI Isabelle, VASQUEZ Ana, Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 49.
107
Nous entendons par stratégies identitaires la manière de penser l’identité, de
la calculer et de combiner des moyens pour ajuster mais aussi la rendre pérenne. Parler de
stratégies souligne en tous points le caractère relationnel et dynamique. Le terme de stratégie
envisage de rendre compte de « la marge de manœuvre des acteurs sociaux faces aux clivages
intérieurs et aux contradictions institutionnelles. »165 Qu’il s’agisse des stratégies médiatiques
développées au chapitre précédent ou des stratégies identitaires dont il est question ici,
l’appréhension du terme stratégie reste identique, ce qui montre à quel point les deux aspects
sont imbriqués et corrélés.
Inférer des caractéristiques identitaires de l’observation des usages c’est aussi
d’une certaine manière catégoriser l’individu à travers des éléments structurels, perçus comme
repères dans le processus d’identification. Pour illustrer notre propos, faire un article dans tel
magazine pourrait suggérer une certaine connivence avec la politique du magazine, ce qui 165 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 23.
108
serait un repère pour laisser penser que des idées similaires sont développées par l’artiste.
C’est un exemple parmi d’autres à forte valeur heuristique.
Attention, pour appréhender ces phénomènes il ne s’agit pas de se limiter à un
instant « t ». La construction identitaire s’envisage dans la (dis)continuité.
L’usage contribue à la constitution de l’identité, à son maintient, à son
renforcement mais aussi aux ruptures. Ainsi, la dimension médiatique vient à légitimer ou non
la construction identitaire.
« Dans leurs stratégies, (…) c’est non seulement leur promotion et leur image
sociale qui sont en jeu, mais les valeurs de leurs cultures et leurs liens avec la
communauté… »166
bb.. DDeess eennjjeeuuxx
Un élément primordial à la compréhension des stratégies (omis volontairement
lors de notre paragraphe concernant les éléments clefs pour comprendre et interpréter les
stratégies du plan médiats) est celui des enjeux. Ainsi que le note Pierre Chambat, « l’identité
devient un enjeu »167.
L’identité « se révèle donc comme un enjeu central de la communication
interpersonnelle et sociale. La maîtrise et le contrôle de cet enjeu sont, pour l’individu comme
pour le groupe, des facteurs stratégiques très importants dans l’interaction, sources de la
plupart des sentiments qu’en retirent les protagonistes… »168
La communication, l’usage des médias, fait partie intégrante de la construction
d’identités, comme lieux d’enjeux, dans la formation publique des problèmes définitionnels et
conflictuels, eux-mêmes lourds d’enjeux politiques, économiques, sociaux, culturels, … et de
manière générale, enjeux de pouvoirs.
L’importance de la mise en scène dans la représentation médiatisée, conduit à
penser que la construction d’une identité, est l’enjeu sous-jacent de la mise en œuvre du plan
médiats. En effet, la constitution de mi-lieux d’identification permet d’envisager des traits
relatifs à l’identité.
Des logiques d’intégration, d’innovation, de crédibilité, etc. sont présentes dans
la présentation et l’interaction avec autrui.
166 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 136. 167 CHAMBAT Pierre (sous la direction de), Communication et lien social. Usages des machines à communiquer, Editions Descartes, Paris, 1992, Yves Toussaint, « Historique des usages de la télématique », p.206 168 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 187.
109
« La mise en place d’une stratégie identitaire, au-delà des finalités partielles et
circonstancielles, vise toujours l’existence même de l’acteur, la reconnaissance aux yeux des
autres et aux siens d’une place qui lui soit propre et comme le dit Maslow (1954) : la
réalisation de soi. »169
Maintenir, développer des distinctions, l’appartenance à des communautés, la
constitution d’identité de groupe, … s’organise dans la pratique médiatique. Les effets sont
parfois éloignés des ambitions. Il n’empêche qu’il est possible d’en inférer des
caractéristiques sur le plan identitaire.
cc.. DDuu ppoossiittiioonnnneemmeenntt …… àà ll’’iimmaaggee
Les jeux de représentations et de mise en scène sont des lieux riches de
significations, imbriqués avec la dimension identitaire. L’usage des outils médiatiques est
simultanément source de construction de soi et de « marquage social ».
« Se réalisant à travers l’échange social, la constitution de l’image de soi
confère donc à la parole une place centrale dans la problématique identitaire. »170
En prenant en compte l’identité, il est possible de distinguer le positionnement
visé, mais aussi l’image qui est perçue ; l’identité individuelle, l’identité collective ; l’identité
pour soi, l’image pour autrui, etc.
En reprenant les propos de Pierre Chambat qui suivent, on suggère que « c’est
l’identité d’un groupe, identité associée à une pratique et groupe constitué dans cette pratique,
qui conditionne la possibilité de le représenter ; mais, simultanément, la mise en place de
mécanismes représentatifs contribue à la constitution des identités... »171
Il est essentiel de replacer les usages des médias dans un ensemble de pratiques
(par exemple, les loisirs) qui contribuent à la construction d’états d’esprits qui investissent les
usages, au centre de la construction identitaire.
S’interroger sur les usages des médias, comme peuvent le faire de leur côté les
publics, c’est aussi questionner les intentions d’actions des organisations, voire penser la
prévisibilité de leurs comportements.
169 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 41. 170 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 184. 171 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages, « NTIC et représentations des usagers », CHAMBAT Pierre, Editions Apogée, collection Médias et nouvelles technologies, 1994, p. 52.
110
En effet, le récepteur se questionne quant aux motivations qui donnent
naissance à l’action. Selon ce qu’il décèle, il en interprète ensuite des éléments venant
qualifier l’image de celui qui se met en scène.
Ainsi c’est par anticipation de la représentation de son action sur autrui, que
l’entité émettrice se remet en question avant toute action. Elle se représente les effets de son
action sur les représentations qu’autrui se fera de son identité, qu’elle aura elle-même
véhiculé au travers de représentations.
« L’image, à l’origine, est le reflet de la réalité sur une surface réfléchissante.
Elle est ainsi à la fois ce qui ressemble (mimesis), ce qui se voit (phanein), la connaissance
offrant accès à la réalité (eidos), mais aussi, ce qui forme l’écran, l’illusion (phantasme) qui
fait croire à l’existence d’une réalité. » « Elle [l’image, ndlr] est surtout un objet dont nous
n’avons pas terminé de cerner les usages, les fonctions, les fonctionnements, les impacts, les
pouvoirs … »172
22.. LL’’ééccrriittuurree mmééddiiaattiiqquuee
oouu llaa pprriissee eenn ccoommppttee ddeess vvaalleeuurrss
Afin de mettre en avant la prégnance de l’image et l’importance de la
construction identitaire à travers l’usage des médias on peut se référer à la notion d’ « écriture
médiatique » reprise notamment par Jacques Pilhan, conseiller en communication de François
Mitterrand, puis de Jacques Chirac. Cette « notion d’ « écriture médiatique », opposée à celle
de « contenu » du discours, renvoie à la manière de choisir « tel média – télé, radio, écrit –
selon l’effet qu’on veut obtenir, et à tel moment, selon la séquence dans laquelle on se
trouve ». Se référant à l’école de Palo Alto (et à sa terminologie métaphorique, inspirée des
développements technologiques), J. Pilhan distingue deux aspects dans un message :
- « le digital, correspondant au contenu rationnel » ;
- « l’analogique, c’est-à-dire les sensations que vous recevez en même temps que le message
et qui vous permettent de l’interpréter de façon subconsciente » ; à quoi il assimile
l’ « écriture médiatique »173
Ainsi paradoxalement, la notion d’écriture en vient à désigner non point la
construction du contenu d’un message mais son aura et sa construction rhétorique.
172 SICARD Monique, « Les paradoxes de l’image », dans Hermès, n°21, « Sciences et médias », 1997, p. 46. 173 PILHAN Jacques, « L’écriture médiatique », Le Débat, n° 87, novembre 1995, p.5-6, cité dans LAVOINNE Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication en plus, 1997, « Des médias », p. 38.
111
Les considérations pratiques de Jacques Pilhan reprennent certains points
théorisés par les chercheurs en sciences de la communication. Si ses références viennent de
l’école de Palo Alto, on y trouve également des échos dans les propos d’Eliséo Véron et
Martine Levasseur. Selon eux, tout support complexe combine trois ordres du sens : « Le
linguistique […], L’analogique, c’est l’ordre de l’iconisme, où les relations signifiantes sont
fondées sur la ressemblance. Ce registre est celui de la représentation.
Le métonymique […], opère par rapports existentiels : voisinage, partie / tout, envers / revers,
contenant / contenu. Ici, les relations signifiantes s’établissent donc par des renvois indiciels.
Du point de vue du sujet, le support du registre métonymique c’est son corps signifiant. […]
Dans nos sociétés industrielles, tous les médias produisent du sens par une combinatoire de
trois ordres. […] Ce niveau métonymique est donc celui du contact, et il s’articule par
conséquent toujours à la corporéité du sujet destinataire. »174
Les propos tenus par Eliséo Véron et Martine Levasseur enrichissent les
considérations pratiques de l’écriture médiatique. L’importance donnée à la corporéité et au
geste confère à l’aspect identitaire une place essentielle. Ce corps dévoile inévitablement du
sens sur lui-même.
« Alors que dans la vie quotidienne, la relation de face à face est influencée par
l’intonation, les gestes, les mimiques ou l’habillement, la relation en mode asynchrone sur le
réseau est conditionnée par les modalités d’écriture et de présentation de soi … »175
Lorsque l’on se penche sur la composante relationnelle ou l’aura
organisationnelle, on constate qu’il y a un capital symbolique, propre à chaque média. Un
ensemble de traits spécifiques, relatifs à des valeurs, des règles d’écriture, des types de
contenu, etc. sont constitutifs de marques distinctives.
C’est pourquoi notre regard se penche entre autres choses, sur les modes de
matérialisation des relations médiatiques et de l’acte d’énonciation. Mais aussi les manières
propres, de ceux susceptibles de faire figure de médiateurs.
Il s’agit de considérer la valeur de l’objet non pas dans l’objet lui-même, mais
dans sa signature.
** ** **
174 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 30. 175 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 199.
112
Pour conclure ce paragraphe, on peut dire qu’ « il ne s’agit plus exclusivement
de maîtriser le monde de la matière mais aussi de jouer avec les univers culturels dans leurs
dimensions symboliques et imaginaires. »176
IIIIII.. DDeess uussaaggeess aauuxx ssttrraattééggiieess ::
lleess lliieeuuxx ddee ccoonnssttrruuccttiioonn
ddeess iiddeennttiittééss
Les lieux indiciels de la construction d’identités vont bien au-delà des supports
physiques. La constitution d’espaces, de médiations, etc. témoignent de ces lieux indiciels de
la construction d’identités. La mise en scène supposée par les médias suscite de nombreuses
interrogations. « Leurs dispositifs méritent attention car ils renseignent sur la place et le rôle
de chaque catégorie d’acteurs sociaux. »177
Autour des actions se construisent des axes identitaires et ainsi des
communautés, des territoires, des valeurs, etc. parfois sources de tensions aux yeux des
publics.
11.. DDeess aaxxeess iiddeennttiittaaiirreess
Au travers les actions, les plans d’actions et les lieux médiats de significations,
il est possible de faire émerger la constitution d’axes identitaires. Ceux-ci sont pensés tant en
amont qu’en aval si l’on peut dire.
L’action n’a pas lieu d’être pour elle-même, elle est envisagée dans
l’interaction avec et pour autrui. Se conférer une visibilité en faisant usage des médias, c’est
aussi s’affirmer et se constituer une image face à autrui.
Présenter un artiste c’est lui construire une histoire, mais aussi un avenir.
aa.. MMuussiiqquuee eett ssppoorrtt && mmuussiiqquuee eett ssoocciiaall
Son, street, sport et social sont des traits qui s’expriment de manière combinée
à travers le plan médiats présenté au chapitre précédent. De ces traits caractéristiques il ressort
176 MUSSO Pierre et RALLET Alain (sous la direction de), Stratégies de communication et territoires, L’Harmattan, 1995, p. 292. 177 PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace public et l’emprise de la communication, « Espace public et discours politique télévisé », MOUCHON Jean, ELLUG, Grenoble, 1995, p. 185.
113
deux principaux axes identitaires. L’un est orienté vers la combinaison de la musique et du
sport, le second articule musique et social.
L’axe musique et sport se perçoit dans une action telle le tour du terrain, avec
rappelons-le l’organisation d’un tournoi de football et d’un showcase à la fin de celui-ci. Cet
axe se retrouve également dans la participation aux tournois Joga Bonito 3 organisé par Nike.
De plus, le partenariat développé avec Nike a pour objet d’affirmer le côté
sportif de Sefyu. Depuis la chanson de Run DMC « My Adidas », des partenariats avec les
marques de sport se sont ouverts aux artistes du hip-hop178, alors qu’auparavant ils ne
concernaient que des athlètes sportifs. Le marquage identitaire par le biais de partenariats est
un élément essentiel au positionnement ainsi qu’aux éléments de perception de l’image.
La biographie de l’artiste et les interviews mettent en avant cet aspect sportif
dans la vie de Sefyu. Evoquer son passage en tant que stagiaire pro à Arsenal est un élément
choisi sciemment de sorte à reconstruire un passé qui va être un des éléments d’identification
future de l’artiste.
L’axe musique et social se retrouve également dans la biographie de Sefyu.
Notons au passage que sa biographie est un élément premier qui permet aux intermédiaires ou
leaders, telle la presse par exemple, de transmettre des informations et de communiquer les
premières bases de l’identité de Sefyu qui seront reprises ensuite par les publics.
Le côté social est surtout présent dans la démarche. Le fait que G8, le label
premier producteur de Sefyu, développe une activité associative apporte un fond social à
l’activité de son artiste. Une entrée libre lors de l’évènement le Tour du terrain ainsi qu’à
l’Elysée Montmartre va dans le même sens. Pour les concerts en province les quelques euros
payés à l’entrée sont reversés à une association de quartier. Par ailleurs, faire participer les
publics comme c’est le cas du concours 16 mesures, est à la base de l’orientation de l’identité
de Sefyu dans son aspect social.
C’est ainsi qu’émergent des distinctions saillantes aux yeux des publics,
comme par exemple entre mettre à profit et faire du profit.
Les actions et les lieux médiats de significations utilisés, sont gouvernés par
des stratégies identitaires orientées vers la constitution des deux axes présentés. Ces derniers
contribuent parallèlement à segmenter ou non l’identité de l’artiste.
bb.. SSeeggmmeennttéé && ggéénnéérraall
178 Consulter Sneakers, documentaire sur la basket et le mouvement hip-hop.
114
Ainsi que nous l’avons noté lors des stratégies médiatiques, il est possible de
faire un usage spécialisé et un usage généraliste des médias.
La construction de l’identité s’inscrit dans la continuité de cet usage. Il en
ressort un potentiel s’adressant à des individus dans leur composante générale et/ou
spécialisée.
Cela se remarque non seulement à travers les nombreuses actions et lieux de
significations cités précédemment, mais aussi dans la distinction que nous venons d’établir
concernant les deux axes identitaires. Le premier, musique et sport, s’adresse dirions-nous à
des individus plus ciblés que ne l’est le second, musique et social, qui quant à lui, inclus bien
plus d’individus.
Les multiples couleurs de l’album offrent la possibilité de s’adresser à
différents types de publics. Le fait de tourner une deuxième version du clip « La vie qui va
avec » est hautement significatif de cette volonté d’élargissement.
Lorsqu’on parle d’élargissement, il est question notamment d’accroître le
nombre de diffusions par jour, l’intégration dans un grand nombre d’émissions, dans les
playlists, multiplier les possibilités d’intégration dans les cases thématiques, etc. Il s’agit ainsi
d’en élargir les potentialités de diffusion et de visibilité et alors de diversifier les publics
susceptibles d’être impliqués.
Outre cela, il s’agit de développer un profil tantôt spécialisé, tantôt
généralisant. Lorsque l’on parle de la cible on tient compte d’un certain nombre de
caractéristiques identitaires sociales, géographiques, etc. C’est en cela que la composante
identitaire est en corrélation avec l’usage des médias.
L’usage et l’identité sont imbriqués, ils se recoupent et apportent des
informations au niveau de la cohérence ou encore de la crédibilité.
Faire de l’affichage, en comparaison avec la télévision, c’est se donner une
visibilité segmentée et ciblée. C’est aussi se conférer et se voir attribuer de manière corrélée
une identité. Etre invité sur des plateaux de télévision confère une plus grande ouverture sur la
population réceptive potentielle et ainsi une identité plus ouverte et populaire.
La construction de l’identité ne se réduit pas uniquement dans l’interaction
immédiate avec les publics, dans l’espace-temps du contact. Elle se construit dans les
relations, les réseaux, les communautés, les territoires, les valeurs, etc.
115
22.. DDee llaa ccoonnssttrruuccttiioonn
aa.. DDeess rréésseeaauuxx ddee rreellaattiioonnss
Analyser l’appropriation des outils médiatiques permet d’envisager la manière
dont la relation se construit.
L’usage des médias découle et est à l’origine de la constitution de relations,
tant avec l’objet médiatique qu’avec les publics.
Ainsi que les besoins cognitifs, affectifs, d’évasion et d’intégration, les besoins
relationnels sont primordiaux à la compréhension des usages des médias.
Ainsi que le note Eliséo Véron, « il ne suffit pas d’organiser la rencontre
impromptue entre un public et une exposition pour que s’établisse automatiquement une
relation. Ou pour dire les choses autrement il ne suffit pas au visiteur potentiel de passer
devant pour rentrer dedans. »179
La relation qui s’instaure selon les acteurs induit divers niveaux d’implication.
Ces derniers développent une dimension de proximité qui est propre à chaque relation.
Ces relations sont pour les organisations, des éléments de maintien, si ce n’est de
renforcement de leur identité. Les réseaux de relations peuvent être un point fort de celle-ci.
Les usages des médias repensent et restructurent les groupes et les réseaux.
Un lien social et identitaire s’établit et mobilise ainsi l’action. « Tandem développe toute une
stratégie : «La France étant un pays conservateur, on passe par nos propres réseaux :
l'Internet, le street-marketing...», commentent les deux rappeurs d'Aubervilliers »180
Les usages des médias participent de la formation de rapports sociaux, aux jeux
de pouvoir et rapports de force.
bb.. DDeess ccoommmmuunnaauuttééss
Il semblerait ainsi que le note Yves Lavoinne, que « …les langages des médias
sont souvent des codes spécifiques qui ne fonctionnement qu’à l’intérieur de communautés
restreintes dont l’analyse doit envisager la construction. »181
Les dimensions « communautaire » et médiatique sont très liées. En effet, par
l’usage, l’acteur fait sien et construit les normes de son appartenance sociale.
179 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983, p. 9. 180 Extrait de « Le rap en quarantaine », Stéphanie Binet, Libération ; source : http://www.liberation.fr/page.php?Article=343914. 181 LAVOINNE Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication en plus, 1997, introduction, p. 6.
116
Il se crée un lien d’identification à l’artiste qui passe notamment par les normes
d’une communauté. Et ainsi des cadres de référence et d’appartenance, construisant un monde
commun, dépassant le cadre temporel immédiat.
Les pratiques de communication s’inscrivent dans une communauté, non
seulement géographique, mais imaginée.
cc.. DDeess tteerrrriittooiirreess
Au cours de ces recherches nous avons évoqué la construction de frontières
symboliques, notamment sur le plan de communautés d’appartenances d’un « nous » et d’un
« eux ». Celles-ci vont de paire avec la constitution de territoires. Là encore ces frontières
territoriales ne sont pas restreintes à leur aspect matériel, quand bien même celles-ci seraient
relatives à un territoire physique.
« Les nouvelles techniques de l’information et de la communication, en rendant
caduque la notion même de frontière, contribuent à l’adoption de modes de vie […] La
transformation des territoires oblige à raisonner sur la virtualité des données et sur leur
interdépendance. »182
Les stratégies médiatiques et identitaires sont corrélées avec une certaine
représentation de l’espace et contribuent à sa construction. C’est ainsi que se constituent plus
que des territoires, des frontières symboliques, qui déterminent les lieux d’actions, mais
également des liens sociaux, des valeurs, …
dd.. DDeess lliieennss ssoocciiaauuxx
La prise en compte de la nature du lien communicationnel est essentielle à la
compréhension des enjeux, ainsi qu’à la participation à la construction des identités.
Il résulte de la mise en œuvre des actions et supports d’actions du plan médias,
la construction d’un ciment social et culturel, qui n’est pas réduit au court terme.
« L’usage se construit comme une interaction, une négociation entre technologie et
utilisateurs, entre la fonction de l’une et les projets des seconds (ces projets n’étant d’ailleurs
pas essentiellement utilitaires mais ressortissant plutôt d’une recherche de lien social). »183
182 PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace public et l’emprise de la communication, « Espace public et discours politique télévisé », MOUCHON Jean, ELLUG, Grenoble, 1995, p. 182. 183 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages, « Introduction à une socio-politique des usages », VEDEL Thierry, Editions Apogée, collection Médias et nouvelles technologies, 1994, p. 26.
117
Les usages des médias construisent des liens sociaux. Ils influent sur les formes
de sociabilité qu’ils initient et qu’ils maintiennent. En effet, la pratique construit des identités
mais aussi des liens sociaux et communautaires. « Insérés dans un réseau social circonscrit, ils
constituent une communauté à part, avec ses codes et ses rituels, qui n’est pas sans rappeler le
fonctionnement de certaines tribus. »184
EE.. DDeess vvaalleeuurrss
Des domaines de croyances, des valeurs investissent les usages et pratiques.
Adopter un outil de communication, n’entre pas seulement dans une
problématique d’instrumentalisation, mais aussi hautement dans une problématique, de
valeurs, d’idéologies et de symboliques. Il est clair que « l’usage social n’est jamais purement
instrumental et qu’il comporte également une signification symbolique, qu’on aurait tort de
négliger quand on étudie l’adoption des nouvelles technologies de communication. »185
En effet, « contrairement aux prétentions du discours techniciste, moderniste et
libératoire, le lien entre les techniques et l’organisation sociale n’est pas direct. Il dépend de la
prise en compte des valeurs. »186
La gestion des valeurs dans la continuité du passé et dans celle de l’avenir est
primordiale.
Ainsi les usages déterminent des valeurs et inversement les valeurs orientent
les usages.
Que signifie, ainsi que l’attestent de nombreux auteurs, de dire que les médias
ne sont pas neutres ? L’outil lui-même n’apporte pas d’information. Seul l’usage lui confère
une valeur. En effet, que dire par exemple d’un fauteuil si nous n’avons pas la valeur liée aux
contextes d’usages ?
Envisager les médias comme outil ainsi que nous le proposions précédemment,
permet de considérer l’objet médiatique « vide de sens » avant que l’usage ne vienne lui
conférer des valeurs. L’outil prend toute sa singularité dans ce qui est fait de lui, mais aussi
par celui qui l’utilise. On décèle de manière implicite dans ces dernières lignes l’importance
de l’identité de l’entité qui fait usage, se met en scène et développe ces propres références.
184 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 204. 185 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 193. 186 CHAMBAT Pierre (sous la direction de), Communication et lien social. Usages des machines à communiquer, « Communiquer, relier », CHAMBAT Pierre, Cité des Sciences et de l’Industrie, Editions Descartes, 1992, p. 22.
118
Les usages ne prennent leur sens que dans « l’univers symbolique (les valeurs,
les croyances, les traditions, les cultures, etc.) dans lequel elles se déploient. »187
Le corps qui fait usage et donne forme, se comprend en fait comme un
background culturel, investit de conventions, … voire de normes. C’est ainsi qu’émergent les
éléments de sens, liés à la dimension identitaire.
« Le système de valeurs et de croyance relève de l’identité, les modèles
d’adhésion et de comportements, de la culture. »188
33.. SSyynntthhèèssee.. DDeess ssttrraattééggiieess mmééddiiaattiiqquueess
aauuxx ssttrraattééggiieess iiddeennttiittaaiirreess
Afin d’apporter un bilan des éléments de résultats de l’ensemble du parcours de
ces recherches nous avons réalisé quelques schémas. Ils nous permettent de rappeler
brièvement les apports de cette étude.
Tout d’abord nous
avons vu qu’il est possible de définir
un média à travers son usage. Nous
avons distingué (à travers le schéma
ci-contre « Les modalités d’usages
des médias ») un axe urbain /
institutionnel et un axe social /
intime, qui renvoient respectivement
aux territoires et liens à travers
lesquels s’instaure la relation
médiatique et communicationnelle.
C’est à travers l’usage des mi-lieux et lieux médiats de significations que la
relation communicationnelle prend forme et ainsi que se construisent des stratégies
médiatiques.
187 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 212. 188 SCHWEBIG Philippe, Les communications de l’entreprise. Au-delà de l’image, Editions Mc Graw Hill, Paris, 1998, p. 39.
119
Les stratégies médiatiques révèlent des éléments de leur construction notamment à travers des
critères d’implication et de proximité. La prise en compte de ces critères induit directement la
considération des lieux de construction identitaires (réseaux, liens sociaux, communautés,
territoires, valeurs, etc.).
Il émerge de ces diverses observations et schématisations, la possibilité
d’envisager la construction de stratégies identitaires et médiatiques de manière combinée. Ces
stratégies dosent et articulent minutieusement deux axes : l’axe « généraliste » et l’axe
« spécialisé ».
120
Entre constance et adaptation, la complexité des rapports, fait émerger des
tensions, constitutives des identités.
44.. DDee llaa ccoommpplleexxiittéé ddeess rraappppoorrttss
ccoonnssttiittuuttiiffss ddeess iiddeennttiittééss
« Les usages des TIC sont structurés par une sorte de tension permanente entre
construction de soi et construction du groupe (…) ; entre contrôle et autonomie (…). »189
Penser les usages, c’est aussi penser au travers de logiques, apparentes au
premier abord, comme contradictoires. Ces ambivalences sont sources de tensions. Pourtant,
il est essentiel de les envisager dans leurs combinaisons et non restreintes à leur polarité. En
effet, il est question entre autre, d’articuler un espace public, qui se traduirait par un
mouvement de communication généralisé (orienté vers le centre), et des espaces publics, ou
contre-pouvoirs « limités à des champs spécifiques et réservés à des acteurs particuliers »190
(orienté vers la périphérie).
La participation de « micro-espaces » vient de l’incapacité de l’espace public
institutionnalisé traditionnel à traiter de débats, qui le plus souvent le remettent en cause. La
construction de l’espace public naît de ces tensions, ces réciprocités et complémentarités.
« De l’analyse des résultats est d’abord apparue la complexité des pratiques de
communication […] L’absence d’homogénéité dans les comportements des groupes recensés
rend donc d’autant plus ardue la tâche consistant à cerner les usages potentiels … »191
L’action des rappeurs dans l’espace public, s’inscrit dans une certaine
représentation de celui-ci, définit en l’occurrence non principalement comme un lieu
d’argumentation et d’échange, mais comme un lieu de la parole contrainte par le consensus
des institutions. En entrant dans le conflit définitionnel, les rappeurs s’affranchissent de cette
contrainte, tout en devenant à leur tour, participants à ce consensus.
** ** **
189 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 208. 190 FLORIS Bernard, MIEGE Bernard, PAILLIART Isabelle, Les nouvelles formes de l’espace public, cité dans PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace public et l’emprise de la communication, « L’espace public à l’école de la société pédagogique », MOEGLIN Pierre, ELLUG, Grenoble, 1995, p. 99. 191 JOUET Josiane, CELLE Nicole, La communication au quotidien. De la tradition et du changement à l’aube de la vidéocommunication, La Documentation Française et CNET – ENST, Paris 1985, p. 83.
121
Ainsi que nous l’avons constaté dans ce chapitre, les répertoires de l’identité
s’ancrent dans de nombreux lieux, comme les réseaux de relations, les territoires, les
communautés, les liens sociaux, les valeurs, etc.
« L’identité apparaît comme une sorte de « boîte à outils », selon l’expression
de Devereux (1972), chaque « outil » étant un élément identitaire que le sujet choisit en
fonction de son adéquation à « l’opération » demandée, autrement dit, suivant la situation
dans laquelle il est. »192
Un capital identitaire se construit sous le regard évaluateur et le jugement
d’autrui, à travers l’activité médiatique, la relation et le rapport interactionnel.
192 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 46.
122
Conclusion
es recherches sont fructueuses par les éléments de réponse qu’elles
apportent, mais aussi par les interrogations qu’elles suscitent.
BBiillaann
Lors de la rédaction de ce mémoire de recherche nous avons mis à disposition
un état de savoirs sur un objet précis : les stratégies médiatiques et identitaires relatives à la
sortie de l’album « Qui suis-je ? » du rappeur Sefyu.
Pour atteindre cet objet il nous a fallu passer par un travail d’observation,
d’identification et surtout de reconstitution à travers les lieux médiats de significations
employés. C’est par la réunion de l’ensemble des éléments de notre corpus que nous sommes
en mesure de pouvoir justifier de la reconstitution et de l’interprétation de ces stratégies.
Ainsi que notre lecteur a pu le constater, notre recherche ne s’appuie pas sur
une analyse de chaque support de manière indépendante. Au-delà des supports, notre corpus
suggère plusieurs niveaux et lieux qui permettent d’apporter du sens.
Notre champ d’étude est abordé aussi bien par les effets symboliques des
usages des médias, que par les conditions médiatiques liées aux usages. En combinant ces
deux angles d’observation on parvient à les envisager de manière interdépendante.
Plutôt que de placer l’aspect technique au premier plan, il s’est agit de mettre
au cœur de ces recherches les relations sociales et symboliques, les usages et les
représentations et ainsi les pratiques communicationnelles médiatisées par des systèmes,
symboliques, techniques, …
CC
123
L’orientation interrogative de ces travaux empiriques privilégie l’examen des
usages faits par des groupes sociaux singuliers. En effet, il se dégage de notre analyse du
corpus les indices d’une vision propre à l’énonciateur. Et parallèlement l’action s’inscrit dans
la construction d’un monde commun. En cela, il est d’autant plus pertinent de parler
d’imaginaire d’action commune, du fait que notre recherche porte sur l’usage des médias.
Nous avons constaté que pour rendre compte d’un tel objet et répondre à nos
prétentions de recherche, il est nécessaire d’envisager le choix du média à travers le corps qui
en fait usage comme participant à la construction des significations. Les éléments du corpus
ont été essentiels à la mise à jour du regard de l’usager des médias.
Bien que nous ayons laissé une marge de manœuvre à l’acteur, il est indéniable
que nous observons des phénomènes qui dépassent les acteurs eux-mêmes.
L’intérêt de notre analyse est qu’elle prend en compte les contextes, enjeux,
contraintes… naissants à travers les usages, mais aussi desquels sont issus les usages et
stratégies.
L’observation des usages des dispositifs médiatiques à travers l’exploitation de
notre corpus, met en perspective les stratégies sous-jacentes et révèle les fondements de
propriétés communicationnelles et signifiantes construites à travers l’activité des usagers.
On a pu remarquer que les usages ne relèvent pas que de simples choix
techniques. Ils sont implicitement corrélés à des systèmes de valeurs, des rapports sociaux,
etc. Les modalités d’appropriation, bien que multiples, engendrent des liens sociaux, des
communautés imaginées et proposent des modèles d’identification.
Le média comme outil ne peut être envisagé pour lui-même, il s’inscrit
toujours dans une action (sociale et socialisée). Il n’est pas seulement un outil au service d’un
acteur et d’une stratégie, il est acteur lui-même, d’une forme de construction sociale.
C’est ainsi que nos recherches ont permis de mettre en lumière « la constitution
d’un nouvel espace symbolique produit par des techniques de gestion du social, partagées
entre des acteurs sociaux dominants aux logiques et aux stratégies sociales différentes ? »193
LLiimmiitteess
Ce développement a rendu compte de dynamiques interactionnelles entre
usager-outil, usager-communauté, …, et ainsi de la capacité signifiante des usages.
Certes, nous ne pouvons théoriser les usages des médias. 193 PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace public et l’emprise de la communication, ELLUG, Grenoble, 1995, introduction, p. 15.
124
Mais si on ne peut envisager toute la complexité des usages et des stratégies,
on peut tout de même étudier les pratiques médiatiques liées à la sortie de l’album de Sefyu
dans le cas présent, en abandonnant dès lors toute volonté d’exhaustivité.
Observer ces dynamiques insaisissables, car non directement exprimées,
conduit notre recherche à apporter nécessairement des éléments de réponses partiels.
D’ailleurs, quelle est la limite de la validité des distinctions proposées ?
La durée trop courte de la période d’observation ne nous permet pas de
constater de récurrences et de faire émerger des modèles systématiques.
Par ailleurs en tant qu’approche monographique, la limitation de notre
recherche à l’étude d’un cas engendre des résultats à portée réduite. Cela permet de poser les
bases de nouvelles interrogations.
PPeerrssppeeccttiivveess dd’’oouuvveerrttuurree
eett dd’’aapppprrooffoonnddiisssseemmeenntt
Indubitablement, après l’analyse de notre corpus, il reste encore de nombreuses
interrogations qui constituent des perspectives d’ouverture et d’approfondissement de ces
recherches.
Y aurait-il une déontologie, une éthique des usages des médias dans le rap ?
Pour quelle systématicité des stratégies mises à jour ? Dans quelle mesure peut-
on modéliser les usages comme pratique culturelle ?
Ces recherches n’ont pas pu rendre compte des proportions chiffrées de chaque
support dans la construction du plan médiat. En effet, il serait intéressant d’avoir plus
d’informations sur les répartitions des moyens financiers, les budgets temps et budgets
humains. Quelle est la part de l’affichage ? En temps, en durée de vie, en budgets financiers
investit, etc. ?
Ces éléments permettraient d’envisager d’autres aspects, telle la
complémentarité des mi-lieux et lieux médiats de significations par exemple. Quels sont les
médias complémentaires ? Quels sont ceux qui ont une valeur de substitution ?
Nous avons principalement mis en avant des logiques médiatiques. Dans quels
autres systèmes d’interaction se construit-il des logiques de production et d’utilisation ?
D’autre part, nous avons posé peu d’interrogations concernant les publics.
Quelle reconnaissance y a-t-il des évènements, des supports et des identités aux yeux des
125
publics ? Dans quelle mesure les usages seraient-ils orientés par des comportements
attendus par les publics ?
Autant d’interrogations qui soulèvent des ouvertures et approfondissements de
ces recherches.
Bien que notre regard se limite à la sortie de l’album du rappeur Sefyu, il n’est
pas exclu de retrouver des contextes, des préoccupations, des enjeux similaires, dans des
situations analogues ou différentes, comme d’autres projets de rap, d’autres genres musicaux
ou systèmes médiatiques.
Reconsidérer le projet en question avec d’autres projets rap notamment, est une
perspective que nous aurions souhaité développer. Il serait enrichissant de comparer les
usages des médias avec le rap aux Etats-Unis par exemple. Cela offrirait peut être l’occasion
de constater des caractéristiques manquantes à l’analyse. La comparaison viendrait d’autant
plus apporter des éléments à la base de la constitution des identités. Car c’est dans le rapport à
l’autre que les identités se construisent.
PPoouurr ccoonncclluurree
Même s’il reste de nombreux questionnements, nous avons tout de même
apporté des éléments de réponse.
En effet, en étudiant les modalités d’appropriation des dispositifs de médiation,
l’étude de notre corpus a révélé dans ses résultats, des usages des médias répondant à des
stratégies, au service de projets de visibilité et tout particulièrement de valorisation et de
fabriques d’images. Nous avons ainsi démythifié l’ensemble des rapports dans lesquels ils
s’inscrivent.
En reprenant les propos de Roger Chartier, disant que : « c’est la Révolution
qui a fait les livres et non l’inverse »194, on peut dire que ce sont les usages qui font les médias
et non le contraire.
194 CHARTIER Roger, Les origines culturelles de la Révolution française, 1991, cité dans CHAMBAT Pierre (sous la direction de), Communication et lien social. Usages des machines à communiquer, « Communiquer, relier », CHAMBAT Pierre, Cité des Sciences et de l’Industrie, Editions Descartes, 1992, p. 21.
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TTAABBLLEE DDEESS MMAATTIIEERREESS
Introduction p. 10
Objet d’étude p. 10
Quel secteur, quelle période, quels médias ? p. 11
Le sujet p. 12
Problèmes et interrogations p. 15
Fondements théoriques p. 15
Démarche méthodologique p. 17
Le corpus p. 18
Hypothèse p. 18
Problématique ? p. 18
Annonce du plan p. 19
CCHHAAPPIITTRREE II
RREEPPEENNSSEERR LLEESS MMEEDDIIAASS
AA TTRRAAVVEERRSS LLEE RRAAPP
p. 20
I. Propos préliminaires p. 21
1. Position discutée p. 21
2. Hypothèse p. 22
3. Méthodologie p. 22
4. Plan p. 22
II. Penser les médias p. 22
134
1. Une définition des médias ! p. 22
2. Une conception traditionnelle et institutionnelle ? p. 24
A. De l’implicite mass médiatique p. 24
B. Le « hors-média » p. 26
B.1. Ou les médias à usages non massifs p. 26
B.2. Ou les médias à usages non publicitaires ? p. 27
3. Des médias alternatifs ? p. 28
A. L’espace urbain investit ou quand l’image sort du cadre p. 29
B. Le streetmarketing p. 31
B.1. Les techniques du streetmarketing p. 31
B.2. Du buzz p. 32
B.3. Undercovered p. 33
B.4. Impliquer les publics p. 33
B.5. Une guérilla urbaine p. 34
4. Pour quel positionnement ? p. 35
A. Des niveaux d’analyse p. 36
B. Le média : un mi-lieu p. 37
B.1. Un lieu de construction du sens p. 37
B.2. Quand le lieu devient espace p. 38
B.3. L’ « entre » p. 39
III. Rap et médias : des relations paradoxales et controversées p. 41
1. Le rap et la rue p. 41
2. Le marché du rap p. 41
3. Le rap et les médias, quelles relations ? p. 42
A. La médiatisation du rap p. 42
B. Rap et institutions p. 43
C. La construction de frontières symboliques p. 44
4. Paradoxes et controverses p. 45
135
CCHHAAPPIITTRREE IIII
DDEE LL’’UUSSAAGGEE :: EENNTTRREE AAPPPPRROOPPRRIIAATTIIOONN
EETT CCOONNSSTTRRUUCCTTIIOONN
p. 48
I. Propos préliminaires p. 49
1. Position discutée p. 49
2. Hypothèse p. 50
3. Méthodologie p. 50
4. Plan p. 50
II. Penser les usages p. 51
1. La notion d’usage cantonnée aux études en réception ? p. 51
2. Eclairages définitionnels p. 52
A. Sur la notion d’usage p. 52
A.1. Définition p. 52
A.2. Du qualitatif ? p. 52
A.3. Usages et représentations d’usages p. 53
B. Sur la notion d’usager p. 53
III. De l’appropriation p. 55
1. De la teckné p. 55
2. De l’appropriation à la pratique discursive p. 55
IV. L’usager comme acteur p. 56
1. De la participation citoyenne p. 56
2. Des choix rationnels (in)conscients p. 57
3. De la conformité ? p. 58
4. Des logiques d’usages p. 58
5. Des modalités d’usages des médias p. 60
6. De la représentation à l’action p. 62
CCHHAAPPIITTRREE IIIIII
136
DDEEss SSTTRRAATTEEGGIIEESS
MMEEDDIIAATTIIQQUUEESS
p. 64
I. Propos préliminaires p. 65
1. Position discutée p. 65
2. Hypothèse p. 65
3. Méthodologie p. 65
4. Plan p. 66
II. Les stratégies au cœur de l’usage des médias … l’usage des médias au
cœur des stratégies p. 67
1. Eclairage définitionnel sur le concept de stratégie p. 67
2. Des choix stratégiques p. 68
3. Revisiter la notion de stratégie p. 68
III. Le « plan médiats » p. 69
1. Le cas de la sortie de l’album de Sefyu « Qui suis-je ? » le 24 avril 2006 p. 69
2. Le projet p. 70
A. L’album « Qui suis-je ? » p. 71
B. Le maxi « La légende » p. 71
C. Le clip « La vie qui va avec » p. 71
3. Des évènements et lieux médiats de significations p. 72
A. Construire un plan médiats p. 73
B. Des mi-lieux d’actions … aux lieux médiats de significations p. 75
B.1. La radio et ses lieux médiats de significations p. 75
B.2. La presse … p. 76
B.3. Internet … p. 76
B.4. La télévision … p. 77
B.5. La téléphonie … p. 77
B.6. La rue … p. 77
B.7. La commercialisation … p. 78
B.8. Pour synthétiser les mi-lieux d’actions p. 78
C. Des évènements … aux plans d’actions p. 80
137
C.1. Le tour du terrain p. 81
C.2. Concert sauvage à l’Elysée Montmartre le 25 avril 2006 p. 83
C.3. L’émission Planète Rap, du 17 au 21 avril 2006, sur Skyrock p. 84
C.4. Showcase Fnac et autres p. 85
C.5. Joga Bonito 3, du 15 juin au 2 juillet 2006 p. 86
C.6. Résidence au Nouveau Casino les 13 et 20 juillet 2006 p. 87
C.7. Concours 16 mesures p. 87
C.8. Pour synthétiser les plans d’actions p. 88
IV. Comprendre et interpréter les stratégies d’un plan médiats p. 90
1. Le cadre situationnel p. 90
2. Les acteurs p. 91
A. Sefyu p. 91
B. G8 p. 91
C. Because Music p. 91
D. Les institutions médiatiques p. 92
E. Les publics / cibles p. 92
3. Les contextes p. 93
4. Les relations p. 94
V. Les stratégies d’un plan médiats p. 96
1. Proposer une typologie ? p. 96
2. De l’usage « spé » et « généraliste » … p. 97
3. Ou des stratégies « médiationnelles » p. 99
A. Les stratégies d’un simulacre de proximité p. 99
B. Les stratégies de connexion et de propagation p. 99
4. De la cohérence ? p. 100
CCHHAAPPIITTRREE IIVV
DDEESS SSTTRRAATTEEGGIIEESS
IIDDEENNTTIITTAAIIRREESS
p. 102
138
I. Propos préliminaires p. 103
1. Position discutée p. 103
2. Hypothèse p. 104
3. Méthodologie p. 104
4. Plan p. 104
II. Les stratégies identitaires au cœur de l’usage des médias p. 105
1. Les stratégies identitaires p. 105
A. Eclairage conceptuel p. 105
B. Des enjeux p. 108
C. Du positionnement … à l’image p. 109
2. L’écriture médiatique ou la prise en compte des valeurs p. 110
III. Des usages aux stratégies : les lieux de construction des identités p. 112
1. Des axes identitaires p. 112
A. Musique et sport & musique et social p. 112
B. Segmenté & général p. 113
2. De la construction p. 115
A. Des réseaux de relations p. 115
B. Des communautés p. 115
C. Des territoires p. 116
D. Des liens sociaux p. 116
E. Des valeurs p. 117
3. Synthèse. Des stratégies médiatiques aux stratégies identitaires p. 118
4. De la complexité des rapports constitutifs des identités p. 120
Conclusion p. 122
Bilan p. 122
Limites p. 123
Perspectives d’ouverture et d’approfondissement p. 124
Pour conclure p. 125
139
Médiagraphie p. 126
Ouvrages p. 126
Articles et revues p. 128
Mémoires et thèses p. 129
Sites internet p. 130
Documents audiovisuels p. 132
Table des matières p. 133
Volume d’annexes