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xxx 3:HIKLKJ=XUYUU\:?c@i@m@t@a; M 01093 - 2829 - F: 4,00 E 4 s N° 2829 65 e année Du 1 er au 14 décembre 2011 Paraît provisoirement les premier et troisième jeudis de chaque mois www.actionfrancaise.net ENTRETIEN ENTRETIEN AVEC JEAN SÉVILLIA : VEC JEAN SÉVILLIA : "HIST "HIST ORIQ ORIQ UEMENT INCORRECT" UEMENT INCORRECT" P. 16 16 2000 « « T OUT CE Q OUT CE Q UI EST N UI EST NA TION TION AL EST NÔTRE » AL EST NÔTRE » L'ESSENTIEL ÉCONOMIE L'énergie nucléaire en ballotage . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 2 POLITIQUE Projet présidentiel : Marine Le Pen peut mieux faire . . . . . . . . . . . . . p. 4 SOCIÉTÉ Repenser le populisme . . . . . . . p. 5 Roselyne Bachelot et la "case en trop" : demoiselle en détresse . . . . . . . p. 6 MONDE Traités européens : l'ultime ligne de défense . . . . . . p. 7 Bernard Lugan : ré-africaniser l'Afrique . . . . . . . p. 8 Islamisme rampant en Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 9 Incertitudes en Égypte . . . . . . . p. 9 ARTS & LETTRES Dans le Paris de Louis-Ferdinand Céline . . . p. 10 L'histoire sur papier glacé . . . . p. 11 HISTOIRE Philippe V, un Bourbon en Espagne . . . . . . . . . . . . . . . p. 12 IDÉES Barbey d'Aurevilly et l'esprit chevaleresque . . . . . p. 13 Jeanne dArc, sainte du compromis . . . . . . . . p. 13 POUR UN JEUNE FRANÇAIS L'Action française, une histoire intellectuelle . . . . p. 14 P P a a g g e 3 e 3 Faire cendres à part IL EXISTE dans le cimetière de Telgruc, en presqu'île de Crozon, deux tombes gémi- nées qui n'intéressent que moi. Dedans ou en-dessous et depuis 1861 repose Hervé Savina, notaire, maire de Telgruc pendant plus de quarante ans, conseiller général du Finistère et parent collatéral de votre serviteur. Doyennes des sépultures, elles détonnent avec leurs blocs de granite et leurs plaques d'ardoise dans un cimetière exclusivement en marbre, comme ils le sont tous à présent, froids, impersonnels et rigides. Sur cette tombe que nous né- gligeons tous, a surgi comme une menace à la Toussaint dernière un panonceau si- gnalant l'expiration de la concession. À Telgruc, on ne parie plus sur l'éternité, la concession ne dure que dix ans. Aussitôt, je me précipite à la mairie, agrippe la secrétaire à l'accueil et expose mon souci. Ainsi, il sera prouvé qu'en 2011, à Telgruc, on jette à la voirie sans plus de formalités les restes d'un homme qui, admirable ou méprisable, constitua une part de l'histoire locale au XIX e siècle ? « Mais mon bon Monsieur, c'est si loin tout ça. Qui se souvient ? Non, la famille doit payer la concession ou récu- pérer les pierres et les corps. » « J'en- tends bien Madame ! Je suis là pour évi- ter cela justement ! » À bout d'autorité, je jetais l'argument suprême, imparable selon moi, en évoquant la réception de Napoléon III à Quimper en 1858 par les notables du Finistère, et donc Hervé Sa- vina. Mais pour la secrétaire de mairie, Napoléon III ou Nabuchodonosor, c'est tout un ! Seule compte la légalité, l'effi- cacité et la technique. Ces deux tombes ont pourtant à nous ap- prendre et cette femme ne le voit pas. Ces tombes me dépassent. Bien plus que mon simple patronyme, elles participent de la cohésion d'une communauté d'habi- tants, elles rappellent aux enracinés comme aux nomades qu'ils ne sont pas dans rien, qu'ils ne sont pas neufs. Ni morbide, ni égocentrique, je vois là la désincarnation du monde, son désir in- conscient de la table rase, une civilisation sans distinction, sans contraste, sans mé- moire comme sans espérance, où le cime- tière est relayé entre la voie ferrée et la grande distribution. Jean Fourastié a tout dit en rappelant qu'autrefois « les cime- tières étaient au cœur des villages comme la mort était au cœur de la vie ». Que restera-t-il de nous si même nos vil- lages démissionnent ? Marc Savina Abandons de souveraineté : La France en danger L’ACTION FRANÇAISE

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Page 1: ENTRETIEN AVEC JEAN SÉVILLIA :HISTORIQUEMENT … · xxx 3:HIKLKJ=XUYUU\:?c@i@m@t@a; M 01093 - 2829 - F: 4,00 E 4 s N°2829 65e année Du 1erau 14 décembre 2011 Paraît provisoirement

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4 s y N° 2829 y 65e année y Du 1er au 14 décembre 2011 y Paraît provisoirement les premier et troisième jeudis de chaque mois y www.actionfrancaise.net

ENTRETIEN ENTRETIEN AAVEC JEAN SÉVILLIA :VEC JEAN SÉVILLIA : "HIST"HISTORIQORIQUEMENT INCORRECT" UEMENT INCORRECT" PP.. 1616

2 0 0 0

« « TT O U T C E QO U T C E Q U I E S T NU I E S T N AA T I O NT I O N A L E S T N Ô T R E »A L E S T N Ô T R E »

L'ESSENTIEL

3 ÉCONOMIE

L'énergie nucléaire

en ballotage . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 2

3 POLITIQUE

Projet présidentiel : Marine Le Pen

peut mieux faire . . . . . . . . . . . . . p. 4

3 SOCIÉTÉ

Repenser le populisme . . . . . . . p. 5

Roselyne Bachelot

et la "case en trop" :

demoiselle en détresse . . . . . . . p. 6

3 MONDE

Traités européens :

l'ultime ligne de défense . . . . . . p. 7

Bernard Lugan :

ré-africaniser l'Afrique . . . . . . . p. 8

Islamisme rampant

en Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 9

Incertitudes en Égypte . . . . . . . p. 9

3 ARTS & LETTRES

Dans le Paris

de Louis-Ferdinand Céline . . . p. 10

L'histoire sur papier glacé . . . . p. 11

3 HISTOIRE

Philippe V, un Bourbon

en Espagne . . . . . . . . . . . . . . . p. 12

3 IDÉES

Barbey d'Aurevilly

et l'esprit chevaleresque . . . . . p. 13

Jeanne dArc,

sainte du compromis . . . . . . . . p. 13

3 POUR UN JEUNE FRANÇAIS

L'Action française,

une histoire intellectuelle . . . . p. 14

PPaagge 3e 3

Faire cendres à partIL EXISTE dans le cimetière de Telgruc, enpresqu'île de Crozon, deux tombes gémi-nées qui n'intéressent que moi. Dedans ouen-dessous et depuis 1861 repose HervéSavina, notaire, maire de Telgruc pendantplus de quarante ans, conseiller généraldu Finistère et parent collatéral de votreserviteur. Doyennes des sépultures, ellesdétonnent avec leurs blocs de granite etleurs plaques d'ardoise dans un cimetièreexclusivement en marbre, comme ils lesont tous à présent, froids, impersonnelset rigides. Sur cette tombe que nous né-gligeons tous, a surgi comme une menaceà la Toussaint dernière un panonceau si-gnalant l'expiration de la concession. ÀTelgruc, on ne parie plus sur l'éternité, laconcession ne dure que dix ans.

Aussitôt, je me précipite à la mairie,agrippe la secrétaire à l'accueil et exposemon souci. Ainsi, il sera prouvé qu'en2011, à Telgruc, on jette à la voirie sansplus de formalités les restes d'un hommequi, admirable ou méprisable, constituaune part de l'histoire locale au XIXe

siècle ? « Mais mon bon Monsieur, c'est siloin tout ça. Qui se souvient ? Non, lafamille doit payer la concession ou récu-pérer les pierres et les corps. » « J'en-tends bien Madame ! Je suis là pour évi-ter cela justement ! » À bout d'autorité,je jetais l'argument suprême, imparableselon moi, en évoquant la réception deNapoléon III à Quimper en 1858 par lesnotables du Finistère, et donc Hervé Sa-vina. Mais pour la secrétaire de mairie,Napoléon III ou Nabuchodonosor, c'esttout un ! Seule compte la légalité, l'effi-cacité et la technique.

Ces deux tombes ont pourtant à nous ap-prendre et cette femme ne le voit pas.Ces tombes me dépassent. Bien plus quemon simple patronyme, elles participentde la cohésion d'une communauté d'habi-tants, elles rappellent aux enracinéscomme aux nomades qu'ils ne sont pasdans rien, qu'ils ne sont pas neufs. Nimorbide, ni égocentrique, je vois là ladésincarnation du monde, son désir in-conscient de la table rase, une civilisationsans distinction, sans contraste, sans mé-moire comme sans espérance, où le cime-tière est relayé entre la voie ferrée et lagrande distribution. Jean Fourastié a toutdit en rappelant qu'autrefois « les cime-tières étaient au cœur des villagescomme la mort était au cœur de la vie ».Que restera-t-il de nous si même nos vil-lages démissionnent ? q

Marc Savina

Abandons de souveraineté :

La France en danger

L’ACTION FRANÇAISE

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z 2 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2829 – Du 1er au 14 décembre 2011

Économie

Directeur de 1965 à 2007 : Pierre Pujo (?)

Directeur de la publication : M.G. Pujo

Directeur éditorial : François Marcilhac

Rédacteur en chef : Michel Fromentoux

Rédacteur graphiste : Grégoire Dubost

Politique : Jean-Philippe Chauvin,

Aristide Leucate, , Marc Savina

Société : Stéphane Blanchonnet,

Jean-Pierre Dickès, Michel Fromentoux,

Stéphane Piolenc

Économie & Social : Guy C. Menusier

Europe : Charles-Henri Brignac,

Grégoire Dubost, Guy C. Menusier

Monde : Philippe Maine, Pascal Nari

Arts & Lettres : Anne Bernet, Monique

Beaumont, Charles-Henri Brignac,

Louis Montarnal, Alain Waelkens

Histoire : Michel Fromentoux,

Yves Lenormand

Idées : Stéphane Blanchonnet,

Dimitri Julien, François Marcilhac,

abbé Guillaume de Tanoüarn

Abonnements, publicité, promotion : Monique Lainé

10 rue Croix-des-Petit10 rue Croix-des-Petits-Champs-Champs s

75001 Paris75001 Paris

Tél. : 01 40 39 92 06 - Fax : 01 40 26 31 63

wwwwww.actionfrancaise.net.actionfrancaise.net

[email protected]

[email protected]

[email protected]

ISSN 1166-3286

L’ACTION FRANÇAISE 2000

La catastrophe nucléaire deFukushima a marqué lesFrançais comme le monde

entier. Mais c'est sans scrupuleque les Verts ont été les premiersà s'en "servir" politiquement. Lepsychodrame sur l'accord de gou-vernement Verts-PS nous l'a rap-pelé dans toute sa froideur. Enliant une position de fond surl'avenir de la filière nucléaire àun échange de circonscriptionsaux prochaines législatives, les al-liés de gauche ont vu leur crédi-bilité prendre un sérieux coup.Ce troc partisan, avec entreautres le parachutage sur Paris dela secrétaire des Verts Cécile Du-flot, ce qui irrite d'ailleurs pro-fondément Bertrand Delanoë,choque jusqu'aux syndicalistesCFDT d'Areva qui refusent de voirles travailleurs considérés commedes « pions ».

Un capitaine de pédalo

Ce marchandage électoral entrebobos parisiens exaspère aussi laFrance industrielle et interpellesur les capacités d'analyse et degouvernement du « capitaine depédalo » (dixit Mélenchon) qui,dans un même accord, milite pourle démantèlement de la filièreMox (un combustible nucléaire)et le maintien de l'EPR, le réac-teur nucléaire de troisième gé-nération d'une puissance de 1 650mégawatts. Belle incohérence.Que ne ferait-on pas en échanged'un groupe parlementaire qui as-surera de confortables revenus aumouvement écolo... Il est vrai quel'enjeu n'est pas si anodin qu'il yparaît puisqu'il semblerait que lesVerts soient au bord de la faillite !De quoi mettre à mal la probitédu "juge rouge" et de ses amis surla sincérité de leur engagementanti-nucléaire...Il est particulièrement navrantque la stratégie industrielle de laFrance soit bradée à la faveur d'unaccord politicien qui, soit dit enpassant, ignore tout de la réalitééconomique. On discute de l'ar-rêt de la production du Mox (mé-lange de plutonium et d'uranium

permettant de réutiliser les com-bustibles travaillés à La Hague età Marcoule) de façon totalementabstraite. Car dans l'industrie, onne réduit pas la production de fa-çon homothétique, et il arrive unmoment où la perte de produc-tion implique une chute de la ren-tabilité de l'activité, vu qu'on ré-duit les économies d'échelle.

L'EPR en sursis

À l'arrêt prévu par l'accord Verts-PS de vingt-quatre réacteurs, lesplus anciens paraît-il, il aurait falluajouter, selon les écologistes, ce-lui de la construction de l'EPR àFlamanville, qui doit s'achever en2016 : un élément de la moder-nisation nucléaire de la France quifaisait jusqu'alors consensus, Fran-çois Mitterrand n'ayant pas inter-rompu l'effort en la matière. Dans

l'atome comme dans l'espace, laFrance a été pionnière ; elle a ob-tenu son indépendance énergé-tique, cœur nucléaire, si on mepermet ce jeu de mots facile, denotre souveraineté nationale. Il s'agit aujourd'hui d'un moteurde croissance qui fait vivre plusde 410 000 salariés et près de450 entreprises spécialisées. Onpeut même estimer qu'un certainnombre d'industries maintiennentleur localisation en France du fait,entre autres, d'une électricité dontle coût est 40 % inférieur à lamoyenne européenne et qui, is-sue du pétrole ou du gaz impor-tés, serait beaucoup plus chèreencore, soit l'équivalent d'environ500 000 emplois. Par ailleurs, lesexperts financiers évaluent à 750milliards d'euros la sortie du nu-cléaire pour la France, soit troisfois plus que pour l'Allemagne,

dont seulement un quart de l'éner-gie était d'origine nucléaire. Cha-cun concédera qu'après les ca-tastrophes des deux dernières dé-cennies, les Français portentlégitimement une attention par-ticulière à l'avenir du nucléaire.Et tous doivent avoir en tête lesinvestissements importants quele pays devra consentir au titrede la sûreté des centrales, pourprocéder aux aménagements ti-rés des enseignements du dramede Fukushima. Mais trois ans aprèsle Grenelle de l'environnement,force est de constater que le nu-cléaire continue de fournir lestrois quarts de la production élec-trique de la France. Les éoliennes,elles, n'alimentent qu'une goutted'eau dans l'océan de la consom-mation énergétique.

Le mirage des éoliennesC'est la vérité dans toute sa cru-dité : les énergies renouvelables,que chacun voudrait voir bien sûrdévelopper et dont on nous bas-sine les oreilles depuis le Grenellede l'environnement, représententpéniblement 15 % de la produc-tion d'électricité... Indépendam-ment du coût réel du nucléaire(qui, certes, devrait prendre encompte des coûts induits impor-tants mais difficilement chif-frables, comme ceux du déman-tèlement des centrales ou du stoc-kage des déchets), l'alternativen'a que peu de marge... Même encouvrant la totalité du territoirenational d'éoliennes ! On estimeen effet à 100 000 le nombre d'ins-tallations éoliennes nécessairespour remplacer la puissance pro-ductrice des cinquante-neuf ré-acteurs français. Tandis que la lutte contre le ré-chauffement climatique demeurela priorité numéro 1, que lesconstructeurs souhaitent parallè-lement développer les voituresélectriques et que les écologistespromeuvent les TER (les trains ré-gionaux) dans les conseils régio-naux, il faudra bien se faire uneraison et ne pas tourner le dos aunucléaire. En pleine crise mon-diale, ménages et industriels fran-çais ne peuvent se permettreacune fantaisie idéologique. QueHollande et Duflot fassent "leurpetite popotte dans leur petitegamelle" ne regarde que leur hon-neur : s'ils jouent avec l'avenir dela France, c'est nous qui allons lesrenvoyer en cuisine... électoralebien sûr ! n

Philippe Lornel

o ÉNERGIE

Le nucléaire en ballotageÀ l'approche de l'élection présidentielle, la politique énergétique de la Francefait l'objet d'un marchandage entre socialistes et écologistes, visiblement en manque d'atomes crochus.

» DÉMONDIALISATION

Croulant sur le poids desdettes publiques, le VieuxContinent inspire une mé-fiance croissante aux investis-seurs étrangers. De fait, lesfonds monétaires américainsréduisent leur exposition auxbanques européennes. Vis-à-vis des établissements fran-çais, celle-ci serait passée de6,7 % de leurs actifs fin sep-tembre à 5,5 % fin octobre.Conséquence de la morositédes marchés d'actions et dumanque de liquidités, « lesmodèles de financement desbanques se retrouvent pro-fondément modifiés », résu-ment Les Échos. Se tournantdavantage vers la BCE, ellesse replient, par ailleurs, surleur marché domestique :« Nous sommes face à unmouvement de "rerégionalisa-tion" voire de renationalisa-tion générale en Europe »,constate un observateur citépar nos confrères.

» DÉLOCALISATIONS

Le spectre des délocalisationsn'est pas un apanage occiden-tal. En Chine, des milliers desalariés se seraient mis engrève dans une usine de Yu-cheng, où sont confection-nées, notamment, des chaus-sures Addidas et Nike. Ils crai-gnent que leur activité soittransférée dans une autre pro-vince du pays. Quant à Shan-ghai Fosun High Technology,« le plus gros groupe privé »de l'empire du Milieu selon leCourrier international, illorgne vers l'Indonésie... De-puis quelques mois, la Chineserait d'ailleurs devenue lapremière destination des ex-portations indonésiennes.

DETTE

AdjudicationspatriotiquesBelges et Italiens sont appelés à souscrire des obligations d'État.

L 'ESPAGNE s 'est endettée à des taux record à l'occasion del'adjudication du 17 novembre(6,975 % à dix ans). « C'est unecatastrophe nationale. Plus personne ne nous prête », a dé-ploré le directeur du quotidienEl Mundo, Pedro José Ramirez,

cité par Les Échos. Boudé par lescréanciers institutionnels, Madriddevrait-il se tourner vers les par-ticuliers ? Rome et Bruxelles s'ysont essayés ces derniers jours,avec un relatif succès aux diresdes autorités, qui avaient veilléà accompagner l'événement d'unepublicité inédite.Si cette possibilité leur était of-ferte, 30 % des Français seraientdisposés à souscrire des obliga-tions d'État, selon un sondage réa-lisé par Haris Interactive pour Jol-press et Images & Stratégie. Cefaisant, peut-être contribueraient-ils à rapatrier une dette dont lesdeux tiers sont détenus par des

créanciers étrangers. Reste queles sommes collectées de la sorteapparaissent relativement margi-nales au regard des besoins. D'icila fin de la semaine, la Belgiqueespérerait lever 2 milliards d'eu-ros. Un chiffre à comparer à l'am-pleur de sa dette, qui dépasse les350 milliards d'euros... Acceptantde renoncer à leur commission,les banques italiennes n'ont pascaché le caractère symbolique deleur opération. De leur point devue, il s'agirait néanmoins d'« unecontribution importante pourmontrer la confiance que les ita-liens ont en leur propre pays »,rapporte La Tribune. n G.D.

La centrale nucléaire de Chooz

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2829 – Du 1er au 14 décembre 2011 3 z

Éditorial

La France en danger

Alain Juppé, invité de Patrick Cohen surFrance Inter, le jeudi 24 novembre au matin,déclara sans sourciller que la Libye cherchait

actuellement sa voie vers la liberté... Le présenta-teur, complaisant, ne demanda pas à notre inénar-rable ministre des Affaires étrangères s'il convenaitde juger ainsi le passage d'un despotisme claniqueà la charia. Mais, vexé de n'avoir pas su anticiperun "printemps arabe" qui, si on en croit BernardLugan, n'a jamais existé, le gouvernement françaissemble aujourd'hui en rajouter alors que les isla-mistes, qui contrôlent directement la Cyrénaïque 1,ont accédé au pouvoir en Tunisie et s'apprêtent àdiriger une Égypte ensanglantée mais toujourscontrôlée par l'armée et qui, ce lundi, votait.Quant à la Syrie, lâchée par une Ligue arabe qui atrouvé là un terrain d'entente, elle continue des'enfoncer dans une guerre civile à laquelle lachute de Bachar al-Assad serait loin de mettre unterme, tant est que la grille de lecture droit-de-l'hommiste des démocraties occidentales est loinde refléter une réalité plus ethnique qu'idéolo-gique. Il n'y a pas d'un côté les méchants suppôtsde la dictature et de l'autre les bons apôtres de ladémocratie : le laisser penser, afin de justifier unepolitique étrangère erratique, expose à dire n'im-porte quoi pour convaincre les Français du bien-fondé de la politique présidentielle...

Fort heureusement, le Maroc tranche avec un"printemps arabe" qui n'en finit pas de pataugerdans le sang. Si les islamistes du Parti de la Justiceet du Développement arrivent en tête aux élec-tions législatives anticipées qui font suite à la ré-forme de la constitution, c'est loin d'être le raz-de-marée escompté par des media qui y auraient vula confirmation de l'inutilité des efforts du roi duMaroc pour adapter son pays au XXIe siècle tout enconservant les principes intangibles d'une monar-chie à la fois active et arbitrale. Plébiscité unani-mement par son peuple à la fin du mois de juindans un référendum dont personne n'a pu contes-ter la régularité, Mohammed VI, désormais obligéde prendre son Premier ministre dans le parti ma-joritaire, n'en continuera pas moins d'inspirer lar-gement la politique du royaume, garant suprêmedu bien-être des Marocains.

En France, au contraire, aucun garde-fou ne peutinterdire l'arrivée au pouvoir d'un parti opposé auxintérêts fondamentaux du pays ou à son identitéprofonde. Ainsi le veut la République. Le pays légala pu déjà, en toute impunité, abandonner des pansentiers de notre souveraineté... en s'opposantfrontalement au suffrage universel, ce qui est un

comble pour un régime censé reposer sur le mythede la volonté générale ! Mais les mois à venir, jus-qu'à l'échéance de 2012, s'annoncent particulière-ment dramatiques sur le plan de l'indépendancenationale : l'agitation europhile du pouvoir face àla crise ou les négociations politiciennes en vue designer des alliances électorales, même au prix dela place de la France dans le monde, sont malheu-reusement le lot d'une nomenklatura dénationali-sée qui partage l'essentiel sur le plan idéologiqueet veut continuer de profiter des avantages, sou-vent sonnant et trébuchant, du pouvoir.

Alors que Jacques Attali déclarait il y a peu quel'euro pourrait fort bien ne pas passer Noël, NicolasSarkozy vient, sur l'ordre d'Angela Merkel, de fran-chir un nouveau pas dans la voie d'un fédéralismesévère. Sûre de devenir le chancelier d'une fédéra-tion européenne dirigée par un IVe Reich enmeilleure forme économique que nous, elle n'a pascessé d'obtenir, depuis le début de la crise, denouveaux gages de soumission, ne faisant d'appa-rentes concessions que pour mieux faire triompherses vues et marginaliser un partenaire français dé-crédibilisé sur le plan international, comme le G20de Cannes, où Sarkozy n'a existé que dans l'ombrede Merkel, d'Obama ou de Hu Jintao, l'a malheu-reusement confirmé.

C'est ainsi que le chancelier a obtenu la formationd'une Europe des Six intégrée, sans contrepartie,même verbale, sur le rôle de la BCE ou la "solida-rité financière". Il est vrai qu'Alain Juppé avait an-noncé la couleur en se déclarant, à l'automne der-nier, favorable au fédéralisme européen. L'euro necontribue pas seulement à la faillite de notre éco-nomie et à la désindustrialisation du pays. Il estégalement le cheval de Troie de notre soumission,

la crise financière représentant le levier que l'Alle-magne attendait pour s'imposer... sur le plan poli-tique. Car ce nouveau pacte, articulé autour dessix pays de la zone euro bénéficiant - encore - dutriple A (France, Allemagne, Autriche, Pays-Bas,Finlande, Luxembourg) aura le "mérite" d'imposerun corset de fer aux États en évitant de devoir re-courir à un nouveau traité... Visant une plusgrande rigueur financière, il permettra surtout auxautorités européennes... et à Berlin, de surveillerles budgets nationaux, jusqu'à l'envoi de missionssur place ! De plus, les États membres de cette fé-dération de fait, réduits à de simples régions admi-nistratives, ne s'engageront plus seulement sur leplan budgétaire : ils devront également procéder àdes réformes structurelles. Et pour quelsrésultats ? Le chômage et la récession ?

La conclusion d'un accord entre le Parti socialisteet les Verts ne saurait, de ce point de vue, rassu-rer, car ils partagent avec l'UMP et les centristesune même vision supranationale et mondialiste. Lapreuve ? Les socialistes ont promis aux Verts debrader notre droit de veto à l'ONU, voire de don-ner à Bruxelles notre siège permanent au Conseilde sécurité, qui contribue, avec l'arme nucléaire, àpréserver le rang de la France dans le monde. S'ilexiste des socialistes patriotes - Chevènement, parexemple, qui a vigoureusement protesté -, il n'enest pas de même des écologistes "politiques", intel-lectuellement antipatriotes. C'est ainsi que leurcandidate, la franco-norvégienne Gro-Eva Joly,également opposée à notre armement nucléaire, adéclaré que le droit de veto de la France à l'ONUest « un privilège dépassé, réservé à quelquespays », et que Cécile Duflot, la patronne des éco-logistes, le juge « anachronique ». Si, devant lesprotestations, Hollande a fait mine de revenir enarrière, comme pour l'EPR, ce qui en dit long surson absence de stature présidentielle, le fait qu'ilait pu envisager une telle mesure, d'ailleurs récla-mée par Bruxelles, révèle un manque d'"instinctnational" qui le rend indigne de son ambition.

La France est en danger : aura-t-elle le temps d'at-tendre mai 2012 ? Et si oui, pour quoi, pour qui,alors que la menace réside essentiellement dans lerégime lui-même ? Il nous appartient d'aider acti-vement à la prise de conscience par le peuplefrançais de la nécessité d'en changer. q

François Marcilhac

1 – Sur ces sujets lire le dernier numéro de L'Afriqueréelle de Bernard Lugan, à commander sur internet.

z NOTRE SOUSCRIPTION POUR L'AF

UN JEUNE LECTEUR au numéro,qui nous envoie son premierabonnement, nous encourage :« Depuis plusieurs mois, etmalgré le chemin qui reste àparcourir, il me semble que lejournal a trouvé un ton pluspolitique, plus cohérent et plusdynamique dans le traitementde l'actualité, sans avoir lemoins du monde renoncé à ses

principes. L'éditorial de Fran-çois Marcilhac y est pour beaucoup. »Vous aussi, n'hésitez pas à nousécrire pour nous dire vos sou-haits et nous permettre decontinuer à améliorerL'AF 2000.Pour aider le journal, abonnez-vous si vous ne l'êtes pas en-core. Et recrutez des abonnés,

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Merci d'avance. q

Marielle Pujo

Une priorité : aider le journal

3 Merci d'établir vos chèques à l ' o r d r e d e M m e G e n e v i è v e Castelluccio et de les lui envoyerà : L 'Act ion França ise 2000,10 rue Croix-des-Petits-Champs,75001 Paris.

Liste n° 16Virements réguliers : Mlle AnniePaul, 15,24 ; Mme Bellegarde, 20 ;Marius Guigues, 21,36 ;Mme Marie-Magdeleine Godefroy,22,87 ; Mme Marie-ChristianeLeclercq-Bourin, 28 ; Mme Tatianade Prittwitz, 45,72.

Robert Thomas, 50 ; ClaudeTaggiasco, 100 ; Fernand Estève,200.

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z 4 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2829 – Du 1er au 14 décembre 2011

Politique

C'est lors d'un Banquet desMille, qui s'est tenu le sa-medi 19 novembre dernier

à Paris, que Marine Le Pen a lancéofficiellement sa candidature, parun discours brossant les grandeslignes de son « projet présiden-tiel », dont elle souhaite qu'il soit« celui du peuple, porté par lepeuple et à son bénéfice exclu-sif ». Pourtant, tout en reprenantdes fondamentaux tournés vers la« priorité nationale », on a par-fois l'impression que la candidates'est arrêtée au milieu du gué.

Ministère des SouverainetésCertes, il convient de saluer l'an-nonce d'un ministère des Souve-rainetés « chargé de coordonnersur un plan technique la renégo-ciation des traités » européens,car il est nécessaire de retrouver« la hiérarchie des normes quiprévalait avant les dérives juris-prudentielles » et que « la loifrançaise [retrouve] sa supério-rité sur le droit européen ». De même, nous ne pouvons qu'ap-prouver les efforts envisagés enmatière de défense nationale (re-venir « progressivement sur cinqans à 2 % du PIB » contre moinsde 1,6% aujourd'hui, le budget desarmées s'élevait encore à 3 % àla fin des années quatre-vingt),efforts accompagnés d'une re-constitution des filières indus-trielles de la défense. L'organisa-tion d'une garde nationale de cin-quante mille réservistes rejointégalement nos préoccupations.De même la volonté de se tour-ner vers la mer. En revanche, noustrouvons bien timide la dénon-ciation de la participation de laFrance au commandement inté-gré de l'OTAN, surtout si nous de-vons nous rapprocher de la Rus-sie, dans le cadre de partenariatsindustriels ou d'une alliance stra-tégique. L'OTAN, depuis la chutedu communisme, n'a plus de rai-son d'être, sinon de perpétuerl 'hégémonie américaine : i lconvient de la quitter purementet simplement.On se souvient que son éloge del'État, lors de son discours d'in-vestiture de Bourges, l'hiver der-nier, avait fait grincer quelquesdents : Marine Le Pen prône un« État fort », qui soit « le fer delance de la réindustrialisation dela France », notamment au tra-vers d'une Planification stratégiquede la réindustrialisation. Résur-gence soviétique ? Les royalistesy verront plutôt le retour à uneconception capétienne, abandon-née à la fin du siècle dernier, alorsqu'elle avait permis à la Francede réussir le tournant industrielet technologique des annéessoixante-soixante-dix. D'autantque cette planification stratégiquedevrait s'accompagner d'un retour

au franc qui ira « de pair avec lerétablissement des prérogativesde la Banque de France en ma-tière monétaire, y compris la ca-pacité de consentir des avancesau Trésor ». On le voit, c'est unepolitique ambitieuse en matièreéconomique, industrielle et fi-nancière (avec la séparation desbanques de dépôt et d'affaires,voire une nationalisation « mêmepartielle et temporaire » des pre-mières en cas de difficultés) quiest ici dessinée, politique dans la-quelle les PME-PMI seront appe-lées à jouer un rôle essentiel,grâce notamment à la mise enplace d'un « small business act »à la française.

L'école négligée

On regrettera en revanche l'oublides entreprises de taille intermé-diaire, fer de lance de la réussiteallemande. Dommage égalementque, sur le plan social, le projetne prévoit pas l'abrogation de laloi libéralisant le travail le di-manche : c'eût été un signal fort,lancé notamment en direction dupetit commerce, par ailleurs pri-vilégié contre la grande distribu-tion..., et de la famille, sur la-quelle le projet est bien timide,même s'il garantit l'essentiel enrefusant le "mariage" et l'adoptionhomosexuels. On attend mieuxaussi sur l'avortement : sans êtrebouleversé (on sait que MarineLe Pen s'y refuse non sans argu-ments), le cadre législatif actuelpourrait être amélioré en vue depermettre une meilleure promo-tion de la vie.Nous ne pouvons évidemment évo-quer l'intégralité du programmedans le cadre restreint de cet ar-ticle. Nous dirons toutefois notredéception s'agissant de l'école,

survolée plus que traitée. La nos-talgie des "hussards noirs" de laRépublique est insuffisante à sur-monter les défis posés en termesd'acquisition des fondamentaux,de culture générale et d'orienta-tion au lycée, lequel est le grandabsent du projet. Et pourquoi éta-ler sur cinq ans la suppression ducollège de l'échec ?

Justice populiste

On attend toujours le Front na-tional sur la sécurité et l'immi-gration. S'agissant de la première,pourquoi en remettre une couchesur la constitution de nouveauxjurys d'assises pour la libérationconditionnelle des condamnés lesplus lourds, alors même que la loidémagogique sur les jurés popu-laires en correctionnelle n'est pasremise en cause ? N'en demandonspas trop aux citoyens, alors qu'au-cun rééchelonnement des peinesni un plus strict encadrement despratiques judiciaires ne sont évo-qués, lesquels seraient plus effi-caces qu'une douteuse « respon-sabilité personnelle des magis-trats en cas d'erreur judiciaire,ou de faute » : confondre l'une etl'autre est démagogique. On estpar ailleurs étonné de l'absencede toute mesure visant à suppri-mer la nationalité des criminelsnaturalisés récents. En cas de be-soin, le conflit avec le Conseilconstitutionnel ne doit pas êtreévité. Ce serait alors au peuplede décider.S'agissant de l'immigration, l'es-sentiel y est : réduction drastiquedes entrées légales et des (faux-vrais) demandeurs d'asile, sup-pression du regroupement fami-lial comme celle des pompes as-pirantes ou remise en cause desaccords de Schengen. De même,

s'agissant de l'interdiction de ladouble nationalité, « en dehors »,toutefois, « des cas de double na-tionalité avec un autre paysmembre de l'Union européenne ».Ou comment ne pas trop chargerla barque des futurs contentieuxavec Bruxelles... Le Front natio-nal rejoint également notre sou-hait de supprimer, dans le droitfrançais, la possibilité de régula-riser les clandestins. En revanche,nous sommes plus dubitatifs surla volonté de faire du « racismeantifrançais » (expression à va-leur journalistique plus que juri-dique, car la France, « c'est mieuxqu'un race, c'est une nation », se-lon le mot définitif de Bainville)« une circonstance particulière-ment aggravante » en cas decrime ou de délit : il faut en fi-nir avec l'héritage juridique desdernières décennies plutôt que dese l'approprier, ce qui est encoreune façon de le légitimer.

L'expression muselée

Or, bien que Marine Le Pen ait faitdes déclarations en ce sens etqu'elle ait nommé récemment, enla personne de Karim Ouchikh, unremarquable conseiller à la libertéd'expression, le projet est éton-nement muet sur le sujet : au-cune remise en cause de la lé-gislation liberticide adoptée de-puis 1972. Chacun sait pourtantqu'aucune réforme politique, etsurtout intellectuelle et morale,ne pourra se faire en profondeursans l'abrogation de ces lois quiinterdisent tout débat public oule soumettent au bon plaisir desmagistrats et des "associations",tout en encourageant le commu-nautarisme, que la candidate pré-tend par ailleurs combattre no-tamment par l'inscription dans la

Constitution d'un article jacobi-nissime stipulant que « la Répu-blique ne reconnaît aucune com-munauté »... Attention à ne pasnuire à la richesse culturelle etassociative ni à l'identité reli-gieuse du pays : le terme "com-munauté" est bien vague ! Du reste, c'est sur sa partie poli-tique que le programme du Frontnational est le plus sujet à cau-tion. Nous ne commenterons ni lacréation d'un très sarkozyste mi-nistère de l'Intérieur, de l'Immi-gration et de la Laïcité, ni l'ins-cription dans la Constitution d'unvrai référendum d'initiative po-pulaire : on l'a vu en 2005, lepeuple a souvent plus de bon senset de patriotisme que ses faussesélites. Nous insisterons plutôt surdeux bricolages institutionnelsdont, à notre avis, les Françaisont d'ores et déjà le bon goût dese contreficher. Pourquoi ce sep-tennat unique... à partir de 2017si Marine est élue en 2012 ? Lebriguera-t-elle ? On l'accusera dese réserver un duodécennat quandelle imposera à ses successeurssept courtes années. Y renoncera-t-elle ? C'est qu'un quinquennataurait suffi à relever la France...De plus, comment expliquer qu'onveut rendre la parole aux Fran-çais... pour mieux leur interdireaussitôt de reconduire un chefd'État qui leur aurait donné sa-tisfaction ? On n'attend pas d'uncandidat national qu'il en rajoutesur la brièveté de l'exécutif et l'in-stabilité du projet national.

Ministres en examen

Quant au second bricolage insti-tutionnel, il est inspiré... de l'ad-ministration américaine : il viseà faire examiner le passé profes-sionnel de chaque responsable ad-ministratif et politique, « à com-mencer par celui des ministres »par « une haute instance sur laprévention des conflits d'intérêtset de la transparence dont lesmembres seront désignés par lesprésidents du Sénat et de l'As-semblée nationale ». Ce qui peutse comprendre et se pratique dureste déjà pour certains respon-sables de hautes autorités ou d'or-ganismes publics doit-il êtreétendu... aux ministres ? Nous quicroyions que ce poste était hau-tement politique et qu'il appar-tenait au chef de l'État de lesnommer sur proposition du Pre-mier ministre ! Il serait du restepiquant qu'un Sénat de gauchedise son mot, en juin prochain,sur la nomination du Premier mi-nistre et des membres du gou-vernement de Marine Le Pen...Soyons sérieux ! Les Français at-tendent d'elle qu'elle relève laFrance, non qu'elle donne dans lepolitiquement correct !Assurément, la France ne pour-rait que profiter de la mise en ap-plication de la plupart des me-sures préconisées par ce projet,encore perfectible. Il reste cinqmois pour le corriger et le com-pléter. Nos dix axes 1 constituentune base de réflexion inspirée parle seul souci national. n

François Marcilhac

1 - http://www.actionfran-caise.net/craf/?POUR-REDRESSER-LA-FRANCE-LES

o PROJET PRÉSIDENTIEL

Marine Le Pen peut mieux faireParmi les thématiques mises en exergue dans le programme présidentiel de Marine Le Pen figurent la construction européenne, la défense, le soutien à l'industrie, la justice et l'immigration... Aperçu commenté.

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2829 – Du 1er au 14 décembre 2011 5 z

Société

Encore aujourd'hui assimiléaux pires pathologies de l'es-pèce humaine, le populisme

devient peu à peu un marqueurclivant qui ne constitue plus l'apa-nage des éternels bosseurs gro-gnards, que nos intellectuels ur-bains rangeaient allègrement dansla case de "l'esprit gaulois impul-sif". Non, il jaillit désormais aussibien du côté de l'éternelle droitepoujadiste que de celui de lagauche ouvrière. Il élargit son au-ditoire jusqu'aux classes moyennesau fur et à mesure que celles-cipoursuivent leur déclassement so-cial. Il pénètre l'inconscient deshommes et femmes politiques quiy voient le gain de leur irrespon-sabilité, manipulations et autresdémagogies gracieusement ré-munérées par le contribuable du-rant près de trente années.

Idéologies complices

Avant d'évoquer une tentative depromotion d'un système politiquepopuliste, il convient tout d'abordd'en finir avec le caractère pro-méthéiste des deux idéologiesmaîtresses du XXe siècle que sontle libéralisme et le socialisme. Sile socialisme s'est éteint avec lachute de l'URSS au début des an-nées quatre-vingt-dix, le libéra-lisme, dans sa variante améri-caine, vient d'avorter à son en-trée dans le XXIe siècle. Ce qu'ilfaut cependant comprendre, c'estque la vieille opposition fratri-cide de ces deux idéologies fon-datrices de la modernité est to-talement périmée. Si l'on s'entient à la théorie de la discrimi-nation ami-ennemi développé parCarl Schmitt, on peut même y dé-celer des principes totalementcomplémentaires qui fondent unenouvelle doctrine que certainsappellent "mondialisme" ou "li-béralisme libertaire".En effet, si le socialisme n'a passu emprunter au libéralisme sapuissance économique pour dé-passer ses contradictions mor-telles, le système libéral a, lui,totalement digéré le caractèretotalitaire du socialisme pour ren-forcer son immunité face aux vio-lentes attaques dont il est l'objetdepuis dix ans. Ainsi, l'interna-tionalisme moral, l'interpénétra-tion du politique dans toutes lessphères constitutives d'une so-ciété, la promotion d'une culturedu désir, la foi dans le progrès, laliquidation des valeurs tradition-nelles ont été chantés par le sys-tème libéral en vue d'étendre sacapacité de neutralisation descontestations humaines. Le phi-losophe Jean Claude Michéa, dansson essai intitulé L'Empire dumoindre mal, insiste sur la né-cessité de faire tomber le fauxmasque du libéralisme qui, pourmieux prospérer, ne cesse de sedéfinir comme système écono-mique du moindre mal. Or, comme

le montre très bien Michéa au tra-vers d'une lecture orwellienne, ilexiste une unité du libéralismetant sur le plan économique queculturel, philosophique, sociétalet religieux. Le libéralisme nepeut plus être pensé comme unprincipe de réalité mais commeun projet qui absorbe toute la cul-ture de gauche jugée compatible.Ainsi, le démantèlement de la fa-mille traditionnelle, historique-ment défendu par la gauche aunom de l'émancipation indivi-duelle, est aujourd'hui totalementintégré dans la logique libéraled'atomisation de la société hu-maine. Personne ne s'étonnera dèslors que la marque de chaussureEram lance une nouvelle cam-pagne de promotion des nouvellesformes de famille en insistant surle caractère sacré non pas de lafamille mais du projet vendu auconsommateur.

Culture globale

Le libéralisme a muté, il a fu-sionné avec les oripeaux de laculture de gauche et fonde au-jourd'hui ce que l'on peut appe-ler la Global Culture, mise au ser-vice d'un mondialisme dont lamarge de progression dépend desa capacité à rogner les libertésdu comportement humain en so-ciété. Les prémonitions de GeorgeOrwell sur le risque d'établisse-ment d'un totalitarisme soft maisirréversible sont dès lors plus quejamais d'actualité. Bien sûr, lespenseurs de la tradition et de lasubsidiarité, à l'image de CharlesMaurras, voyaient déjà poindrel'embastillement de l'homme réel,la dématérialisation politique de

son environnement par l'hyper-trophie républicaine légale ; d'oùleur proposition de distinction dupays réel-pays légal. S'il faut biensûr comprendre l'aspect totali-taire du système qui s'impose à nous, il faut également ré-pondre de manière dialectiqueen puisant dans les contestationséparses, une force constitutived'une nouvelle réflexion politique.Et celle-ci est déjà toute dési-gnée par ses ennemis jurés : lapensée populiste.

Au-delà de Poujade

Si, dans les années cinquante, lepopulisme était caractérisé pardes réactions impulsives et inco-hérentes d'une frange de la so-ciété traditionnellement contes-tataire et dont la traduction politique s'inscrivait dans le pou-jadisme, il dégage aujourd'hui unetout autre saveur et propose denouvelles perspectives. Déjà autemps de Pierre Poujade, il illus-trait les réactions des petits com-merçants, des artisans et des pe-tits patrons ; forces créatrices etgestionnaires des villes, des quar-tiers, de la vie en communauté.Bien entendu, ce sont égalementles premiers à supporter fiscale-ment l'extension du champ d'ac-tion des pouvoirs publics tout ensubissant les conséquences du ca-denassage de leur activité pro-fessionnelle. Cependant, jamaiscette forme de populisme n'a pudéboucher sur une action politiqueconsciente, se cantonnant à desréactions pulsionnelles sans len-demain, sans jamais comprendreque le seul vecteur d'action du-rable demeurait l'État.

Alors, comment définir le popu-lisme et l'organiser sur le plan po-litique ? Le populisme doit d'abordêtre envisagé comme une concep-tualisation politique du peuple àpartir d'une prise de consciencede son antagonisme à l'égard desélites qui ne le représentent plus.Dans un deuxième temps, il doitincarner un modèle de société quifait fi d'une conception modernedes droits de l'homme pour luipréférer la défense des libertésdes hommes dans le réel, c'est-à-dire dans le respect du principede subsidiarité. Un État ayant pourdoctrine le populisme ne s'arro-gera pas le droit de décider ounon de l'interdiction de fumer, nide prendre un arsenal répressif àl'encontre des automobilistes. En-fin, dans un troisième temps, lepopulisme proposera l'unité d'ac-tion des hommes en fonction deleur activité, de leurs lieux de vieet de leur statut social. Il n'op-posera plus les Français en fonc-tion de critères idéologiquesgauche-droite, solidarisant dansl'enceinte de l'UMP, par exemple,un grand banquier avec un petitpatron de PME et, au PS, un chan-teur millionnaire avec un ouvriersmicard. Il défendra l'éthique dela proximité et de l'enracinementcomme garant de la liberté del'homme contre les processus oli-garchiques. Un nouveau bloc deconstitutionnalité permettra, parexemple, de contrôler l'action del'État non plus dans une logiquedroit-de-l'hommiste, mais avecune finalité populiste de défensedes libertés locales et des inté-rêts du peuple.

La conquête de l'État

À l'inverse de George Orwell et deMichéa, qui ne proposent pas d'al-ternative politique, la doctrinepopuliste envisage la conquête del'État comme indispensable à lamanifestation du pouvoir dupeuple contre les oligarchies. L'É-tat symbolise également l'opposi-tion au mondialisme et c'est pour-quoi le populisme du XXIe siècle,loin dénoncer la puissance pu-blique, en fera un acteur incon-tournable pour faire naître lesbases d'une société populiste. C'estpourquoi l'État total, selon lesmots de Carl Schmitt, aura voca-tion à interpénétrer tous les ordressociaux pour contrecarrer l'Étattotal ennemi. Il entreprendratoutes les actions nécessaires pourreconstituer le tissu familial vo-lontairement démantelé par l'É-tat ennemi, pour promouvoir lestatut des associations, des syn-dicats de professions, des conseilsd'arrondissement, des provinces.Il ne s'agit donc en aucun cas d'es-quisser les contours d'une sociétéidéale, ni de proposer un systèmepolitique alternatif finalisé, maisbien d'ouvrir les champs de ré-flexion et d'études pour que lapensée politique renaisse descendres du conformisme. C'estainsi, par exemple, que les ma-gistères de Charles Maurras, deSainte-Beuve, des penseurs de lacommunauté, du socialisme Fran-çais, de la décroissance pourrontêtre réactualisés et redécouvertsen vue de fonder la nouvelle pen-sée politique alternative au mon-dialisme. n

Jean Goursky

o IDÉES

Repenser le populismeAppelant le peuple à reprendre le pouvoir contre les oligarchies, les partisansdu populisme entendent construire une nouvelle doctrine politique sur les cendres du conformisme.

Le populisme transcende le clivage gauche-droite.

CONTRACEPTION

La RépubliquemalthusienneLE GOUVERNEMENT prétendtravailler à « mieux adapterle parcours contraceptif aumode de vie des femmes ». Àcet effet, il a lancé une cam-pagne de communication à latélévision, au cinéma et surInternet qui s'est achevée le29 novembre. De plus, avantla fin de l'année, les infir-mières pourront renouvelerune prescription de contra-ception orale et les pharma-ciens une délivrance decontraceptif. En outre, le prixdes pilules a été revu à labaisse, alors que leur achatdemeure pris en charge à 65 %par l'assurance... maladie. Mais cela demeure insuffisantaux yeux de Bérengère Po-letti, député UMP des Ar-dennes – formée par ailleursau métier de sage-femme.Soucieuse de « permettre unmeilleur accès à la contracep-tion notamment pour les mi-neures », elle a déposé uneproposition de loi en ce sens,enregistrée le 22 novembre àla présidence de l'Assembléenationale. Selon l'exposé desmotifs, « même si chacun re-connaît que la cellule fami-liale est le lieu idéal de dia-logue pour accéder à l'infor-mation et à la prescription,force est de constater qu'ilexiste malheureusement denombreuses familles au seindesquelles ce dialogue est im-possible à établir ». Cette proposition de loi vise àmettre en place « un disposi-tif anonyme et gratuit deprescription et de délivrancede méthodes contraceptivespour toutes les mineures sou-haitant y accéder ». De façonà « permettre à toute inté-ressée de se rendre sans dé-bourser le moindre centimechez un professionnel desanté prescripteur – gynéco-logue, généraliste ou sage-femme – puis si nécessairedans un laboratoire pourd'éventuels examens biolo-giques et enfin chez un phar-macien pour la délivranced'une contraception adaptée àson âge et à sa situation per-sonnelle mais faisant l'objetd'une prise en charge par lesrégimes obligatoires d'assu-rance maladie ». Par ailleurs,afin d'assurer « une meilleureorganisation de l'offre desoins gynécologiques sur leterritoire », les services uni-versitaires de médecine pré-ventive et de promotion de lasanté seraient autorisés à dé-livrer une contraception d'ur-gence. Enfin, dans les régionsaffectées par un fort recoursà l'avortement et des difficul-tés pour en organiser la priseen charge, des sages-femmespourraient être autorisées,pendant deux ans, à pratiquerdes interruptions volontairesde grossesse par voie médica-menteuse. q

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z 6 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2829 – Du 1er au 14 décembre 2011

Société

o Notre personnel politique dé-voile un peu plus ses intentionsou ses ambitions. Sur le cha-pitre du nucléaire, parexemple, Jean-Pierre Chevène-ment stigmatise le « triomphede "l'idéologie de la peur" for-malisée en Allemagne au len-demain de la Seconde Guerremondiale par le philosopheHans Jonas ("l'heuristique de lapeur") et plus récemment parle sociologue Ulrich Beck ("lasociété du risque"). Cette idéo-logie a déjà contaminé notreconstitution avec un "principede précaution" qui n'a rien descientifique. Or, le risque zéron'existe nulle part. L'Alle-magne va construire dix cen-trales thermiques au charbonpour remplacer les réacteursnucléaires qu'elle ferme. Or,l'industrie charbonnière fait2 500 à 3 000 morts par an(contre deux à Fukushima). »(Le Monde, 22 novembre)

o Sur ce point, nous renverronsnos lecteurs à l'ouvrage de ré-flexion scientifique de Jean deKervasdoué, La peur est au-dessus de nos moyens : pouren finir avec le principe deprécaution (Plon, 2011), dontle propos ridiculise celui deCorinne Lepage, pour qui « sinous ne changeons pas d'ur-gence notre fusil d'épaule etn'investissons pas massivementdans un vaste "plan renouve-lable", nous allons regarderpasser sous notre nez une oc-casion unique de réindustriali-sation de la France »(Le Monde, 22 novembre).Comment envisager, une seuleseconde, de vouloir confier lepouvoir à une de ces harpiesnucléarophobes qui subordon-nent la relocalisation indus-trielle de la France à des éner-gies aussi limitées qu'aléa-toires, telles que le charbon ou le vent ?

o François Hollande, le candi-dat recyclé du système UMPS,peine à trancher avec autoritéface à des Verts envahissantset hystériques. C'est le tempé-rament tiède de ce Corréziend'adoption né à Rouen qui,d'après Éric Zemmour, « selonune approche traditionnelle dejudoka, fait de sa faiblesse uneforce, de ses limites, unatout ; de son souci d'éviter leconflit, la marque de sa vo-lonté conciliatrice, négocia-trice, démocratique. De sa ron-deur, une protection. De sapeur des conflits, un refus dela violence, très en vogue àune époque qui privilégie lesvaleurs féminines » (Le Spec-tacle du monde, novembre2011). C'est un peu ce qui ca-ractériserait le Béarnais Bay-rou, dont « l'acharnement qu'il

met dans ses joutes politiquesest du même ordre que celuiqui lui a permis dans l'enfancede surmonter son bégaiement »(Le Nouvel Observateur, 25 no-vembre), tout comme le mol-lasson Morin qui déborde d'au-dace politique en proposant« une troisième voie [qui] a unnom, c'est la semaine des37 heures » (Marianne, 22 no-vembre). Cet âne républicaindevrait rejoindre le bègue ho-noraire, ce qui lui épargneraitde réfléchir.

o Se pourrait-il qu'un jour, onpuisse enfin écouter des gensintelligents et adopter leurpoint de vue ? Minute (23 no-vembre) rapporte la questionposée par l'éditorialiste duNew York Times à propos de la« débâcle de l'euro » : « Pour-quoi le Japon, beaucoup plusendetté que l'Italie, [peut-il]emprunter à 1 % contre 7 %pour l'Italie ? Pourquoi leRoyaume-Uni emprunte-t-il àun peu plus de 2 %, alors queson budget est nettement plusen déséquilibre que celui del'Espagne, qui emprunte à prèsde 6 % ? » Parce que, répondPaul Klugman (prix Nobel d'éco-nomie 2008), « en adoptantl'euro, l'Espagne et l'Italie sesont en fait réduites elles-mêmes au statut de pays dutiers monde, obligés d'emprun-ter en devises étrangères, avecencore moins de souplesse. Lesnations de la zone euro nepeuvent pas faire marcher laplanche à billets, même en casd'urgence, elles sont enmanque de financement,contrairement aux nations quiont conservé leur propre mon-naie ». CQFD.

o Revenant sur l'attentatcontre le local de CharlieHebdo, Denis Tillinac a cetteremarque intéressante :« Usés, blasés, résignés, les ca-thos n'osent plus réagir quandleur Dieu et ses saints sonttournés en dérision. Ils sontmême tentés de hurler avecles loups du laïcisme radicalquand des musulmans s'indi-gnent des caricatures silhouet-tant Mahomet en poseur debombes. En quoi ils ont tort :la haine de l'islam est unleurre qui dissimule une récu-sation foncière de la transcen-dance, héritage commun » auxtrois monothéismes (Valeurs ac-tuelles, 17 novembre). C'est dire, en effet, qu'il nefaut pas se tromper de combat.Le christianisme bafoué doits'opposer à l'islam conquérantsur notre sol, par les seulesarmes intemporelles d'une foiinébranlable et d'une identitéassumée.

Aristide Leucate

Au fil de la presseOù il est clair que l'élection présidentielle de 2012 ne différera pas de ses devancières, par les promesses pléthoriques et sans lendemain qu'elle donnera à entendre de la part des candidats. Mais il est une constante qu'on retrouvera également :l'absence de courage devant les tabous.

Que penser de l'interpella-tion du Premier ministrepar Roselyne Bachelot au

sujet de l'emploi du terme "Ma-demoiselle" dans les documentsofficiels ? S'agirait-il d'une urgencemanifeste dans le cadre de sonministère ? L'usage de "Mademoi-selle" mettrait-il en péril la soli-darité et la cohésion sociale ? Dif-ficile à soutenir ! Mme Bachelotveut-elle faire un petit buzz au-tour de sa personne ? S'agit-il demontrer que la gauche n'a pas lemonopole des postures moder-nistes et attrape-bobos ? Hypo-thèses infiniment plus vraisem-blables !

La case de trop

R. Bachelot apporte donc son sou-tien à la campagne « Mademoi-selle, la case en trop » lancée parles Précieuses ridicules des asso-ciations Osez le féminisme et lesChiennes de garde. Or le discoursde ces deux petites coteries, quiprétendent comme de coutumeparler au nom de toutes lesfemmes, se signale d'abord parson outrance. Il s'agit non seule-ment de supprimer "Mademoiselle"dans les documents administra-tifs mais aussi d'éradiquer son em-ploi dans la vie de tous les jours.Ce deuxième aspect est révéla-teur de la tendance totalitairepropre à une partie de la gauche :

ces gens-là ne se contentent pasd'avoir des opinions, ils veulentaussi régir la pensée et la parolede leur prochain. Leur manièred'argumenter est elle aussi révé-latrice : « Certaines femmes ap-précient en effet de se faire ap-peler "Mademoiselle" : c'est flat-teur, ça renvoie l'image [sic] dela jeune femme jolie, fraîche, sé-duisante, et d'aucunes apprécientce qu'elles considèrent commeune marque de politesse et degalanterie de la part de leur in-terlocuteur. Qu'y a t-il de poli envérité à nous montrer qu'onconnaît tout de notre vie privéeet à nous laisser entendre qu'onest à moitié finie parce qu'on apas de mari et qu'on ne bénéfi-cie pas ainsi de vrai statut dansla société ?! Parce que c'est biende cela dont il est question, dansle fond : le statut des femmesdans la société. »

Paranoïa féministe

Cette longue citation prise sur lesite lancé pour l'occasion par lesdeux associations (madameou-madame.fr) suffit à montrer lamauvaise foi et la paranoïa quianiment le collectif. En effet, d'unstrict point de vue linguistique,la plus élémentaire honnêteté de-vrait faire reconnaître que quandun locuteur emploie "Mademoi-selle" pour interpeller une femme,c'est toujours, aujourd'hui, en rai-son de l'âge de son interlocutriceou pour flatter une femme plusâgée en lui signalant par ce moyenqu'elle conserve des moyens deplaire. Mais non, dans la penséehystérique de ces féministes, ilest évident que tout homme quiinterpelle une jeune femme sousle vocable de "Mademoiselle"veutpar là violer son intimité, s'im-

miscer dans sa vie privée et peut-être sa conscience, la stigmati-ser, l'insulter, lui signifier qu'ellea rapidement intérêt à se trou-ver un maître ! Etonnant phéno-mène de transfert qui voit lesChiennes de garde projeter surles mâles contrits et repentantsde notre temps leur propre esprittatillon, suspicieux et inquisito-rial... Étonnant anachronismeaussi qui considère implicitementque dans la société actuelle, oùle mariage est pourtant de moinsen moins fréquent, une femmenon mariée serait dépourvue de« statut ».

La femme Bachelot

Il est vraisemblable que le terme"Mademoiselle" continuera long-temps encore à habiter poéti-quement les conversations et celatant que les féministes n'aurontpas obtenu la prohibition de lagalanterie, cet art français de laséduction. En revanche, il est plusque probable qu'il disparaîtra belet bien dans les documents offi-ciels. Aucun usage, aussi ancienet vénérable soit-il, ne saurait eneffet résister longtemps au cou-peret de l'idéologie égalitaire. Il nous reste pour finir à formu-ler un vœu : que l'on rende à "Ma-demoiselle" mais aussi à "Madame"leur sens originel, qui en réser-vait l'usage aux filles et femmesde qualité (en prenant évidem-ment ce dernier terme dans uneacception beaucoup plus large quecelle qu'il avait sous l'Ancien Ré-gime). Ainsi nous pourrons refu-ser l'un et l'autre à la femme Ba-chelot et à toutes les "chiennesde garde" de son espèce. n

Stéphane Blanchonnetwww.a-rebours.fr

o FÉMINISME

Demoiselle en détresseDistinguer les femmes selon leur âge ou leur situation familiale apparaîtintolérable aux yeux de Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, qui veut en finir avec l'appellation "Mademoiselle".

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2829 – Du 1er au 14 décembre 2011 7 z

Monde

D'ici au Conseil européen des8 et 9 décembre, on devraitsavoir avec un peu plus de

précision à quelle sauce communenous serons mangés. Cependant,la réunion tripartite de la semainedernière à Strasbourg, où se sontrencontrés Angela Merkel, Nico-las Sarkozy et Mario Monti, nou-veau chef du gouvernement ita-lien, a ouvert des pistes de ré-flexion et indiqué une direction –vers toujours plus de rigueur, évi-demment.

Merkel inflexible

Autant le dire d'emblée, c'est lechancelier allemand qui a imposéson point de vue. Au sommet deBruxelles sera proposée une mo-dification des traités européensafin d'y inscrire une discipline bud-gétaire plus contraignante que cen'est le cas actuellement. Sarkozyn'était pas hostile à une telle mo-dification des traités, mais il es-pérait obtenir en contrepartie l'as-sentiment de Merkel afin qu'àl'avenir la Banque centrale euro-péenne puisse jouer un rôle ac-cru pour circonscrire la crise dela dette. Peine perdue. Le chan-celier a répété haut et fort que« la BCE est indépendante » etque la modification des traités nesaurait concerner l'institution ban-caire de Francfort. Autrement dit,pas question que la BCE rachètesans restriction – en faisant fonc-tionner la planche à billets – dela dette des États en difficulté.Et, par conséquent, pas questionde mutualiser la dette par le truchement d'euro-obligations,comme le réclamait également laCommission de Bruxelles. Chefd'État d 'un pays qui se voitcontraint d'emprunter à des tauxtoujours plus élevés par rapportà l'Allemagne – conséquence,

entre autres, des menaces pesantsur sa note AAA –, Nicolas Sarkozya dû accepter le schéma imposépar Angela Merkel.Selon les Allemands, plus groscontributeurs au capital de laBanque centrale européenne, lalimitation de l'inflation dans lazone euro demeure la premièremission de la BCE. Cette prioritéest inscrite dans ses statuts, aux-quels Merkel refuse justement detoucher, du moins dans les cir-constances actuelles. « Il faut quenous coopérions pour garder uneuro stable et fort », a déclaréla chancelière, car, a-t-elle sou-ligné, « l'euro est un projet po-litique ». Le problème est quel'euro n'en est plus au stade duprojet. Aux yeux de nombreuxanalystes, il a même échoué endevenant, assure le professeurJean-Jacques Rosa, un « actiftoxique ».

L'hinterland occidental de l'AllemagneMais en "politisant" l'euro, on peutse demander si Angela Merkeln'ouvre pas la voie à une Europeà deux vitesses. En tout cas, savision est claire. Lors du sommetdu 9 décembre, et peut-êtreavant, elle proposera – de concertavec Sarkozy, la France étant de-venue l'hinterland occidental del'Allemagne politique – une ré-forme des traités européens envue d'une « future union fis-cale ». Une proposition qui court-circuite les projets de la Com-mission Barroso portant sur desthèmes proches, et qui mettra enavant les exigences allemandespour une meilleure gouvernancede la zone euro.Avant de songer à assouplir lesrègles de la BCE, il s'agit de res-serrer les boulons budgétaires.

Concrètement, le chancelier sou-haite que les pays contrevenantaux critères du pacte de stabilité– au nombre desquels la Franceet l'Allemagne pourraient secompter – puissent être traduitsdevant la Cour européenne de jus-tice ; dans le même esprit, Mer-kel préconise la nomination d'uncommissaire européen aux fi-nances qui aurait le pouvoir d'in-tervenir sur les budgets des paysen difficulté et de veiller à l'ap-plication de programmes de re-dressement. Ce n'est qu'ensuite,après que les pays de l'Eurolandse seraient convertis à la rigueurprussienne, que pourraient êtreintroduites les euro-obligations.

La fin d'un tabou

Il faudra voir ce qu'il restera deces desiderata germaniques aulendemain du Conseil européen.Merkel devra peut-être mettre de l'eau dans son schnaps, d'au-tant que son pays commence àconnaître des tensions sur sonpropre marché de la dette. Enoutre, pour faire modifier les trai-tés européens, il faudra en prin-cipe obtenir l'assentiment desVingt-Sept, et pas seulement desdix-sept États de la zone euro. Cequi suppose la mise en marched'une lourde machinerie qui risqued'être dépassée par la rapiditéd'adaptation des marchés et desspéculateurs. Sans parler de laméfiance des Britanniques, quicroient discerner dans le projetallemand les prémices d'une Eu-rope à deux vitesses. Non sansraison : selon un journal domini-cal allemand, Merkel et Sarkozyprépareraient un coup de forcevisant à mettre en place un pactede stabilité et de croissance ex-clusif, limité à quelques pays dela zone euro.Au vrai, la situation est si vola-tile qu'il semble bien hasardeuxde parier sur le moyen ou longterme. En témoigne d'ailleursl'avertissement que Merkel et Sar-kozy ont adressé à Monti : « Unécroulement de l'Italie amèneraitinévitablement la fin de l'euro. »La disparition éventuelle de l'euron'est donc plus un sujet tabou, auplus haut niveau politique commedans la communauté économico-financière. Évoquant le cas del'Italie, un banquier suisse assu-rait récemment (Le Temps du21 novembre) qu'« une réintro-duction de la lire avec une déva-luation significative résoudraitson problème de compétitivité.Les créanciers internationaux pâ-tiraient d'une dette libellée à pré-sent en lires, mais pas les créan-ciers domestiques. » L'euro exis-tera-t-il encore dans un an ? Oubien sera-t-il devenu un euro-mark ? Voilà un bon sujet de dé-bat à la veille d'échéances élec-torales. n

Guy C. Menusier

o TRAITES EUROPÉENS

L'ultime ligne de défenseDans la tourmente de la crise, submergés par la pression des marchésfinanciers, Berlin, Paris et Madrid agitent une projet de réforme institutionnelle censé sortir l'Europe de l'impasse.

Les Belges peuvent espérer un gouvernementpour la Saint-Nicolas, maisplutôt que le grand saint, c'est le père Fouettard qui le leur apportera.

LA DÉGRADATION de la Belgiquepar Standard & Poor's, l'épée deDamoclès brandie par la Com-mission européenne, ont provo-qué le branle-bas de combat. Làoù il avait fallu cinq cent trenteet un jours pour trouver des ac-cords, dix-sept heures suffirentpour boucler le budget 2012 etanticiper sur les prochaines an-nées jusqu'en 2015. Soyons debon compte. Les problèmes ins-titutionnels ont occupé les deuxtiers de la négociation. Ce n'est"que" depuis un mois et demique le projet de budget étaitsur la table.Mais ces derniers jours l'affronte-ment entre libéraux (surtout fla-mands) et socialistes conduisaità la rupture. À tel point qu'ElioDi Rupo referma ses dossiers etquitta la table pour aller voir leroi dans les Ardennes, dans sonchâteau de Ciergnon. Albert II,comme prévu, refusa sa démis-sion et, à nouveau, tança lespartis. Toute confiance entrepartenaires semblait atomisée.Elle l'était. Mais la perte du"AA+" constitua l'électrochoc. Alexander De Croo, le jeune,trop jeune président des libé-raux flamands, renonça à exigerl'abandon de l'indexation des sa-laires, mais en contrepartie, leformateur et ses amis socialistesconcèdent des réformes doulou-reuses en matière de soins desanté, de réduction des dépensespubliques et repoussent l'attribu-tion de la pension complèteaprès... quarante-cinq ans detravail accompli.On ne s'étonnera pas dès lors dela fronde syndicale. Un avenirtrès proche nous dira si elle semuera en révolte. Dès à présentles propos sont rudes : « budgetinéquitable », « agitation socialeinévitable », « comportement ir-

responsable » sont les expres-sions entendues dans les rangssyndicaux, tant socialistes quechrétiens et libéraux. Avec lesens de la formule, le présidentdes syndicats chrétiens estimeque « la classe business s'ensort à peu près indemne, mais oncompte de nombreux blessésdans la classe economy ».Pas si sûr. C'est tout l'équipageet tous les passagers qui sontdurement secoués par les turbu-lences des marchés. Et pourtant,bien des éditorialistes craignentque cet accord budgétaire arrivetrop tard. D'autant plus, commel'écrit Véronique Lamquin dansLe Soir, que « le pays est demoins en moins gouvernable ».Dans le contexte, sinon à toutebrève échéance, du moins, d'icipeu, l'absence de bilinguisme dufutur Premier ministre apparaî-tra comme peu supportable parles néerlandophones. Dans saconférence de presse il a inter-verti des termes en néerlandaisen les confondant, ce qui adonné ce résultat cocasse devoir Elio Di Rupo « boire »("drinken") les dépenses plutôtque de les «réduire » ("drin-gen"). « Pour le premier Premierministre francophone depuis Le-burton (en 1973-1974) à la têted'un gouvernement qui n'a pas lamajorité en Flandre, cela peutdevenir gênant », relevait le ré-dacteur en chef du Standaard,dont on sait toute l'influence,ceci avant même que le gouver-nement soit constitué. Dans sahotte, Saint-Nicolas ferait biend'apporter un Assimil néerlandaisà Elio Di Rupo. En espérant quecela suffise... q

Charles-Henri Brignac

ESPAGNE

Mariano Rajoy au pouvoirLE PARTI POPULAIRE a remporté,sans surprise, les élections orga-nisées en Espagne le 20 no-vembre. Mais s'agit-il d'une vic-toire de la droite ? « C'est unesorte de neutralité plus oumoins centriste ettechnicienne » qui accède aupouvoir, comme en Grèce et enItalie, voire en Irlande, soutientle géopolitologue Olivier Kempf.Le nouveau Premier ministre,Mariano Rajoy, devra pourtantassumer « des responsabilitésfort politiques », écrit-il sur sonblog. « En effet, pour la pre-mière fois depuis la sortie dufranquisme, un parti bénéficierade tous les leviers du pouvoir :

municipalités, régions et [...]gouvernement. Cela signifie quela pression budgétaire va avoirdes traductions politiques : eneffet, 20 % du déficit espagnolest imputable aux régions.[...]L'État va devoir faire pres-sion et au besoin gommer cer-taines autonomies, trop dispen-dieuses. Autrement dit, la crised'une part, et l'homogénéisationpolitique d'autre part, vont fa-voriser un mouvement de recen-tralisation de l'Espagne ». Mais cela ne se fera pas sansheurts. D'autant qu'il faudracompter avec la Catalogne, où lagauche conserve son influence« à la tête de la région à la foisla plus riche, la plus endettée etla plus indépendantiste ». En outre, la crise rendrait d'autant plus criante l'atonie démographique qui affecte le pays... q G.D.

Le chancelier refuse d'ériger la BCE en "prêteur en dernier ressort" des États membres de la zone euro.

BELGIQUE

Une agence de notationsiffle la fin de partie

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z 8 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2829 – Du 1er au 14 décembre 2011

Monde

Décolonisez l'Afrique ! Cetitre, en forme de boutade,est une exhortation que

l'africaniste réputé Bernard Luganformule à l'adresse des Africainsdans son dernier opus écrit commeun manifeste. L'auteur non confor-miste y livre un réquisitoire enrègle à la fois contre les Africains,mentalement prisonniers du « pa-radigme de la culpabilité euro-péenne qui les déresponsabilise »,mais aussi contre les Occidentauxqui maintiennent ces derniers sousla tutelle incapacitante d'une« aide publique au développementqui les infantilise ».

Indépendances factices

Ayant déjà lui-même dénoncé parailleurs, y compris dans ces co-lonnes, les absurdités et les erre-ments idéologiques qui ont préci-pité le continent noir dans le ma-rasme actuel, l'auteur de ces lignessouscrit entièrement aux analyseset coups de gueule de l'africanistelyonnais. En sept chapitres agré-mentés d'une cartographie claireet vivante, le tout réuni dans unouvrage aéré de deux cents pages,Lugan prolonge ses écrits anté-rieurs (et les actualise, par lamême occasion) et énonce un cer-tain nombre de propositions quilui confèrent un caractère origi-nal et, jusque-là, inédit. En maurrassien méthodique, ledirecteur de la revue en ligneL'Afrique réelle commence pardresser le constat sans appel d'uneAfrique totalement recoloniséependant le « demi-siècle perdudes fausses indépendances » desannées soixante. Trois facteurs deblocage empêchant l'Afrique dese prendre réellement en mainsont isolés. D'abord, « la primautédonnée à l'économie », notam-ment par les diktats du Fonds mo-nétaire international et de laBanque mondiale, « alors quenous sommes devant une évidencede politique d'abord ». Ensuite,

« le refus de prendre en comptela notion de différence » au nomd'un universalisme angélique quifait fi « d'un cas avéré d'incom-patibilité des cultures », parceque « les Africains ne sont pasdes Européens pauvres à la peaunoire ». Enfin, « le postulat dé-mocratique » qui débouche surune ethno-mathématique indivi-dualiste et égalitaire qui conduità nier la réalité fondamentale dufait ethnique. Les problèmes structurels del'Afrique ne seront donc jamais ré-glés si l'on persiste dans des sché-mas erronés et obsolètes, idéolo-giquement biaisés et politique-ment inefficaces. Bernard Luganépingle sévèrement les papes del'africanisme français (Chrétien,Amselle et Coquery-Vidrovitch,pour les plus médiatiques) qui,aveuglés par leur vision marxistede l'histoire, ont contribué àl'émergence d'un négationnismeethnique, d'autant plus criminel(cf. l'exemple du Rwanda) qu'ilpermit à la majorité des dirigeantsafricains (tout au moins dans lasphère francophone, mais pas seu-lement) de se maintenir durable-ment au pouvoir.

Le fait ethnique

Or, les faits sont têtus et « l'ac-tualité montre que l'histoire del'Afrique s'écrit autour de ses eth-nies », phénomène résurgent de-puis les années quatre-vingt-dixet qui n'a cessé de prendre del'ampleur. Revenant sur les conflitsrécents au Soudan, en Éthiopie,en Côte-d'Ivoire, au Nigéria, enGuinée, au Kenya et en Afrique duSud, Lugan met en évidence unetectonique ethnique instable quipulvérise littéralement les mo-dèles occidentaux de la frontièreet de l'État démocratique et ré-vèle leur inanité. Si cette dernièrenotion « est étrangère à l'Afriquesub-saharienne où les sociétés sontcommunautaires, hiérarchisées,

solidaires et territorialisées », lapremière, « réalité inconnue etmême souvent incompréhensibleen Afrique », a introduit unegrande perturbation des « grandséquilibres humains ». Les crises qui secouent l'Afriqueont leur origine dans la périodecoloniale ainsi que dans les doc-trines messianiques de « l'homme"citoyen du monde" interchan-geable », prônée, dès le XIXe

siècle par une « gauche socia-liste, humaniste, universaliste,imprégnée de la culture révolu-tionnaire française [qui] s'estcrue, hier, investie de la missionde l'imposer aux autres dans latotale ignorance de ce qu'ilsétaient ». Cyniques et opportu-nistes, complètement dépasséspar leurs utopies, les racistesd'hier qui en appelaient au « de-voir des races supérieures d'atti-rer à elles celles qui ne sont pasparvenues au même degré de cul-ture » (Léon Blum, 9 juillet 1925),renversent, par une rhétoriquediaboliquement efficace, l'argu-ment pour l'imputer à ceux quis'opposent à ce que la France de-vienne « la colonie de ses [an-ciennes] colonies », selon le motd'Édouard Herriot, clairvoyantbien que radical.

La traite moderne

Le socialo-libéralisme, idiot utiled'un capitalisme dont l'agressivitén'a d'égale que la crise qui l'af-fecte, s'est rallié au faux-nez del'immigration choisie, « formecontemporaine de la traite » se-lon le professeur Lugan. En sai-gnant ainsi l'Afrique de ses cer-veaux les plus brillants, les gou-vernants, sous la pression avidedu patronat, ne font, en réalité,que promouvoir, sous un nouvelhabillage, un immigrationnismeprétendument inéluctable et for-cément positif. La décolonisation mentale et idéo-logique de l'Afrique passe doncpar sa réappropriation par les Afri-cains eux-mêmes, soit une ré-afri-canisation totale et décomplexée,affranchie, tant du paradigme desa victimisation, que des modesoccidentales qui lui furent tour àtour imposées : « marxisme, so-cialisme, libéralisme, tiers-mon-disme, transfert des technologies,bonne gouvernance, appropria-tion locale des politiques, ajus-tement structurel, conditionna-lité de l'aide, développement en-dogène autocentré, formation desformateurs, industries industria-lisantes, et bien d'autres encoreen attendant de nouvelles for-mules ». Il reste, nonobstant, duchemin à parcourir... n

Aristide [email protected]

3 Bernard Lugan, Décolonisezl'Afrique !, Ellipses, 176 p.,16 s.

o BERNARD LUGAN

Réafricaniser l'AfriqueDans son dernier livre, Bernard Lugan appelle à décoloniser l'Afrique, qu'il jugeruinée par les pressions économiques de l'Occident, pillée par l'"immigrationchoisie", minée par la démocratie... Un réquisitoire sans appel.

COMORES

Des nouvellesd'AnjouanDANS NOTRE dernier numéro,nous avons évoqué des troublesà Anjouan survenus au cours duweek-end du 11 novembre 2011.Quid de la situation ?L'édition de lundi 14 novembre2011 de France-Mayotte évoque,sur deux pages, un coup d'Étatraté. En fait, si tous les ingré-dients étaient bien réunis pourune conflagration, c'est un cer-tain amateurisme des élémentsles plus jeunes du mouvementqui semble avoir fait "capoter"l'opération de prise de l'île parles séparatistes et les ratta-chistes. Prévenues par des fuiteset des bavardages, les "autorités"ont fait procéder assez rapide-ment au démantèlement desbarrages par l'armée, de sorteque les éléments les plus aguer-ris du mouvement sont restéesen retrait – provisoirement, àn'en pas douter !L'"Union" des Comores a euchaud et, pour preuve, pasmoins de dix personnes ont été

arrêtées (selon le Magazine del'océan Indien). Huit personnesont été transférées à Moroni et,selon leurs proches, font l'objetde mauvais traitements. Où sontles défenseurs des droits del'homme ?Nous reviendrons sur le sujetdans des éditions ultérieures car,comme le relève Maurice Cal-mein, président de SOS-Outre-Mer, il est fort regrettable qu'enFrance, le monde politique etmédiatique reste indifférent àceux qui se réclament de notredrapeau et manifestent l'amourde notre pays. q

Jean-Michel Weissgerber

Un pont détruit par la guerre civile en Angola

RDC

Nouveau mandatpour J. Kabila Plus de 32 millions de Congolais étaient appelésaux urnes le 28 novembrepour élire président et députés.

RENÉ DUMONT, l'homme au pull-over rouge, ancien candidatécolo, avant la lettre, à l'élec-tion présidentielle, disait avecjustesse que « l'Afrique est malpartie ». Et mal arrivée ! Ellen'en finit pas d'arriver. De 1994 à2003, sur l'immense étendue dela République démocratique duCongo (RDC), l'ex-Zaïre, et lesterritoires qui la bordent, tel leRwanda, il y a eu environ cinqmillions de morts. Lundi dernier, onze candidatss'affrontaient pour la présidencede la RDC, et dix-huit mille pourles cinq cents sièges de l'assem-blée nationale. Joseph Kabilaétait candidat à sa succession. Ilétait donné gagnant malgré unbilan mitigé : une croissance de7 % inégalement répartie ne faitpas oublier le chaos ni les vio-lences toujours présentes ; lesinfrastructures se résument àdavantage de pistes que deroutes. Dans l'Est, sa popularité,si grande lors des premièresélections en 2006, s'est forte-ment érodée en raison de sonincapacité à tenir en lisière lesbandes armées.Il est question d'une improbablerévision du code minier, mais,pour l'heure, les sociétés étran-gères mettent les gisements encoupe réglée. Parmi elles, lesplus grands prédateurs sont lesChinois. En 2006, alors que nousétions nous-même observateurdes élections en RDC, il nous estarrivé de parler avec des offi-ciers chinois en uniforme... Le

nouveau colonialisme a peu dechoses à voir avec le paterna-lisme d'antan. Productivité etrentabilité en constituentl'unique impératif. Dans la constellation des candi-dats à la présidentielle, un nomse détachait. C'était celui d'É-tienne Tshisekedi, vieil opposant– soixante-dix-neuf ans ! –, vété-ran déjà de l'opposition à Mo-butu puis à Laurent-Désiré Ka-bila, père de l'actuel président.Pressé pour avoir trop attendu, ils'est proclamé président avantque s'ouvrent les premiers bu-reaux de vote, et a appelé sespartisans à libérer ceux des leursqui se trouvent en prison. Il estl'opposant, le plus connu, le plusmédiatique, mais il n'est passeul. C'est là que le bât blesse :l'opposition est écartelée. La présente élection, à la diffé-rence de celle de 2006, s'est dé-roule dans une relative indiffé-rence nationale. Dès lundi ma-tin, les jeux paraissaient faits.Reste que pour les encadrer, dix-neuf mille "soldats de la paix",ceux de la Monuc (Mission desNations Unies en République dé-mocratique du Congo), sont de-meurés sur place. Électionslibres ? En tout cas, sous hautesurveillance. q

Charles-Henri Brignac

Page 9: ENTRETIEN AVEC JEAN SÉVILLIA :HISTORIQUEMENT … · xxx 3:HIKLKJ=XUYUU\:?c@i@m@t@a; M 01093 - 2829 - F: 4,00 E 4 s N°2829 65e année Du 1erau 14 décembre 2011 Paraît provisoirement

L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2829 – Du 1er au 14 décembre 2011 9 z

Monde

Le 22 novembre, les deux centdix-sept députés élus de laConstituante tunisienne ont

solennellement commencé leurstravaux au palais du Bardo. À l'ex-térieur du Parlement, des cen-taines de militants des droits del'homme et des associations fé-ministes manifestaient pour ex-primer leur inquiétude et exigerle respect de la mention des li-bertés fondamentales et de l'éga-lité homme-femme dans la consti-tution. Ceux-là, les grandeschaînes de télévision ne les ontpas montrés.Avec 40 % des voix des 50 % devotants, les islamistes d'El Nahadaont obtenu quatre-vingt-neufsièges. Ce parti va former une"coalition" avec une formation sa-tellite, le Congrès pour la libertéde Moncef Marzouki (vingt-neufsièges) et un parti "social-démo-crate", Ettakatal (vingt sièges).Les postes clés sont déjà distri-bués. Les islamistes auront leposte de Premier ministre avecM. Hamidi Jébali et, entre autres,les ministères de l'Intérieur, doncle contrôle de la police et des ser-vices spéciaux, de la Justice et

des Affaires étrangères. Marzouki,médecin résidant jusqu'il y a peuà Créteil où il était souvent in-terrogé par les médias français,connu surtout pour son ambitiondémesurée, sera élu président dela république, poste plutôt hono-rifique, et M. Ben Jaafar, le chefd'Ettakatal, a déjà été élu à latête de l'assemblée constituante.Les deux autres partis n'aurontque des ministères techniques.Autrement dit, le pouvoir revientpratiquement aux islamistes.

Typologies islamistes

Que fera le nouveau pouvoir tu-nisien ? La presse française a dé-crété que Jabali est un « islamistemodéré ». Il est vrai qu'il soignebeaucoup ses déclarations, saufqu'il fait référence au califat is-lamique, et que Marzouki, quecette même presse française qua-lifie d'homme de gauche, se dit« conservateur islamique » et qu'ilsuggère de bâtir une société« arabo-musulmane » d'où lalangue et l'influence françaisesseront bannies ! D'autres chefsdu nouveau régime réclament l'in-

terdiction de la consommation etde la vente d'alcool, ce qui signi-fierait la fin du tourisme, princi-pale source de richesse du pays.Un autre a assimilé le célibat desfemmes à une forme de perver-sion. Le directeur de la chaîne detélévision qui avait "osé" pro-grammer et diffuser le film Per-sepolis a été déféré à la Justicepour blasphème...La transition tunisienne se trans-forme déjà en un processus d'is-lamisation rampante dont les vic-times arriveront bientôt à Cré-teil... ou ailleurs. Mais elles neseront pas montrés sur nos écransde télévision. Il faudra suivre lesévénements au jour le jour. Lespressions des groupes islamistess'exerceront sur le pouvoir qui vadétruire la laïcité de l'État et dela société tunisienne. Les femmesseront progressivement éliminéesdes postes de responsabilité sousprétexte de collaboration avecl'ancien régime. Il faut malheu-reusement constater que la Tuni-sie est mal partie, que cela plaiseou non à nos bien-pensants. n

Pascal Nari

ÉLECTIONS

Incertitudes en ÉgypteLes premiers scrutions se déroulent en Égypte dans un climat de forte agitation.

CE LUNDI MATIN, au moment oùnous écrivons, les électionségyptiennes ont commencé. Ap-paremment sans incidents ma-jeurs. L'armée a tenu bon et n'apas cédé devant les manifesta-tions violentes (une quarantainede morts) de la place Tahrir, quiréclamaient un transfert immé-diat du pouvoir aux civils – àqui ? – avant même le déroule-ment du scrutin, lequel aura lieuen trois étapes.Le nombre de ces manifestants,que la presse occidentale a pré-sentés comme les animateurs de« la seconde révolution égyp-tienne », n'a jamais dépassé unepetite centaine de milliers. Ce,dans la capitale de quinze mil-lions d'habitants et un pays desoixante-quatorze millions. Uneinfime minorité. Mais l'écho mé-diatique, surtout en Occident,était très important.Ces manifestations étaient en-couragées par les Frères musul-mans, pourtant donnés favorisdu scrutin. Ils auraient préféréprendre d'abord le pouvoir et or-ganiser ensuite, eux-mêmes, lesélections. Dans le dernier parle-

ment, celui élu sous le présidentMoubarak, ils disposaient, déjà,d'environ 20 % des sièges. Cettefois, les sondages leur en don-nent un gros tiers, ce qui n'estpas suffisant pour gouverner.D'où leur intérêt à organiser eux-mêmes le scrutin pour obtenir lamajorité absolue.Les premiers résultats devaientêtre connus mercredi soir. Onsaura définitivement le 2 dé-cembre pour qui auront voté lesgrandes villes où les électionsont eu lieu. Le reste du pays vo-tera d'ici le mois de janvier2012. La junte militaire parvien-dra-t-elle à maintenir l'ordre etun minimum de légalité d'ici là ?Il faut le souhaiter.La réalité de la situation est quel'Égypte profonde, plongée dansla crise, l'insécurité et le chô-mage grimpant, gronde et aspireà un retour de l'ordre et à la re-prise de l'activité et de la vienormale. L'immense majorité dela population n'a que faire desjeux politiciens et des images de la place Tahrir. Ce grand pays arabe parviendra-t-il à sortir de l'impasse ? Premiers éléments de réponse dansquelques jours. q P.N.

o TUNISIE

L'islamisme rampantGrands vainqueurs des élections du 22 novembre, les islamistes d'El Nahada se partagent les responsabilités à la tête de la Tunisie. Au "printemps arabe"pourrait donc succéder, comme annoncé, l'hiver islamiste.

L'ACTION FRANÇAISE 2000

Bulletin à retourner avec un chèque à l'ordre de la PRIEP à :L'Action Française 2000 10 rue Croix-des-Petits-Champs 75001 PARISCCP Paris 1 248 85 A

3 Civilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3 Code postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Commune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Téléphone. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Courriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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BULLETIN D'ABONNEMENT

OTAN

Moscou élève le tonLe bouclier antimissiledemeure une pomme de discorde entre l'Otan et la Russie.

LE 17 NOVEMBRE, l'Otan a an-noncé avoir franchi une étapeimportante du développement desa capacité de défense antimis-sile (DAMB). À l'occasion d'unexercice organisé sous laconduite de l'Allemagne, elle aprocédé avec succès à un pre-mier tir d'interception. Détectantune menace simulée, un navireaméricain a aussitôt transmis l'in-formation à une batterie situéeen Crête. À peine cinq minutesse seraient écoulées entre le départ du missile cible et l'enga-gement final.Il s'agit toutefois de protéger unthéâtre d'opérations, et non unepopulation tout entière – une ca-pacité dont les Alliés prévoientnéanmoins de se doter, au granddam de Moscou. Le 23 novembre,Dmitri Medvedev a prononcé à cesujet « une déclaration sans pré-cédent », rapporte le Courrierinternational. Le président russemenace de déployer des missilesbalistiques à la frontière de laPologne et de la Lituanie. De sonpoint de vue, « il ne s'agirait pasde couvrir l'Europe contred'éventuels missiles iraniens maisbien d'en profiter pour contrer ladissuasion nucléaire russe, etdonc de dynamiter potentielle-

ment le dernier symbole de laparité stratégique russo-améri-caine », selon les explicationsd'Oliver Kempf publiées par At-lantico. La Russie s'inquiéteraittout particulièrement des « ra-dars de veille qui, s'ils sont offi-ciellement dirigés vers le Moyen-Orient, risquent tout aussi biend'espionner le territoire russe etd'affaiblir ainsi le système dedissuasion de Moscou ». Mais pourquoi protester mainte-nant ? Peut-être le Kremlinsoigne-t-il sa popularité à l'ap-proche des échéances électo-rales. À moins qu'il tente d'ex-ploiter les divisions entre répu-blicains et démocrates, quidevraient se traduire par descoupes sévères dans le budgetdu Pentagone. Or, prévient Oli-vier Kempf, « les différents lob-bies américains vont lutter férocement pour que le coupe-ret ne tombe pas sur leur programme ». Un message serait adressé égale-ment au Vieux-Continent :« Pour les Russes, alors que lacrise empire, montrer indirecte-ment le poids budgétaire de laDAMB à des Européens déjà ré-tifs à l'effort de défense, sur-tout en ces temps de disettebudgétaire, cela permet enoutre de favoriser une diffé-rence entre les deux rives del'Atlantique. L'enjeu est alors deplus long terme : constituer unecommunauté de sécurité euro-péenne élargie (comprendre :avec les Russes) conformément à l'objectif géopolitique foncierde Moscou depuis quelques an-nées. » Affaire à suivre. q G.D.

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Arts & Lettres

Les talents scéniques deLorànt Deutsch font trop sou-vent oublier que ce jeune ac-

teur est aussi féru de littératureque passionné d'histoire et amou-reux de Paris. Il vient de réaliserun film d'un peu plus d'une heuresur le "Paris de Céline", dans le-quel ses talents se conjuguentpour le plus grand bonheur duspectateur, ou plutôt du télé-spectateur. Ce document sera eneffet diffusé le 13 décembre pro-chain sur la chaine Histoire. Lorànt Deutsh nous entraîne sur

les pas de Louis-Ferdinand en s'in-dignant d'abord de constater l'ab-sence quasi totale de rappels desa présence dans les lieux où il avécu, comme dans ceux où il aexercé sa profession de médecinou son génie d'écrivain. On dé-couvre les vestiges de la boutiquedans le passage Choiseul, lieu del'enfance ; le modeste cabinet dumédecin et le dispensaire où ilexerça dans le Clichy des annéestrente, banlieue pauvre et parfoissordide ; le Montmartre des an-nées d'occupation, village de gens

simples et d'artistes dominant laville, la villa de Meudon, demeuredes dernières années.Tour à tour guide gouailleur dansles rues de Paris et de sa banlieueet comédien disant avec âme lestextes de Céline, Lorànt Deutschmultiplie les anecdotes. L'œuvresignée par Patrick Buisson, mêleimages actuelles et archives au-diovisuelles, extraits de films del'époque où apparaissent RobertLe Vigan, Frehel, Gen Paul et sesœuvres. Un clin d'œil de LoràntDeutsch au spectateur: une fleurde lys accrochée au mur d'un desappartements de Céline, commeune signature de l'acteur qu'onsait royaliste dans l'âme. Son livreLe Métronome, qui retrace l'his-toire de Paris et des rois qui s'ysont succédé, connaît d'ailleursun grand succès de librairie.

Vibrant hommage

Ce document vivant et émouvantdépasse le niveau du simple do-cumentaire. C'est, encore unefois, l'affirmation que pour jugerune œuvre, pour apprécier songénie, les esprits bien faits sa-vent s'affranchir du "politique-ment correct" et de l'indifférenceofficielle. C'est une œuvre, unhommage dont on regrettera sim-plement que les contraintes té-lévisuelles aient limité la duréede certaines scènes et que lachaîne qui la diffuse ne soit pasaccessible à tous. n

Arnaud Danloux-Dumesnils

3 Paris Céline, chaîne Histoire,mardi 13 décembre à 20 h 35 ;rediffusion les vendredi 16 dé-cembre à 18 h 30 et dimanche18 décembre à 14 h 35.

CINÉMA

Les films de décembreo Le Chat Potté – El Gato Des-perado ! Apparu aux côtés deShrek, l'ogre vert des marais duroyaume de Fort-Fort-Lointain,le Chat Potté, animé par la voixd'Antonio Banderas en VO, de-vient une "star" à part entièredes studios Dreamworks, devantla caméra de Chris Miller. Avantd'être l'hidalgo-desperado signantson nom à la pointe de l'épéed'un "P" qui veut dire Potté et dedevenir, avec panache, un redou-table amant et tombeur à la voixchaude de ces minettes, il étaitune fois, donc, un chaton migno-net élevé dans un orphelinat.C'est là, à la suite d'un exploit,qu'il gagna ses bottes, son cha-peau et son épée. C'est-là aussiqu'il devint l'ennemi public nu-méro 1 par la faute de son faux-jeton de pote HumphryAlexandre Dumpty. Des annéesplus tard, ce dernier regagne laconfiance du Chat Potté et l'en-traîne, malgré lui, dans une em-brouille malhonnête : voler àdeux margoulins des haricotsmagiques qui, une fois plantés,pousseront jusqu'aux nuages oùvit la fameuse Oie aux œufs d'or.Et le Chat Potté de se retrouverdans une galère monstre en com-pagnie de cet œuf mollet du ge-nou d'Humphry et d'une ravis-sante et rusée minette voleusedu genre Catwoman sur un toitbrûlant, Kitty Pattes de Velours,voix de Salma Hayek en VO, quiva lui friser les moustaches... Sice long métrage du genre hom-mage aux westerns spaghettifonctionne à merveille les qua-rante-cinq premières minutes,faute d'un scénario touffu et d'unmanque d'humour plus griffu, lematou malin perd l'équilibre – etle spectateur, y compris le jeunepublic – jusqu'au final. Dom-mage. On aurait aimé ronronneravec ce matou malin, mais c'estloupé. Il manque le coup degriffes qui aurait fait la diffé-rence !

o Rhum Express – Années 1950-1960. Porto Rico, sa moiteur, sa"douceur de vivre", ses journa-leux imbibés de rhum et suant,ses hommes d'affaires véreuxtendance mafieux mouillés dansdes contrats immobiliers dou-teux... C'est-là, dans cette îlesoi-disant paradisiaque, que dé-barque Paul Kemp, Johnny Depp,journaliste-écrivain lassé de savie new-yorkaise. Embauché aumodeste journal local, le SanJuan Star, il adopte rapidementle rythme de la vie locale maisaussi la boisson locale. Dans lafoulée, et entre deux cuites, iltombe également sous lecharme de Chenault, AmberHeard, jolie "sirène" et petiteamie d'un agent immobilier vé-reux qui lui propose de mettresa plume à son service pour van-ter les mérites de son projet im-mobilier hors-la-loi qu'il a mis aupoint avec quelques fonction-naires corrompus du coin. Qu'ilaccepte ou refuse, son choixfera de toute manière desvagues... En portant à l'écran lelivre de Hunter S. Thompson,auteur notamment de Las VegasParano, qui s'est suicidé en fé-vrier 2005, le réalisateur BruceRobinson signe un film "d'atmo-sphère", une balade moite auxeffluve de rhum et plus imbibéequ'un baba au rhum. Une am-biance et un climat à la Heming-way qui valent bien une petiteivresse divertissante dans lesbas-fonds de Porto Rico.

Alain Waelkens

ROMANS

Enquêtes et uchronieo L'émoi est grand quand, au collège Saint-Christophe, l'on découvre le cadavre dupère de Coursensac. Scandale affreux : leprêtre s'est suicidé. Y a-t-il un lien entrece décès et la lettre anonyme envoyée àMe d'Arsonval, notaire bergeracois, avertiqu'une main malveillante s'apprêtait à em-poisonner sa nouvelle épouse, leur fils auberceau et lui-même ? Gédéon, le fils aîné,adolescent en révolte, a fort mal pris ceremariage précipité et le père de Cour-sensac était son parrain... Quand la po-lice découvre dans sa chambre de sacri-lèges enregistrements de ses confessions,dans lesquelles il se vante de pensées cri-minelles, le doute ne semble plus permis.D'ailleurs, Gédéon s'est enfui. Mais toutcela ne serait-il pas trop simple ? Il s'agitd'un roman policier, certes, dont l'épilogue,amoral, s'avère réjouissant, mais d'abordd'une satire cruelle, un peu facile quoiqueparfois juste, du catholicisme post-conci-

liaire, où Montheillet, alias Gédéon, enraison de ses provocations et ses audaces,bien dans l'air du temps, se prend un peuvite pour le diable. Le peinera-t-on en luidisant qu'il ne choquera pas grand monde,et que son père de Coursensac, trop ai-sément dépassé par les provocations deson pénitent, se noie dans un verre d'eau,bénite, bien entendu ?

o En ce printemps 1780, l'arrivée de Nec-ker aux affaires, censée réduire le déficitde l'État, se traduit par un conflit ouvertavec Sartine, ministre de la Marine, qui,engagé dans la guerre contre l'Angleterreet le soutien aux Insurgents, a besoin defonds colossaux. Appelé à constater le dé-cès suspect d'un contrôleur général de laMarine, Nicolas Le Floch de Ranreuil, com-missaire aux affaires spéciales, découvreque certains sont prêts à tout pour mettrela main sur les papiers du défunt, suscep-tibles de perdre Sartine. Pris entre saloyauté envers le ministre, son dévoue-ment au roi, en but à la hargne de la reine,menacé de toutes parts, ne sachant plusoù sont amis et ennemis, Le Floch doit dé-mêler secrets d'État, combinaisons finan-

cières et intérêts privés, avant que les ser-vices anglais s'en chargent. Avec cette neu-vième enquête du commissaire Le Floch,toujours fervent catholique et royaliste,Parot retrouve sa verve et donne une in-trigue policière de bonne tenue tout encontinuant, avec le même talent de la re-constitution et les mêmes scrupules his-toriques, son très vivant tableau du Parisde Louis XVI. Excellent.

Une France impériale

o J'ai déjà expliqué le principe de la sé-rie "Jour J" : à telle date, cruciale, de l'his-toire, l'événement qui décida de la suiten'a pas eu lieu, l'avenir a pris un tour dif-férent. C'est le principe de l'uchronie. Ima-ginons donc qu'en 1802, Bonaparte, rai-sonnable, et l'Angleterre, épuisée par deuxdécennies de guerre, n'aient pas rompu lapaix d'Amiens. L'Empire s'est bâti, a per-duré et s'étend désormais jusqu'à la fron-tière chinoise, la France possédant tout lecontinent eurasien, tandis que la Grande-Bretagne règne sur les océans, et sur uneAmérique où les États-Unis n'ont pas sur-vécu. La paix semble définitive entre les

deux superpuissances. Pourtant, en cet au-tomne 1925, la situation internationale setend : qui, des Anglais, des Chinois, desnationalistes européens décidés à libérerleur patrie, cherche à déstabiliser le mondeen organisant un attentat à Paris le jourdu sacre de Napoléon V ? Radié de l'ar-mée, le capitaine Nerval n'a que quelquesjours pour récupérer la monstrueuse armenucléaire mise au point par son filleul, etdérobée par une espionne nommée MataHari. La survie de l'Empire et la paix endépendent. Comme toujours, tout est as-sez crédible dans ce scénario inquiétant,ce qui crée le sentiment de malaise quifait l'efficacité de la série. Mais, si l'onpeut admettre un Hitler chef fanatisé dela Sainte Vehme, il est plus agaçant devoir, au nom du politiquement correct, sur-gir un colonel Pétain instigateur de laconflagration finale... n A.B.

3 Hubert Monteilhet, Les Confessions dudiable, Fallois, 180 p., 16 euros ; Jean-Fran-çois Parot, L'Honneur de Sartine, 10-18,475 p., 8,60 euros ; Fred Duval et Jean-PierrePécau, Vive l'empereur !, Jour J 7, Delcourt,56 p., 13,95 euros.

o TÉLÉVISION

Dans le Paris de CélineLorànt Deutsch convie les téléspectateurs à revisiter Paris en compagnie de Louis-Ferdinand Céline, dont on commémorait cette année le cinquantenaire de la mort.

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Arts & Lettres

Le livre, une histoire vivante,de l'universitaire australienMartyn Lyons, a de quoi,

a priori, séduire ceux qui entrenten transe dans les librairies et nepeuvent s'empêcher, chez des in-connus, de scruter les rayonnagesde bibliothèque. Il s'agit, à l'heureoù des fâcheux prédisent la dis-parition du support papier tué parle numérique, de raconter l'in-vention de l'écriture, l'apprentis-sage de la lecture, la fabricationdu papyrus, du parchemin, du pa-pier, le passage du volumen aucodex, la calligraphie, l'imprime-rie, l'essor de l'imprimé, la nais-sance des libraires et des éditeurs,leur emprise sur les écrivains.Vaste sujet, soutenu par une ico-nographie abondante.

Gâchis anglo-saxon

Pourquoi faut-il qu'il soit, commesouvent avec les Anglo-Saxons,gâché par des à-peu-près et laméconnaissance de tout ce quin'est pas anglophone ? Ne pasrendre aux Phéniciens ce qui leurest dû dans la mise au point del'alphabet grec, croire que Le Ditdu Genji, premier chef d'œuvrede la littérature japonaise, est lepremier roman de l'histoire litté-raire mondiale, en oubliant lesromans grecs tel Daphnis et Chloé,attribuer à la maison Smith en1910 l'idée du roman "de gare"que Hetzel produisait en massedès 1860, relève-t-il de l'igno-rance, de la mauvaise foi, de laprécipitation ? Quoi qu'il en soit,c'est la crédibilité de l'ensemblequi souffre de ces erreurs...Ces dernières années, les éditionsOuest-France ont publié plusieursouvrages de fond consacrés aumont Saint-Michel. Raison pourlaquelle Le Tour du Mont en 1 300ans de David Nicolas-Méry et Fran-çois Saint-James laisse une im-pression mitigée. En fait, il s'agitmoins de raconter l'histoire agi-tée du rocher de l'Archange quele regard porté dessus de l'exté-rieur. Ce qui a survécu, dans lesarchives manchoises, aux bom-bardements de 1944, permet dereconstituer, à travers des docu-ments, une partie de ce passé.Tour à tour lieu de prière et depèlerinage, place stratégique en-rageant les Anglais durant laguerre de Cent ans, prison d'État,« crapaud dans un reliquaire »selon l'expression de Hugo qui ensouhaitait la destruction, haut lieudu tourisme, la Merveille a tou-jours drainé vers elle les curieuxou les foules. À grand renfort defac-similés dissimulés dans lespages, de l'image pieuse au car-tulaire en passant par les plans,affiches publicitaires de cheminde fer et brochures de syndicatd'initiative, c'est cet aspect "com-mercial" de la dévotion au Princede la milice céleste que met en

avant ce curieux livre "gadget" où le ludique et l'illustration l'ont définitivement emporté sur letexte.

Renaissance

À contre-courant de ce qui s'estfait sous l'influence de l'école desAnnales, prompte à mépriser lesindividus pour ne s'intéresserqu'aux masses, Robert C. Davis etElizabeth Lindsmith proposentavec Hommes et femmes de laRenaissance, les inventeurs dumonde moderne, les portraits dequatre-vingt-quatorze person-nages, célébrissimes ou non, dontils estiment à raison qu'ils ont, duXIVe siècle à l'aube du XVIIe, forgél'histoire du monde par leur pou-voir, leur intelligence, leurs dé-couvertes, leurs talents ou leurérudition. Prises dans l'ordre chro-nologique, richement illustrées,sous couverture toilée ivoire, cescourtes notices offrent une gale-rie où se côtoient Chrysoloras,universitaire byzantin à l'originedu renouveau de l'hellénisme enEurope, Biondo qui redécouvrit laRome antique, Christine de Pisan,Catherine de Médicis, Isabelled'Este, Marguerite de Navarre,Érasme, Machiavel, Charles-Quint,Palestrina, Josquin des Prés, Cé-sar Borgia, Castiglione, Bernardinde Sienne, François-Xavier, Thé-rèse d'Avila, des saints et des bri-gands, des hommes de l'ombre etd'autres du grand jour, des savantset des aventuriers, des courti-sanes et des artistes, dans unechaîne de destins croisés. Mais leplus intéressant est l'honnêteté

de l'analyse sur une période tropsouvent magnifiée au détrimentdes "ténèbres médiévales", les au-teurs soulignant la violence, lasuperstition et la férocité de gé-nérations d'ordinaire louées pourdes vertus contraires.Les Médicis sont la parfaite illus-tration de ces contrastes. Ils fi-rent de Florence la perle desvilles, cœur de l'humanisme et desarts, tout en gouvernant d'unepoigne de fer, au point qu'il restedifficile de passer devant la Si-gnoria sans penser aux cadavresdes Pazzi pendus aux balcons aprèsl'échec du complot qui coûta lavie à Julien mais rata Laurent leMagnifique, son aîné, lequel nerata pas ses opposants... Le ca-talogue de l'exposition Trésor desMédicis tenue en 2010 à Paris nes'arrête pas à ces détails et meten valeur l'extraordinaire politiquede mécénat de la dynastie, tanten Toscane qu'à Rome, à traversses papes, voire en France grâceà Catherine et Marie, et la pas-sion de collectionneurs de cesprinces, à l'origine des premiersmusées d'Europe, qui rassemblè-rent dans tous les domaines ce quise faisait de plus beau et de plusprécieux. À côté des tableaux,sculptures, antiques, le cataloguerévèle l'intérêt des Médicis pourles sciences, la musique, les "artspremiers", les gemmes, les auto-graphes. Il eût fallu y ajouter, ceque l'exposition ne pouvait faire,l'architecture et l'art des jardins,le tout porté à une perfection in-égalable. Les derniers Valois, encela, furent très Médicis, et plusencore Louis XIV.

En bâtissant Versailles, le Roi So-leil s'inscrit dans cette logique ita-lienne héritée de sa grand-mère,en ayant le génie d'en faire le chefd'œuvre du Beau à la française.On a tellement vu le palais et leparc qu'ils semblent ne plus pou-voir nous surprendre. GuillaumePicon et Francis Hammond y par-viennent pourtant avec un livresplendide, Versailles, invitationprivée. Ils vous ouvrent les portesd'appartements, bâtiments, jar-dins fermés au grand public. Peude texte, hormis les légendes etdes citations de mémorialistes,mais, à travers des clichés de dé-tails ou de vues d'ensemble à cou-per le souffle, l'impression que letemps s'est suspendu et que vousvenez de faire un bond de deuxou trois siècles en arrière. Del'Orangerie à la Chapelle, du Ha-meau de la reine aux grand et aupetit Trianon, des bains d'Apollonà la chambre de Mme de Pompa-dour, des écuries à l'opéra, voiciVersailles comme vous l'avez tou-jours rêvé : inoubliable.

Un autre Versailles

Vous le complèterez avec Le châ-teau de Versailles raconte le mo-bilier national, récit du patienttravail qui permit de remeublerle palais soit avec des objets enprovenant, dispersés lors de la Ré-volution, en France ou à l'étran-ger, soit par d'autres similaires ve-nant de demeures royales ou deministères. Chaque meuble re-trouvé et restauré fait l'objet d'unenotice circonstanciée retraçantson histoire et sa remise en état.

C'est aussi un hommage au Mobi-lier national depuis sa créationpar Louis XIV, à Thierry de Villed'Avray, qui paya de sa tête sa fi-délité à Louis XVI, à ses conti-nuateurs, et aux artisans qui oeu-vrent à cette sauvegarde.Si Versailles demeure le modèleinégalé et inégalable, d'autres dy-nasties européennes s'essayèrent,au fil du temps, à donner d'elles-mêmes l'image la plus flatteuseet la plus fastueuse possible.Fastes et grandeur des cours d'Eu-rope est le catalogue de l'exposi-tion qui s'est tenue l'été dernierà Monaco. À travers des joyaux,meubles, pièces d'argenterie, ser-vices de table, œuvres d'art, voicirevivre, les cours de Louis Ier dePortugal, Victoria, Léopold de Bel-gique, Philippe V d'Espagne, Fran-çois-Joseph, Alexandre II, Wilhel-mine, celles des rois de Bavière,Norvège, Saxe, Prusse, Suède, Da-nemark, Naples et Turin, et biensûr celle de Monaco. Il règne làun désordre chronologique et géo-graphique surprenant, on peut dé-plorer le choix de Napoléon et Jo-séphine pour représenter la courde France, mais l'abondance debeaux objets et de gros plans thé-matiques sur une œuvre ou un su-jet donnés (l'ambre cadeau royalprussien, la porcelaine de Meis-sen, les Russes sur la Côte d'Azur)donnent un aperçu d'une politiquede prestige plus durable et fé-conde que les manifestations àprétentions artistiques de nos mo-dernes démocraties.

Un Paris disparu

Passons pour finir des splendeursmonarchiques au quotidien po-pulaire avec les photographies queRobert Doisneau consacra auxHalles de Paris de 1950 à leur des-truction sous Pompidou. Les pa-villons Baltard, qui avaient re-présenté sous Napoléon III le sum-mum du progrès et de l'hygiène,furent accusés, cent ans plus tard,d'être d'immondes trous à ratsd'une saleté repoussante et vouéscomme tels à la démolition. Lesphotos de Doisneau participèrentd'un mouvement d'indignation desParisiens qui voulaient sauver l'en-droit. Sans succès. Restent ce té-moignage, rassemblé par Vladi-mir Vasak, d'une vie difficile, d'uneFrance qui se levait tôt et tra-vaillait dur, et des gueules, gran-dioses, d'hommes et de femmesqui incarnaient un Paris aujour-d'hui disparu. n

Anne Bernet

3 Martyn Lyons, Le Livre, une his-toire vivante, Ouest-France, 225 p.,30 s ; David Nicolas-Méry et Fran-çois Saint-James, Le Tour du Monten 1 300 ans, Ouest-France, 115 p.,32 s ; Robert Davis et ElizabethLindsmith, Hommes et femmes dela Renaissance, Flammarion, 335 p.,34,90 s ; collectif, Trésor des Mé-dicis, Skira-Flammarion, 270 p.,40 s ; Guillaume Picon et FrancisHammond, Versailles, invitation pri-vée, Skira-Flammarion, 320 p.,75 s ; collectif, Le château de Ver-sailles raconte le mobilier natio-nal, Skira-Flammarion, 280 p, 45 s ;collectif, Fastes et grandeurs descours d'Europe, Skira-Flammarion,370 p., 49 s ; Vladimir Vasak, Dois-neau, Paris Les Halles, Flammarion,160 p., 30 s.

o CHRONIQUE DES LIVRES

L'histoire sur papier glacéLes livres d'histoire aussi se déclinent, à Noël, en version luxe magnifiquement illustrée. Mieux vaut cependant savoir ce que cachent ces belles façades, le contenu n'égalant pas toujours le contenant.

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Histoire

Les éditions Pygmalion vien-nent de publier un livre deSuzanne Varga, volumineux

mais point du tout pesant, mêmeélégant, fort documenté et riched'une grande culture historique,littéraire et artistique, sur Phi-lippe V, roi d'Espagne, petit-filsde Louis XIV, le premier Bourbonrégnant sur ce pays et fondantune nouvelle maison dont décou-lèrent bientôt les Bourbon-Parmeet les Bourbon-Siciles.

Le dur destin des princes

Tout est dit de la grande prudencede Louis XIV qui prit dans le plusgrand secret la décision d'accep-ter le testament du dernier Habs-bourg d'Espagne, le vieux et ma-ladif roi Charles II qui donnait lasuccession du trône ibérique à sonpetit-neveu Philippe, duc d'Anjou,âgé alors de dix-sept ans, lequelse trouvait être aussi le petit-filsde Louis XIV et de l'infante Ma-rie-Thérèse, et l'arrière petit-filsde Louis XIII et de l'infante Anned'Autriche. Décision cornéliennepour le vieux roi de France : ac-cepter c'était, outre se souvenirdes liens civilisateurs très étroitsqui unissaient les deux pays de-puis des siècles, faire disparaîtreà jamais la menace de la prise entenaille de la France par un nou-veau Habsbourg ou un de leursamis montant sur le trône outre-Pyrénées, mais c'était aussiprendre le risque, en ayant cettejeune monarchie à protéger, d'uneguerre générale contre les Étatsde l'Europe entière qui regar-daient déjà le royaume deCharles II comme une proie à s'ar-racher bientôt...Suzanne Varga étudie avec ungrand sens de la psychologie ceque fut le drame de Philippe, filsdu Grand Dauphin de France, quiaimait tant Versailles et qui ido-lâtrait son frère cadet le duc deBourgogne, d'être ainsi pris au dé-pourvu par le dur destin desprinces. Mais le devoir primaitalors chez ces âmes bien nées quisentaient le sang royal couler dansleurs veines et que l'on n'appelaitpas encore du nom ridicule d'ado-lescents. Philippe, jeune princemélancolique, accueilli par unejoie débordante dans la péninsuleibérique, d'abord soumis à la forcedes événements, n'attendit paspour montrer sa valeur le nombredes années. Il se prit à aimer sonnouveau royaume et ses « chersEspagnols » dès qu'il eut à les me-ner à la bataille contre l'Europecoalisée, même parfois contre laFrance du Régent, duc d'Orléans,et à courir le risque de la mortparmi eux. Réformant les tribunaux, proté-geant les Arts, le commerce etles manufactures, fondant la bi-bliothèque royale de Madrid, ilimprima alors à la monarchied'outre-Pyrénées une tournure

nouvelle, offrant ainsi l'apportde la sagesse de la France clas-sique au tempérament efferves-cent de l'élite espagnole, un peuavant que la Révolution dite fran-çaise vînt entraîner la décadencede deux royaumes.

Chacun chez soi

Il ne fut jamais question d'annexerl'Espagne à la France. Louis XIVavait été clair le matin du 15 no-vembre 1700 en annonçant à Ver-sailles à Philippe qu'il régneraitsur l'Espagne : « Soyez bon Espa-gnol, c'est présentement votrepremier devoir ; mais souvenez-vous que vous êtes né Françaispour entretenir l'union entre lesdeux nations ; c'est le moyen deles rendre heureuses et de conser-ver la paix de l'Europe. » Doncaccord familial et amical, maischacun souverainement chez soi.« Il importe au repos de la chré-tienté que les deux États soientséparés à jamais », écrivait aussiLouis XIV. Quand, au plus fort dela guerre de Succession d'Espagne(vers 1704), il apparut que Ver-sailles ne pouvait continuer desoutenir l'Espagne sans dommagesgraves pour la tranquillité de l'Eu-rope, c'est alors que le jeune roiadopta pour jamais le pays quil'avait appelé sur le trône. Su-zanne Varga parle d' « émancipa-tion » du royaume avant d'ajou-ter qu'entre lui et son peuple nais-sait une « fervente communion »

car il se sentait « un Espagnolparmi les Espagnols » et « sem-blait être ce qu'apparemment sessujets attendaient de lui : à lafois de la terre et du ciel, bat-tant et priant, réservé et intré-pide, mystérieux et fraternel. »En l'occurrence, il trouva auprèsde son peuple fidèle une de cesréactions vives qui prouvait que,tout accablé qu'il fût, il gardaitassez de vaillance et de fierté na-tionale pour se dévouer au salutde la patrie. Le roi « s'était eneffet hissé à la hauteur des cir-constances embrassant ce qu'ilconsidérait comme les intérêtsexclusifs de son royaume, dansses actions comme dans son gou-vernement ».

Un roi bon espagnol

Bien décidé à ne quittter l'Espagnequ'avec la vie, il accepta sans étatd'âme les renonciations de labranche espagnole des Bourbonsau trône de France enregistréesaux traités d'Utrecht (1712) nonparce qu'elles furent imposées parles nécessités de la guerre et lavolonté de l'Angleterre, maisparce qu'il savait qu'elles étaientconformes aux lois fondamentalesdes deux royaumes. Si dans unpremier temps Philippe eut desvélléités de revenir en France,c'était à cause de l'hécatombe quidépeupla presque toute la des-cendance de Louis XIV entre 1712et 1714, mais dès qu'il s'avéra que

le petit Louis XV, arrière-petit-filsdu vieux roi, vivrait, il renonça àce projet, ne pensant plus qu'àson royaume espagnol auquel ilassurait une abondante dynastiede ses deux épouses successivesMarie -Louise-Gabrielle de Savoieet Élisabeth Farnèse, héritière duduché de Parme. Les renoncia-tions des Bourbons d'Espagne fu-rent solonnellement enregistréesau parlement français et devantles Cortès sur les saints évangileset sous la garantie de Dieu Lui-même. Un tel serment engageaitdeux royaumes chrétiens qui nesauraient songer à le violer.Ce n'est pas tout à fait ainsi que,quatre cents ans plus tard, cer-tains des descendants de Phi-lippe V et leurs partisans voientla question ; partant du fait queles lois fondamentales de primo-géniture mâle sont immuables enFrance, ils ne voient pas que lesmeilleures lois aboutissent auxpires sophismes quand on ne lesconsidère pas dans leur continuitéhistorique, dominée par la cou-tume. En fait, les lois de succes-sion au trône de France (loi d'hé-rédité par primogéniture mâle, loid'exclusion des femmes de la suc-cession, loi d'inéliabilité du do-maine) sont plus le fruit de la cou-tume que du travail en chambrede juristes purs et durs et ont tou-jours été subordonnées au prin-cipe majeur de la sauvegarde dela nation, ce qui exclut toute pré-tention d'un prince descendantd'une branche qui a lié son sortdes siècles durant à un pays étran-ger. C'est le temps qui fonde leslégitimités, or le temps veut queles princes espagnols et leurs des-cendants sont légitimes en Es-pagne, à Parme et en Sicile, nullepart ailleurs...

Retour en France

Suzane Varga n'aborde pas cettequestion dans son grand livre, ellene cite même pas dans son ta-bleau généalogique des Bourbonsd'Espagne le prince Luís-Alfonso,aîné de tous les Bourbons, et qu'aunom de la légitimité stricte cer-tains présentent comme le futurroi de France. Ce prince descendd'un fils d'Alphonse XIII exclu dela succession espagnole au profitdu comte de Barcelone, père deJuan Carlos, le roi actuel. Il estdonc disponible pour servir et lefait qu'il le désire est tout à sonhonneur. Il pourrait aspirer à unehaute mission diplomatique à la-quelle l'appellent son rang et sanaissance. La question de sesdroits au trône d'Espagne ne nousregarde pas en tant que Français.Mais il ne saurait être questiond'oublier quatre siècles de l'his-toire de nos deux pays pour luidonner le trône de France, lequelreviendra, la branche aînée s'étantéteinte en 1883 en la personned'Henri V, comte de Chambord,aux Orléans, descendant de Phi-lippe, duc d'Orléans, second filsde Louis XIII et qui, malgré lesfautes personnelles de quelques-uns d'entre eux, n'ont jamais servique la France. n

Michel Fromentoux

3 Suzanne Varga, Philippe V, roid'Espagne, petit-fils de Louis XIV,Pygmalion, 582 pages, 24,90 euros

o PHILIPPE V

Un Bourbon en EspagnePhilippe V règne sur l'Espagne à partir du 15 novembre 1700. Suzanne Vargabrosse le portrait de ce petit fils de Louis XIV dans une biographie richement documentée, avec un grand sens de la psychologie.

» JEANNE D'ARC

En janvier prochain, nous fê-terons les six cents ans de lanaissance de Jeanne d'Arc. Àl'approche de cet anniver-saire, un colloque lui estconsacré à Paris le samedi3 décembre, à l'initiative del'association Avec Jeanne.15 h 50 : ouverture desportes ; 16 heures : présenta-tion du colloque par ÉricLetty ; 16 h 10 : "Jeanned'Arc chef de guerre, les ori-gines de la légende", par AlainBournazel ; 16 h 35 : "Jeanned'Arc à travers les âges, deFrançois Villon à GeorgesBrassens", par l'abbé Chris-tian-Philippe Chanut ;17 heures : "survivistes et ba-tardisants, les artisans d'unelégende tronquée", par OlivierBouzy ; 17 h 30 : pause ;17 h 45 : "Jeanne d'Arc etl'opinion publique de sontemps", par Olivier Hanne ;18 h 15 : "Une sainte pourtemps de crise, coups desonde dans la vie spirituellede Jeanne d'Arc", par l'abbéGuillaume de Tanoüarn.Espace Bernanos, 4 rue duHavre, Paris 9e ('métro Havre-Caumartin ou Saint-Lazare) ;entrée : 5 euros ; www.avec-jeanne.fr

» AFRIQUE DU NORD

La fondation Algérie-Maroc-Tunisie pour la mémoire de laguerre d'Algérie, des combatsdu Maroc et de Tunisie (prési-dent Claude Bébéar) organiseune première journéed'études le lundi 12 décembreà la Maison de la Chimie(28 rue Saint-Dominique, salle262, Paris 7e), sur le thème"les peuplements de l'Afriquedu Nord, une histoire de mi-grations plurielles". Participe-ront, entre autres, FrédéricGrasset, ambassadeur hono-raire, les professeurs ChantalBordes -Benayoun, MadeleineRouvillois-Brigol, Gérard-Fran-çois Dumont, ancien recteur,Gérard Crespo, et l'historienJean-Jacques Joordi. Tableronde présidée par le profes-seur Jean-François MatteÏ,professeur émérite à l'univer-sité de Nice. Clôture de lajournée Journée par HamlaouiMékachéra, ancien ministrefrançais délégué aux Anciens combattants.

Philippe V d'Espagne

Page 13: ENTRETIEN AVEC JEAN SÉVILLIA :HISTORIQUEMENT … · xxx 3:HIKLKJ=XUYUU\:?c@i@m@t@a; M 01093 - 2829 - F: 4,00 E 4 s N°2829 65e année Du 1erau 14 décembre 2011 Paraît provisoirement

Jules Barbey d'Aurevilly est l'undes romanciers français duXIXe siècle les plus marqués

par le monarchisme et l'ultra-montanisme de Joseph de Maistre,cela dès sa lecture des Soirées deSaint-Pétersbourg en 1838. Il seplace dans la tradition contre-ré-volutionnaire, s'opposant à la Ré-volution française comme à la phi-losophie des Lumières, portant unregard acerbe sur la société bour-geoise de son époque.

Les chasseurs du Roi

Ce regard comme cette idéologies'incarnent dans l'écriture du Che-valier des Touches, un roman his-torique publié en 1864, contantl'enlèvement du chouan JacquesDestouches par les révolution-naires et l'entreprise menée parses amis pour le récupérer. Le ro-man historique permet à Barbeyd'Aurevilly de témoigner de sonidéologie, cherchant ainsi à con-vaincre tout autant qu'à décrire,se servant de la forme propre àce genre narratif pour déployerune pensée touchant à de nom-breux domaines, à la fois philo-sophique, esthétique, historiqueet politique.Le récit nous présente cettechouannerie si vivace, les valeursqui l'animent comme les figuresqui la représentent. Ne cessantde les comparer à quelques per-sonnages ou héros du passé à tra-vers des références à l'Antiquitéou à la culture médiévale, Bar-bey d'Aurevilly nous convie à larencontre de ces « chasseurs duRoi » emplis d'une véritable no-blesse d'âme, « romanesquescomme des héros », prêts à endécoudre face à la Républiquemoribonde. C'est « Dieu et le roi

[qui sont] dans leur cœur ».Il faut garder en mémoire la si-tuation du XIXe siècle : la ques-tion du meilleur régime politiqueest au cœur des problèmes decette époque qui voit se succé-der républiques, empires et mo-narchies jusqu'en 1870. Barbeyd'Aurevilly intervient dans un dé-bat qui fait rage pour défendreun retour strict à l'Ancien Régime.Il en appelle ainsi, dans son ro-man, à une nouvelle chouanne-rie, ses personnages faisant of-fice de modèles sur lesquels nousdevrions prendre exemple pour ladéfense d'« une cause qui repré-sentait l'honneur, la religion, laroyauté, cette triple fortune dela France ».

Nouvelle vision

Barbey d'Aurevilly tend à rompreavec la vision péjorative del'époque des Vendéens et des Nor-mands, souvent présentés commedes sauvages, notamment par Ho-noré de Balzac. Ses personnagesapparaissent comme les derniersgardiens d'un monde révolu, ce-lui des chevaliers médiévaux etde la galanterie française : « Àcôté du royalisme qui y palpitait,il y avait d'autres sentiments,d'autres passions, d'autres en-thousiasmes. La jeunesse ne son-nait pas vainement, en eux, sonheure brûlante. Comme les che-valiers, leurs ancêtres, ils avaienttous ou presque tous une damede leurs pensées dont l'image lesaccompagnait au combat. »Se dresse néanmoins dans cetteœuvre un tableau très pessimistede la situation. Les Chouans ap-paraissent bien seuls dans uneépoque déjà résignée au passagevers un nouveau monde, celui de

la Révolution et de la République,celui du matérialisme et de l'in-dividualisme : « L'amour du roi,la religion, le respect des noblesne venaient que bien aprèsl'amour de leur fait et le besoind'avoir de quay sur la planque. »Dès lors, les quelques chouans quinous sont présentés apparaissentcomme des figures d'exception.Un nouveau clivage se dessine trèsvite au sein du roman, non plusentre les chouans et les révolu-tionnaires, mais entre les chouansfidèles et ceux qui ne le sont quepar profit. Les héros se distinguentdes hommes communs animés parle péché originel ; nous retrou-vons ici la tradition maistriennequi témoigne d'un véritable pes-simisme anthropologique. Barbeyd'Aurevilly nous montre ainsiqu'une bonne cause seule ne suf-fit pas, qu'il faut également êtreun homme à la hauteur de la causeque l'on défend, et c'est tout unretour à l'esprit chevaleresque etaristocratique de l'Ancien Régimequi semble nécessaire.

Sincérité du style

Mais plus encore, c'est par l'usagedes procédés littéraires que Bar-bey d'Aurevilly semble ici en ap-peler à une tradition perdue. Unesincérité est en effet à l'œuvredans ce roman : l'auteur, témoindans son enfance d'une discussionpendant laquelle l'histoire deschouans avait été contée, pro-pose au lecteur de la lui trans-mettre à son tour. Le genre du ro-man historique permet de mêlerimpressions subjectives et réalitéhistorique, se conformant à unetradition médiévale perdue danslaquelle prévalait une transmis-sion orale. Pour l'auteur, disciplede Joseph de Maistre, s'il y a ci-vilisation de l'écrit, celle-ci atrouvé son apogée dans la périoderévolutionnaire et il faut s'y op-poser, revendiquer le retour à lacoutume et à la tradition contrela loi positive, proprement hu-maine et écrite : « toute consti-tution écrite est nulle » (Josephde Maistre, Soirées de Saint-Pé-tersbourg). Toute l'utilisation dulangage par Barbey d'Aurevilly té-moigne de l'importance donnée àla parole et aux diversités lin-guistiques contre l'uniformisationimposée de force par la Révolu-tion. Des expressions normandessont régulièrement utilisées dansson œuvre, accentuant le réa-lisme tout en prônant une pos-ture contre-révolutionnaire :« gare l'eau », « avoir de quaysur la planque », etc. « Je suisplus patoisant que littéraire etencore plus Normand que Fran-çais », disait Barbey d'Aurevilly àla fin du Chevalier des Touches.Quel esprit français et quelle lit-térature s'incarnent pourtant dansson œuvre ! n

Dimitri Julien

AVEC QUELQUES AMIS et un pa-tron, Éric Letty, dont la plumenaguère fit rage et fit mouchedans ces colonnes, sentant levent mauvais se lever sur 2012,nous avons lancé l'associationAvec Jeanne, pensant queJeanne était, plus justementque sainte Rita, la patronne descauses désespérées, la saintede toutes nos crises. La France était une cause per-due, neuf ans après le honteuxtraité de Troyes (1420). Le Pe-tit Roi de Bourges se terrait àChinon. Les Anglais avaient misle siège devant Orléans. C'étaitune question de quelques se-maines et on n'entendrait plusparler des Valois. La Francepourrait devenir anglaise ; sonprince Henri VI serait l'enfant àla double couronne. Quant àCharles, fils de Charles et pe-tit-fils de Charles, il pensaitfuir en Aragon ou en Écosse. EtJeanne, dix-sept ans, pucelleet chef de guerre, en quelquessemaines d'une campagneéclair, délivrant Orléans etanéantissant l'armée anglaise àPatay, rétablit la situation deson Prince.En France, on a l'habitude descauses désespérées et les Fran-çais ne sont jamais si perfor-mants que quand tout a l'airfini pour eux. On peut dire deJeanne d'Arc qu'elle est l'em-blème, qu'elle est le symbolede cette espérance politique.Elle a pu renverser le match quiopposait la France à l'Angle-terre, en utilisant le temps ad-ditionnel : les arrêts de jeu. Entrois semaines, elle a changé levisage d'une guerre de centans. Avant la Pucelle, dit unchroniqueur du temps, cinqcents Anglais pouvaient l'empor-ter sur toute l'armée française.Après la Pucelle, trois Françaismettaient en danger cinq centsAnglais. Mystère de ce que l'onappellera plus tard la FuriaFrancese !Il y a en Jeanne, sur le champde bataille, quelque chosed'une passionaria. Mais elle saits'arrêter et réfléchir. Elle aplus de sens politique que tousles capitaines qui l'entourent.Elle comprend que le sacre de

Charles VII à Reims est plus im-portant que quelques placesfortes regagnées sur la Loire.Elle devine les Français : cedont ils ont besoin, c'est de sereconnaître dans quelqu'un. Etce quelqu'un, ce n'est pas elle,bien sûr, c'est le roi. Symbolede l'espérance politique,Jeanne est aussi celle qui a suréfléchir aux conditionsconcrètes, à la stratégie àmettre en œuvre.Mais aujourd'hui, direz-vous ?Maurice Barrès avait bien vu lamodernité de Jeanne. Saintede la patrie, elle est avanttout la sainte d'un compromisnationaliste à la française, quiregroupe toutes les famillesspirituelles du pays dans unmême élan. Il écrit dans sesCahiers : « Il n'y a pas un Fran-çais dont Jeanne ne satisfasseles vénérations profondes. » Etd'énumérer le royaliste, le cé-sarien, le républicain, le révo-lutionnaire : « Aucun partin'est étranger à Jeanne d'Arcet tous les partis ont besoind'elle. Pourquoi ? Parce qu'elleest cette force mystérieuse,cette force divine d'où a jaillil'espérance. »Reste aujourd'hui à réinventer« les vénérations profondes »qui nous ont fait ce que noussommes. Reste à ressaisir l'héri-tage que chaque Françaistrouve dans son berceau en sedonnant seulement la peine denaître. Nous sommes fiers –trop fiers ? – de notre libertérevendiquée. Mais quelle li-berté est possible si nous n'ap-prenons pas à respecter en-semble ce qui est respectable ?Dans la grande décérébrationde l'Aujourd'hui, n'oublions pasce respect, sans lequel aucunevie sociale n'est seulement pos-sible. Les seuls compromis quivaillent, c'est sur le respectqu'il faut les édifier. q

Abbé G. de Tanoüarn

3 Le samedi 7 janvier à 11 heures,pour le sixième centenaire de lanaissance de Jeanne d'Arc, l'asso-ciation Avec Jeanne fera célébrer une messe dans la cathédrale d'Orléans.

L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2829 – Du 1er au 14 décembre 2011 13 z

Idées

o BARBEY D'AUREVILLY

L'esprit chevaleresqueLe roman historique s'avère un puissant vecteur de valeurs. Témoin, l'œuvre de Jules Barbey d'Aurevilly (1808 -1889), inspirée par la vie d'un héros de la chouannerie.

CHRONIQUE

Jeanne dArc,sainte du compromisUne nouvelle association vient de voir le jour pour entretenir le souvenir de Jeanne dont la figure, symbole d'espoir, transcende tous les clivages.

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z 14 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2829 – Du 1er au 14 décembre 2011

Pour un jeune Français

La question de l'antisémitisme, de la xénophobie et du populisme (I)FRANÇOIS HUGUENIN n'a pas tortde remarquer d'emblée, car c'estune constatation, non un juge-ment, que si « l'image de l'Actionfrançaise est considérablementdégradée depuis cinquante ans,en dépit de son refus viscéral destotalitarismes que d'autres mou-vements célébrèrent sans com-plexe », c'est « pour deux raisonspresque successives » : Vichy etl'antisémitisme (11). D'où un nou-veau chapitre, sur la « Tunique deNessus » que constituerait pourl'AF l'antisémitisme maurrassien.Chapitre ô combien douloureux,compte tenu de la tragédie his-torique. Toutefois, rappelant quepour Maurras l'antisémitisme depeau est un mal (40), et que l'an-tisémitisme maurrassien est « in-assimilable à un antisémitismebiologique à la manière nazie »,pourquoi affirmer quelques lignesplus loin que, même replacé dansson époque, le concept de « Juifsbien nés », « dans son ambiguïtémême, relativise dangereusementla distinction que l'Action fran-çaise a toujours voulu prônerentre antisémitisme d'État et an-tisémitisme de race » (41) ? Com-ment deux termes « inassimi-lables » peuvent-ils être relativi-sés, c'est-à-dire mis en relation etdonc rendus semblables à certainségards, c'est là un mystère logiqueque nous ne saurions résoudre.Peut-on parler de « délire para-noïaque » (42) à propos de Maur-ras seul quand on avoue aussitôtaprès, avec justesse, que son an-

tisémitisme était une « vision alors partagée avec les syndica-listes révolutionnaires de l'ex-trême gauche engagés dans lalutte insurrectionnelle » (ibid.)et que l'on a rappelé auparavantque Clemenceau évoquait, en1898, « le Juif crasseux » au « nezcrochu » (cherchez : vous ne trou-verez pas cela chez Maurras), etque Jaurès dénonçait, après Fa-choda, « dans l'action juive uncas particulièrement aigu de l'ac-tion capitaliste », prônant un « so-cialisme nuancé d'antisémitisme »(38) ? Du reste, s'appuyant sur Mi-chel Herszlikowicz, il reconnaîtpeu après « l'irréductibilité de laposition maurrassienne au racismenazi et à ses conséquences im-médiatement démoniaques »,« jusqu'à l'abandon définitif detout discours antisémite » par l'Ac-tion française (42-3).

L'enkystement intellectuel deMaurras sur la question de l'anti-sémitisme est à la fois suffisam-ment douloureux et réel pour nepas justifier le soupçon d'êtreautre que ce qu'il a été : une per-manence (ignorée de Bainville,abandonnée par Daudet) d'un hé-ritage multiple du XIXe siècle,dont Pierre Boutang a montré qu'iln'était pas essentiel à la penséemaurrassienne. D'ailleurs Hugue-nin remarque, dans la premièremouture, conservée, de son ou-vrage, que « plus la pensée poli-tique de la jeune Action françaises'affine, moins l'antisémitisme ap-paraît » et que la « plupart desantisémites obsessionnels -comme Jules Soury, François deMahy ou Jules Caplain-Cortam-bert - ne se convertiront jamaisau royalisme » (69-70) : il eût putout simplement ajouter le nom

de Drumont, Maurras exprimantpubliquement en 1903 son désac-cord dans La Libre Parole sur lefait que l'antisémitisme pût êtrela pierre angulaire du redresse-ment national. Drumont mettraautoritairement fin aux articlesde Maurras sur le sujet. Alors « dé-lire paranoïaque » ou héritagedépourvu de tout caractère « ob-sessionnel » ?De même, sur la question de laxénophobie et du populisme, leHuguenin nouveau n'évite pas lafacilité de mauvais journalisted'une comparaison avec le... le-pénisme (109), se demandant dansun anachronisme qui n'honore ja-mais l'intelligence, ce que Maur-ras « aurait exprimé face à l'im-migration maghrébine ». Il dé-couvre que, journaliste avanttout, son « discours [...] entre-mêle, notamment dans les ar-

o L'ACTION FRANÇAISE

Une histoire intellectuelleNous commençons, à propos de la nouvelle édition de l'ouvrage de François Huguenin consacré à l'Action française, l'évocation d'un siècle d'histoire intellectuelle, d'autant que l'auteur, révisant certains de ses jugements publiés en 1998, les nuance à l'excès, au risque de verser parfois dans l'incohérence.

IL EST INHABITUEL, nous en avonsconscience, d'ouvrir la critique d'un livre,en l'occurrence d'une « édition revue etaugmentée », par la critique de la cri-tique... C'est pourtant ce que nous avonsfait, sur le site de l'Action française, à pro-pos de la réédition du livre de François Hu-guenin, À l'École de l'Action française, pu-bliée cet automne sous un titre plus neutre,L'Action française, une histoire intellec-tuelle. Et nous ne le regrettons pas 1. D'au-tant que François Sureau, dans Le Figarolittéraire du 9 novembre, semble confirmerle jugement, dépréciatif, de Patrice dePlunkett, que nous avons épinglé 2 : « Peut-être a-t-on exagéré Maurras, et c'est l'im-mense mérite du livre exigeant et subtil deFrançois Huguenin de le remettre à sa justeplace. » Car la même condamnation et, si-non les mêmes contresens, du moins leurexpression convergente, ne laissent pasd'interroger. Qu'est donc l'ouvrage de Fran-çois Huguenin devenu ? En 1998, la parution du livre avait été légiti-mement et unanimement saluée par la cri-tique. D'autant qu'il ne laissait quasimentrien dans l'ombre de la multiplicité de l'in-fluence d'une école de pensée - d'où le titre

originel - sur les plans politique évidem-ment, mais également intellectuel, religieuxet spirituel, littéraire, artistique ou géopoli-tique. Ce balayage de près d'un siècle d'his-toire intellectuelle était fait, nous prévenaitalors la quatrième de couverture, « sans in-dulgence ni manichéisme vis-à-vis des erre-ments de l'antisémitisme ou du ralliementde Vichy d'une partie des intellectuels d'Ac-tion française ». Aujourd'hui, la quatrièmede couverture nous prévient que l'étude estréalisée « sans indulgence vis-à-vis des dé-voiements de l'antisémitisme ou du rallie-ment à Vichy ». Certes, chacun connaît ledicton editore, traditore, mais, tout demême, perce une interrogation majeure :entre 1998 et 2011, François Huguenin se-rait-il devenu « manichéen » ? L'auteur prévient d'emblée : sa nouvelle édi-tion, à ses yeux « définitive », prend nonseulement en considération la bibliographiela plus récente, mais développe également« un certain nombre de points qui, à la re-lecture, [lui] avaient paru insuffisammenttraités », notamment « la xénophobiemaurrassienne », l'antisémitisme, les rela-tions entre l'Action française et le catholi-cisme et l'héritage de la pensée réaction-

naire (Huguenin ayant écrit entre-temps unouvrage justement remarqué sur Le Conser-vatisme impossible), si bien que « la conclu-sion de ce livre [...] est substantiellementdifférente de celle [...] livrée en 1998 »(14-15 3). Comment ne pas s'en réjouir, dumoins a priori ? D'autant que Huguenin nousprévient avoir fort heureusement « retran-ché quelques longueurs parfois ». Nous ver-rons toutefois qu'on n'est jamais si bien trahique par... sa propre modestie. On compren-dra que cette nouvelle « profondeur dechamp » fasse l'objet de notre analyse. q

1 – Nous renvoyons à nos deux articles parussur Internet : http://www.actionfrancaise.net/c ra f / ?PONC IFS -ANT IMAURRASS I ENS -1 et http://www.actionfrancaise.net/craf/?PONCIFS-ANTIMAURRASSIENS-II 2 – Patrice de Plunkett se demande notam-ment, entre autres amabilités : « Commentexpliquer le prestige de Maurras durant les an-nées 1920-1930 ? Que des auteurs de l'enver-gure de Maritain ou Bernanos aient été "mê-lés de si près" à l'histoire de l'Action française,semble une énigme aujourd'hui. »3 – Nous mettons entre entre parenthèses lenuméro des pages.

ticles du quotidien, un niveau dediscours quasi populiste et uneréflexion souvent beaucoup plusdistanciée de l'événement », cequi « crée une confusion dontnous avons encore du mal à sor-tir »... Huguenin n'interroge pasle mot "populiste" dont les réso-nances en ce début de XXIe sièclene sont pas les mêmes qu'à la findu XIXe ou au début du XXe siècle.Mais l'anachronisme, mêlé d'uneétonnante ignorance, atteint unsommet lorsqu'il reproche à Maur-ras d'avoir employé le mot "mé-tèque", « qui renvoie égalementà une insulte courante, liée audélit de faciès » (109), alorsmême que c'est Maurras qui, dansLa Cocarde de Barrès, en 1894,fut... le premier à l'employer enfrançais moderne ! Il ne s'agissaitdonc pas pour Maurras de re-prendre « une insulte courante »,mais d'observer, comme il le dirapar la suite, que « la Républiquefrançaise était sans défensecontre ces hôtes [sens du motmét-èque : celui qui vit sous lemême toit que le citoyen], car ilss'y rendent maîtres de l'Etat dé-nationalisé » (L'Action Françaisequotidienne, 6 mars 1927). L'auteur "revu et augmenté" ou-blie également un peu vite que lejournalisme, avec ses exigenceset contraintes, est un acte poli-tique par excellence pour Maur-ras, qui avait à ce point consciencede cette difficulté, inhérente aucombat quotidien, qu'il tirait - oufaisait tirer - de ses articles desrecueils permettant précisémentde dégager les « lignes de force »de ses... Politiques. Aussi est-ilun peu convenu et décevant deconclure que ce que Maurrasénonce serait « une peur », « cellede voir le lieu du vivre ensemblese disloquer et, du coup, se re-trouver face à la solitude exis-tentielle de tout son être »... Cesanachronismes bien pensants, cepsychologisme de pacotille sont-il dignes de François Huguenin ?Ils ne l'auraient pas été, en toutcas, de celui de 1998. Du reste,reprenant son ouvrage antérieur,ne reconnaît-il pas, trois pagesplus loin, que « l'Action française,dès 1902, se rallie à la conclusionmonarchiste de Maurras et s'af-franchit du vieux fond de natio-nalisme populiste » (112, réitéré113) ? Là encore, les deux vête-ments, l'ancien et le nouveau, cou-sus maladroitement ensemble, ju-rent... À suivre. n

Axel Tisserand

3 François Huguenin, L'Action fran-çaise, Perrin-Tempus, 686 p., 12 s,

Charles Maurras dans son bureau de l'Action française, rue du Boccador

Page 15: ENTRETIEN AVEC JEAN SÉVILLIA :HISTORIQUEMENT … · xxx 3:HIKLKJ=XUYUU\:?c@i@m@t@a; M 01093 - 2829 - F: 4,00 E 4 s N°2829 65e année Du 1erau 14 décembre 2011 Paraît provisoirement

Vous pouvez le commanderdès maintenant.

o L'insigne blanc est le nouvel in-signe officiel du mouvement. Sonprix est de 10 euros (chèque àl'ordre du CRAF, 10 rue Croix desPetits Champs, 75001 Paris).

o L'insigne bleu est celui des ven-deurs volontaires et des militantsméritants. Il peut être remis, de

manière officielle, par un cadredu mouvement lors d'un évène-ment de section (fête de Jeanned'Arc, 11 novembre, etc.), fédé-ration (meeting, session, etc.) ounational (banquet, fête de Jeanned'Arc, CMRDS, etc.). Cet insignene peut être vendu.

o L'insigne rouge est celui descadres du mouvement. Le secré-taire-général est le seul à pouvoirdonner cet insigne.

L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2829 – Du 1er au 14 décembre 2011 15 z

Combat

Président du Comitédirecteur d'AF

Stéphane BlanchonnetSecrétaire général

Olivier PercevalSecrétaire général

adjointRomain Hellouin

TrésorierGiovanni Castelluccio

SecrétaireadministratifMarie-Suzanne

de Benque d'AgutFormationMarc Savina

ProvincesPhilippe Castelluccio

MilitantismeJean-Baptiste

de l'AviathResponsableopérationnel

François Bel-Ker

Centre royaliste d'Action française10 rue Croix-des-Petits-Champs 75001 PARIS

[email protected]

» RENDEZ-VOUS

o Catholiques pour les liber-tés économiques (CLE) -Conférence-débat le jeudi8 décembre : "Faut-il sortirde l'euro ?" Réunion animéepar Jean-Jacques Rosa, pro-fesseur émérite des universi-tés. À 18 h 30, salle del'Asiem, 6 rue Albert de Lap-parent, Paris 7e (métro SèvresLecourbe). Participation :15 euros.

o PARIS

Vente de livres au profit du journalSamedi 10 décembre de 14 heures à 19 heures

Dimanche 11 décembre de 10 heures à 19 heures

Dans les bureaux de l'Action française, 10 rue Croix-des-Petits-Champs, Paris 1er

(métro Palais-Royal)

Grand choix de livres d'histoire et de politique contemporaine

o Livres reliés de Maurras, Bainville, Daudet

o Éditions originales brochées

o Livres neufs et d'occasion

Pour tout renseignement : 01 40 39 92 04

ConférencesCercle de Floreo Le mercredi 14 décembre, poursa troisième conférence de l'an-née, le cercle de Flore reçoitl'abbé Guillaume de Tanoüarn, quiévoquera le cahier de l'Herneconsacré à Charles Maurras, auxcôtés de Frédéric Rouvillois et AxelTisserand. Rendez-vous à 19 h 15dans les bureaux de l'Action fran-çaise, 10 rue Croix-des-Petits-Champs, Paris 1er (métro Palais-Royal). Entrée libre.

o Le mercredi 3 février 2012, lecercle de Flore accueillera JeanSévillia, qui nous présentera sondernier ouvrage, Historiquementincorrect (éditions Fayard, 360 p.,20 euros), évoqué en page 16 dece numéro. Rendez-vous à 19 h 15dans les bureaux de l'Action fran-çaise, 10 rue Croix-des-Petits-Champs, Paris 1er (métro Palais-Royal). Entrée libre.

Prochainscercles d'étudeso PARIS – Prochains cerclesd'études animés par Pierre De-meuse les mercredis 7 décembreet 4 janvier. Rendez-vous à 18 h30 dans les bureaux de l'Actionfrançaise, 10 rue Croix-des-Pe-tits-Champs, Paris 1er (métro Pa-lais-Royal). Entrée libre.

o GRENOBLE – Le cercle Philis dela Charce se réunira pour évoquer"la monarchie" le jeudi 5 janvierà 21 heures. Renseignements :[email protected]

Un blog incontournableo Plusieurs articles sont publiéstous les jours sur le blog du Centreroyaliste d'Action française.S'ajoutent à des renvois versd'autres médias, des contributionsoriginales viennent commenterl'actualité. Vous y retrouverez enoutre un compte rendu des activité du mouvement d'AF. Rendez-vous à cette adresse :www.actionfrancaise.net

Le nouvel insigne de l'AF est disponible

Ventes à la criée

o PARIS - Pour rejoindre leséquipes de vente du journal, prenez contact avec Antoine Desonay : [email protected]

À lire et à offrirDepuis qu'elle a été fondée

en 1899, l'école d'Action

française a produit un

nombre considérable d'ou-

vrages de critique histo-

rique, politique, littéraire,

qui, ensemble, constituent

un trésor.

Ils contiennent une abon-

dante matière de réflexions

qui permettent de com-

prendre non seulement l'his-

toire du XXe siècle mais aussi

les événements que nous vi-

vons aujourd'hui.

Trente et un de ces ouvrages

ont été sélectionnés pour

faire l'objet d'articles publiés

dans L'Action Française 2000

en 2004 et 2005. Tel quel, ce

recueil d'articles permet de

comprendre l'originalité de la

pensée politique de l'Action

française dont les années ont

confirmé la solidité.

À travers les études publiées,

le lecteur se familiarisera

avec la pensée de Jacques

Bainville, Augustin Cochin,

Léon Daudet, Pierre Gaxotte,

Pierre Lasserre, Charles Maur-

ras, Léon de Montesquiou,

Maurice Pujo, le marquis de

Roux, Henri Vaugeois. q

3 Sous la direction de Pierre Pujo,

Le Trésor de l'Action française,

éditions de l 'Âge d’homme,

138 p., 19 euros ; disponible à

nos bureaux, 10 rue Croix-des-

Petits-Champs, 75001 Paris ;

22,11 euros franco (chèque à

l’ordre de la PRIEP).

Page 16: ENTRETIEN AVEC JEAN SÉVILLIA :HISTORIQUEMENT … · xxx 3:HIKLKJ=XUYUU\:?c@i@m@t@a; M 01093 - 2829 - F: 4,00 E 4 s N°2829 65e année Du 1erau 14 décembre 2011 Paraît provisoirement

Édité par PRIEP S.A. au capital de 59 880 euros – 10, rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 Paris – Imprimerie RPN – 93150 Le Blanc-MesnilNuméro de commission paritaire 0415I86761 – Directeur de la publication : M.-G. Pujo

Entretien

o L'Action Française 2000 – De-puis Le Terrorisme intellectuel(Perrin, 2000), vous poursuivezune œuvre de démystificationdu politiquement, de l'histori-quement et du moralement cor-rect. Comment expliquez-vousleur emprise sur notre société ?o Jean Sévillia – La manipulationdes esprits par l'idéologie offi-cielle ne date pas d'aujourd'hui.L'école de Jules Ferry, derrière saneutralité apparente, développaitun projet éminemment poli-tique : former des citoyens ré-publicains échappant à l'influencede l'Église. Mais le politiquementcorrect a pris tant d'importance,aujourd'hui, parce qu'il se situe àun carrefour. Évolution de l'idéo-logie dominante en premier lieu.Les années d'après-guerre ont étédominées, dans le milieu intel-lectuel, par le communisme ver-sion soviétique. Après le choc de1956 – le rapport Khrouchtchev,la révolte de Budapest écraséedans le sang –, de nombreux in-tellectuels rompent avec le PCtout en restant marxistes. Le tiersmonde, dans les années 1960, sertd'exutoire à leur espoir : c'est deChine ou de Cuba que viendra larévolution. Suit Mai 68, qui est, en dépit desapparences, une révolte indivi-dualiste contre les deux puis-sances de l'époque : l'État gaul-liste et le Parti communiste. Lesidées de Mai touchent toute la so-ciété. À droite, le giscardisme ensera l'héritier, avec ses réformessociétales directement issues de68. À gauche, le PC entame sondéclin, qui mettra quinze ans às'accomplir. À la patrie, paradigmegaulliste, la droite préfère le li-béralisme. À la révolution, para-digme marxiste, la gauche pré-fère désormais les droits del'homme, la liberté de l'individu.À la fin des années 1980, quandle système soviétique s'effondre,la gauche est déjà ralliée aux loisdu marché, et la droite a adoptéla révolution des mœurs venue dela gauche. D'où une convergence entre droiteet gauche, dans les années 1990,qu'on a appelée le libéralisme li-bertaire, nourrissant une visioncommune de l'homme et de la so-ciété. La planète est un marché,le monde est une sphère de libre-échange humain, matériel, fi-nancier et culturel, où les fron-tières doivent tomber parce queles concepts de nation ou de ci-vilisation sont caducs. Toutes lescultures se valent, l'individu estlibre de choisir ses idées et sesvaleurs, débarrassé des référencesdogmatiques et religieuses. Telest le fond de sauce du politi-quement correct qui peut ac-commoder tous les plats, maisavec des variantes et des nuancesdans le dosage selon le lieu et le moment.

L'emprise de ces idées sur la so-ciété s'explique par le fait qu'ellesrencontrent une sorte de consen-sus chez les élites médiatiques etculturelles qui les assènent aunom du magistère moral qu'ellescroient détenir. Les élites poli-tiques partagent cette idéologiedans leur majorité ; si ce n'estpas le cas, leur outillage intel-lectuel, doctrinal, moral et spiri-tuel est si faible, dans l'ensemble,qu'elles ne voient rien à y oppo-ser et qu'elles cèdent devant, parignorance ou par lâcheté.

Une torsion du réel

o Par quels processus intellec-tuels la très anglo-saxonne cor-rectness se manifeste-t-elle ?o Le politiquement correct est unetorsion du réel, une manipulationdes faits, pratiquée dans le butde faire concorder l'idéologie do-minante et l'apparence de la réa-lité. Dans le cas de l'Histoire, quiest l'objet d'étude de mon livreHistoriquement incorrect aprèsl'avoir été d'Historiquement cor-rect, le politiquement correct necherche pas à approcher le passé,à l'expliquer, mais à lui faire direquelque chose pour aujourd'hui.L'historiquement correct, au fond,est l'expression d'un message des-tiné à nos contemporains : ce n'estpas une démarche scientifique decompréhension du passé, c'est unedémarche idéologique d'instru-mentalisation du passé.Concrètement, sur le plan de laméthode, le phénomène se tra-duit par trois procédés majeurs.En premier lieu l'anachronisme :on juge le passé en lui appliquantles critères politiques, moraux,mentaux et culturels d'aujourd'hui.En deuxième lieu le manichéisme :

l'histoire est ainsi interprétéecomme la lutte du bien et du mal,mais un bien et un mal qui sontdéfinis selon les normes actuelle-ment dominantes. En troisièmelieu l'esprit réducteur : alors quel'histoire est toujours le lieu de lacomplexité, où les causes et con-séquences s'enchevêtrent dans unécheveau qu'il faut démêler avecprudence et sans a priori, le po-litiquement correct gomme cettecomplexité au profit d'une lecturemonocausale des événements,toujours conduite selon le fil rougede deux ou trois idées extraitesdu corpus idéologique contempo-rain, comme l'intolérance ou leracisme, qui finissent par occupertout l'espace, faussant à l'évidencel'interprétation de la réalité.

o Pourquoi le christianisme et,singulièrement, le catholicismefont-ils directement ou indirec-tement l'objet des principalesattaques des nouveaux cagots ?o Plusieurs strates idéologiquesse superposent ici. Un fond d'anti-christianisme qui est latent ou ex-plicite, dans les milieux intellec-tuels occidentaux, depuis le XVIIIe

siècle et la Révolution française.Un fond d'anticléricalisme à l'an-cienne qui persiste, singulière-ment en France, en dépit de cequ'on a pu nommer le compromislaïque qui a été conclu entre l'É-glise et la société civile, après lechoc de 1905, dans l'entre-deux-guerres et surtout après 1945.Bouffer du curé, à gauche, est unréflexe conditionné que n'ont paseffacé les années où les chrétiensprogressistes ou même marxistesavaient le vent en poupe. Cet an-ticléricalisme s'est réveillé sousJean-Paul II, et se poursuit sousBenoît XVI, mais sur d'autres

bases. Alors que l'assiette chré-tienne ne fait que se réduire enEurope occidentale et en Franceen particulier, du fait de la dé-christianisation et de la séculari-sation de notre société, et alorsque nous traversons une époquede relativisme total, l'Église restela seule institution qui défendl'idée selon laquelle il existe uneobjectivité du bien et du mal. Parailleurs, alors que nous sommesdans un univers de dérégulation,l'Église dispense également un en-seignement social qui rappelle quel'argent est un moyen et non unefin, et que le bien commun nepeut naître du seul respect deslois du marché.

Anticléricalisme

Ainsi donc, en ce début du XXIe

siècle, un nouvel anti-christia-nisme ou un nouvel anticlérica-lisme se lève parce que le catho-licisme constitue un obstacle aulibéralisme libertaire, idéologiedominante du moment. Il est donclogique qu'il devienne la cible dupolitiquement correct. Il faut êtreconscient que cela ne va pas s'ar-rêter, d'autant moins que le ca-tholicisme – ce n'est pas contra-dictoire avec ce que je viensd'énoncer quant à son recul so-ciologique – est en même tempsreparti de l'avant, avec de nou-velles générations qui n'ont pasles mêmes réflexes que leurs aî-nées, et qui n'ont pas peur de s'af-firmer catholiques.

o Les questions religieuses sontd'une manière ou d'une autreprésentes dans chacun des dixchapitres qui composent votreouvrage. Leur accordez-vous unevaleur décisive, et pourquoi ?

o Je leur accorde en effet unevaleur décisive. Je pense que lacrise de notre société est en pro-fondeur une crise spirituelle, oudu moins une crise du vide spiri-tuel. Sans faire d'angélisme etsans considérer que les questionsfinancières et monétaires sont se-condaires, il est quand mêmefrappant de constater à quel pointla spirale dans laquelle noussommes engagés depuis quelquesannées, notamment depuis 2008,révèle la place occupée par l'ar-gent dans l'esprit contemporain.Je ne dis pas que si le scénario lepire se produit, une crise systé-mique entraînant l'effondrementde notre économie, ce sera sansimportance. Aujourd'hui, toute-fois, tout se passe comme siperdre de l'argent, c'était toutperdre. En creux, cela révèle toutce à quoi nos contemporains necroient plus.

Retour du religieux

Ce vide, cependant, n'est pas na-turel, car l'homme est naturelle-ment un être religieux. Les divi-nités du temps sont l'argent et lesexe, mais cela ne pourra pas du-rer, tout simplement pour des rai-sons anthropologiques. Les recon-structions de demain, a contra-rio, s'opéreront dans un contexteoù le religieux comptera. Ne fût-ce qu'à cause de la place gran-dissante de l'islam dont l'espaceeuropéen. Être chrétien, ce n'estpas une identité : c'est une grâcepersonnelle conférée par le bap-tême et fécondée par la foi. Maisles civilisations et les nations, réa-lités collectives, possèdent uneidentité. Or historiquement, la ci-vilisation occidentale et la nationfrançaise sont liées au christia-nisme.

o Quelles réformes – morales,politiques, spirituelles – voussembleraient impératives pourstopper la propagation de... lapropagande ?o Défions-nous de l'illusion selonlaquelle un coup de baguette ma-gique résoudra la question. Vousle dites vous-même : le problèmese situe à la charnière du poli-tique, du moral et du spirituel.Dans cette mesure, il s'agit d'uncombat de longue haleine, donton ne voit pas forcément l'issueà vue humaine. Ce n'est pas uneraison pour se décourager, moinsencore pour capituler. D'autantque des victoires peuvent êtreremportées. Songez combien lavérité sur les guerres de Vendée,occultée depuis l'origine, a avancéen vingt-cinq ans, grâce aux tra-vaux de Reynald Secher etd'autres historiens comme AlainGérard. Considérez comme la vé-rité sur Katyn a fini par s'impo-ser, même s'il faut lutter pour lafaire connaître. Il n'existe doncpas de fatalité. Pour mener lecombat contre le politiquementcorrect, il faut de la détermina-tion, du courage, de la volonté,mais aussi de l'intelligence, de lapatience et du travail. Beaucoupde travail. n

Propos recueillis par Louis Montarnal

3 Jean Sévillia, Historiquement in-correct, éditions Fayard, 360 pages,20 euros.

o JEAN SÉVILLIA

Un historien incorrectHistorien, rédacteur en chef adjoint du Figaro Magazine, Jean Sévillia publie un ouvrage érudit, argumentéet très accessible contre les falsifications de l'Histoire depuis le rôle de l'immigration dans la constructionde la France jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale en passant par les relations entre l'Église et la science.