une occupation médiévale à neuilly-la-forêt (calvados)

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Rev. archèol Ouest. 13, 1996, p. 169-176. UNE OCCUPATION MEDIEVALE A NEUILLY-LA-FORET (Calvados) Cyril MARCIGNY* et Laurent PAEZ-REZENDE** avec la collaboration de Eric ALLART et Jean-Xavier de SAINT JORES Résumé: Dans le cadre du diagnostic archéologique réalisé sur le futur tracé de la route départementale 195, les restes d'un bâtiment en pierre ont été mis au jour. La fouille d'un lambeau de son sol d'occupation et d'une fosse silo a permis l'étude d'un petit corpus céramique, constitué principalement de ouïes, daté des Xlème-XIIème siècles. Abstract: A trial excavation in advance of construction of the new D195 revealed of a stone building. Sample excavation of the occupation levels and of a pit produced pottery of the Xlth-XIIth centuries. Mots-clés: Neuilly-la-Forêt, Calvados, médiéval, bâtiment, céramiques, Xlème-XIIème siècles. Key-words: Neuilly-la-Forêt, Calvados, médiéval, building, pottery, Xlth-XIIth centuries. La création de déviation routière liée à la suppression des passages à niveau sur la voie ferrée de la ligne Paris- Cherbourg à Neuilly-la-Forêt a fait l'objet en 1992 d'une étude d'impact archéologique (coordination des opéra tions par le Service départemental d'archéologie du Calvados - Guy San- Juan -, sous la direction scientifique du Service régional de l'archéologie). La déviation de Neuilly-la-Forêt prend naissance à la sortie du bourg actuel sur la route départementale 195 de Montmartin-en-Graignes à Bernesq pour, après avoir traversé le versant d'une colline à pente légère, rejoindre ce même chemin départemental au niveau de la rivière l'Elle (fig. 1 et 2). LOCALISATION TOPOGRAPHIQUE La commune de Neuilly-la-Forêt, située à 66 kilomèt res à l'Ouest de Caen, est implantée en amont de la baie des Veys à la limite des départements de la Manche et du Calvados (fig. 1). Elle est placée en bordure de l'ancien estuaire de la Vire sur le coteau triasique, elle présente un relief contrasté. La partie basse de la commune, constituée du fond plat de la vallée de la Vire, est parcourue par de nombreux ruisseaux à faible débit hydraulique. La part ie haute se partage la pente et le rebord du plateau triasique. Le paysage actuel est ordonné suivant une trame parcellaire bocagère composée de petites pièces herbagères closes par des haies vives. La portion de la commune située dans la plaine d'inondation est occupée par les eaux durant la moitié de l'année. C'est cet espace marécageux que traverse le tracé routier avant de r emonter le versant de la colline. Les formations superficielles sont constituées d'argi les rouges à passées sableuses et, occasionnellement, de petits lits de graviers plus ou moins roulés perturbent ces niveaux. PRESENTATION DU SITE Aux abords de la zone inondée le long de l'Elle, une tranchée de sondage a permis l'observation d'une fosse et d'un empierrement recoupés par une haie actuelle. D'abord interprété comme un chemin disposé le long d'une limite parcellaire, le site a fait l'objet d'un déca page qui a révélé les substructions d'un bâtiment en pierre très arasé. LE BATIMENT Le bâtiment, tel qu'il est reconstituable aujourd'hui, est de forme rectangulaire et orienté nord-est/sud- ouest (fig. 3). Sa largeur approche les 6 m et sa longueur doit être de 10 m. Cette construction est implantée au fond d'une dépression anthropique de la forme du bâtiment. Celui-ci est séparé en deux parties inégales, de respectivement 36 et 24 m2, par un mur transversal. Le niveau intérieur du bâti est en creux par rapport au sol extérieur. La zone interne ouest, plus surcreusée, a permis la conservation d'un niveau d'occupation/aban don d'une puissance inférieure à cinq centimètres. Les vestiges y sont peu nombreux et extrêmement fragmen- Contractuel A.FA.N., Grand-Ouest, 63 rue Saint-Martin, 14000 CAEN. * 6 route de Paris, 14120 MONDEVILLE. Manuscrit reçu le 11/05/1995, accepté le 08/09/1995.

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Rev. archèol Ouest. 13, 1996, p. 169-176.

UNE OCCUPATION MEDIEVALE A NEUILLY-LA-FORET (Calvados)

Cyril MARCIGNY* et Laurent PAEZ-REZENDE** avec la collaboration de Eric ALLART et Jean-Xavier de SAINT JORES

Résumé: Dans le cadre du diagnostic archéologique réalisé sur le futur tracé de la route départementale 195, les restes d'un bâtiment en pierre ont été mis au jour. La fouille d'un lambeau de son sol d'occupation et d'une fosse silo a permis l'étude d'un petit corpus céramique, constitué principalement de ouïes, daté des Xlème-XIIème siècles. Abstract: A trial excavation in advance of construction of the new D195 revealed of a stone building. Sample excavation of the occupation levels and of a pit produced pottery of the Xlth-XIIth centuries. Mots-clés: Neuilly-la-Forêt, Calvados, médiéval, bâtiment, céramiques, Xlème-XIIème siècles. Key-words: Neuilly-la-Forêt, Calvados, médiéval, building, pottery, Xlth-XIIth centuries.

La création de déviation routière liée à la suppression des passages à niveau sur la voie ferrée de la ligne Paris- Cherbourg à Neuilly-la-Forêt a fait l'objet en 1992 d'une étude d'impact archéologique (coordination des opérations par le Service départemental d'archéologie du Calvados - Guy San- Juan -, sous la direction scientifique du Service régional de l'archéologie).

La déviation de Neuilly-la-Forêt prend naissance à la sortie du bourg actuel sur la route départementale n° 195 de Montmartin-en-Graignes à Bernesq pour, après avoir traversé le versant d'une colline à pente légère, rejoindre ce même chemin départemental au niveau de la rivière l'Elle (fig. 1 et 2).

LOCALISATION TOPOGRAPHIQUE

La commune de Neuilly-la-Forêt, située à 66 kilomètres à l'Ouest de Caen, est implantée en amont de la baie des Veys à la limite des départements de la Manche et du Calvados (fig. 1). Elle est placée en bordure de l'ancien estuaire de la Vire sur le coteau triasique, où elle présente un relief contrasté.

La partie basse de la commune, constituée du fond plat de la vallée de la Vire, est parcourue par de nombreux ruisseaux à faible débit hydraulique. La partie haute se partage la pente et le rebord du plateau triasique. Le paysage actuel est ordonné suivant une trame parcellaire bocagère composée de petites pièces herbagères closes par des haies vives. La portion de la commune située dans la plaine d'inondation est occupée par les eaux durant la moitié de l'année. C'est cet espace

marécageux que traverse le tracé routier avant de remonter le versant de la colline.

Les formations superficielles sont constituées d'argiles rouges à passées sableuses et, occasionnellement, de petits lits de graviers plus ou moins roulés perturbent ces niveaux.

PRESENTATION DU SITE

Aux abords de la zone inondée le long de l'Elle, une tranchée de sondage a permis l'observation d'une fosse et d'un empierrement recoupés par une haie actuelle. D'abord interprété comme un chemin disposé le long d'une limite parcellaire, le site a fait l'objet d'un décapage qui a révélé les substructions d'un bâtiment en pierre très arasé.

LE BATIMENT

Le bâtiment, tel qu'il est reconstituable aujourd'hui, est de forme rectangulaire et orienté nord-est/sud- ouest (fig. 3). Sa largeur approche les 6 m et sa longueur doit être de 10 m. Cette construction est implantée au fond d'une dépression anthropique de la forme du bâtiment. Celui-ci est séparé en deux parties inégales, de respectivement 36 et 24 m2, par un mur transversal.

Le niveau intérieur du bâti est en creux par rapport au sol extérieur. La zone interne ouest, plus surcreusée, a permis la conservation d'un niveau d'occupation/abandon d'une puissance inférieure à cinq centimètres. Les vestiges y sont peu nombreux et extrêmement fragmen-

Contractuel A.FA.N., Grand-Ouest, 63 rue Saint-Martin, 14000 CAEN. * 6 route de Paris, 14120 MONDEVILLE. Manuscrit reçu le 11/05/1995, accepté le 08/09/1995.

170 Marcigny C. et Paez-Rezende L.

NEUILLY-LA-FORÊT

Fig. 1: Neuilly-la-Forêt: Implantation topographique du site, a: zone inondable, b: localisation de l'occupation médiévale.

tés, ils sont mêlés à un niveau argilo-limoneuxbrun dans lequel s'observent de nombreux fragments de poudin- gues à galets de quartzite.

La base des murs qui repose sur le fond de la dépression est parfois encore composée de une ou deux assises. Elle est large de 40 à 50 centimètres et est constituée de moellons en grès calcaires et dolomitiques ou plus rarement en calcaire magnésien, liés à l'argile et déposés en lits horizontaux. L'ensemble de ces matériaux est affleurant le long du coteau triasique. L'état d'arasement du bâtiment ne permet pas de connaître la nature des parties hautes, cependant l'existence de plaques de limon rubéfié avec traces de clayonnage parfois de grande taille, sur le niveau d'occupation et dans le comblement de la structure FI semble confirmer la présence de parois en torchis.

Aucun système de calage de poteau en bois n'a été mis en évidence; le type de soutien de la toiture est donc totalement inconnu. L'absence de matériau de couverture dans le niveau d'occupation et autour du bâtiment trahit cependant un système en éléments périssables ou une récupération exhaustive des matériaux.

Deux structures ont été mises en corrélation avec la construction. Il s'agit d'une fosse silo (FI) creusée dans l'angle nord-est du bâtiment et d'un petit foyer (F3) aménagé sur le côté interne de la façade sud. Ce dernier est constitué d'une plaque de limon rubéfiée déposée sur un radier de poudingues et de grès chauffés.

LA FOSSE SILO (FI)

II s'agit d'une fosse circulaire à parois verticales et à fond légèrement concave creusée dans le substrat argileux (diamètre à l'ouverture 1,50 m et profondeur de l'ordre du mètre). Ses dimensions et sa morphologie la rapprochent des structures de conservation du grain en milieu confiné fréquentes sur les sites protohistoriques et historiques.

L'état actuel de la fosse (fig. 4) ne permet pas une analyse détaillée de son mode de comblement car sa partie haute est tronquée par le fossé parcellaire moderne F2 (la haie et le fossé sont encore visibles actuellement). Le remplissage de la partie basse est toutefois exploitable. Il est constitué de couches disposées en «cuvettes emboîtées» où alternent niveaux de rejets domestiques et remblais plus ou moins anthropiques d'argile.

LES VESTIGES MOBILIERS

La quasi-totalité du mobilier a été recueillie dans les couches 2 et 3 du silo FI (fig. 3 et 4); seule une forme céramique et quelques objets manufacturés divers sont attribuables à la phase d'occupation/abandon du bâtiment. Hormis le mobilier céramique, un certain nombre d'objets relevant d'activités agricoles, artisanales ou usuelles (outils, clous, déchets culinaires...) ont été prélevés; ceux-ci, mal conservés, ne peuvent être datés avec précision.

Une occupation médiévale à Neuilly-la-Forêt 171

NEUILLY-LA-FORET

Fig. 2: Neuilly-la-Forêt: Implantation cadastrale de la déviation routière, a: localisation de l'occupation médiévale.

172 Marcigny C. et Paez-Rezende L.

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Fig. 3: Neuilly-la-Forêt: L'occupation médiévale, a: zone inondable, b: limon rubéfié, c: pierre chauffée.

LE MOBILIER FERREUX (Inventaire)

Les vestiges métalliques trouvés au cours de la fouille du bâtiment et de la fosse silo sont peu nombreux et fragmentaires. Ils sont de manière générale bien conservés malgré la nature corrosive du sous-sol. Un rapide nettoyage a permis d'inventorier:

- Un fer à cheval, assez épais; sa largeur totale est de 10 cm, sa longueur étant inconnue (absence des éponges). Les branches sont larges de 3 cm et portent 7 trous symétriques de forme rectangulaire.

- Un fragment d'épongé de fer à cheval, sous la forme d'une extrémité sans talon, rétrécie et épaissie.

- Une quinzaine de clous de fer à cheval en «clé de violon» ou en «T» d'une longueur moyenne de 2 à 4 cm.

- Quatorze clous de construction parmi lesquels ont été différenciés: quatre clous sans têtes, d'une longueur variant entre 3 et 5 cm; un clou sans tête, fendu puis martelé de manière à former un «huit», d'une longueur de 4 cm; deux gros clous à tête rectangulaire d'une longueur moyenne de 5 cm.

- Une grosse pointe à tête coudée ayant pu servir à l'assemblage de pièces de charpente de fortes dimensions (longueur 7 cm, talon 3 cm x 0,5 cm, épaisseur 0,7cm).

- Une clé à pertuis fermé, sans bouterolle dont l'anneau est de forme ovale. La tige est de section circulaire (diamètre 0,8 cm). Sa longueur assez réduite (5,5 cm) en fait peut-être une clé de meuble.

- Un fragment de panneton de clé à pertuis fermé, seul élément métallique provenant du comblement supérieur de la fosse silo.

- Une plaque, à la fonction indéterminée, d'une longueur de 5 cm pour une largeur de 4,8 cm et une épaisseur de 0,4 cm.

ETUDE DU MOBILIER CERAMIQUE

Seul élément chronologique, le mobilier céramique (fig. 5 et 6) a fait l'objet d'une attention particulière lors des travaux. Il provient essentiellement de la fosse silo, où il a été prélevé par couches. Le remontage des

Une occupation médiévale à Neuilly-la-Forêt 173

céramiques a démontré la contemporanéité des niveaux de comblement, le recollage des tessons entre eux ayant été effectué toutes couches confondues.

LES PATES

Le mobilier céramique recueilli à Neuilly-la-Forêt est réparti en deux groupes. Le premier est constitué des pâtes claires, regroupant quinze individus. Le second groupe est représenté par une forme en pâte «brune» découverte dans le niveau d'occupation du bâtiment.

Les pâtes claires

Elles sont de couleur blanche ou beige et présentent une épaisseur moyenne de 5 mm pour la panse et 6,5mm pour le fond. L'argile qui les constitue est de bonne qualité, bien épurée et homogène. Sa structure est fine et légèrement feuilletée. Les pores sont généralement en forme de fente de petite taille. Les pâtes comportent de nombreuses inclusions siliceuses (petits grains de quartz translucides ou colorés) pouvant atteindre ou dépasser parfois les 3 mm de diamètre.

Parmi cet ensemble relativement homogène, il doit être fait mention d'un fragment de vase qui, en plus des inclusions siliceuses, comporte une forte densité d'inclusions de nodules ferrugineux de taille variée.

Les pâtes «brunes»

Un seul individu céramique compose ce groupe (fig. 6, n° 8). Il s'agit d'un vase globulaire écrasé en place prélevé au sommet de la couche d'occupation/abandon du bâtiment, dans le secteur ouest. Sa pâte est de

couleur brune à brique foncée, dont l'épaisseur moyenne est semblable à celles des pâtes claires. Elle contient une grande quantité de grosses inclusions blanches dont la nature est à ce jour inconnue. Il a été visiblement traité à une plus forte température, et n'est pas sans rappeler des productions ayant subi un début de grésage.

LES TYPES DE VASES

Hormis la présence hypothétique d'une cruche, l'ensemble du lot céramique est constitué par des ouïes. La plupart des individus possèdent des stries de tournages encore nettes sur leurs faces intérieure et extérieure.

Les ouïes

Cette catégorie est représentée par des individus qui typologiquement se ressemblent. Il s'agit d'une forme haute à large ouverture, à profil globulaire ou ovoïde. Tous possèdent un fond lenticulaire ou semi-lenticulaire. Elles sont dépourvues de préhension et de bec. La panse est rattachée à la lèvre par un col oblique généralement peu développé.

Les différences les plus marquantes et les plus intéressantes résident dans les profils de col et de lèvre, permettant ainsi d'identifier trois groupes morphologiques dans le corpus des ouïes.

Groupe 1 (fig. 5, n° 1, 2 et 4, fig. 6, n° 8) Ce groupe comprend cinq individus caractérisés par

une absence de col, mais possédant une lèvre à inflexion externe, horizontale ou inclinée. L'extrémité de la lèvre est légèrement concave.

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Fig. 4: Neuilly-la-Forêt: Coupe du silo FI. a: limon argileux noir, très charbonneux, b: limon argileux gris, c: limon argileux brun-gris, d: limon argileux rouge, e: plaque de limon rubéfié, f: tessons de céramiques.

174 Marcigny C. et Paez-Rezende L.

Fig. 5: Neuilly-la-Forêt: Mobilier céramique de la structure FI.

Groupe 2 (fig. 5, n° 5 à 8)

II est représenté par quatre formes marquées par une absence de col et terminées par une lèvre de section carrée, horizontale et dont l'extrémité est légèrement convexe.

Groupe 3 (fig. 6, n° 2 et 3)

II s'agit d'un groupe très différent puisque les éléments qui le composent sont munis d'un col à bandeau terminé par une lèvre triangulaire à extrémité concave.

La cruche (fig. 6, n° 7)

Seule une anse verticale à replis fixée sur un fragment de col témoigne de la présence de cette forme sur le site. Cet individu présente, sur sa partie sommitale, trois petites taches de glaçure de couleur jaune pâle à vert clair.

LES DECORS

Deux principaux types de décors sont à signaler: il s'agit de décors par apport de matière et de décors par apport de revêtement. Le premier ensemble concerne

Une occupation médiévale à Neuilly-la-Forêt 175

les bandes appliquées, éléments longilignes en argile collés par pression digitale sur la panse avant séchage, et croisées (fig. 6, n° 5). Les décors par apport de revêtement ou décors peints ont pu être observés sur un fond de poterie (fig. 6, n° 6) qui en plus des deux bandes peintes sur sa panse présentait des incisions régulières

sur tout le pourtour de la jonction de la panse avec le fond. On notera également la marque de la trame d'un tissu sur la partie sommitale de l'anse de la cruche (fig. 6,n°7).

Fig. 6: Neuilly-la-Forêt: Mobilier céramique de la structure FI (1 à 7) et du niveau d'occupation (8).

176 Marcigny C. et Paez-Rezende L.

UTILISATION

Des traces importantes de suie ont été observées sur la plupart des panses de ouïes du corpus. Elles témoignent d'une exposition plus ou moins prolongée au feu lors de cuissons. Cependant deux des ouïes n'en possèdent pas, il pourrait s'agir alors de vaisselle exclusivement réservée à la table et au conditionnement, au même titre que la cruche.

CONCLUSIONS, COMPARAISON ET DATATION

Cette opération, sans renouveler considérablement les données régionales actuelles, a permis l'observation d'un petit ensemble médiéval. Le caractère restreint et incomplet de ce type de fouille préventive sur tracé routier de petite largeur n'a cependant pas altéré l'étude de ces principales composantes.

Le bâtiment, malgré son état de destruction, a pu être reconstitué dans sa totalité. Il est d'un schéma classique, son plan est rectangulaire (6 m x 10 m) et orienté nord- est/sud-ouest. Son sol est surcreusé. Un petit foyer et une fosse silo sont contemporains de cette construction. Les mêmes structures, plus ou moins élaborées (mais de dimensions relativement similaires), ont été mises au jour sur les sites médiévaux de Vieux «Les Gaudines» (Couanon, 1988-1992) ou encore à Mondeville (Lorren, 1989), où elles ont été attribuées à des exploitations agricoles.

Le mobilier céramique, malgré une apparente homogénéité typologique, présente des diversités morphologiques remarquables. Les ouïes du groupe 1 (excepté fig. 6, n° 8) semblent s'apparenter à des productions du Xlème siècle telles que celles rencontrées sur les sites de la motte «d'Olivet» à Grimbosq (Decaëns, 1981), à l'abbaye Saint-Etienne de Caen (Burnouf et al, 1983) ou encore dans les fouilles de l'enceinte circulaire du Plessis-Grimoult (Zadora-Rio, 1973-1974). Les lèvres des groupes 2 et 3 sont assimilables à des productions du Xlème-XIIème siècles livrées lors des fouilles de l'enceinte fortifiée d'Audrieu et du château de Caen (de Boùard, 1979). La typologie et l'aspect technologique des céramiques

recueillies dans les couches de comblement du silo et au sein du sol du bâtiment permettent donc de proposer une fourchette de datation comprise entre les Xlème et Xllème siècles. On peut noter la rareté des cruches dans ce corpus céramique, comme cela a déjà été observé lors d'étude de lots céramiques de la même période (Leen- hardt, 1987). L'individu céramique en pâte dite «brune» semble être plus récent (XlIème-XIIIème siècles); sa position dans la couche d'occupation/abandon du bâti, en milieu non clos, n'est pas assez pertinente pour dater la phase d'occupation de ce petit site, il fournit cependant un terminus ante quem à la destruction du bâtiment.

REMERCIEMENTS Nous tenons ici à remercier tous ceux qui ont de près ou de loin

participé au bon déroulement des opérations de terrains et de postfouille. La Mairie de Neuilly-la-Forêt pour son aimable collaboration et l'intérêt qu'elle a manifesté à l'égard de nos travaux. Les propriétaires et exploitants des terrains concernés par la déviation routière qui nous ont laissé libre accès à leurs parcelles.

Et plus particulièrement à Denis Heujaine (entreprise Maurice Guillet) qui a assuré avec brio la partie mécanique des sondages parfois dans des conditions difficiles.

Emmanuel Ghesquière et Annabelle Cocollos qui ont réalisé les dessins et les plans de cet article.

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ZADORA-RIO, E., 1973-74 - L'enceinte fortifiée du Plessis-Grimoult, contribution à l'étude historique et archéologique de l'habitat seigneurial au Xlème siècle. Archéologie médiévale, III-IV, 11-243.