mazières en gâtine, une étude de cas

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Une étude de cas en histoire : Mazières-en-Gâtine (1848-1914) I. Présentation générale et réflexions sur l’étude de cas en histoire (et en géographie) 1 . 1° Le livre de Roger Thabault . Significativement réédité par les Presses de Sciences Po 2 , le livre de Roger Thabault, malgré sa date (1938/1945) 3 , est toujours un ouvrage de référence pour qui veut étudier - en classe de 4 ème et de 1 ère - les transformations économiques et sociales au XIX e (à l’âge industriel) et l’enracinement des idées républicaines de 1848 à 1914. Le grand sociologue et politicologue André Siegfried (1875-1959) - dans une belle préface datée de mai 1944 - ne s’est point trompé sur la qualité de ce livre pour quatre raisons, essentielles à ses yeux : 1° La fécondité de la « méthode de la monographie », autrement dit de ce que nous appellerions aujourd’hui une étude de cas . Siegfried écrit en effet que « le cas individuel 4 (…) amène à comprendre l’espèce » c’est-à-dire « l’ensemble » : on ne saurait mieux dire. 2° Mazières saisi comme « reflet des transformations sociales » qui ont « bouleversé » la France et le monde depuis le milieu du XIX e siècle. 1 Grand merci à Nicole Montel, Philippe Caracchioli, Pascal Clerc et Yves Tardieu qui ont bien voulu relire avec un œil critique cette contribution. 2 En 1993. 3 Libraire Delagrave, Paris, 1945, huitième édition. Préface d’André Siegfried de l’Académie française et de l’Académie des Sciences Morales et Politiques. C’est cette édition que nous utilisons dont le titre est exact (très significatif !!!) est : 1848-1914. L’ascension d’un peuple. Mon village. Ses hommes – Ses routes – Son école. 4 Souligné par nous. 1

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Une étude de cas en histoire : Mazières-en-Gâtine

(1848-1914)

I. Présentation générale et réflexions sur l’étude decas en histoire (et en géographie)1.

1° Le livre de Roger Thabault.

Significativement réédité par les Presses de Sciences Po2,le livre de Roger Thabault, malgré sa date (1938/1945)3, esttoujours un ouvrage de référence pour qui veut étudier - enclasse de 4 ème et de 1 ère - les transformations économiques etsociales au XIXe (à l’âge industriel) et l’enracinement desidées républicaines de 1848 à 1914. Le grand sociologue etpoliticologue André Siegfried (1875-1959) - dans une bellepréface datée de mai 1944 - ne s’est point trompé sur laqualité de ce livre pour quatre raisons, essentielles à sesyeux :

1° La fécondité de la « méthode de la monographie », autrementdit de ce que nous appellerions aujourd’hui une étude de cas.Siegfried écrit en effet que « le cas individuel4 (…) amène àcomprendre l’espèce » c’est-à-dire « l’ensemble » : on ne sauraitmieux dire.

2° Mazières saisi comme « reflet des transformations sociales » quiont « bouleversé » la France et le monde depuis le milieu du XIXe

siècle.

1 Grand merci à Nicole Montel, Philippe Caracchioli, Pascal Clerc et Yves Tardieu qui ont bien voulu relire avec un œil critique cette contribution.2 En 1993.

3 Libraire Delagrave, Paris, 1945, huitième édition. Préface d’AndréSiegfried de l’Académie française et de l’Académie des SciencesMorales et Politiques. C’est cette édition que nous utilisons dont le titreest exact (très significatif !!!) est : 1848-1914. L’ascension d’un peuple. Monvillage. Ses hommes – Ses routes – Son école.4 Souligné par nous.

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3° Mazières appréhendé comme « reflet de la nation », ce quipermet ainsi de comprendre « comment et pourquoi la République s’estimplantée dans une commune, qui au début, ne lui appartenait pas ». À cetitre, cet ouvrage renvoie à la problématique del’enracinement des idées républicaines en France au XIXe

siècle.

4° Une analyse, fouillée et nuancée, qui n’attribue pas « àla politique le rôle principal » dans les transformations du « milieusocial ». Que l’on songe aujourd’hui à cette historiographie quiévacue l’économique et le social au seul profit des idéespolitiques et de l’idéologie. Voilà donc un livre bien moderneet une leçon offerte à ceux qui négligent ou évacuent d’unrevers de main les facteurs économiques et sociaux. J’ajouteque l’auteur comme le préfacier étaient loin d’être desmarxistes !

Certes, sur quelques points, l’ouvrage date un peu ; il avieilli, mais comment pourrait-il en être autrement. Depuis laparution de ce maître livre, l’historiographie del’enracinement des idées républicaines a été profondémentrenouvelée au profit d’une histoire politique qui fait unelarge place à la notion de « culture politique »5. Mais alors RogerThabault apparaît comme un pionnier en la matière. L’histoireéconomique et sociale a, elle aussi, connu des avancéessignificatives comme en témoigne le développement de la notion« d’âge industriel ». Les savoureuses considérations sur lesrapports entre « géologie » et « comportement politique »,développées par Siegfried6 dans sa préface (p. 7), fontaujourd’hui sourire ; elles sont, en grande partie, démentiespar de nombreuses études de sociologie électorale. Néanmoins,ce livre est toujours très précieux car il fourmille dedonnées utilisables avec nos élèves. Je l’ai - depuis lesannées 80 du siècle précédent ! - utilisé avec efficacité dansnos classes ; puis, en formation initiale et continue, à tousles niveaux. Cette étude de cas a ainsi permis à un large

5 J.-P. Rioux, J.-F. Sirinelli, Pour une histoire culturelle, Seuil, Paris, 1997. R.Rémond (dir.), Pour une histoire politique, Seuil, Points histoire, 1996.6 A. Siegfried est l’auteur du célèbre Tableau politique de la France de l’Ouest et dumoins connu Tableau politique de la France du Midi. Deux titres fondateurs de lascience politique en France.

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public scolaire de comprendre le « comment » et le « pourquoi »de l’enracinement des idées républicaines en France.

Enfin, il faut signaler que ce livre a également nourri laréflexion d’un autre grand livre (qui ne fait toutefois pasl’unanimité chez les historiens français spécialistes du XIXe

siècle) celui de l’historien américain Eugen Weber La fin desterroirs. La modernisation de la France rurale. 1870-1914. comme en témoignel’introduction de cet ouvrage - encore très utile pour lesprofesseurs7 - qui se réfère au livre de Roger Thabault8.

2° L’   «   étude de cas   » en histoire et en géographie   : définitions, réflexions interrogations, démarches.

*Qu’entend-on par «   cas   »   ?

Il est toujours important de partir de la définition et del’histoire des mots. Le Grand Dictionnaire EncyclopédiqueLarousse donne plusieurs définitions du mot « cas » : 1° « fait, circonstance ou hypothèse, ce qui arrive ou est supposé d’arriver » (onaura noté la proximité avec les mots événement /avènement !) ; 2° « situation particulière de qqn ou de qqch résultant d’un concours decirconstance » ; 3° « Personne ou chose qui a telle ou telle particularité ». Cettedéfinition se rapproche de l’expression « cas d’école » qui« désigne une situation théorique étudiée de manière plus ou moins académique »(Le Robert. Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey,p. 640).  Je retiendrai pour mon propos cette troisièmedéfinition.

*L’étude de cas en géographie

a) Sur le plan didactique, « l’étude de cas » a fait sa rentréeen force, en 2001, dans le nouveau programme de géographie deseconde où elle continue à soulever des interrogations et

7 Fayard/Editions Recherches, Paris, 1983 (paru aux États-Unis en 1976).8 Ibid, p. 9-10.

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parfois des doutes chez de nombreux collègues quant à sa miseen œuvre en classe.

La démarche consiste à partir d’un « cas », autrement ditd’une situation « faisant problème » et/ou « posantproblème », pour aborder - à une autre échelle un thèmed’étude. Est privilégiée la démarche inductive, démarche qui partde l’analyse d’un exemple particulier pour aboutir, quand celaest possible, à l’énoncé d’une « règle » ou d’une « loi »générale. C’est - en partie - l’objet de la synthèse finale quiclôt nécessairement le thème d’étude. Sur cette démarche etses limites, je renvoie à l’ouvrage de Michelle Masson9 etsurtout à celui, très stimulant, d’Anne Le Roux qui présenteune réflexion critique sur les « études de cas »10. Je signaleau passage la définition provocatrice qu’en donne R. Brunetdans son dictionnaire (elle est citée par Anne Le Roux11) :« étude de cas : exemple à l’appui d’une démonstration, ou recherche en applicationd’une théorie, destinée à la vérifier, à l’illustrer ; ou plus rarement, à la réfuter.L’étude de cas ne peut jamais être pleinement convaincante, sauf dans le derniercas »12. Sont donc aussi privilégiés au départ : le particulier,le singulier voire l’exceptionnel ou l’unique, le local.Toutefois, le changement d’échelle fait enfin partie intégrante decette démarche car on ne peut se contenter de rester confinédans le « cas » fut-il exemplaire. C’est l’articulation entre leparticulier et le général et le passage de la grande à lapetite échelle qui posent le plus de difficultés aux collèguesenseignants.

De mon point de vue, c’est le manuel Belin de 1ère (R.Knafou, 2003) qui réussit le mieux cette articulation avec ses« bilans des études de cas ». Cependant, le Magnard de 1ère (Jalta,Joly, Reineri, 2003) dans ses « synthèses et prolongement de l’ÉTUDEDE CAS » s’efforce aussi de répondre presque systématiquement àcette problématique du particulier et du général.

9 Vous avez dit géographies ? Didactique d’une géographie plurielle, A. Colin, 1994, p. 43-49.10 Didactique de la géographie, P. U. de Caen, 1997, p. 116-118 et p. 127-130(§ 2. Les études de cas).11 Op. cit., p. 129.12 Les mots de la géographie. Dictionnaire critique, Reclus-La Documentation Française, 1992, p. 85. Le mot « cas » ne figure pas dans le dictionnaire de la géographie dirigé par Jacques Lévy et Michel Lusssault, ni dans l’index général, Belin, Paris, 2003.

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b) Sur le plan épistémologique, le « cas » - « chose » ou« objet » - est toujours étudié et/ou choisi en raison de sesparticularités intrinsèques et de sa pertinence heuristique. Onlaissera ici de côté le problème épineux soulevé par lapertinence ou la non-pertinence d’un cas13.

Le cas n’est pas un donné mais un construit. De ce point de vue, ils’apparente en histoire au « fait » qui, lui aussi, est un« construit » comme Lucien Febvre l’a jadis brillammentrappelé dans ses polémiques avec les historiens« positivistes ».

Le « cas » est le résultat d’une recherche (mais le hasardpeut parfois venir au secours du chercheur) et d’une réflexion.Ce sont les géographes qui recherchent (ou détectent) - àl’intérieur d’une espace ou d’un territoire - un « cas »,établissent un corpus documentaire ad hoc et a priori pertinent,etc. Les particularités, les spécificités et les singularités (voirel’originalité) d’un « cas » ne peuvent apparaître en tant quetelles (dans leur essence) que si les chercheurs, lesscientifiques, ont - en tête ou à leur disposition - une massede données ou de faits qui permet une comparaison et uneconfrontation avec ce qui est, d’un côté, de l’ordre de la« loi », de la « norme », de la « moyenne », de la« régularité », de la « répétition », de l’« invariant », del’ « identique » ; et, de l’autre, ce qui relève du« singulier » ou de l’exceptionnel (ou encore de l’anomaliequi intrigue), de « l’écart ». Le « cas » n’existe donc que dans unerelation et une altérité. Il est important de souligner que les élèvesne peuvent, sauf exception, saisir cette dimension. Parcontre, le professeur, lui, sait - théoriquement par avance -que le « cas » étudié a telles ou telles particularitésintrinsèques, signe de son exemplarité ou de son originalité.

Les manuels de géographie de seconde offrent de nombreux« cas », tous « construits » par les auteurs en fonction deproblématiques articulées au thème d’étude considéré. Chaquecas étant par nature singulier, son analyse doit en effetdéboucher sur une réflexion portant sur sa singularité, sesparticularités. Cependant, le « cas » s’insère dans un espace, unchamp (mais le pluriel s’imposerait) de relations et deforces, et plus encore dans une foule de systèmes emboîtés13 Cela mériterait une longue discussion. La pertinence d’un cas esttoujours critiquable.

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avec lesquels il retentit et entretient des interrelationscomplexes (un aspect souvent ignoré ou passé soussilence   parce que le cas semble extrait du réel comme une amande de sa coque) ; il s’inscrit également dans une dynamiquespatio-temporelle, un contexte, une conjoncture, etc.

Très souvent, son analyse dévoile des régularités et desstructures qui permettent le classement (typologie), lacomparaison14 et l’analogie ; elle amène à se poser laredoutable question de l’ « unicité » ou de l’« exemplarité »ou de l’ « originalité » du « cas » ; elle ouvre enfin despistes de réflexion(s) sur une possible généralisation15. C’estce point qui suscite le plus de difficultés dans les cours degéographie : comment passer du « cas » à une échelle deraisonnement plus vaste ? Quoi qu’il en soit, le « cas »(choisi par les auteurs de manuels et étudié par les élèves etleur professeur) a valeur d’exemple, mais il ne se confond pas avec l’exemple censé illustrer un propos magistral, conforter undiscours ou appuyer une démonstration. Mais il est vrai que,par abus de langage, exemple et cas sont souvent confondus dansla formule « prenons le cas de... ».

3° À la croisée de la didactique et de l’épistémologie, sepose enfin un double problème : celui de la documentationet celui du volume du dossier documentaire.

a) Quel que soit le « cas » étudié, la documentation16 esttoujours fragmentaire, plus ou moins lacunaire, diverse aussi,et de qualité très variable. On ne peut prétendre, pour demultiples raisons faciles à comprendre et fort banales, toutsavoir sur un « cas ». La somme de nos ignorances sera

14 Sur le comparatisme, Détienne Marcel, Comparer l’incomparable, Seuil, Paris,2000.15 Pascal Clerc (IUFM Aix, MDC de géographie) préfère à « généralisation » l’expression « conceptualisation ». Il écrit : « Le dépassement de la situation particulière permet :

1° une formalisation des concepts et du système qu’ils forment ;2° une extension à l’échelle du monde (ou d’un espace intermédiaire)

de la situation étudiée (avec toutes les déclinaisons intermédiaires ».16 Nous laissons ici de côté le problème sur la « nature des documents » proposés aux élèves. Nous le retrouverons plus bas en introduction du dossier documentaire sur Mazières. Néanmoins, en géographie, posons une question un peu provocatrice : qu’est-ce qu’un document-source ?

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toujours supérieure à celle de nos connaissances17 sinon il n’yaurait jamais de science ; aucune documentation ne peutprétendre épuiser une réalité géographique (ou historique),présente ou passé. Sauf à faire du roman, nous sommes en effettoujours prisonniers de la documentation existante et il esttoujours important de dire aux élèves : «  En l’état actuel dessources et des connaissances, on peut dire ou affirmer…. ». Sans tomber dansl’hypercriticisme, le linguistic turn, le relativisme ou leprobabilisme radical18, il est nécessaire de faire porter laréflexion des élèves sur ce point et de leur apprendre àraisonner en fonction de l’état de nos connaissances, toujoursimparfaites et toujours perfectibles.

Les études de cas présentées dans les manuels scolaires degéographie sont, toutes, le résultat d’un important tridocumentaire, sélection (parfois drastique) effectuée parl’auteur selon des logiques, des présupposés, des contraintes aussi(notamment éditoriales) qui peuvent être explicites ou pas. Ilest alors évident que bien des aspects et des particularitésd’un « cas » sont délibérément et sciemment mis de côté pourde multiples raisons a priori toutes légitimes dont celles quirelèvent de la masse documentaire à remettre aux élèves.

b) En classe, se pose en effet, pour d’évidentes questionsde temps, la question de la taille du corpus documentaire surlesquels les élèves vont travailler. Il n’est pas raisonnablede passer plus de trois heures en classe sur l’étude d’un« cas ». Cela impose donc de limiter le nombre des documentset cette limitation pèse sur les conclusions que l’on peuttirer de son étude. Quelle peut être la validité scientifiquede ces mêmes conclusions si les documents retenus sont peunombreux ? On sera donc toujours prudent et modeste lors dubilan final de l’étude19. Un travail à la maison ou au CDI peutêtre envisagé, mais il faut veiller à ne pas surcharger lesélèves.

17 Sur cette question, nous renvoyons à Beauvois Y. et Blondel Cécile (eds),Qu’est-ce que l’on ne sait pas en Histoire ? , Presses Universitaires du Septentrion,Villeneuve d’Asq (Nord), 1998. On pourrait ajouter à ce titre « et engéographie ? ».18 G. Thuillier, L’historien et le probabilisme, C.H.E.F.F., Paris, 2002 19 L’historien ou le géographe « n’est pas celui qui sait. Il est celui qui cherche » pour paraphraser Lucien Febvre.

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Du fait du nombre nécessairement limité des documents remisaux élèves, l’étude de cas est forcément réduite à quelquespoints qui sont liés à la problématique retenue. On ne peutdonc prétendre à l’exhaustivité ; mais, ni l’historien, ni legéographe n’ont aujourd’hui cette prétention ou cette naïveté.

Il faut enfin que les documents retenus par le professeuraient un lien entre eux, une relative unité, qu’ils soientsurtout en adéquation avec la problématique de la séquence.L’expérience montre que cela n’est parfois pas facile : lesliens (relations, connexions, etc.) paraissent évidents pourcelui qui a « monté » le dossier documentaire, ils le sontbeaucoup moins pour les élèves. La lecture de plusieurs étudesde cas dans les manuels de géographie de seconde révèle queles liens entre les divers documents ne sont pas évidents ;parfois, ils sont même forcés, voire arbitraires ou « tiréspar les cheveux ». Il est important d’avoir à l’esprit cetaspect ; cependant, le professeur n’est pas inerte pendant queses élèves travaillent ; il est de son devoir d’expliciter lesrelations entre les documents, d’apporter des connaissancessupplémentaires sur un mode magistral ou demander aux élèvesde rechercher ailleurs (manuel, CDI, internet, etc.) descompléments d’information (mais gare à l’inflationdocumentaire et au risque d’encyclopédisme).

L’idéal serait un corpus semblable à un puzzle aux piècespeu nombreuses et bien agencées ; dans la pratique, lesdossiers documentaires répondent imparfaitement à cet idéal20.Il faut donc savoir en tenir compte quand nos élèves sont misen activité et ne pas s’étonner quand ils rencontrent desdifficultés pour établir des relations entre les informationsqu’ils recueillent pendant leur travail.

Toutefois, ce travail de mise en relation est primordialsurtout si le professeur a pour ambition d’initier ses élèvesà la notion de « complexité ». Pour Edgar Morin, « c’est endéfinitive l’art d’organiser sa pensée, de relier et distinguer à la fois. Il s’agit defavoriser l’aptitude naturelle de l’esprit humain à contextualiser et à globaliser,c’est-à-dire à inscrire toute information ou toute connaissance21 dans son contexteet son ensemble. Il s’agit de fortifier l’aptitude à interroger et de lier le savoir audoute, de développer l’aptitude à intégrer un savoir particulier (…) dans un

20 Y compris celui que je présente ici.21 On devrait ajouter ici tout « cas ».

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contexte global (…) »22. Et l’auteur d’ajouter: « Il ne suffit pasd’énoncer la nécessité de contextualiser et celle de relier les savoirs ; il faut encoreenvisager les méthodes, outils, opérations, concepts aptes à ces reliances ». Etpour rester dans le cadre de l’étude de cas en géographie, jelaisse - en conclusion de ce paragraphe - la parole à ArmandFrémont qui écrit : « dans un monde complexe, la géographie peutapporter sa contribution au décryptage des combinaisons et des systèmes, ens’ouvrant à de nouvelles exigences sans oublier totalement son passé...»23.

*La place de l’étude de cas dans les programmes d’histoire.

Jusqu’à présent, les « études de cas » ont été quasimentabsentes des programmes d’histoire. Mais dernièrement, enjuillet 2003, les « accompagnements des programmes pour les classesde première des séries générales »24 consacrent deux paragraphes,d’inégale longueur, à « l’utilisation d’études de cas » (p. 8). Dans lapartie « Orientations générales », on lit : «  En géographie, leprogramme de première reprend explicitement la démarche des études de cas, selonune méthode initiée en seconde. Une démarche voisine peut, sur l’initiative duprofesseur, être mise en œuvre en histoire. Elle offre en effet de nombreux intérêts,notamment celui de faciliter la maîtrise de la programmation annuelle (enrassemblant les principaux éléments de connaissances liés à un thème autour d’uncas pertinent) et de se prêter à un travail autonome effectif des élèves »25. Dansla seconde partie « démarches pédagogiques », les auteursdéveloppent plus amplement « l’étude de cas en histoire » (p. 16 et17) ; ils présentent d’abord « une démarche pédagogique en deuxtemps » (étude du dossier documentaire puis « mise en perspective »)et ils insistent ensuite sur les « trois conditions de [sa] réussite ».Je recommande tout particulièrement la lecture de ceparagraphe auquel je souscris dans ses grandes lignes.

Les nouveaux manuels de 1ère d’histoire, sauf erreur de mapart, ne présentent pas d’études de cas. Par contre, lesprofesseurs peuvent trouver des « propositions d’études de cas22 E. Morin (dir.), Le défi du XXIème siècle. Relier des connaissances, Seuil, Paris, 1999.23 Op. cit., p. 114. Mots soulignés par moi.24 CNDP, juillet 200325 Souligné par moi.

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en histoire sur le site Eduscol :www.eduscol.education.fr/hg ». L’« étude de cas » en histoireest laissée à l’initiative du professeur ; la démarche n’adonc pas - dans les programmes d’histoire de première - decaractère contraignant (contrairement au programme degéographie de seconde). Les auteurs des « accompagnements desprogrammes » précisent d’emblée que « l’étude de cas » est unedémarche pédagogique parmi d’autres. Le professeur est libre dechoisir la démarche qui lui convient pour traiter leprogramme26.

Si, jusqu’à aujourd’hui, les « études de cas » ont étéabsentes des programmes scolaires, les historiensprofessionnels (ou non27) n’ont pas hésité, depuis longtemps, àétudier des « événements », majeurs ou mineurs ; des « faitsdivers » - mais jugés significatifs, et partant pertinents ; desvilles ou des villages sous la forme de monographies ; des viesou des trajectoires sociales par le biais de biographies dequalité très inégale. Sans le dire expressément, ce sont biendes « études de cas » qu’ils livrent à leurs lecteurs même sile « cas » ne se résume pas, loin de là, à l’étude d’unindividu (ou d’une famille), d’un lieu (quel que soit sataille, de la paroisse à la région), d’un monument, d’unebataille, d’un fait, d’un événement, etc. L’étude de cas nedoit pas se confondre non plus avec la microanalyse car ellepeut être « macro » par ses ambitions et ses problématiques ;la dichotomie, parfois établie entre « macro » et « micro »analyse, apparaît bien spécieuse, mais cela mériterait unelongue discussion épistémologique qui n’a pas sa place danscette contribution.

Citons, en désordre et avec des oublis, parmi les trèsnombreuses études majeures qui m’ont séduites : Le Dimanche deBouvines (G. Duby)28, Le village des cannibales (A. Corbin)29, Le monderetrouvé de Louis-François Pinagot (idem)30, Montaillou, village occitan (E.Leroy Ladurie)31, Le carnaval de Romans (idem)32, L’été Rouge (Jean-26 Voir mon texte sur le site de l’IUFM d’Aix- Marseille Liberté pédagogique et responsabilité du professeur d’histoire-géographie.27 Il y a des travaux d’historiens « amateurs » de très grande qualité.28 Gallimard, Paris, 1973.29 Flammarion, Paris, 199730 Ibid., 199831 Gallimard, 1985.32 Ibid., 1979.

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Claude Caron)33, Le roi des barricades (T. Bouchet)34, etc., etc. Maissi on y réfléchit bien, Lucien Febvre, en son temps,pratiquait cette démarche en interrogeant et en questionnant,de façon problématisée, les œuvres de Rabelais35 ou deMarguerite de Navarre36. Bref, l’engouement très récent pourl’étude de cas en histoire ne doit pas faire oublier que ladémarche est finalement ancienne sans pour autant débouchersur une réflexion théorique, une conceptualisation. C’estsurtout avec la microstoria - développée par plusieurshistoriens italiens à partir des années 70 - que l’étude decas a suscité une abondante et passionnante réflexionépistémologique.

En effet, l’étude de cas était alors délibérément placée aucentre des problématiques de recherche de ces historiensitaliens comme l’a brillamment démontré naguère le stimulantouvrage de C. Ginzburg Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du XVIesiècle37. Cette histoire tournait le dos à l’histoire sociale « àla française » (une macro-histoire), celle de F. Simiand (puisde F. Labrousse) pour qui « l’unique, l’événement, le grandpersonnage, le cas singulier […] ne pouvaient pas fairel’objet d’une étude scientifique » (J. Revel)38. A plusieursreprises, C. Ginzburg utilise le mot « étude de cas » ou « cas »quand il parle de son œuvre et de ce courant historiographiquefécond qu’est la microstoria, une histoire qui a aussi laparticularité de mettre l’accent sur les individus - les plusmodestes parfois - et sur leur rôle dans l’histoire en tantqu’acteurs. Cette histoire a montré les limites du sérielprôné par des historiens aussi talentueux que P. Chaunu et d’33 L’été rouge. Chronique de la révolte populaire en France (1841), Aubier, 2002.34 Seli Arslan, 2000. Je recommande cet excellent livre pour sa réflexion surla notion d’ « événement » en histoire.35 Le problème de l’incroyance au XVIe siècle. La religion de Rabelais, A. Michel, Paris,rééd. 1998. L’ouvrage date de 1942.36 Amour sacré, amour profane. Autour de l’Heptaméron, Gallimard idées, rééd. 1971.Le livre est de 1944.37 Aubier, Paris, 1980. Sur la micro-histoire et ses apports, on lira sousla direction de J. Revel, Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, HautesEtudes/Gallimard, Paris, 1996. Je recommande aussi la lecture del’excellent de G. Levi Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du XVIIesiècle, Gallimard, Paris, 1989, avec une préface stimulante de J. Revel quiest intitulée L’histoire au ras du sol. Sorti en 1985 en Italie.38 Souligné par moi. J. Revel, « Un vent d’Italie. L’émergence de la micro-histoire », Sciences Humaines, H. S. N° 18, sept/oct. 1997.

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E. Leroy Ladurie pour ne citer que deux grands ténors del’histoire quantitative.

Il faut enfin signaler quelques monographies marquantes -sociologiques ou anthropologiques - qui ne sont pas sansliens avec l’ouvrage pionnier de R. Thabault : Plozévet39 (E.Morin), Minot40 (F. Zonabend), Douelle-en-Quercy41 (J.Fourastié) qui sont - tout à la fois - de magnifiques exemplesdes changements que la France a connus dans la seconde moitiédu XXe siècle et des « études de cas » quasi exemplaires ! Lesprofesseurs ont la possibilité de puiser dans ces ouvrages denombreuses données pour construire des études de cas portantsur les transformations de la société française après laseconde guerre mondiale. L’ouvrage de Jean Fourastié est, à cetitre, très riche en informations (notamment statistiques),très utilisables par les élèves ou les étudiants.

L’étude de cas a donc mis du temps pour passer du domaineuniversitaire à l’enseignement de l’histoire en classe.Cependant, la réalité est beaucoup plus complexe. Je suispersuadé que de nombreux professeurs n’ont pas attendu cetengouement récent42 pour étudier des « cas » en classe avecleurs élèves soit à titre d’exemple, soit comme point dedépart d’un thème d’étude43. Comme M. Jourdain qui faisait dela prose sans le savoir, nombreux sont ceux qui ont travailléà partir d’« études de cas » sans le dire expressément (onutilisait alors le mot « exemple »). Songeons par exemple à cebeau dossier de la Documentation Photographique sur Carmaux44

qui a été utilisé par de très nombreux enseignants. Certes, àl’époque, très rares étaient les professeurs qui osaientpartir de l’étude de Carmaux pour traiter la question de laclasse ouvrière au XIXe siècle. 

39 Commune de France, la métamorphose de Plozévet, Fayard. Réédité sous le titrePLOZEVET : village breton ; carnet de terrain, Aube, 2001.40 La mémoire longue, PUF, Paris, 2000.41 Les trente glorieuses ou la révolution invisible, Hachette, Paris, réédition 2002(ouvrage paru en 1979). C’est semble-t-il l’historien Jules Michelet quiest à l’origine de l’expression « révolution invisible ».42 Il m’inquiète un peu car je ne goûte guère les modes pédagogiques.43 J’ai encore en mémoire les séduisants travaux présentés par mes collègueset amis du « Plan Histoire » (initié notre ami Philippe Joutard dans l’Académie d’Aix-Marseille dans les années 80) dans le cadre des journées de formation du défunt CPR.44 Les mineurs de Carmaux (1848-1914), Documentation photographique, N° 6005, 1973.

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Pour ma part, dès les années 8045, j’ai mis en œuvre cettedémarche dans mes classes de lycée avec : Mazières en Gâtine ;des « exemples » pris en Cévennes ou en Provence ; leCentenaire de la Révolution française en Lozère46 ; deux B. D.(« La ville qui n’existait pas », « Arrière-Pays »)47 ; la « Big Macconnection »48 ; « Afrique : la menace écologique » ; l’Eau au Moyen-Orient, au Bangladesh et aux Pays-Bas49 ; le Tiers-État en 1789(caricature)50 ; la révolution des Indiennes au XIXe siècle51 ;etc…. Plus récemment, dans le but d’étudier la sociétéd’Ancien Régime au mitan du XVIIIe siècle avec des professeursdes écoles (1ère et 2de année), j’ai utilisé à plusieurs reprisesun dossier documentaire consacré à la Bête du Gévaudan (1764-1767). Cet exemple, au-delà de la tragédie du fait-divers,permet de comprendre le fonctionnement d’une société rurale -dans toutes ses dimensions notamment psychologiques etculturelles - au moment où la France bascule dans la modernitédes Lumières. Partir d’un « cas » comme celui-ci a d’abordl’avantage de provoquer la curiosité voire la perplexité desélèves ou des étudiants ; la surprise passée, l’analyse desdocuments permet ensuite de montrer tout ce que l’on peuttirer comme informations d’un dossier documentaire pouréclairer les comportements et les ressorts d’une sociétérurale. À partir de là, on peut confronter les apports del’analyse micro-historique à ceux de la macro-histoire. Pour45 L’équipe du lycée Maurice Genevoix était alors composée de Jacques Mauduy(aujourd’hui professeur à la retraite), de Jackie Chabrol (aujourd’huiI.A./I.P.R. dans l’Académie d’Aix-Marseille) et de moi-même. 46 L’objectif était de montrer que les clivages nés à la suite de 1789 perduraient un siècle plus tard voire même après au grand étonnement des élèves pour qui la Révolution s’achève en 1799.47 En cours de géographie avec Jacques Mauduy. La première est de Bilal ; laseconde de Ferrandez.48 Véritable « étude de cas » (qui ne disait pas encore son nom) élaboréeavec Jacques Mauduy. Elle permettait de traiter en classe de terminale lesproblèmes des échanges agricoles à l’échelle planétaire en partant desproduits utilisés pour la fabrication du hamburger. C’était aussi le moyend’initier les élèves à la réalisation d’un graphe sagittal.49 Avec la mise en œuvre du programme de géographie de seconde (1981) en utilisant la démarche de Jacques Béthemont et de son équipe. Nous renvoyonsà l’ouvrage qu’il a dirigé de Géographie, seconde, Bordas, Paris, 1981. Ouvrage pionnier qui a essayé de mettre en œuvre une approche systémique en géographie. On regrette que cet ouvrage n’ait pas de suite.50 Voir ma contribution sur le site de l’IUFM d’Aix-Marseille.51 Ibid.

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ne prendre que cet exemple, l’histoire de la Bête du Gévaudanprend tout son relief quand on la resitue dans le contexte dela France des Lumières telle qu’elle est brillamment présentéeet narrée par Daniel Roche52 : le rôle de la route, lanaissance d’une opinion publique, la « médiatisation » dufait-divers, etc… Cette façon d’aborder l’histoire par un« cas » qui sort de l’ordinaire a séduit et motivé plus d’unétudiant.

Cependant, il y a une différence essentielle entre lesannées 80-90 et aujourd’hui. Naguère, « nous » étions encoredavantage dans « l’exemplarité du cas » que dans « l’étude decas » proprement dite ; les « cas » présentés aux élèvesétaient largement utilisés pour illustrer ou éclairer unaspect du cours (voire valider une affirmation ou légitimer lediscours du professeur), pour rendre plus « concrète » unenotion, une explication magistrale… ils étaient insérés àl’intérieur d’une séquence ; le travail autonome des élèvesétait limité sinon réduit. Aujourd’hui, le « cas » est :

* le point de départ d’un thème d’étude ou d’une séquence ;* étudié par les élèves dans une relative autonomie ;* prescrit en géographie pour le programme de seconde ;* encouragé en histoire tant en première qu’en seconde.Fort de l’expérience passée, il serait désastreux qu’au nom

de la liberté pédagogique accordée aux enseignants, lesprofesseurs d’histoire et de géographie évitent de se lancerdans l’étude de cas en histoire au prétexte de sa difficultéde mise en œuvre. Avec Mazières-en-Gâtine, je souhaitedémontrer le contraire.

*Qu’est-ce qu’étudier un cas ?

- Le mot « étude » implique un travail des élèves, donc unemise en activité - réelle et non factice - sur un corpusdocumentaire sous la conduite du professeur et avec son aide. L’« étudede cas » consiste donc à étudier, de préférence en classe, undossier dont les pièces apportent un éclairage plus ou moinscomplet (plutôt moins) sur une question. Ce dossier doitreposer sur une problématique à laquelle les élèves vonts’efforcer de répondre au terme du travail. Ce dernier repose

52 La France des Lumières, Fayard, Paris, 1998.

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également sur l’élaboration d’une trace écrite (sa forme peutêtre très diverse) et d’une synthèse (ou bilan).

L’importance de la synthèse ou du bilan est capitale : quelssont les éléments que l’on va retenir pour répondre, à une autre échelle, à laproblématique de la séquence ? Quelles sont les connaissances et les notionsacquises qui vont être mobilisées à cette fin ? Les conclusions dégagées de cetteétude sont elles transférables, généralisables ? Ce cas est-il unique ou au contrairefort commun, banal53 ? De quoi est-il le révélateur ? Dans quel contexte spatial etchronologique se situe ce « cas » ? La liste des questions n’est bienévidemment pas limitative, mais pour faire bref, on reprendrala problématique de J. Revel :

« Quelle peut être la représentativité du [cas]54 ainsi circonscrit ? Quepeut-il nous apprendre qui soit généralisable ? »55.

- Pour les modalités de la mise en œuvre de la démarche, jerenvoie aux propositions des auteurs de l’ « Accompagnementdes programmes » de 1ères qui envisagent « une démarche pédagogiqueen deux temps » : d’abord, le temps de l’étude du dossierdocumentaire ; puis, ce qu’ils nomment la « mise en perspective »56. Les deux démarches que je propose ici pour Mazières-en-Gâtine ne diffèrent guère de celles de ces collègues àquelques nuances près sur le vocabulaire utilisé57.

a) 1ère démarche : étude du dossier documentaire ; puis,synthèse et bilan ; enfin, dans un cadre de référence plusvaste : confrontation et comparaison des résultats (ce qui estvalable à l’échelle du « cas » l’est-il à une autre échelle ?)et réflexion sur une éventuelle généralisation et relativisation desconclusions. C’est à ce niveau que se situe la prise encompte :53 Dans ce cas, ce n’est plus un « cas », sans jeu de mot ou presque.54 J. Revel écrit « échantillon ».55 J. Revel, « L’histoire au ras du sol », introduction au libre de G. Levi, op. cit., p. XXX.56 Op. cit., p. 16-17.57 Je ne trouve pas que l’expression « mise en perspective » soit très adéquate.Selon le petit Robert, cette locution figurée [« mettre en perspectivequelque chose »] signifie « en exposer toutes les dimensions et présenter,l’arrière-plan, le contexte » (souligné par moi). D’un point de vuedidactique, je doute que ce soit vraiment l’objet de l’étude de cas.J’évite aussi le mot « contextualisation » : en géographie, il me sembleinadéquat (le « cas » s’insère d’abord dans un espace (donc un « cadre » - àne pas confondre avec un contexte - certes à un instant « t » (là, onretrouve le contexte des historiens qui est celui du temps présent ! ! !) ;et en histoire, tout « cas » est a priori placé dans un contexte.

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- des connaissances ou des informations supplémentaires ; - des indispensables et nécessaires nuances ; - de la validation ou de la non-validation des conclusions

dégagées à l’issue du travail des élèves. b) 2de démarche : à chaque étape de l’étude, les élèves vont

s’efforcer de confronter ce qui passe au niveau du « cas » avecce qui se déroule à une autre échelle. Dans le même temps, ilsenrichissent leurs conclusions par des complémentsd’information qui apportent des éclairages, des explications,des correctifs ou des nuances. Cela permet tout de suite derelativiser les résultats de l’étude, de mieux en cerner lesspécificités et les particularités.

II. Comment étudier le «   cas   » de Mazières-en-Gâtine   ?

a) Insertion dans le programme de 1ère (série ES et L) :

« Partie II La France du milieu du XIXe siècle à 1914. 3ème-La République :l’enracinement d’une nouvelle culture politique (1879-1914) ».

b) Mise en œuvre et démarches.

*Point de départ pour traiter de cette 3ème partie : le« cas » de Mazières-en-Gâtine. [Localisation sur une carte de France.Voir par exemple la carte du Hatier 2003].

*Problématique : « Comment un village devenu bourg est-il devenu

républicain ? ». [Cette problématique est soit d’emblée inscrite au tableaupar le professeur ; soit elle est à découvrir par les élèves].

*Notion-clé, notion-pivot58 : culture républicaine.

* Objectif final : rechercher et classer les facteurs quiont permis la pénétration et l’enracinement des idéesrépublicaines à Mazières59. Partir de Mazières pours’interroger sur ce qui s’est déroulé durant la même période(contexte) au niveau national : ces mêmes facteurs ont-ils joué au niveau58 Notion autour de laquelle se greffent, en forme de constellation,d’autres notions qui relèvent de la même problématique.59 Le professeur travaille ainsi sur la notion de causalité, une causaliténon linéaire bien évidemment.

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national ? Autrement dit : que nous apprend Mazières qui soit généralisableà l’échelle du pays ?

Première démarche : le travail commence individuellement ouen groupe par l’étude du texte n° 1. Il se poursuit parl’étude des documents annexes qui viennent éclairer etcompléter le texte n° 1. Il se termine par une synthèse ou unbilan. Ensuite, le professeur, dans un cours magistral et/oudialogué confronte le cas avec ce qui se passe au niveaunational. Il est possible aussi de répartir les élèves enplusieurs groupes, chacun travaillant sur un thème particulieraprès l’exploitation du texte n° 1. Lors du bilan ou de lasynthèse, un rapporteur présentera le travail du groupe.

Deuxième démarche : les élèves travaillent commeprécédemment, mais en comparant le « particulier » (le dossierdocumentaire) et le « général » (tel qui est traité dans lemanuel scolaire). Les données fournies par le manuelpermettent d’apporter des informations supplémentaires, detrouver des explications aux phénomènes et aux processusrencontrés à l’échelle du cas, etc… (Voir plus bas 4ème étape).L’expérience montre que l’on gagne ainsi énormément de temps.La prise d’informations, et donc de notes, peut se faire enpermanence sous la forme du tableau suivant (simplesuggestion) :

Au niveau local àMazières

Au niveau nationalen France

Les nouveaux manuels d’histoire (2003) de 1ère sont trèsriches et tiennent compte des acquis de l’historiographie laplus récente. Dans l’ordre de mes préférences, citons :

1° Hatier (Bourel et Chevallier) : La France devient républicaine(p. 142-159 avec un extrait du livre de R. Thabault à lapage 144). Très significativement, ce manuel part de Mazièresen « introduction » (on aurait apprécié l’appellation « étudede cas » !) de son chapitre n° 5 La France entre archaïsme et modernité

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(titre emprunté à la grande thèse d’A. Corbin sur le Limousinau XIXe siècle60) aux pages 110-111.

2° Bréal (J.-M. Gaillard) L’enracinement de la culture républicaine.1879-1914 (p. 158-177. avec une page – 166 - sur Le rôle décisif del’instruction publique.

3° Bordas (M.-H. Baylac) L’enracinement de laculture républicaine.1879-1914 (p. 157-179).

4° Belin (L. Bourquin) L’enracinement d’une nouvelle culture politique,1879-1914 (p. 148-167).

5° Hachette (J.-M. Lambin) La IIIème République de 1879 à 1914(p. 142 à 163).

Pour le professeur, nous recommandons très chaudement lalecture de deux ouvrages :

* Jean Leduc L’enracinement de la République.1879-1918, HachetteCarré-Histoire, 1991. C’est une excellente synthèse.

* René Rémond, La République souveraine. La vie politique en France, 1879-1939, Fayard, 2002. Un ouvrage lumineux.

1 ère étape  : compréhension du texte61.

Lecture du texte ; recherche sur le vocabulaire ; mise enplace de la chronologie (régimes politiques) ; dégager etclasser les différents thèmes abordés dans ce texte :économie, société, culture, politique, etc.…Le professeurexpliquera en classe les allusions contenues dans le texte, maisles annotations qui encadrent le texte suffisent amplement. Jesuggère une question très ouverte : quelles informations nousapporte ce texte   ? [Ou encore : que nous apprend ce texte ?]. 2 ème étape  : classement des informations

60 Archaïsme et Modernité en Limousin au 19ème siècle, 1845-1880, PULIM, Réédit. 1999(thèse publiée en 1975).61 N. B. Ce texte peut aussi servir de point de départ à une séquence plusclassique sur la France de 1848 à 1914. On peut aussi l’utiliser enrelation avec le document iconographique : « ce que la République a fait ». Cesdeux documents se répondent fort utilement, et cela d’autant mieux que lesdeux font référence aux élections de 1881 : municipales pour le premier,législatives pour le second. J.-Paul Chabrol, travail à paraître endécembre 2003.

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À partir du travail effectué en amont, les élèves peuventremplir un tableau (simple suggestion). Ce travail s’impose enclasse de 4ème ou dans les autres classes de 1ères si les élèvesont des difficultés avec la compréhension des textes (celui-ciest pourtant simple, mais en apparence seulement). Cependant, ilest évident que l’on peut se dispenser de cette étape si les élèves ont bien compris lesens du texte. Les meilleurs élèves se passent très bien de cetteétape.

Voir dossier documentaire/document pour leprofesseur/Documents 3 et 4

3 ème étape  : mise en relation des informations,approfondissements et synthèse.

1°) Mise en relation des informations et approfondissements.

L’objectif est de faire comprendre aux élèves que la« républicanisation des esprits » à Mazières est le résultatd’un ensemble de facteurs étroitement liés entre eux,interdépendants62. Même si l’école a joué un grand rôle (pourcertains il a été « décisif ») dans cette« républicanisation », d’autres facteurs l’ont favorisé.L’idéal serait d’aboutir à la réalisation du graphe63 quivisualise l’interaction (et même l’intrication) de cesfacteurs (voir documents 1 et 2 dans dossier documentaire,documentation pour le professeur). Mais on peut songer àd’autres formes de présentation. Ce graphe peut aussi êtreutilisé, en conclusion, par le professeur si les élèves necomprennent pas bien la pensée sous-jacente de l’auteur. R.Thabault veut non seulement montrer un faisceau de progrès,implicitement il a pour ambition de faire comprendre que tousces progrès sont liés entre eux64. La pratique prouve que lesélèves y compris les étudiants (PE1/2 ou PCL1/2) ont parfoisdu mal à comprendre cette dimension (cachée) du discours del’auteur.62 Je suis depuis longtemps favorable à l’idée d’enseigner aux élèves uneapproche systémique de l’histoire et de la géographie. Voir ma contributionsur le site internet de l’IUFM d’Aix-Marseille.63 Ibid., 64 Cette idée revient souvent dans son livre.

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Graphe ou pas, tableau ou pas, il est nécessaire de listerces facteurs :

Les facteurs économiques : les progrès de l’agriculture ;le développement de l’économie locale ; l’essor destransports ; etc.

Les facteurs sociaux : l’élévation et l’amélioration duniveau de vie ; la montée des « couches nouvelles »…

Les facteurs culturels : le rôle de l’école et celui de lamobilité des hommes (la route, le chemin de fer) ; le rôle dela circulation des idées ; le rôle des fêtes et desmanifestations républicaines ; etc.

Les facteurs politiques : les élections, l’influence desnotables républicains, la propagande, la nationalisation de lavie politique, l’importance du tournant de 1880…

Il est important d’apprendre aux élèves à se poser desquestions à partir du constat établi précédemment. Unimpératif s’impose : éviter à tout prix de rester cantonnédans le factuel, le simple prélèvement d’informations. C’est àpartir de cette étape que les élèves peuvent (ou doivent) seplacer dans une démarche de recherche en utilisant les documentsannexes ou d’autres ressources (apports du professeur, etc.).A l’usage, le plus simple est d’utiliser le manuel scolairecomme base documentaire. Les manuels signalés plus haut sontde ce point de vue très riches (surtout le Hatier 2003).

a) Les facteurs économiques : qu’est-ce qui a favorisé ces progrèsagricoles ? Quelles en sont les manifestations ? Quelles ont pu être les conséquencesde ces progrès sur les habitants de Mazières ? Que révèle sur le plan économique laprogression du nombre des artisans et des commerçants ? Etc.…65.

Documentsd’appui Document 6

Il montre l’importance de la petite paysannerie, la majorité de la population active. Mazières est une commune rurale.

Document 7 Il illustre l’interaction des phénomènes qui ont contribué à l’essor de l’agriculture.

Document 8 Il témoigne des progrès de l’agriculture. On soulignera la croissance des superficies ensemencées en froment, le déclin du seigle, etc…

65 Ces questions sont seulement indicatives. A l’utilisateur de cettecontribution de choisir des questions plus ou moins « ouvertes », plus oumoins étroites.

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Document 9

Il est à relier au document précédent. Il témoigne des progrès de cette agriculture et de son ouverture sur l’extérieur, le marché régional ou national. On soulignera l’importance économique du chemin de fer.

Le graphe n° [il a été réalisé à partir des donnéesfournies par R, Thabault et que ce dossier ne peut prendre encompte] apporte des éclaircissements sur l’ensemble deséléments qui ont contribué à l’essor de l’agriculture locale.Le professeur peut le présenter aux élèves au rétroprojecteur.Cependant, les élèves peuvent, de leur côté, rechercher desréponses à ces questions en se servant des chapitres consacrésà « l’âge industriel » et à ses conséquences sur ledéveloppement agricole ou encore dans la partie 1 (Le cadreterritorial et démographique) du chapitre II.

Les données sur le trafic de la gare de Mazières serontinterrogées et mises en relation avec le graphe.

[On aura compris que cette « étude de cas » peut être choisie commepoint de départ de la partie II du programme puisque l’on peut aborder enprenant appui sur Mazières : les transformations économiques et sociales ;les transformations politiques (chronologie) ; et in fine, répondre à laproblématique de l’enracinement des idées républicaines].

b) Les facteurs sociaux : ils portent sur l’améliorationdes conditions de vie et de l’état sanitaire de la population.C’est l’aspect le plus facile et le plus évident pour lesélèves : une population mieux nourrie et en meilleure santé.Les élèves n’ont aucune difficulté à faire le lien avec ledéveloppement économique. R. Thabault insiste surl’augmentation du nombre des fonctionnaires, la multiplicationdes commerçants et artisans. Ces éléments sont à relier àl’émergence de ce que Gambetta nommait « les couches nouvelles » quiont été, avec une large fraction de la paysannerie, lespiliers du régime républicain.

Documentsd’appui Document 4

Ces données illustrent la croissance du bourg (« développement et spécialisation » écrit R. Thabault) alors que la population des écarts stagne.

Document 5 Il souligne la montée de ces « couches nouvelles » liée au développement de l’État, à la croissance des services, au développement du commerce. Il illustre la diversification des activités économiques.

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Document 6Il montre l’importance de la petite paysannerie, la majorité de la population active. Mazières est une commune rurale.

Document 10

Il illustre la mobilité croissante de la population, autre signe de l’élévation du niveau de vie, du progrès des échanges, de l’ouverture de l’économie locale, etc.

c) Les facteurs culturels : Quelles sont ces « idées » dont parlel’auteur ? Qu’est-ce qui a facilité leur pénétration ? Qu’est-ce qui a favorisé l’usage etla généralisation du Français ? Quelles peuvent être les conséquences de l’usagemajoritaire du Français ? Qu’apprenait-on à l’École ? Pourquoi les années 1880 sont-elles très importantes ? (Les grandes lois libérales).

Documents d’appui

Document 3

Il résume les principaux points de la « nouvelle foi » républicaine, une véritable religion laïque. On soulignera l’importance des fêtes et des manifestationsrépublicaines, l’idéologie du Progrès

Document 10

Il illustre la mobilité croissante de la population, autre signe de l’élévation du niveau de vie, du progrèsdes échanges, de l’ouverture de l’économie locale, etc.avec pour conséquence un élargissement de l’horizon culturel des habitants de Mazières

Document 11 Le recul de l’illettrisme chez les conscrits témoigne de l’efficacité de l’École primaire républicaine.

d) Les facteurs politiques : il s’agit de faire comprendreaux élèves plusieurs données essentielles qui ont des liensétroits avec les transformations économiques, sociales etculturelles.

*La conscience patriotique : faible sinon nulle sous le 1er

Empire, elle devient très forte. Pourquoi ? Qu’est-ce qui a favorisé ledéveloppement du patriotisme ?

*La conscience politique : elle suit le même processus etaboutit - à partir des années 1880 - à l’émancipation desélecteurs à l’égard des anciens notables conservateurs et à

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l’égard de l’Église catholique (déclin de la pratiquereligieuse).

D’où plusieurs questions :Pourquoi cette adhésion aux idées républicaines ? Pourquoi cette population

majoritairement rurale (des petits propriétaires fonciers) a-t-elleadhéré massivement aux idées de la République ? Quelle a été l’attitude desgouvernements républicains à l’égard de la paysannerie ? Quel a été le rôle desnotables républicains ? Celui de l’École ? Tout le monde est-il républicain à Mazières ?Qui sont ces électeurs qui votent pour les conservateurs ? Les élections ont-ellesfavorisé la pénétration des idées républicaines66 ? Etc...

Documents d’appui

Document 3

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Document 5

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Document 10

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Document 11

Il est important de noter que tous les électeurs ne sont pas républicains. La lutte politique entre Républicains et Conservateurs est une réalité. Cette lutte a favorisé la « nationalisation » de la vie politique locale. Les élections ont permis la pénétration des idées politiques.

2°) Synthèse, bilan (fin de l’étude de cas).

Elle peut prendre la forme du graphe cité précédemment(voir documents n° 1 et 2 dans dossierdocumentaire/Documentation pour le professeur) qui résumel’étude ou faire l’objet d’une courte rédaction ordonnée etargumentée. Cette synthèse peut adopter des formes écritesdifférentes. Au professeur, de les varier.

4ème étape : généralisation, confrontation,validation….

Cette étape est nécessaire si on a adopté la premièredémarche. Dans une autre situation d’apprentissage (cours

66On peut s’appuyer sur le travail que nous avons fait à propos del’imagerie républicaine, à paraître en décembre 2003 sur le site IUFMd’Aix-Marseille.

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« magistral » ou cours dialogué), le professeur pose laquestion suivante :

« Voilà donc ce qui s’est passé au niveau local, dans une commune et uncanton de l’Ouest de la France (entre Parthenay et Niort) : qu’en est-il maintenantau niveau national   ? [Changement d’échelle] ».

C’est à partir de cette étape et dans une autre situationd’apprentissage (que le professeur va introduire un certainnombre de nuances et de correctifs. Peut-on généraliser à partir de cette étude de cas   ? André Siegfried affirme que « Mazières, de 1870 à1914, reflète fidèlement le développement du régime », celui de la IIIème

République. Parmi les facteurs qui ont contribué à cetenracinement, R. Thabault privilégie d’abord l’école, puis laroute et le chemin de fer. Le plan du livre est, à ce titre,très révélateur :

Chapitre I.- De 1789 à 1850. Etat de la commune aux environs de 1850 : économie semi-fermée ; école crée par le pouvoir central ; peu d’élèves, peu de fréquentation.

Chapitre II.- De 1850 à 1882. L’école, cause d’évolution économique, sociale et morale.Chapitre III.- De 1882 à 1914. L’école, cause d’évolution économique, sociale et morale.

Le professeur et les élèves peuvent discuter le bien-fondéde cette thèse en se posant plusieurs questions :

Les facteurs qui ont permis l’enracinement des idées républicaines à Mazièressont-ils les mêmes partout ? Ont-ils joué de la même façon dans toutes les régions ?Le rythme a-t-il été le même partout ? L’école républicaine a-t-elle joué vraiment lerôle que lui assigne R. Thabault ? Y-a-t-il des régions plus anciennement ou plusprécocement républicaines ? Y a-t-il encore à la veille de 1914 des régions rétives auxidées républicaines ? Etc., etc.

Il est possible de trouver la réponse à ces deux dernièresquestions en demandant aux élèves de comparer des cartesélectorales (malheureusement rares dans les nouveaux manuelsde 1ère) montrant la progression des voix républicaines enFrance entre 1848 et 191467. L’enracinement des idéesrépublicaines a été inégal selon les régions malgré le« Ralliement » des catholiques en 1890. La géographie électoraledes comportements et des « tempéraments » politiques confirmeces disparités68. Mais pour faire bref, on peut affirmer qu’en1914 les idées républicaines sont solidement établies enFrance même si quelques groupes sociaux sont hostiles (lescatholiques conservateurs) ou en marge de la République (les67 Nous recommandons le bel ouvrage de F. Salmon, Atlas électoral de la France, 1848-2001, Seuil, 2001.68 Voir les travaux d’A. Siegfried, Pierre Barral, Philippe Vigier, RenéRaymond, Maurice Agulhon, P. Lévêque, Eugen Weber, etc.

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ouvriers). Le ralliement et l’intégration de ces groupessociaux à la Nation se feront pendant la 1ère guerre mondiale.

Le professeur insistera sur les autres facteurs quin’apparaissent pas dans ce dossier sur Mazières : l’armée, lapresse, la propagande par l’image, le clientélisme, la« statuomanie », etc.…. On n’oubliera pas non plus lesconséquences de l’épisode boulangiste et de l’Affaire Dreyfus.

- On peut utiliser pour cette dernière étape un tableau(simple suggestion) en deux parties qui servira de traceécrite :

Au niveau local àMazières,

Nous avons constatéque….

Au niveaunational,On constateque…

- Il est également possible de mettre en relation lesdonnées du corpus documentaire avec les informations contenuesdans le manuel scolaire. Je prends ici comme référence lemanuel Hatier 2003 dans lequel on regrettera l’absence d’undéveloppent conséquent et synthétique sur le « modèle »républicain de la fin du XIXe siècle.

Documents d’appui Document 

6

Il montre l’importance de la petite paysannerie, la majorité de la population active. Mazières est une commune rurale.

p. 110-111p. 118-119 : La diffusion de la petite propriété : le modèle français.p. 120 (carte)

Document 7

Il illustre l’interaction des phénomènes qui ont contribué à l’essor de l’agriculture.

p. 118 § 2

Document 8

Il témoigne des progrès del’agriculture. On soulignera la croissance des superficies ensemencées en froment, ledéclin du seigle, etc.

Une France modernisée p. 114-115.

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Document 9

Il est à relier au document précédent. Il témoigne des progrès de cette agriculture et de son ouverture sur l’extérieur, le marché régional ou national. On insistera sur l’importanceéconomique du chemin de fer.

Une France modernisée p. 114-115.

Documents d’appui

Document 4

Ces données illustrent lacroissance du bourg (« développement et spécialisation » écrit R.Thabault) alors que la population des écarts stagne.

Une France modernisée p. 114-115.

Document 5

Il souligne la montée de ces « couches nouvelles »liée au développement de l’État, à la croissance des services, au développement du commerce. Il illustre la diversification des activités économiques.

Les bases sociales de la République p. 152-153

Document 6

Il montre l’importance dela petite paysannerie, lamajorité de la populationactive. Mazières est une commune rurale.

Idem §1 Une solide base paysanne p. 152-153

Document 10

Il illustre la mobilité croissante de la population, autre signe de l’élévation du niveau de vie. Cette mobilité participe à l’élargissement de l’horizon culturel de la population. Mais routes et chemin de fer ont aussi favorisé l’exode rural.

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Documents d’appui

Document 3

Il résume les principaux points de la « nouvelle foi » républicaine, une véritable religion laïque. On soulignera l’importance des fêtes etdes manifestations républicaines ; la « statuomanie » ; l’idéologie du Progrès

La statuaire républicaine p. 136-137p. 145Chapitre 7 p. 142-149

Document 9

Il illustre les progrès des échanges et de l’ouverture de l’économielocale, etc.

Document 11

Le recul de l’illettrismechez les conscrits témoigne de l’efficacité de l’École primaire républicaine.

Dossier L’école du peuple p. 150-151

Documents d’appui

Document 3 Voir plus haut p. 148-149Document 5 Voir plus hautDocument 10

Voir plus haut

Document 11

Il est important de noterque tous les électeurs nesont pas républicains. Lalutte politique entre Républicains et Conservateurs est une réalité. Cette lutte a favorisé la « nationalisation » de lavie politique locale. Lesélections ont favorisé lapénétration des idées politiques.

La République contestée p. 154-155.La République et les catholiques p. 156-157

III. Le dossier documentaire (pour les élèves et le professeur)

1° Observations et réflexions

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J’ai fait fugitivement allusion plus haut au problème de la« nature » des documents remis aux élèves. Il est important desouligner que le dossier concernant Mazières est composé dedocuments qui ne sont pas tous des « sources ». Les troistextes de R. Thabault ne sont pas des documents d’époque : ilssont le produit d’une recherche, d’une analyse et d’uneréflexion historiquement datées. Par contre, les donnéesstatistiques ont été puisées par l’auteur dans les archiveslocales. Toutefois, avec le recul historique, l’ouvrage de R.Thabault est devenu une référence pour de nombreux historiens,une quasi « source ». Ces brèves considérations nous amènent àune réflexion sur la « critique externe » des documents tellequ’elle est souvent conduite en classe : auteur, nature, date,information (l’inénarrable « ANDI » ou « NADI »).

Certes, ce travail est nécessaire, mais il faut veiller àne pas verser ou sombrer dans un rituel vide de sens. Le repérage(auteur, nature, date) n’est profitable et utile pour laréflexion historique que si ces données sont prises en comptepour la « critique interne » de documents. Or en classe, c’estexceptionnellement le cas sans jeu de mots ! Une fois que ceséléments ont été notés, très mécaniquement, par les élèves,ils ne sont jamais plus réutilisés au profit de l’analyse. Lacritique externe n’est vraiment intéressante que si elleaboutit à une réflexion scientifique et épistémologique sur lediscours de l’auteur69. Mais à ce niveau, elle dépasseraitl’entendement des élèves de collège et/ou de lycée et notrebut n’est pas d’en faire des historiens ou des géographes.C’est la raison pour laquelle, je suggère de passer assez vitesur cette critique externe des documents même si, sur le planscientifique, la « critique interne » du livre de R. Thabaultapporte des éclairages intéressants sur les fondements de sondiscours et de sa problématique.

Doit-on pour une « étude de cas » ne travailler que sur desdocuments-sources, des documents d’époque ? Je réponds par lanégative. L’Histoire ne s’écrit pas seulement à partir

69 Pour tous ces aspects complexes qui dépassent la méthode positiviste (toujours valide !) de Seignobos et Langlois, voir l’œuvre très connue de Paul Ricœur (Temps et récit, etc.). Plus accessibles, je recommande chaudement la lecture de deux ouvrages : J. Rancière, Les mots de l’histoire. Essai de poétique du savoir, Seuil, Paris, 1992 ; Ph. Carrard, Poétique de la Nouvelle Histoire. Le discours historique en France de Braudel à Chartier, Payot Lausanne, 1998.

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d’archives. Nombre de livres d’histoire universitaires sontécrits à partir de travaux de seconde main et saufexception(s), nul ne conteste leur statut scientifique.

2° Documents à remettre aux élèves

Numéro Thème Nature

1 Chronologie Frise

2 Mazières à quatre dates différentes Texte

3 Une « nouvelle foi » Textes

4 La croissance démographique Statistiques

5 L’évolution sociale Texte

6 Répartition de la propriétéfoncière

Statistiques

7 Graphe sur les progrèsagricoles graphe

8 Les superficies cultivées Statistiques

9 Le trafic de marchandises Statistiques

10 Le trafic de voyageurs Statistiques

11 L’illettrisme Statistiques

12 Le vote républicain et levote conservateur

Statistiques

3° Documentation pour le professeur

Numéro Thème

1 Un exemple de relations Graph

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e

2 L’enracinement des idées républicaines Graphe

3 1er exemple de tableau pour l’exploitation dudocument n° 2

Tableau

4 2d exemple de tableau pour l’exploitation dudocument n° 2

Tableau

J.-Paul Chabrol, PRAG, IUFM Aix-Marseille, septembre 2003.

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