loi renseignement

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Un abus d’ignorance Le 13 mai dernier la Chambre des Représentants des Etats-Unis vote par 338 voix contre 88, l’abolition de la section 215 du Patriot Act, l’un des piliers de la loi antiterroriste adoptée après les attentats du 11 septembre 2001. Au même moment le gouvernement français présente au Parlement la loi sur le renseignement dont l’une des mesures majeures est précisément la même que celle de la section 215 : le traitement de masse des données numériques de l’ensemble de la population

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Un abus d’ignorance

Le 13 mai dernier la Chambre des Représentants des Etats-Unis vote par 338 voix contre 88, l’abolition de la section 215 du Patriot Act, l’un des piliers de la loi antiterroriste adoptée après les attentats du 11 septembre 2001. Au même moment le gouvernement français présente au Parlement la loi sur le renseignement dont l’une des mesures majeures est précisément la même que celle de la section 215 : le traitement de masse des données numériques de l’ensemble de la population

La loi en brefAvec ce projet de loi, Les services du renseignement pourront recueillir des informations dès lors que cela concerne :

L’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationaleLes intérêts majeurs de la politique étrangère et la prévention de toute forme d’ingérence étrangèreLes intérêts économiques industriels et scientifiques majeurs de la FranceLa prévention du terrorismeLa prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale, de la reconstitution ou d’actions tendant au maintien de groupements dissous.La prévention de la criminalité et de la délinquance organisée.La prévention de la prolifération des armes de destruction massiveLe texte prévoit aussi le recours à de nouvelles technologies permettant aux agents de poser micros, balises, caméras espions partout où ils l'estiment nécessaire. Ils pourront également capter en direct de ce qui est tapé sur un clavier en temps réel.

L'un des points les plus controversés du texte concerne les Imsi-catchers, des appareils qui permettent, en imitant le fonctionnement d'une antenne-relais, d'intercepter les téléphones portables, leurs données de connexion ou écouter les conversations.

Et des boîtes noires avec un algorithme « secret » pour recueillir des milliards de données pour identifier la quinzaine de personnes ayant appelé un terroriste présumé !

Une méthode vouée à l’échec

Hadopi a été la première action qui a complexifié la tâche effectuée par le renseignement sur internet. Le législateur souhaitait alors protéger des intérêts commerciaux, mais cela a multiplié le nombre de personnes sous fausse identité numérique ne souhaitant pas se faire « hadopiser » 

Dans la même dynamique contre-intuitive, les fameuses boîtes noires, placées chez les opérateurs et censées faire remonter des "suspects", créent du faux positif et multiplient le nombre de personnes soucieuses de se protéger. Le nombre de personnes surfant sous une fausse identité numérique avec des outils tels que TOR (un réseau informatique superposé mondial et décentralisé permettant l'anonymat ) se multiplient. C'est un phénomène qui a déjà été observé en Turquie.De plus dans tous les attentats ayant meurtri la France, les acteurs de ces drames étaient déjà suivis par les renseignements.

Une ententeGroupe socialiste, républicain et citoyen

Pour : 252Contre : 10Abstention : 17

Groupe UMP

Pour : 143Contre : 35Abstention : 20

Avec pourtant une loi donnant la possibilité d’abus de pouvoir, une sécurité illusoire, une perte de renseignements, des réactions contre-productives et un impact négatif sur l’économie comment expliquer ce vote indifférencié?

Des dérives possibles

La lutte contre le terrorisme devient une excuse pour légaliser de facto l'espionnage industriel, installer des mouchards dans les centres de données des opérateurs télécoms, capter le son et l'image dans des lieux privés, le tout sans autorisation préalable du pouvoir judiciaire.

Un lanceur d’alerte qui dévoile des secrets d’une entreprise, ou des activistes qui empêchent un train de circuler, ou des militants qui neutralisent des engins de chantier, pourront-ils être considérés comme « nocifs aux intérêts supérieurs de la France » ?

Quelques témoignages

Selon la CNIL il y aurait des « conséquences particulièrement graves sur la protection de la vie privée et des données personnelles » et « Les garanties prévues pour préserver les droits et libertés ne sont pas suffisantes ».

Pour le juge antiterroriste Marc Trévidic, la loi sur le renseignement constitue une « arme redoutable si elle est mise entre de mauvaises mains » « Quand une loi me paraît dangereuse, je suis inquiet. »

Le Syndicat de la Magistrature estime que « la version du texte qui a été soumise au vote solennel consacre la légalisation d’hyper-pouvoirs de surveillance au profit de services de renseignement à peine contrôlés ».

Le syndicat des avocats de France qualifie la loi de « dangereuse ».Le bâtonnier des avocats de Paris, Me Pierre-Olivier Sur, dénonce le projet de loi Renseignement qu’il voit comme un « mensonge d’État ».Edward Snowden affirme que le gouvernement "exploite la tragédie" des attaques contre "Charlie Hebdo" et l'Hyper Cacher pour donner "de nouveaux pouvoirs intrusifs" aux services secrets.

« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux. » Benjamin

Franklin 63% des Français seraient favorables à une limitation des libertés pour lutter contre le terrorisme