les investissements chinois en afrique
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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC Á MONTRÉAL
LES INVESTISSEMENTS CHINOIS EN AFRIQUE
TRAVAIL PRÉSENTÉ DANS LE CADRE DU COURS DE GÉOPOLITIQUE CONTEMPORAINE
PAR BALTUS NICOLAS & LE MÉNAHÈZE GABRIELLE
JUIN 2012
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Table des matières
Introduction ...................................................................................................................................... 3
1. Contexte et enjeux ................................................................................................................... 4 1.1. Les acteurs ....................................................................................................................................... 4 1.2. Données générales par rapport aux relations sino-‐africaines ...................................... 4
2. Analyse factuelle des principaux domaines d’investissement chinois ................. 6 2.1. Le pétrole ......................................................................................................................................... 6 2.2. Les minerais .................................................................................................................................... 8 2.3. Le bois ............................................................................................................................................. 10 2.4. Les armes ....................................................................................................................................... 12 2.5. L’agriculture .................................................................................................................................. 15
3. Conclusions ............................................................................................................................. 17
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Introduction
L’Afrique est un continent qui a été laissé à l’abandon par les puissances coloniales et
laisse maintenant ouvert aux investisseurs étrangers de nombreuses possibilités.
Pendant de nombreuses années, terrains de chasses gardées des puissances
européennes en termes d’exploitation des ressources, l’Afrique d’aujourd’hui semble se
détacher de ce paternalisme, tente d’aller de l’avant et de créer de nouveaux
partenariats commerciaux. Ce continent, riches en ressources de différentes natures tels
que minières, naturels, pétrolifères, forestières, … est donc plein d’opportunités.
Face à la concurrence mondiale de plus en plus forte, il apparaît que la Chine veuille
s’implanter dans des marchés encore presque vierges de toute commercialisation
rationnelle. Pour faire face à sa demande interne et aux besoins de sa population en
continuel essor, la Chine investit le continent africain dans de nombreux domaines.
L’étude de ces divers investissements fera l’objet de ce travail. L’amplitude et la diversité
des investissements chinois en Afrique ne nous permettent pas d’aborder dans ce travail
l’intégralité de ceux-‐ci. De fait, nous nous concentrerons sur ceux nous paraissant les
plus évocateurs.
Dans un premier temps, nous aborderons le contexte et les enjeux des relations sino-‐
africaines en tentant de mettre en exergue chacun des acteurs de la dite dynamique.
Puis, nous nous intéresserons, de manière factuelle, aux principaux domaines
d’investissements chinois en Afrique : le pétrole, les minerais, le bois, les armes et
l’agriculture. Enfin, nous tenterons d’esquisser une brève analyse des enjeux en guise de
conclusion.
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1. Contexte et enjeux 1.1. Les acteurs
La Chine est le pays le plus peuplé du monde, elle compte, en 2010, 1 338 299 512
habitants1. De plus, c’est le pays qui compte la diaspora la plus grande au monde et en
particulier sur le continent africain. En effet, selon le Journal du Commerce chinois2, on
estimerait à 500.000 le nombre de chinois en Afrique. Depuis fort longtemps, les chinois
ont été des immigrés et ont été utilisés comme main d’œuvre bon marché à la fin de
l’esclavage en tant que substitution à cette dernière (les mines en Australie, le canal de
Panama, les voies ferrés du Congo belge,…).
La Chine prend de l’avance sur les investissements étrangers en Afrique des pays
comme la France, la Grande-‐Bretagne ou encore les Etats-‐Unis. De plus, « elle évince
aussi son rival Taiwan très longtemps implanté sur le continent en imposant la règle de
« c’est lui ou moi » »3. Contrairement à l’idée reçue, « de fait, la Chine ne fait pas que
s’emparer des matières premières africaines »4. En effet, sa politique en Afrique s’inscrit
dans un projet global de pénétration sur le continent à des niveaux multiscalaires. Dès
lors, il n’est pas toujours facile de lire les cartes de la politique pékinoise.
L’Afrique est l’un des plus riches continents au monde, en termes de ressources, mais
aussi le plus pauvre, en termes de niveau de vie, et des plus politiquement complexe. La
situation actuelle du continent africain tient à ce que l’histoire lui a donné. En effet, ce
continent, « pillé » par les puissances coloniales jusque dans les années 1960 et puis
laissé officiellement à l’abandon par ces dernières, regorge de matières tels que le
pétrole, les minerais, le bois, le poisson et aussi de produits agricoles dont les chinois ont
besoin pour nourrir leur population millionnaire grandissante. Les infrastructures
coloniales laissées à l’abandon n’ont pas permis aux africains, alors démunis de moyens
et subissant une grande pression des institutions financières internationales, de prendre
en main la destinée de leurs ressources.
1.2. Données générales par rapport aux relations sino-‐africaines On observe une augmentation exponentielle des échanges sino-‐africains depuis
1 Banque Mondiale 2 Journal du Commerce chinois (zhong guo mao yi bao), le 15 février 2007. 3 Serge Michel, Michel Beuret, La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir, Grasset, 2008, Paris, p. 20 4 Serge Michel, Michel Beuret, La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir, Grasset, 2008, Paris, p. 19
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plusieurs années. Comme chiffre représentatif, notons qu’entre 2002 et 2005, ceux-‐ci
ont presque triplé « passant de 12,39 milliards à 39,8 milliards de dollars »5. Notons que
c’est suite à l’entrée de la Chine dans l’économie de marché dans les années 1990 que
l’aide de la Chine n’est « plus totalement désintéressée mais mutuellement bénéfique »6.
Il est important de noter que l’aventure chinoise en Afrique n’a pas les mêmes limites
que celle des occidentaux. En effet, ces derniers sont limités par l’histoire du
colonialisme et les déboires péjoratifs pouvant y être associés. Les chinois, de leurs
côtés, n’ont pas ces limites mentales, ils vont en Afrique faire du business en laissant de
côté l’humanitarisme typiquement occidental.
De plus, le gouvernement chinois pousse à l’entreprise privée en Afrique, comme nous le
verrons plus bas avec l’exemple de l’agriculture. Celui-‐ci aide par tous les moyens :
informations, conseils juridiques, prêt sans intérêts... Il existe une « complémentarité des
efforts chinois, privés et publics, pour gagner un rôle de premier plan en Afrique. L’Etat
chinois (…) peut s’appuyer sur une diaspora chinoise de plus en plus nombreuse et
organisée, laquelle en contrepartie est encouragée par le volontarisme de Pékin »7.
5 Serge Michel, Michel Beuret, La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir, Grasset, 2008, Paris, p. 29 6 Ibid., p. 41 7 Ibid., p. 65-66.
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2. Analyse factuelle des principaux domaines d’investissement chinois
2.1. Le pétrole Le pétrole est le bien le plus importé par la Chine. En effet, il représente 60% des
importations chinoises en provenance d'Afrique8. D’autres part, notons que 25 % du
pétrole chinois provient d'importations africaines. Depuis 2004, la Chine se hisse au 2ème
rang d'importateur mondial de pétrole africain, derrière les Etats-‐Unis. Ces importations
chinoises proviennent d'une dizaine de pays africains dont notamment le Soudan et
l'Angola. Ainsi, 60% et 40 % de la production pétrolière de ces derniers sont exportées
en Chine9.
Les pays du Golfe de Guinée, notamment le Gabon et la Guinée équatoriale, sont
également de plus en plus importants pour la Chine. Cet intérêt s'est manifesté par
exemple lors de la visite du président chinois Hu Jin Tao en 2004 dans cette région. Il s’y
est rendu afin de développer les accords pétroliers avec le Cameroun et le Nigéria10. En
2006, il s'est encore rendu sur le continent dans le but de signer de nouveaux accords
avec le Cameroun ou le Nigéria. Comme le démontre le tableau ci-‐dessous, cet intérêt de
la Chine est justifié aux vues des réserves pétrolières prouvées et de la production dans
les pays africains.
8 Valérie Niquet-Cabestan « La stratégie africaine de la Chine », Politique étrangère 2/2006 (Été), p. 361-374. 9 J. Eisenman et D. Stewart, « China Japan Oil Rivalry Spills into Africa », texte disponible sur < 17 novembre
2005. 10 F. Lafarge, « La Chine et l’Afrique », Perspectives chinoises, n° 90, juillet-août 2005.
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Pour expliciter les investissements chinois en Afrique du point de vue pétrolier, le cas du
Nigéria constitue un bon exemple. En effet, le Nigéria est le premier producteur de
pétrole du Continent (cf. tableau ci-‐dessus) et ses échanges commerciaux avec la Chine
s’élevaient à plus de 3 milliards de dollars en 2006, ce chiffre ne cessant d’augmenter. En
janvier 2006, Pékin a signé une entente stratégique avec Abuja aux vues des importants
échanges entre les deux pays et dans le but de les stabiliser. Il est important de noter
que c’est le premier pays africain à avoir signé un accord de ce genre.
Les principaux puits de pétroles nigérian sont situés dans le delta du Niger. Ceux-‐ci sont
contrôlés par les guerriers des MEND (Mouvement pour l’émancipation du Delta du
Niger) qui « enlèvent des expatriés des grosses compagnies pétrolières »11, tel que Shell ou
encore ENI. Le but du MEND, par ces actions, est de décourager les investisseurs
étrangers dans la région pour finalement obtenir la souveraineté sur ses ressources,
dont le pétrole. Dès les début 2006, des militants du MEND ont commencé a attaqué les
installations pétrolières et kidnappé des travailleurs étrangers, ce qui eu pour effet de
diminuer de 20% la production de pétrole nigériane12.
Malgré la pression du MEND, les chinois ont investi (par l’intermédiaire de CNOOC qui
est une compagnie pétrolière chinoise créée en 1982 dont le capital est contrôlé en
totalité par l'État chinois) tardivement au Nigeria mais de manière massive (2,3
milliards de dollars) « dans une concession dirigée par la compagnie française Total »13.
Ceux-‐ci ont signés des contrats d’exploitations « contre la promesse d’investir 4 milliards
de dollars dans les infrastructures nigérianes »14. On voit ici donc bien la politique, soit
disant, « gagnant-‐gagnant » des relations sino-‐africaines.
Suite à l’incapacité des Etats-‐Unis de protéger le delta du Niger et aux attaques répétées
contre les entreprises pétrolières, le Nigeria a demandé à la Chine un support armé. En
effet, les Etats-‐Unis n’ont pas été capable d’arrêter les attaques dans le golfe et les
chinois les ont suppléés en fournissant des dizaines de bateaux de protection ainsi que
des armes. Cela s’est produit à l’encontre de l’avis de la communauté internationale. A
11 Serge Michel, Michel Beuret, La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir, Grasset, 2008, Paris, p. 56 12 Ian Taylor, “China’s new role in Africa”, Lynne Rienner Publishers, 2009, London, p. 49 13 Serge Michel, Michel Beuret, La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir, Grasset, 2008, Paris, p. 57 14 Ibid.
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cet égard, nous pouvons noter les déclarations d’un représentant néérlandais du groupe
de défense sur les droits de l’homme au jounal britannique The Guardian : « They are
impossible. They (China’s government) just don’t care what we or anyone else says »15.
Mais la raison pour laquelle la Chine fournit un soutien armée est qu’elle doit se
positionner de manière avantageuse face au gouvernement nigérian et faire cesser les
attaques du MEND qui lui font perdre trop car le pétrole nigérian est pour elle un besoin
vital.
Suite à ces actions, on aurait pu effectivement s’attendre à une baisse des attaques en
question mais au contraire « arms sales have not stopped MEND’s attacks against Chinese
interests – and may even have provoked greater efforts to target Chinese workers in the
Delta »16, la situation s’empira donc. En effet, on note en 2007 plusieurs cas de
kidnapping de travailleurs chinois par le MEND.
Aujourd’hui, les autorités chinoises ont compris qu’il fallait négocier avec les réalités du
pays. Ce dernier rimant malheureusement avec la corruption, la mauvaise gouvernance,
le clientélisme et le patronage. Ils se sont donc rendus compte que l’insécurité chronique
de la région est la pierre angulaire de la production chinoise de pétrole au Nigéria. Suite
à l’engagement chinois basé sur le principe de non-‐ingérence, leur marge de manœuvre
se révèle mince, en tout cas, de manière formelle.
2.2. Les minerais Le continent africain regorge d’une incroyable variété de minerais, énergétique ou non.
En effet, l’Afrique représente un tiers des réserves mondiales de minerais. Plus
précisément, ils produisent 89% de la part mondial de platine, 81% de chrome, 61% de
manganèse, 60% de cobalt. Ces trois minéraux étant utilisés dans les alliages d’acier.
Pour ce qui est des minerais traditionnelles, on notera que l’or africain représente 21%
du total mondial et le diamant 46%. De plus, il est intéressant d’observer l’importance
de pays comme Madagascar qui est le premier producteur africain de nickel, que la
Guinée abrite les deux tiers des réserves mondiales de bauxite (nous y reviendrons) et
15 The Guardian, 28 mars 2006. 16 Ian Taylor, “China’s new role in Africa”, Lynne Rienner Publishers, 2009, London, p.49
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que l’uranium africain représente 20% de la production mondiale. Ci-‐dessous une carte
représentant la localisation de ces minerais17.
Les ressources minérales africaines intéressent Pékin car certains minéraux, tels que le
cuivre, le nickel, le fer, la bauxite ou l'uranium, sont nécessaires à sa croissance. Ainsi, la
Chine a importé 20% de la production de minerai africaine en 200418.
Pour expliciter les relations sino-‐africaines en termes de minerais, nous allons nous
intéresser à la Guinée qui détient, selon les dires de son ministre des Mines, les
premières réserves mondiales de bauxite. Attention, il est important de noter que
l’aluminium s’obtient par un double raffinage de la bauxite, ce qui la rend donc prisée
sur les marchés.
La bauxite en République de Guinée est gérée entre la Corporation minière des métaux
non ferreux (qui est une entreprise d'État guinéenne) et Chalco (China Aluminium
17 Ces données sont inspirés de l’article de Vitraulle Mboungou, “Ressources minières en Afrique : un trésor inestimable” in Afrique Expansion Magazine disponible sur http://www.afriqueexpansion.com/produits-africains-/1953-ressources-minieres-en-afrique-un-tresor-inestimable.html 18 P.-A. Braud, « La Chine en Afrique, anatomie d’une nouvelle stratégie chinoise », Analysis, octobre 2005.
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Company)19. D’un point de vue de ses données de production, « la Guinée produit chaque
année 20 millions de tonnes de bauxite, de quoi fabriquer 300 milliards de cannette de
bière ou les châssis de 35 millions de voitures »20. Son utilisation permet donc une plus-‐
value fort importante. Pourtant, la Guinée ne s’occupe que de l’export des matières
premières et donc ne bénéficie pas des retombées des produits raffinés ou manufacturés
(ce qui est une caractéristique assez commune dans toute l’Afrique, et ce, dans tous les
domaines).
Ici, la Chine investit sous forme de « package ». C’est-‐à-‐dire qu’elle donne au pays « une
mine, un barrage, une centrale hydroélectrique, un chemin de fer et une raffinerie, le tout
financé par l’Exim Bank of China qui se rembourse en alumine »21. Cette méthode est
totalement opposé à celle utilisée par les multinationales « classiques » qui se contente
d’exporter la matière première sans prendre en compte les « besoins » des populations.
2.3. Le bois La Chine est l'une des premières importatrices de bois africain22. Pékin est présent au
Liberia, au Gabon, au Cameroun (avec la présence de la société Hong-‐Kong Vickwood),
Guinée équatoriale ou RDC. « Plus de 80% du bois africain, exploité ou non par des
entreprises chinoises, est exporté vers la Chine»23.
Pour encore une fois illustrer l’intervention chinoise en Afrique, dans le domaine
forestier, nous allons nous concentrer sur la République du Congo et l’exemple de
l’entreprise SICOFOR (acronyme provenant de leur territoire d’exploitation, les FORêt
SIno-‐COngolaises).
Il est tout d’abord important de noter que la société SICOFOR est apparue suite à la
volonté des deux chefs d’Etat respectifs de raffermir leurs liens d’amitié déjà existants.
SICOFOR naît de la mise en place d’un commerce de bois par un petit producteur
chinois. Cet entrepreneur chinois fit tout d’abord fortune au Gabon. Puis, en 2006,
19 Valérie Niquet-Cabestan « La stratégie africaine de la Chine », Politique étrangère 2/2006 (Été), p. 361-374. 20 Serge Michel, Michel Beuret, La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir, Grasset, 2008, Paris, p. 23 21 Ibid. 22 Valérie Niquet-Cabestan « La stratégie africaine de la Chine », Politique étrangère 2/2006 (Été), p. 361-374. 23 Ibid.
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« lorsqu’il apprend qu’une compagnie forestière chinoise au Congo, Man Fai Tai, bat de
l’aile, il se rend aussitôt sur place, négocie avec le ministre des Forêts le rachat des actifs de
cette société et fonde Sicofor »24. Celui-‐ci a racheté les actifs de China Overseas
Development qui, en 1996, s’était portée acquéreur des actifs de la Société Man Fai Tai et
STCPA-‐BOIS. Malheureusement, quelques années plus tard cette dernière fit faillite à son
tour et céda ses actifs à SICOFOR, à la suite d’une Convention d’Aménagement et de
Transformation entre la République du Congo et la SICOFOR le 5 octobre 2006. Dans
cette convention, cinq unités forestières d’exploitations d’une superficie totale de
803.618 hectares furent attribuées à SICOFOR. La dite entreprise, se sachant soutenue
par les Gouvernements congolais et la province de Jiangsu en Chine, bénéficie de l’appui
financier de la Banque de Chine qui dit vouloir investir sur un programme
d’investissement de trois ans pour un montant total estimé à près de 30 millions
d’euros25.
Il est intéressant de noter la déforestation croissante de la plus grande forêt au monde
après l’Amazonie. Ce fait est intéressant car il pose la question de sa raison. En effet,
deux s’opposent. D’un côté, le gouvernement congolais, par l’intermédiaire de son chef
d’Etat Sassou, prône dans une tribune du Figaro le 14 septembre 2010 « que le principal
facteur de déforestation en Afrique centrale et dans les pays forestiers tropicaux, c'est la
pratique d'une agriculture itinérante sur brûlis, qui dévore les espaces forestiers et dont les
effets ne sont pas circonscrits à la seule zone des cultures. En plus, même quand la zone est
isolée, dès lors que les exploitants forestiers s'installent, et que des pistes sont ouvertes, les
populations suivent et alors la forêt ne connaît plus de répit. On défriche à tout-‐va, sans
souci de régénérescence... Les forestiers prélèvent des essences, mais les agriculteurs
brûlent les jeunes pousses comme de vieux arbres... ». Alors que d’un autre côté, on peut
plus aisément penser que ce sont des compagnies forestières, comme la sino-‐congolaise
SICOFOR, qui consacre la destruction de la forêt.
Notons que les bois récoltés au Congo sont envoyés dans le sud du pays au port de la
Pointe-‐Nord. De là, ceux-‐ci sont transportés en quelques semaines au port de Zhang
24 Serge Michel, Michel Beuret, La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir, Grasset, 2008, Paris, p.88 25 Cette partie du travail sur la société SICOFOR et sa création est grandement inspirée de l’article de Glavhy Ofaye in Congopage disponible sur http://www.congopage.com/Une-autre-maniere-de-gerer-la
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jiagang, à côté de Shangai, « premier port mondial en commerce de bois tropicaux »26. Ce
bois sera donc manufacturé en Chine et renvoyé dans le monde pour diverses
consommations. Soulignons que la Chine est le plus gros fournisseur en bois du géant
suédois Ikea.
En termes de données, le République du Congo a exporté près d’un million de mètres
cubes de bois en Chine pour l’année 2006. Deux tiers de cette exportation sont des
troncs entiers, appelés grumes. Cela est notablement important car c’est en fait aller à
l’encontre de la loi car celle-‐ci impose la transformation de 85% du bois récolté sur
place27, ce qui n’est, dès lors, pas respecté.
De plus, insistons sur le fait que la Chine est le premier client du Congo mais aussi de
pays voisins exportateurs de bois que sont le Gabon, le Cameroun et la République
centrafricaine. Cette exportation et défrichement des forêts sont fortement inquiétants.
En effet, « le bassin du fleuve Congo recèle un tiers de la végétation de la planète »28, elle
comprend de plus une grande variété d’animaux dont 43 variétés de primates.
L’exploitation forestière pose donc question pour l’avenir et il serait certainement
plausible de penser que la pression internationale va s’accentuer sur le défrichement
des forêts africaines.
2.4. Les armes Avec l'implosion de l'URSS et l’ouverture du marché mondial des armes, les chinois ont
été concurrencés par des armes en provenance de Russie, d’Ukraine et de Biélorussie.
Afin de surmonter cette concurrence, les industries d'armements chinoises ont du jouer
sur le prix plutôt que sur la qualité. C'est pourquoi, ce sont les pays les plus pauvres de la
planète qui achètent relativement le plus d'armes chinoises. En effet, « some of the
poorest and most unsavory regimes on earth, which either cannot afford or are not
allowed to buy sophisticated Western arms, are turning to the World newest superpower
to buy guns, leg-‐irons equipements, and armored vehicles. »29. Autre particularité, un
nombre important d’armes chinoises sont des contrefaçons d’armes provenant des ex-‐
républiques soviétiques. Ainsi, « aujourd’hui, seul 12% du million de kalachnikovs
26 Serge Michel, Michel Beuret, La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir, Grasset, 2008, Paris, p. 89 27 Ibid., p. 90 28 Ibid., p. 91 29 BBC news, 16 juin 2006
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vendues dans le monde sont fabriquées en Russie »30.
Fait connu depuis la guerre Iran-‐Irak, la Chine a pour habitude d'approvisionner en
armes les deux parties lors de conflits. Comme le remarque Samuel Kim, la Chine « has
no principles, only interests, driving its arms sales to Third World »31.
La dynamique chinoise en terme d'armes consiste à la vente d'armements à bas prix et
de manière individuelle contrairement à ce qui est typiquement pratiqué par les grandes
armées britanniques ou américaines : appelés les méga deal. Ceci dit, il a été prouvé que
les armes à petits calibres, donc moins chères, sont une clef à la déstabilisation des pays
africains contribuant au crime, au désordre et facilitant les rébellions armées32. Fait
marquant et pouvant être qualifiés informellement relevant d’armes, selon un rapport
des Nations Unies, « une bonne partie des centaines de milliers de machettes achetées au
Rwanda par les groupes génocidaires étaient « made in China » »33.
Les données sur le trafic d’armes chinois sont presque absentes. En effet, la Chine
manque cruellement de transparence à cet égard. Selon le rapport d’Amnesty
International sur les armes de juin 2006, la Chine se place comme l’un des principaux
exportateurs d’armes au monde. Dans ce rapport, Amnesty International accuse la Chine
« d’avoir fournit un vaste choix de matériel militaire, de sécurité et de police à des pays qui
accusent de massives violations des droits de l’homme ». Le gouvernement chinois, par la
voix de Teng Gankun, membre de l’association chinoise pour le contrôle des armes et le
désarmement, s’est défendu de ces accusations en exprimant que les exportations
d’armes chinoises se font en conformité avec les règles internationales « puisque la Chine
s’impose un contrôle très stricte de ces exportations et de ses transferts de technologie
militaire »34. De plus, le gouvernement chinois s’appuie sur des statistiques du SIPRI
(Stockholm International Peace Reasearch Institute) dans son rapport 2000-‐2004 pour
comparer ses exportations d’armes avec celles des Etats-‐Unis et constater qu’elles n’ont
30 Serge Michel, Michel Beuret, La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir, Grasset, 2008, Paris, p. 228 31 Kim, S. (1994). « China's International Organisational Behaviour », in T. Robinson et D. Shambaugh (col.), Chinese Foreign Policy : theory and practice.Oxford : Oxford University Press, p.35-75 32 Muggah, R. et P. Batchelor, (2002) “Development Held Hostage : Assessing the Effects of Small Arms on Human Development : A preliminary Study of the Socio-Economic impacts and developments Linkages of Small Arms Proliferation, Availability and Use”, New-York : United Nations Development Programme, 2002. 33 Serge Michel, Michel Beuret, La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir, Grasset, 2008, Paris, p. 228 34 Ibid., p. 222
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pas dépasser 1,4 milliards contre 25,9 milliards de dollars pour les exportations
américaines. Finalement, à l’ONU, la Chine défend publiquement une position de soutien
aux efforts contre la lutte du trafic d’armes et c’est pourquoi, en janvier 2006, « la
délégation chinoise appelait de ses vœux une conférence sur la mise en application du
Programme d’Actions sur les Armes Légères »35.
Malgré le discours apparent de Pékin concernant ses exportations et le trafic d’armes à
travers le monde, il est important de constater que Pékin ne communique aucun chiffre
de ses ventes aux registres des Nations Unies sur les armes conventionnelles depuis
1997. C’est pourquoi les exportations chinoises d’armes ne sont pas vraiment chiffrables
et sont probablement sous-‐évaluées. Ainsi, le pistolet 9mm de l’entreprise chinoise
Norinco a inondé le marché sud-‐africain depuis la fin des années 1990. Or, l’entrée de
ces armes en Afrique du Sud n’est répertoriée dans aucune statistique douanière. De
plus, « selon l’observatoire Small Arms Survey, la Chine est l’un des plus gros exportateurs
d’armes légères de la planète »36.
L’exemple le plus parlant concernant l’exportation d’armes par la Chine en Afrique est
celui du Zimbabwe. Ce dernier, ayant à sa tête Robert Mugabe depuis le 31 décembre
1987, faisait l’objet d’un embargo total de la communauté internationale. Le dictateur a
besoin d’armes pour se maintenir au pouvoir à la fin des années 1990. Privé de ses
traditionnelles partenaires commerciaux en termes d’armements, la Chine se tournera
vers lui en juin 2004 pour lui fournir 240 millions de dollars d’armements ainsi que du
matériel d’écoute téléphonique. En 2008, c’est un bateau plein d’armes à destination de
Harare qui quitte la Chine. On le voit donc, la morale chinoise face à l’armement de
dirigeants possédant peu de légitimité démocratique ne les inquiète guère. Mais, la
question à se poser est de savoir si cela est une caractéristique de la Chine ou si c’est une
partie intégrante du comportement de tous les gros pays exportateurs d’armes.
En plus de soutenir de manière indirecte des dictateurs, on peut observer que le
gouvernement chinois approvisionne aussi des rebellions armées comme les
mercenaires du FUC (le Front Uni pour le Changement) au Tchad qui «possèdent des
35 Serge Michel, Michel Beuret, La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir, Grasset, 2008, Paris, p. 227 36 Ibid.
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armes fabriquées par Norinco, une société chinoise très réputée en Afrique »37.
2.5. L’agriculture Les produits agricoles représentent 5% des importations de la Chine et celles-‐ci
assurent 6% de la consommation apparente, i.e. de la somme des importations et de la
production diminuée des exportations. De plus, 5% de la production agricole chinoise
est exportée, c'est pourquoi on peut dire que la Chine n'est pas dépendante en matière
alimentaire du marché mondial, contrairement aux idées reçues. Les échanges sino-‐
africains concernant l'agriculture sont donc faibles. Il est à noter qu’à partir de 2004
« les importations chinoises de produits agricoles africains ont stagné alors que les
exportations chinoises vers l'Afrique ont augmenté de même que le surplus chinois avec
l'Afrique »38.
Malgré cela, l'agriculture constitue un secteur faisant face à un investissement massif
des entreprises chinoises dans l'exploitation de terres agricoles en Afrique à travers la
Corporation pour l'Alimentation et les Industries Agroalimentaires de Chine,
« particulièrement dans des zones libérées par le retrait des anciens exploitants de terres
réquisitionnées, comme au Zimbabwe ou en Tanzanie, au Rwanda ou en Afrique du Sud »39.
Le gouvernement chinois affirme que le but des investissements chinois dans
l'agriculture en Afrique depuis les années 1990 est de leur permettre de développer leur
agriculture et répond simplement à une volonté de résolution de l'insécurité
alimentaire de ce continent. C'est pourquoi il encourage les investissements chinois en
Afrique en matière agricole sous trois formes différentes.
En premier lieu, les investissements d'entreprises d'États comme ceux de la China State
Farms Agribusiness Corporation menant des projets agricoles en Zambie, Guinée,
Tanzanie, Gabon, Ghana, Togo, Mauritanie ou la ZTE Agribusiness Company Ltd
notamment au Congo.
37 Serge Michel, Michel Beuret, La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir, Grasset, 2008, Paris, p. 222 38 Chaponière JR « Les investissements agricoles de la Chine » Une source d'inquiétude?, Afrique contemporaine,
2011/1 n ° 237, p71-83 39 Valérie Niquet-Cabestan « La stratégie africaine de la Chine », Politique étrangère 2/2006 (Été), p. 361-374.
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Pékin encourage, d'autre part, les investissements d'acteurs provinciaux tels que la
Shanxi Province Agrobusiness Group au Cameroun ou au Mozambique où elle a loué des
terres afin de cultiver du riz, du coton et des légumes.
Finalement, les investissements individuels ou privés, difficilement chiffrables et
mesurables sont également encouragé et jouent aussi un rôle dans la stratégie chinoise
de pénétration multiscalaire sur le contient africain.
Ces investissements chinois en Afrique sont donc diversifiés en ce qui concerne
l'agriculture et, même si Pékin n'intervient pas directement, il offre son soutient
diplomatique et, dans certains cas, financier à ces initiatives. Cependant, ces initiatives et
investissements sont souvent vus d'un œil critique par les populations locales,
notamment du fait des différences culturelles entre les deux continents ainsi que du
passé colonial des africains qui ont tendance à percevoir ces investissements comme
une nouvelle forme de colonialisme.
L'exemple du projet chinois concernant l'agriculture au Mozambique illustre bien les
difficultés rencontrées par les investisseurs chinois.
En 2007, un protocole d'accord a été signé entre Pékin et Maputo afin de permettre
l'installation de 3000 chinois dans des zones fertiles situées dans les provinces de
Zamezia et Tet afin qu'ils cultivent les terres et gèrent fermes et pâturages. L'annonce de
ce projet a soulevé une importante controverse et celui-‐ci a été mal perçu par la
population mozambicaine ce qui a amené le gouvernement mozambicain à démentir
l'existence de ce projet. C'est pourquoi « les chinois envisageraient désormais une joint-‐
venture avec une participation de capitaux mozambicains »40.
Ainsi, les chinois investissent en Afrique tout en adaptant leurs stratégies
d'investissements aux différentes réalités rencontrées en terres africaines.
40 Chaponière JR, « Les investissements agricoles de la Chine » Une source d'inquiétude, Afrique contemporaine, 2011/1 n ° 237, p.71-83
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3. Conclusions Nous l’avons donc vu, les investissements chinois sur le continent africain ne sont pas
simples et uniformes. Ils revêtent de nombreuses formes et émanent de beaucoup de
sources. Nous allons, en guise de conclusion, passer en revue différents constats sur ces
relations que nous avons pu tirer.
Les relations sino-‐africaines sont des relations marginales qui concurrencent les
relations typiques de la mondialisation, c’est-‐à-‐dire entre les pays dits développés. Elles
rappellent ce que le mouvement des non-‐alignés à la Conférence de Bandoeng de 1955
voulaient mettre en place avec la mise en avant des divers principes dans leurs
relations : respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, pacte de non-‐
agression, non-‐ingérence dans les affaires d’autrui, égalité et bénéfices mutuels et
enfin coexistence pacifique.
L’analyse classique faite sur les relations sino-‐africaines est généralement qualifiée
d’internationaliste, c’est-‐à-‐dire que les projets chinois en Afrique seraient issus d’un
projet global du gouvernement chinois. C’est certes le cas mais ce n’est pas tout. Comme
nous avons pu le voir avec l’exemple de l’exploitation forestière en République du
Congo, les entreprises chinoises en Afrique émanent aussi d’initiative privée. En effet,
notons que ce n’est pas parce-‐que une entreprise chinoise où l’Etat serait partiellement
(ou même totalement) propriétaire, selon la volonté du projet global chinois, que
l’entreprise privée ne bénéficierait pas d’une certaine marge de manœuvre. Dès lors,
cette marge de manœuvre pourrait dissocier les ambitions chinoises étatiques des
ambitions chinoises « privées ».
Grâce aux développements ci-‐dessus et aux divers domaines sur lesquels nous nous
sommes concentrés, nous pouvons clairement affirmer que l’analyse par laquelle ce ne
serait que majoritairement grâce à des projets étatiques visant le secteur énergétique et
minier que l’invasion chinoise en Afrique se mettrait en place est fausse. En effet, les
chinois investissent de nombreux domaines qui sortent clairement de ces domaines.
La politique chinoise envers son partenaire africain fait penser, après examen des divers
secteurs ci-‐dessus, aux dires de Léopold II, roi des Belges, en 1877, en parlant de la