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BULLETIN DE BIBLIOGRAPHIE SPINOZISTE XXXVI Revue critique des études spinozistes pour l'année 2013 Centre Sèvres | Archives de Philosophie 2014/4 - Tome 77 pages 721 à 745 ISSN 0003-9632 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2014-4-page-721.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- « Bulletin de bibliographie spinoziste XXXVI » Revue critique des études spinozistes pour l'année 2013, Archives de Philosophie, 2014/4 Tome 77, p. 721-745. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres. © Centre Sèvres. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Biblio SHS - - 193.54.110.35 - 10/12/2014 09h50. © Centre Sèvres Document téléchargé depuis www.cairn.info - Biblio SHS - - 193.54.110.35 - 10/12/2014 09h50. © Centre Sèvres

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BULLETIN DE BIBLIOGRAPHIE SPINOZISTE XXXVI

Revue critique des études spinozistes pour l'année 2013 Centre Sèvres | Archives de Philosophie 2014/4 - Tome 77pages 721 à 745

ISSN 0003-9632

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2014-4-page-721.htm

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Pour citer cet article :

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- « Bulletin de bibliographie spinoziste XXXVI »

Revue critique des études spinozistes pour l'année 2013,

Archives de Philosophie, 2014/4 Tome 77, p. 721-745.

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Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres.

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La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Bulletin de Bibliographie Spinoziste XXXVI

Revue critique des études spinozistes pour l’année 2013 1

LIMINAIRE

LES étudES SPINozIStES Aux étAtS-uNIS

SPINozA Et LE PRINCIPE dE RAISoN SuFFISANtE (« PSR » EN ANGLAIS)REPRéSENtAtIoNS, CoNCEPtS, IdéES

En 2002, Michael della Rocca animait un séminaire de recherche sur Spinoza àl’université de Yale avec la participation de Yitzhak Melamed, Samuel Newlands etursula Renz, notamment. Il présentait alors pour la première fois une interprétationdu spinozisme – ultérieurement développée in extenso dans son Spinoza (dellaRocca 2008a) et dans de nombreux articles – qui a connu un immense succès auxétats-unis. Il est assez rare de voir parmi les historiens de la philosophie ce quedieter Henrich désigne comme des « constellations » et qui ne sont ni des écoles fon-dées autour d’une doctrine commune, ni des disputes qui se créent sur fond d’undésaccord profond, mais des communautés de lecture relativement peu hiérarchiséesqui se forment autour d’un problème partagé où chacun situe son interprétation parrapport à, et en fonction de celles de tous les autres (Henrich 1991). or, il nous sem-ble que le groupe de spinozistes qui s’est constitué en 2002 au Spinoza Seminar deYale est une de ces communautés.

L’importance de cette constellation pour le spinozisme contemporain anglo-amé-ricain ne se limite pourtant pas aux productions des participants du séminaire. Cetteapproche du spinozisme, conçue à l’origine par della Rocca, a laissé des traces unpeu partout, y compris en Europe. dans le monde germanophone, Renz a contribuéà l’introduire en proposant à ses co-éditeurs, Michael Hampe et Robert Schnepf, d’in-clure un texte de della Rocca dans l’ouvrage collectif sur l’Éthique de Spinoza qu’ilsont édité en 2006 dans la collection très répandue « Klassiker Auflegen » (le livre aété réédité en 2011, mais cette fois intégralement en anglais et avec de nombreusescontributions supplémentaires). Ensuite, della Rocca a été invité par dominik Perlerà l’université Humboldt de Berlin en 2007, puis en 2010 pour participer au colloquede l’European Society for Early Modern Philosophy (ESEMP). della Rocca a très

Archives de Philosophie 77, 2014, 721-745

1. Ce bulletin est rédigé par le Groupe de Recherches Spinozistes (CNRS/CERPHI) encollaboration avec l’Association des Amis de Spinoza (http ://www.aspinoza.com). La coordina-tion de ce numéro a été assurée par Henri Laux et Pierre-François Moreau. Le bulletin peut êtreconsulté sur le site de la revue : http://www.archives dephilo.com ou sur celui de l’association.

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clairement marqué le travail sur Spinoza de Perler (Perler 2006/2011a, et, notam-ment, 2011b).

L’interprétation de della Rocca, résumée à grands traits, consiste à soutenir quela philosophie de Spinoza toute entière se constitue autour de l’application omnipré-sente du « principe de raison suffisante » – dans ce contexte, le plus souvent abrégéen PSR (Principle of Sufficient Reason), ce qui permet d’éviter la confusion avec leprincipe homonyme de Leibniz. Pour della Rocca, le principe de raison suffisanteest le principe rationaliste par excellence ; il en donne une formulation générique quiélimine les éléments théologiques qui se trouvent invariablement à la base du prin-cipe dans les diverses formulations leibniziennes. Selon della Rocca, le PSR se réduitainsi à la thèse qu’« il n’existe pas de fait brut » (della Rocca 2003). tout ce qui existeest intégralement explicable. L’expression paradigmatique du principe dans la ver-sion spinoziste se trouve dans l’Éthique I, proposition 11, dém. 2 : « Pour toute chose,il doit y avoir une cause, ou raison assignable, pourquoi elle existe ou pourquoi ellen’existe pas ». Il s’agit en effet d’insister sur la fameuse identité cause-raison chezSpinoza selon laquelle, Alexandre Matheron le disait déjà, « ce qui est principe d’in-telligibilité doit être en même temps cause efficiente » (Matheron 1969 : 16).

Mais comment interpréter cette identité ? Spinoza veut-il dire que toute cause seréduit à une raison ou inversement ? Veut-il dire que la relation causale se réduit àune relation conceptuelle ou inversement ? ou pense-t-il encore pouvoir garder leurdifférence malgré leur co-extensivité ? Pour della Rocca, la réponse est claire : au seinde l’identité cause-raison, ce sont les causes qui se réduisent aux raisons : « causalconnections are grounded in and stem from conceptual connections » et « conceptualconnections are clearly, for Spinoza, more fundamental than causal connections »(Spinoza 2008 : 40). Il entend dire par là que chez Spinoza les relations logiquesd’inhérence, les relations causales, et les relations conceptuelles sont coextensives,mais que ces dernières sont plus fondamentales que les autres qui en dépendent.

della Rocca n’est ni le premier ni le seul à accorder un rôle central au principede raison suffisante chez Spinoza. dès 1968, Gilles deleuze insistait sur le fait que« chez Spinoza non moins que chez Leibniz, il semble donc que la raison suffisantefasse valoir ses exigences », et il faisait de ce principe partagé la base même de leuranti-cartésianisme commun (deleuze 1968 : 63, 208, 299). Hans-Peter Schütt n’at-tribue pas exactement le principe à Spinoza, mais il insiste sur le rapport conceptuelétroit qui existe entre le nécessitarisme et le PSR (tout en insistant sur le fait que,selon lui, une interprétation nécessitariste de Spinoza n’est pas cohérente) (Schütt1985). Selon Richard Mason, Spinoza soutient « une version particulièrement fortedu principe de raison suffisante » (Mason 1986 : 207). Pour Martin Lin aussi, le PSR« constitue l’un des engagement les plus importants qui forment la métaphysique deSpinoza », ce principe est « la force qui véhicule sa métaphysique » (Lin 2007 : 262).En 2003, Frédéric Manzini a publié un article intitulé « Leibniz on Spinoza’s Principleof Sufficient Reason ». Enfin, en 2014, daniel Schneider a publié un texte qui exploreles fondements de ce principe dans le contexte spinoziste. de façon plus générale,quand della Rocca déclare que la philosophie de Spinoza est un « rationalisme sousstéroïdes », il est difficile de ne pas faire de comparaison avec la description que donneM. Gueroult de la philosophie de Spinoza comme un « rationalisme absolu », ouencore de ne pas penser à la caractérisation de la philosophie de Spinoza parMatheron, selon lequel « le Leitmotiv de l’Éthique est que tout est intelligible, depart en part et sans aucun résidu » (Matheron 1969 : 5-6).

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toutefois, sur deux points au moins, l’analyse de della Rocca diffère de toutesces interprétations. d’abord, della Rocca généralise la thèse de façon à soutenir quele PSR ne gouverne pas seulement la construction de base de la métaphysique spi-noziste, mais également sa théorie des passions (della Rocca 2008a, et 2008b), etmême sa théorie politique (della Rocca 2008a, et 2010b). Ensuite, et plus important,della Rocca donne un tour supplémentaire à la thèse en soutenant l’idée d’un dou-ble usage du PSR selon lequel non seulement tout est intelligible et concevable, maistout est intelligible et concevable en termes d’intelligibilité et de concevabilité. Parcela, il entend dire non seulement que les rapports conceptuels s’expliquent épisté-mologiquement par eux-mêmes, mais qu’ils constituent pour eux-mêmes leur pro-pre fondement ontologique, donc que les rapports conceptuels constituent la basede tout ce qui est.

Pour saisir comment della Rocca est arrivé à cette conclusion, il faut remonterà son premier livre, Representation and the Mind-Body Problem in Spinoza (1996).Il y propose une interprétation de la philosophie de Spinoza foncièrement représen-tationaliste selon laquelle il n’existe chez Spinoza que des représentations. Pour dellaRocca, toute chose est identique à sa représentation. or, quand cette thèse se marieavec le conceptualisme qui gouverne son Spinoza de 2008, on aboutit assez naturel-lement à une lecture d’ordre idéaliste selon laquelle le réel se réduit aux idées. onpeut suivre ainsi l’évolution de la lecture spinoziste de della Rocca sur une périodede presque vingt ans en explicitant le rapport étroit qui existe entre le représentatio-nalisme du livre de 1996, le conceptualisme avéré de celui de 2008, et la tendanceidéaliste qui finalement s’explicite dans sa contribution au volume collectif Spinozaand German Idealism, édité par Melamed et Eckard Förster en 2012.

Les divers travaux de Renz, Melamed et Newlands ne tournent pas toujoursautour de cette discussion sur Spinoza et le PSR. Renz a publié aussi des travauximportants sur Natorp, Cohen, Cassirer et le post-kantisme ; Melamed travaille éga-lement sur Maimon, l’idéalisme allemand et la philosophie juive ; Newlands a publiédes textes sur Leibniz et Hume. Cela dit, dans leurs travaux sur Spinoza, ils se situentsouvent par rapport à la thèse de della Rocca sans être pour autant toujours d’ac-cord avec lui. Notamment, aucun d’entre eux n’admet le « double usage du PSR ».

La thèse centrale du livre d’ursula Renz sur Spinoza, Die Erklärbarkeit vonErfahrung, est celle de l’« explicabilité de l’expérience subjective ». Elle décrit la posi-tion philosophique de Spinoza en termes de « rationalisme réaliste » (Renz 2010 : 11-14). on entend clairement les résonances de la thèse de della Rocca dans ces déter-minations. Mais on y entend également une critique de cette même thèse : de parl’accent que Renz met sur le « réalisme » de Spinoza, elle résiste à la tentation idéa-liste : le monde existe bel et bien au-delà de sa conception, et son existence ne seréduit pas à son intelligibilité. Il faut noter entre parenthèses que le livre de Renz aété récompensé en 2011 par le prestigieux Journal of the History of PhilosophyPrize en tant que meilleur livre d’histoire de la philosophie de l’année 2010 (une tra-duction anglaise est actuellement en cours pour oxford university Press).

une autre stratégie pour modifier (plutôt que réfuter) la thèse de della Rocca estcelle adoptée par Samuel Newlands. Selon lui, les relations conceptuelles sont,comme le soutient della Rocca, plus fondamentales qu’aucun autre type de relationschez Spinoza. toutefois, en proposant une analyse plutôt ingénieuse et très bien fon-dée sur les textes, Newlands parvient à la conclusion assez déconcertante que, chez

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Spinoza, les relations conceptuelles sont « neutres » à l’égard des attributs. Il ne s’agitdonc pas nécessairement de relations mentales, en tant que relations qui se consti-tuent dans l’attribut de la pensée. Les relations conceptuelles s’expriment en tantque telles simultanément dans tous les attributs. Bref, afin d’éviter que le concep-tualisme spinoziste ne se réduise à un idéalisme, Newlands sépare ainsi la conceptionde la représentation idéale (Newlands 2012).

Si on s’en remet à l’article « the Sirens of Elea », Yitzhak Melamed, quant à lui,estime que della Rocca se rend coupable d’un « mauvais usage » du PSR contre lequelSpinoza lui-même nous met en garde dans l’Éthique quand il critique, dans l’appen-dice de la première partie, ceux qui « ne cesseront de demander les causes descauses ». Parfois, selon Spinoza, aucune cause ou raison ne nous est accessible et, ence sens-là, il n’y a pour lui rien de scandaleux dans les faits inexplicables, contraire-ment à ce qu’implique l’appel heuristique au PSR que della Rocca fait souvent pourchoisir entre plusieurs options interprétatives (Melamed 2012b). En outre, pourMelamed, il y a des limites à l’univocité des notions de cause et de raison chezSpinoza. Ainsi, il existe dans le système de l’Éthique ce qu’il désigne comme des« bifurcations légitimes » : d’une part, une bifurcation radicale dans la notion de « cau-salité » en causalité immanente et causalité transitive et, de l’autre, une bifurcationradicale dans la notion de « conception » qui sépare la relation conceptuelle entre unechose et l’essence de dieu, de la relation conceptuelle entre une idée et sa causeexterne (Melamed 2013a : 108 ; Melamed 2012a).

Actuellement, les discussions de l’interprétation de della Rocca semblentconduire la recherche dans deux directions distinctes. d’un côté, du point de vuehistorique, elles ont déclenché un intérêt renouvelé pour les interprétations idéalistesde Spinoza, chez les idéalistes allemands, Hegel notamment (Melamed 2010 et 2012b;Förster et Melamed 2012 ; Newlands 2011a), mais aussi chez les idéalistes britan-niques, par exemple chez l’élève de Bradley, Harold Joachim (Newlands 2011b; dellaRocca 2013 ; Joachim 1901). de l’autre côté, le rationalisme radical, comme d’ail-leurs aussi le monisme spinoziste, sont en voie de devenir des positions respectablesdans la métaphysique analytique contemporaine, et il représente une opposition puis-sante à toute méthode s’appuyant sur le sens commun plutôt que sur la raison seule.dans « the taming of Philosophy », della Rocca propose ainsi une critique appro-fondie du principe d’« équilibre réflexif » développé par John Rawls et presque uni-versellement accepté dans la tradition analytique, et il s’en prend aux fameuses« intuitions pré-philosophiques » dont ce principe permet de justifier l’utilisation(della Rocca 2013). Il suggère également comment les philosophes historiques – enprenant comme exemple Bradley et Spinoza – peuvent nous aider à « désapprivoi-ser » (untame) une philosophie contemporaine trop soumise à cette « méthode desintuitions ». Chez Yitzhak Melamed, dans son article intitulé « Charitable Interpre -tations », on trouve une critique analogue du « principe de charité » de donalddavidson, tel qu’il a été employé pour justifier des interprétations des philosophesdu passé que Melamed juge réductrices, en particulier l’interprétation de Spinozadéfendue par Edwin Curley (Melamed 2013).

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2. Nous sommes ici redevable à Michael della Rocca, Samuel Newlands, Yitzhak Melamed,ursula Renz et Martin Lin pour leurs différentes contributions.

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Instruments de travail

1.1. « Bulletin de bibliographie spinoziste xxxV », Archives de Philosophie, 76(4), p. 725-754.

Textes et traductions

2.1. Baruch SPINozA : Compendio di Grammatica della Lingua Ebraica, a curae con introduzione di Pina totaro, traduzione italiana e note di Massimo Gargiulo,Firenze, olschki, 204 p.

Pendant longtemps, l’Abrégé de Grammaire de la langue Hébraïque a été unouvrage difficile, et le moins lu parmi les écrits de Spinoza. Cependant cette récentetraduction italienne démontre qu’il commence à gagner sa juste place dans l’inté-rêt des historiens et des chercheurs intéressés par la pensée du philosophe hollan-dais.

Au cours des dernières décennies ont paru la traduction française deJoël Askénazi et Jocelyne Askénazi-Gerson (Vrin, Paris, 1966), la traduction anglaisede Samuel Shirley dans le volume édité par M. Morgan, Spinoza Complete Works(Hacket, Indianapolis, 2002), la traduction espagnole de Guadalupe Gonzálezdiéguez, Compendio de gramática de la lengua hebrea (Editorial trotta, Madrid,2005), et une première traduction italienne par Maria Elena Buslacchi dans levolume édité par Andrea Sangiacomo, Spinoza. Tutte le opere (Bompiani, Milano,2010).

La traduction de Gargiulo se caractérise par la fidélité au texte latin et la richessedes notes, qui rendent compte de façon détaillée des choix linguistiques et souventdes enjeux philologiques et philosophiques du texte. Il est très intéressant de noterque celles-ci montrent en particulier la connaissance que Spinoza avait du grec.Comme l’explique par exemple Gargiulo dans une note : « le Compendium montre,d’une façon qu’on ne trouve pas ailleurs dans son œuvre, que Spinoza était compé-tent en grec. Par exemple, il explique le son des lettres dans l’analyse de l’alphabet(comme le kaf hébraïque comparé au chi grec). Puis, comme pluriel de scheva, ilutilise la forme schevata, clairement formée sur les substantifs en -ma, -matos de latroisième déclination en grec. Puisque l’infinitif substantivé ne nécessite pas d’arti-cle en latin, il choisit celui en grec et le décline aussi. dans la citation des livres desChroniques il n’utilise pas ce titre mais celui de la Bible grecque, Paralipomeni. Pourexpliquer l’usage des prépositions dans le chapitre Ix, il utilise une analogie avecl’usage du génitif grec, et il emploie le pronom indéfini grec pour rendre certain liensprépositionnels. Ainsi il se sert du parallèle entre le latin et le grec pour justifier saclassification des conjugaisons des verbes hébraïques » (p. 36-37).

de son côté, Pina totaro montre dans son introduction les raisons qui enracinentle Compendium dans l’œuvre de Spinoza, en soulignant en particulier l’affinité et ladépendance de celui-ci avec le projet développé dans le Traité théologico-politique(p. 1-32). totaro note aussi comment l’examen de la bibliothèque de Spinoza nousapprend l’importance qu’il attribuait « à la nécessité de se doter d’instruments deconsultation adéquats, d’éditions fiables, de dictionnaires, de concordances, d’ou-vrages grammaticaux, de répertoires et lexiques de différents genres » (p. 21-22).Finalement, totaro nous offre une reconstruction très intéressante pour compren-

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dre la réception du Compendium spinozien aux xVIIe et xVIIIe siècles : on y retrouvenon seulement Richard Simon et son Histoire critique du Vieux Testament (1678),mais aussi Biagio Garofalo et ses Considerazioni […] intorno alla Poesia degli Ebreie dei Greci (1707).

Cette nouvelle traduction se présente donc avec tous les éléments nécessaires poursusciter l’intérêt du lecteur et l’aider à explorer ce texte de Spinoza encore peu étu-dié : Tolle et lege.

Andrea SANGIACoMo

2.2. Baruch SPINozA : Tratatu politikoa. (Sarrera : Javier Peña ; Itzulpena :P. Ezkiaga, E. Antxustegi arg.), Bilbao : Euskal Herriko unibersitatea, 218 p. –traduction basque du Traité politique, avec une introduction de Javier Peña.

2.3. Pina totARo : « on the recently discovered Vatican mauscript of Spinoza’sEthics », Journal of the history of philosophy, 51 (3), p. 465-476.

Recueils collectifs

3.1. Filip BuYSE (ed.) : « Galileo and Spinoza. Special issue », Intellectual HistoryReview, 23 (1), 157 p.

3.2. Francesco CAMERA, Andrea SANGIACoMo (a cura di), La ragione dellaparola. Religione, ermeneutica e linguaggio in Baruch Spinoza, Padova, Il Prato,298 p.

Ce recueil interroge la question du rapport entre raison et religion, question quiconstitue le véritable noyau conceptuel du Traité théologico-politique, mais quianime aussi la pensée de Spinoza depuis ses premiers écrits. Ce livre se présentecomme une occasion de sonder le rôle de la parole dans la philosophie spinozienne,en montrant les multiples faces qu’elle revêt en tant que parole révélée ou parole desprophètes, parole d’un langage, parole qui naît dans un contexte socio-historique etqui est donc principalement liée aux réseaux de l’imagination. En outre, le choix dutitre du livre, « la raison de la parole », signifie une démarche plus ample, qui abordele problème de l’autonomie d’une théologie « amendée » ou d’une religion « libérée »,déclinée selon les notions de justice et charité.

L’analyse du conflit entre imagination et raison est d’abord mise en œuvre parFilippo Mignini, qui fait ressortir le double jugement de Spinoza envers la théologie :d’une part, celle-ci apparaît comme un instrument autoritaire qui gouverne les pas-sions des hommes, d’autre part, l’obéissance théologique garantit une voie pour lesalut de tous les hommes, à travers un parcours qui est d’ailleurs soumis aux renver-sements de la fortune. de la même façon, la fonction pratique de la religion révéléeest envisagée par Alessandro dini, qui attribue une origine commune aux deuxgenres de connaissance, prophétique et naturelle, sans toutefois négliger leurs diffé-rences. Par ailleurs, Letterio Mauro intervient sur la duplicité du chemin du salut :selon lui, la figure de Christ, qui ne se superpose pas à celle du sage, répond à lamême exigence de salut que la philosophie spinozienne, dont les principes rationnelstrouvent confirmation dans l’itinéraire de perfection et de sagesse tracé une fois pourtoutes par cette figure extraordinaire. La possibilité d’une traduction des catégories

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religieuses dans la terminologie philosophique est ainsi précisée dans l’enquêted’Ivano tonelli, qui lit le Court traité à la lumière des idées de dépendance et de par-ticipation de la partie à la substance infinie. À ce sujet, diego Fusaro interprète lathéorie de la substance spinozienne avec les outils forgés par Hegel et reconnaît lepoint de départ de l’Éthique dans la priorité de l’entier et de la communauté sur lapartie et l’individu.

L’approche interdisciplinaire de l’ouvrage, évoquée dans la préface, devient plusévidente avec les autres études de ce volume : daniele Rolando, avec la notion de« credo minumum », pose la question de l’ambiguïté du langage spinozien, tandis quedonatella di Cesare présente Spinoza comme le premier « grammarien » de la languehébraïque vivante, tout en reconduisant l’« amphibolia » de ses concepts à l’influencede la pensée juive. C’est sur la langue hébraïque en tant que langue parlée que prendaussi appui l’examen d’Andrea Sangiacomo, qui remarque la conciliation de l’ima-gination avec la raison dans la démarche de reconstruction du langage menée par leCompendium. Pour sa part, Francesco Camera distingue les différents moments dela théorie spinozienne de l’interprétation selon les critères de l’« hermeneutica gene-ralis ».

Il faut signaler enfin la contribution de Pierre-François Moreau, qui ouvre cerecueil et synthétise ainsi les trois axes de recherche mentionnés dans le sous-titredu livre, c’est-à-dire « religion, herméneutique, langage ». Sa contribution contex-tualise l’accusation d’athéisme subie par Spinoza au xVIIe siècle et l’analyse selontrois niveaux de lecture, suggérant d’ailleurs une méthode interprétative desconcepts – y compris celui de dieu – qui considère les effets intra-textuels de l’usagedes paroles.

Sandra MANzI-MANzI

3.3. Juan Vicente CoRtèS et Sophie LAVERAN (éd.) : Spinoza. La raison àl’épreuve de la pratique, Paris, Publications de la Sorbonne, 164 p.

édité par deux doctorants de l’université Paris 1, le présent recueil rassembleles sept interventions prononcées lors d’une journée d’études tenue à la Sorbonne enjuin 2011. S’y ajoutent deux textes qui en « poursuivent » les « interrogations »(Préface, p. 8). Il s’agissait de « poser en de nouveaux termes le problème de laconfrontation de la raison à la pratique dans l’œuvre de Spinoza ». La première par-tie (« Questions de méthode ») comprend ainsi des textes de Andrea Sangiacomo(« débat sur la méthode: du bon usage de l’expérience selon R. Boyle et B. Spinoza »),Luis Placencia (« Le rationalisme de Spinoza et la méthode d’interprétationbiblique ») et J. Vicente Cortés (« Expérience politique et scientificité dans le TraitéPolitique »). La seconde partie (« Applications pratiques ») comprend des textes dePaolo Cristofolini (« Sur le rôle du troisième genre de connaissance dans la philoso-phie politique spinozienne »), Nicolas Bouteloup (« L’actualité de l’acte libre : l’éter-nité spinoziste à l’épreuve de la durée ») et éric delassus (« Santé du corps et santéde l’esprit. Penser le corps malade : Spinoza et l’éthique médicale »). La troisième etdernière partie (« Contrepoints et prolongements ») comprend enfin des textes deIlaria Gaspari (« une éthique, au lieu d’une Satire. Le rôle de la raison dans le traitéPolitique »), Laurent Martinet (« Le spinozisme du langage ») et Sophie Laveran(« Notions communes et vie commune : le caractère fondamentalement pratique dela raison chez Spinoza »).

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4. Vie, sources, milieu culturel

4.1. Ramón ANdRéS : El luthier de Delft. Música, pintura y ciencia en tiemposde Vermeer y Spinoza, Barcelona, Acantilado, 325 p.

Le musicologue Ramón Andrés a été un maître dans le répertoire médiéval etdans celui de la Renaissance ; de son extraordinaire savoir musical témoigne uneœuvre remarquable, le Diccionario de música, mitología, magia y religión(Acantilado, 2012).

Le livre dont il s’agit ici reproduit le paysage culturel de la Hollande au xVIIe siè-cle à travers le fil conducteur de la peinture et de la musique dont l’écho résonne dansle métier des luthiers. d’une érudition éclatante, il nous transporte au cœur des sons.Le lecteur parvient ainsi à pénétrer dans l’atelier des luthiers pour apprendre lessecrets de leur savoir-faire. Le point de suture d’un parcours aussi riche est le tableaude Carel Fabritius : Vue de Delft et l’Échoppe d’un marchand d’instruments, quiintroduit à la lecture du livre. L’A. reviendra à ce tableau en rappelant que la meil-leure façon d’entendre le son des luthiers est de contempler la peinture. Cela expliquele grand nombre de reproductions picturales de l’époque reprises dans le livre, quidonne de l’ampleur aux évocations de l’A.

Par ailleurs, apparaissent des tonalités « wébériennes » quant au rôle joué par lesfemmes dans les tâches ménagères – fait qui a été magnifié par le calvinisme. RamónAndrés ne passe pas sous silence les mauvaises conditions de vie de la société, duesaux épidémies, aux guerres ou à une hygiène inadéquate, mais il s’arrête sur les inté-rieurs picturaux, intimes, sereins pour les décrire avec soin : Vermeer est le peintrequi revient le plus souvent, et la musique symbolisée par les instruments est le motifcentral des tableaux retenus. Cet ensemble artistique constitue donc un musée pré-cieux, où se montrent les enjeux imaginatifs du monde d’alors.

Pour ce qui est du sous-titre du livre, bien que les références à Vermeer soientincontournables en ce qui concerne la peinture, les clins d’œil à Spinoza n’ajoutentrien d’essentiel. Le métier de polisseur de lentilles pratiqué par le philosophe juifdevient un lieu où se déploient les connaissances du musicologue sur l’optique etd’autres avancées scientifiques. de temps en temps, le nom de Spinoza apparaît à tra-vers quelques données biographiques ou certains clichés à propos de la géométrie,de la raison, de la joie ou de l’unité, dans une démarche qui renvoie à deleuze. Aumoins, on perçoit bien la complicité de l’A. avec Spinoza, fruit de son admirationpour l’idéal de vie spinoziste.

L’un des meilleurs chapitres est « L’entrée dans l’atelier », où l’unité harmoniquedevient audible. Le chapitre « un musée musical » est également intéressant, voireamusant, avec le rappel des vies imprévisibles de quelques peintres hollandais. Malgréle sujet, il s’agit, d’une certaine façon, d’un livre autant leibnizien – Leibniz s’y trouveprésent – que spinozien. Cela explique la diversité des nuances déployées, comme ladifficulté à organiser une somme d’informations considérable. Pour y parvenir, l’A.propose d’accorder les contraires, s’inspirant de la sonorité du contrepoint de JanPieterszoon Sweelinck, précurseur de Bach et créateur d’une musique solide et bienconstruite, « d’ordre géométrique », en quête d’immanence. Pour Ramon Andrés, « ilest passionnant d’observer comment cet homme discret et affable, réticent auxvoyages et aux solennités, a créé et réalisé sa musique comme un écoulement descontraires, comme une métaphore de l’unité de la multiplicité et, à la fois, comme sa

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désintégration : une vision avec laquelle Spinoza et Leibniz, venus plus tard, auraientété en accord » (p. 232).

En fin de compte, outre la curiosité pour la peinture et le grand amour pour lamusique que ce livre suscite, le plus remarquable reste le choix bibliographique.

Pilar BENIto oLALLA

4.2. Inmaculada HoYoS : « La presencia de la filosofía antigua en el pensamientode Spinoza : las referencias explícitas », Anales del seminario de historia de la filo-sofía, 30 (2), p. 431-460.

4.3. Giovanni LICAtA : La via della ragione. Elia del Medigo e l’averroismo diSpinoza, Macerata, Edizioni università di Macerata, 422 p.

Parmi les livres de sa bibliothèque, Spinoza possédait une anthologie d’écritsrationalistes et cabalistiques éditée par Joseph Shlomo del Medigo et publiée en 1629.Ce recueil présente aussi la première version imprimée de L’examen de la Religion(Behinat ha-dat), composée en 1490 par le philosophe juif Elia del Medigo. Le livrede Giovanni Licata – tiré d’une thèse de doctorat présentée à l’université de Maceratasous la direction d’omero Proietti – nous offre la première traduction italienne deL’examen de la Religion avec le texte hébreu selon l’édition de 1629 (mais corrigé,et comprenant les variantes des éléments censurés, selon la plus récente édition Rossde 1984). de plus, le livre propose une ample reconstruction de la vie et de l’œuvred’Elia del Medigo, complétée par une analyse minutieuse et très érudite de L’examende la Religion. Par ce biais, Licata se propose de démontrer deux hypothèses remar-quables : premièrement, L’examen de la Religion est un ouvrage averroïste et,deuxièmement, on peut le considérer comme une source textuelle directe desinfluences averroïstes présentes dans le Traité Théologico-politique.

Le problème de l’averroïsme de Spinoza a été relativement peu étudié jusqu’à pré-sent. dans un article publié en 2002, Filippo Mignini 3 traçait une voie de recherchequi soulignait plusieurs points pouvant suggérer une dépendance de la philosophiede Spinoza par rapport à la tradition averroïste. omero Proietti et Carlos Fraenkel 4ont à leur tour creusé cette piste de recherche. Le travail de Giovanni Licata proposeune contribution majeure dans ce domaine en dégageant de nouveaux matériaux his-toriques et philologiques pour étudier l’héritage averroïste de Spinoza. Après unepremière partie dédiée à la vie et à l’œuvre d’Elia del Medigo (p. 23-99), Licata pré-sente l’histoire du texte de L’examen de la Religion avec une étude détaillée de saréception (p. 103-285) et une analyse très pointue des lieux parallèles et des crypto-citations qui révèlent comment cet ouvrage pourrait bien être considéré comme une« adaptation en hébreu des œuvres philosophiques et théologiques d’Averroès »(p. 18).

Avec la même méthode comparative, Licata relève une série de points de conver-gence entre le texte de del Medigo et le ttP de Spinoza (p. 257-285) : 1) séparation

3. F. MIGNINI, Spinoza e Bruno. Per la storia di una questione storiografica, in d.Bostrenghi e C. Santinelli (a cura di), Spinoza. Ricerche e prospettive, Napoli, Bibliopolis, 2007.

4. Voir, par exemple, o. PRoIEttI, Uriel da Costa et l’« Exemplar humanae vitae »,Macerata, Quodlibet, 2005 ; C. FRAENKEL, Spinoza on Philosophy and Religion : TheAverroistic Sources, in C. Fraenkel, d. Perinetti and J. Smith (eds.), The Rationalists,dordrecht, Springer, 2011, p. 27-43.

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entre philosophie et théologie ; 2) critique de Maimonide ; 3) critique des théologiens ;4) légitimation de la philosophie à partir de l’écriture elle-même ; 5) l’esprit commevéritable lieu de la révélation ; 6) critique des miracles ; 7) les dogmes de la foi. Surces deux derniers points, Licata ne manque pas de souligner aussi les différencesentre la position de del Medigo et celle de Spinoza (beaucoup plus radicale), mais lacomparaison se montre tout à fait convaincante ; elle nous invite à une étude plusapprofondie de L’examen. Pour explorer la complexité de ce texte (p. 287-378) la tra-duction et les commentaires de Licata sont très précieux.

Le lien entre Spinoza et Averroés nous permet d’approfondir la véritable signifi-cation et la racine historique plus profonde des « lumières radicales » dont Spinozaest le symbole. Comme l’explique si bien Filippo Mignini dans son introduction,l’averroïsme est « une voie ouverte dans la civilisation arabe, dans l’esprit du plusgrand commentateur d’Aristote. […] La voie averroïste de la raison a été historique-ment configurée comme prémisse et prodrome des Lumières, et des soi-disantLumières radicales en particulier » (p. xI-xII). de ce point de vue, le livre de Licatapeut servir de point de départ à l’exploration des idées et des racines de la philoso-phie spinozienne, qui mérite encore de profondes recherches.

Andrea SANGIACoMo

Études du système ou de parties du système

5.1. Michael dELLA RoCCA : « the taming of Philosophy », in M. Laerke, J. E.H. Smith, E. Schliesser (dir.), Philosophy and Its History. Aims and Methods in theStudy of Early Modern Philosophy, oxford university Press, p. 178-208.

5.2. Piero dI VoNA : « L’universalità di Spinoza », Rivista di storia della filoso-fia, 68 (2), p. 215-225.

5.3. Carlos FRAENKEL : « Spinoza on Miracles and the truth of the Bible »,Journal of the History of Ideas, 74 (4), p. 643-658.

5.4. Keith GREEN : « Spinoza on Blame and Hatred », Iyyun, 62, p. 195-233.

5.5. Warren HARVEY : « Spinoza on biblical miracles », Journal of the History ofIdeas, 74 (4), p. 659-675.

5.6. Warren HARVEY: « Spinoza’s Counterfactual zionism », Iyyun, 62, p. 235-244.

5.7. Julie KLEIN : « Philosophizing Historically/Historicizing Philosophy : SomeSpinozistic Reflections », in M. Laerke, J. E. H. Smith, E. Schliesser (dir.),Philosophy and Its History. Aims and Methods in the Study of Early ModernPhilosophy, oxford university Press, p. 134-158.

5.8. Eugene MARSHALL : The Spiritual Automaton : Spinoza’s Science of theMind, oxford university Press, 242 p.

Avec son nouveau livre, Eugene Marshall (Wellesley College) tente de faire le pointsur plusieurs aspects de la théorie des idées chez Spinoza, tout en rectifiant plusieursdes interprétations de ses collègues anglophones. Il estime en fait que cet ouvrageest nécessaire vis-à-vis de l’état de la recherche spinoziste, dans la mesure où « peu

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de discussions de la philosophie de Spinoza expliquent comment l’esprit fonctionnedans son système » et où « personne » ne serait encore parvenu « à expliquer commentles idées adéquates viennent à être dans l’esprit, comment on devient conscient deces idées, comment devenir conscient de ces idées aurait pour conséquence la libertéhumaine, et comment elles peuvent contribuer au bonheur humain et à la béatitude »(p. 5). Pour pallier ces manques, l’A. situe au cœur de son entreprise un effort pourréhabiliter ou réévaluer le statut de la conscience (« consciousness ») chez Spinoza,un concept souvent injustement négligé et incompris, selon lui.

dans son premier chapitre, l’A. aborde une question préliminaire : les idées adé-quates sont-elles acquises? Si oui, comment? Le problème est fondamental. Les idéesadéquates sont censées définir la part éternelle de l’esprit ; toutefois, nous pouvonsles méconnaître. La solution consiste alors à expliquer que les idées adéquates sont« innées » mais « latentes ». Aussitôt la question principale devient : quels sont lesmécanismes qui font qu’elles « deviennent manifestes » ? Ainsi l’A. va-t-il chercherdans son deuxième chapitre à expliquer « comment les idées constituent l’esprit »,comment « chaque idée, de même que l’esprit lui-même, a et exerce sa puissance »,et comment « les idées qui ont exercé leur pouvoir d’une manière particulière devien-nent des affects » (p. 57). Il se trouvera enfin que le concept de conscience est au car-refour de tout cela, qu’il est comme un autre nom plus précis de « l’affectivité », etque tous nos mécanismes mentaux et affectifs sont enveloppés dans le moindre étatde conscience. Selon l’A., une idée devient un affect quand elle entre dans un rap-port précisément déterminé avec toutes les autres idées de notre esprit et, ce faisant,augmente ou diminue la puissance de l’esprit tout entier. Autrement dit, l’idée elle-même, aussi puissante soit-elle, n’est pas encore un affect si, pour ainsi dire, ellen’entre pas en réseau. C’est aussi à ce moment que la conscience est engendrée ; elleest comme l’autre nom du devenir affect de l’idée. C’est pourquoi l’A. préfère par-ler de « l’affectivité » plutôt que des « affects », dans la mesure ou les affects eux-mêmes ne seraient que des espèces d’un genre d’événement mental plus universelet fondamental.

Ayant donc tissé les liens entre les notions d’adéquation, d’affect et de conatus,l’A. réaffirme dans son troisième chapitre que Spinoza entame et développe la notionde conscience par le biais de la notion d’« affectivité », celle-ci étant donc « une pro-priété » des idées, « principalement mais pas exclusivement exemplifiée par ces modesde la pensée que Spinoza appelle les affects » (p. 105). L’A. laisse entendre que lavaleur de l’étude des affects est dérivée, et que c’est la valorisation de la consciencequi y est réellement visée, celle-ci étant seule capable de fonder une éthique intellec-tualiste. dans son quatrième chapitre, il examine ce qu’est la servitude selon Spinoza ;selon lui, elle concernerait notre « échec à agir à partir de nos idées adéquates et denos désirs rationnels » plutôt que le fait « d’avoir des idées inadéquates ». on trouveau cœur de cette interprétation (p. 170 sq.) un examen du statut de l’acrasie chezSpinoza. Le dernier chapitre examine la conception spinoziste de la liberté : l’actionmentale consciente d’elle-même dans et par ses affects.

L’index est appréciable, les références à la littérature secondaire anglophone sontabondantes, mais une confrontation avec la bibliographie secondaire française auraitété utile. de façon générale, il est dommage que l’intérêt du livre soit affaibli par unstyle trop souvent terne et répétitif.

Jack StEttER

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5.9. Yitzhak MELAMEd: Spinoza’s Metaphysics : Substance and Thought, oxforduniversity Press, 256 p.

Yitzhak Melamed, professeur à l’université Johns Hopkins, a publié depuisquelques années une longue série d’articles sur Spinoza, avec un impact considéra-ble aux états-unis. Ce volume rassemble une partie de ces travaux, ainsi que quelquesétudes nouvelles, sous la forme synthétique d’une monographie sur la métaphysiquede Spinoza, centrée notamment sur la première et, subsidiairement, la deuxième par-tie de l’Éthique. Ancien élève de Michael della Rocca, et connu comme l’un des inter-venants les plus importants dans les débats récents autour du « PSR » chez Spinoza(le principe de raison suffisante, dans une acception particulière – cf. le liminaire dece bulletin), Melamed se distingue par une méticulosité qui rappelle MartialGueroult, tout en allant au-delà du commentaire de texte pour contribuer aux débatssur la métaphysique analytique contemporaine. dans le premier chapitre, il sepenche sur la question, toujours vivante dans la tradition de commentaire anglo-amé-ricaine, de savoir s’il faut ou non comprendre le rapport substance-mode chez Spinozasur le modèle du rapport logico-grammatical entre un sujet et ses prédicats. En s’op-posant notamment à l’interprétation d’Edwin Curley, il conclut de façon affirmative,tout en insistant sur la nature à la fois surprenante et audacieuse de la position spi-noziste. Il se tourne ensuite vers le problème classique de « l’acosmisme » : il soulignela « faiblesse » de l’individu spinoziste, tout en résistant aux conclusions de Hegel etde Leibniz qui ne voient dans la substance de Spinoza qu’une unité sans distinctionsinternes véritables. dans le chapitre III, consacré aux notions de « cause » et de« concept », il s’attache à distinguer sa propre position de celle de della Rocca, ensoutenant notamment des « bifurcations légitimes » entre ces notions que della Roccatient pour absolument indissociables. Le chapitre IV souligne l’originalité de la thèsespinoziste des modes infinis. Melamed tente notamment de jeter une lumière nou-velle sur ces entités mystérieuses en établissant de façon purement formelle les pro-priétés qu’elles doivent avoir, à partir des indications données par la symétrie et laconstitution du système lui-même. Enfin, les chapitres V et VI, consacrés respecti-vement au parallélisme spinoziste et à la théorie des idées, analysent de façon sophis-tiquée une « double doctrine du parallélisme » et une conception des idées « à multi-ples facettes » qui ne sont pas sans analogie avec les analyses proposées autrefois parGilles deleuze et Martial Gueroult.

Mogens LæRKE

5.10. Yitzhak MELAMEd : « Charitable Interpretations and the Politicaldomestication of Spinoza, or, Benedict in the Land of the Secular Imagination », inM. Laerke, J. E. H. Smith, E. Schliesser (dir.), Philosophy and Its History. Aims andMethods in the Study of Early Modern Philosophy, oxford et New York, oxforduniversity Press, p. 258-277.

5.11. Yitzhak MELAMEd : « Mapping the Labyrinth of Spinoza’s ScientiaIntuitiva », in Johannes Haag und Markus Wild (ed), Übergänge – diskursiv oderintuitiv ? Essays zur Eckart Försters die 25 Jahre der Philosophie, Frankfurt amMain, Vittorio Klostermann, p. 99-116.

5.12. Josep MoNSERRAt : « La autoridad del poder en el t.P. de Spinoza », Agora:Papeles de Filosofía, 32, (2), p. 7-28.

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5.13. John MoRRISoN : « the Relation between Conception and Causation inSpinoza’s Metaphysics », Philosophers’ Imprint, 13 (3), p. 1-17.

5.14. Steven NAdLER : « Scripture and truth : A Problem in Spinoza’s TractatusTheologico-Politicus », Journal of the History of Ideas, 74 (4), p. 623-642.

5.15. Maria-Luísa RIBEIRo FERREIRA : Uma meditação de vida. Em dialogo comEspinosa, Lisbonne, Esfera do Caos Editores, com apoio do Centro de Filosofia dauniversidade de Lisboa, e da Fundação para a Ciência e a tecnologia, 282 p.

Maria-Luísa Ribeiro Ferreira a publié de nombreux ouvrages sur Spinoza : A dinâ-mica da razão na filosofia de Espinosa, Uma suprema Alegria, Spinoza. Ser e agir(coord.) Elle propose aussi des études croisées sur les philosophes de la modernité ;ainsi dans Razão et paixão, o percurso de um curso, elle esquisse un dialogue entrel’auteur des Passions de l’âme et Spinoza par l’intermédiaire des questionsd’Elisabeth dans sa correspondance avec descartes ; dans Diálogo e controvérsia namodernidade pré-crítica, elle fait le bilan de Spinoza en dialogue avec d’autres pen-seurs. L’auteure a contribué également à la didactique de la philosophie, à la réflexionsur l’écologie et sur la théorie du genre.

Le recueil d’articles intitulé Uma meditação de vida est une présentation kaléi-doscopique des points de résistance de la pensée de Spinoza aux interprétations mul-tiples selon les époques et les tendances du contexte théologico-politique, éthique etépistémique. dans une première partie, les lieux sensibles des études spinoziennes,tels le rapport tout/parties, l’athéisme versus le mysticisme, le statut de la menshumana, sont revus de façon claire et concise au croisement du judaïsme, du chris-tianisme, de la pensée politique laïque et républicaine et, enfin, de la nouvelle science.dans la seconde partie, l’A. interroge les diverses réceptions de cette œuvre rare etdérangeante ; partant de la correspondance, d’abord amicale puis de plus en plusinquiète avec oldenburg, puis des relations ambivalentes avec Leibniz, elle proposeensuite des rencontres inattendues avec Kierkegaard ou Simone Weil. Puis, ellereprend des lectures contemporaines de l’œuvre de Spinoza, celles de Michel Henryou de Paul Ricœur, par exemple. Elle fait état des discussions récentes opposant l’in-terprétation matérialiste de Jean-Pierre Changeux à celle de Paul Ricœur. Elle insistesur la double lecture d’Emmanuel Levinas à dix ans d’intervalle, entre condamna-tion et compréhension. La recension des interprétations se clôt par quelquesremarques critiques à propos de l’utilisation des concepts spinoziens par Antoniodamasio, occasion pour l’A. de clarifier les rapports du mind body problem et desneuro-sciences.

À propos du titre de l’ouvrage, nous retiendrons le jeu de langage, repris dans lechapitre : « Espinosa, uma filosofia da vida, uma filosofia de vida ». La référence à laproposition LxVII de la quatrième partie de l’Éthique, « Homo liber de nulla reminùs, quam de morte cogitat, et ejus sapientia non mortis sed vitae meditatio est »,est revendiquée par sa mise en exergue au début du livre. Comme le français, le por-tugais traduit le génitif vitae meditatio par « meditação da vida », méditation de lavie. La vie est en effet l’objet de la méditation de l’homme sage. Mais ce que l’A. sug-gère par la répétition en trompe-l’œil : « meditação da vida » / « meditação de vida »,c’est que par la méditation consacrée au « vivre », la pensée spinozienne prend unetournure existentielle. L’acte même de méditer constitue une autre manière de vivre :méditation de la vie pour (une autre manière de) vivre. Prend alors tout son sens

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l’étude comparée avec le cheminement de Kierkegaard : « A via perardua – a salva-ção em Espinosa et Kierkegaard ». tel serait le fil conducteur de ces études succes-sives.

L’intérêt de ces études vient aussi de la bibliographie, malheureusement indiquéeen notes de bas de page et non indexée. Par exemple, dans l’analyse de la vie humainedans sa différence avec la simple vie biologique, l’A. renvoie à un article de HansJonas, « Spinoza and the theory of organism » (in Marjory Green ed., Spinoza. ACollection of Critical Essays, Notre dame, Indiana, university of Notre damePress, 1979). dans le chapitre qui interroge l’hypothèse d’un « Spinoza écologisteavant la lettre », les références à l’écologie « profonde » de George Sessions, ou à celleplus réformiste d’Arne Naess, l’A. reprend certaines critiques de Luc Ferry contreun « fondamentalisme » qui sacralise la nature et elle montre précisément l’usage peurigoureux qui est fait de l’idée spinozienne de la nature. Le regard critique porté surles usages intempestifs de la philosophie de Spinoza invite à se déprendre de certainseffets de mode dans les sciences sociales ou les neurosciences sans compromettre ledialogue entre les différentes lectures de Spinoza.

évelyne GuILLEMEAu

5.16. Martin SAAR : Die Immanenz der Macht. Politische Theorie nach Spinoza,Berlin, Suhrkamp Verlag, 460 p.

on sait que, depuis la fin des années 60 du siècle dernier, la notion de « puis-sance » représente un outil herméneutique majeur pour étudier la pensée spino-zienne. deleuze, Althusser, Matheron, Negri ont bâti leurs célèbres lectures deSpinoza autour de ce concept, aussi bien pour en dégager les lignes directrices del’ontologie que pour en souligner la radicalité des principes politiques. C’est égale-ment dans cette perspective que s’insèrent les travaux les plus récents sur la ques-tion, à commencer par ceux de Laurent Bove, Chantal Jaquet, Pascal Sévérac,Filippo del Lucchese ou encore de Vittorio Morfino. Proposer à nouveaux frais unelecture intégrale du système spinozien à la lumière de cette notion constitue ainsiun véritable défi. C’est pourtant le pari tenté par Martin Saar, Privatdozent àl’université de Francfort, dans son dernier ouvrage. L’auteur part du présupposésuivant : « la théorie politique de Spinoza est une forme particulière et particulière-ment efficace de pensée politique » (p. 8). La force de cette théorie réside dans le faitde se fonder sur le concept de puissance et de considérer la vie sociale, les institu-tions et l’ordre politique comme des manifestations de cette puissance. Cette puis-sance correspond à l’activité humaine dans son ensemble, ce qui signifie pour MartinSaar qu’elle représente aussi bien le moteur que la fin de la politique. En effet, lapuissance humaine ne peut se réaliser que dans l’activité sociale, dans le processusdynamique qui constitue l’espace politique à proprement parler. d’où la questionspécifique et décisive que la pensée de Spinoza pose à toute théorie politique, y com-pris au présent : comment envisager l’affirmation de la multiplicité et de la pluralitédes puissances – de l’agir collectif comme processus dynamique – dans son rapportavec la stabilité requise par le fonctionnement des institutions et par la constitutiondu droit civil ?

C’est à partir de ces principes que Martin Saar procède dans un premier temps àune lecture globale de l’œuvre spinozienne, à commencer par des analyses détailléesdu Traité théologico-politique, de l’Éthique et du Traité politique, le but étant de

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montrer la construction progressive de la notion de puissance selon une double pers-pective : d’une part, celle qui renvoie à l’anthropologie de la connaissance, des affectset de la liberté ; de l’autre, celle qui concerne la relation entre une ontologie politiqueet une théorie des institutions. Le propos de l’auteur consiste clairement à fournirune interprétation fortement unitaire et systématique de la pensée spinozienne, qui,de la critique de l’autorité théologique formulée dans le Traité théologico-politiqueen passant par la définition de la liberté humaine dans la cinquième partie del’Éthique, impliquerait toujours une conception radicale de la puissance immanente.dans la seconde partie de son ouvrage, moins historique que la première, l’A. seconcentre sur les usages et les « applications » de la théorie de la puissance en privi-légiant trois domaines principaux : l’imperium, l’imaginatio et la multitudo. Il s’agitsans doute de la partie la plus dense et la plus riche de l’ouvrage. Martin Saar consi-dère en effet que la puissance spinozienne doit être interprétée comme une « capa-cité de réalisation » (Wirkmächtigkeit), selon une signification proche de celled’Aristote, plutôt que comme une réalisation en acte ou une force toujours actuelle(p. 137). dans cette optique, une puissance n’a de sens que par rapport à un contexteet à une structure (le pouvoir, l’imagination, la multitude), qu’elle peut sans doutepartiellement modifier mais qu’elle ne peut jamais réellement dépasser. La puissanceest une force d’effectuation qui ordonne et qui « s’ordonne » à une réalité donnée(p. 155). L’auteur engage à ce propos une discussion très serrée et très critique avecAntonio Negri et Michael Hardt, notamment au sujet de leurs thèses les plus récentessur la « puissance des multitudes ». on peut ainsi affirmer en conclusion que le tra-vail de Martin Saar ouvre des perspectives interprétatives inédites, qui bousculentsouvent l’horizon de l’herméneutique spinoziste reconnue en proposant une lectureoriginale du système.

Saverio ANSALdI

5.17. Andrea SANGIACoMo : Gli occhiali di Spinoza, Le Mani, Recco, 84 p.

5.18. Andrea SANGIACoMo : « La parola tra immaginazione e ragione. un ipotesidi lettura del Compendio di Grammatica della Lingua ebraica di Spinoza », in F.Camera and A. Sangiacomo (ed.), La ragione della parola. Religione, ermeneuticae linguaggio in Baruch Spinoza, Padova, Il Prato, p. 195-221.

5.19. Christopher SKEAFF : « ‘Citizen jurisprudence’ and the people’s power inSpinoza », Contemporary Political Theory, 12 (3), p. 146-165.

5.20. diane StEINBERG : « Spinoza on Representation in Human Mind », Historyof Philosophy Quarterly, 30 (1), p. 1-18.

5.21. Claude tRoISFoNtAINES : « Psychologie déterministe et projet éthique chezSpinoza », Revue philosophique de Louvain, 111(1), p. 53-67.

Polémiques et influences. Philosophie comparée. Réception

6.1. omri BoEHM : « Enlightenment, Prophecy, and Genius : Kant’s Critique ofJudgment versus Spinoza’s Tractatus Theologico-Politicus », Graduate FacultyPhilosophy Journal, 34 (1), p. 149-178.

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6.2. Filip BuYSE : « Spinoza, Boyle, Galileo : Was Spinoza a Strict MechanicalPhilosopher ? », Intellectual History Review, 23 (1), p. 45-65.

6.3. Filip BuYSE : « Boyle, Spinoza and the Hartlib Circle : A Correspondencewhich never took place », Society and Politics, vol. 7, No. 2 (14), 2013, 34-53.

6.4. Simone d’AGuStINo : Sistemi filosofici moderni. Descartes, Spinoza, Locke,Hume, Pisa, EtS edizioni, 320 p.

Le chapitre II est consacré à l’Éthique de Spinoza (p. 89-149). Points traités : 1.Nozioni prime ; 2. dio ; 3. La mente humana ; 4. Gli affetti o moti dell’animo ;Schiavitù et libertà ; 6. L’eternità della mente ; Bibliografia.

6.5. Alexander douGLAS : « Spinoza and the dutch Cartesians on Philosophy andtheology », Journal of the History of Philosophy, 51 (4), p. 567-588.

6.6. Julie HENRY : « Les enjeux éthiques du statut des corps vivants. La critiquespinoziste de descartes », indelphine Kolesnik-Antoine (dir.). Qu’est-ce qu’être car-tésien? Préface de denis Kambouchner, Lyon, ENS éditions, p. 231-256.

6.7. Jean-Claude MILNER : Le sage trompeur. Libres raisonnements sur Spinozaet les Juifs. Court traité de lecture I, Lagrasse, Verdier, 127 p.

dans une bibliographie spinoziste qui cherche par définition à promouvoir uneconnaissance exacte et approfondie de l’œuvre de Spinoza, il y aura peu à dire de cetouvrage. La thèse se ramène à ceci : à partir d’un paragraphe du Traité théologico-politique, on pourrait montrer que Spinoza s’efforce, par des procédures d’écriturecryptées, de défendre l’apostasie pure et simple de tous les juifs et le choix, pardéfaut, de la conversion à l’islam.

Cette thèse ne semble pas pouvoir être corroborée par d’autres passages du cor-pus ni par l’esprit d’ensemble de sa doctrine. Elle nous en apprend davantage, commel’aurait dit Spinoza, de son auteur que de la nature de la chose elle-même. L’A. « faitmontre de son esprit » – Spinoza l’aurait dit – en multipliant les arguments à partird’une lecture par extrapolation du paragraphe 12 du chapitre III du TTP.

Auparavant, l’A. nous gratifie d’une analyse de la devise Caute, qu’il rattache àune formule du Courtisan de Castiglione : Si non caste, sed caute (sinon de manièrechaste, du moins de manière prudente). En tronquant la citation, Spinoza auraitcrypté son projet essentiel, marqué par une « éthique de l’indécence »…

dans le paragraphe en question, sobrement intitulé « manifeste », Spinoza témoi-gnerait d’une pleine adhésion à la politique espagnole de Ferdinand d’Aragon quiordonne l’expulsion des juifs en 1492 ; et la référence à la Chine (factuellement fausseselon l’auteur) aurait pour objet essentiel d’infuser l’argument crucial – et doncencore plus crypté –, qui convoquerait la figure de Sabbataï tsevi. Ce bref Messieputatif entre 1665 et 1666, date à laquelle il est converti à l’islam à la cour de MehmedIV, serait le modèle à suivre selon Spinoza. S’ils veulent la stabilité politique, les juifsdevront se dissoudre eux-mêmes en tant que tels. Il n’y aura plus ici que les lecteurstrès avisés, ou les partisans acharnés de la méthode straussienne – dont on peut voirici les heureux effets méthodologiques, qui accepteront de lire ce sous-texte dans leparagraphe en question qui n’a pour objet que de montrer que l’élection des juifs estd’ordre temporel.

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L’essentiel est finalement de faire de Spinoza l’avocat de l’apostasie sous sesformes les plus complètes. où l’auteur mêle finalement sa voix à beaucoup d’autres…Il est tout de même reconnu à Spinoza l’insigne mérite de n’avoir pas directementsoutenu l’extermination violente des juifs : « L’effacement parfait des juifs doit s’ac-complir sans haine, mais aussi sans effusion de sang (…) il a écarté les meurtres demasse. (…) Rendons-lui ce qui lui revient (…). Il veut qu’ils cessent de nuire, maispas au prix de l’abaissement de ceux qui les poursuivent. » (p. 102-103)

Abstraction faite de l’incongruité de la thèse elle-même, qui suscite des senti-ments contraires, on ne peut malgré tout cacher sa perplexité devant une argumen-tation qui se targue de restituer la logique du texte tout en l’amputant préalablementde son objet propre, donné dans le paragraphe précédent – comme l’auteur le recon-naît lui-même p. 9 : « Par choix de méthode, néanmoins, je traiterai l’extrait cité du§ 12 comme un manifeste autonome, séparable du chapitre où il apparaît ». C’est sedonner beaucoup de ces « libres raisonnements sur Spinoza » dont fait état le sous-titre de l’ouvrage.

Laurent Bove s’est livré à une discussion des arguments de l’auteur, dans lecompte rendu qu’il a donné à la Revue des Livres (n° 13). outre le problème deméthode susmentionné, il restitue le propos exact du paragraphe 12, le jugement deSpinoza sur la politique de Ferdinand d’Aragon à partir d’une analyse du TraitéPolitique (VII, 30), et rappelle notamment que l’auteur consciencieux d’un Abrégéde grammaire hébraïque peut difficilement passer pour celui qui aurait commis l’in-signe forfait de vouloir effacer le « nom juif ».

Il n’est pas dit cependant qu’une discussion raisonnée puisse ici convaincre, tantle propos semble traversé par d’autres enjeux que ceux d’une simple lecture du pro-pos spinoziste. Autant alors les donner explicitement pour eux-mêmes, sans les cryp-ter à leur tour en forgeant des objets imaginaires et des ennemis fantasmés, auxdépens d’un auteur qui ne peut plus se défendre que par ceux qu’il a convaincus.

Philippe dRIEux

6.8. Vittorio MoRFINo : « democracy, Imagination, Revolution : Marx Reader ofSpinoza », Graduate Faculty Philosophy Journal, 34 (1), p. 179-203.

6.9. Myriam MoRVAN : Descartes, Pascal, Spinoza et la question de l’effacementdu tragique, Paris, L’Harmattan, 448 p.

Si, en littérature, le xVIIe siècle est celui du retour de la tragédie, il sembleraitqu’il n’en aille pas de même en philosophie et que le tragique y soit ignoré. Il seraitdonc légitime de s’interroger sur ce qui justifie un tel écart. or, il se pourrait bienqu’il ne s’agisse que d’une apparence et que la distance qui semble séparer le théâ-tre et la philosophie classique ne soit pas si grande. Cette problématique est abordéepar M. Morvan dans ce livre qui montre que, loin d’occulter le tragique, la philoso-phie classique s’est plutôt constituée relativement à lui sans pour autant le concep-tualiser explicitement. Il ne s’agit pas de faire de descartes, Pascal et Spinoza despenseurs tragiques, mais plutôt de souligner, à partir d’une étude extrêmement biendocumentée, que cette question trouve sa place dans la philosophie du xVIIe siècle.Certes, elle n’est pas abordée par ces philosophes comme chez les auteurs de théâtreencore fort attachés à l’héritage aristotélicien et à la fonction cathartique de la tragé-die. Selon M. Morvan, les philosophes vont plutôt s’efforcer d’effacer ou de dépasserle tragique, c’est-à-dire de résoudre par la pensée les tensions et les dilemmes qui

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l’ont provoqué. S’il en va ainsi, c’est qu’il ne se présente plus, comme dans le théâ-tre antique, sous la forme d’une rupture dans l’ordre du cosmos provoquée par l’in-tervention des dieux, mais consiste plutôt dans la confrontation de l’individu avecson incapacité et son impuissance.

Le tragique se retrouve donc chez les philosophes lorsqu’ils se voient confrontésà ce type de problématiques qu’ils vont s’efforcer de résoudre en sortant de ce queM. Morvan nomme le « cercle tragique ».

Ainsi descartes rencontre-t-il l’expérience tragique lorsqu’ayant l’intuition de lascience admirable, il n’est pas certain de disposer des capacités pour l’atteindre. Cetteexpérience est exposée dans l’étude des Olympica et l’analyse des trois songes. Ils’agit de mieux saisir l’étendue des capacités de la mens pour défaire le nœud tra-gique qui l’empêche de progresser. C’est donc dans une démarche d’effacement ques’inscrit l’exploration des possibilités qu’offre la raison pour nous éloigner de l’obs-curité tragique qui aveugle l’esprit. Ainsi, l’homme égaré dans la forêt, plutôt quede courir en tous sens peut échapper à son sort tragique en s’orientant méthodique-ment dans une direction dont il ne déviera jamais. La méthode est ici un des élémentsdéterminant de l’effacement du tragique. Cette figure du tragique n’est pas la seuleque l’on puisse rencontrer dans le corpus cartésien ; d’autres formes apparaissent,entre autres lorsque se pose le problème de l’action. Ainsi, la question de la moraleprovisoire comme le Traité sur les passions de l’âme sont également abordés. L’undes mérites du livre de M. Morvan étant justement de ne pas réduire le tragique àune forme unique, mais d’insister sur ses différents visages dans les œuvres de cha-cun des penseurs étudiés.

Le traitement de l’œuvre de Pascal se fait quant à lui sous l’angle du dépassement.Si l’apologétique pascalienne n’est pas une pensée tragique, il y a, malgré tout, unedimension tragique de la double nature de l’homme. Cependant, la raison n’ayantpas pour Pascal les vertus salvatrices que lui prêtent descartes et Spinoza, le tragiquene peut être dépassé, et non effacé, que par la foi. C’est d’ailleurs sur le dilemmeentre foi et raison, effacement ou dépassement, que M. Morvan fait porter sa conclu-sion.

Chez Spinoza, le tragique est abordé sous plusieurs angles : l’évitement, la libé-ration et l’effacement. L’évitement concerne le Court Traité : la notion de conatusn’y étant pas encore constituée, la difficulté pour l’homme de vaincre sa faiblessereste présente. En revanche, les traités politiques s’inscrivent dans une dynamiquede libération : il s’agit de rechercher des solutions institutionnelles aux conflits quidéchirent les hommes confrontés à la nécessité de vivre en société et à la difficultéde résister aux passions qui sèment la discorde – tandis que l’Éthique contribue àeffacer le tragique de la perception de notre condition de mode fini en éliminant lacrainte d’une mort qui n’est pas inscrite dans notre nature mais à laquelle nous nepouvons échapper.

Ainsi, l’intérêt du livre de M. Morvan permet de mieux comprendre en quoi desphilosophies pour qui le tragique ne constitue en rien une dimension essentielle dela condition humaine n’en sont pas moins en capacité d’en créer implicitement desconcepts pertinents.

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6.10. omero PRoIEttI, Giovanni LICAtA : Il carteggio Van Gent-Tschirnhaus(1679-1690). Storia, cronistoria, contesto dell’editio posthuma spinoziana(Spinozana fonti e studi per la storia delle spinozismo), Macerata, EuM, 632 p.

6.11. Eric SCHLIESSER : « Newtonian Emanation, Spinozism, Measurement andthe Baconian origins of the Laws of Nature », Foundations of Science, 18 (3), p. 449-466.

6.12. Eric SCHLIESSER : « on reading Newton as an Epicurean : Kant, Spinozismand the changes to the Principia », Studies in History and Philosophy of Science,44 (3), p. 416-428.

6.13. david WoLLENBERG : « Nietzsche, Spinoza and the Moral Affects », Journalof the History of Philosophy, 51 (4), p. 617-649.

Supplément bibliographique pour l’année 2012

A.4.1. Inmaculada HoYoS SáNCHEz : « La presencia del estoicismo en la filosofíade Spinoza : naturalismo estoico y spinoziano », Revista de filosofia (Espagne), 37(2), p. 69-89.

A.4.2. Francisco JoSé MARtINEz : « Patriotismo y republicanismo en la Holandade Espinosa », Laguna: Revista de filosofía, 31, p. 13-30.

A.5.1. Jean-Pascal CoLLEGIA : Spinoza, la matrice. Nouveaux éclairages sur lebonheur, la liberté, la hiérarchie, l’éternité, la mort, la morale, Dieu, le chaos, l’in-conscient, le sexe, l’humanisme, l’école, Paris, L’Harmattan, 116 p.

A.5.2. Maria Luisa dE LA CáMARA : « Fronteras de la tolerancia : la arquitecturadel tratado teológico-Político y su fuerza pertubadora », Laguna: Revista de filo-sofia, 31, p. 31-44.

A.5.3. Javier PEñA ECHEVERRíA : « Cómo se ordena la potencia de la multitud :instituciones y derecho de la ciudad en la teoría política de Spinoza », Laguna :Revista de filosofia, 31, p. 45-66.

A.5.4. Emanuel Angelo dA RoCHA FRAGoSo : « Considerações sobre a expressãonec per somnium cogitant da carta xxxII de Spinoza a Enrique oldenburg »,Revista de filosofia (Mexico), 44 (133), p. 33-56

A.5.5. Juliana MERçoN : « Lecturas de la carta xxxII de Spinoza a oldenburg ».Revista de filosofia (Mexico), 44 (133), p. 7-9.

A.5.6. Sara REYES VERA : « Las Cartas del Mal : Resignificación del mal enSpinoza », Laguna: Revista de filosofia, 31, p. 123-152.

A.5.7. Miriam VAN REIJEN : « Spinoza, oldenburg y Van Blijenberg », Revista defilosofia (Mexique), 44 (133), p. 19-32.

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A.5.8. María José VILLAVERdE : « Spinoza’s paradoxes : An Atheist who defendedthe Scriptures ? A freething Alchemist ? », in John C. Laursen and M. J. Villaverde(ed.), Early Modern Political Thought, Lexington Books, p. 9-38.

A.6.1. Herman dE dIJN : « Spinoza and Hume on Religion as a NaturalPhenomenon », Hume Studies, 38 (1), p. 3-21.

A.6.2. Sandra FIELd : « A democracy of the Multitude : Spinoza against Negri »,Theoria : A Journal of Social and Political Theory, 59 (131), p. 21-40.

A.6.3. Eckhart FöRStER, Yitzhak MELAMEd (eds.) : Spinoza and GermanIdealism, 298 p.

Ce volume contient quatorze études consacrées à la réception de Spinoza, chezles idéalistes allemands mais aussi dans les Lumières allemandes. on y trouve desarticles sur la réception de Spinoza par Kant (o. Boehm ; K. Ameriks), Herder (M.Forster), Goethe (E. Förster), Fichte (A. Wood), Schelling (d. Nassar, M. Vater),Hegel (Y. Melamed, d. Moyar, G. Hindrichs) et, finalement, sujet peut-être un peumarginal par rapport au thème du livre mais très intéressant en soi, sa réception partrendelenburg (F. Beiser). Le premier et le dernier article, écrits respectivement parMichael della Rocca et don Garrett, proposent des réflexions plus générales sur lerôle de Spinoza dans la métaphysique, de hier à aujourd’hui.

Les contributions sont d’une qualité indiscutable. dans l’ensemble, elles donnentau lecteur une idée précise de la spécificité et de la complexité du statut de Spinozaen Allemagne au xVIIIe siècle et au début du xIxe siècle. Elles parviennent pour laplupart à trouver un bon équilibre entre le commentaire de texte, la mise en contextehistorique, et la réflexion philosophique à partir des textes. unique en son genre dansle monde anglo-américain, le livre représente une contribution très importante àl’étude de la réception de Spinoza. de façon générale, il témoigne d’un véritableeffort pour prendre au sérieux une dimension de l’historiographie de la philosophiequi, dans ce contexte national, est souvent négligée, à savoir l’histoire de la récep-tion. Il sert également à mettre en perspective historique certains courants récentsdans les études spinozistes aux états-unis (notamment les discussions autour des tra-vaux de della Rocca). En revanche, le volume manifeste une curieuse ignorance descontributions françaises majeures à ces débats. Ainsi, pour prendre quelques exem-ples des plus marquants : on ne trouve nulle part une mention du travail de Sylvainzac, Spinoza en Allemagne. Mendelssohn, Lessing et Jacobi (Meridiens Klincksieck1989). de même, personne n’a trouvé utile de se servir du collectif d’olivier Bloch,Spinoza au XVIIIe siècle (Meridiens Klincksieck 1999). Plus étonnant encore, levolume ne compte pas une seule référence au magistral Hegel ou Spinoza de PierreMacherey (Maspero 1979, réédition La découverte 2004), ce qui s’explique peut-être,mais sans le justifier entièrement, par le fait que ce livre n’est paru en traductionanglaise qu’en 2011 (Hegel or Spinoza, trad. S. M. Ruddich, university of MinnesotaPress), deux ans après le colloque à l’université Johns Hopkins à l’origine du pré-sent volume

En abordant des thèmes également traités dans la contribution de della Rocca,l’introduction des éditeurs établit un lien précis entre le renouveau du spinozismeaux états-unis, l’intérêt renouvelé pour l’idéalisme allemand, historiquement un peuparadoxal parmi certains philosophes analytiques (en tenant compte du fait que la

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philosophie analytique s’est constituée à l’origine par opposition à l’idéalisme spé-culatif), et l’émergence de la métaphysique contemporaine analytique de ces der-nières décennies. En France, la recherche s’est tournée de plus en plus – depuisquelques années – vers les différents champs de l’expérience chez Spinoza : sa phy-sique, sa physiologie, sa politique, etc. outre-Atlantique au contraire, les études pren-nent une allure de plus en plus métaphysique, en renouant avec la réception deSpinoza chez les idéalistes britanniques du début du siècle dernier. or, comme cha-cun le sait, dans l’appendice de la première partie de l’Éthique, Spinoza désigne sesadversaires comme les « théologiens et les métaphysiciens ». La plupart des occur-rences du terme « métaphysique » sont péjoratives. Il n’est donc pas dépourvu d’unecertaine ironie que les éditeurs proclament Spinoza « le métaphysicien par excellencede la philosophie moderne » (p. 2). Mais cela n’est pas faux pour autant : c’est en effetce que Spinoza est devenu dans le monde anglo-américain, à savoir le garant du faitque l’on peut faire de la métaphysique après et avec la philosophie analytique, commele faisaient jadis les idéalistes allemands après et avec Kant.

Mogens LæRKE

A.6.4. Inmaculada HoYoS SáNCHEz : « La ontología naturalista de Spinoza comoontología de la pasión », Logos : anales del seminario de metafisica, 45, p. 95-122.

A.6.5. Juliana MERçoN : « La filosofía de Spinoza y el pensamiento sistémicocontemporáneo », Revista de filosofia (Mexico), 44 (133), p. 83-101.

A.6.6. Joshua PARENS : Maimonides and Spinoza : Their Conflicting Views ofHuman Nature, Chicago, uCP, 226 p.

Joshua Parens, spécialiste de la philosophie politique et de la philosophie musul-mane du Moyen Âge, souhaite examiner et comparer les anthropologies respectivesde Maïmonide et Spinoza. Le livre se présente alors comme une suite d’examens com-paratifs visant tous à analyser les différences entre ces deux penseurs. Il s’agit avanttout de mesurer le grand écart qui les sépare, écart qui aurait été largement sous-estimé à la suite des travaux importants de Wolfson.

dans son premier chapitre (« désir et colère vs. Conatus), l’A. analyse ce qu’ilestime être le contraste le plus décisif entre Spinoza et Maïmonide : tandis queSpinoza tendrait à ramener les affects à une seule source primitive – le conatus –,Maïmonide penserait qu’il y a au moins deux sources – le désir et la colère. L’A.observe que Spinoza s’avère en cela nettement « moderne », car il voudrait poursui-vre la voie frayée par descartes vers une mathesis universalis. dans son deuxièmechapitre (« Vénération vs. égalité »), l’A. examine la critique dite égalitariste queSpinoza fait de la « vénération », mais c’est aussi une occasion de traiter un des motifscentraux de l’ouvrage : l’« ésotérisme » spinoziste (cf. p. 55 sq.).

En effet, les chapitres suivants et centraux de l’ouvrage développent tous cettethèse cardinale : Spinoza aurait pratiqué, comme dit Léo Strauss, « un art d’écrire »,ce qui expliquerait également notre penchant à sous-estimer la portée si extrême deses critiques des philosophes antérieurs, dont Maïmonide. dans son troisième cha-pitre (« Formes vs. lois de la nature »), l’A. compare les notions de forme chezMaïmonide et de lois de la nature chez Spinoza. En fait, il entend déterminer le sta-tut de la méthode « synthétique » de l’Éthique et démontrer à nouveau que son« matérialisme » est caché derrière la façade géométrique. dans son quatrième cha-

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pitre (« Liberté vs. déterminisme »), il compare le déterminisme de Spinoza et lanotion de liberté chez Maïmonide. Spinoza aurait tenté d’aller jusqu’au bout d’unevision déterministe de la nature humaine, et son usage d’une « rhétorique » de laliberté n’aurait eu d’autre but que d’enjoindre à une nouvelle classe d’intellectuelsd’être des intermédiaires entre le philosophe et la multitude. dans son cinquièmechapitre (« téléologie vs. idéal imaginé »), l’A. aborde la critique spinoziste de latéléologie. Spinoza aurait entièrement dévalorisé les thèses téléologiques qui soute-naient les philosophies des « pré-modernes », dont celle de Maïmonide, et son usagedes « idéaux imaginés » ne constitue pas une réhabilitation des notions téléologiques« pré-modernes ». Enfin, dans son dernier chapitre (« Prudence vs. imagination »),l’A. examine le statut de la prudence chez Maïmonide et de l’imagination chezSpinoza. Ce dernier aurait voulu pouvoir concéder certaines choses aux imagina-tions de la multitude et aux besoins du langage ordinaire, sans pour autant dimi-nuer la radicalité absolue de ses thèses matérialistes, déterministes et, dans l’ensem-ble, « modernes ».

L’A. clôt son texte sur un appendice révélateur : « Richard Kennington et l’ésoté-risme de la pensée spinoziste ». Sa vision globale de Spinoza – matérialiste, dissimu-lateur, « moderne » –, se justifierait une dernière fois. toutefois, il nous semble quele recours fréquent de l’A. à des généralités aussi vagues que « moderne » ou « pré-moderne » ne contribue guère à soutenir l’analyse. En dépit d’études de textes sou-vent pertinentes, on peut regretter un manque de rigueur quant au discours. Par ail-leurs, il est intéressant de constater que « l’ésotérisme » de Spinoza, cher à l’A., semblejouir actuellement en France d’un regain d’intérêt, vu l’actualité qui entoure le débatMilner-Segré et le fait que chacun, comme l’A., revendique l’idée de la pratique spi-noziste d’un « art d’écrire ». Cela indique une pertinence non négligeable de ce livrequant à l’état actuel de la recherche sur Spinoza en France.

Jack StEttER

A.6.7. Antonio PéREz QuINtANA : « Spinoza y el positivismo jurídico : la críticade E. Bloch a la concepción spinoziana del derecho como potencia », Laguna: revistade filosofia, 31, p. 95-122.

A.6.8. Alison PEtERMAN : « Spinoza on the Principles of Natural things », TheLeibniz Review, 22, p. 37-65.

Pour en faciliter la recension, les auteurs sont invités à envoyer leurs livres etles tirés-à-part de leurs articles à l’adresse suivante :

Archives de Philosophie« Bulletin Spinoza »

14 rue d’AssasF-75006 PARIS

744 Archives de Philosophie

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ASSOCIATION DES AMIS DE SPINOZAwww.aspinoza.com

Activités :– organisation de conférences– Envoi du « Bulletin de bibliographie spinoziste » et du « Bulletin

de l’Association des Amis de Spinoza »– Information sur les principales activités spinozistes en France

Adhésion :Envoi d’un chèque de 20 € (cette somme comprend l’envoi desbulletins) à :

Jacqueline Lagrée — uFR de PhilosophieCampus de Beaulieu

F-35042 Rennes CEdEx

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