le sens et le rôle de la résistance à l'union européenne pour le parti de gauche

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LE SENS ET LE RÔLE DE LA RÉSISTANCE À L'UE POUR LE PARTI DE GAUCHE Fabien Escalona et Mathieu Vieira L'Harmattan | Politique européenne 2014/1 - n° 43 pages 68 à 92 ISSN 1623-6297 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2014-1-page-68.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Escalona Fabien et Vieira Mathieu, « Le sens et le rôle de la résistance à l'UE pour le Parti de gauche », Politique européenne, 2014/1 n° 43, p. 68-92. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L'Harmattan. © L'Harmattan. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Pierre-Mendes France - Grenoble - - 88.173.78.197 - 26/06/2014 23h28. © L'Harmattan Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Pierre-Mendes France - Grenoble - - 88.173.78.197 - 26/06/2014 23h28. © L'Harmattan

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LE SENS ET LE RÔLE DE LA RÉSISTANCE À L'UE POUR LE PARTI DEGAUCHE Fabien Escalona et Mathieu Vieira L'Harmattan | Politique européenne 2014/1 - n° 43pages 68 à 92

ISSN 1623-6297

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2014-1-page-68.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Escalona Fabien et Vieira Mathieu, « Le sens et le rôle de la résistance à l'UE pour le Parti de gauche »,

Politique européenne, 2014/1 n° 43, p. 68-92.

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Distribution électronique Cairn.info pour L'Harmattan.

© L'Harmattan. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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• Dossier68

Le sens et le rôle de la résistance à l’UE pour le Parti de gauche

Cet article traite de l’opposition à l’Europe des dissidents socialistes ayant créé le Parti de gauche puis œuvré à la constitution du Front de gauche. Il soutient que si l’ensemble de leur projet politique n’est pas réductible à leur résistance à l’intégration européenne, celle-ci a été un catalyseur de la dissidence, un outil privilégié de mobilisation et de différenciation vis-à-vis du Parti socialiste, ainsi qu’un moyen de circonscrire les frontières de « l’autre gauche ». L’opposition à l’Europe des dissidents est donc analysée à la fois pour son sens idéologique et pour son usage stratégique dans les processus d’unification et de coalition partisanes dont ils ont été les entrepreneurs.

The meaning and the role of resistance to the EU in the Left Party

This article focuses on opposition to Europe from the socialist dissenters who founded the Left Party and co-founded the Left Front. We argue that opposition to Europe is not only a form of resistance to European integration, but also a catalyst of dissent, a tool for mobilization and differentiation towards the Socialist party, and a way to define the boundaries of the “other left”. The article deals with the ideological meaning and strategic use of opposition to Europe, which has played a significant role in the political enterprise of unifying socialist dissenters.

POLITIQUE EUROPÉENNEN° 43 | 2014

Fabien Escalona et Mathieu Vieira

[p. 68-92]

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Le sens et le rôle de la résistanceà l’UE pour le Parti de gauche

Fabien EscalonaSciences Po Grenoble

Mathieu VieiraSciences Po Lille

C ette étude de cas est consacrée au rôle et au sens de l’opposition à l’Union européenne (UE) de la part des dissidents socialistes ayant

cofondé le Parti de gauche (PG) et le Front de gauche (FG)1. La thèse que nous défendons consiste à présenter cette opposition non pas comme la seule cause du passage de la faction mélenchoniste à la dissidence partisane, mais comme un catalyseur de cette dissidence, un outil privilégié de mobilisation et de différenciation vis-à-vis du Parti socialiste (PS), ainsi qu’un moyen de circonscrire les frontières de « l’autre gauche ». L’existence et la raison d’être du PG et du FG (respectivement nés d’une scission socialiste en 2008 et d’un accord entre plusieurs formations de gauche radicale en 20092) ne sauraient en effet se réduire à leur position à l’égard de l’intégration euro-péenne. Pour autant, nous soutenons que les avancées de cette intégration, ainsi que les mobilisations qu’elle a suscitées, ont facilité l’avènement du PG et du FG autant qu’elles leur ont permis de se démarquer du PS. En cela, cette étude de cas illustre ce que Laure Neumayer (2006) a appelé le « caractère relationnel » de la résistance à l’Europe, dans sa double fonction de distinction et de production d’identité partisane. Notre focalisation sur le cas du PG se justifie pour trois raisons : (1) la nouveauté de cette formation partisane apparue il y a seulement cinq ans et peu prise en compte jusqu’à

1 Nous remercions Christophe Bouillaud, Emmanuelle Reungoat et les relecteurs anonymes pour avoir lu avec attention une première version de ce texte et nous avoir fait part de commentaires éclairants.

2 De 2009 à 2012, le Front de gauche a agrégé neuf organisations : outre le Parti communiste français (PCF) et le PG, la coalition comprend désormais la Gauche unitaire (GU, ex-LCR), République et socialisme (ex-MRC), la Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase), Convergences et alternative (C&A, ex-NPA, issu du même courant que la GU), le Parti communiste des ouvriers de France (PCOF), la Gauche anticapitaliste (GA, ex-NPA, courant écosocialiste), et les Alternatifs.

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présent dans la littérature académique ; (2) son rôle moteur et innovant au sein du FG comme au sein de la gauche radicale européenne, un cartel et une famille particulièrement actives dans les résistances à l’architecture institutionnelle et à l’économie politique de l’UE ; (3) l’intérêt de ce cas pour mieux comprendre, dans un autre contexte que celui de l’Europe centrale, comment « les acteurs politiques intégr[ent] la thématique européenne à leurs jeux stratégiques, en faisant de l’UE un modèle ou un repoussoir selon le positionnement recherché dans les espaces politiques nationaux, [et la façon dont] les prises de position partisanes découl[ent] d’un travail poli-tique visant à faire coïncider les positionnements européens avec les autres principes de division de l’espace sociopolitique » (Neumayer, 2006, 790).

La réflexion menée dans cet article renvoie à deux champs de recherche récemment ouverts, dont le premier concerne les résistances à l’Europe (Lacroix et Coman, 2007). En nous intéressant aux usages stratégiques et au contenu idéologique de l’opposition du PG à l’UE, nous nous inscrivons en effet dans le sillon des travaux relatifs aux résistances de gauche à l’intégration européenne (Heine, 2009 ; Crespy, 2012). Partageant les critiques adressées à la littérature sur l’euroscepticisme partisan (Sczerbiak et Taggart, 2008), nous considérons que les termes d’« opposition » ou de « résistance » sont plus adéquats pour caractériser le rapport des dissidents socialistes à l’UE, dans la mesure où ils ne prédéterminent pas la nature des motivations qui fondent cette opposition. Notre apport spécifique consiste à décrire comment la trajectoire de dissidents socialistes a abouti à la diffusion par le PG d’inno-vations en termes de « résistance à l’UE ». Le second champ de recherche dans lequel nous nous inscrivons concerne l’émergence d’une nouvelle famille de gauche radicale, sur les décombres de la famille communiste (March, 2011 ; De Waele et Vieira, 2012). En France comme en Allemagne (Die Linke), des dissidents sociaux-démocrates ont joué un rôle décisif dans la collaboration des différentes traditions de cette famille anticapitaliste in statu nascendi. Or, une des singularités du cas français tient à ce que la contestation de l’UE est une clé de compréhension essentielle de la trajectoire stratégique et idéologique de ces dissidents. Explorer les ressorts de cette singularité revient donc à enrichir le corpus encore modeste des travaux portant sur la gauche radicale européenne et les éléments les plus dynamiques en son sein.

Pour mener notre démonstration, nous revenons dans une première partie sur les épisodes-clés qui ont jalonné le passage de la faction à la dissidence socialiste, et de la dissidence au développement du Front de gauche. Dans une seconde partie, nous revisitons la trajectoire des dissidents socialistes à

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l’aune du contenu idéologique donné à leur résistance à l’intégration euro-péenne. Alors que ces deux registres s’entremêlent dans la chronologie du factionnalisme dissident à la défection partisane, ils sont distingués ici non seulement pour des raisons de clarté de l’exposé, mais plus profondément en raison du parti pris de cet article. Le caractère idéologisé de la faction mélenchoniste constituant une originalité au sein de ce qu’est devenu le PS d’Épinay, il nous a semblé qu’il fallait prendre au sérieux, sans naïveté mais sans suspicion non plus, les facteurs idéels du processus de dissidence, à côté de la recherche de positions avantageuses dans le système partisan français3. Si les acteurs au centre de notre article avaient uniquement voulu préserver ou maximiser leurs ressources politiques, il n’est pas sûr qu’un calcul coûts/avantages aurait forcément abouti au choix de la défection, celle-ci s’avérant particulièrement risquée dans un contexte marqué par la bipolarisation autour de deux forces hégémoniques (PS et UMP) sur leur camp. Ces facteurs idéels nécessitent d’autant plus d’être examinés à part, que les valeurs et la vision du monde partagées par les dissidents se sont aussi précisées et traduites différemment au cours de la transformation en parti et en composante du Front de gauche.

Au terme de l’analyse, il apparaît clairement que la dissidence et ses déve-loppements ne peuvent se résumer à la question du rapport à l’UE, mais que celle-ci a bien eu une importance majeure. Nous montrons que cela peut se comprendre en envisageant les trois aspects qu’a revêtu l’opposition à l’UE : celui d’un point de rencontre, ayant permis d’agréger des parcours politiques individuels (au sein du PG) et des organisations politiques (au sein du FG) ; celui d’un (dé)marqueur identitaire des dissidents par rapport au PS ; et celui d’un point nodal des logiques idéologiques sous-tendant leur projet politique.

Cet article s’appuie sur un corpus documentaire composé de publications du PG, d’ouvrages et de tribunes de membres du secrétariat national du parti, et d’articles de presse relatant les principaux « moments » de l’entreprise politique des dissidents socialistes français. Si ces derniers sont l’objet de notre investigation, leur parcours invite aussi à prendre en compte les positions d’autres acteurs de la gauche radicale et du FG. Dans ce cadre, la place accordée aux raisonnements et déclarations de Jean-Luc Mélenchon ne doit pas surprendre ni être interprétée comme une réduction du PG à

3 La démarche n’aurait pas été la même si l’on avait dû traiter, par exemple, la résistance à l’UE exprimée par Laurent Fabius en 2005, dans la mesure où celle-ci ne s’articulait pas à un corpus ancien et stable de valeurs et d’idées portées par ce responsable du PS (Crespy, 2008).

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sa personne. Elle s’explique non seulement par le fait qu’il est le leader des dissidents (devenu qui plus est candidat à la présidentielle de la coalition qu’il s’est évertué à bâtir) mais aussi par la constatation qu’il est, avec un petit nombre de responsables, le principal élaborateur de la doctrine du PG4.

La résistance à l’UE comme catalyseur, ressource straté-gique et (dé)marqueur identitaire du rassemblement de « l’autre gauche »

Dans cette première partie, nous montrons d’une part à quel point les scrutins ayant eu l’intégration européenne pour enjeu se sont révélés décisifs dans les processus de dissidence et de construction du FG, sans pour autant en être des causes exclusives. De fait, le passage de la faction à la dissidence relève d’une chronologie et de ressorts plus complexes, mentionnés dans l’encadré situé entre la première et la deuxième sous-partie. D’autre part, nous insis-tons sur le fait que l’enjeu européen, tout en représentant objectivement un sujet de dissension entre le PS et les formations de la gauche radicale, a été utilisé stratégiquement pour délimiter le rassemblement politique souhaité, mobiliser les militants et sympathisants, et se distinguer clairement des concurrents socialistes face au corps électoral.

La campagne contre le Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) en 2005 peut ainsi être considérée comme un facteur d’unification de la nébuleuse « antilibérale », ainsi que de polarisation vis-à-vis du PS. Cette dynamique, qui s’est révélée essentielle à la création du FG, a cependant été rendue possible par trois évènements antérieurs, ce qui atteste que le ras-semblement de la gauche radicale en France ne peut s’expliquer par la seule communauté de vues existant à propos de l’UE. Au rôle de « catalyseur » joué par la campagne contre le TCE, il faut ajouter que la perspective des élections européennes de 2009 a représenté une occasion stratégique majeure, qui s’est révélée constituer un élément parmi d’autres d’une « fenêtre d’oppor-tunité » pour la dissidence. Enfin, la campagne présidentielle de 2012 a été l’occasion de vérifier l’importance privilégiée que les responsables du PG et

4 Des entretiens exploratoires ont aussi été menés pour confirmer ou nuancer les analyses qui suivent. Ils devront être systématisés et exploités dans les travaux qui prolongeront le présent article, celui-ci ne constituant qu’une première étape, modeste mais nous l’espérons utile, dans l’étude d’une for-mation encore récente.

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du FG ont accordée à l’enjeu européen, en tant qu’outil de mobilisation et de différenciation vis-à-vis du PS.

La campagne du « non » au Traité constitutionnel en 2005

Trois évènements ont préparé la dynamique unitaire de 2005, qui ne se concrétisera sous une forme de coalition partisane qu’après la création du PG. Le premier d’entre eux est le mouvement social de 1995, dirigé contre la réforme des retraites initiée par le gouvernement Juppé. Les grèves de novembre-décembre marquent incontestablement le passage à un nouveau cycle du mouvement social, comme en atteste la greffe réussie à cette occasion de l’altermondialisme en France. À l’époque, ce nouveau souffle contestataire ne trouve pas de relais politique. Néanmoins, il participe de l’émergence d’une nouvelle radicalité dont se prévaudront plus tard les partisans du « non » au TCE. Le second événement préparant le terrain d’une dynamique unitaire se produit le 21 avril 2002. Les bons scores réalisés par les candidats d’extrême-gauche et la poursuite du déclin communiste confortent le positionnement anticapitaliste face à la « dérive sociale-libérale » reprochée à la gauche plurielle. Enfin, l’« Appel pour une alternative à gauche » (ou « Appel de Ramulaud ») lancé en juillet 2003 tente pour la première fois de concrétiser le rassemblement des différentes composantes de la gauche anticapitaliste. Celles-ci décident à travers cet appel « d’œuvrer à la convergence de toutes celles et de tous ceux qui refusent de se résigner au capitalisme », les signa-taires précisant qu’« il ne s’agit pas de créer un nouveau parti, mais un cadre de débat et d’initiatives communes »5. Cet effort unitaire post-2002 n’en contribue pas moins à la création d’habitudes de travail, qui seront réactivées lors de la campagne du « non » au TCE. Il favorise également le dialogue entre la sphère du mouvement social et celle des partis anticapitalistes.

Dans ce contexte, la campagne référendaire de 2005 est à la fois un moment de pré-rupture décisif pour les dissidents socialistes et le catalyseur du rap-prochement des acteurs et des formations qui formeront la « galaxie Front de gauche ». Initié par la Fondation Copernic le 19 octobre 2004, l’« Appel des 200 contre le Traité constitutionnel européen » constitue l’acte fondateur de la campagne unitaire. Parmi les signataires, on retrouve l’arc des forces de l’« Appel de Ramulaud », ainsi que la plupart des futurs responsables du

5 « Appel pour une alternative à gauche », démocratie-socialisme.org, mis en ligne le 12 juillet 2003.

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PG (Eric Coquerel, Marc Dolez, Jean-Luc Mélenchon) et du FG. L’appel entend « opposer un “non” majoritaire au “traité constitutionnel”. Un “non” de gauche, en rupture avec le système libéral, qui puisse traduire dans les urnes ce que les mobilisations sociales et altermondialistes de ces dernières années ont exprimé » (Fondation Copernic, 2004). Outre l’ambition réussie de faire du déficit d’Europe sociale l’enjeu central du débat référendaire, on peut remarquer la claire volonté de se démarquer du « non » nationaliste. Sur le terrain, le Collectif national et les Collectifs locaux unitaires constituent autant de plateformes d’interactions entre les futures parties prenantes du FG. Des centaines de réunions et de meetings confortent une jonction jusque-là difficile entre les sphères partisane, syndicale et intellectuelle de l’anticapitalisme français.

L’importance de la campagne de 2005 est soulignée par la plupart des dis-sidents socialistes ayant œuvré à la création du PG puis du FG. Dans un entretien récent, François Delapierre (secrétaire national du PG) affirme ainsi que cet épisode et les émotions politiques qu’il a provoquées ont été un « moment fondateur » pour ceux qui allaient faire le choix de la dissi-dence : « La rupture avec le PS [….] a aussi pris la forme d’une expérience vécue. Nous avons cessé d’aller aux réunions socialistes pendant plusieurs mois [...], je trouvais cela froid, mesquin, sans intérêt. » (Delapierre, 2012, 83-84). Si cette appréciation reflète une part de la réalité et du vécu militant des socialistes ayant suivi Mélenchon lors de la création du PG, elle vaut aussi comme exemple de valorisation rétrospective du moment référendaire. Celui-ci est non seulement érigé comme borne de naissance du rassemble-ment de la gauche radicale, mais sert en outre de brevet de légitimation à la construction de ce rassemblement.

Dans un premier temps, la campagne du « non » provoque en tout cas la res-tructuration de l’aile gauche du parti, à l’occasion de laquelle J.-L. Mélenchon crée le courant « Trait d’union », prolongement à l’intérieur du PS de l’asso-ciation politique « Pour la République sociale » (PRS). Comme l’indiquent le thème (« Une nouvelle union des gauches est-elle possible ? ») et les invi-tés (Marie-George Buffet, José Bové et Olivier Besancenot) de l’université d’été de PRS qui se déroule à Arles en 2005, l’association constitue bien une plate-forme de discussion et de rencontre prolongeant la dynamique de la campagne du « non ». Elle apparaît comme le laboratoire d’une autonomie vis-à-vis du PS, comparable à ce qu’avait été le club « République moderne » pour Jean-Pierre Chevènement (Verrier, 1999).

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En définitive, Amandine Crespy a donc raison de souligner que la campagne de 2005 « constitue un moment de cristallisation de résistances latentes à l’intégration européenne au sein de la gauche française » (Crespy, 2008, 590). Cette campagne doit être également considérée selon nous comme un moment de polarisation, qui participe à éloigner les futurs dissidents du PS et à dessiner les frontières du FG.

De la faction à la dissidence :retour sur un processus et les facteurs partisans d’une défection

Analysant la scission chevènementiste de 1993, Benoît Verrier remarque que « tout comme la socialisation politique, l’adhésion partisane ou le mili-tantisme, la rupture avec une organisation politique gagne à être analysée comme un processus et non pas comme la traduction d’une décision ou d’une stratégie collective mûrement réfléchies et maîtrisées » (Verrier, 1999, 113). Autrement dit, la dissidence ne peut se résumer à l’acte de scission et doit être pensée comme un processus progressif de dé-fidé-lisation partisane. Au-delà des motivations rétrospectives avancées par les dissidents pour justifier leur défection, le processus de dé-fidélisation de la faction mélenchoniste vis-à-vis du PS s’explique essentiellement, selon nous, par sa double marginalisation idéologique et élective au sein de l’ordre intra-partisan post-20026.

La scission ne fut en effet envisageable que parce que le courant mélencho-niste constituait une véritable faction au sens de Raphaël Zariski (1960), à savoir un groupe clairement identifiable au sein du parti, caractérisé à la fois par une identité commune et par une forte organisation collective. Nous pouvons le qualifier de « faction parallèle » appartenant à la tendance plus vaste de l’aile gauche, à la différence des « factions organisationnelles » (Cole, 1989) qui correspondent à la ligne majoritaire et détiennent les postes de direction au sein du parti. La structuration et l’homogénéité de ce courant fortement idéologisé, dans un PS qui l’est de moins en moins, expliquent le caractère collectif que revêt la scission en 2008. De

6 En progression jusqu’en 2005, l’aile gauche dans son ensemble ne pèse plus qu’un sixième des premiers fédéraux en 2008 (contre un quart en 2005) et 18,5 % du bureau national du PS (contre 44,4 % trois ans auparavant). Avant la scission, le courant « Trait d’union » ne comptait que trois membres au bureau national (sur 24 pour l’aile gauche et 54 au total), un seul premier fédéral et une poignée d’élus (une dizaine de conseillers généraux ou régionaux, deux maires, trois sénateurs, aucun député).

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fait, la grande majorité des exécutifs du courant « Trait d’union ! » et de l’association PRS se retrouve dans le Secrétariat national ou le Bureau national du PG7, tandis que le petit millier de militants qui quittent le PS pour cette nouvelle formation sont parmi les plus formés et aguerris du parti (Allemagna et Alliès, 2012, 300). Le débauchage d’autres socialistes partageant les mêmes vues mais appartenant à d’autres courants n’est pas recherché, par souci de conserver le contrôle sur une formation qui ressemble à une petite armée.

Quelques proches de Mélenchon (Jérôme Guedj ou Marianne Louis par exemple) choisissent pourtant de rester socialistes. Leurs cas témoignent de l’incertitude radicale qui entoure l’entreprise de la dissidence. Mélenchon a beau saisir une « fenêtre d’opportunité » (voir infra) et être encouragé par l’exemple allemand, la création d’une nouvelle formation apparaît très risquée dans un système partisan bipolarisé, dont le bloc de gauche est dominé par le PS depuis trois décennies. L’acte de scission apparaît dès lors comme le fruit d’une accumulation de dépits stratégiques à l’intérieur du parti, qui brisent l’espoir de peser sur les « fins collectives » de ce dernier et nourrissent un désir de sortie (Boucek, 2009).

Cela fait en réalité depuis 2002 et l’explosion du courant de la Gauche socialiste que Mélenchon se retrouve non seulement en position subalterne dans ses alliances (par rapport à Henri Emmanuelli d’abord puis Laurent Fabius ensuite), mais minoritaire au sein même d’une aile gauche qu’il n’oriente pas et qui s’affaiblira entre 2005 et 2008. Alors que Mélenchon semble intellectuellement prêt à une rupture avec le PS après la cam-pagne référendaire de 2005, la scission – qui n’intervient qu’à l’occasion du congrès de Reims en novembre 2008 – n’est pas encore concevable politiquement, et ce pour deux motifs. Premièrement, depuis la défaite à l’élection présidentielle de 2002 et le retour des rivalités factionnelles, les courants de l’aile gauche réalisent de bons scores, au congrès de Dijon en 2003 (35,7 %)8 comme au congrès du Mans en 2005 (44,6 %)9, tenu après le référendum. La justification d’une scission par le triomphe d’une ligne sociale-libérale est impossible. Deuxièmement, la primaire interne

7 Citons entre autres François Delapierre, Alexis Corbière, René Revol, Pascale Le Néouannic, Gabriel Amard, Raquel Garrido ou Danielle Simonnet.

8 Résultat cumulé des motions « Nouveau parti socialiste » (dirigé par Arnaud Montebourg, Vincent Peillon et Benoît Hamon), « Nouveau monde » (co-fondé par Jean-Luc Mélenchon et Henri Emmanuelli) et de « Forces militantes » (emmené par Marc Dolez).

9 Résultat cumulé de la motion conduite par Laurent Fabius (soutenue par Jean-Luc Mélenchon) et du NPS (rejoint par Henri Emmanuelli).

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de 2006 marque certes une rupture de l’ordre intra-partisan issu de 2002, mais pour réactiver au PS ce que Cole (1989) appelle le « factionnalisme présidentialisé ». Dès lors, la bataille des présidentiables (re)prend le pas sur les courants structurés, dont les leaders peuvent difficilement faire dissidence à la veille d’un scrutin majeur. Une fois la campagne présidentielle achevée (qui aura d’ailleurs été pour Mélenchon et ses partisans un calvaire, a contrario de la campagne référendaire), le jeu est rouvert par les contacts positifs noués avec le PC et des dissidents che-vènementistes, et par la persistance de sa marginalisation au sein d’une aile gauche hétérogène et peu compétitive face au « centre orthodoxe » et à la droite du parti.

Même si le parallèle avec la dissidence chevènementiste s’avère pertinent à plusieurs égards (organisation en faction, marginalisation, création d’un club à l’extérieur du parti), le MRC n’a jamais été pensé par les fondateurs du PG comme un modèle. Il apparaît au contraire comme un échec à méditer, alors qu’à l’inverse, Die Linke représente incontestablement le triple modèle organisationnel, programmatique et stratégique du PG (du moins à ses débuts). Cette précision permet de saisir que la scission n’est décidément pas simplement réductible à l’enjeu européen, mais traduit une division politique profonde, qui distingue la nouvelle famille de la gauche radicale des familles sociale-démocrate et écologiste (Escalona et Vieira, 2013).

Les élections européennes de 2009

Après le « choc culturel » de 2005, le scrutin européen de 2009 apparaît comme un autre moment-clé de l’entreprise des dissidents socialistes. C’est en effet la première fois que le PG concourt à une élection, à travers le FG qu’il s’était donné pour mission de créer et d’inspirer.

Auparavant, les « comités antilibéraux » issus de la campagne contre le TCE ont échoué à trouver un candidat commun pour l’élection présidentielle de 2007. Jean-Luc Mélenchon, en raison de son appartenance au PS, ne détenait pas à l’époque de crédibilité ni de légitimité suffisante pour s’imposer dans ce processus politique. Ce handicap est levé par son départ du PS en 2008 et par la création du PG qui s’ensuit. Dès le congrès fondateur, le PG est présenté comme un « parti creuset » des différentes traditions de gauche, ainsi que comme une force de proposition pour l’édification d’un Front de

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gauche. Les frontières de ce dernier sont alors définies comme celles d’une gauche adverse du « social-libéralisme », et se confondent en réalité avec celles de la gauche ayant défendu le « non » en 2005 (Mélenchon, 2009, 31-54). S’agissant du PG lui-même, ce dernier comprend d’ailleurs, outre des membres de PRS et d’autres courants de l’aile gauche du PS, la forma-tion MARS-Gauche républicaine, fortement impliquée elle aussi dans la campagne anti-TCE.

Le choix du moment de rupture avec le PS et de la création d’un nouveau parti n’est pas anodin. Il correspond à l’objectif stratégique que constitue le montage d’une liste aux élections européennes de juin 2009. Il paraît diffici-lement imaginable à J.-L. Mélenchon de faire campagne avec ses camarades socialistes, dont une partie a avalisé le « passage en force » du traité de Lisbonne, lors du Congrès parlementaire de février 2008. Surtout, il s’agit du scrutin idéal pour tenter de reconstruire l’arc du « non » de gauche. La perspective des Européennes participe donc d’une fenêtre d’opportunité qui s’ouvre en raison de deux autres événements : (1) la tenue d’un congrès du PS à Reims, au cours duquel les résultats décevants de l’aile gauche10 sont invoqués par Mélenchon pour justifier un départ auquel il pense cependant depuis longtemps, et d’autant plus que de l’autre côté du Rhin, la dynamique de Die Linke exerce une attraction intellectuelle et stratégique ; (2) le signal positif envoyé peu avant par le PCF, qui affirme pour la première fois être favorable à des « fronts à gauche avec des personnalités et des organisations » (Allemagna et Alliès, 2012, 275-311).

Dès la fondation du PG, l’emphase est donc mise sur cette idée de « front » et sur les élections européennes qui lui offrent une occasion de concrétisation. L’enjeu européen sert explicitement à installer le FG dans l’espace politique, ainsi qu’à faire apparaître les organisations qui rejettent le rassemblement de la gauche radicale sous la bannière du FG comme des chapelles sectaires, hostiles à une stratégie reposant pourtant sur le rejet de l’euro-libéralisme qui avait été victorieux en 2005. À la tribune du congrès fondateur du PG, son président lance ainsi : « Ce sont les dernières élections générales avec un contenu hautement politique avant l’élection présidentielle. Nous devons [en faire] un référendum politique sur le traité de Lisbonne » (Mélenchon,

10 La motion C « Un monde d’avance » conduite par Benoît Hamon, qui ras-semble l’ensemble des composantes de l’aile gauche, n’arrive qu’en quatrième position avec 18,5 % des voix, derrière la motion E de Ségolène Royal (29 %), la motion A de Bertrand Delanoë (25,2 %) et la motion D de Martine Aubry (24,3 %).

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2009, 46). Tout en menant des discussions pour tenter d’élargir le FG, il accuse les réticents d’être « prostrés dans une culture minoritaire ». Fait intéressant, il pose en même temps « “le refus du traité de Lisbonne comme ticket d’entrée” [au Front de gauche], écartant de facto le PS » (Equy, 2009).

Une fois la fin de non-recevoir du NPA enregistrée, l’objectif de la campagne consiste à arriver en tête de « l’arc du non ». Avec près de 6,5 % des suffrages exprimés, les listes FG stabilisent avec une légère hausse le score obtenu par le PCF en 2004, et lavent l’affront du résultat présidentiel calamiteux de 2007. Si ce n’est pas une véritable percée, les Européennes de 2009 per-mettent cependant au FG d’asseoir sa domination sur l’espace politique à gauche du PS, avec un NPA relégué sous la barre des 5 % des suffrages. Ce résultat crédibilise l’entreprise de rassemblement menée par les dissidents socialistes. Il est d’ailleurs probable que le PCF n’aurait pas pris le risque de l’autonomie du FG lors des régionales de l’année suivante, si le scrutin de 2009 n’avait pas prouvé la relative viabilité électorale d’une telle coalition, et permis de tisser les premiers liens entre militants et responsables PG et PCF. Par conséquent, l’enjeu de la résistance à l’UE aura bien été une ressource stratégique indispensable à Mélenchon et son parti.

La campagne présidentielle de 2012

En 2012, le FG apparaît comme nettement élargi par rapport à ses débuts. Sans surprise, toutes les organisations composant dorénavant la coalition ont été parties prenantes de la campagne contre le TCE. La logique idéo-logique et stratégique sous-tendant le rassemblement à l’intérieur du FG se confond en effet avec celle qui avait favorisé la dynamique unitaire de 2005 : le partage d’un projet anti-néolibéral voire post-capitaliste, et la conviction du pouvoir d’attraction supérieur d’une réunion des différentes cultures de la gauche radicale. Les formations ayant refusé de rejoindre le FG sont d’une part des organisations d’extrême gauche telles que Lutte ouvrière (LO) ou le NPA – en fait déchiré sur la question pendant la campagne –, selon nous à la marge de la famille politique actuellement émergente ; et d’autre part le MRC, en raison de sa forte dépendance au PS et d’un projet faisant beau-coup moins de place à la lutte des classes et à l’internationalisme que celui des autres partis à la gauche du PS. À l’arrivée, le FG regroupe l’essentiel des dissidents socialistes, communistes reconvertis et « rouges-verts » que compte la gauche radicale en France. À cet égard, l’existence de la coalition témoigne selon nous d’une dynamique continentale, dont les composantes

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que nous venons de citer constituent des forces motrices. Bien qu’elle ne puisse donc pas être réduite au seul enjeu européen, l’entrepreneur poli-tique Mélenchon sait ce que la progression d’un front français de l’« autre gauche » doit à l’expérience fondatrice de 2005. Pendant la campagne, il ne cesse d’ailleurs de rappeler à ses partisans et aux électeurs qu’il convoite le fil qui relie ce combat passé et celui de 2012. Le candidat explique ainsi sur son blog que le FG « a été constitué comme l’instrument politique d’un projet. Ce projet c’est d’assumer le sens du refus de 2005 face au projet de Constitution européenne devenu depuis le Traité de Lisbonne, sous l’empire duquel nous vivons » (Mélenchon, 2012b).

La mise en œuvre concrète de cette ligne, qui se traduit par la contestation régulière des règles de l’UE tout au long de la campagne, permet aussi de faire valoir la différence de nature entre le projet du FG et celui du candidat PS. Le refus de l’austérité affirmé par ce dernier est mis en doute, tant la proba-bilité que François Hollande conteste réellement le cadre européen est jugée faible. La question du Mécanisme européen de stabilité financière représente le point d’orgue de cette stratégie. Après en avoir fait un thème central de plusieurs meetings, J.-L. Mélenchon (2012a) interpelle en effet les députés socialistes qui ont à se prononcer sur ce traité le 21 février : « N’acceptez pas ce coup de force contre notre démocratie ! [….] Car aucune politique de gauche n’est possible dans le cadre de ces traités. » Il contribue ainsi à réactiver la division de 2005 sur le TCE, profitant du fait que plusieurs responsables de l’aile gauche du PS répugnent à se réfugier dans l’abstention décidée par leur groupe. Invitée quelques jours avant le scrutin à expliquer en quoi le FG se distingue du PS, la porte-parole du candidat monte en généralité et expose que « le PS est un courant de gauche [….] qui propose de composer avec le capitalisme et l’Europe telle qu’elle tourne à l’envers. Nous, [nous] pouvons désobéir » (Autain, 2012). L’économiste Jacques Généreux, alors secrétaire national du PG, enfonce le clou le 19 avril, en affirmant que la négociation seule ne pourra pas éviter l’application de la « règle d’or » budgétaire : « Nous ne voulons pas négocier mais demander aux Français de trancher. [….] Ces deux lignes ne sont pas conciliables » (Rousseaux, 2012). Le même jour, Mélenchon explique longuement pourquoi il veut soumettre les futurs traités européens à l’approbation populaire, et en quoi ce choix est fondateur de ce qui sépare les organisations qu’il représente et les socialistes : « toute notre divergence part de là. Elle remonte à 2005. » (Mélenchon, 2012c).

Les dissidents socialistes et leurs camarades du FG font donc jouer pleinement à l’opposition à l’UE son rôle de (dé)marqueur identitaire pendant la campagne,

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d’un côté en tentant de remobiliser les affects de ceux qui avaient voté « non » en 2005, de l’autre en démontrant en quoi cette opposition fait à la fois la spécificité et la supériorité de leur programme. Par ailleurs, on peut observer des effets « matériels » de la mémoire de la campagne référendaire, au sens où celle-ci a en partie inspiré l’organisation même de la campagne. De fait, la dimension d’éducation populaire qui avait marqué les réunions des « comités du non » est explicitement recherchée par les leaders du FG, avec l’idée de créer un phénomène semblable d’appropriation du programme « L’humain d’abord », notamment grâce aux « assemblées citoyennes ». Comme en 2005, il s’agit de diffuser et populariser un programme par un canal alternatif aux grands médias jugés indifférents, voire adverses. Au final, la rationalité de l’usage discursif et matériel de la mémoire de 2005 se lit dans la corrélation entre le vote Mélenchon et le « non » au TCE : positive, elle est la plus haute enregistrée parmi les candidats de gauche, tandis qu’elle apparaît quasi nulle pour Hollande, voire négative pour la candidate écologiste (Cautrès, 2013, 130).

Le sens idéologique de l’alter-européisme des dissidents socialistes

Cette seconde partie, concentrée sur l’analyse du contenu de cet alter-européisme et du cadre idéologique dans lequel il s’inscrit, complète notre argumentation de deux façons. D’une part, elle renforce notre thèse selon laquelle l’opposition à l’UE est un thème essentiel de la dissidence, sans que cette dernière lui soit réductible. À l’évidence, le PG ne remplit pas les conditions réunies pour parler d’un « single-issue party », dont le support électoral reposerait sur un unique enjeu programmatique (Mudde, 1999). L’enjeu européen est intégré à une matrice idéologique plus vaste, dont il n’est qu’un des rouages. En effet, l’opposition au processus d’intégration européenne fait l’objet d’une justification par la double logique qui sous-tend l’ambition de transformation sociale beaucoup plus vaste du PG, à savoir d’un côté la question démocratique (via la valorisation de la souveraineté populaire) et de l’autre la question sociale (via l’engagement anticapitaliste). En même temps, la centralité stratégique de l’enjeu européen se comprend par le fait que ce rouage est aussi un point nodal du projet politique auquel il est rattaché, au sens où il reflète la vision du monde et l’orientation normative du PG.

D’autre part, l’analyse que nous proposons permet de mettre en lumière l’évolution idéologique des fondateurs du PG, depuis un républicanisme

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socialiste assez classique jusqu’à un écosocialisme intégrant un appel à la désobéissance aux traités européens. Cette dernière innovation est l’occasion de spécifier la contribution originale du PG à la doctrine et aux débats du FG. Bien que le positionnement républicain, anticapitaliste et internationaliste du PG n’ait pas représenté un obstacle majeur dans le dialogue avec le PCF, l’introduction de la notion de « désobéissance », directement liée à l’attitude ouverte des dissidents dans le débat sur la monnaie unique, témoigne de conceptions stratégiques plus audacieuses que celles de l’allié communiste.

Le choix de la dissidence : une radicalisation de la résistance à l’UE

Si l’opposition aux traités qui régissent l’UE fait aujourd’hui l’objet d’un consensus entre les responsables actuels du FG, cela n’a pas toujours été le cas si l’on se réfère à la période antérieure à 2005. Parmi les ex-socialistes responsables du PG, J.-L. Mélenchon et J. Généreux avaient en effet soutenu le traité de Maastricht. Dans son livre publié à l’occasion de la campagne référendaire, le second se range lui-même parmi ceux qui « ont jusqu’ici dit oui à tout » et assume le fait que lors de l’adoption du traité de Maastricht, il défendait une position favorable au marché unique, dans la stricte mesure où ce dernier semblait ouvrir la voie à une Union de nature politique. La monnaie unique lui apparaissait comme un « butin » arraché par la gauche, en vue de créer les conditions d’un socialisme à l’échelle européenne : « L’euro nous protégeait ainsi comme l’un des méfaits majeurs de la dérégulation mondiale des marchés financiers. Nous pensions [qu’] un mauvais traité n’était que l’étape nécessaire à la reconnaissance des lacunes qui pousseraient à la négociation d’un meilleur traité. » (Généreux, 2005, 22-23). La justifi-cation par J.-L. Mélenchon de sa position de l’époque est similaire. Tout en confessant une erreur, il indique qu’il s’agissait pour lui de se prémunir des attaques spéculatives contre les monnaies nationales, et de s’offrir ainsi un « espace pertinent pour faire le socialisme » (Allemagna et Alliès, 2011, 125).

Si le raisonnement change en 2005, c’est, selon J. Généreux, parce que le TCE ne compile pas simplement les dispositions néolibérales des précédents traités. Il viserait aussi à cadenasser toute possibilité de réorienter l’UE dans le sens du progrès social, en constitutionnalisant la mise en concurrence des systèmes sociaux. Pour les futurs fondateurs du PG, la contestation du TCE ne se fait pas tant sur une base anticapitaliste que sur l’idée que même des politiques sociales-démocrates classiquement keynésiennes seraient inter-dites (Heine, 2009). Cela dit, les dissidents socialistes de 2008 ne quittent

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pas le PS sur une simple divergence stratégique avec le reste de l’aile gauche du parti, elle aussi fidèle au paradigme keynésien. Avant la scission, leur contestation du traité de Lisbonne et de l’intégration européenne se pré-cise et s’intègre en effet à un projet bien plus radical, dont l’expression est encouragée par l’analyse faite du résultat du référendum, interprété comme un refus du modèle néolibéral en général. Selon la contribution du courant « Trait d’union ! » pour le congrès du Mans, « le mouvement socialiste » devrait en profiter pour « cesse[r] de considérer le capitalisme comme un horizon indépassable » (Trait d’union, 2005).

La grande crise économique de 2007-2008, qui débouche sur la crise des dettes souveraines en Europe, les encourage à aller plus loin dans leur diagnostic d’une crise systémique, et même à avancer la proposition stratégique de « désobéissance aux traités ». Un secrétaire national du PG nous a confirmé que la pression des événements et l’ambition d’exprimer une « radicalité concrète » ont rendu délicate la préservation d’un discours alter-européen classique, que certains membres de PRS partageaient encore à la création du PG. La crise a ainsi participé à rendre dicibles des propositions jusque-là marginales, mais qui avaient fait l’objet de premières élaborations dans certains secteurs du mouvement altermondialiste (comme dans l’ouvrage En finir avec l’eurolibéralisme, édité par Mémoire des luttes en 2008).

Ces évolutions, de l’anti-néolibéralisme à l’anticapitalisme et de l’alter-euro-péisme classique à la stratégie de la désobéissance, reflètent non seulement le souci de cohérence du PG vis-à-vis de la situation politique, mais aussi ses efforts pour se créer un espace propre au sein de la gauche radicale française et internationale, grâce à sa capacité d’innovation doctrinale. Celle-ci lui aura ainsi permis d’influencer considérablement la tonalité et la finalité du projet commun du Front de gauche.

La matrice républicaine et anticapitaliste de la résistance à l’UE

Peu de temps après la défaite de Ségolène Royal en 2007, J.-L. Mélenchon publie à la Fondation Gabriel Péri (proche du PCF) une tribune dans laquelle s’articulent déjà les principes politiques plus tard rassemblés sous l’expres-sion de « révolution citoyenne », propre au PG mais partagée ensuite dans le cadre du FG. Jean-Luc Mélenchon ne souligne pas seulement en quoi sa vision de la question sociale n’a plus grand-chose à voir avec celle de la social-démocratie européenne. Certes, il insiste sur la normalisation du PS

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au sein de cette famille politique et souligne que selon lui le problème n’est pas tant la production de richesses que celui de leur partage. Mais tout au long de son texte, la question sociale est inextricablement liée à la question démocratique, via l’analyse conjointe de l’évolution du capitalisme et du régime institutionnel de l’UE.

Ce qui a rendu le projet social-démocrate obsolète selon J. L. Mélenchon, c’est en effet le processus de transnationalisation du capitalisme, lequel a ainsi pu s’abstraire des compromis nationaux entre les représentants organisés du capital et du travail. Dans un premier temps, admet-il, la construction européenne a pu apparaître comme une planche de salut. Cependant, l’inté-gration économique et financière n’a pas préparé d’intégration politique et sociale, mais a plutôt détruit les conditions de progrès de cette dernière. Il s’agirait donc désormais de préserver « la norme d’intérêt général et la citoyenneté comme mode de conduite des affaires publiques », c’est-à-dire « l’identité républicaine de la France » (Mélenchon, 2007, 117-118). Si le thème de la « patrie en danger » n’est pas loin, le futur leader du PG inscrit néanmoins son combat dans une perspective internationaliste, précisant que l’enjeu est celui de l’irruption de la souveraineté populaire au cœur de l’UE elle-même. Cette position témoigne d’un effort de réconciliation entre républicanisme patriotique et internationalisme. Le message transmis par les révolutionnaires de 1789 (ériger le peuple en souverain) comporte selon J.-L. Mélenchon une dimension universaliste, que la gauche aurait intérêt à revendiquer. La préoccupation pour les méthodes démocratiques de trans-formation sociale offrirait en effet une alternative à l’attente du Grand Soir.

Les textes d’orientation du PG confirment cette articulation entre d’un côté la revendication d’une souveraineté populaire à l’échelle européenne, et de l’autre côté le projet de dépassement des rapports capitalistes. Ils contribuent également à l’affiner, notamment grâce au concept de « révolution citoyenne », qui résume à la fois le moyen d’action privilégié et les buts poursuivis par le PG : « la refondation républicaine des institutions et de la société, le partage des richesses, la planification écologique, la sortie du traité de Lisbonne et une politique de paix » (PG, 2010). La résistance à l’UE s’intègre ainsi dans un projet politique qui part d’un diagnostic de crise systémique du capita-lisme pour y apporter le remède de l’implication populaire partout où un intérêt général est en jeu. En plus du partage des richesses, c’est un partage des pouvoirs dans l’ordre politique et économique qui est visé, et qui entre clairement en contradiction avec le régime de propriété capitaliste. Dans ce cadre, les nouveaux traités communautaires sont interprétés comme

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antisociaux et antidémocratiques. L’expression de « coup d’état social » (PG, 2011a) illustre cette approche, tout comme celle d’Europe « austéritaire ». La règle d’or, par exemple, est analysée comme la déclinaison à échelle communautaire d’un « moment politique [qui] est celui du divorce entre le capitalisme mondialisé et la démocratie » (Mélenchon, 2011a).

Cette analyse montre que l’opposition à l’UE n’a pas que des vertus straté-giques de distinction avec le PS et de cri de ralliement à destination de « l’autre gauche ». Elle n’est pas non plus l’unique raison d’être du PG, pas plus qu’elle ne définit la division politique sur laquelle il se situe. Elle est plutôt l’une des dimensions parmi d’autres d’une contestation systémique du capitalisme et du productivisme, comme en atteste le « manifeste écosocialiste » élaboré par le parti (PG, 2013). Néanmoins, cette dimension apparaît essentielle dans la mesure où elle serait déterminante pour la réussite d’une « révolution citoyenne ». En effet, une politique en défaveur des détenteurs de capitaux et privilégiant les besoins sociaux se heurterait nécessairement à l’architecture « ordo-libérale » de l’UE. L’originalité du PG, par rapport à l’appel classique à une « autre Europe » partagé avec le PCF, réside donc dans la définition d’une stratégie de résistance qui ne se contente pas d’invoquer « les luttes » mais prévoit de désobéir unilatéralement aux traités européens existants. Le fait que les dissidents socialistes n’ont pas pour autant renié leur inspiration interna-tionaliste explique que cette option ait pu figurer dans le programme du FG.

Le pari d’une résistance unilatérale mais à finalité internationaliste

Que signifie l’inscription du terme de « désobéissance » dans le programme « L’humain d’abord » (FG, 2011, 69) ? Premièrement qu’en cas de succès élec-toral, le FG refuserait l’application des directives européennes en contradiction avec sa politique de transformation sociale. Deuxièmement, que tout nouveau traité serait soumis à référendum. D’ici là, un gouvernement FG ne s’estimerait pas tenu par le traité de Lisbonne, considéré comme « illégitime » en raison de son rejet dans les urnes en 2005. À travers ce mode de résistance à l’UE, la question sociale et celle de la souveraineté populaire sont donc encore une fois toutes deux mobilisées. Dans le programme du FG, la volonté de sortir du traité de Lisbonne est d’ailleurs mise sur le même plan que l’appel à une Sixième République.

La crise des dettes souveraines a joué un rôle d’accélérateur dans la conception et l’acceptation d’un appel à une « désobéissance » aux traités. La probabilité

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a en effet clairement augmenté d’attaques spéculatives contre toute politique économique non orthodoxe. Or, les programmes du PG comme du FG impliquent que le respect des « grands équilibres » soit subordonné à la préservation de l’activité et de l’emploi. Dans son ouvrage Nous on peut !, J. Généreux (2011) liste les mesures qu’il serait possible d’employer pour se défendre contre les rétorsions à attendre des puissances économiques. Admettant que la plupart sont incompatibles avec le droit existant de l’UE, il juge légitime de déroger à ce dernier. Dans ce cadre, la désobéissance aux traités n’est donc pas un but en soi, mais uniquement un outil pour atteindre des fins de nature anti-néolibérale, voire anticapitaliste. Or, ce sont bien celles-ci qui caractérisent en dernière instance le projet alter-européen du PG et du FG, lequel se révèle proche de celui de nombreuses autres formations de la famille de gauche radicale en Europe, qu’il s’agisse de la fin du primat de la concurrence, d’un audit des dettes publiques, de la socialisation (d’une partie) du secteur financier, de la réhabilitation des services publics ou de la restauration de contrôles sur les capitaux (FG, 2011, 67-71).

On notera au passage les différences de taille qui interdisent de confondre les deux types de résistance à l’UE qu’expriment le FG et le Front national (FN). Contrairement au projet politique autoritaire de ce dernier, l’argument démocratique déployé par le FG n’est pas instrumental : le respect de la sou-veraineté populaire « dans la cité comme dans l’entreprise » représente une fin en soi. De plus, le FN continue de rejeter la lutte des classes et ce qu’il appelle le « mondialisme ». À l’inverse, la désobéissance aux traités n’est prônée par le FG que dans le but de modifier les rapports de force internes à l’UE. Le souci de ne pas transformer un conflit de classes en conflit entre nations est évident. Il se retrouve chez de nombreux économistes d’inspira-tion marxiste et/ou altermondialiste, proches du FG et qui refusent de faire de la sortie de l’euro un préalable (Husson, 2012).

Le programme présidentiel du FG est muet sur ce dernier enjeu, son candidat s’étant contenté de rappeler son hostilité à l’abandon de la monnaie unique. Cependant, la position adoptée par le PG en interne montre que ce parti est plus engagé que le PCF dans la réflexion sur la subversion interne à l’UE. Dans une résolution votée en avril 2011, dont le fil argumentatif est repris sur le blog de J. L. Mélenchon et dans Nous on peut ! de J. Généreux, le PG affirme à la fois que l’euro s’est transformé en instrument de discipline anti-social, mais qu’un changement de politique monétaire est possible. Bien que les déséquilibres internes à la zone euro s’expliquent par l’absence préalable d’une « zone monétaire optimale », une union monétaire refondée sur de

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nouvelles bases serait viable et procurerait « de nombreux avantages géo-politiques et sociaux » (Mélenchon, 2011a). Confondre l’existence de l’euro avec le néolibéralisme détournerait l’attention de la vraie cause de la crise, à savoir l’éclatement des contradictions de l’économie capitaliste. D’après J. Généreux (2011, 119), « la crise de la zone euro [….] est un sous-produit du développement du capitalisme financiarisé » : quitter unilatéralement la zone euro ne répondrait donc pas au véritable enjeu, qui consiste en un basculement du rapport de forces en défaveur des « possédants ». Pire, un tel choix handicaperait le pays qui chercherait à déclencher un processus de transformation sociale.

Pour autant, les hypothèses de monnaie commune, d’une zone « euro-Sud » plus optimale ou d’un retour aux monnaies nationales ne sont pas écartées par principe et restent envisagées comme des solutions de repli successives. D’autres indices témoignent d’une attitude relativement ouverte dans le débat sur la monnaie unique. En mars 2013, alors que l’actualité est marquée par le blocus de Chypre par la Banque centrale européenne (BCE), les médias annoncent une prise de parole fracassante de J.-L. Mélenchon sur l’euro. Si l’exécutif du PG se contente en fait de rappeler la position décrite ci-dessus, c’est la première fois qu’elle est autant publicisée. Au mois d’août suivant, le secrétaire national à l’économie Guillaume Etiévant revient sur un débat tenu lors des Estivales du FG. Il explique que sans s’être rangé aux côtés de l’économiste Cédric Durand (partisan d’une sortie coordonnée de l’euro), il a exprimé une position distincte de celle de Denis Durand (un responsable communiste selon qui « les luttes et la négociation suffiraient à réformer la BCE sans besoin de rupture unilatérale ») ou de Pierre Khalfa (à qui il reproche de stigmatiser les partisans d’une sortie de l’euro). Il rappelle ainsi la « ligne générale [du PG] : désobéissance aux traités européens et refus de la sacralisation de la monnaie unique » (Etiévant, 2013).

Face aux nombreux arguments produits contre la monnaie unique et la croyance en la possibilité de la réorienter (Billaudot, 2011 ; Sapir, 2012), on pourrait se demander pourquoi l’hypothèse d’une sortie n’a pas davantage divisé ou séduit le PG. Il faut d’abord rappeler que la résolution de 2011, rédigée au moment où J.-L. Mélenchon cherche à clarifier son expression médiatique sur le sujet, est déjà le fruit d’un compromis entre composantes fondatrices du PG. Ce compromis permettait d’aller plus loin qu’une position de principe pour un « bon euro » pouvant être rendue caduque par les faits, mais aussi d’éviter un rejet de la monnaie unique en tant que telle. Cette dernière option se heurte d’un côté au risque de rupture avec le PCF et d’isolement au sein de la gauche

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• Fabien Escalona et Mathieu Vieira88

radicale européenne ; et d’un autre côté à l’attachement fondamental du parti à l’idée que « les peuples [de l’UE] peuvent avoir une ambition qui dépasse la constitution d’un simple espace de coopération interétatique » (PG, 2011b). Le PG considère que les arguments économiques en faveur d’une sortie ne contrebalancent pas les risques politiques d’une telle option, qui pourrait être détournée par les nationalistes et retarder la coopération nécessaire entre les nations européennes. Son originalité par rapport au PCF reste toutefois d’assumer le fait « qu’au bout [du] scénario du coup de force politique, si les autres pays le refusent, il y aura une sortie de l’euro » (Généreux, 2013).

Conclusion

La création du PG, auquel a abouti un processus de dé-fidélisation partisane au sein du PS, s’inscrit dans la dynamique européenne d’une famille de gauche radicale in statu nascendi. Tout comme leurs camarades allemands, les dissidents socialistes ont joué le rôle « d’amalgameur » idéologique et organisationnel des différentes composantes françaises de cette famille. Cette entreprise politique s’est appuyée sur une base commune préexistante à toutes ces forces : la résistance à l’UE. Celle-ci a été un catalyseur du rassemblement du FG, grâce aux interactions militantes qu’elle a suscitées, mais aussi une ressource stratégique pour se distinguer du PS et convaincre du bien-fondé d’une telle coalition partisane.

Néanmoins, cette référence aurait été insuffisante sans un travail idéologique plus profond, qui a consisté à intégrer des thématiques anti-productivistes et libertaires à un projet originel marqué par les références à la République sociale et au mouvement ouvrier historique. C’est d’ailleurs pourquoi la résistance à l’UE n’a aucunement le sens nationaliste au fondement d’autres oppositions à l’intégration européenne. La matrice républicaine que nous avons mise en évidence justifie la désobéissance aux traités, qui est elle-même intégrée à un projet fondamentalement internationaliste, dans lequel la question démocra-tique est inséparable de la question sociale et écologique. Le mot d’ordre de « révolution citoyenne » renvoie à l’horizon d’une « démocratie radicale »11, qui n’est défendu par aucune autre famille politique.

11 Celle-ci peut être décrite comme « l’extension de la révolution démocratique à un ensemble toujours plus vaste de rapports sociaux » (Mouffe, 1994, 28).

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Fabien Escalona

ATER en science politique à Sciences Po Grenoble, doctorant à l’Université Grenoble Alpes (Pacte-Po).

[email protected]

Mathieu Vieira

ATER en science politique à Sciences Po Lille, doctorant à Sciences Po Grenoble (Pacte-Po) et à l’Université Libre de Bruxelles (Centre d’étude de la vie politique, Cevipol).

[email protected]

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