etude architecturale de quatre pièces polyvalentes du quartier du théâtre à délos

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BULLETIN DE CORRESPONDANCE HELLÉNIQUE BCH 133 2009 1 Études É COLE FRANçAISE D' ATHÈNES

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DE BOCCARDÉdition - Diffusion

11, rue de Médicis - 75006 Pariswww. deboccard.com

Création graphique de la couverture

B U L L E T I N D E C O R R E S P O N D A N C E H E L L É N I Q U E

BCH133

2009

1 Études

ÉC O L E FR A N ç A I S ED 'AT H È N E S

É c o l e f r a n ç a i s e d ’ a t h è n e s

BCH1 3 32009

B U L L E T I ND E C O R R E S P O N D A N C E

H E L L É N I Q U E

É c o l e f r a n ç a i s e d ’ a t h è n e s

É c o l e f r a n ç a i s e d ’ a t h è n e s

BCH1 3 32009

B U L L E T I ND E C O R R E S P O N D A N C E

H E L L É N I Q U E

1 Études

É c o l e f r a n ç a i s e d ’ a t h è n e s

É c o l e f r a n ç a i s e d ’ a t h è n e s

Comité de rédaction : Dominique MULLIEz, directeurCatherine AUBERT, adjointe aux publications

COMITÉ DE LECTURE

Le comité de lecture de l’École française d’Athènes est composé de trois membres de droit et de sept membres désignés par le conseil scientifique sur proposition du directeur. Sa composition actuelle est la suivante (conseil scientifique de l’École française d’Athènes du 27 novembre 2007) :

Membresde droit

- le directeur de l’École française d’Athènes : Dominique MULLIEz

- le directeur des études : Arthur MULLER - le responsable des études sur la Grèce et les Balkans aux époques moderne et contemporaine :

Maria COUROUCLI

Membresdésignés

Sont membres désignés des personnalités scientifiques françaises ou étrangères (mais francophones), reconnues et de dimension internationale. Le choix en est fait de manière à assurer la meilleure représentation possible des champs disciplinaires concernés. Leur mandat coïncide avec la durée d’un contrat quadriennal.

- Olivier DESLONDES, Professeur des Universités, Université Lyon 2-Lumière- Emanuele GRECO, Directeur de l’École italienne d’Athènes- Jean GUILAINE, Professeur au Collège de France- Miltiade B. HATzOPOULOS, Directeur de recherche, Directeur du Centre de recherche sur

l’Antiquité gréco-romaine (Fondation nationale de la recherche [EIE] - Athènes)- Catherine MORGAN, Directrice de l’École britannique d’Athènes- Jean-Pierre SODINI, Professeur émérite de l’université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne- Georges TOLIAS, Directeur de recherche en histoire contemporaine, Institut de recherche néo-

hellénique (Fondation nationale de la recherche [EIE] - Athènes)Le comité de lecture fait appel en tant que de besoin à des experts extérieurs.

Révision des normes : EFA, Béatrice DETOURNAy

Traductions en grec : Pavlos KARvONIS

Traductions en anglais : Michael WEDDE

Réalisation en PAO : EFA, Guillaume FUCHS

Impression et reliure : n.v. PEETERS s.a.

© École française d’Athènes, 20116, rue Didotou GR - 10680 Athènes www.efa.gr

Dépositaire : De Boccard Édition-Diffusion 11, rue de Médicis F - 75006 Paris www. deboccard.com

ISBN 978-2-86958-237-8 ISSN 0007-4217Reproduction et traduction, même partielles, interdites sans l’autorisation de l’éditeur pour tous pays, y compris les États-Unis.

B U L L E T I ND E C O R R E S P O N D A N C E

H E L L É N I Q U E

133.1 2009

É c o l e f r a n ç a i s e d ’ a t h è n e s

AVIS AUX LECTEURS

Partageant une longue tradition, l’École française d’Athènes et la British School at Athens diffusent auprès de la communauté scientifique le résultat de l’activité archéologique conduite en Grèce et dans certaines régions du monde hellénique. Depuis 1920, l’École française d’Athènes consacre une partie du Bulletin de Correspondance hellénique à la chronique des travaux archéologiques réalisés en Grèce, à Chypre et, selon un rythme bisannuel, dans le Bosphore Cimmérien. De son côté, la British School at Athens compile un bilan annuel similaire, Archaeology in Greece, publié en association avec la Society for the Promotion of Hellenic Studies comme partie constitutive des Archaeological Reports depuis 1955.Chacune des deux institutions avait un double défi à relever : faire face à une documentation croissante, d’une part ; utiliser des outils plus performants pour mieux faire circuler l’information scientifique et en permettre une meilleure utilisation, d’autre part. — L’École britannique a accepté sans hésitation le projet d’un programme commun que lui a proposé l’École française d’Athènes et les deux institutions ont décidé d’unir leurs efforts, pour proposer depuis de la fin de l’année 2009 une Chronique des fouilles en ligne consultable sur http://chronique.efa.gr.Outre les articles relatifs à des opérations de terrain ou relevant de l’archéométrie, le second fascicule du BCH ne comprend donc plus désormais que les « Rapports sur les travaux de l’École française d’Athènes » proposés par les responsables de missions ou de programmes.

AVIS AUX AUTEURS

Depuis la parution du BCH 130 (2006), les tirages à part sont fournis aux auteurs sous format électronique et sont uniquement destinés à une utilisation privée. L’École française d’Athènes conserve le copyright sur les articles, qui ne peuvent donc être mis en accès libre sur quelque base de données ou par quelque portail que ce soit. — L’ensemble de la livraison sera disponible sur le portail Persée trois ans après sa parution (www.persee.fr).

SOMMAIRE DE LA LIvRAISON

Sabine FOURRIER

Le dépôt archaïque du rempart Nord d’Amathonte VII. Autres productions chypriotes et importations levantines .........................................................................................................................1-98

Marion MULLER-DUFEU, Eduard SHEHI

Skyphoi avec dédicaces peintes de l’Artémision d’Épidamne-Dyrrhachion ..................................................99-112

Erik HANSEN

Trois notes d’architecture delphique .......................................................................................................................................................................................113-152

Sylvain PERROT

Pommes agonistiques à Delphes :réflexions autour du cognassier sacré d'Apollon ..............................................................................................................................................153-168

Virginie MATHÉ

Un abaque à Delphes ........................................................................................................................................................................................................................................169-178

Claire HASENOHR, Brigitte SAGNIER

Un pilier monumental à Délos .......................................................................................................................................................................................................179-193

Pavlos KARvONIS, Jean-Jacques MALMARy

Étude architecturale de quatre pièces polyvalentesdu Quartier du théâtre à Délos .....................................................................................................................................................................................................195-226

Henryk MEyzA, Annette PEIGNARD-GIROS et Małgorzata DASzKIEWICz, Gerwulf SCHNEIDER

Analyses de tessons de « sigillées pergaméniennes » de Délos .....................................................................................................227-256

Julien FOURNIER

Un trésor de deniers républicains trouvé aux abords Sud de l’agora de Thasos.................................257-271

Patrice HAMON

Études d’épigraphie thasienne. II. Un poète thasien dans l’Anthologie grecque .......................273-286

Frank HILDEBRANDT, Rolf HURSCHMANN

Form und Bemalung. Arbeitsweisen unteritalischer Vasenmaler am Beispiel der Gefäße des Museums für Kunst und Gewerbe Hamburg ...............................................................287-344

Théodosia STÉFANIDOU-TIvÉRIOU

Les héros de Palatiano. Une nouvelle proposition de restitutionet d’interprétation du groupe statuaire ...............................................................................................................................................................................345-387

Yannis KALLIONTzIS

Décrets de proxénie et catalogues militaires de Chéronée trouvés lors des fouillesde la basilique paléochrétienne d’Haghia Paraskevi. Addendum .............................................................................389-390

Simone FOLLET, Dina PEPPAS DELMOUSOU

Inscriptions du Musée épigraphique d’Athènes (II) .................................................................................................................................391-470

Richard vEyMIERS

Les cultes isiaques à Amphipolis. Membra disjecta(iiie s. av. J.-C. – iiie s. apr. J.-C.) ............................................................................................................................................................................................471-520

BCH 132 (2008)

RÉSUMÉ Cet article comprend l’étude architecturale de quatre pièces à vocation commerciale, situées toutes dans le Quartier du théâtre à Délos. Ces pièces constituent des exemples caractéristiques d’une grande catégorie de locaux de commerce et leur bon état de conservation permet d’examiner une partie de leur équipement. Il s’agit notamment de la mezzanine et de la devanture, qui comprend souvent une large baie et une deuxième porte donnant accès à un escalier conduisant à l’étage. Ces éléments, qui se retrouvent dans d’autres pièces de ce type à Délos, constituent un des critères de leur identification et permettent de mieux comprendre leur mode de fonctionnement.

περιληψη Αρχιτεκτονική μελέτη τεσσάρων καταστημάτων της Συνοικίας του Θεάτρου στη Δήλο Τοάρθροαυτόπεριλαμβάνειτηναρχιτεκτονικήμελέτητεσσάρωνκαταστημάτων,ταοποία

βρίσκονταιστηΣυνοικίατουΘεάτρουστηΔήλο.Ταδωμάτιααυτάαποτελούνχαρακτηριστικάπαραδείγματαμιαςμεγάληςκατηγορίαςεμπορικώνχώρωνκαιηκαλήτουςδιατήρησηεπιτρέπειναεξετάσουμεέναμέροςτουεξοπλισμούτους.Πρόκειταιγιατοπατάρικαιγιατηνπρόσοψη,ηοποίαπεριλαμβάνεισυχνάέναμεγάλοάνοιγμακαιμιαδεύτερηθύρα,ηοποίαέδινεπρόσβασησεμιασκάλα,πουοδηγούσεστονόροφο.ΤαστοιχείααυτάαπαντούνκαισεάλλαδωμάτιααυτούτουείδουςστηΔήλο.Αποτελούνμάλιστακριτήριαταύτισηςτωνχώρωναυτώνκαιεπιτρέπουντηνκαλύτερηκατανόησητουτρόπουλειτουργίαςτους.

SUMMARy The architectural study of four multi-purpose rooms in the Quartier du Théâtre at Delos This article comprises the architectural study of four rooms of commercial purpose in the Quartier

du Théâtre at Delos. These rooms are characteristic examples of a large category of commercial establishments, and their good state of conservation permits examining part of their fittings. It is in particular a question of the mezzanine and of the shop-front, which often includes a large bay and a second door accessing a staircase leading to the upper storey. These elements are found in other rooms of this type at Delos, constituting one of the criteria for their identification, and enable a better understanding of their function.

Étude architecturale de quatre pièces polyvalentes du quartier du théâtre à Délos*

Pavlos KARvONIS, Jean-Jacques MALMARy

* Cette recherche a bénéficié d’un financement du programme ANR Entrepôts et lieux de stockage du monde gréco-romain antique. Pendant la préparation de cet article, nous avons bénéficié de l’aide de plusieurs personnes que nous souhaitons remercier : A. Badie, M. Fincker, J. Johnson, D. Leconte, J.-Ch. Moretti, A. Peignard, ainsi que le directeur de l’EFA, D. Mulliez, et les directrices des études M. Brunet et V. Chankowski. Origine de l’illustration : Tous les dessins ont été réalisés par J.-J. Malmary, à l’exception de celui de la figure 1, réalisé par J. Replat, repris par I. Athanassiadou et Ph. Fraisse et complété par V. Picard (GD, Dépliants I, III, IV, V, VII), et celui de la figure 24, réalisé par Convert (jARDÉ 1905, pl. V) et repris et complété par J.-J. Malmary. Le dessin de la figure 1 a été retravaillé par P. Karvonis. Les photos ont été prises par P. Karvonis, à l’exception de celle de la figure 2, prise par Chr. Gaston et J.-Ch. Moretti et retravaillée par P. Karvonis.

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Abréviations bibliographiques :

EAD VIII = j. CHAMONARD, Le Quartier du Théâtre (1922-1924).KARvONIS 2008 = P. KARvONIS, « Les installations commerciales dans la ville de Délos à l’époque hellénistique »,

BCH 132, p. 153-219.

ÉTUDE ARCHITECTURALE DE QUATRE PIèCES POLyvALENTES DU QUARTIER DU THÉâTRE à DÉLOS 197

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Dans le cadre de la préparation d’un article sur les installations commerciales de Délos 1, nous avons effectué une étude architecturale de quatre pièces polyvalentes, situées dans le Quartier du théâtre (fig. 1). On entend par pièces polyvalentes, des pièces à vocation essentiellement commerciale, qui pouvaient servir successivement à plusieurs fins. Ces pièces donnent sur des rues et occupent habituellement la façade d’un bâtiment.

La fonction exacte des pièces étudiées ici nous échappe, puisque J. Chamonard et A. Jardé, qui les ont dégagées 2, n’ont signalé aucune trouvaille permettant de la préciser. Ces pièces ont été choisies pour leur bon état de conservation, qui permet de repérer des aménagements représentatifs de différentes catégories de pièces polyvalentes déliennes. La pièce 6 de la Rue 4 représente ainsi les pièces polyvalentes les plus simples, du point de vue de leur équipement, avec des portes à deux battants. La pièce 30 de la Rue du théâtre est une des rares à avoir conservé sa hauteur totale et possédait une mezzanine. La pièce 47 de la Rue du théâtre avait une mezzanine et elle était munie d’une porte brisée et d’une grille en métal, ce qui est exceptionnel. La pièce 4 du Magasin β fait partie d’une catégorie de pièces polyvalentes comportant une porte d’accès à la pièce du rez-de-chaussée et une porte d’accès à l’étage. Elle est aussi représentative de la série de pièces polyvalentes appartenant aux édifices commerciaux de la partie basse du Quartier du théâtre.

1. KARvONIS 2008, p. 153-219.2. A. jARDÉ, « Fouilles de Délos. Le quartier marchand au Sud du sanctuaire », BCH 29 (1905), p. 6-21 ;

EAD VIII, p. v.

fig. 1. — Plan de situation des pièces étudiées (d’après GD).

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I. LA pIèCE 6 DE LA RUE 4

I. 1. Description De lA pIèCe DAns son étAt ACtuel

La pièce 6 se situe dans la partie Nord de l’insula VI du Quartier du théâtre (fig. 1, 2). À l’Ouest, à l’Est et au Sud, elle est bordée par les pièces i et h de la Maison VI M. Au Nord elle donne sur la Rue 4.

Elle est de plan carré et mesure 13,20 m2 environ (fig. 3). Les murs ont conservé une hauteur maximale de 3,37 m. L’épaisseur des murs est de 0,54 m. Le mur Ouest a disparu sur une longueur de 1,05 m à partir de l’angle Sud-Ouest de la pièce.

Le sol de la pièce est aujourd’hui recouvert d’un béton moderne. Les murs sont construits en blocs et en moellons de gneiss, suivant le système de construction courant dans la Délos hellénistique (fig. 4) 3. Le parement intérieur des murs est construit avec des moellons plus petits. Sur la partie basse du parement extérieur des murs subsistent encore des traces d’enduit hydraulique, dans lequel étaient insérés des fragments d’amphores. La partie haute des murs, ainsi que l’intérieur ne conservent aucune trace d’enduit.

3. EAD VIII, p. 237-242.

fig. 2. — Vue aérienne avec les pièces 6 de la Rue 4 et 30 et 47 de la Rue du théâtre (cl. Chr. Gaston et J.-Ch. Moretti).

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fig. 3. — Plan de la pièce 6 de la Rue 4 et élévation de la façade (1/100) (relevé, dessin J.-J. Malmary).fig. 4. — Pièce 6 de la Rue 4 (cl. P. Karvonis).

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Deux portes sont percées dans le mur Nord de la pièce. L’embrasure de la porte Est mesure 0,97 m. Le seuil est taillé dans un bloc de marbre blanc long de 1,08 m, profond de 0,338 à 0,43 m et haut de 0,168 m. Deux trous de crapaudine de forme circulaire et un trou de gâche rectangulaire sont creusés dans la feuillure intérieure. Les trous de crapaudine sont situés aux extrémités Est et Ouest de la feuillure intérieure. Le pas et la feuillure intérieure sont piquetés. La partie médiane du pas est usée par le passage. Une trace semi-circulaire, due au frottement d’un vantail en bois, est visible à 0,408 m à l’Est du trou de crapaudine Ouest. Les deux trous de crapaudine sont usés par la rotation d’un élément métallique.

L’embrasure de la porte Ouest mesure 0,974 m. Le seuil est taillé dans un bloc de marbre saumon. Il mesure 1,27 m en longueur, 0,623 m en profondeur et 0,095 m en hauteur. Il y a deux trous de crapaudine de forme circulaire et un trou de gâche rectangulaire dans la feuillure intérieure. Les deux trous de crapaudine sont situés aux extrémités Est et Ouest de la feuillure intérieure. Le pas et la feuillure sont piquetés. Les trous de crapaudine ont été creusés par le frottement d’un pivot métallique. Le trou Ouest a été usé au point où le marbre a été percé. Le seuil Ouest est cassé entre le trou de gâche et le trou de crapaudine Ouest.

I. 2. proposItIon De restItutIon De lA pIèCe

Les éléments dont on dispose permettent de proposer une restitution de la pièce. Le sol actuel de la pièce en béton moderne laisse supposer un sol d’origine en terre battue. Nous n’avons pas d’indices pour restituer la hauteur sous plafond de la pièce, mais la découverte de nombreux blocs de pôros portant un enduit peint atteste l’existence d’un étage 4. Pour les murs extérieurs, on peut restituer une couche d’enduit hydraulique recouverte d’une couche de stuc blanc, suivant les principes de construction à Délos 5. Les murs intérieurs de la pièce pouvaient porter un enduit blanc uni, qui constitue le revêtement mural le plus simple 6.

L’existence de deux portes ouvrant vers la même rue est inhabituelle 7 et ne s’explique pas bien si l’on admet que les deux portes donnaient accès à la pièce polyvalente. On peut supposer que la pièce était divisée en deux parties par une cloison légère qui n’aurait pas laissé de traces. La pièce pouvait être divisée en deux parties égales, qui fonctionnaient comme deux pièces polyvalentes indépendantes. Cette configuration se retrouve dans les pièces 12 et 14 de la Rue 4, où une cloison en pôros divise l’espace en deux pièces.

4. Ibid., p. 62.5. Ibid., p. 87.6. Ibid., p. 359.7. Voir KARvONIS 2008, p. 185.

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L’emplacement des deux seuils contre les murs de la pièce conduit à une autre solution : on peut supposer qu’il existait, du côté Est ou du côté Ouest, une cage d’escalier, qui donnait accès à l’étage situé au-dessus de la pièce (fig. 5, 6). L’escalier se trouverait ainsi à l’emplacement habituel, contre le mur. Pour la restitution, nous avons choisi de représenter la cage d’escalier du côté Est de la pièce, mais rien n’interdit de penser qu’elle se trouvait du côté Ouest.

L’étude des seuils permet de restituer le fonctionnement des portes. Nous n’avons pas d’éléments sur le type de la porte mais il était probablement dorique, puisque c’est le type de porte que nous retrouvons le plus souvent dans les pièces polyvalentes. Nous restituons, pour les deux portes, des piédroits et des linteaux en marbre (fig. 5). La hauteur des deux portes n’est pas connue. Nous la restituons à 2,60 m sur le dessin, hauteur de la porte Nord-Ouest de la pièce 34 de la Rue du théâtre, dont un des piédroits, encore en place, a conservé sa hauteur d’origine.

La présence d’un seul trou de gâche indique que les portes de la pièce 6 étaient à deux vantaux de taille égale 8. L’usure des trous de crapaudine indique que le pivot de la porte

8. Ibid., fig. 12.

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fig. 5. — Plan restitué et restitution de la façade de la pièce 6 de la Rue 4 (1/100) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

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était garni d’un tourillon en métal qui tournait directement dans le marbre. Le pivot pouvait être retenu sur la partie arrière du linteau au moyen d’un anneau métallique 9. Cette partie arrière du linteau devait être en bois. En effet, l’observation de quelques linteaux en place montre que la partie avant était en pierre, alors que la partie arrière manque et devait être en bois 10. Un autre argument en faveur de cette hypothèse est qu’aucun des linteaux que nous avons pu observer à Délos ne porte de traces d’un système de fixation et de fermeture de la partie haute de la porte.

L’aspect des portes n’est pas connu, puisqu’elles étaient en bois. La restitution proposée ici est fondée sur les représentations de portes sur des vases grecs d’époque classique. Les clous décoratifs et les serrures représentés sont des reproductions des éléments découverts

9. N. HADDAD, Θύρες και παράθυρα στην ελληνιστική και ρωμαϊκή αρχιτεκτονική του ελλαδικού χώρου, Thèse, université de Thessalonique (1995), p. 192-193.

10. C’est le cas dans l’Hôtellerie, la Maison VI A, la Maison VI J, la Maison Sud à l’Ouest de l’Aphrodision et dans une pièce de l’Îlot XIV, qui donne sur l’Agora des Compétaliastes : EAD VIII, p. 272.

fig. 6. — Axonométrie restituée de la pièce 6 de la Rue 4 (1/150) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

ÉTUDE ARCHITECTURALE DE QUATRE PIèCES POLyvALENTES DU QUARTIER DU THÉâTRE à DÉLOS 203

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à Délos 11. L’usure des trous de crapaudine Ouest est dans les deux cas plus importante que l’usure du trou de crapaudine Est, ce qui signifie que c’était le vantail Ouest que l’on ouvrait le plus souvent. La trace semi-circulaire observée sur la feuillure intérieure du seuil Est, ainsi que son usure confirment l’impression donnée par l’observation de l’usure des trous de crapaudine.

II. LA pIèCE 30 DE LA RUE DU ThÉÂTRE

II. 1. DesCrIptIon De lA pIèCe DAns son étAt ACtuel

La pièce 30 est située dans la partie Sud-Ouest de l’insula VIII du Quartier du théâtre (fig. 1, 2). Au Nord-Ouest, elle est bordée par la pièce 32. Au Nord-Est, elle est délimitée par des constructions qui n’ont pas été fouillées. Au Sud-Est, elle est bordée par une ruelle donnant accès à une maison incomplètement dégagée. Au Sud-Ouest, elle donne sur la Rue du théâtre.

Elle est de plan rectangulaire et mesure 16,63 m2 (fig. 7). Les murs ont conservé une hauteur maximale de 3,85 m. L’épaisseur des murs est de 0,61 m.

11. EAD VIII, p. 230-231, 286 ; Ph. BRUNEAU, Cl. vATIN, U. BEzERRA DE MENESES et al., L’îlot de la Maison des comédiens, EAD XXVII (1970), p. 225 ; G. SIEBERT, « Mobilier délien en bronze », dans Études déliennes, BCH Suppl. I (1973), p. 570.

fig. 7. — Plan de la pièce 30 de la Rue du théâtre (rez-de-chaussée) (1/100) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

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Le sol de la pièce est recouvert aujourd’hui d’un béton moderne. Le parement extérieur des murs est construit en blocs et en moellons de gneiss de hauteur égale (fig. 8). Le parement intérieur est fait de blocs et de moellons de gneiss de hauteur variée. Les murs intérieurs portent des traces d’enduit blanc uni dans lequel sont noyés des fragments d’amphores. Une conduite de descente d’eau est aménagée dans l’épaisseur du mur Sud-Est de la pièce. Des traces d’enduit hydraulique sont conservées à l’intérieur de la descente d’eau et de part et d’autre de sa cavité de logement, sur le mur de la pièce. Un escalier en gneiss est appuyé contre le mur Nord-Est. Il est composé de sept marches et aboutit à un palier. La dénivellation entre le palier et la ruelle est d’un peu moins de 2 m.

Les murs Nord-Ouest et Sud-Est portent chacun trois encastrements, situés à une hauteur approximative de 1,80 m du sol actuel de la pièce (fig. 9, 10). Leurs dimensions varient considérablement. Les encastrements du mur Nord-Ouest sont rectangulaires, alors que ceux du mur Sud-Est sont carrés. Ces encastrements étaient destinés à recevoir des poutres qui supportaient le plancher d’une mezzanine. Les pierres formant les parois de ces trous ont parfois été retaillées pour permettre la pose des poutres. Les trous sont irréguliers et de dimensions variables, ils sont placés à des hauteurs différentes et les trous qui se font face ne correspondent pas exactement les uns aux autres. Ces observations conduisent

fig. 8. — Pièce 30 de la Rue du théâtre (cl. P. Karvonis).

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à la conclusion que la mezzanine n’appartient pas au premier état de la pièce 12. Le plan rectangulaire des trous du mur Nord-Ouest est peut-être dû à la nécessité de manipuler les poutres lors de leur mise en place.

12. Nous remercions J.-Ch. Moretti d’avoir attiré notre attention sur le fait que la mezzanine appartient à un second état de la pièce.

fig. 9. — Plan de la pièce 30 de la Rue du théâtre (mezzanine) (1/100) (relevé, dessin J.-J. Malmary).fig. 10. — Coupe du mur Sud-Est de la pièce 30 de la Rue du théâtre (1/100) (relevé, dessin

J.-J. Malmary).

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Le mur Sud-Est porte, à une hauteur de 3,25 m du sol actuel de la pièce, cinq trous carrés de dimensions assez proches (fig. 10). Ces trous sont soigneusement aménagés : leurs parois sont droites, le haut et le bas étant formés par des moellons plats et longs. L’intérieur d’un de ces trous porte encore des restes d’enduit blanc. Ces trous étaient destinés à recevoir les poutres qui supportaient le couvrement de la pièce.

L’accès à la pièce 30 se faisait par la Rue du théâtre. La baie, dont le seuil a disparu, est large de 2,90 m. Cette baie a peut-être été élargie après la construction initiale de la pièce ; c’est ce que semblent indiquer les pierres coupées du tableau Nord de la porte 13.

II. 2. proposItIon De restItutIon De lA pIèCe

Le sol de la pièce 30 était probablement en terre battue. Nous l’avons restitué au niveau de la feuillure intérieure du seuil (fig. 11). La hauteur sous plafond de la pièce est ainsi évaluée à 3,20 m.

L’escalier situé contre le mur Nord-Est et la descente d’eau dans le mur Sud-Est de la pièce, qui monte plus haut que les trous d’encastrement des poutres supportant le couvrement, indiquent qu’il y avait probablement un étage au-dessus de la pièce 30. Le grand nombre d’éléments de fenêtres, provenant d’un étage, dans les pièces voisines 32 et 34 de la Rue du théâtre, pourraient constituer un indice supplémentaire pour la présence d’un étage.

Les murs extérieurs pouvaient porter un enduit blanc, qui devait recouvrir l’enduit hydraulique (fig. 12). De part et d’autre de la descente d’eau se trouvaient des cavités, qui

13. Cette observation est due à J.-Ch. Moretti.

fig. 11. — Coupe restituée du mur Sud-Est de la pièce 30 de la Rue du théâtre (1/100) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

ÉTUDE ARCHITECTURALE DE QUATRE PIèCES POLyvALENTES DU QUARTIER DU THÉâTRE à DÉLOS 207

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servaient au logement des chevilles en bois. Ceci signifie que la descente d’eau était tapissée d’une feuille de plomb, fixée sur les chevilles en bois au moyen de clous 14. L’existence d’une mezzanine est assurée par les trous d’encastrement des poutres. Nous avons restitué un plancher en bois, posé sur des voliges (fig. 12, 13). La restitution des voliges est hypothétique, mais leur existence faciliterait la pose du plancher et rendrait la construction plus solide. L’accès à la mezzanine devait se faire par une échelle. Étant donné l’étroitesse de la pièce, on restitue une échelle mobile. La mezzanine occupe ainsi un espace d’environ 8,60 m2, ce qui augmente la superficie de la pièce de 50 %. La hauteur sous la mezzanine est de 1,60 m, tandis que la hauteur de la mezzanine est de 1,17 m.

Les traces d’encastrement de poutres dans le mur Sud-Est de la pièce permettent de restituer le couvrement, qui constitue en même temps le sol de la pièce située à l’étage (fig. 12). Nous avons restitué une sixième poutre, même si le mur ne conserve pas de traces d’encastrements dans son état actuel. Cette restitution est fondée sur l’existence d’une poutre contre le mur Nord-Est de la pièce. De plus, en restituant cette poutre, les entraxes des poutres sont réguliers alors que, sans la poutre contre le mur Sud-Ouest, on

14. EAD VIII, p. 356.

fig. 12. — Axonométrie restituée de la pièce 30 de la Rue du théâtre (1/150) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

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aurait un dernier entraxe plus long que les autres. Les poutres devaient porter des dalles de gneiss, sur lesquelles était posée une mosaïque, selon le système le plus fréquent à Délos 15.

La disparition du seuil ne permet pas de restituer avec certitude la porte de la pièce ; seule la profondeur des piédroits est assurée par la présence de l’enduit sur le tableau. La comparaison avec d’autres baies de pièces polyvalentes laisse supposer une porte dorique. Dans notre restitution, nous avons opté pour une porte brisée, dont les deux vantaux sont chacun formés de deux parties qui se replient l’une sur l’autre (fig. 12), selon le système le plus courant à Délos. La comparaison avec les autres pièces polyvalentes de cette partie de la Rue du théâtre nous amène à restituer un seuil en marbre. Les piédroits et le linteau pouvaient être en marbre ou en bois recouvert de stuc, mais c’est la première solution qui est représentée dans notre restitution. L’aspect de la porte et les éléments métalliques lui appartenant ont été restitués suivant les principes que nous avons exposés plus haut 16.

15. Ibid., p. 196, 397 ; Ph. BRUNEAU, Les mosaïques, EAD XXIX (1973), p. 20-21.16. Voir ci-dessus, p. 201-202.

fig. 13. — Plan restitué de la pièce 30 de la Rue du théâtre (mezzanine) (1/100) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

ÉTUDE ARCHITECTURALE DE QUATRE PIèCES POLyvALENTES DU QUARTIER DU THÉâTRE à DÉLOS 209

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III. LA pIèCE 47 DE LA RUE DU ThÉÂTRE

III. 1. DesCrIptIon De lA pIèCe DAns son étAt ACtuel

La pièce 47 est située dans la partie Nord-Est de l’insula III du Quartier du théâtre (fig. 1, 2). Au Sud-Ouest, elle est bordée par les pièces 43 et 45 de la Rue du théâtre. Au Sud-Est, elle est bordée par la pièce e de la Maison III T. Au Nord-Ouest, elle est bordée par la pièce 49 de la Rue du théâtre. Au Nord-Est, elle donne sur la Rue du théâtre.

Elle est de plan rectangulaire et mesure 31 m2 (fig. 14). Les murs sont conservés à une hauteur maximale de 4,10 m. L’épaisseur des murs est d’environ 0,60 m.

Le sol de la pièce est aujourd’hui recouvert d’un béton moderne (fig. 15). Le parement extérieur des murs est construit en gros blocs de gneiss qui forment des assises régulières et sont presque de la même hauteur. Le parement intérieur est fait en blocs et en moellons de gneiss avec quelques-uns de marbre, de hauteur inégale. Le mur Nord-Ouest conserve des traces d’enduit blanc. Le mur Sud-Est est remonté à partir de 3,51 m du fond de la pièce. Une baie est percée dans le mur Nord-Ouest, à une hauteur de 0,78 m du sol actuel de

fig. 14. — Plan de la pièce 47 de la Rue du théâtre (rez-de-chaussée) (1/100) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

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la pièce (fig. 16). Elle est longue de 2,25 m. Sa hauteur totale n’est pas connue, mais elle arrive au moins à 3,50 m du sol actuel de la pièce. Cette baie mettait en communication la pièce 47 avec la pièce 49 de la Rue du théâtre, qui appartient au même programme d’aménagement 17.

Le mur Nord-Ouest porte quatre trous à une hauteur de 2,55 m du sol actuel (fig. 16, 17). Le premier trou se trouve à 3,31 m du fond de la pièce. À ces quatre trous correspondent trois autres, percés dans le mur Sud-Est, à une hauteur de 2,50 m du sol actuel. Le premier trou actuellement visible se trouve à 2,34 m du fond de la pièce. Un quatrième trou devait se trouver dans la partie du mur aujourd’hui remontée. Ces trous servaient au logement des têtes de poutres qui supportaient le plancher de la mezzanine. Leur exécution montre que la mezzanine faisait partie de la construction initiale de la pièce.

17. Voir KARvONIS 2008, p. 212, 215.

fig. 15. — Pièce 47 de la Rue du théâtre (cl. P. Karvonis).

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fig. 16. — Coupe du mur Nord-Ouest de la pièce 47 de la Rue du théâtre (1/100) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

fig. 17. — Plan de la pièce 47 de la Rue du théâtre (mezzanine) (1/100) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

16

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L’entrée de la pièce se trouvait du côté de la Rue du théâtre. La baie, large de 3,14 m, est munie d’un seuil en marbre blanc, composé de deux blocs (fig. 18, 19). La longueur totale du seuil est de 3,31 m, sa profondeur varie entre 0,67 et 0,74 m et sa hauteur entre 0,28 et 0,30 m. La surface du seuil est piquetée, alors que sa face antérieure est travaillée à la gradine. Le pas porte trois trous de gâche rectangulaires. De part et d’autre du trou de gâche médian, et surtout du côté Nord, le piquetage a été usé par le frottement des pieds. La feuillure intérieure porte deux trous de crapaudine carrés à ses extrémités et deux trous de gâche carrés, situés l’un à peu près au milieu et l’autre, sur la partie Nord du seuil. Tous ces trous sont de plan carré. Le marbre est usé par le frottement des pieds immédiatement au Sud du trou de gâche situé au milieu de la feuillure intérieure.

Deux bases de piédroits rectangulaires, taillées dans un bloc de marbre blanc, se trouvent aux extrémités de la baie. Elles sont en partie engagées sous les murs de façade de la pièce. La longueur de la base de piédroit Sud est d’environ 0,523 m et sa hauteur d’environ 0,285 m. Sa profondeur est de 0,38 m. La longueur de la base du piédroit Nord atteint 0,58 m. Sa hauteur est de 0,281 m à sa partie Sud et de 0,289 m à sa partie Nord. Sa profondeur est de 0,38. La base du piédroit Sud est cassée à plusieurs endroits. La largeur de l’ouverture entre les bases des piédroits est de 2,51 m.

fig. 18. — Seuil de la pièce 47 de la Rue du théâtre (cl. P. Karvonis).

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III. 2. proposItIon De restItutIon De lA pIèCe

La présence du sol moderne en béton indique que le sol était probablement en terre battue. Les fondations du mur Sud-Ouest sont visibles à une hauteur de 0,30 m du sol actuel en béton. Si les fondations n’étaient pas apparentes, le niveau du sol antique devait se situer à environ 0,30 m au-dessus du sol en béton. La feuillure intérieure du seuil se trouve à 0,274 m au-dessus du sol en béton, ce qui signifie que le sol en terre battue ne pouvait pas dépasser ce niveau. Nous avons choisi de restituer le sol antique de la pièce à la hauteur de la feuillure intérieure du seuil, solution qui présente l’avantage de masquer en grande partie les fondations des murs (fig. 20).

La hauteur de la pièce n’est pas connue, mais elle dépassait certainement les 4 m, puisque le mur Nord-Ouest s’élève actuellement à cette hauteur, sans que les trous d’encastrement des poutres du plancher soient visibles. L’existence d’un étage n’est pas assurée, mais elle est possible dans cette partie du Quartier du théâtre, où les nombreux escaliers indiquent que plusieurs édifices avaient un étage.

fig. 19. — Plan, élévation et coupes du seuil de la pièce 47 de la Rue du théâtre (1/40) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

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Les restes d’enduit blanc sur le mur intérieur Nord-Ouest permettent de restituer un revêtement blanc uni sur tous les murs de la pièce. Les murs extérieurs pouvaient également être revêtus d’un enduit blanc. La présence d’une mezzanine est assurée par les trous de logement des poutres dans les murs Nord-Ouest et Sud-Est. Comme dans le cas de la mezzanine de la pièce 30 de la Rue du théâtre, nous avons restitué des voliges, sur lesquels étaient posées les planches de la mezzanine (fig. 21). Nous avons restitué une échelle de meunier pour accéder à la mezzanine. La présence de la baie dans le mur Nord-Ouest nous amène à la placer contre le mur Sud-Est. La pente de l’échelle est de 50 %, ce qui correspond à la pente des escaliers en bois, qui ont laissé leurs traces dans les revêtements muraux des maisons déliennes 18. Nous avons également restitué une dalle en pierre au sol de la pièce, servant de fondation à l’échelle. Comme le sol de la pièce n’est pas conservé, aucune trace d’un tel élément ne subsiste, mais ce système est attesté à Délos pour le bâtiment de scène du théâtre 19 et pour l’entrée de la maison II B du Quartier du théâtre. Il n’est donc pas exclu qu’on l’ait utilisé ailleurs. La superficie de la mezzanine est d’un peu moins de 12 m2. La hauteur sous la mezzanine est de 2,24 m. La hauteur de la mezzanine n’est pas connue, mais elle était supérieure à 1,25 m, puisque les murs de la pièce ne sont pas conservés à leur hauteur initiale.

La conservation du seuil et des bases de piédroits permet de restituer le système de fermeture de la pièce. L’utilisation du marbre pour le seuil et les bases de piédroits pourrait indiquer un encadrement de la baie de la pièce entièrement en marbre 20. La moulure

18. EAD VIII, p. 308.19. Ph. FRAISSE, j.-Ch. MORETTI, Le Théâtre, EAD XLII (2007), p. 44-45.20. KARvONIS 2008, p. 188, fig. 13.

fig. 20. — Coupe restituée du mur Nord-Ouest de la pièce 47 de la Rue du théâtre (1/100) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

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observée sur les bases permet de restituer une porte dorique (fig. 22). La hauteur de la porte est restituée à 2,64 m, suivant l’exemple de la pièce 34 de la Rue du théâtre. Le linteau pouvait être à double cours, avec un élément en marbre et un autre en bois. La porte était fixée en haut sur la partie en bois.

La présence de deux trous de crapaudine et de deux trous de gâche dans la feuillure intérieure permet de restituer une porte brisée à deux vantaux (fig. 23), dont celui du Sud occupe la moitié de l’ouverture et mesure 1,40 m. La partie Nord de l’ouverture est fermée par un vantail divisé en deux parties de taille inégale : la partie médiane mesure 0,71 m, alors que la partie Nord mesure 0,69 m. Les crapaudines ne subsistent pas, mais les traces observées sur le seuil indiquent qu’elles appartenaient à un type dont on connaît

fig. 21. — Axonométrie restituée de la pièce 47 de la Rue du théâtre (1/150) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

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d’autres exemples à Délos 21 : un élément métallique carré était scellé au plomb dans le marbre. La forme et la régularité des trous de gâche, ainsi que les traces d’oxydation de métal que l’on y observe, montrent qu’ils étaient garnis d’un élément métallique, dans lequel on faisait rentrer les gâches.

L’aspect de la porte n’est pas connu, mais l’utilisation de marbre pour l’encadrement de la baie et la présence d’une grille en métal permettent de restituer une porte très soignée,

21. EAD VIII, p. 285 ; Chr. LLINAS, « Inter duas januas à la Maison du lac », dans Études déliennes, BCH Suppl. I (1973), p. 311-313, 325-327.

fig. 22. — Axonométrie restituée de la porte de la pièce 47 de la Rue du théâtre (1/75) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

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qui contribuait aussi à l’apparence luxueuse recherchée par la devanture de la pièce 22. La restitution proposée est fondée sur les principes que nous avons exposés plus haut 23.

Nous avons interprété les trous de gâche dans le pas comme appartenant à une grille en métal. Des traces qui pouvaient appartenir à des grilles ont été retrouvées à d’autres endroits à Délos, comme à l’Agora des Italiens 24, à la pièce 34 de la Rue du théâtre ou à la Maison III S du Quartier du théâtre. Toutes ces grilles semblent avoir occupé toute la hauteur de la baie ; elles reposaient sur le seuil et elles étaient fixées aux piédroits.

La différence entre les systèmes présentés ci-dessus et celui de la pièce 47 réside dans le fait que ce dernier est dépourvu de trous de crapaudine, ce qui indique que la grille était fixée uniquement aux piédroits. Ce système de fixation d’une grille est moins fréquent, mais on le retrouve aux portes des pièces 43 et 49 de la Rue du théâtre, à une pièce située immédiatement à l’Est de la place du Monument du Tritopatôr et aux portes des parodos du théâtre 25. La grille ainsi restituée se présente comme une porte. Ceci est confirmé par l’usure du pas de part et d’autre du trou de gâche médian, qui montre que le passage était fréquent à cet endroit. La présence de trois trous de gâche permet de restituer une porte brisée à deux vantaux de tailles inégales. Les deux vantaux se divisaient aussi en deux parties, de tailles inégales. Le vantail Nord mesure 1,45 m et se divise en une partie de 0,32 m et une de 1,13 m. Le vantail Sud mesure 1,06 m et se divise en une partie de 0,25 m et une de 0,81 m. La présence des deux petites parties à l’extrémité de chaque

22. KARvONIS 2008, p. 191-192.23. Voir ci-dessus, p. 213.24. É. LAPALUS, L'Agora des Italiens, EAD XIX (1939), p. 52-54.25. Ph. FRAISSE, j.-Ch. MORETTI (supra, n. 19), p. 70-71.

fig. 23. — Seuil de la pièce 47 de la Rue du théâtre – restitution (1/25) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

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vantail permettait l’ouverture complète de la grille : leurs dimensions ont été calculées pour dépasser les piédroits et permettre aux deux grands vantaux médians de se replier vers les murs latéraux de la pièce. Les mesures effectuées aux seuils des pièces 43 et 49 de la Rue du théâtre ont montré que les parties extrêmes des vantaux des grilles dépassent toujours légèrement les piédroits quand ils s’ouvrent.

L’ouverture de la porte aussi bien vers l’intérieur que vers l’extérieur s’impose pour des raisons pratiques : l’accès à la porte en bois ne peut se faire que si la grille métallique s’ouvre vers la rue et les dimensions de deux vantaux de la grille sont telles que son ouverture du côté de la rue gênerait le passage et bloquerait les ouvertures des pièces voisines.

La restitution de la densité du maillage et de l’épaisseur des barres de la grille en métal est fondée sur l’observation de la fenêtre de la pièce b de la Maison du trident.

J. Chamonard proposait une interprétation différente, puisqu’il y voyait une barrière légère mobile 26. La disparition des piédroits ne permet pas de choisir définitivement l’une des deux hypothèses. Nous avons cependant préféré restituer une grille en métal qui occupe toute la hauteur de la baie, parce que les exemples que nous avons repérés correspondent tous à des grilles fixées sur les piédroits.

IV. LA pIèCE 4 DU MAgASIN b

IV. 1. DesCrIptIon De lA pIèCe DAns son étAt ACtuel

La pièce 4 est située à l’extrémité Sud de la façade du Magasin β, qui occupe la moitié Nord de l’îlot XI du Quartier du théâtre (fig. 1, 24). Du côté Nord, elle est bordée par la pièce 3 de ce même édifice. Du côté Est, elle est limitée par la pièce 10 du Magasin β, alors que sur le côté Sud se trouve la pièce 1 du Magasin γ. Le côté Ouest donne sur la Rue du front de mer. La pièce 4 est de plan rectangulaire et mesure 37 m². Les murs ont conservé une hauteur maximale de 1,66 m. L’épaisseur des murs est de 0,64 m.

Le sol de la pièce est aujourd’hui recouvert d’un béton moderne. Les murs sont construits essentiellement en gneiss, le granit étant employé pour les têtes des murs Nord et Sud de la façade. Aucune trace d’enduit ne subsiste sur les murs. Deux murs, épais de 0,80 m, formaient une pièce de 12,30 m² à l’angle Sud-Est de la pièce 4. Ils ont conservé une hauteur maximale de 1,66 m. Les murs de cette pièce sont construits en gneiss et ne sont pas liaisonnés avec les murs de la pièce 4. Il ne subsiste pas d’enduit. La petite pièce n’a pas de porte. Une niche est conservée à son angle Nord-Est. Elle est longue de 0,63 m, profonde de 0,55 m et sa hauteur conservée est de 0,37 m. La pièce est peut-être postérieure à la première utilisation de la pièce 4.

26. J. CHAMONARD, « Fouilles de Délos. Fouilles dans le Quartier du théâtre », BCH 30 (1906), 1906, p. 598 ; EAD VIII, p. 266.

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On accédait à la pièce 4 par la Rue du front de mer. L’entrée occupe presque toute la façade et elle est double : une baie donnait accès à la pièce 4 et une porte plus étroite, située immédiatement au Sud de la précédente, conduisait à l’étage, selon un système assez fréquent à Délos (fig. 25, 26) 27. Les seuils, en marbre blanc, sont encore en place. Ils sont taillés dans quatre blocs, d’une longueur totale de 4,684 m. Leurs fondations sont aujourd’hui visibles et elles sont composées de moellons de gneiss.

Le seuil de la baie de la pièce 4 est composé de trois blocs et sa longueur totale est de 3,441 m. La profondeur du seuil est de 0,906 m ; sa hauteur de 0,304 m. Deux trous de crapaudine carrés et trois trous de gâche rectangulaires sont creusés dans la feuillure intérieure. Les trous de crapaudines sont situés aux deux extrémités de la feuillure intérieure. Le trou de gâche médian est plus éloigné de la butée que les trous de gâche latéraux.

27. KARvONIS 2008, p. 185.

fig. 24. — Plan de la pièce 4 du Magasin β (1/100) (d’après jARDÉ 1905).

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fig. 25. — Seuils de la pièce 4 du Magasin β (cl. P. Karvonis).fig. 26. — Plan, élévation et coupes des seuils de la pièce 4 du Magasin β (1/40) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

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ÉTUDE ARCHITECTURALE DE QUATRE PIèCES POLyvALENTES DU QUARTIER DU THÉâTRE à DÉLOS 221

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Le pas porte trois trous de crapaudine, quatre trous de gâche, tous de forme rectangulaire, ainsi qu’un trou circulaire. Les trous de crapaudine creusés dans la feuillure intérieure et ceux qui sont creusés dans le pas se font face. Dans le trou de crapaudine Sud creusé dans le pas, on voit encore des restes du plomb qui scellait la crapaudine. Le troisième trou de crapaudine se trouve au Sud de ce dernier. Trois trous de gâche sont situés face aux trous de gâche creusés dans la feuillure intérieure. Le quatrième trou de gâche est creusé à l’extrémité Sud du troisième trou de gâche. Un trou circulaire se situe à l’angle Sud-Est du trou de gâche médian. Une légère rainure est visible depuis l’angle Sud-Est du premier trou de gâche jusqu’à l’angle Nord-Est du troisième trou de gâche. La partie du pas qui se trouve à l’Ouest de la rainure, se trouve 2 mm plus bas que la partie du pas qui se situe à l’Est de la rainure. La face antérieure, le pas et la feuillure intérieure du seuil sont piquetés. La moitié Sud de la face antérieure du troisième bloc du seuil est plus grossièrement travaillée que la moitié Nord et les deux autres blocs. Le seuil présente quelques cassures, surtout aux angles des blocs. Le pas est usé par le passage entre le premier et le troisième trou de gâche. La feuillure intérieure est aussi usée dans sa partie centrale. Le piquetage a presque disparu à ces endroits.

La base du piédroit Nord, en marbre blanc, est restée en place. Elle a un plan en Γ. En partie engagée sous le mur de façade de l’édifice, elle mesure 0,546 x 0,714 m et elle est haute de 0,205 m. Son lit d’attente est divisé en deux parties dans le sens Est-Ouest. La partie Nord est plus grossièrement travaillée que la partie Sud. La branche Sud du piédroit est cassée. Son angle Sud-Est manque aussi et la face de parement Ouest a été recollée. Sur cette face, on observe des traces circulaires, dues au frottement d’un élément métallique. La base du piédroit Sud n’est pas conservée en place. Au lit d’attente du bloc du seuil, il reposait sur une surface piquetée de 0,79 x 0,467 m, haute de 0,02 m.

Le seuil de la porte conduisant à l’étage est taillé en un seul bloc. Il est long de 1,234 m, profond de 0,909 m et haut de 0,291 m. Le pas est profond de 0,557 m et la feuillure intérieure est profonde de 0,351 m. La hauteur de la butée est de 0,038 m. La feuillure intérieure porte deux trous de crapaudine carrés et un trou de gâche rectangulaire. Les trous de crapaudine sont situés près des extrémités du seuil. Le trou de gâche se trouve plus près du trou de crapaudine Nord. Il est composé de deux cavités carrées.

La base du piédroit Sud est conservée. Il s’agit d’un autre bloc en marbre blanc, en Γ, en partie engagé sous le mur de façade du bâtiment. Ses dimensions maximales sont 0,655 sur 0,421 m. Sa hauteur est de 0,169 m.

La feuillure intérieure porte des traces d’usure circulaires concentriques, qui sont visibles immédiatement au Sud du trou de gâche, au Nord et au Nord-Est du trou de crapaudine Sud et entre ces deux endroits.

222 Pavlos KARvONIS, Jean-Jacques MALMARy

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IV. 2. proposItIon De restItutIon De lA pIèCe

Le sol de la pièce 4 devait être en terre battue, puisqu’il est aujourd’hui recouvert d’un béton moderne. Nous l’avons restitué au niveau de la feuillure intérieure (fig. 27). La hauteur d’origine de la pièce était de 3 m, selon les indices fournis par les colonnes du péristyle du rez-de-chaussée 28. On restitue un enduit blanc uni pour les murs intérieurs et de l’enduit hydraulique recouvert d’un enduit blanc pour les murs extérieurs. La présence d’un étage est assurée, mais sa restitution nécessiterait une étude générale du Magasin β. L’escalier qui donnait accès à l’étage a été restitué entièrement en bois, puisqu’on n’a trouvé aucune trace de marche en pierre. On a également restitué une dalle en pierre comme fondation et une pente de 50 %, selon les principes que l’on a présentés pour la pièce 47 de la Rue du théâtre 29.

Nous restituons un encadrement entièrement en marbre pour la porte qui donnait accès à l’escalier conduisant à l’étage 30. La base du piédroit Sud, qui est restée en place, nous permet de restituer son pendant du côté Nord, qui serait aussi un bloc en marbre blanc, en forme de Γ. La hauteur de la porte est estimée à 2,30 m, par analogie avec la porte donnant accès à la pièce polyvalente. Les linteaux retrouvés dans les magasins en cours de fouille 31 ont servi de modèle à la restitution des linteaux des portes présentées ici. Dans tous les cas, le linteau en marbre est doublé par une pièce en bois.

La porte avait deux vantaux égaux de 0,53 m (fig. 28). Les traces d’usure sur la feuillure intérieure indiquent que c’était le vantail Sud qu’on utilisait le plus souvent.

Nous restituons aussi une cloison immédiatement à l’Est de la base du piédroit Nord, comme séparation entre la pièce polyvalente et l’espace qui servait de cage d’escalier. Cette cloison n’a laissé aucune trace, mais sa présence semble nécessaire : l’existence de deux portes n’aurait pas de sens si l’escalier était accessible depuis la pièce polyvalente. Dans la pièce 51 de la Rue du théâtre, où la cage de l’escalier conduisant à l’étage se trouve dans la pièce polyvalente, cette séparation entre les deux espaces est indiquée par la présence d’une plate-forme surélevée, qui pouvait servir de fondation à une cloison.

La baie de la pièce 4 fermait par une porte, dont l’encadrement devait être en marbre. Un bloc errant, retrouvé dans la pièce 4, pourrait être la base du piédroit Sud de la baie. Ses dimensions correspondent à celles de la base du piédroit Nord, qui est en place, et avec le lit d’attente sur le bloc du seuil. L’espace entre la base du piédroit Sud de la baie de la pièce polyvalente et la base du piédroit Nord de la porte conduisant à l’étage devait être rempli par une assise en pierre, formant le mur de façade de la pièce 4. C’est le système

28. jARDÉ (supra, n. 2), p. 10.29. Voir ci-dessus, p. 214.30. jARDÉ (supra, n. 2), p. 13.31. EAD VIII, p. 276.

ÉTUDE ARCHITECTURALE DE QUATRE PIèCES POLyvALENTES DU QUARTIER DU THÉâTRE à DÉLOS 223

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fig. 27. — Axonométrie de l’état 1 des seuils de la pièce 4 du Magasin β (état des lieux et restitution) (1/75) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

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que l’on observe aux endroits où les murs de façade sont conservés, comme entre la pièce 4 du Magasin β et la pièce 1 du Magasin γ. La hauteur de la porte est restituée de manière approximative à 2,30 m 32.

L’examen des trous de crapaudine et des trous de gâche de la feuillure intérieure conduit à la restitution d’une porte brisée à deux vantaux, chacun divisé en deux parties. Les trous de gâche Nord et Sud se situent plus près des trous de crapaudine que du trou de gâche médian, ce qui pourrait faire penser que les deux parties extrêmes étaient plus petites que les deux parties médianes des vantaux. Or, une telle restitution n’est pas admissible : l’ouverture complète de la porte ne serait pas possible, puisque les parties extrêmes ne dépasseraient pas les bases des piédroits et les parties médianes ne pourraient pas se plier complètement contre les parties extrêmes, car elles seraient trop longues et buteraient contre les piédroits. C’est pour cette raison que l’on restitue des dimensions plus importantes aux deux parties extrêmes : elles mesurent 0,59 m, alors que les deux parties médianes mesurent 0,51 m. Les parties médianes pouvaient ainsi se plier contre les parties extrêmes, si l’on voulait ouvrir seulement la partie centrale de la baie. Si l’on voulait avoir une ouverture complète de la baie, les parties extrêmes dépassaient les bases des piédroits, ce qui permettait aux parties médianes de se rabattre contre la partie arrière des bases des

32. La restitution de la hauteur est fondée sur des mesures prises sur un piédroit en deux morceaux, qui provient d’une des pièces polyvalentes des Magasins β ou γ.

fig. 28. — Plan restitué de l’état 1 des seuils de la pièce 4 du Magasin β (1/40) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

ÉTUDE ARCHITECTURALE DE QUATRE PIèCES POLyvALENTES DU QUARTIER DU THÉâTRE à DÉLOS 225

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piédroits. Le trou de gâche médian se trouve un peu en retrait par rapport aux deux autres, ce qui pourrait s’expliquer par la présence d’une gâche plus solide au milieu de la porte.

Sur le pas, deux trous de crapaudine et trois trous de gâche correspondent à ceux de la feuillure intérieure. On peut ainsi restituer une porte brisée à deux vantaux. L’emplacement des trous de crapaudine, la rainure servant de butoir entre le premier et le troisième trou de gâche et la trace du frottement de la gâche, qui indique un mouvement vers l’extérieur, montrent que la porte ouvrait vers l’extérieur.

Les extrémités des bases de piédroits ont été ravalées et on observe à cet endroit une trace de frottement contre la base du piédroit. Cette trace appartient sans doute au tourillon du pivot d’une porte, qui a frotté contre la base du piédroit 33. Les trous de gâche et les trous de crapaudine creusés dans le pas ne sont pas très réguliers et la rainure qui servait de butoir est perceptible seulement au milieu du seuil. D’une manière générale, l’exécution est moins soignée sur le pas que sur la feuillure intérieure. Tous ces détails montrent que la porte installée sur le pas appartient à un second état de la pièce. Malgré le ravalement des extrémités des bases de piédroits, le tourillon de la nouvelle porte a frotté contre la base des piédroits (fig. 29).

La présence d’un quatrième trou de gâche et d’un troisième trou de crapaudine sur le pas montre qu’un troisième état a existé. On a peut-être remplacé les deux parties du vantail Sud de la porte posée sur le pas, par deux autres pour une raison qui nous échappe.

33. Nous remercions J.-Ch. Moretti d’avoir attiré notre attention sur ce point.

fig. 29. — Plan restitué de l’état 2 des seuils de la pièce 4 du Magasin β (1/40) (relevé, dessin J.-J. Malmary).

226 Pavlos KARvONIS, Jean-Jacques MALMARy

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L’observation des seuils des pièces polyvalentes des Magasins β et γ confirme l’existence de différentes phases. Ces édifices ont été construits selon un programme d’aménagement commun 34 et il semble que l’on peut retrouver le système de fermeture d’origine. En effet, tous les seuils présentent, sur leurs feuillures intérieures, les mêmes traces, avec deux trous de crapaudine et trois trous de gâche, dont celui du milieu se trouve légèrement en retrait. On peut ainsi restituer le schéma original avec une porte brisée à deux vantaux, divisés chacun en deux parties. Il y a souvent des traces de remaniements sur la feuillure intérieure, mais le système que l’on vient de décrire est toujours présent. Les traces sur le pas, au contraire, sont moins régulières et d’exécution moins soignée. On observe presque partout le ravalement des extrémités des bases de piédroits et les traces de frottement du tourillon. Dans le cas de la pièce 3 du Magasin γ, le frottement était tel que l’on arrive à restituer le profil du tourillon. La rainure qui servait de butoir n’est pas toujours présente sur le pas et elle ne présente pas la même longueur, ni la même hauteur. La pièce 2 du Magasin γ ne porte aucune trace sur le pas et constitue ainsi la seule pièce qui est restée dans son état d’origine. C’est aussi la seule pièce dont les bases de piédroits ne sont pas ravalées à leurs extrémités.

Les pièces que nous avons étudiées correspondent à un faible pourcentage des pièces polyvalentes fouillées à Délos 35. Elles sont cependant représentatives des catégories principales de ces pièces et permettent d’aborder certains aspects techniques de l’architecture commerciale délienne. La pièce 6 se range parmi les pièces les plus simples, que l’on trouve surtout dans la partie haute du Quartier du théâtre et qui constituent la majorité des locaux de vente dans le Quartier du stade et de l’Inopos ainsi que dans la partie Nord du Quartier de Skardhana. Du point de vue de leur architecture, ces pièces sont très proches des habitations. Les pièces 30 et 47 sont caractéristiques des pièces polyvalentes de la partie basse du Quartier du théâtre, du Quartier Sud et du Monument de granit 36. Ces pièces ont un équipement plus spécialisé, que l’on rencontre seulement dans les locaux de commerce, à savoir les baies munies de portes à vantaux brisés et les mezzanines. Leur emplacement les met en rapport avec le commerce de détail ou avec la redistribution de produits dans la ville. La pièce 4 fait partie d’une catégorie de pièces dotées d’une porte donnant accès à l’étage et d’une baie permettant d’accéder au rez-de-chaussée. Ces pièces se trouvent surtout dans la partie basse du Quartier du théâtre. L’existence de deux entrées séparées montre que le rez-de-chaussée fonctionnait indépendamment de l’étage. Dans une ville où l’activité commerciale fut aussi importante, l’étude des solutions techniques employées pour une partie de son équipement commercial permet de mieux comprendre le fonctionnement des échanges.

34. Voir KARvONIS 2008, p. 200, 215.35. On compte plus de 70 pièces polyvalentes dans le seul Quartier du théâtre.36. Les pièces adossées au mur Sud de l’Agora des Italiens pouvaient aussi appartenir à cette catégorie : elles

ont des baies très larges, mais l’état de conservation de leurs murs ne permet pas de savoir si elles étaient dotées de mezzanines.