costumes traditionnels de la grece

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La teinture, le filage et le tissage en Grece

PAR SOPHIA TSOURINAKI, TRADUIT DE L'ANGLAIS PAR MARIE-HELENE CUELTON

Cat. 7

L'art de la teinture Le temoignage de productions minoennes de teinture a la pourpre trouvees a Myrtos, Palaiokastro, Knossos et sur les Ties de Kouphonissi et Cythere, en plus des etablissements de teinture de la Grece Classique et Hellenistique (Isthmia, Maison III Ν sur I'Tle de Delos, « aire industrielle » de I'ancienne cite de Korsiai en Beotie), atteste qu'une connaissance approfondie de la teinture etait pratiquee en Grece depuis les temps les plus anciens. De plus, Herodote et le papyrus qui a survecu d'Egypte, « Papyrus Graecus Holmiensis » et « Papyrus X » nous informent de I'usage des premiers colorants et suggere que cet art etait au sommet d'une longue tradition florissante en Mediterranee orientale. Jusqu'au XX0 siecle, une large palette de couleurs etait obtenue au moyen de colorants naturels derives du monde vegetal et animal. Les tisserands, dans leurs villages, pratiquaient l'art de la teinture qui faisait partie integrante de la fabrication des textiles, depuis le processus des fibres jusqu'a la couture des vetements, autant qu'ils prenaient soin de la famille et de la maison. Des matieres importees tel I'indigo etaient tres onereuses et les femmes devaient etre attentives a leur propre environnement pour trouver des racines, des feuilles et des ecorces utilisables pour la fabrication de colorants. Les recettes de teintures etaient diverses mais generalement peu rigoureuses et le succes des couleurs dependait de la competence de I'artisan. Les pluies annuelles, le vent et les changements de temperature, la durete de I'eau, les proprietes acides et minerales du sol influaient sur la densite de la couleur. De plus, on obtenait differents resultats selon la qualite de la riviere, du puits, ou de I'eau de la source. Les memes colorants etaient utilises aussi bien pour la soie que le coton ou la laine. La laine etait generalement teinte avant le filage, car la teinture de la laine en toison produisait un fil de couleur plus uniforme. Le melange de differentes nuances de fibres avant le filage etait la methode favorite des artisans en Grece depuis la plus haute Antiquite. On lavait toujours le fil avant toute autre operation a cause de la substance naturellement graisseuse de la laine qui devait etre enlevee avant la teinture par un procede de recurage. Les fibres etaient nettoyees au moyen des racines de plantes saponiferes (Saponaria officinalis). Dans certains cas, un lavage supplemental etait effectue avec une solution de cendres de bois ou d'urine animale.

Les colorants naturels ont une origine organique et leur teinture peut etre qualifiee de soustractive ou d'additive. Le groupe des soustractifs se fixe chimiquement aux fibres sans aucune aide comme par exemple pour la teinture en cuve de I'indigo ou des lichens. Le groupe des colorants additifs, aussi appeles « teintures aux mordants » necessite un sel metallique pour faire « monter » la couleur de la teinture

soluble dans I'eau et la fixer de fagon permanente. Les mordants les plus couramment utilises etaient I'alun, le fer (sulfate) et les cristaux de sulfate de cuivre. En plus de la rouille, des cendres de bois, de I'urine animale fermentee, des additifs acides ou alcalins obtenus de plantes specifiques comme le jus de raisin encore vert, les fruits de concombre juteux (Ecballium elaterium), etaient ajoutes au bain et affectaient la couleur.

Le rouge. II etait principalement obtenu a partir des racines seches de garance (Rubia tinctoria), qui donnaient du rouge jusqu'aux teintes brunatres (fig. A). La garance grecque etait renommee a I'epoque medievale pour la teinture du coton, de la soie et de la laine et etait specialement utilisee pour I'impression a la planche.

Les grandes etendues de plaines fertiles d'Ampelakia, Skyros, Eubee et Corinthe etaient cultivees avec cette plante, exportee vers les pays d'Orient et d'Europe specialement pour la teinture. Des rouges plus vifs etaient extraits du kermes (Coccus ilicis), un petit insecte parasite du chene kermes (Quercus coccifera). Les corps des insectes, une fois collectes, etaient seches et conserves. Le kermes et la racine de garance etaient hautement apprecies en tant que colorants de luxe que I'on considerait comme valeur precieuse dans les echanges commerciaux aux XVIIIs et XIXe siecles. De grandes quantites de colorants etaient exportees de Crete, Thassos, Skiathos et Eubee vers Venise et Marseille. Les racines d'orcanette des teinturiers (Alkana tinctoria) et de caille-lait blanc (Galium verum), les baies de ronces (Rubus fructicosus) et de murier rouge (Morus nigra), ainsi que les rocelles (lichens) (Roccela tinctoria) donnaient aussi des couleurs rougeatres.

Le jaune. II etait extrait des fleurs de genet des teinturiers (Genista tinctoria) et de souci (Chrysanthemum coronarium), des feuilles de mure blanche (Morus alba), grenade (Punica granatum), pomme (Malus sp) et amande (Prunus communis), des brindilles de leontice (Leontice leontope-talum), des plantes superieures de gaude (Reseda luteola), de phlomis (Euphorbiacaae sp.), de la cendre de manne (du frene) (Fraxinus ornus), d'inule (Inula viscosa) et de gattelier (Vitex agruscatus), des pelures d'oignon (Allium cepa), des copeaux de fustet (Cotinus coggygria), des styles seches et des stigmates de safran (Crocus sativus). Le bleu. II etait obtenu de I'indigo (Indigofera sp.) importe d'Egypte et d'lnde. L'indigo etait un colorant majeur, principalement utilise par des teinturiers professionnels. La teinture etait soumise a un procede d'extraction complexe, par la conversion de bleu insoluble en forme soluble applicable aux fibres et aux tissus. Jusque vers 1930, le bleu etait aussi extrait des tiges et des feuilles de pastel (Isatis tinctoria). Le colorant indigotine dans le pastel est le meme

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que celui de I'indigo. La seule difference est que dans ['indigo, le colorant chimique est plus concentre que dans le pastel. Les tisserands des villages utilisaient la teinture a I'indigo avec de I'urine fermentee (Eubee), malloroupos (Crete) ou avec la racine de I'oseille (Rumex acetosa) et de la cendre de manne utilisees comme mordants (Sarakatsanes). Le noir. II etait obtenu a partir de brindilies d'aulne (,Alnus sp), d'ecorce et de cones du chene-kermes et des plantes superieures de sumac (Rhus sp.). Le brun. Differents tons de brun etaient derives du pericarpe charnu de noix fraiches (Juglans nigra), des fruits de grenade (Punica granatum) et de platane (Platanus orientalis), des cones de cypres (Cypressus sp.) et des baies d'aulne (Juniperus communis).

Le vert. Les deux colorants verts connus sont les feuilles et baies de lierre (Hedera helix) et les baies mures de nerprun (.Rhamnus sp. specialement R. cathartica), mais il semble qu'ils etaient peu utilises. Les colorants verts, instables, etaient generalement le resultat d'un procede de sur-teinture : le fil de laine etait d'abord teint dans un certain colorant jaune, puis sur-teint par I'indigotine. En Crete, le vert etait teint au moyen de 1'lnula viscosa, mordance a la cendre de bois. Λ la fin du XVIII6 siecle, les ateliers de teinture etaient organises dans les centres urbains de Grece (Veria, Epire, Thessalonique, Thessalie, Episkopi, Kavakli). Les teinturiers qui possedaient par tradition familiale le secret de la teinture, connaissaient personnellement les formules des bonnes couleurs. Les extremites colorees de leurs doigts leur assuraient une reputation de haut rang et une influence. Ampelakia, petite ville de Thessalie, etait le centre principal du commerce des teintures. Une cooperative associative de teinturiers et tisserands, connue sous le nom de « Compagnie Commune », avait ete fondee en 1 778-1 780 et etait consideree comme la premiere de ce type en Europe.

Fig. A. Chale de tete, toile quadrillee, brodee. Les fils rouges de coton et soie sont teints en garance et les fils bleus de coton en indigo. Costume de femme, Skyros, Sporades.

Fig. B. Impression a la planche d'un motif floral (bouquet dans un vase, symbole de I'arbre de vie), sur un foulard (detail). Costume de femme, Kymi, Eubee.

Elle comprenait toute la communaute (6000 membres) qui dependait de la cooperation productive des hommes mais aussi de leurs families qui se partageaient le benefice. Chaque membre, selon I'age et la competence, devait assurer une tache specifique dans le commerce. Certains etaient responsables de la tonte des moutons et des chevres qui fournissaient la laine, d'autres cultivaient le coton et le lin, d'autres encore supervisaient la preparation des matieres premieres jusqu'a leur utilisation au metier. Les agents commerciaux de la cooperative visitaient d'autres villes grecques mais voyageaient aussi en dehors du pays pour promouvoir la vente de leurs tissus teints. A Tyrnavos, I'art de I'impression a la planche, une methode de teinture populaire et bon marche, etait pratique pour les echarpes imprimees de motifs floraux (fig. B), les coussins et les etoffes matelasses. L'idee d'utiliser un objet pour imprimer des motifs repetes a I'identique proviendrait des temps anciens. Les artisans preparaient les tampons, des planches epaisses de bois de frene, sycomore ou poirier. Le dessin etait trace a I'envers des tampons et les espaces entre les lignes etaient profondement entailles. Les tampons pouvaient prendre autant de couleurs que le dessin, a I'exception de certains fonds realises a la brosse. Les artisans pressaient d'abord a la main les tampons impregnes de couleur liquide sur des coussins durs, puis ils les plagaient sur le tissu de coton a I'emplacement du motif a imprimer. Le travail avan5ait selon I'organisation du dessin qui determinait la repetition d'un meme motif ou le changement de tampon.

Les matieres premieres et le filage II existe d'innombrables references sur I'art domestique du filage et le tissage dans les oeuvres classiques depuis Penelope chez Homere jusqu'aux femmes aristocrates d'Euripide.

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Fig. 1. Cardage et etirage de la laine pour le filage. Thessalie. Ph. D. Tloupas, avec son aimable autorisation, Athenes.

Fig. 2. Filage de la laine a I'aide d'un fuseau et d'une quenouille © Musee Benaki, avec son aimable autorisation, Athenes.

Fig. 3. Preparation du fil de laine avec le rouet traditionnel, sviga et le devidoir, anemi © Musee Benaki, avec son aimable autorisation,

Tout le concept de la preparation des matieres etait largement developpe afin de decrire le monde et les forces qui le controlaient. Les Parques filaient, tissaient et coupaient, une fois terminee, la trame de la vie. D'apres les manuscrits byzantins, les saynetes et les couplets des chants populaires de voyageurs etrangers, ce procede semble demeurer inchange.

Les matieres utilisees pour la confection des costumes traditionnels grecs changeaient d'une region a I'autre, dependant des differences de climat, de coutumes, de traditions et des especes de fibres disponibles localement. Les plus courantes etaient le coton, la laine, la soie et le lin. Le tissage etait produit dans I'une ou I'autre de ces matieres ou en les combinant. Leur preparation etait la meme que dans d'autres pays mediterraneens. Specialement pour le lin et la laine, on a pratique les memes methodes traditionnelles et obtenu les memes resultats depuis au moins deux millenaires (fig. 1).

Le filage consiste a etirer et tordre ensemble des fibres discontinues en un fil continu. II facilite I'entrelacement des fibres irregulieres et donne un fil solide. La preparation des matieres premieres a toujours ete un travail specialise et de longue haleine. Tout type de fil etait file pour un r6le specifique et la fileuse savait exactement pour quelle sorte de tissu il serait utilise. Chaque fibre demandait un traitement approprie et le filage prenait plus de temps que le tissage lui-meme. En consequence, les femmes des villages occupaient tout leur temps libre a filer. Tout specialement les vieilles femmes qui contribuaient au filage domestique, quand elles ne pouvaient plus accomplir des taches plus lourdes.

La laine. Les femmes rurales utilisaient principalement et de diverses manieres la toison des moutons et des chevres (de diverses especes ou sous-especes d'ovins) eleves selectivement. La laine de mouton etait employee pour les etoffes, couvertures, tapis et tissus de transport (sacs, couvertures de selle) et la laine de chevre pour les cordes, tabliers, manteaux et passementeries vestimentaires. Les costumes de laine etaient tres pratiques et grandement apprecies par les villageois en haute altitude car ils gardent la chaleur, repoussent la pluie et restent quelque temps resistants a I'eau. Apres la tonte de printemps, la laine devait etre etendue et battue a I'aide de batons pour enlever toutes

les impuretes. Puis elle etait nettoyee a I'eau bouillant rincee a la riviere ou au puits. Des qu'elle etait seche, ο cardait afin de trier les meches longues et courtes conver aux tissus fins et plus grossiers. Les fibres longues eta generalement filees au fuseau et a la quenouille (fig. 2 position debout et les courtes en position assise a causi la fragilite du fil, a I'aide d'un rouet appele sviga (fig.3). Le lin. La culture du lin etait I'affaire des femmes. Les pla en bottes etaient patiemment immergees dans I pendant dix a quatorze jours jusqu'au debut de decomposition bacteriologique (c'est I'operation rouissage). Puis les fibres etaient separables et a ce stade les enlevait pour les egoutter. Quand la paille . completement seche, on detachait les parties non vot en brisant les tiges et en enlevant les matieres non fibre par battage a I'aide d'un maillet de bois (c'est le teilli Enfin, les fibres nettoyees passaient a travers les dents peigne pour defaire les particules de bois et les separer ι fibre suffisamment mince pour le filage. Le lin etait ci dans des regions humides. Les lies loniennes et; renommees poU r leur production. Au XVIIe siecle, Mar importait le lin d'lthaque et de Cythere. Le coton. Traditionnellement, le coton (de I'es Cossypium, famille de la mauve) etait cultive, recolte e par les femmes de tout age. La premiere etape d'enlever la fibre de la graine (c'est I'egrenage). Le carc I'etirage en ordonnant les fibres, etait une tache man effectuee a la maison en hiver. Aux XVIIf et XIXe siecl· production du coton representait une part important I'exportation et un produit de valeur dans les ech2 commerciaux. Ampelakia, Tyrnavos, Tsaritsani, Serres, et certaines Ties gagnerent leur reputation grace production du coton. Des voyageurs etrangers se refer constamment au filage du coton, et par-dessus toi tricotage des chaussettes de coton dans les Ties de San los, Mykonos et Patmos.

La soie. Le fil etait obtenu du devidage du cocon chenille du ver Bombyx mori qui se nourrit de feuill· murier. L'elevage du ver a soie necessitait un t considerable, aussi la soie a toujours ete une matiere cou et dependait directement de ['application correcte du s faire meticuleux de la moriculture et de la sericiculture. D les siecles de la domination ottomane, la soie etait large

utilisee pour la broderie, le tissage et les chaussettes. On pratiquait la sericiculture a Chalkidiki, Thrace, Mont Pelion, dans les vallees d'Axios, Thessalie, Thebes, Peloponnese, et dans les Ties d'Andros, Tinos, Kythnos, Kea, Naxos, Crete et Chypre. La production de soie etait particulierement importante et I'exportation considerable. Aux environs de 1 700, Marseille importait chaque annee 70 000 livres de soie des lies. Cette soie convenait particulierement pour la fabrication du fil et des rubans. Au XIX* siecle, la disparition de I'industrie du tissage a Chios ajoutee au declin de la broderie comme art domestique ont entraine la disparition progressive de la sericiculture. La soie, cependant, continuait a etre produite et manufacture a Kalamata (Peloponnese). De nos jours, quelques monasteres tissent encore des soieries sur commande.

Le tissage Les costumes grecs etaient soit le produit de savoir-faire domestiques (Perachora, Asvestochori, Kavakli, Metaxades), tisses et cousus exclusivement par les femmes au sein du foyer, soit le produit d'ateliers specialises organises par les hommes, a I'exception de somptueux vetements, dont les matieres raffinees etaient importees. Ces vetements couteux etaient confectionnes dans des etoffes de soie achetees a I'exterieur (Gyromeri, Veria, Stefanovikio, Skyros, Skiathos, Thassos, Skopelos, Lefkada, Lefkimi) et de velours (Konitsa, Kastellorizo). Occasionnellement, les matieres premieres comme la laine de Constantinople, etaient importees et tissees sur metier a la maison (Pogoni). Dans la culture paysanne grecque, le tissage constituait un cycle distinct, directement influence par les habitudes traditionnelles et regionales. La technique textile prenait

enormement de temps et demandait beaucoup d'habilete, mais les tissus qui en resultent presentent de grandes variations - en termes de matieres, de techniques, de couleurs et d'ornementation. Une part importante de la dot comprenait des tissus realises sur des metiers a deux ou quatre lisses (fig. 4, 5). Le metier vertical etait surtout utilise pour les tapis et kilims (fig. 6). Le tissage aux plaquettes est une technique de tissage ingenieuse des plus anciennes. Les fils de chaine etaient enfiles aux angles perces de trous des plaquettes de bois et tendus entre la tisserande et un point fixe. En tordant les plaquettes individuellement ou par groupes, on realisait des motifs complexes (fig. C). Les Sarakatsanes constituent un exemple remarquable de peuple nomade pastoral, qui errait avec ses troupeaux depuis les paturages de montagnes jusqu'aux plaines. Leurs costumes etaient caracterises soit par une grande sobriete (Grece occidentale), consequence d'une attitude conservatrice tendant a preserver des elements anciens, soit par une riche ornementation (Macedoine et Rodope). Les Sarakatsanes tissaient leurs costumes sur un type rare de metier, le metier a fosse (fig. 7), un simple appareil en bois place au-dessus d'une fosse creusee dans le sol. Leurs chemises semblables a celles d'autres regions etaient faites de coton fin et brodees de fils tors ou retors de laine d'agneau teinte en indigo et en racine de garance. Les tabliers de mariee rouge fonce, connus sous le nom de panooules, sont tisses en serge (skonti) et presentent divers motifs comme la croix, le serpent, la lune et la grappe de raisin, brodes de fils tors polychromes au point de chainette. En plus du tissage rural, il y avait des ateliers organises dans les centres urbains et une production commerciale. Depuis

Fig. 4. Jeune fille tissant sur un metier a deux lisses. © Musee Benaki, avec son aimable autorisation, Athenes.

Fig. 5. Tissage sur un metier a quatre lisses en Crete. © Musee d'art populaire grec, avec son aimable autorisation, Athenes.

Fig. 6. Femme d'Epire tissant un tapis sur un metier vertical, nom me hararissios. © Musee Benaki, avec son aimable autorisation, Athenes.

Fig. 7. Une femme Sarakatsane tissant a I'exterieur sur un metier a fosse dans les paturages de montagne. Ici les barres de lisses sont suspendues sur une poutre en bois et au-dessous se trouve la fosse pour les pedales (faites de bandes de tissage aux plaquettes) et les pieds de la tisserande. L'artisane s'assied sur le sol, les jambes placees en contre-bas dans la fosse. Tout I'appareillage pouvait facilement demenager selon les besoins de la vie nomade © Musee Benaki, avec son aimable autorisation, Athenes.

Fig. 8. Homme en train de fouler les tissus de laine dans un moulin a eau nomme nerotrebe. Ph. D. Tloupas, avec son aimable autorisation, Athenes.

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I'epoque byzantine, le tissage etait devenu un commerce organise avec des ateliers separes pour le triage des fibres, le nettoyage et la teinture.

Les artisans experimentes et les commergants appartenaient a des guildes, qui devenaient une classe dominante, possedant une enorme influence economique et sociale. Une partie de cette production commerciale etait exportee ; par exemple, en 1800, 600 ballots de manteaux et de grandes quantites de tissus etaient exportes d'Epire. En outre, les Ties de Mytilene et de Chios avaient de remarquables industries textiles produisant de grandes quantites de soie et d'etoffes tissees d'or. Les femmes etaient employees dans des industries de soie et tricotaient des sacs, des chaussettes (fig. D), des bonnets et des bourses.

Tandis que la broderie a I'aiguille etait limitee a un artisanat domestique, seulement execute par les femmes, la broderie d'or etait le travail des hommes, specialistes nommes terzides.

Les vetements tisses main

Les costumes de Grece comprennent les pieces de vetements tisses suivantes :

La chemise. C'est le produit le plus courant tisse au metier, nomme poukamisso, qui conserve les dessins de la periode greco-romaine et de la dalmatique byzantine. Dependant des conditions climatiques, elle est realisee en coton epais (Messoghia, Tanagra, Perachora, Andartiko, Kratero, Kavakli, Sarakatsanes, Kalamoti), en laine (Drymos), en lin (Epire), en soie (Almyros, Zagori, Trikeri), ou melangee de soie et coton (Konitsa, Veria, Ghidas, Metaxades, Kastellorizo). Les chemises sont longues, avec ou sans manches, ornees le long des bordures et extremement variees par leurs dessins et techniques. Elles sont richement decorees d'elements traditionnels derives de I'heritage de la Grece ancienne. Les chemises brodees des Ties sont en soie fine pour les plus belles occasions (Thassos, Skyros, Kymi) et leurs dessins et couleurs varient selon les circonstances. Les femmes brodaient, teignaient elles-memes les fils de soie avec des colorants du monde animal et vegetal, qui assuraient la brillance des couleurs preservees jusqu'a ce jour (Skiathos, Trikeri).

La robe etroite et ajustee. C'est la denommee foustani, avec ou sans manches. Elle est souvent tissee de coton file main (Kalamoti), teinte de tons divers (Metaxades) ou ornee de broderies et passementeries. Dans les villages du nord ou de I'ouest de la Thrace, on I'appelait tsoukna, et elle etait a I'origine tissee en blanc par les femmes et teinte en piece par des teinturiers professionnels en bleu fonce (Kavakli). Le gilet sans manches. Connu sous le nom de sigouni ou sayias, il assurait deux fonctions, decorative et pratique, par exemple pour proteger du froid (confectionne en matiere epaisse, tel le velours importe de I'etranger, ou en serge de laine ou coton produits localement). Les sayias de coton, surtout portes dans les costumes villageois de Macedoine, etaient tisses en blanc par les femmes et teints par les tailleurs du lieu en bleu fonce pour les jeunes filles non mariees et en vert pour les femmes mariees (Veria). Occasionnellement, les sayias etaient enduits de cire et les femmes devaient en prendre soin car cette matiere resistante a I'eau ne devait pas etre lavee (Drymos). Les tissus de laine epais et lourds des sigouni, nommes

sayiaki, etaient tisses par les femmes et foules avec ou sans poil releve dans le mouiin a eau nerotrebe (Salamine, Attique, Messoghia, Desfina, Megara, Corinthe, Konista) (fig. 8). De tels vetements etaient cousus par des tailleurs specialises, les kapotades, et somptueusement brodes par les terzides (Asvestochori, Kratero, Karagouna).

Dans les regions montagneuses au centre et au nord de la Grece, les hommes et les femmes utilisaient un sigouni particulier a poil long, ou manteau appele flokata (Attique, Corinthe, Karagouna, Pogoni, Sarakatsanes). Ce tissu chaud et doux etait realise au moyen de fils de trame de laine supplementaires (fiokia), qui etaient passes dans la foule (ouverture entre deux nappes de chaine) au cours du tissage. La flokata etait tissee et brodee de tresses de laine rouge, de franges et de pompons par les femmes des villages (Andartiko). Le tablier. C'est un complement essentiel de la robe ; on le nomme podia. Le tablier a une importance symbolique avec ses attributs sociaux et magiques exprimes a travers la matiere, la forme et le decor. II est fait de feutre rouge ou noir (Desfina, Almyros), de satin noir (Metsovo), de toile de laine dominante trame (Asvestochori, Drymos), de serge de coton (Perachora, Corinthe), de tissu sayaki (Sarakatsanes) et de soie (Megara, Salamine, Trikeri). II etait decore au cours du tissage (sur le metier), avec des rayures d'or, d'argent et de laines teintes (Episkopi), des dessins geometriques complexes (fig. E) ou des motifs delicats (Kavakli, Kratero, Andartiko, Ano-Klines, Ghidas) brodes de laine fine retors, ou borde aux extremites de longues franges de laine epaisse (Souli, Andartiko). Occasionnellement, une fine bande de laine tissee aux plaquettes etait utilisee pour le tablier ou comme ceinture (Drymos, Pogoni, Karagouna). La ceinture. Une longue echarpe ou ceinture, zonari, est enroulee autour de la taille, terminee par des petits pompons, franges et perles colorees (Andartiko). Elle est faite d'un tissu de laine uni rouge, noir, bleu, ou rayee (Perachora, Ano-Klines, Kavakli), ou de soie (Aghia Anna, Gyromeri, Tanagra, Desfina). A I'occasion, elle est decoree avec des paillettes d'argent.

L'etole ou chale de tete. C'est un accessoire de base de la parure feminine, appele bolia, utilise dans les coutumes anciennes pour couvrir la tete comme voile symbolique et rituel de deuil. Comme voile de mariee, il demandait souvent une preparation rituelle et beaucoup d'experience (Attique). II etait constitue de soie finement tissee rayee d'or, de broderies et de franges (Salamine, Tanagra, Messoghia) ou de serge de coton blanc (Corinthe). Au XIXe siecle, les femmes villageoises remplacerent les etoles tissees main par des echarpes de soie ou de coton imprime industrielles.

Les symboles de fertilite et elements protecteurs Dans les societes urbaines ou agricoles a travers la Grece, les femmes se paraient de vetements approuves socialement pour signifier leur appartenance a un groupe ethnique, leur age, leur sexe, leur statut marital, leur niveau economique et leur maternite. Sans oublier leur sens usuel, les costumes servaient a communiquer les attributs importants de I'individu a la communaute, et refletaient le besoin de la femme de s'exprimer et de se distinguer en personne. Les jeunes filles acqueraient les savoir-faire textiles des qu'elles grandissaient en observant et en aidant leur mere,

puis en les pratiquant. Elles obtenaient les competences necessaires a maintenir leur identite specifique et leur culture une fois adultes. Pour la jeune mariee, c'est le coffre de la dot rempli de vetements brodes et tisses main qui indiquait son nouveau statut dans la societe. La signification de I'habillement allait au-dela d'un simple usage. C'etait une marque de richesse mais aussi un hommage a la femme et sa famille. Par la qualite et la quantite de sa production de tissage, une femme gagnerait le respect dans un environnement etranger et parfois hostile. Cependant, I'habillement des femmes avait une double fonction. Dans le domaine du quotidien, les vetements avaient un role utilitaire ; par exemple, ils tenaient chaud. Certains costumes indiquaient le statut social, comme les soies couteuses qui avaient une veritable fonction dans le monde reel. Mais dans un autre monde, celui des esprits et des demons, le meme vetement vehiculait des pouvoirs magiques lies aux croyances locales.

Vu I'importance des attributs feminins de virginite et de fertilite, les femmes mariees tenaient le role le plus enviable dans la communaute.

Les futures et les nouvelles mariees s'embellissaient de bijoux precieux, de vetements elabores et de coiffes raffinees, tous remplaces par des costumes unis avec peu ou sans broderies des la naissance du premier enfant.

Les costumes de mariees etaient dedies a la procreation, et les femmes faisant elles-memes leurs vetements y incluaient quantites de symboles de fertilite. La chemise en particulier, avec ses broderies de soie rouge et or, exhibait en abondance de tels symboles, comme les oeillets, les glands, des motifs de rameaux entre deux paons, des figures anthropomorphes, des oiseaux, des dessins cruciformes, des signes solaires, des motifs circulates et rigoureusement geometriques. Preserves et transmis par les generations anterieures, ces motifs etaient elegamment organises dans les parties de chemise visibles, tels les ourlets, les coutures, les manches et I'ouverture de I'encolure. Leur emplacement sur les vetements de mariage renforgait certaines parties du corps et protegeait la femme du mauvais ceil. Les tisserandes et brodeuses concentraient les bienfaits de toutes natures sous forme de plantes et creatures de toutes sortes, repetees plusieurs fois sur un textile comme la reiteration d'un charme.

De plus, de tels motifs archetypaux devenaient

graduellement des symboles aux significations religieuses. Un exemple notable est le podia (tablier), aux fonctions magico-religieuses dans la plupart des regions de Grece. En Thrace, par exemple, le tablier servait a faciliter I'accouchement. Les femmes qui assistaient la future mere posaient le podia sur son ventre en recitant des voeux pour une naissance aisee. A Corfou, il etait utilise pour nettoyer et soigner les aftras (plaies) qui affectaient souvent les enfants petits, specialement sur la langue.

La couleur est un autre element traditionnel, souvent lie a la fertilite. Les franges rouges, les pompons et cordons embellissent les chemises de mariees, les tabliers, ceintures et chales de tete. Le rouge est la couleur de la force vitale et de la robustesse, et il est analogue au sang, le flux de la vie. Ses proprietes visuelles, chaleur, eclat et exuberance, ornent et embellissent celui qui le porte.

Son usage predominant dans les motifs decoratifs de vetements a des proprietes symboliques et expiatoires comme le pouvoir de protection contre le mauvais oeil, la jalousie, la malediction, les esprits magiques et malefiques. Son emplacement sur des vetements particuliers comme le tablier, la coiffe et la ceinture, protegeait les parties essentielles du corps de la femme, celles qui incarnent la vie et la fertilite. Le tablier protegeait en particulier les parties genitales, la ceinture le ventre et le chale la tete et les cheveux. En Thrace, les femmes recitaient des formules magiques speciales liees au procede de la teinture afin d'attirer des resultats benefiques.

La couleur et les motifs qui invoquent la fertilite et la prosperite par ^illustration de la fecondite de la nature derivent d'une forme ancienne de ['art. C'est un reflexe humain d'exprimer son appartenance a I'environnement en elaborant un vocabulaire de symboles. De tels attributs se transmettent d'une generation a I'autre et sont associes aux fonctions reproductrices de la femme au sein du mariage. Bien que les femmes n'en connaissent pas I'origine, les motifs ont leurs propres noms, indiquant leur ressemblance a un objet du quotidien. Leur sens originel est maintenant enfoui dans une histoire perdue mais leur fonction dispense toujours des pouvoirs protecteurs et de bon augure a leurs usagers. Meme apres la disparition du sens de certains symboles, leur adhesion aux rituels les maintient en place, continuant ainsi a exprimer le pouvoir de procreation des femmes au sein de la communaute, a travers un habillement elabore.

Fig. C. Ceinture de laine tissee aux plaquettes (detail). Costume de femme, Drymos, Thessalonique.

Fig. D. Tricot au point de jersey, decor « Jacquard » en laine polychrome. Jambiere (detail). Costume de femme, Souli, Epire.

Fig. E. Tablier de laine tissee (et brodee) selon la technique du kilim, tapisserie a trames discontinues (recouvrant entierement la chaine). Costume de femme, Kavakli, Thrace du nord.

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