comportement physico-chimique de mélanges à base de poussières de four de cimenterie et de...

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Comportement physico-chimique de mélanges à base de poussières de four de cimenterie et de cendres volantes Achour Bellaloui, Arezki Tagnit-Hamou, et Gérard Ballivy Résumé : La valorisation des poussières de four de cimenterie en vue de leur exploitation en tant que barrière environne- mentale requiert, entre autres, l’ajout de cendres volantes afin d’améliorer les différentes propriétés nécessaires à une meil- leure mise en place et assurer leur efficacité à long terme. En mettant à profit différentes techniques expérimentales, une attention particulière est accordée au comportement physico-chimique de différentes poussières de four associées aux cen- dres volantes. Selon la nature des ajouts considérés, un comportement différent peut conditionner l’évolution des mélanges avec une incidence sur leur stabilité. En effet, cette étude a confirmé l’amélioration des propriétés physico-chimiques des poussières mises en interaction avec les cendres volantes riches en silices, et pauvres en chaux, ce qui laisse de bons augures quant à leur utilisation en tant que barrière environnementale. Par ailleurs, le suivi a permis une meilleure compréhension de certains mécanismes générés par les systèmes abordés. Ainsi, après hydratation et différentes trans- formations chimiques, des phases à caractère expansif tels que l’ettringite, le gypse, la syngénite et la portlandite, pren- nent naissance dans la pâte et conditionnent, par conséquent, le comportement des mélanges élaborés. Mots clés : poussières de four de cimenterie, cendres volantes, stabilisation, physico-chimie, barrière environnementale, lixiviation. Abstract: Enhancing the value of the cement kiln dust so as to use it as an environmental barrier requires, amongst other things, the addition of fly ashes in order to improve the different properties needed to insure a better placing and a long term efficiency. Taking advantage of different experimental techniques, particular attention was devoted to the physicochemical behaviour of different kiln dusts associated with the fly ashes. Depending on the nature of the added compound, a different behaviour may condition the evolution of the mixtures with an effect on their stability. Indeed, this study has confirmed the improvement of the physicochemical properties of the dusts interacting with the fly ashes rich in silica and poor in lime, which argues well for their use as an environmental barrier. Moreover, the follow up has led to a better understanding of certain mechanisms generated by the systems dealt with. Hence, after hydration and different chemical transformations, some expansive phases as the ettringite, gypsum, syngenite, and portlandite de- velop in the paste, and therefore condition the behaviour of the mixtures worked out. Key words: cement kiln dusts, fly ashes, stabilization, physicochemistry, environmental barrier, lixiviation. [Journal translation] Bellaloui et al. 970 Introduction La demande sans cesse croissante en ciment à faible te- neur en alcalis a poussé les cimenteries à récupérer les pous- sières de four de cimenterie ou « cement kiln dust (CKD) » et les stocker sans les réinjecter dans le four. En réponse à cette activité, des quantités très importantes sont stockées aux abords des cimenteries ou dans des carrières (Smith et Levin 1979). Aux États-Unis, une cimenterie d’une capacité journalière de 1670 tonnes de clinker génère en moyenne 325 tonnes par jour de poussières de four dont 237 tonnes sont recyclées et le reste est entreposé au voisinage immé- diat des cimenteries ou des carrières. En général, l’accumulation annuelle peut atteindre 4 millions de tonnes en Amérique du Nord (Todres et al. 1992). Laissées aux aléas saisonniers, ces poussières peuvent amener un risque potentiel pour les milieux récepteurs. Cette particularité se traduit par la lixiviation de certains éléments parmi lesquels peuvent figurer les métaux de transition et les métaux lourds. Néanmoins, la disponibilité de cette source peut être mise à profit afin d’élaborer des barrières environnementales avec des propriétés chimiques, hydrauliques et mécaniques stables en vue de leur valorisation. Cette amélioration peut avoir lieu par une meilleure connaissance des propriétés physico-chimiques des matériaux mis en interaction ainsi que leur comportement en fonction du temps. Les travaux Can. Geotech. J. 39: 960–970 (2002) DOI: 10.1139/T02-025 © 2002 CNRC Canada 960 Reçu le 11 décembre 2000. Accepté le 29 janvier 2002. Publié sur le site Web des Presses scientifiques du CNRC à http://rcg.cnrc.ca le 26 juillet 2002. A. Bellaloui 1 , A. Tagnit-Hamou, et G. Ballivy. Département de Génie Civil, Université de Sherbrooke, 2500, Boulevard de l’Université, Sherbrooke, QC J1K 2R1 Canada. 1 Auteur correspondant (courriel : [email protected]).

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Comportement physico-chimique de mélanges àbase de poussières de four de cimenterie et decendres volantes

Achour Bellaloui, Arezki Tagnit-Hamou, et Gérard Ballivy

Résumé : La valorisation des poussières de four de cimenterie en vue de leur exploitation en tant que barrière environne-mentale requiert, entre autres, l’ajout de cendres volantes afin d’améliorer les différentes propriétés nécessaires à une meil-leure mise en place et assurer leur efficacité à long terme. En mettant à profit différentes techniques expérimentales, uneattention particulière est accordée au comportement physico-chimique de différentes poussières de four associées aux cen-dres volantes. Selon la nature des ajouts considérés, un comportement différent peut conditionner l’évolution des mélangesavec une incidence sur leur stabilité. En effet, cette étude a confirmé l’amélioration des propriétés physico-chimiquesdes poussières mises en interaction avec les cendres volantes riches en silices, et pauvres en chaux, ce qui laisse debons augures quant à leur utilisation en tant que barrière environnementale. Par ailleurs, le suivi a permis une meilleurecompréhension de certains mécanismes générés par les systèmes abordés. Ainsi, après hydratation et différentes trans-formations chimiques, des phases à caractère expansif tels que l’ettringite, le gypse, la syngénite et la portlandite, pren-nent naissance dans la pâte et conditionnent, par conséquent, le comportement des mélanges élaborés.

Mots clés : poussières de four de cimenterie, cendres volantes, stabilisation, physico-chimie, barrière environnementale,lixiviation.

Abstract: Enhancing the value of the cement kiln dust so as to use it as an environmental barrier requires, amongstother things, the addition of fly ashes in order to improve the different properties needed to insure a better placing anda long term efficiency. Taking advantage of different experimental techniques, particular attention was devoted to thephysicochemical behaviour of different kiln dusts associated with the fly ashes. Depending on the nature of the addedcompound, a different behaviour may condition the evolution of the mixtures with an effect on their stability. Indeed,this study has confirmed the improvement of the physicochemical properties of the dusts interacting with the fly ashesrich in silica and poor in lime, which argues well for their use as an environmental barrier. Moreover, the follow uphas led to a better understanding of certain mechanisms generated by the systems dealt with. Hence, after hydrationand different chemical transformations, some expansive phases as the ettringite, gypsum, syngenite, and portlandite de-velop in the paste, and therefore condition the behaviour of the mixtures worked out.

Key words: cement kiln dusts, fly ashes, stabilization, physicochemistry, environmental barrier, lixiviation.

[Journal translation] Bellaloui et al. 970

Introduction

La demande sans cesse croissante en ciment à faible te-neur en alcalis a poussé les cimenteries à récupérer les pous-sières de four de cimenterie ou « cement kiln dust (CKD) »et les stocker sans les réinjecter dans le four. En réponse àcette activité, des quantités très importantes sont stockéesaux abords des cimenteries ou dans des carrières (Smith etLevin 1979). Aux États-Unis, une cimenterie d’une capacitéjournalière de 1670 tonnes de clinker génère en moyenne325 tonnes par jour de poussières de four dont 237 tonnessont recyclées et le reste est entreposé au voisinage immé-diat des cimenteries ou des carrières. En général,

l’accumulation annuelle peut atteindre 4 millions de tonnesen Amérique du Nord (Todres et al. 1992). Laissées auxaléas saisonniers, ces poussières peuvent amener un risquepotentiel pour les milieux récepteurs. Cette particularité setraduit par la lixiviation de certains éléments parmi lesquelspeuvent figurer les métaux de transition et les métauxlourds. Néanmoins, la disponibilité de cette source peut êtremise à profit afin d’élaborer des barrières environnementalesavec des propriétés chimiques, hydrauliques et mécaniquesstables en vue de leur valorisation. Cette amélioration peutavoir lieu par une meilleure connaissance des propriétésphysico-chimiques des matériaux mis en interaction ainsique leur comportement en fonction du temps. Les travaux

Can. Geotech. J. 39: 960–970 (2002) DOI: 10.1139/T02-025 © 2002 CNRC Canada

960

Reçu le 11 décembre 2000. Accepté le 29 janvier 2002. Publié sur le site Web des Presses scientifiques du CNRC àhttp://rcg.cnrc.ca le 26 juillet 2002.

A. Bellaloui1, A. Tagnit-Hamou, et G. Ballivy. Département de Génie Civil, Université de Sherbrooke, 2500, Boulevard del’Université, Sherbrooke, QC J1K 2R1 Canada.

1Auteur correspondant (courriel : [email protected]).

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antérieurs ont montré qu’il est impossible d’arriver à unemeilleure consolidation par simple compactage. Cette parti-cularité a induit l’ajout de cendres volantes ou leur mélangeavec de faibles teneurs en ciment (Rouis 1991; Ballivy et al.1992; Rhouzlane 1997). Cependant et en présence de certai-nes poussières de four, les problèmes rencontrés se résumentpar l’apparition d’effet exothermique parfois très considé-rable, pouvant dépasser les 100°C. Ce phénomène est direc-tement lié principalement à la teneur initiale en chaux vive.Cet effet thermique est propice à l’apparition des phénomè-nes de gonflement suivis parfois de fissurations néfastespour les propriétés hydraulique et mécanique.

L’ensemble des études menées jusqu’à maintenant sur lespoussières de four laisse apparaître une minéralogie variabledéfinie par (Hatimi 1999; Benjamin et Kramer 1982; Miller etal. 1980) : (i) 94 % des CKD présentent la calcite (CaCO3)comme phase majoritaire; (ii) la chaux (CaO) et l’anhydrite(CaSO4) sont les constituants principaux après la calcite;(iii) l’existence de la silice (SiO2) dans la majorité des CKD.

En outre, d’autres produits telles que l’arcanite (K2SO4) etl’alite (Ca3SiO5) peuvent se manifester en faible teneur àcôté de ces phases.

Les poussières de four de cimenteries manifestent une va-riabilité chimique d’une cimenterie à une autre et au seinmême d’une usine. Cette variabilité minéralogique, illustréepar la fig. 1, a été dressée à partir de données issues d’unecinquantaine d’échantillons provenant de différentes cimen-teries. Cette différence trouve son origine dans la qualité dela matière première des carrières et des conditions régnantesdans les fours de cuisson. En effet, la variabilité chimiquedes CKD reste l’un des problèmes majeurs dans la formula-tion des ajouts minéraux nécessaires à la consolidation, puis-qu’aucun traitement ne peut être généralisé. Par contrel’évaluation de la faisabilité technique par des essais prati-ques en laboratoire constitue la solution la plus fiable pouren juger de l’efficacité des mélanges élaborés.

Mc Coy et Kriner (1971) ont mis à contribution des CKDdans la stabilisation des sols avec des teneurs de 3,8 et 10 %.Les résultats obtenus en ce qui concerne les résistances à lacompression, la limite de liquidité et l’indice de plasticitésont comparables à ceux développés par des sols stabiliséspar un mélange de chaux et de ciment Portland. Des mélan-ges à base de CKD et de cendres volantes ont été utilisés parMiller et al. (1980) dans la construction des routes. SelonCollins et Emery (1983), une certaine consolidation est ob-tenue par la substitution d’une partie de la chaux par despoussières de four dans le système chaux – cendres volan-tes – sable. Naperiala (1983) a vérifié l’utilisation des CKDdans la stabilisation des sols sableux destinés à la conceptiondes pavages. Cette étude a révélé des résultats intéressantspar addition de 15 % de CKD. Baghdadi et Rahman (1990)par la mise à contribution des poussières de four dans la sta-bilisation des dunes de sable, aboutissent à des résultats en-courageants dans le cas de l’ajout de 30 % de CKD. Dansune étude de compactage et en utilisant trois poussières defour considérées représentatives, Todres et al. (1992) ont misen évidence l’existence d’une relation linéaire inversementproportionnelle entre la perméabilité et la masse volumique.Aussi, cette matière alcaline a été mise à contribution pourle contrôle du drainage minier acide (DMA) (Bellaloui et al.1996; Kadiri 1997).

Cette étude aborde l’aspect physico-chimique d’une pous-sière de four provenant d’une cimenterie et son associationavec trois types de cendres volantes. L’objectif visé est devérifier le comportement des mélanges élaborés après diffé-rentes périodes de mûrissement en vue d’une éventuelle uti-lisation, en autres, comme barrière environnementale.

Caractérisation des poussières de four decimenterie et des cendres volantes

En outre des analyses chimiques, différentes techniquesde caractérisation minéralogique ont été mises en œuvreparmi lesquelles figurent la diffraction des rayons X (DRX),l’analyse thermogravimétrique (ATG-ATD), la microscopieélectronique à balayage (MEB), l’infrarouge (IR) et la spec-troscopie induite par les rayons X (XPS).

Les résultats des analyses chimiques obtenus sur les pous-sières de four et les cendres volantes considérées dans cetteétude sont reportés dans le tableau 1 :

En ce qui concerne les CKD, la teneur relevée pour leCaO reflète en réalité la présence de la calcite (CaCO3), dela chaux vive (CaO) et de l’anhydrite (CaSO4). L’oxyde depotassium s’apparente principalement à la présence del’arcanite (K2SO4).

Les caractéristiques granulométriques des poussières defour et des cendres volantes sont reportées dans le tableau 2.

Le point essentiel qui émerge des résultats granulométri-ques se résume par une certaine finesse pour les poussièresde four de cimenterie considérées; paramètre étayé par lepourcentage élevé passant à 20 µm soit 93 % et la majorité à50 µm à savoir 97 %. Environ 80 % des particules se carac-térisent par un diamètre inférieur à 10 µm. En se basant surle coefficient d’uniformité (Cu), il apparaît une granulo-métrie très serrée pour les CKD et pour les cendres volantesdu type F. Par contre, les cendres C-F et C se caractérisent

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Fig. 1. Diagramme ternaire (CaO-MgO)-SiO2-(Al2O3 + Fe2O3).

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par une granulométrie relativement restreinte (Aïtcin et al.1983).

L’analyse menée sur les poussières de four avant hydrata-tion par diffraction des rayons X a montré l’existence d’unsystème polyphasique dans lequel ont été identifiées la cal-cite (CaCO3), la silice (SiO2), l’arcanite (K2SO4) et unefaible teneur en chaux vive (CaO). Les micrographes parMEB reportés à la fig. 2 montrent l’aspect textural et mor-phologique des poussières de four avant hydratation où il ap-paraît des cristallites de calcite (détail B gauche), de silice(détail A) ainsi qu’une condensation de sulfates et de chauxvive sur de la silice (détail B droit).

Après hydratation des CKD, la mise en œuvre de l’analysethermogravimétrique a permis de faire une estimation quanti-tative de la chaux, de la syngénite et de la calcite avec des te-neurs de 6 %, de 15 % et de 35 % respectivement.

La mise à contribution de ces techniques de caractérisa-tion sur les trois types de cendres volantes a permis demettre en évidence la présence d’une bosse ou d’un hallo si-tué aux alentours de la raie principale de la silice. Cet im-portant élargissement est attribué à la silice amorphe. Enoutre, d’autres phases sont identifiées comme étant de lamullite, de la silice cristallisée et de la magnésite dans le casdes cendres type C.

Pouzzolanicité des cendres volantes

Ce paramètre permet d’atteindre le pouvoir pouzzolaniqueà savoir l’évaluation de la contribution d’une cendre volanteà la résistance mécanique par substitution de 20 % de ci-ment. Le pourcentage de contribution est le rapport des ré-sistances obtenues pour chaque cendre volante sur larésistance de l’échantillon témoin, ce qui reflète le pourcen-tage de gain ou de perte en résistance mécanique. Les essaisont été menés à 7 et à 28 jours selon les normes C311–96a

et C618–96, et les résultats obtenus sont reportés dans le ta-bleau 3.

Selon les normes appliquées et utilisant 20 % commesubstitution en ciment, les mélanges à base de cendres vo-lantes F-C et C sont satisfaisants puisqu’ils présentent desrésistances à la compression supérieures à 75 % de la résis-tance de l’essai témoin. En ce qui concerne les cendres vo-lantes type F, une étude menée par Ravina (1998) aclairement marginalisé ces cendres par leur substitution avecun pourcentage important en sable dans les bétons.

Préparation des mélanges poussières defour et cendres volantes

En se basant sur des essais d’optimisation menés antérieu-rement (Rhouzlane 1997), la teneur en cendres volantesadoptée a été fixée à 10 % et le rapport eau/mélange estmaintenu à 30 %. Après malaxage, les échantillons sont mû-ris en chambre humide à différentes périodes (1, 3, 7, 28 et90 jours) et l’arrêt d’hydratation est réalisé par ajoutd’alcool isopropylique. Afin d’alléger le contenu, le suivi del’évolution minéralogique est donné dans certains cas uni-quement pour les poussières de four associées aux cendresvolantes du type C.

Analyses par diffraction des rayons X etpar microscopie électronique

L’hydratation et le mûrissement des poussières de four enprésence de cendres volantes type C amènent l’apparition,après moults transformations chimiques, d’une multitude dephases (fig. 3 et 4). Les divers paramètres régissant cetteévolution, entre autres, les produits de solubilité, font inter-venir différents ions spécifiques favorables à la formation decertaines phases minéralogiques. Selon la nature etl’importance des phases néoformées ainsi que des espècesdisponibles, un comportement particulier peut surgir etconditionner, en conséquence, les propriétés des systèmesélaborés. En ce sens et afin de simplifier la compréhensionde l’ensemble, une représentation par période de curesemble indispensable afin de cerner de façon rigoureuse lesdifférentes étapes faisant l’objet de cette approche. Le che-minement adopté incorpore deux domaines de réactivités oùle premier englobe les étapes I, II dans lequel la réactivitéproprement dite est attribuée aux poussières de four et le se-cond, impliquant les étapes III, IV et V, fait intervenir laréactivité des cendres volantes. L’évolution minéralogiquepar diffraction X est donnée en se basant sur l’intensité desraies principales des phases considérées rapportée àl’intensité de la raie la plus intense (I220) de la silice cristal-lisée en guise d’étalon interne. Toutefois, l’approche reste

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Éléments CKD CV type FCV typeF-C CV type C

SiO2 14,97 39,64 58,12 34,84Al2O3 5,78 17,51 21,96 17,44Fe2O3 2,08 4,27 3,77 6,91CaO 40,71 2,99 10,83 26,93MgO 1,25 1,46 1,46 4,93SO3 15,44 1,70 0,21 1,94K2O 5,04 0,66 0,92 0,30Na2O 0,27 2,15 0,58 1,19TiO2 0,69 0,63 0,67 1,35P2O5 0,04 0,40 0,08 1,79Mn2O3 0,04 0,06 ND 0,05SrO 0,06 0,21 ND 0,61Cl 0,69 0,004 ND 0,003P.A.F. (%) 0,69 29,37 0,83 0,29pH 12,49 9,28 11,62 11,74Cond. (mS/cm) 19,00 1,20 1,70 2,30Alcalinité (mg/L) 280 120 360 600TDS (mg/L) 610 1100 570 690

Nota : P.A.F., perte au feu; TDS, solides totaux dissous; ND, nondéterminé.

Tableau 1. Résultats des analyses chimiques (%).

Échantillon <% 20 µm <% 50 µm Cu (%) Cc (%)

CKD 93 97,5 1,10 1,00CV F 53 67 1,70 1,30CV C-F 58,5 76 2,00 1,55CV C 59 78 2,13 1,60

Tableau 2. Caractéristiques granulométriques des CKD et descendres volantes.

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une méthode qualitative à semi-quantitative puisqu’une telleestimation requiert une taille optimale des cristallites.

Étape I : Évolution après 24 h de mûrissementL’ensemble des réactions chimiques se produisant durant

cette période se résume par la formation de plusieurs phasesreprésentées par les équations suivantes :

[1] CaO H O Ca(OH)

Chaux libre Portlandite

+ →2 2

[2] CaSO 2H O CaSO H O

Anhydrite Gypse4 2 4 22+ → ⋅

[3] CaSO K SO H O K SO CaSO H O

Anhydrite Arcanite Sy4 2 4 2 2 4 4 22+ + → ⋅

ngénite

[4] 6Ca 2Al(OH) 3SO 4OH + 2H O24 4

22

+ − − −+ + +→ ⋅Ca Al (SO OH) 26H O

Ettringite6 2 4 3 12 2) (

[5] 3Ca 2HSiO 2OH 2H O242

2+ − −+ + +

→ ⋅Ca H Si O (OH) 3H O

Silicate de calcium hydraté3 2 2 7 2 2

L’équation [1] traduit tout simplement l’hydratation de lachaux libre en portlandite. En parallèle, d’autres réactions seproduisent et aboutissent à l’apparition du gypse (éq. [2]) etde la syngénite (éq. [3]). Ces deux produits de réaction se ca-ractérisent par la mise à contribution de l’anhydrite solubledisponible initialement dans les poussières de four. Tout enassurant la formation de la syngénite, l’arcanite en quantiténon négligeable dans le précurseur peut servir de réservoir en

ions sulfates qui, par interaction chimique avec les ions cal-cium issus de la chaux, amène l’apparition du gypse.

Mis en évidence par diffraction X sur les poussières ayantsubit le test d’extraction à l’acide salicylique, les aluminatesde formule Ca3Al2O6, en terme de liant C3A en fournissantles ions aluminates (Al(OH)4

–) mobilisent les groupementssulfates (SO4

2–) et les ions calcium pour entraîner la forma-tion de l’ettringite (Ca6Al2(SO4)3(OH)12·26H2O) (éq. [4]).Les groupements sulfates trouvent leur origine dans la pré-sence du gypse et l’arcanite, par contre, les ions calciumproviennent essentiellement du gypse, de la chaux et desaluminates. Une autre phase incarnée par le calcium langbei-nite identifié par DRX dans les CKD suite à l’extraction sé-lective menée par le test utilisant la chaux constitue unesource d’approvisionnement en certains éléments pour lesdifférentes réactions chimiques mises en jeu. L’équation (5)illustrant la réaction entre des entités CSH de compositiongénérale (HnSinO3n – 1)

2– avec les ions Ca2+ reflète la forma-tion de gel de silice. La stœchiométrie de l’hydrate formé etpris à titre d’exemple correspond à un rapport molaire deCa/Si = 1,5 et défini un gel de composition C1,5SH2,5. À cestade de l’hydratation, seulement l’alite (C3S) et la bélite(C2S) mises en évidence suite au test d’extraction à la chauxinterviennent comme fournisseurs d’éléments nécessairespour assurer l’effet de consolidation des CKD.

Étape II : Hydratation après 3 jours de mûrissementDans cet intervalle, l’évolution minéralogique se distingue

par une diminution drastique de la portlandite et du gypse. Ense fiant aux intensités des raies correspondantes, la moitié deces produits aurait réagi par l’entremise des ions Ca2+, SO4

2–

et OH– en entraînant un accroissement de la quantité del’ettringite déjà existante. À côté de cette transformation, lateneur en syngénite semble accuser une légère augmentation.Cependant, cet accroissement ne s’accompagne pas d’une ré-duction de l’intensité de la raie principale relative à l’arcanite.Cette dernière constitue un des réactifs propice à l’apparitionde la syngénite. Cette particularité peut résulter d’un arrange-ment et une organisation cristalline de la structure de la syn-génite avec une diminution de la largeur à mi-hauteur et unaffinement de la raie considérée. Une autre option consiste enla participation de l’anhydrite restant en tant que réactif dansles diverses réactions encourues par le système.

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Fig. 2. Aspect microscopique des poussières de four de cimenterie (MEB).

Échantillon 7 jours 28 jours Contribution (%)

Témoin 24,54 37,70 —CV C 30,85 38,83 3,00CV F 17,00 21,38 –43,30CV F-C 23,10 36,26 –3,80

Tableau 3. Résultats de Pouzzolanicité des cendres volantes (MPa).

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Étape III : Hydratation après 7 jours de mûrissementCette étape se distingue des deux premières par

l’interaction des cendres volantes manifestant, ainsi, uneévolution plus distincte où les produits les plus solubles,entre autres, l’arcanite est complètement consommée. Unsurvol du bilan matière laisse penser à une dissolution decette phase en fournissant les groupements sulfates qui enprésence d’aluminates générés par la réactivité des cen-dres volantes entraîne la formation de l’ettringite. Encontinuant de réagir, la portlandite, la syngénite et legypse contribuent également à l’accroissement de cettephase comme l’attestent leurs diminutions à 7 jours demûrissement.

Étape IV : Hydratation après 28 jours de mûrissementEn absence d’arcanite et devant une probable sous satura-

tion en ions Ca2+ dans l’eau interstitielle, le gypse ayant unesolubilité d’environ 2 g/L assure fortement la continuité dela réaction de formation de l’ettringite jusqu’à sa consom-mation totale. À la fin de cette période, uniquement troisphases identifiées par DRX persistent et se résument par lemaintien de la portlandite, de la syngénite et de l’ettringiteauxquelles s’ajoutent la calcite (CaCO3) et la silice (SiO2).En effet, le détail A de la fig. 5a s’apparente à de la portlan-dite en plaquettes, tandis que le détail B est caractéristiquedu gel de silice (CSH). Des grains de cendres volantes parmanque d’hydratation sont illustrés par la fig. 5b.

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Fig. 3. Spectres de diffraction X après différentes périodes de mûrissement.

Fig. 4. Évolution par DRX des principales phases du mélange CKD + CV type C.

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Étape V : Hydratation après 90 jours de mûrissementLes conditions existantes dans le milieu, quoique réduites,

amènent une croissance accrue de l’ettringite (fig. 5). En ef-fet et en absence d’arcanite et de gypse, la chaux assurantles ions Ca2+ et la syngénite par dissolution en fournissantles sulfates qui, dans des rapports convenables, provoquentla précipitation de l’ettringite. Cet équilibre chimique induitla réapparition de l’arcanite mise en évidence par analyse aumicroscope électronique à balayage (fig. 6c) sur laquelle descristaux de syngénite subsistent (fig. 6d).

Analyse thermogravimétrique

L’analyse thermogravimétrique et thermique différentielle(ATG-ATD) réalisée à l’aide d’une thermobalance Seïko apermis la quantification de certaines phases contenues dansles systèmes considérés en fonction de la perte en poids en-registrée durant l’expérimentation. L’échantillon, introduitdans une nacelle, est soumis à un chauffage avec une vitessede 10°C/min jusqu’à 1100°C sous courant d’azote avec undébit de 200 mL/min.

L’évolution massique de certaines phases accusant uneperte en poids reportée dans la figure 7 corrobore tout à faitles observations faites par diffraction X.

Le tableau 4 rassemble l’ensemble des résultats obtenussur les trois mélanges à base de poussières de four et destrois cendres volantes considérées.

Tout comme le système précédent, il apparaît une certaineconcordance entre la DRX et l’analyse par ATG. Cependant,les mécanismes réactionnels sont différents du fait que lesprécurseurs sont de nature minéralogique variable.

Analyse par spectroscopie électroniqueinduite par les rayons X (XPS)

Ce volet a concerné les poussières de four avant et aprèshydratation (CKD 1 et CKD 2) ainsi que leurs mélangesavec les cendres volantes du type C après 28 et 90 jours demûrissement. Les résultats obtenus sont reportés dans le ta-bleau 5.

L’analyse des niveaux Ca2p3/2 relatifs au calcium pour lesCKD avant hydratation montre une énergie de liaison de348,0 eV. Valeur supérieure aux données de la littérature,puisque ce niveau énergétique est relevé à 346,3, 346,5,346,8 et 347,4 eV pour les phases CaO, C3S, CaCO3 etCaSO4 respectivement (Sugama et al. 1989; Long et al.1998). L’apport des cendres volantes n’entraîne pas de varia-tion importante des énergies de liaison. En ce qui concerneFe2p3/2, le niveau mesuré (710,4 eV) est relativement iden-tique à celui de Fe2O3 (710,7 eV). Après hydratation, il ap-paraît un gain en énergie de liaison d’environ 2 eV, puisquela valeur mesurée est de 712,3 eV. Ce gain peut être attribuéà une interaction chimique de l’oxyde ferrique pour formerdes hydrates (Fe2O3·nH2O). Le soufre S2p avec une énergiede 170,4 eV est moins bien défini mais il est attribué à dessulfates. Le potassium présent initialement sous formed’arcanite (K2SO4) identifiée par DRX et MEB se caracté-rise par des énergies de liaison de 294,3 eV. Après hydrata-tion, un déplacement d’environ 0,6 eV est observé. Engénéral, les niveaux Al2p ne semblent pas être affectés par

l’hydratation ni par l’ajout des cendres volantes. En outre etquelle que soit la durée de mûrissement, aucune variation si-gnificative dans les énergies de liaison n’est observée. Ce-pendant, les énergies relevées sont plus élevées par rapportAl2O3·3H2O (74,0 eV) (Sugama et al. 1989).

Analyse par spectrométrie infrarouge (IR)

L’analyse a concerné le mélange CKD + CV type C aprèshydratation et mûrissement en présence d’humidité à 1, 3, 7, 28et 90 jours. La figure 8 illustre les différents spectres obtenus.

Plusieurs bandes d’absorption sont relevées pour les pous-sières de four non hydratées parmi lesquelles existent des vi-brations situées à 1480, 876 et 714 cm–1 attribuées auxgroupements carbonates caractéristiques de la calcite (Ghosh1978; Matousek et Sauman 1974). Un pic de faible intensitésitué à 982 cm–1 définit les tétraèdres nSiO4

4– à côté duquelapparaît une bande à 457 cm–1 de la vibration nSi-O (Luxanet al. 1989; Feng et Yang 1997). La dolomite en très faibleteneur est confirmée par la présence d’une très faible vibra-

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Fig. 5. (a) et (b) Aspect microscopique des poussières de four etCV type C après 28 jours de mûrissement.

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tion observée à environ 727 cm–1. La présence del’anhydrite dans les poussières de four (CaSO4) estconfirmée par les bandes relevées à 1158, 677, 613 et596 cm–1 (Ghosh et Handoo 1980; Barkakati et al. 1993;Luxan et al. 1989). Après hydratation des CKD et un mûris-sement de 24 h, une nouvelle vibration apparaît à 3645 cm–1

attribuée aux groupements hydroxyles –OH de la portlandite

suite à l’hydratation de la chaux libre (Lilkov et al. 1997).Cette bande est localisée dans un massif situé entre 3000 et3800 cm–1. N’étant pas affectées par l’hydratation, les ban-des de vibration de la calcite (876 et 714 cm–1) restent sensi-blement inchangées. Comme produit d’hydratation, il seforme aussi de l’ettringite reconnue grâce à sa bande loca-lisée à 3404 cm–1 ainsi que le gypse à 1124 cm–1.

L’influence de la durée de mûrissement allant jusqu’à90 jours entraîne une diminution de la vibration située à3645 cm–1 caractéristique de Ca(OH)2. Cette diminution ob-servée par diffraction X et quantifiée par thermobalance peuts’expliquer par une interaction chimique de cette espèceavec d’autres ions pour former de nouveaux produits, entreautres, les CSH. En effet, le pic situé entre 970 et 964 cm–1

désigné comme étant une vibration propre au CSH (Lilkovet al. 1997) semble accuser une certaine augmentation avecla durée de mûrissement surtout à 28 et à 90 jours. En paral-lèle, un déplacement est observé pour la bande attribuée àH2O de l’ettringite. En effet, les bandes sont relevées à :3404, 3418 et 3428 cm–1 après 3, 7, 28 et 90 jours de mûris-sement. Ce décalage peut être le résultat d’une modification

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Fig. 6. Aspect microscopique du mélange CKD et CV type C : (a) ettringite en croissance sur des cendres volantes; (b) cristauxd’arcanite après recristallisation; (c) syngénite déposée sur des cristaux d’arcanite.

Fig. 7. Évolution minéralogique du système CKD + CV type Cpar thermogravimétrie.

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des molécules d’eau par l’ettringite. Cependant, la présencede la syngénite mise en évidence par DRX, en présentantdes vibrations aux nombres d’onde similaires à l’ettringite,peut entraîner une certaine interférence. Le suivi des bandesd’absorption relative au gypse situées à 1622 cm–1,1124 cm–1 et à 602 cm–1 après mûrissement à 3, 7, 28 et90 jours laisse apparaître une diminution très importanteaprès 90 jours, contrairement à l’analyse menée sur les mê-mes échantillons par DRX, où la disparition du gypse est re-levée seulement après 28 jours de cure.

Influence des cycles de gel–dégel

Cet essai a été réalisé selon la norme ASTM C 666–84modifié selon la durée du cycle, où 12 h ont été adoptées aulieu de 24 h usuellement utilisées pour les bétons. Cette mo-dification est une conséquence de la fragilité des systèmesélaborés vis-à-vis de ce paramètre de durabilité. La figure 9illustre le comportement des mélanges réalisés avec lenombre de cycles.

La perte en masse suit deux tendances, où la première sefait selon une vitesse faible et se traduit par l’écaillage dessurfaces suite aux chocs thermiques. La deuxième phase semanifeste plus rapidement et concerne la fissuration interne,puisque les solides préparés se déconsolident suivant lesplans associant les couches compactées. Cependant, la com-paraison entre les mélanges présentés laisse apparaître unerésistance au gel–dégel plus faible pour le mélange CKD +CV type C et CKD + CV (C-F). Cette particularité est at-tribuée à la teneur élevée en chaux libre qui, en présenced’une source d’eau, s’hydrate continuellement en entraînantdes effets expansifs. En outre, la solubilité de la chaux peutsaturer l’eau interstitielle permettant ainsi la formation de laglace plus facilement. Dans le cas d’une barrièred’enfouissement et hormis les côtés latéraux, la barrière se-lon la profondeur peut être insensible aux effets du gel–dé-gel. Cependant, la considération d’une barrière derecouvrement requiert la mise en place d’une couche deterre végétale équivalente à la profondeur de pénétration du

gel dans le sol afin de s’éloigner de ce front de gel. Faireappel à l’utilisation d’entraîneurs d’air est une option per-mettant de réduire les méfaits du gel–dégel, cependant sonadoption amène une faisabilité économique onéreuse.

Essai de gonflement

Après avoir déterminé la teneur en eau optimale, leséchantillons sont compactés à l’énergie Proctor modifié dansdes moules CBR (Californium Bearing Ratio) selon lanorme ASTM D-1883–87. Chaque moule est ensuite placédans une cuvette d’eau pour simuler la proximité d’unenappe souterraine (Ballivy et Bellaloui 1999; Bellaloui etBallivy 1999; Bellaloui et al. 2000). À l’aide d’un compara-teur, le déplacement vertical dû au déplacement est suivicontinuellement jusqu’à stabilisation de l’évolution volumé-trique. Le comportement évolutif résultant est reporté à la fi-gure 10.

L’analyse du potentiel expansif montre que l’associationdes poussières de four avec les cendres volantes du type Cmanifeste un gonflement relativement plus élevé que le mé-lange à base de cendres du type F. Cette expansion est at-tribuée principalement à la formation de l’ettringitesecondaire.

Essai de lixiviation

Afin de vérifier le comportement environnemental desmélanges, les mélanges mûris à 7 et à 28 jours en chambrehumide ont été soumis à des essais de lixiviation inspirés dela méthode TCLP « toxicity characteristic leaching proce-dure » (U.S. Environmental Protection Agency 1993). Cetteméthode consiste à soumettre des échantillons solides sus-pendus à un fil dans un volume d’eau déionisée équivalent à20 fois le volume du solide. Après agitation sur une plaquemagnétique durant 24 h, le lixiviat récupéré est filtré sur unfiltre de 45 µm. Les cylindres utilisés ont été conçus parcompactage au maximum Proctor (ASTM D698–78) dans unmoule de 20 cm de diamètre, dans lequel les cylindres desti-nés à l’essai sont récupérés par forage à sec. Les analyseschimiques ont concerné uniquement les ions chlorures et leplomb et sont reportées dans le tableau 6.

En comparaison avec les CKD sans ajouts, les résultatsobtenus sur la lixiviation des ions chlorures indiquent unecertaine consolidation des CKD par l’apport des cendres vo-lantes. Cet apport est synonyme d’un piégeage ionique ausein de la matrice cimentaire par une imbrication des phasesnéoformées. En ce qui concerne le plomb, les teneurs sontinférieures à 0,02 mg/L soit en dessous de la limite de détec-tion de l’appareillage. Cependant, ces teneurs sont inférieu-res à celle relevée pour les poussières de four de cimenteriesoit 0,046 mg/L.

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3 jours 7 jours 28 jours 90 jours

Portl Gyp Syn Portl Gyp Syn Portl Gyp Syn Portl Gyp Syn

CKD + CV F 4,93 17,84 16,4 6,58 19,10 18,22 4,10 0 14,60 0 0 0CKD + F-C 5,34 17,80 16,40 5,75 19,10 20,05 3,30 0 19,10 3,30 0 21,86CKD + CV C 4,52 18,5 14,58 7,00 22,9 14,57 3,70 0 21,86 4,52 0 16,40

Nota : Portl, portlandite; Gyp, gypse; Syn, syngénite.

Tableau 4. Résultats des analyses thermogravimétriques (%).

CKD 1 CKD 2 28 jours 90 jours

O (1s) 533,1 533,1 532,5 533,0Al (2p) 75,4 75,6 75,3 75,5Si (2p) 101,7 — 101,9 101,3C (1s) 291,0 290,9 290,4 290,8K (2p3/2) 294,9 294,9 294,3 295,1Ca (2p3/2) 348,7 348,8 348,0 348,5S (2p) 170,9 171,0 170,4 171,1Fe (2p3/2) 712,3 — 710,4 —

Tableau 5. Résultats des énergies de liaison (eV).

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Discussion et conclusion

L’analyse par diffraction X réalisée sur les solides fraîche-ment préparés à partir des poussières de four a permis demettre en évidence l’existence de systèmes polyphasiquesidentifiés comme phases majoritaires de la silice, de la cal-

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Fig. 8. Spectres infrarouges pour le mélange CKD + CV type C à divers degrés de mûrissement.

Fig. 9. Comportement des mélanges vis-à-vis du gel–dégel. Fig. 10. Expansion des mélanges.

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cite, de la portlandite, de l’ettringite et dans certains cas par-ticuliers de nouvelles phases définies comme étant du gypseet de la syngénite. Ces phases sont les termes finaux de plu-sieurs transformations chimiques dans lesquelles intervien-nent différents ions spécifiques de nature à influencer lesdifférentes étapes réactionnelles en favorisant la prépondé-rance de l’action pouzzolanique sur l’action expansive ouvice-versa. En effet et en absence de cendres volantes, il ap-paraît en général des effets expansifs attribués à la forma-tion, entre autres, de l’ettringite secondaire et du gypse.

Le suivi de l’hydratation des mélanges à base de poussiè-res de four et de cendres volantes après divers degrés de mû-rissement montre une évolution dans laquelle lesgroupements sulfates et les ions calcium nécessaires à la for-mation de certaines phases trouvent leur origine selon la dis-ponibilité en produits sources comme l’anhydrite oul’arcanite. Au fur et à mesure de l’avancement du tauxd’hydratation, d’autres sources interviennent et prennent lerelais suite à l’épuisement des sulfates initialement présentsdans les précurseurs.

En effet, les poussières de four mélangées aux cendres vo-lantes manifestent un comportement illustré par l’apparitionde l’ettringite, de la portlandite, du gypse ainsi que de lasyngénite. Une partie de l’arcanite présente en quantité nonnégligeable dans les poussières initiales reste non réagi. Sacontribution dans les différentes réactions se résume parl’alimentation en sulfates permettant, ainsi, un accroissementde l’ettringite et de la syngénite. La réactivité tardive descendres volantes entraîne une consommation totale du sul-fate alcalin. En parallèle, une diminution de la portlanditeest relevée et se traduit par une combinaison avec la siliceamorphe assurée par la présence des cendres volantes. Cetteinteraction conduit normalement à la formation du gel de si-lice indispensable à l’effet de consolidation. Ce produit néo-formé de caractère amorphe ne peut être détecté par DRX.Cependant la mise en œuvre de la spectroscopie infrarougelaisse apparaître une certaine augmentation de ce gel enfonction de la durée de mûrissement.

L’analyse thermogravimétrique menée sur l’ensemble deséchantillons confirme les résultats obtenus par DRX, ce quia permis de faire une estimation de certaines phases accusantune décomposition lors du traitement thermique.L’observation à l’échelle microscopique en mettant à profitla microscopie électronique à balayage (MEB) a conduit à lavisualisation de la morphologie texturale des différentes pha-ses étayée par une confirmation des résultats obtenus par lesautres techniques expérimentales.

La mise à contribution d’un dispositif expérimental simu-lant la proximité d’une nappe souterraine a permis de suivrele développement des effets expansifs des mélanges élabo-rés. Les phénomènes de gonflement engendrés par le déve-

loppement de certaines phases durant et après le mûrisse-ment se manifestent par une croissance cristalline dans lapâte confinée en remplissant les pores et, par chevauche-ment, provoquant des pressions internes susceptibles de gé-nérer des soulèvements. En général, pour des poussières defour riches en groupements sulfates, une réduction du poten-tiel expansif nécessite l’apport en cendres volantes du typeC-F riche en silice. En effet, la manifestation de la réactionpouzzolanique se traduit par un développement de gel deCSH assurant une meilleure cohésion et pouvant contrecar-rer les contraintes liées à la présence des sulfates.

De l’ensemble des systèmes abordés, il apparaît une meil-leure réactivité pour les cendres volantes C-F et à un degrémoindre pour les cendres de type F. Au contraire, les cen-dres volantes de type C se caractérisent par un comporte-ment médiocre par leurs associations avec les poussières.Les piètres performances de la cendre volante de type F parrapport à celles de la cendre volante C-F s’expliquent parson faible pouvoir pouzzolanique.

En outre et en regard des résultats obtenus par les autrestechniques de caractérisation, l’allure des courbesd’expansion des divers mélanges laisse penser à des proces-sus réactionnels différents par leurs modes d’action. La miseen jeu de phases minéralogiques de nature différente condi-tionne fortement la vitesse et la durée du processus expansifjusqu’à stabilisation. Cette suggestion est contrôlée par unétat d’équilibre s’établissant entre les réactions expansives etles réactions induisant l’effet inverse.

Pour une barrière de recouvrement, un des paramètres re-quis pour la stabilité est la résistance vis-à-vis des cycles degel–dégel. Quoique modifiée selon la durée, cette procédurea montré les limites de résistance caractérisant les mélangesélaborés. Ces systèmes s’avèrent très vulnérables et laissentune certaine appréhension dans l’applicabilité. Néanmoins,l’introduction d’entraîneurs d’air et (ou) la mise en placed’une couche de terre végétale d’une hauteur équivalente aufront de gel dans le sol peuvent annihiler cet inconvénient.

Parmi les critères de sélection figure la résistance à la lixi-viation de la matrice. En comparaison avec les poussières defour seules, les essais de lixiviation menés par l’entremise dela méthode TCLP sur les mélanges de poussières de four etde cendres volantes après 28 jours de mûrissement confir-ment la consolidation de ces systèmes.

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7 jours 28 jours

pH Cond. (mS/s) Cl (mg/L) Pb (mg/L) pH Cond. (mS/s) Cl (mg/L) Pb (mg/L)

CKD 12,50 19 360 0,046 12,2 19 ND NDCKD+CV (F) 11,80 0,7 180 <0,02 11,42 0,7 218 <0,02CKD+CV (F-C) 11,69 0,8 204 <0,02 11,60 0,8 169 <0,02CKD+CV (C) 11,63 0,9 204 <0,02 11,46 0,7 196 <0,02

Tableau 6. Résultats des analyses chimiques après lixiviation.

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