analyse morphologique et images de la ville

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ANALYSE MORPHOLOGIQUE ET IMAGES DE LA VILLE. CAS DES FAÇADES DU DAMIER COLONIAL À BISKRA. BELAKEHAL Azeddine, SRITI Leila, BOUSSORA Kenza* et FARHI Abdallah. Cette recherche a été menée au département d'architecture de l'université KHIDER Mohamed (Biskra) dans le cadre d'un projet de recherche CNEPRU intitulé 'Système Morphologique de l'architecture coloniale. Le cas du damier colonial de Biskra' (code: G : 07/01/2004) LACOMOFA (Laboratoire de Conception et de Modélisation des Formes et des Ambiances Urbaines et Architecturales ) Département d’Architecture, Université KHIDER Mohamed Biskra *Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme, Alger.

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ANALYSE MORPHOLOGIQUE ET IMAGES DE LA VILLE.CAS DES FAÇADES DU DAMIER COLONIAL À BISKRA.

BELAKEHAL Azeddine, SRITI Leila, BOUSSORA Kenza* et FARHI Abdallah.

Cette recherche a été menée au département d'architecture de l'université KHIDER Mohamed (Biskra) dans le cadre d'un projet de recherche CNEPRU intitulé 'Système

Morphologique de l'architecture coloniale. Le cas du damier colonial de Biskra' (code: G : 07/01/2004)

LACOMOFA (Laboratoire de Conception et de Modélisation des Formes et des Ambiances Urbaines et Architecturales )

Département d’Architecture, Université KHIDER Mohamed Biskra

*Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme, Alger.

INTRODUCTION

Le damier colonial de la ville de Biskra est une des illustrations de ces noyaux urbains se trouvant, aujourd’hui, à la marge de la ville dans un état de dégradation physique et de marginalisation socio-urbaine compromettant sa survie.

Pourtant, en tant qu’héritage urbain et architectural colonial, le damier participe d'une réalité territoriale, sociale, économique et occupe, de par ses qualités historiques, symboliques et patrimoniales une position singulière dans la ville.

Malheureusement, il a rarement fait l’objet d’études consistantes, peut être du fait de son statut même d’héritage colonial "encombrant".

Fondée sur l’approche morphologique, cette étude se fixe comme objectif la détermination des caractéristiques morphologiques des façades de l’architecture coloniale à Biskra.

Le résultat escompté est de fournir les moyens pouvant garantir une préservation d’un esprit évolutif et/ou un renouvellement en harmonie avec le passé.

L’APPROCHE MORPHOLOGIQUE 

L’approche morphologique de l’architecture se situe, vraisemblablement, dans la continuité des courants théoriques fondés dans l’objectif d’investir scientifiquement l’univers du subjectif, en particulier, le domaine artistique.

Elle tente, à travers la formalisation et la modélisation des phénomènes expérimentés, de construire artificiellement des configurations spatiales, à établir ‘une science du mouvement et de la suggestion perceptive’

Considérer la façade en tant que système morphologique, englobant des systèmes inférieurs et englobés dans d’autres systèmes supérieurs, nous permettra de déterminer non seulement les rapports entre les différents éléments de la façade en tant que simples relations mais surtout les règles de jeu entretenant ces rapports au sein d’un support structural défini.

DEMARCHE ANALYTIQUE DE L’APPROCHE MORPHOLOGIQUE

Codage Toutes les façades du corpus ont été représentées graphiquement et ensuite codées pour faciliter l’analyse. Un second but du codage est d’éviter la verbalisation, car celle-ci définit conceptuellement les caractères morphologiques et les regroupe en classes trop vastes difficilement manipulables.

Décomposition / SegmentationLes différentes façades du corpus sont considérées comme étant composées de “ parties à analyser ”. Ce principe suppose que deux façades distinctes A et B, peuvent être composées de parties susceptibles de présenter des ressemblances ou des différences. Il s'agit, donc, de rechercher des propriétés communes aux différentes façades.

StructurationA ce niveau de l’analyse, il s'agit de construire une grille dépendante des façades à analyser. Elle permettra l’analycité intrinsèque des parties discernables.

LE CORPUS D’ÉTUDE

Le corpus considéré est composé d’une collection de 190 façades d’habitations construites durant l’époque coloniale. Les relevés de façades ont été effectués dans les sections cadastrales 61, 62, 63, 64, 90 et 91 du damier colonial de la ville de Biskra.

N

Vue aérienne de la section cadastrale n° 62 du damier colonial de la ville de Biskra.

Ces façades se présentent comme des entités morphologiquement cohérentes et homogènes correspondant à des divisions parcellaires. Chaque façade correspond, généralement, à la paroi bâtie sur rue de la parcelle correspondante.

RÉSULTATS ET INTERPRETATIONS

Décomposition

Les premières investigations sur les éléments du corpus réuni ont révélé, un ensemble varié et cohérent d’attributs pouvant caractériser les façades analysées. Chacune présentait en effet, un ensemble de baies, plus ou moins décorées, quelquefois des balcons, souvent des cordons, chaînes, corniches...

Ces derniers éléments sont récurrents. Ils marquent des discontinuités manifestes des parois architecturées (façades), permettent de lire ces dernières selon une organisation horizontale susceptible de fonder leur mode de structuration et autorisent la décomposition de la façade coloniale en parties ou segments distincts et comparables

Discontinuités horizontales

Un tel procédé de décomposition appliqué à tous les spécimens du corpus, a permis de décrire morphologiquement les façades analysées sous la forme générique d’une partition horizontale. Il a été admis que cette partition horizontale peut être considérée comme une structuration horizontale primaire des façades.

La poursuite de ces observations fait remarquer que cette première structuration d’ensemble, présente, en réalité, une structuration fine en sous ensembles morphologiques distincts qui sont en fait tous les percements de baies, avec leurs décorations, les balcons, etc. organisés sous forme de séquences

La partition horizontale des façades qui a été considérée comme une structure primaire définit, en somme, un canevas sur quoi sont répartis des ensembles d’éléments morphologiquement distincts, organisés en niveaux de composition délimités.

Il est à préciser que les niveaux sont indépendants de l’étagement, en ce sens qu’ils peuvent correspondre à un ou plusieurs étages et se trouver diversement répartis sur des édifices de même étagement.

Enfin, à cette structuration primaire, vient se superposer une structure secondaire qui résulte, soit de variations différentielles du décor porté sur les baies, soit de la disposition de celles-ci en sous- ensembles de composition. Les entités morphologiques ainsi produites, segmentent les séquences de baies du niveau et produisent une structure organisatrice du réseau fenestré.

Finalement, deux modalités organisationnelles, intervenant conjointement, paraissent alors devoir être distinguées :

1. L’ensemble des discontinuités horizontales qui subdivisent la façade en entités morphologiques superposées ; ce qui a été désigné par « structuration lysée » ; et leurs corollaires : les niveaux de composition ;

2. La structuration fine de ces entités en sous ensembles possédant des attributs distincts (décoration commune, disposition,…) permettent de les réunir selon une structuration secondaire ; ce qui a été appelé « structuration secondaire ».

Structuration primaire des façades

La paroi architecturée qu’est la façade coloniale avec son réseau de percements, présente un certain nombre de saillies filantes (parfois des retrais, des plaquages…) sur le nu du mur.

Cette modénature variée de cordons, bandeaux, corniches…, engendre des discontinuités ou lyses définissant des structurations secondaires du réseau fenestré.

Ces saillies ou autres éléments délimitant les lyses, peuvent répondre à des exigences constructives : arases de niveau des planchers ou des baies, chaînes horizontales, gouttière, soubassements,… etc.

Mais c’est surtout comme décor porté contribuant à la structuration d’une composition qu’il faut les considérer mis à part toute explication réduite à leur stricte fonctionnalité technique.

Structurations lysées

Structuration en niveaux de composition délimités

Edifice à 3 étagements (RDC +2, et comble); ne=3 Chaque étage est souligné par une lyse ; 3 niveaux de composition nc=3

Edifice à 3 étagements (RDC +2, et comble); ne=3 le première étage est lié au RDC par suppression de la lyse intermédiaire; 2 niveaux de composition nc=2

Edifice à 3 étagements (RDC +2, et comble); ne=3 les 3 étagements sont liés par suppression des lyses intermédiaires; 1 seul niveau de composition nc=1

Les discontinuités du parement provoquées par les éléments de modénature horizontales divisent le réseau fenestré en niveaux de composition.

Un niveau est un ensemble de percements (une rangée d’ouvertures disposées horizontalement) qui peut être unique, double, triple… etc.

Sur l’ensemble des configurations probablement déterminées au moyen de lyses horizontales sur une façade d’un édifice à deux étages sur Rez-de-chaussée et avec comble ou mur de terrasse (typologie courante dans le corpus analysé) et en épuisant toutes les permutations possibles il a été possible d’obtenir seize configurations probables sur la base d’une structuration lysée des façades.

Absence de lyse matérialisée

Présence d’une lyse

Présence de 2 lyses

Présence de 3 lyses

Présence de 4 lyses, dispositif saturé

Analyse des structurations lysées

Ainsi, en utilisant les 16 configurations obtenues et en les appliquant aux 190 spécimens du corpus, il a été remarqué que certaines de ces configurations ne sont pas utilisées, d’autres sont au contraire, privilégiées.

Le comptage effectué a révélé que la majorité des façades examinées possèdent un seul niveau de composition (65 %) tandis que celles avec deux et trois niveaux de composition ne représentent ensemble que le tiers du corpus, respectivement 28 % et 7 %.

Relations de cooccurrences des traits morphologiques définissant la structuration primaire

L’examen de la combinatoire des variables de caractérisation morphologique identifiés plus haut et définissant le niveau de structuration primaire, a été mené dans le but de mettre en évidence les relations de coexistence (cooccurrences) des segmentations horizontales et de leurs traits distinctifs, ainsi que leur organisation et expression sur les différentes façades.

Le logiciel Statistica a permis différentes manipulations dont l’analyse des correspondances. Statistiquement parlant, cette dernière technique permet de déceler les liens existants entre les modalités des variables qualitatives.

Les caractéristiques prises en compte pour l’analyse des correspondances sont : i) la position et la composition des lyses horizontales, ii) le nombre de niveaux de composition, iii) la syntaxe de la façade, et iv) la section cadastrale.

Il sera donc question de rechercher quelle caractéristique est en liaison avec telle autre caractéristique, toujours dans le même ensemble de données (celles du corpus étudié).

Position des lyses horizontales / Nombre de niveaux 

L’analyse des correspondances a montré que parmi les diverses positions de lyse horizontale, deux sont liés au nombre de niveaux : i) la position haute et basse pour les façades d’un seul niveau de composition, et ii) la position basse avec celles à deux niveaux de composition

T a b le d 'E n trée (L ignes : N om bre de n iveaux x Co lonnes : P os i ti on des l ys es ) : 3 x 10

Coord .L . Coord .C .

1

2

3

HI

HIB

B

HB

IB

HNéa nt

H II1HII1BII1B

-4 ,5 -4,0 -3 ,5 -3,0 -2 ,5 -2 ,0 -1,5 -1,0 -0 ,5 0 ,0 0 ,5 1 ,0

D im ens ion 1 ; V a leu r P rop re : ,56980 (68 ,54 % d 'Ine rtie )

-1 ,0

-0,8

-0,6

-0,4

-0,2

0 ,0

0 ,2

0 ,4

0 ,6

0 ,8

1 ,0

Dim

ensi

on 2

; Val

eur P

ropr

e : ,

2614

9 (3

1,46

% d

'Iner

tie)

Position des lyses horizontales / Syntaxe  

L’analyse des correspondances a permis de dégager quelques dépendances entre la position des lyses horizontales et la syntaxe : i) la syntaxe en translation et celle en symétrie pour les façades à lyses horizontales haute et intermédiaire (HI) et celle basse (B), ii) la syntaxe en translation symétrie pour les lyses de position haute, intermédiaire et basse (HIB), ainsi que iii) syntaxe irrégulière ou sans éléments pour les façades sans lyses

T ab le d 'E n trée (L ignes : P os i tion des lys es x C o lonnes : S yn taxe) : 10 x 5

Coo rd.L . Coo rd.C .

H I

H IB

B

HBIBH

Néan t

H II1HII1BII1B

T S

T

I

S

NE A N T

-3 ,0 -2 ,5 -2 ,0 -1 ,5 -1 ,0 -0 ,5 0 ,0 0 ,5 1 ,0D im ens ion 1 ; V a leur P ro pre : ,18619 (62 ,1 8 % d 'Ine rtie )

-1 ,0

-0 ,8

-0 ,6

-0 ,4

-0 ,2

0 ,0

0 ,2

0 ,4

0 ,6

0 ,8

1 ,0

Dim

ensi

on 2

; Val

eur P

ropr

e : ,

0660

8 (2

2,07

% d

'Iner

tie)

Elle a permis, également, d’en dégager d’autres entre la composition des lyses horizontales et la syntaxe : i) la composition haute simple, intermédiaire simple et basse simple (HSISBS), ii) haute multiple, intermédiaire simple et basse simple (HMISBS) avec la translation symétrie, et iii) la haute simple (HS) et sans lyses (néant) avec l’irrégulière. Les façades sans éléments correspondent à la composition haute multiple intermédiaire multiple (HMIM).

T racé 2D des C oordonnées Lig ne (Section) & C olonne (C omposition de la lyse hor izontale) ;D imension : 1 x 2

C oord.L. C oord.C .

61

62

63

64H M IS

H M ISBS

BS

H SBS

ISBS H M

H M BS

N éant

H S

H SISBS

H M IMH M IM BS

H SIS

H M ISI1SH M ISI1SBSISI1SBS

0,00 0,25 0,50 0,75 1,00 1,25

D imension 1; Valeur Propre : ,41612 (53,26 % d' Iner tie)

-1,00

-0,75

-0,50

-0,25

0,00

0,25

Dim

ensi

on 2

; Val

eur P

ropr

e : ,

2893

2 (3

7,03

% d

'Iner

tie)

Composition des lyses horizontales /   Syntaxe

De par sa situation trop proche de l’origine du repère du nuage, la syntaxe en translation n’est pas exclusive à un cas particulier de composition de lyse horizontale

STRUCTURE OU SYSTÈME DE FAÇADES 

A la lumière des résultats obtenus et tenant compte de l’idée stipulant que le système est caractérisé par une dynamique compositionnelle et à la fois par une dynamique relationnelle où composantes et relations sont en perpétuelle mutation, il est autorisé d’affirmer que le statut de système morphologique ne peut être attribué au corpus des façades coloniales investi par cette recherche.

En effet, la dynamique compositionnelle des façades n’est pas à proprement parler accompagnée d’une dynamique relationnelle. Autrement dit, le changement d’une composante quelconque de la façade, au niveau de sa structuration primaire, n’implique nullement un changement de relation entre cette composante et ses corollaires.

Les changements demeurent restreints à certaines composantes et relations sans pour autant englober l’ensemble.

Etant cela, l’étude des façades des habitations du damier colonial de Biskra révèle que celles-ci renferment une structure plutôt qu’un système morphologique.

La démarche préconisée a proposé un modèle analytique des structurations des conformations d’un échantillon de façades coloniales. Les caractérisations morphologiques que ce modèle retient paraissent généralisables sous certaines conditions hors du corpus particulier qui est traité.

CONCLUSION

L’application du modèle aux façades du corpus a mis en évidence certaines cooccurrences morphologiques propres à l’architecture coloniale étudiée mais n’a pas permis de dégager des lois d’organisation engendrant un système. L’architecture étudiée relève d’une organisation qui fait prévaloir un ensemble de structurations formelles coordonnées et superposables plutôt qu’un véritable système de formes.