la paroi subverticale, unité morphologique. contribution à une réflexion épistémologique en...

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Extrait de la Re vue Noro· is N° 95 bis de 1977 La paroi subverticale, unité morphologique Contribution à une réflexion épistémologique en Géomorphologie par J. SCHROEDER Université du Québec. Montréal Observa nt un e paroi s ubv e rti ca le, on n 'y voit général ement qu' un e topo graphie homogène dont la monotoni e n'est perturb ée que par une corniche ici, un s urplomb là ... Pourt a nt , à l'observate ur qui l'escalade, elle offre un e va riété de formes différent es, de déca- triqu es à millimé triqu es, qui - à ce tt e grand e éche ll e- pe uv ent la faire considérer à l'égal d' un paysage, même si évidemm ent , la part de l'érosion y est grand e. De la difficult é à eff ect uer les obser- va tion in situ , il découle qu e, da ns la littéra ture, la paroi n 'est ha bitu e ll ement signal ée qu e par sa fonction morpho logique pr e- mière : aliment er en débris les talu s, alors que tou s les a utr es élé- ment s du paysage sont é tudi és pour eux-mêmes (e n plus des fonc- tion s qu'ils ass ur ent dan la dynamique de ce dernier). Dépass ant don c le ca dr e de ha bitu el, nous tenton s de poser le plus cla irement po ss ible le probl ème de l'é tud e de la paroi, qua nd on la con sidère comme un e enfil é morpholo giqu e. Pui s, so nt envisagés les prin cipa ux facteurs à é tudi er, et enfin, à titr e d'exempl e, le problème de la colonisation végétale de la paroi calca ire en climat océa niqu e et ses ra pport s avec l'érosion s ont envisagés. LE PROBLi:ME En omorpho logie, le paradigme ( 1) domin a nt ac tu el ou mod èle de croy an ces a dmi ses par la ma jorit é du << collège in visible '> (2), définit le paysage comme << une s urf ace de cont act. au sens ph ys ique du te rm e '> (3) rés ult a nt de l' int erac tion de forces a nt agonistes int ernes et ext e rn es dur a nt un temp s donn é. Dans ce modèl e, les (1) Th . S. KuHN, 1972, p. 20 6 et s uiv a nt es s urt o ut. (2 ) J. M. ZIMA N, 1968. (3) J. TRI CART, 1968, p. 8.

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Extrait de la Revue Noro·is N° 95 bis de 1977

La paroi subverticale, unité morphologique

Contribution à une réflexion épistémologique en Géomorphologie

par J. SCHROEDER

Université du Québec. Montréal

Observant une paroi subvertica le, on n 'y voit généralement qu 'une topographie homogène dont la monotonie n 'est perturbée qu e pa r une corniche ici, un surplomb là ... Pourtant, à l'observa teur qui l'esca lad e, elle offre une variété de formes différentes, de déca­métriqu es à millimétriques, qui - à cette grande échelle - peuvent la faire considérer à l'éga l d 'un pa ysage, même si évid emment, la part de l'érosion y est grand e. De la difficulté à effectuer les obser­vation in situ , il découle qu e, dans la littérature, la paroi n 'est habituellement signalée que par sa fonction morpho logique pre­mière : alimenter en débris les talus, alors qu e tous les autres élé­ments du paysage sont étudiés pour eux-mêmes (en plus des fonc­tions qu 'ils assurent dan la dynamique de ce dernier). Dépassant donc le cadre de pens ~es habituel, nous t entons de poser le plus clairement possible le problème de l'étude de la paroi , qu and on la considère comme une enfilé morphologique. Puis, sont env isagés les principaux fact eurs à étudier , et enfin , à titre d 'exemple, le problème de la colonisa tion végét ale de la paroi ca lca ire en climat océanique et ses rapports avec l'érosion sont envisagés .

LE PROBLi:ME

En géomorphologie, le paradigme ( 1) dominant ac tu el ou modèle de croyances admises pa r la majorité du << collège invisible '> (2), définit le paysage comme << une surface de contact. au sens physique du t erme '> (3) résultant de l'interaction de forces antagonistes intern es et externes durant un t emps donné. Dans ce modèle, les

(1) Th . S. K u HN, 1972, p. 206 e t suiva ntes surtout. (2 ) J . M. ZIMA N, 1968. (3) J . TRI CART , 1968, p . 8 .

38 J. SC HROED ER

éléments cl 'observation privilégiés sont les dépôts et toutes formes d 'accumul ation. Les méthod e qui en découlent sont d 'une rigu eur de plus en plus grande et surtout vérifiables, et ont permis à la sé di­mentologie, entr'autres, de faire des progrès impressionnants ces dernières décennies. Partant urtout des résultats ainsi obtenus, le géomorphologue arrive à induire une dynamique globale du paysage observé mais ce en privilégiant une partie de ce dernier, les dépôts. Maintenant qu e la morphologie semble bien décrite et les mécanismes en action sur<< la surface de contact>> mieux connus, n' est-il pas t emps de se demander s' il n 'exist e pas des parties de ce lle-ci qui échappent peu ou prou à cette grille cl ' analyse ? La pa roi subverticale en est une comme l' a très bien signa lé G. Galibert , il y a déjà vingt ans. En effet , sous le contrôle direct et immédi a t de la pesanteur, sa morphologie rés ulte d 'abord de proce sus d 'éro­sion et non d 'accumulation. Et, par définition , ces formes en évo­luant t ei{<fent à se supprimer mutuellement. Quelle validité peut­on, dès lors, accorder à une explication morphologique basée sur une indu ction à partir d 'elles ? Là es t le problème ! Quoique les hypothèses, pour expliquer quelque forme d 'érosion qu e ce soit , soi ent en général plus nombreuses qu e celles à ret enir pour les dépôts, une solution nous pa raît plausible. R elevons et décrivons systématiqu ement chacune des form es d'érosion et déterminons sans apriori, lous les agents d'érosion susceptibles de les sculpter ; comparons ensuite la fréqu en ce des agents retenus à la localisa tion des formes affectées ; ainsi certains indivicl uellement ou en grou pc paraîtront dominants, leur travail affect ant soit toute la paroi soit une partie. Et, comme d 'après ce que nous avons vu (4) une corré­lation évidente exist e entre la morphologie de paroi et les divers micro-climat y coh abitant, déceler ceux-ci met en évidence celle-l à. Cette méthode basée, non pas sur l' analyse des caract éristiques réelles de dépôts, mais sur le relevé d 'une plus ou moins grande convergence d ' un faisceau d 'activités érosives, permet de comblel' une petite lacune dans la compréhension globale du paysage a u travers du paradigme dominant. Il ne s'agit donc pas de changer la méthode d 'observation du paysage, mais plutôt, à grand e échelle et en des endroits où elle s'applique mal, de lui en substituer une autre. Les résulta ts de la deuxième étant cl 'aille ur toujours tri­butaire des connaissances acquises par l' autre. Mais qu els sont, a prwrt, les fac teurs qui déterminent telle ou telle érosion sur la paroi ?

Trois causes de différenciation morphologique de la parot

a) L'insolation.

(4 ) SC HRO E D E R J ., 1968.

LA PARO I S U BV E RT! CA L E, UN IT É MO R P H OLOG IQUE 3\J

La pa roi sub verticale ensoleillée présente touj ours des tempé­ratures élevées. Sur celles ca lca ires de la va llée de La Meuse, Belgique (50°30 ' Lat. N.) ou de la ahanni , T- -0 , Canada, (61° 20' Lat. N.) en été, la température de la roche en surface dépasse toujours le double de la température de l'air , et en hiver pour la Belgique, se itue a u-dessus de 25° C qu and il gèle à - 5° C si bien qu e les écart th ermiqu es journaliers des journées ensoleillées sont en toutes sai ons au minimum de 30oC. Ce tte insolation dépend donc de l'orientation de la paroi et de a pente par rapport au chemi­nement apparent du soleil. L 'inten ité étant maximum qu and le soleil éclaire perpendiculairement et qu 'il es t à son apogée, et nulle lorsqu 'il es t para llèle ; elle es t donc proportionnelle a u sinus de l' angle d 'incidence . Un éclairage so us un angle de 30°, à la nor­male par exemple, n 'assure qu 'un flux thermiqu e moitié d u flux disponible ... Dive rses autres situations font également va rier l'inso­lation. En basse altitud e, la turbidité de l 'air doit être clan chaqu e cas consid érée . P ar exemple, sur les parois et ve rsants du Mont St-Hilaire (5) qui domine la plaine du St-Laurent (Québec, Canada), les va leurs maximum de l'insolation se retrouvent à la fin de l'hiver (av ril ) et non en été (6). Ca r durant l'ét é, l'humidi té relative et la nébulosité sont plus importantes qu 'a u printemps. En haute montagne, l'insolation des parois es t toujours plus importante qu 'à basse a ltitud e, ca r, alors qu ell e qu e soit la Latitude, L'absorption et La turbidité atmosp hériqu e décroissent avec la diminution de la densité de l'a ir. Dans les région intertropica les, la t rajectoire apparente du soleil avec passage au zénith ou proche fa it que l'inso­lation des surfaces pro he de l'horizontale es t supérieure à celle des parois . Cette immunisa tion thermiqu e en qu elque sorte ne peut qu e favori er une différentia tion des process us morpho logiques (7). Par contre, aux altitudes moyennes et basses, de par sa trajecto ire plus obliqu e sur l'horizon, le oleil écla ire intensément l parois les mieux exposées . La différenciation morphogén étiqu e entre pa rois expo ées et parois ombragées y est patent. Or du point de vue quan­titatif, l' insolation mes urée au nivea u d 'un élément el u paysage commence eulement à être étudiée (8) a insi d 'ailleurs que la dis­tribution de ses valeurs extrêmes et sa vitesse de variation , dont peut dépendre pourtant des processus co mme la gélivation (la t empérature moyenne masquant les se uils où commencent ces processus). De plus ce tte ca use agit directement sur la suivante, l'humidité. Terminons par un exemple extrême de différenciation thermiqu e des parois résultant de l' insolation : ce sont les falai ses

(5 ) ne des co ll ines monlérégienn cs. (6 ) LAFL EU R, 0., 1968, p . 523 . (7) Cf. Les formes subcircu la i•·es d es inselbergs el a ulres •·cli efs résidu els de savane

par exempl e. (8) GARN IER (8. J. ) a nd ATSUMU Ohmura, 1968.

40 J . SC H RO EDE H

à rookeries des côt es polaires, qui bien exposées se réc hauffent et constituent autant d'oasis thermiques où les oiseaux marins de ces régions glaciales se réfugient. Pour l'insolation donc, il reste beaucoup à étudier.

b) L 'humidité.

Par sa pente extrême et l'absence de sol, la pa roi ne retient pa les eaux , d'autant plus que l'évaporation y es t rapid e so u l'action combinée de l'insolation et des vents. La paroi se compare ainsi à un désert en petit (sécheresse intense entreco upée de précipitations) pourvue d'endroits plu s humides tels des oasis : les fi ssures où s'accumulent poussières puis végétation qui retient aussi l 'eau, des plans de stratification par où suinte une eau souterraine, des fentes diverses maintenant de l'humidité. De plus, les zones de la paroi en desso us de ces endroits humides profitent de l'écoulement des excédents"' leur régime hydrique se différenciant ainsi du reste de la paroi. Donc de la sécheresse totale et quasi permanente à une humidité localisée importante, tous les stades existent sur la paroi. Sa morphogenèse, des formes décamétriqu es à millimétriques, en est influencée : lapiès en cannelures, gélivation localisée, colo­nisation végétale différenciée dont l'évolution accentue ou crée le contraste entre formes d'érosion, tendance à la pédogenèse dans les creux le plus longtemps humides ... Ce sont là autant de questions qui aident à la compréhension du paysage subvertica l, mais qui sont intimement liées à la connaissance de son état hydri­que et de la vitesse d'évaporation et de ruissellement des eaux. Questions ouvertes .

c) Lithologie.

La ressemblance des parois verticales entre elles ne fait évidem­ment pas oublier l 'influence différentielle de la lithologie. Comme un substrat supporte t el processus d'érosion mieux que d'autres, la paroi qui y est installée se différencie d'autres sur matériaux différents. P a r le biais de ses formes d'érosion étudiées en fonction de la lithologi-e, on peut mieux mettre en évidence tel processus morphogénétique qui , dans le paysage environnant la paroi, est peut-être occulté par le travail d'autres ou de formes autres que celles d'érosion. Les parois pourraient donc aider à préciser la part, voire la présence de diverses activités érosives du paysage en général. C'est ce que fait pressentir l 'étude de certains taffoni (9), ou de cannelures qu 'on retrouve sur les calcaires des montagnes tempérées ou de Bahia et sur les pinacles d 'ignimbrite de l 'Huaron (P érou ) (10) à 4.000 mètres d'altitude. Pour cette cause de différencia tion mor­phologique de la paroi, il y a a ussi plus de questions que de réponses .

(9) DRAGOVISH , 0. , 1969. (10) TR! CA RT , J., CA!LLEUX, A., RAYNAL, R., 1962, p. 92.

LA P ARO I SU B VE RT I CA L E , UN IT É M OR PH OLOG I QUE 4 1

COLONISATION VÉGÉTALE DE LA PAROI CALCAIRE EN CLIMAT OCÉANIQUE

En prenant un exemple, nous essayon s maintenant de mont rer que, définitivement, la paroi subverticale, étudiée à son échelle, se présente comme un paysage varié, mais cohérent. La colonisati on végé tale de tout milieu vierge se fait par vagues successives, les plantes les plus simples et moins << exigeantes >> précédant les plus complexes , au fur et à mes ure que s'altère et évolue en sol le substrat La colonisation de la paroi ca lcaire n 'échappe pas à cette règle. Ce qu 'on voit d 'abord sur la roche, ce sont dive rs lichens.

A B c

F IG. 1 . - Schéma en coupe de lichens rupicoles, sur une paroi calcaire de plus en plus altér ée.

A. L ichen endoli l hiqu e. 1. Hyphes du cha mpignon. B. Lichen crustacé épili l h iq ue. 2. Algues. C. Lichen sq ua mu leux (abo rd du tha ll e). 3. Fruc lifica lion.

Mais ici se pose une qu estion : n 'y aurait-il pas d 'abord une colo­nisation bactérienne, algale ou mycologique (11 ) invisible à l'œil nu ? Ce champ de recherche multidisciplinaire paraît quasi vierge, et les résulta ts de ces recherches aideraient fort à une connaissance plus précise de la première colonisation des t erres émergées par les végét aux , pourtant ! Donc sur la pa roi ca lcaire, s'étendent d 'a bord des lichens, surtout ceux endolithiques . P erforant la roche pour y n icher, dan s de minuscules alvéoles, les appareils fructifères des champignons associés, ils occupent les parois même là où les condi­tions microclima tiques sont extrêmes (sécheresse rapide et prolon­gée après les pluies, écar ts th ermiqu es importants) (fig. 1 A). De

( l i ) M A RGU LI S, L ., 1970.

42 J. SC H RO E D E H

cette première occupation végéta le, rés ulte une altéra tion pellicu­laire de la roche, qui es t a lors colonisé par d'autres lichens, les épilithiqu es (fig. 1 B). La surface de la roche continue à s 'a ltérer et devient plus propice à la rét ention de l'humidité et des poussières, ce qui permet à une troisième vague de lichens de s ' installer. Ce sont des lichens squamuleux, moins attachés à la roche par la face inférieure de leur thalle (fig. IC). A partir de ce s t ade, la roche de plus en plus altérée en surface supporte des esp èces plus exigeantes en commen çant p ar des bryophytes . Ils relèvent de deux types morphologiques précis, en co ussinet s plus ou moins denses, ou en tapis a ppliqué. Ces mousses sont de remarquables collecte urs de poussières et d'humidité. Ce qui permet à des semen ces de gra­minées, apportées par le vent ou les ea ux ruisselant sur la paroi , d ' y pousser . Ainsi, tant qu e le microclimat y es t favorable, la paroi se co uvre d'un tapis de diverses mousses et de graminées ou autres phanérogâfues dans les creux et sur les pentes moins rapides. Cependant, cette colonisation n e se fait pas sans adaptation à la pente et à la sécheresse ca racté ristiqu es dominantes de ce milieu. Ainsi les plantes à racines n e disposent, pour s'y fix er , que de creux et fiss ures ; elles développent donc leurs racines en fonction de ces cavités (fi ssure verticale, oblique, horizontale, creux hémisphé­riqu es ou irréguliers), ce sont les chasmophytes (12). Les adapta ­tions xérophyliques sont-elles fort variées: feuilles charnu es (Sedum div. spes . ), feuilles couvertes d 'une cuticul e épaisse ou de cire ou pruine (Fesluca) , feuilles raides , petites, enroulées (Thymus ), feuilles velues (H elianlhemun N ummularium ), reviviscence, phé­nomène ra re ch ez les p lantes vasculaires (par ex. la fougère Celerach Offi cinarum ), mais habituel chez les lichens (Collema div. spec. ) et les bryophytes. On y trouve même des plantes d 'un élém ent phytogéographique sud-européen (Buxus Sempervirens). Malgré cela, la colonisation végétale de cette paroi ne s'achève pas , figée à certaines frontières microclimatiques en lutte avec diversprocessus d 'érosion. C'est grâ ce à l'observation de cette colonisation qu e nous avons pu déterminer les caracté ristiques de microclimats partiels de paroi, eux-mêmes en rapport direc t avec les process us d 'érosion qui y agissent.

VÉGÉTATION MICROCLIMAT-ÉROSION

Certaines p lantes plus que d'autres sont ainsi peu à peu apparues comme des indica teurs. morphologiques intéressants. E lles sont reprises dans la fig. 2 ainsi que la corrélation qui est apparu e entre elles, leur localisation, le microclimat spécifique de cette partie de la paroi et , le ou les process us morphologiques qui prédominent

(12) SCH I MPER, 1898, p. 193.

Végétation

1- Lichens nitrophiles (Ca loplaca diu. spec. ) couleur· orange vif

J- Lichens gé la tineux à cya noph ycées (Collema diu. spec. )

I -

l -

Cou leur gri s b leu sec noirâtre humid e

L eca nactis sLen ha mmarii co ul eur· b la nc crayeux

Mousses en co uss in e ts ( Grimmia ) Coussinets somb res, peu épa is, secs a u Louch er

L oca lisation

Lêles rocheuses des parois ensoleillées

Microclimat

très sec, évaporation ra pide des pluies

so us les endroits à habituell ement sec, écou lement spora- avec périodes d ' humi -diqu e des pa roi s enso- dilé de p lusieurs leill écs joms

pa roi légèrement ombragée

paroi ombragée

r·cla liv cmenl sec

sec à légèrement humid e

Processus morphologiques dominants actuels

dissolution ar·éola ir·e fa ible ma is généra­lisée, pas de formes spécifiques.

luf a utour des fi ss ures à éco ul ement sporadique disso lu tion loca lisée sous ces fi ssur·cs

di ssolution aréolaire faibl e gélica li on sur taules les arêtes

disso luti on a réola ire e l mi croformes liées à la végéta lion

- un peu de gélivalion entre ce domaine e l le précédent

] - Mousses en tapis (Neckera crispa ) lapi s vert, moell eux, épai s à thalles individu el

pa r·o i Lrès o mbragée humid e en Lout Lemps - disso lution liée à l'humid ité cl à la végé-

JI- Graminées en touffes (Fesluca ciner ea ) creux des pa r·ois sec subsp. pa/lens ) poussent en Loufl'e dans ensoleill ées les creux. Long ues feuill es élroiles

0- Gram inées en pelouse (Sesleria caerulea Lou s replats enso leil - sec e l cha ud subsp . calcarea ) lés pelouse à feuill es co urtes e l r·a ides

S ur un so l {zz) Sur ta roc.he (r)

ta lion , a rê les fra nche ment émoussées pas de gé li val ion

- disso lution loca lisée au creux-hôle de la pla nte accentuant le co ntraste avec la paroi

- gélivalion légère sur les borels

di ssolution sous li lhosol o u renclzin c avec nppa rili on d e mod es tes la pies enfou is.

l"rG. 2. - Tableau des plantes les plus spéc ifiqu es des parois calcai r es de la uallée de la Meuse (climat tempéré humide), B elgiqu e.

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10 c:: 1:'1

44 J. SCH RO EDER

1 . Crtto à lichons nitrophiles .

2 . Pelouse xéro - thormophilo à Sesloria Caoruloa subsp.

Calcaroa.

3 . Paroi à condit ions micro·cl imatiques e x trimes avec

lichens crustacés ou ondolithiques .

.c . Fissures avec chaomophytes dont Fostuca Cinoroa

subsp . Pollens.

5. Forêt alluviale (plus dense on 5D).

6 . Liche no et mouues de parois ombragées relative-

\ -ment sèches .

7. Mounes en tapis des parois ombragées humides .

e. Fente de suintement temporaire avec formation

do tuf . Lichens à Cyanophycées sur le bord infé-

-rieur .

Fig. 3. - Colonisation schématisée de deux parois calca ires ensoleillées de La va llée de La 1\-feuse.

Le pied de la peti te à gauc he es t plus ombragé q ue celui de la gr·and c.

LA PARO I SUBVE RTI CA LE, U N ITÉ M OR I>HOLO G IQ UE 45

actuellement. D an s la figure 3 ces mêmes plantes sont loca li sées sur un co uple de parois ensoleillées avec l 'ét agem ent le plus so uvent observé. Il en ressor t que sur les parois calca ires mosan es :

1) Un e eule forme de dépôts ac tue ls est obse rv ée, des tuf toujours circonscrits autour de fi ss ures pa r où 'écoulent des ea ux souterraines qui , au contact brusque avec l 'a tmosphère, ont leur pression pa rtielle en Co 2 excédenta ire. Le transfert à l' atmosph ère du Co 2 en excès ca use ces précipitations, comme on le sa it.

2) La disso lu tion a réolaire est fort nu an cée . Omnipeésente mais croissant du sommet a u pied de la paroi, elle r es te toujours faible à modeste, émou ssant surtout les arêtes roch eu es. Elle est en rap­port direct avec la colonisa tion végétale, e lle a uss i croissant du ha ut ve rs le bas et avec l'humidité à la pa roi fonction inverse de l'expo­sition. De la dissolution localisée on trouve peu : qu elqu es s illons surcreusés sous les fi ss ures exhutoires des ea ux souterraines, des fissures agrandies grâce à l ' humidité et a ux acides organiqu es des humus et sols en formation qui y sont prisonniers .

Quelqu es tapies enfouis sous des rendzines de repla ts semblent eux a ussi actuels. On trouve ainsi des canalicules larges e t profond s au plus de 3 mm serpentant sur des pans d e paroi , comme le traces sur le sable des ve rs de plage. Un rapport existe entre eux e t la végétation de paroi ombragée, mais le problè me res te à nos ye ux ouvert.

3) Enfin la gé li vation es t a usis présente. Non pas sue le pa rois ombragées humid es, ca r elles sont a lors protégées par des mou sses en tapis agissant comme un isolant thermiqu e, mais bien sur les parois légèrement ombragées rela tivem ent sèche . Elle attaque les rebords de tous genres ou fa it écrouler d es pans rocheux miné par des poches de dissolution fo iles remplies de matériaux fins, autant de coins enfoncés comme d an s du bois . Les différ nees litho­logiques se marquent par des va ria ti ons des formes de d isso lu t i on ou des débris de gé livation.

CONCLUSION

Par ces r éfl exions e t observations, nous espérons avoir plus attiré l 'attention sur la paroi dont la pré en ce dans le paysage n 'es t trop souvent signa lée qu e pa r sa fonction dominante. Ce qui con titu e a u nivea u d 'un bâti cientifiqu e une lac une a ussi petite oit-elle, car un obj et étudié doit y existe r a utant pour lui-mêm e que pour sa ou es fonctions. Un e corrélation végétation-érosion semble évi­dente pour une en pa rticuli er , m a is qu 'en est-il pour d 'autres obser­vées à la mêm e éch elle e t so us d 'autres latitude et a ltitudes ? De leur étud e, peut-on espérer dégager un mod èle gén éral ? Bref bien des qu es tions sont en suspens. Un e chose pa raît claire cepend an t,

46 J . SC HRO EDE R

étudier la pa roi pour elle-même peut favo ri ser une di scussion cri­t ique des méthod es de recherche. Plu s t a rd , ser a-t-il possible d ' incorporer de façon plus effi cace, à l'explica ti on de la d yn amique d u paysage, les form es d 'érosion en gén éral ? C'est ce qu e nou pen sons. A lors on n e pourrait en attendre qu 'une ana lyse p lu s serrée elu paysage d 'a bord par les méthod es basées sur l'é tude des dépôts, puis pa r ce lles plu s mod es tes basées sur une étud e exh a us­tive de l'é rosion.

RÉSUMÉ

Co mment se pose le problème de l' élude de la par oi subverli cale ? Influences a priori de l'inso lation, de l'humidité et de la lithologie. Co lonisation végétale de la paroi ca lca ire en climat océanique. Rapport végétation-ér os ion.

SUMMAR Y

The study of the subvertica l clil/ is a problem . H ow to try to r eso lve il ? Function of the inso lation, moi sture and lithologica t differ ence on the cliff. Vegetation distribution on the limes /one cliff in oceanic cl imale and proceeds between vegetation and er os ion .

U! B LI OG H A PH l E

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REMERCIEMENTS. - J e rem e1·cie v iveme n t M. le P rofesseur A. Caill eux, le or C. E k e l S. Occhi elli d ont les co mmenta ires sur ce th è m e d e réfl ex ion m 'o nt p ermis de mi eux expliciter m a p en sée. Ma reco nna issa nce envers Monsieur le p r P . Macar es t a ussi trés g ra nde, ca 1· il m 'a a idé à abo rd er ce suj e t.