analyse campagne 1940

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I.S.S.N I.S.S.N - אבל״נ אבל״נ- I.V.NS.F I.V.NS.F - S.I.E.N S.I.E.N 8 Octobre 20 Octobre 20155 International Society for the Study of Nazism האגודה הבינלאומית ללימודי הנאציזםInternationaler Verein zur NS-Forschung Société Internationale pour l'Étude du Nazisme I.S.S.N - אבל״נ- I.V.NS.F - S.I.E.N PREPARATIFS DE CAMPAGNE A L'OUEST – LE POINT DE VUE DE L'OKH PREPARATIFS DE CAMPAGNE A L'OUEST – LE POINT DE VUE DE L'OKH (1939-1940) (1939-1940) Un dossier de Michel SCHIFFERS Un dossier de Michel SCHIFFERS Table des matières : Pages Introduction .............................................................................................................................. 2 Remarques liminaires ............................................................................................................ 3 I – Politique étrangère et planification stratégique ....................................................... 7 II – La préparation de l'Offensive allemande à l'Ouest en 1939-1940 .................. 41 III – Les opérations projetées par les Allemands ........................................................ 47 IV – Le facteur météo .......................................................................................................... 50 V – Le plan d'attaque allemand et son évolution ......................................................... 51 VI – Les apports de Manstein aux plans allemands .................................................... 54 VII – Le plan final de Hitler ................................................................................................ 58 VIII – Le front scandinave .................................................................................................. 63 IX – L'impact de l'attentat du 8 novembre 1939 ........................................................ 69 X – La date de l'offensive ................................................................................................... 77 Préparatifs Campagne Ouest 1940 Préparatifs Campagne Ouest 1940 M. SCHIFFERS M. SCHIFFERS Page Page 1/90 90

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International Society for the Study of Nazismהאגודה הבינלאומית ללימודי הנאציזם

Internationaler Verein zur NS-ForschungSociété Internationale pour l'Étude du Nazisme

I.S.S.N - אבל״נ - I.V.NS.F - S.I.E.N

PREPARATIFS DE CAMPAGNE A L'OUEST – LE POINT DE VUE DE L'OKHPREPARATIFS DE CAMPAGNE A L'OUEST – LE POINT DE VUE DE L'OKH

(1939-1940)(1939-1940)

Un dossier de Michel SCHIFFERSUn dossier de Michel SCHIFFERS

Table des matières : Pages

Introduction .............................................................................................................................. 2

Remarques liminaires ............................................................................................................ 3

I – Politique étrangère et planification stratégique ....................................................... 7

II – La préparation de l'Offensive allemande à l'Ouest en 1939-1940 .................. 41

III – Les opérations projetées par les Allemands ........................................................ 47

IV – Le facteur météo .......................................................................................................... 50

V – Le plan d'attaque allemand et son évolution ......................................................... 51

VI – Les apports de Manstein aux plans allemands .................................................... 54

VII – Le plan final de Hitler ................................................................................................ 58

VIII – Le front scandinave .................................................................................................. 63

IX – L'impact de l'attentat du 8 novembre 1939 ........................................................ 69

X – La date de l'offensive ................................................................................................... 77

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INTRODUCTION

Dans les pages suivantes, nous allons examiner le long cheminement des préparatifsqui aboutissent à l'offensive allemande de mai 1940 sur le front occidental.

Notre ambition est d'apporter des précisions et des clarifications sur les étapes-clés dela gestation et de la maturation du ''Plan Jaune'' (en allemand, Fall Gelb), l'une desopérations majeures de la Wehrmacht au cours de la Seconde Guerre Mondiale.

Dans notre analyse, nous nous efforcerons de suivre ou de reconstituer la chronologiedes événements, car le travail de l'état-major général obéit à une logique largementséquentielle. Ce qui n'exclut nullement que se produisent périodiquement des sortesde ''sauts quantiques'', des solutions de continuité dans le processus.

Ces ruptures sont assez typiques de la direction politique nazie, qui semble parfoisêtre orientée irrésistiblement dans une direction donnée, pour mieux se réorientersoudain – à l'initiative du Führer – dans une tout autre direction, souvent inattendue,à la surprise générale.

Certains seront tentés d'y voir une forme d'incohérence ou d'inconsistance dans lesraisonnements hitlériens, mais – sans exclure d'éventuelles ''crises de doute'' ou des''hésitations'', eu égard p.ex. à la complexité de certaines situations – il s'agit le plussouvent d'une manifestation de la supériorité tactique du Führer, ainsi que d'unefaçon d'asseoir son autorité. Lui, il sait parfaitement où il va, les autres n'ont pasnécessairement besoin de le savoir. Leur ignorance ou leur confusion peut mêmeconstituer un avantage supplémentaire au moment de conclure en sa faveur.

Dans le cas présent, nous avons identifié deux de ces ''sauts'' et nous lesdévelopperons. Le premier se situe ''à l'amont'', car il concerne la direction des forcesarmées et la planification stratégique sur un horizon de temps pluriannuel. Tandis quele second survient au cours de la phase de planification opérationnelle de Fall Gelb.

Nous verrons que c'est clairement Hitler qui dicte ses volontés au Hautcommandement de l'armée, dont les activités soutiennent – plus qu'elles ne s'yopposent – une politique étrangère d'autant plus agressive à l'égard des autrespuissances européennes que celles-ci tardent à prendre les initiatives militairesnécessaires pour conjurer le danger qui les menace.

La planification des opérations est un processus interactif et itératif, où le dialogue''inter-armes'' (entre l'Armée de terre, la Force aérienne, la Marine et les Waffen SS)intervient au point de rencontre des pouvoirs politique et militaire (la principale raisond'être de l'OKW, l'Oberkommando der Wehrmacht, mis en place par Hitler en février1938 et dirigé par le Général Keitel, assisté du Général Jodl).

Pour décrire la planification opérationnelle de Fall Gelb, nous privilégierons un point devue particulier, sans doute trop peu valorisé dans l'historiographie générale, à savoircelui de l'OKH (acronyme de Oberkommando des Heeres, le commandement del'Armée de Terre), et plus spécifiquement, celui de son Chef d'Etat-major, le GénéralFranz Halder.

Après tout, les militaires ne sont-ils pas idéalement placés pour nous parler de leurmétier, la guerre ?... Leur prêter une oreille attentive, mais non complaisante, s'avèreinstructif.

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REMARQUES LIMINAIRES :

A/ Une partie des développements qui suivent sont construits à partir des notesconsignées dans son journal personnel (ci-après, le Journal) par le Général Halder,Chef d'Etat-major à l'OKH (Oberkommando des Heeres ou OKH, l'Etat-major généralde l'Armée de Terre). Les citations notées JFH renvoient à ce document, la date(JJ/MM/AAAA) correspondant à celle des entrées.

Nous nous référons à la version du Journal 1 qui a été versée, en tant queProsecution Exhibit # 1359, en 1947, au dossier de pièces du procès intitulé ''UnitedStates Nuernberg War Crimes Trials – United States of America v. Wilhelm VonLeeb, et al. (Case XII)'', qui s'est tenu à Nuremberg du 28/11/1947 au 28/10/1948.

Cette procédure judiciaire est l'un des douze procès instruits par une juridictionmilitaire exclusivement américaine, un an après les sessions de l'InternationalMilitary Tribunal, qui a siégé du 19/11/1945 au 01/10/1946 pour juger etcondamner Hermann Göring et ses 23 co-accusés.

Capturé le 04/05/1945 par l'armée américaine, Franz Halder a été détenu pendant 2ans. Contrairement à de nombreux généraux allemands, Halder n'a pas étépoursuivi devant le Tribunal militaire US, mais il y a déposé en 1948, en tant quetémoin de l'accusation. Auparavant, il avait consacré pas moins de 400 heurescumulées à la relecture et aux commentaires de la transcription en allemand de sesnotes sténographiées (i.e., la forme originale de son Journal), afin d'élaborer un''texte de référence'' permettant d'en exécuter une traduction fiable vers l'anglais.

Cette version du Journal de Halder constitue, à nos yeux, une source ''authentique'',car non retouchée, ni reconstruite a posteriori par Halder (p.ex. pour l'aider àprésenter une version des événements qui lui fût essentiellement plus favorable,ainsi que de nombreux autres témoins allemands l'ont fait dans leurs mémoires,récits ou dépositions judiciaires, selon le cas).

A l'origine, ces notes ont été prises quasiment ''sur le vif''. Autrement dit, elles sontparfaitement contemporaines des conversations et événements qu'elles rapportent.Dès lors, nous considérons qu'une lecture approfondie et contextualisée de ceJournal délivre une sorte d' « intimate view » – chronologique, ce qui est important– des ''états d'âme et de pensée'' du Haut Commandement allemand.

Cette source présente cependant des limites évidentes.

En effet, les notes de Halder ne constituent pas un compte-rendu exhaustif desentretiens et conférences auxquels il participe. Il n'est pas non plus un ''intime'' duFührer et il ne reçoit certaines informations que de façon indirecte, c'est-à-dire autravers de rapports qui lui sont communiqués par son supérieur (le GénéralBrauchitsch, commandant en chef de l'Armée de Terre, ou ObdH en abrégé), sespropres collaborateurs ou ses collègues de l'OKW (i.e., le Haut Commandement dela Wehrmacht, duquel relèvent les généraux Keitel et Jodl, ou Warlimont p.ex.),voire des agents de liaison (p.ex. ceux détachés par les ministères ou le HautCommandement de la Luftwaffe et de la Kriegsmarine).

1 - War Journal of Franz Halder (United States Department of The Army, A.G. EUCOM – 1947) – volumes II, III & VIII :• URL vol. II : http://cgsc.contentdm.oclc.org/cdm/singleitem/collection/p4013coll8/id/3971/rec/4 • URL vol. III : http://cgsc.contentdm.oclc.org/cdm/compoundobject/collection/p4013coll8/id/2895/rec/6 • URL vol. VIII : http://cgsc.contentdm.oclc.org/cdm/singleitem/collection/p4013coll8/id/3970/rec/1Les volumes II et III de ce Journal couvrent la période allant du 11/09/1939 au 09/05/1940 inclus. Le volume VIIIest celui des ''errata'' et ''footnotes'' (i.e., des précisions ou commentaires sur ses notes retranscrites).

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Inversement, en sa qualité de chef d'état-major de l'OKH, Halder dispose,forcément, d'une excellente vue d'ensemble des préparatifs militaires puisqu'il estchargé d'en concevoir ou d'en superviser une très large partie. Il dispose égalementde nombreux contacts et relations dans la sphère politico-diplomatique.

B/ Dans les travaux de l'état-major allemand, ce que l'historiographie désignesouvent sous le nom de ''Bataille de France'' pour englober les opérations militairesde mai – juin 1940, est divisé en deux grandes phases opérationnellesdistinctes à savoir Fall Gelb, puis Fall Rot (le ''Plan Rouge''), qui se succèdent àquelques jours d'intervalle.

Les plans pour Fall Gelb ne couvrent que l'invasion du Benelux et du nord de laFrance (en gros, jusqu'à la ligne Somme – Aisne). Ces opérations débutent le 10mai 1940 et elles prennent fin dès le 1er juin 1940, date à laquelle le Général Halderécrit dans son Journal 2 : ''1 June 1940 – […] the operation started on 10 May is now concluded. […] The efforts of allcommands and OKH now are bent on assuring the opening of the new drive on 5 June.''

Selon la même source, les ordres opérationnels pour Fall Rot sont préparés dans lasoirée du 26/05/1940, le jour où Hitler lève son Haltbefehl, qui avait immobilisé lesPanzers devant Dunkerque pendant 48 heures 3 :''26 May 1940 – […] Around noon, a telephone call notifies us that the Fuehrer has authorized the leftwing to be moved […] in order to cut off, from the landside, the continuous flow of transport(evacuations and arrivals). […] Later in the evening, final formulation of the plans for the next phaseof the campaign, which is to follow conclusion of fighting in Flanders.''

Et les ordres de redéploiement sont envoyés le 30/05/1940 4 : ''30 May 1940 – […] Evening : Regrouping order ''Rot'' goes out.''

Ainsi, contrairement à Fall Gelb qui a été préparée pendant de nombreux mois (etmême des années, comme nous le verrons), l'opération Fall Rot est montée ''àchaud'' (i.e., sur la base des résultats acquis via Fall Gelb), entre le 01/06 et le05/06/1940, date de son déclenchement. La préparation de Fall Rot se situant endehors des limites chronologiques que nous nous sommes fixées, nous nel'analyserons pas dans le présent dossier.

C/ Pour des raisons qui seront mieux détaillées plus loin, la première phase despréparatifs finals de Fall Gelb est totalement contemporaine de l'exécution de FallWeiss (le ''Plan Blanc'' – i.e., le nom de code pour l'invasion de la Pologne quidébute le 1er septembre 1939).

L'exécution opérationnelle de Fall Weiss n'ayant qu'une influence très indirecte sur ledéveloppement de Fall Gelb, nous ne l'aborderons pas dans le détail.

Pas plus que nous ne traiterons de l'exécution opérationnelle de Fall Gelb à partir du10/05/1940.

D/ Centrée sur les préparatifs de la campagne de 1940, la présente étude aégalement pour objectif de déterminer dans quelle mesure certains événements-clésde la période surviennent éventuellement à des dates qui correspondent à des

2- Voir : War Journal of Franz Halder, volume IV Part 1 (United States Department of The Army, A.G. EUCOM – 1947) • URL Vol. IV : http://cgsc.contentdm.oclc.org/cdm/compoundobject/collection/p4013coll8/id/3969/rec/8

3- Ibid.

4- Ibid.

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événements historiques antérieurs, significatifs ou ''symboliques''.

En particulier, pour ce qui concerne le choix de la date de l'offensive.

Lorsque le Général Keitel, chef de l'OKW, confirme à l'OKH, le 29 septembre 1939, larelance des plans de guerre à l'Ouest, il précise au Général Halder qu'il s'agit là d'un''troisième affrontement historique'' avec la France.5

Si nous prenons en compte la guerre franco-allemande de 1870-71 et la PremièreGuerre Mondiale, la troisième occurrence citée par Keitel serait alors celle à venir(possiblement en 1939, en réalité en 1940).

Toutefois, des références historiques plus lointaines (i.e., aux guerres du XVIIIèmesiècle, ou à la Guerre de Trente Ans) sont également possibles.

S'agissant de Hitler, la référence au destin du Roi de Prusse Frédéric II, et auxbatailles qu'il a livrées, n'a absolument rien de fortuit, y compris en 1939 6. Dèslors, la recherche d'éventuelles ''correspondances'' de dates a été étendue à cecontexte élargi.

Nous présenterons les résultats de cette analyse au chapitre X.

E/ En guise de clin d'oeil à l'historiographie classique, qui a choisi de considérer quela seconde guerre mondiale débute en 1939, avec l'entrée des troupes allemandesen Pologne, le vendredi 1er septembre, et sans vouloir débattre ici du caractèrearbitraire de ce choix, relevons sa pertinence par référence au calendrier des saintsde l'Eglise catholique.

En effet, c'est ce jour-là que se fête Saint Gilles l'Ermite, un saint intercesseurréputé favoriser les mouvements vers l'émancipation et la délivrance, ou invoquépour faire face à la folie et à la possession démoniaque.

Assurément, faire la guerre à Hitler et à l'Allemagne nazie s'apparente bien à uncombat rédempteur pour délivrer l'Europe d'une forme moderne de folie barbare.

F/ Quant à ceux qui préféreraient des références littéraires, ils ne manqueront pasd'observer qu'un périple dans les arcanes de l'état-major allemand met en lumièretous les ingrédients nécessaires à une dramaturgie romantique, aux accentsshakespeariens : des personnages singuliers et tourmentés, saisis de pulsionsmystiques et confrontés à des rendez-vous historiques fatidiques, impliqués dansdes intrigues mystérieuses où résonne le cliquetis des armes que l'on affûte, etc.

Il est même possible de proposer un titre pour cette pièce à représentation unique.

5- JFH – 29/09/1939 : ''Keitel (OKW) : History three times.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''Probablyreference to Franco-German conflicts in past century'').

6- JFH – 10/10/1939 : ''Fuehrer conference : 1.) He reads us a Memorandum giving the reasons for his decision tostrike […] in the West […] in case he is compelled to continue hostilities. […] 10.) He is convinced that we can force adecision if we are determined to bring to bear all our strength. (Compares our situation with the much greaterdifficulties faced by Frederick the Great).''Ce mémorandum de Hitler – qui commente les décisions communiquées dans sa Directive n° 6 du 09/10/1939 –comporte même une référence explicite au Traité de Westphalie de 1648. Il s'agit donc bien de solder de vieux''comptes historiques'' – y compris les plus anciens – interprétés comme des tentatives répétées, de la part de laFrance surtout, pour empêcher l'émergence d'une nouvelle grande puissance européenne, allemande et germanique.[Source : Pour le texte de la Directive n° 6, voir : http://der-fuehrer.org/reden/english/wardirectives/06.html]

Dans son étude intitulée Stratagem, Deception and Surprise in War [Cambridge, MA (USA), Massachussets Instituteof Technology Center for International Studies – 1969], Barton Whaley relève que les commandants en chefspraticiens de la ''ruse stratégique'' dans leur direction des guerres au XXème siècle (dont Hitler et Churchill)présentent des caractéristiques communes : outre leur non-conformisme, leur créativité et leur imagination, ils onttous un sens très aigu de l'Histoire.

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Acceptons, par exemple, celui que le colonel von Zielberg de l'OQu V proposait àHalder, en mars 1940, pour le ''Journal de Guerre'' de l'OKH : ''L'OKH dans laGuerre britannique''.7

Mais la référence au théâtre shakespearien ne s'arrête pas là. En effet, Halder notedans son Journal que, quelques jours avant le lever de rideau de Fall Gelb, ilcompte passer la soirée – et pas n'importe laquelle, puisqu'il s'agit de celle du51ème anniversaire du Führer, le 20 avril 1940 – dans un théâtre berlinois 8, pour yassister à une représentation de ''Mesure pour Mesure'' 9.

Les représentations plus contemporaines de cette pièce soulignent – au travers dutravail des metteurs en scène qui la reprennent 10 – la résonance du texteshakespearien avec nombre d'éléments que nous allons rencontrer au cours denotre plongée au cœur du système hitlérien...

7- JFH – 04/03/1940 : ''von Ziehlberg : […] War Journal OKH. - The book should be written by chapters, under thetitle : « The OKH in the British War ».''

8- JFH – 20/04/1940 : ''(Fuehrer's birthday'') […] Evening Thwarted drive to theater in Berlin (''Measure forMeasure'').''

9- Pour faire bref, acceptons ce résumé tronqué : ''Mesure pour Mesure'' est une pièce de Shakespeare qui aborde laquestion de la grâce, de la justice, de la vérité et comment elles s'articulent sur l'orgueil ou l’humilité, la rédemptionet la chute : « Il en est que le péché élève et d'autres que la vertu fait chuter. ». Elle se passe à Vienne. Angelo, le« méchant » de la pièce, est un juge prévaricateur et il règne strictement et sans pitié. Il a ses faiblesses propres etest détestable plus pour son hypocrisie que pour autre chose. Il manque à sa parole... [Source : Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mesure_pour_mesure]

Relevons que tout cela ne s'énonce pas sans rappeler le commandant suprême du Général Halder, c'est-à-dire Hitlerlui-même.

10- Considérée comme ''inclassable'' (drame ou comédie ??), la pièce ''Mesure pour Mesure'' continue de susciterl'intérêt des metteurs en scène.Par exemple, Adel Hakim, au Théâtre des Quartiers-d’Ivry, en 2007, qui – par ses choix de mise en scène –souhaitait adresser plusieurs questions à son public : L’homme est-il capable d’user du pouvoir raisonnablement ?Comment peut-on demander aux autres de faire ce que l’on ne parvient pas soi-même à réaliser ? Ou, en 2011, à la Royal Shakespeare Company, Roxana Silbert qui offrait une version très contemporaine de la pièceen affirmant la critique profonde qu'elle adresse à l’encontre de la religion et de l’establishment. Selon Silbert, si''Measure for Measure'' ne remet pas en question la foi des hommes, elle montre la fragilité de l’ordre religieux, quel’on soit Protestant ou Catholique, et le chaos social qui en résulte. Silbert entendait alors afficher le parallèle entre laCour et le peuple, afin de contredire l’idée arrêtée que le mal vient systématiquement d’en bas.[Source : http://cle.ens-lyon.fr/anglais/introduction-a-measure-for-measure-186572.kjsp]

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I. - Politique étrangère et planification stratégique.

Il est manifeste que, de l'automne 1939 au printemps 1940 (la période qui nousintéresse dans le présent dossier), c'est encore une fois Hitler – et personne d'autre(y compris au sein de son propre état-major) – qui conserve l'essentiel de l'initiativestratégique.

Profitant de la nature autoritaire de son régime, il a repris en main le système deplanification stratégique, portant à son plus haut degré l'intégration de lacomposante diplomatique dans la direction des forces armées. Concernant cettedernière, Hitler a assimilié la plupart des enseignements des grands penseursmilitaires du passé ou de son temps, mais en autodidacte, contrairement auxofficiers d'état-major auxquels il est confronté, dont la plupart incarnent – parfoisjusqu'à la caricature – les traditions de la caste militaire prussienne. Dès lors, il sesent totalement libre de transposer au champ militaire ses méthodes peuorthodoxes, avec une forme d'efficacité brutale qui n'est pas sans rappeler sonparcours des années de lutte et de conquête du pouvoir.

a/ Depuis son accession à la Chancellerie du Reich, en janvier 1933, jusqu'au moisd'août 1939, Hitler a accompli un ''sans faute'' dans l'exercice du pouvoir, à grandrenfort de manœuvres subtiles et de machinations diverses. En ''homme d'Etat''accompli, il sait aussi s'entourer de collaborateurs infatigables et souventtalentueux, assez uniformément zélés et efficaces. Il n'a pas manqué de tirer profitdes nombreuses erreurs de calcul et des faiblesses politiques, personnelles ouintellectuelles de ses adversaires intérieurs et extérieurs, les perçant à jour pourmieux les manipuler, comme le reste de son entourage.

Sans sombrer dans un panégyrique particulièrement malvenu s'agissant de l'un despires tyrans de l'histoire, responsable de désastres humains aux proportions inouïes,reconnaissons le caractère incontestable de ce bilan. Nombre de ''circonstances''réputées lui avoir été ''favorables'' – ce qui est une façon de minorer sa capacitéd'initiative – doivent en réalité fort peu au hasard, mais beaucoup à sesinterventions délibérées.

Masquées parfois sous une apparente irrationalité (dont le Führer joue égalementpour en faire, en quelque sorte, la partie visible de son ''iceberg mental''), laprofondeur et la continuité de ses raisonnements (conjuguées à une forme deplasticité qui lui permet de les adapter rapidement à l'évolution conjoncturelle) ontrarement été prises en défaut. Elles ont même largement fait la différence, jusqu'àce qu'un certain Winston Churchill revienne aux affaires et trouve, enfin, les moyensde faire dérailler cette mécanique infernale. Trop tard cependant pour empêcherl'embrasement...

b/ Ainsi, en l'espace de six années à peine, la politique étrangère du Führer lui apermis d'enterrer le Traité de Versailles, dont l'acte de décès a été avalé – de gré oude force – par les autres nations, y compris celles qui s'étaient portées garantes deson application.

Presque toutes les ''hypothèques'' imposées en 1919, sous la menace d'uneinvasion, à un empire allemand épuisé et vaincu, ont été levées sinon en droit, dumoins dans les faits.

Arc-boutés sur leur volonté de préserver la paix, les vainqueurs de 1918 ont

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protesté, parfois bruyamment, mais ils ont échoué dans leurs tentatives decontention d'une Allemagne peu à peu contaminée et emportée par la ferveur desdiatribes hitlériennes.

c/ L'Allemagne de 1939 s'est donc redressée et elle s'est considérablement agrandiesans provoquer la nouvelle conflagration européenne que les puissancesoccidentales redoutent. La plupart des ''injustices'' et autres ''humiliations'' duDiktat versaillais étant lavées ''dans l'honneur'', mais non ''dans le sang'', ces succèspacifiques ont renforcé le prestige et le pouvoir personnels du Führer, consolidantson emprise sur la population et le complexe militaro-industriel germaniques.

Hitler jouit d'une popularité importante, amplifiée par une propagande astucieusequi entretient le culte de sa personnalité, dans une sorte d'unanimité où l'opposition– totalement muselée et persécutée – ne peut faire entendre aucune dissonance.

A l'étranger, nombreux sont ceux qui ont vaincu leurs réticences initiales et se sontlaissé séduire par cette personnalité singulière, devenue rapidement incontournablesur la scène internationale. Pour certains, l'acceptation de la présence hitlérienneest purement pragmatique (c'est le chef d'un Etat européen à la puissancegrandissante, qu'il n'est pas permis d'ignorer, ni de négliger) mais, chez d'autres, ils'est développé une forme d'admiration qui confine à l'adhésion idéologique pure etsimple.

d/ Assurément, il s'agit d'une performance exceptionnelle et il semble ne manquer aubonheur nazi que deux ultimes concessions territoriales : la récupération de la ''villelibre'' de Dantzig (retirée à l'Allemagne en 1919 pour être placée sous la protectionde la Société des Nations), ainsi que celle du ''couloir polonais'' (un territoireconcédé à la Pologne, reconstituée en 1919, pour la doter d'un accès à la MerBaltique, qui présente l'inconvénient de couper le Reich en deux en séparant laPrusse Orientale – et Dantzig – du reste de l'Allemagne).

Malgré une crispation des contreparties (en particulier, des Britanniques), l'état despositions et tractations diplomatiques en 1939 (y compris à la fin de l'été) ne faitpas véritablement obstacle à un règlement négocié de ces ''questions résiduelles''.Mais (et c'est, en l'espèce, un ''mais'' capital), en réalité, Hitler a décidé depuisplusieurs mois que le moment était venu pour lui de faire la guerre.

En effet, depuis le printemps 1939, il a précisé ses intentions guerrières contre laPologne, et il a même fixé une date d'échéance pour leur matérialisation : le 1er

septembre 1939. C'est, en tout cas, le sens explicite de la nouvelle version de la''Directive annuelle 1939-1940'' de l'OKW, dont la seconde partie (intitulée FallWeiss) est émise dès le 3 avril 1939 11, acompagnée d'un ordre (signé par Keitel)précisant que le Führer lui-même y ajoute ses propres directives, selon lesquellesces préparatifs doivent être exécutés en sorte de pouvoir engager les opérations à

11- L'émission de ces instructions formelles survient au début du mois d'avril 1939, comme une réponse aux réactionsanglaises et françaises qui ont sanctionné l'invasion de la Tchécoslovaquie par Hitler, le 15 mars 1939.Quelques jours auparavant, le 31 mars 1939, le Premier Ministre anglais a déclaré aux Communes que la Grande-Bretagne apporterait son assistance aux Polonais en cas d'agression étrangère (un pacte d'assistance mutuellen'étant finalement conclu formellement que le 28 août 1939). Dans son discours du 31/03, Chamberlain a préciséque le Gouvernement français s'associait à cet engagement d'assistance des Alliés aux Polonais.[Source : British War Blue Book : http://www.allworldwars.com/The%20British%20War%20Blue%20Book%201939.html]

Par ailleurs, la France est liée à la Pologne par le Traité d'Alliance du 19 février 1921, un dispositif complété sur leplan militaire par la Convention ''Kasprzycki-Gamelin'' du 19 mai 1939 (un accord destiné à faire face à la menacespécifiquement nazie) et sur le plan politique, par le Protocole franco-polonais du 4 septembre 1939.

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partir du 01/09/1939.12

e/ Un an plus tôt, Hitler avait procédé d'une manière semblable en déterminant, desmois à l'avance, une échéance ferme pour régler la crise tchèque, avec desrésultats très favorables pour lui :

1. Comme Hitler le rappellera lui-même ensuite (e.a., dans son discours auReichstag du 30 janvier 1939, ainsi que dans une conversation avec le Présidenttchèque, Emil Hacha, le 15 mars 1939)13, en mai 1938, il fixe l'échéance au 1er

octobre 1938 pour une action militaire contre la Tchécoslovaquie.Selon le témoignage déposé à Nuremberg par Fritz Wiedemann, l'un des aides decamp du Führer, cette décision est communiquée le 28/05/1938 à desreprésentants du Ministère des Affaires Etrangères (Ribbentrop et Neurath), del'Armée de Terre (Brauchitsch et Beck) et des autres états-majors (Göring pour laLuftwaffe, Raeder pour la Kriegsmarine et Keitel pour l'OKW), réunis à laChancellerie de Berlin 14. Et, dès le 30 mai 1938, une Directive de l'OKW estémise par Hitler, précisant que les opérations militaires contre la Tchécoslovaquiedébuteraient au plus tard le 1er octobre 1938. Ces opérations incluent uneinvasion de la totalité du territoire tchèque, à commencer par la capitale et lesbassins industriels de Bohême-Moravie. Les directives subséquentes et les ordrescomplémentaires retiennent également la date du 01/10/1938 comme ''deadline''pour une opération baptisée Fall Grün (Plan ''Vert'').15

2. Exécutés selon ce calendrier, les préparatifs militaires sont suivis avec inquiétudepar les Tchèques et leurs alliés (au premier rang desquels les Français et lesSoviétiques 16). Hitler lui-même veille à en informer ses propres alliés 17 : d'unepart, l'Italie (où Mussolini tarde à saisir qu'il est de plus en plus instrumentalisépar son ami) et, d'autre part, la Hongrie (qui guigne la récupération des vastesterritoires dont le Traité de Trianon l'a amputée, en 1920, le long de la frontièreslovaque).Via leur alliance avec la France, les Polonais sont théoriquement placés dans lemême camp que les Tchécoslovaques. Géographiquement, ils sont mêmeidéalement positionnés pour soutenir leur voisin tchèque. Mais ils n'interviendrontpas, notamment parce que Hitler a trouvé le moyen de les compromettre et deles neutraliser en leur promettant quelques miettes du gâteau tchèque.18

12- Source : Documentary Evidence for the Nurnberg Trials (1946) – Vol. 1, Chapter 9, pp. 428-429. • URL vol. 1 : http://fundamentalbass.home.mindspring.com/vol1.pdf

13- Source : Op.Cit. – p. 325.

14- Source : Ibid.

15- Source : Op.Cit. – pp. 325-329.

16- Pour une analyse fine des ''relations triangulaires'' entre la France, la Tchécosolovaquie et l'URSS, de 1919 à 1935,voir l'exposé de Bohumila Ferencuhová (Slovenská Akadémia vied Historicky ustav SAV, Breslavia, Slovakia), intitulé''Triangle Paris-Prague-Moscou : image stéréotypée comme facteur de décision dans les relations internationales ?'',préparé pour les Scientific sessions on Globalisation, Regionalisation and the History of International Relations and onThe Formation of the Images of the Peoples and the History of International Relations de la ''Commission of Historyof International Relations'' (CHIR), réunie en Assemblée Générale (4th CHIR General Assembly – Oslo, 11-12 August,2000), dans le cadre du 19th International Congress of Historical Sciences, organisé par ''The InternationalCommittee of Historical Sciences'' (I.C.H.S.), à Oslo (06-13/08/2000).[Voir http://www.oslo2000.uio.no/AIO/Int/IMAGES.pdf – section ''Papers'' – pp. 184-194]

17- Source : Documentary Evidence for the Nurnberg Trials (1946) – Op. Cit. – pp. 329-332.

18- En marge des accords négociés à Munich, les Polonais ont obtenu des Allemands de pouvoir envahir et occuper latotalité de la ''Zone de Teschen'', en Silésie. La revendication polonaise remontait à la fin de la Première GuerreMondiale, lorsque la région industrielle de Teschen avait été partagée entre les deux nouvelles Républiques, laTchécoslovaquie et la Pologne. [Voir aussi François Delpla – Hitler (Paris, Grasset – 1999) – p. 290]

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3. La menace militaire révélée par ces ''indiscrétions'' était avant tout un moyen defaire pression sur les autres parties dans les négociations en cours.Toutefois, menés à leur terme, ces préparatifs permettaient de couvrir d'autreséventualités, y compris un échec des négociations. Dans cette hypothèse, Hitleraurait pris tout le monde de vitesse en lançant immédiatement Fall Grün. Lemoment venu, ils ont aussi facilité l'invasion des territoires germanophones desSudètes, concédés à l'Allemagne. Positionnée par avance sur la frontière, laWehrmacht a pu les envahir dès le 1er octobre 1938, au lendemain de lasignature des accords de Munich.

4. En acceptant de participer jusqu'au bout au ballet diplomatique dont ledénouement se joue à Munich, Hitler s'est privé de sa ''première guerre'', mais ila marqué des points importants, notamment en termes de crédibilité et deprestige personnels, au détriment de tous ses interlocuteurs.Après la signature des accords, il ne peut toutefois s'empêcher d'exprimer unesorte de déception 19. Celle-ci survient lorsqu'il doit se résoudre à admettre quel'offensive ''tous azimuts'' qu'il avait programmée va devoir se limiter à une sorted'opération de police (l'occupation – en réalité, l'annexion – du territoire desSudètes, qu'il vient d'obtenir sans effusion de sang).Par ailleurs, le Führer est contrarié par le manque d'enthousiasme pour la guerremanifesté à l'occasion de la ''crise de Munich'', tant par le commandement del'armée que par la population allemande. Celle-ci n'a pas manqué de manifesterspontanément et bruyamment sa joie de voir la paix préservée 20. Hitler ennourrira une forme de ressentiment durable 21.

5. Son ''dossier tchèque'' ne pouvant se régler d'un seul coup 22, Hitler va doncdevoir patienter encore un peu pour ''achever le travail''. Pas trop longtempscependant, ce sera fait dès mars 1939, lorsqu'il contraint ce qui reste de laTchécoslovaquie à se soumettre sans opposer de résistance armée.23

19- Voir François Delpla – Op. Cit. – p. 282.

20- Voir Ian Kershaw – Hitler, tome 2 (Paris, Flammarion – 2001) – p. 214.

21- Voir François Delpla – Ibid.

22- Dans son Journal [une entrée du 30/09/1938, citée par Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 212], Goebbels résume lasituation après les accords de Munich de la manière suivante : ''Nous avons obtenu tout ce que nous voulions suivantle petit plan. Pour l'instant, compte tenu des circonstances, le grand plan n'est pas encore réalisable''.

23- Des événements parfaitement résumés par M.E. Ducreux, dans son article « Ecrire l’histoire de la mémoire », dontla citation reproduite ci-dessous est extraite des Cahiers du CEFRES (n° 6 f – p. 10, note n° 9) :« Les accords de Munich sont signés le 29/09/1938, et acceptés par Beneš le 30/09/1938. Celui-ci démissionne le 5octobre 1938. Le 2 novembre 1938, l'arbitrage de Vienne attribue à la Hongrie un territoire de 11.425 km2 et972.092 habitants (dont 53,9% de Hongrois). Le 6 octobre 1938, la Tchécoslovaquie devient Tchéco-Slovaquie. APrague, Emil Hácha, président de la Cour suprême, juriste de 66 ans, conservateur sans profil politique marqué, desanté déficiente, a été élu président de la République tchécoslovaque en novembre 1938 (début de la SecondeRépublique). Un système de parti unique est instauré en Slovaquie, où, en décembre 1938, le gouvernement de Tiso,alors ministre chargé de l'Administration de la Slovaquie par Prague, obtient 97% des suffrages sur une seule liste decandidats. Le 9 mars 1939, Hácha signe un décret dissolvant le gouvernement slovaque, envers lequel il n'a plusconfiance, et l'armée tchécoslovaque occupe les édifices publics à Bratislava. Tiso arrive à Berlin le 13 mars, où Hitlerlui conseille de déclarer l'indépendance de la Slovaquie. Le 14 mars, la diète slovaque proclame celle-ci à l'unanimité.Hácha part pour Berlin le même jour. Dans la nuit, Hitler le prévient qu'il a donné à l'armée allemande l'ordred'entrer en Tchécoslovaquie et exige la capitulation de l'armée tchèque, en menaçant de détruire Prague. Hacha cèdeet signe une déclaration dans laquelle il remet "avec confiance" le destin du peuple tchèque entre les mains du Reichet de son Führer. Hitler couche le 15 mars au Château de Prague et y proclame le 16 le Protectorat de Bohême etMoravie, partie intégrante du Grand Reich. [Cf. Victor S. MAMATEY, Radomír LUZA, la République Tchécoslovaque,1918-1948. Une expérience de démocratie, Paris, Librairie du Regard, 1987, chapitre VII : Keith EUBANK, "Munich",pp. 225-240 et chapitre VIII : Theodor PROCHAZKA, La Seconde République, 1938-1939", pp. 241-256] »[Source : Marie-Elizabeth Ducreux – Ecrire l’histoire de la mémoire – In : Cahiers du CEFRES – N° 6f, Histoire et mémoire (éd.Françoise Mayer, Marie-Elizabeth Ducreux – Avril 2012) – pp. 6-14][URL : http://www.cefres.cz/pdf/c6f/ducreux_1997_ecrire_histoire_memoire.pdf]

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Dès lors, au printemps 1939, son succès est total.Il a non seulement obtenu le contrôle des territoires qu'il convoitait et ladissolution de l'Etat tchèque, mais l'évitement du conflit en 1938 et l'absence decombats en mars 1939 lui permettent d'économiser et de consolider ses propresforces, tout en récupérant, intactes, d'importantes quantités d'armementsmodernes.Il met également la main sur un appareil économique performant, épargné parles destructions. La puissante industrie d'armement tchèque va pouvoir tourner àplein rendement au profit de la Wehrmacht.

6. Enfin, sur le plan diplomatique, le Führer a consolidé ses positions en vue desgrandes manœuvres suivantes.Faisant subtilement monter la pression et les enchères, mais sachant se montrer''raisonnable'' quand il le fallait (ce qui rassure les partisans de l'appeasement), ila pris l'ascendant sur tous ses interlocuteurs, Mussolini compris.Empêtrée dans les retombées du fiasco espagnol où le camp fasciste progresseirrésistiblement, tétanisée par la poursuite des terribles purges staliniennes quimutilent l'Armée Rouge, préoccupée par les menaces japonaises de plus en pluspressantes sur sa frontière d'Extrême-Orient 24, l'URSS est la grande absente deMunich et du règlement de la question tchèque, malgré le traité d'alliance qui lalie à Prague.En outre, elle apparaît de plus en plus isolée et délaissée par les Alliésoccidentaux, ce qui offre à Hitler de nouvelles opportunités pour une futurealliance à l'Est.

f/ Le 23 mai 1939 – lors d'une réunion avec Göring, Raeder et Keitel – Hitler déclareque ce qui s'est passé en 1938 ne se répétera pas en Pologne.25

Hitler n'a pas manqué de percevoir les changements intervenus dans l'opinion et leclimat diplomatique depuis son ''coup de Prague'' de mars 1939 (et l'annexion de lazone de Memel à la fin du même mois).

Par ailleurs, il a apporté son soutien à la sécession slovaque, qu'il a encadrée enbrandissant la menace d'une intervention militaire allemande en Slovaquie, de façonà permettre la poursuite de la rectification des frontières promise à la Hongrie.

Mais dès lors qu'il est fermement résolu à ne pas s'engager lui-même dans la voied'un règlement pacifique de la ''crise polonaise'' (ce qui ferait dérailler ses projetsguerriers comme cela s'était passé en 1938), celle-ci ne se résoudra pas sans actionmilitaire.

Ses entreprises diplomatiques suivantes (dont la conclusion du pacte germano-

24- Des combats acharnés opposent l'Armée Rouge à l'Armée impériale japonaise de la fin juillet à la mi-août 1938dans la région du Lac Khassan, frontalière de trois pays (Russie, Chine et Corée). Au prix de lourdes pertes, lesSoviétiques y remportent (très laborieusement) une victoire non convaincante sur les Japonais. Arrêté, lecommandant en chef soviétique pour l'Extrême-Orient, le Maréchal Blücher (qui avait présidé, un an plus tôt, letribunal où le Maréchal Toukhatchevski avait été condamné à mort) est accusé d'« espionnage au profit de l'ennemi »(à tort, mais l'un de ses subordonnés avait fait défection pour rejoindre le camp japonais) et il est exécuté ennovembre 1938.[Source : Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Battle_of_Lake_Khasan]

25- Selon ce qu'en a rapporté le colonel Schmundt, l'un des aides de camp de Hitler, ce dernier avait déclaré : ''Wecannot expect a repetition of the Czech affair. There will be war''. Ces propos ont été confirmés après la guerre par leGénéral Keitel, lors de ses interrogatoires par les Alliés.[Source : Nizkor : http://www.nizkor.org/hweb/imt/nca/nca-01/nca-01-09-aggression-01-07.html]

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soviétique) vont confirmer cette nouvelle orientation, en contribuant à créer lesconditions d'un nouveau succès retentissant.

g/ En ce qui concerne la planification stratégique, depuis la création del'Oberkommando der Wehrmacht, ou OKW, en février 1938 (à la faveur de l'affaire''Blomberg – Fritsch'' 26), elle est désormais assurée par cette nouvelle institution,mise en place et conçue pour assurer la diffusion et l'exécution des instructions duFührer.

Emises au plus haut niveau de l'Etat et du commandement militaire, ces instructionssont destinées aux chefs des autres états-majors (dont celui de l'OKH) et elles sontémises le plus souvent sous la forme de ''Directives'', signées soit par Hitler lui-même, soit par le chef de l'OKW, le Général Keitel.27

Le cas échéant, Hitler tient des conférences d'état-major avec le Commandant enchef de l'Armée de Terre (éventuellement accompagné de son Chef d'état-major).

Mais, comme nous le verrons ci-après (au chapitre II), les quelques degrés deliberté dont l'état-major de l'OKH pense encore pouvoir disposer dans ce système netarderont pas à disparaître eux aussi.

h/ Ces procédures trouvent leur origine dans la conférence du 5 novembre 1937.28

Le compte-rendu de cette ''réunion d'état-major'' – mieux connu sous le nom de''Protocole Hossbach'' 29 – constitue le témoignage du premier de ces espèces de''sauts quantiques'' que nous avons évoqués dans notre introduction.

Le document nous paraît plus intéressant dans sa forme que dans son contenu –i.e., les projets eux-mêmes, tels que Hitler peut les décrire alors, forcément assezlointains et vagues en 1937.

Sauf peut-être pour les conflits qui se profilent à plus court terme, tout enconservant un caractère ''local'' puisque circonscrits à l'Autriche – à absorber au plusvite, ce qui sera fait en mars 1938, via l'Anschluss – et à la Tchécoslovaquie – àdémembrer et à désarmer dès que possible, ce qui sera fait en deux temps, enseptembre 1938 à Munich, puis par l'invasion militaire de mars 1939.

Avant tout, ce ''protocole'' témoigne de l'émergence d'une nouvelle forme degouvernance des affaires militaires, matérialisée par l'ingérence personnelle

26- A la suite de scandales fabriqués de toutes pièces par les SS de Himmler et Heydrich, cette affaire a permis àHitler d'écarter son Ministre de la Guerre (le Maréchal von Blomberg, dont le ministère a été supprimé au passage) etle Commandant en chef de l'Armée de Terre (le Général von Fritsch, remplacé par von Brauchistch), tout en mettanten place une nouvelle structure de commandement au plus haut niveau des forces armées allemandes, avec lacréation de l'OKW. Ainsi, dès février 1938, Hitler – qui est lui-même le commandant suprême des forces arméesallemandes – s'est assuré un contrôle total et unifié de l'ensemble des hauts-commandements militaires.[Pour plus de détails sur les affaires von Blomberg et Fritsch : voir Ian Kershaw – Op. Cit. - pp. 110-120 et François Delpla – Op. Cit. -pp. 263-273]

27- L'usage étendu de cette délégation de signature – qui fait de lui l'un des ''comploteurs nazis'' – sera reproché àKeitel lors du Procès de Nuremberg, en 1946 (les directives et ordres portant sa signature étant portés au dossier depièces de l'accusation). Cela contribuera à sa condamnation au titre des ''crimes contre la paix''.

28- Cette réunion s'est tenue le 05/11/1937, à Berlin, dans les locaux de la Chancellerie. Assisté de son aide de camppour la Wehrmacht, le Colonel Friedrich Hossbach, Hitler y a rencontré le Ministre des Affaires Etrangères (Konstantinvon Neurath), le Ministre de la Guerre (Werner von Blomberg) et les commandants en chef de l'Armée de Terre(Werner von Fritsch), de la Luftwaffe (Hermann Göring) et de la Kriegsmarine (Erich Raeder). [Pour plus de détails : voir Ian Kershaw – Op. Cit. – pp. 103-110 et François Delpla – Op. Cit. – pp. 260-262]

29- Le contenu de ces discussions nous est connu via ce ''Protocole'', en réalité un compte-rendu (procès-verbal) établiquelques jours plus tard (ce PV est daté du 10/11/1937) par le Colonel Hossbach, à partir de ses notes prises enséance. [Voir également Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 104 et François Delpla – Op. Cit. – p. 260]

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directe de Hitler dans la planification stratégique de l'état-major des forcesarmées.30

Désormais, sa diplomatie ne va pas seulement être totalement asservie à sesobjectifs de politique étrangère (ce qui est sa fonction primaire), mais elle sera aussiétroitement coordonnée avec la direction des affaires militaires, de façon àconstituer un binôme fort.31

Par référence à la terminologie de la gestion des organisations, nous sommes ici enprésence d'un mode de communication managériale ''top – down'', ce qui n'aévidemment rien pour surprendre dans le cadre d'un régime autocratique.

Relevons cependant que cette communication est structurée et formalisée en tantque telle.

30- Hitler entame ainsi la phase finale de la réforme des forces armées allemandes qu'il avait engagée avec le décretdu 16 mars 1935 et la loi du 21 mai 1935 relative à l'organisation de l'armée nationale.Seize ans plus tôt, le 6 mars 1919, le Reichstag avait adopté une loi sur la force de défense du Reich, complétée parun décret, le 9 mars 1919, réglementant le commandement militaire. Ce dispositif plaçait la Reichswehr sous contrôleparlementaire, les soldats prêtant serment à la Constitution de la République allemande (et non au chef de l'Etat). Ason plus haut niveau, l'Armée de terre (ou Reichsheer) était commandée par un unique général, rapportantdirectement au Ministre de la Défense (le Reichswehrminister). De même, pour la Marine (ou Reichsmarine), dontl'unique commandant en chef était subordonné au ministre. Et il n'y avait pas de Force aérienne, car le Traité deVersailles l'interdisait. Conformément à l'article 47 de la Constitution du 11 août 1919, le Reichspräsident (i.e., lePrésident de la République) était le commandant suprême (Oberbefehlshaber) de toutes les forces armées (avecfaculté de délégation). Par la loi pour l'armée du 23 mars 1931, le commandement suprême avait été délégué auReichswehrminister.L'interdiction (prévue à l'article 160 § 3 du Traité de Versailles) de reconstituer un ''Grand Etat-major'' au sein desforces armées allemandes avait été contournée par la création d'un service appelé Truppenamt au sein de laDirection de l'Armée de terre ou Heeresleitung. Faisant secrètement office de Grand Etat-major, le Truppenamt avaitdiscrètement posé les bases théoriques et pratiques de la construction d'une force militaire largement supérieure, àterme, aux 100.000 hommes (et 15.000 marins) autorisés à Versailles pour la Reichswehr. La Direction de la Marineou Marineleitung (le nom adopté en 1920 pour l'Amirauté ou Admiralität) et la Heeresleitung (donc, le Truppenamt)faisaient partie intégrante du Reichswehrministerium. Le chef de la Heeresleitung était le ''conseiller technique'' duMinistre de la Défense, avec rang de Sous-secrétaire d'Etat.Outre le changement de dénomination des forces armées (la Reichswehr devenant la Wehrmacht) et lerétablissement du service militaire et d'une Force aérienne (sous le nom de Luftwaffe), les réformes de 1935 avaientégalement débouché sur la création de trois états-majors distincts, à savoir l'OKH pour la Heer (l'Armée de terre),l'OKM pour la Kriegsmarine et l'OKL pour la Luftwaffe. Hormis Göring, le commandant en chef de l'OKL, qui avait rangde ministre (Reichsminister für Luftfahrt), les autres commandants en chef étaient placés sous l'autorité du Ministrede la Guerre (ou Reichskriegsminister, le nouveau nom adopté en mai 1935 lorsque le Ministère de la Défense avaitété débaptisé en Reichskriegsministerium, un retour à l'ancienne appellation impériale prussienne).Depuis la mort du Président Hindenburg (02/08/1934), Hitler lui-même cumulait les fonctions de commandantsuprême de la Wehrmacht (ou Oberbefehlshaber der Wehrmacht) avec celles de Führer, de Chancelier et de Chef del'Etat. Le 2 août 1934, toute la Wehrmacht avait prêté serment de fidélité à Adolf Hitler personnellement (et non plusà la Constitution de la République), une formule légalisée et rendue obligatoire par une loi du 20 août 1934.[Sources : (1) http://www.lexikon-der-wehrmacht.de/ || (2) K.D. Bracher – Hitler et la dictature allemande (Bruxelles, EditionsComplexe – 1995) – pp. 328-329 || (3) C. Defrance, F. Knopper, A.M. Saint-Gille (dir.) – Pouvoir civil, pouvoir militaire en Allemagne(Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion – 2013) – pp. 52-53]

31- Autrement dit, à un moment donné, la Wehrmacht doit être en mesure de prendre le relais de l'action politico-diplomatique, afin d'atteindre par la force les objectifs que Hitler n'aura pas pu (ou voulu) atteindre par des voiespolitiques ou négociées. Et, de son côté, l'action politico-diplomatique doit créer les conditions qui vont faciliter lapréparation, l'exécution et la réussite des opérations militaires. Un exercice dans lequel, évidemment, Hitler excelle.Ce ''dogme hitlérien'' d'une corrélation forte entre les actions diplomatiques et militaires ne manque pas d'êtrerappelé jusque dans les Directives diffusées par l'OKW, à côté de la recommandation appuyée de recourirsystématiquement à des ''opérations spéciales'' pour semer trouble et confusion chez l'ennemi. A titre d'exemple,l'introduction de la directive annuelle secrète émise par le Haut Commandement de la Wehrmacht à destination del'Armée, de la Marine et de la Luftwaffe, pour l'année débutant le 01/07/1937 (i.e., la ''Directive pour la PréparationUnifiée des Forces armées en vue de la Guerre'', émise le 24 juin 1937 par le Ministre von Blomberg) stipule, au titrede ses ''principes directeurs'', que : "The politically fluid world situation, which does not preclude surprising incidents,demands constant preparedness for war on the part of the German Armed Forces […] to make possible the militaryexploitation of politically favorable opportunities should they occur."[Source : pour le texte des directives : http://fundamentalbass.home.mindspring.com/x4984.htm]

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Hitler a bien préparé cette réunion et appuie son exposé sur des notes.32

Ensuite, le projet de compte-rendu du Colonel Hossbach fait l'objet d'une relectureattentive de la part du Führer 33 avant sa diffusion, celle-ci étant étendue à ceux qui''doivent savoir'', mais n'étaient pas présents à la réunion (comme le GénéralLudwig Beck, le Chef d'état-major de l'OKH, qui ne se prive pas de faire une critiquesévère des propos du Führer 34).

Toutefois, cette première promotion de la ''Hitler's Management School'' comporteune majorité de ''mauvais élèves''.

Göring et Raeder, mieux rodés sans doute au système hitlérien (ou bénéficiant de''dispenses''), s'en tirent bien.

Mais pour les autres, c'est l'hécatombe, ils sont tous ''recalés''. Même s'ils sesoumettent de mauvaise grâce aux volontés de leur Führer dans les semaines quisuivent la conférence du 5 novembre, ils n'ont sans doute pas compris assezrapidement que leur rôle se limite désormais à la stricte exécution de ses volontés.

Leur manque flagrant d'enthousiasme est une faute d'autant moins pardonnablequ'ils se sont mis ''hors jeu'' en se permettant de critiquer, peu discrètement, laméthode proposée – basée sur l'agression militaire délibérée – alors que, sur le fond(à savoir l'incorporation au Reich de l'Autriche et de la Tchécoslovaquie), ilsn'émettent guère d'objections. En réalité, sur ces objectifs d'expansion, ils sontlargement en phase avec leur Führer.35

Il s'ensuit que, outre von Blomberg et von Fritsch, dont nous avons déjà parlé, leMinistre von Neurath est remplacé le 4 février 1938 aux Affaires Etrangères par lebelliqueux von Ribbentrop (Neurath étant placé dans une espèce de semi-retraite).

Même le Colonel Hossbach (qui a commis l'indélicatesse de trahir la confiance deson Führer en informant Fritsch du complot le menaçant 36) doit céder son poste (àSchmundt) dès le 28 janvier 1938.

Et, finalement, le Général Beck démissionne, le 18 août 1938, pour être remplacépar Franz Halder (qui est nommé le 1er septembre 1938 à la tête de l'état-major del'OKH).

Au passage, Hitler en profite pour raccourcir et renforcer sa ''ligne managériale'' enconfirmant, le 4 février 1938, sa décision de supprimer le Ministère de la Guerre etde mettre en place l'OKW (confié au peu scrupuleux Général Keitel, avec rang deReichsminister, assisté d'un chef d'état-major compétent, le Général Jodl).

32- Voir Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 104.

33- Voir Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 107 [renvoyant par sa note n° 271 à W. Bussmann – Zur Entstehung – p. 378].

34- Voir Ian Kershaw – Op. Cit. – pp. 108-109 [renvoyant par ses notes n° 273, 279 et 280 à K.J. Müller – Beck – pp. 408-501pour le texte et pp. 254-261 pour le commentaire]. Et François Delpla – Op. Cit. – pp. 266-267.

35- Ainsi, Blomberg avait émis, dès juin 1937, des directives opérationnelles prévoyant l'invasion de l'Autriche(Opération ''Otto'') et de la Tchécoslovaquie (Fall Grün, première mouture) [voir ''OKW Directive for Unified Preparation forWar 1937-1938, with covering letter from von Blomberg, 24 June 1937'', reprise au dossier de pièces de l'accusation au Procès deNuremberg comme ''Exhibit USA # 69 Vol. VI p. 1006'' – International Military Tribunal, Indictment Number 1, Sections IV (F) 3 (a,b)]. Incontestablement, de telles directives rompent avec les anciens ''plans de contingence'' (que l'état-majorallemand – à l'instar de ce que font tous les états-majors généraux – avait établis sur la base d'hypothèsesgénérales, et non pour répondre aux besoins spécifiques d'un conflit ''actif''), destinés à concevoir la défense et laprotection militaire du Reich (p.ex. les hypothèses Fall Blau et Fall Rot de 1935 pour la défense des frontièresorientales et occidentales). Il s'agit désormais – et explicitement depuis juin 1937 – de préparer des situations deconflit armé avec des pays tels que la France, la Grande-Bretagne, la Tchécoslovaquie ou la Pologne (dont,objectivement, aucun ne menace alors directement et activement l'Allemagne).

36- Voir François Delpla – Op. Cit. – p. 272.

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i/ Comme Hitler le sait fort bien, l'erreur stratégique à ne pas commettre serait des'engager prématurément, ou de se laisser entraîner, dans un conflit extérieur surdeux fronts (ainsi que le Kaiser l'avait fait en 1914).

Avant de pouvoir se tourner vers l'Est, pour y conquérir le Lebensraum qui assureral'émergence et le développement pérenne de sa ''super-puissance'' germanique, illui faut trouver un compromis à l'Ouest, principalement avec l'Angleterre, ce quin'est envisageable qu'en sortant la France de l'équation.

Une élimination en forme de revanche, mais aussi de réduction de la menacereprésentée par la puissance militaire française, véritable ''bras armé'' continentaldes Britanniques.

Pour écarter le spectre d'une guerre sur deux fronts, Hitler va devoir déployerdes trésors d'imagination afin de surmonter un à un les obstacles que lesvainqueurs de 1918 ont placés sur son chemin.

Il lui faut à la fois gagner du temps (pour permettre à son programme deréarmement accéléré – dopé par les montages financiers du rusé Ministre del'Economie du Reich, Haljmar Schacht – de porter ses fruits en faisant émerger uneforce armée digne de ses ambitions) et des territoires (pour s'assurer le contrôlede bases de départ optimisées en vue de ses futures offensives conquérantes).

Hitler va alors décomposer ses actions en phases successives, dont Fall Gelbconstituera l'aboutissement.

Les préliminaires indispensables (que nous allons aborder dans les pages suivantes)seront des conditions ''nécessaires'', mais non ''suffisantes'' du succès final, lequeldépend d'une exécution parfaitement enchaînée de toutes les étapes précédentes.

j/ A l'Ouest, la France et l'Angleterre voient certainement d'un mauvais œil le réveilde la puissance militaire allemande après l'arrivée de Hitler au pouvoir, mais elles nesont guère disposées à s'engager dans un nouveau conflit majeur pour sanctionnerles transgressions successives des clauses du Traité de Versailles.

Des péchés trop aisément considérés comme véniels, alors que la crise mondialecontinue de faire ressentir ses effets sur des économies affaiblies par la ruineuseguerre précédente.

Les Alliés sont également accaparés par les tensions qui accompagnent les maladiesde jeunesse du système politique européen qu'ils ont créé de toutes pièces poursuccéder aux empires centraux vaincus, dépecés à Versailles.

L'irrédentisme des nouvelles nations européennes se double d'une réaction anti-bolchevique – ou, plus généralement, anticommuniste – dans de nombreux Etatsd'Europe méridionale, centrale et orientale, favorisant la mise en place de régimesautoritaires, fascisants et anti-parlementaires.

L'émergence de nouvelles puissances – globales (comme les USA), semi-globales(comme le Japon, dont la sphère de coprospérité est en compétition directe avec lesempires européens d'Asie) ou continentales (comme l'URSS, mise au pas etmodernisée dans la souffrance de ses populations, mais surtout réarmée à unrythme forcené par un Staline aux appétits grandissants) – met la puissanceimpériale française et britannique sous pression.

Quelques fêlures ont commencé d'apparaître dans les édifices coloniaux, parfois

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sous la forme d'insurrections armées, encore limitées ou rapidement maîtrisées 37,mais qui menacent de récidiver ou de métastaser 38.

En outre, les vainqueurs de 1918 ont négligé d'apaiser les griefs de leur ancien alliéitalien 39, qui s'estime lésé dans ses revendications territoriales et coloniales et lefait entendre de plus en plus bruyamment par la voix de son Duce, Benito Mussolini.

Bref, là où Hitler peut se concentrer sur un agenda unique, le sien, ses adversairesdoivent gérer des agendas multiples, parfois conflictuels.

k/ Hitler lit parfaitement dans le jeu de ses ennemis et il sait exploiter la moindre deleurs failles ou de leurs hésitations pour avancer ses propres pions, dans une partiequ'il domine largement sans l'afficher trop ouvertement, ne se démasquant quelorsqu'il est trop tard pour encore réagir efficacement afin de le contrer.

Outre la récupération de la souveraineté sur des territoires dont personne necontestait vraiment l'appartenance à l'Allemagne – mais dont elle avait été privée autitre des sanctions imposées à Versailles (comme la Sarre ou la Rhénanie p.ex.) –Hitler a réussi également à recruter un premier allié extérieur significatif en nouantdes liens personnels forts avec un Mussolini que les autres continuaient de négliger.

l/ Présentée abusivement par Hitler comme une affaire interne à la ''sphèregermanique'', l'annexion de l'Autriche n'a guère fait réagir.

Elle a pourtant ouvert la voie aux revendications hitlériennes d'obtenir uneréintégration au nouveau Reich des minorités allemandes encore présentes dans lespays limitrophes.

Et c'est ce mouvement qui a conduit à la destruction de la Tchécoslovaquie quelquesmois plus tard.

37- Citons, à titre d'exemple, la ''Mutinerie de Yen-Bay'' du 10 février 1930, au Tonkin, un projet nationaliste desoulèvement général contre l'autorité coloniale française, qui échoue et est réprimé immédiatement, mais qui inspirenéanmoins le leader communiste vietnamien Ho Chi Minh.

[Sources : (1) Pour une analyse plus détaillée de la situation en Indochine française au début des années 30 : voir Pierre Brocheux –Crise économique et société en Indochine française – In : Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 63, n°232-233, 3e et 4etrimestres 1976. L'Afrique et la crise de 1930 (1924-1938) – pp. 655-667 || (2) Sur les événements de Yen-Bay : voir PierreBrocheux – Indochine : La grande révolte de 1930 – In : Collections n°11 ''Le temps des colonies'' du Mensuel L'Histoire – avril 2001– pp. 80 sqq.]

Du côté britannique, mentionnons la signature du ''Traité Anglo-égyptien'' de 1936, qui s'accompagne d'une agitationorchestrée par les ''Frères Musulmans'', expression d'un malaise grandissant vis-à-vis de la présence militaire duRoyaume-Uni au Moyen-Orient, y compris en Palestine, secouée au même moment par une révolte arabe dont larépression favorisera un rapprochement des nationalistes arabes avec le régime nazi.

[Sources : (1) Pour une analyse – engagée – contemporaine des événements : voir Robert Montagne – Pour la paix en Palestine –In : Politique étrangère, n° 4 – 1938 – 3e année – pp. 384-411 || (2) Pour une analyse de la révolte arabe de Palestine : voir LisaRomeo – Révolte arabe 1936-1938 – publié le 16/04/2011 sur : http://www.lesclesdumoyenorient.com/Revolte-arabe-de-1936-1938.html]

Ou encore les actions violentes des militants nationalistes indiens radicaux – tels ceux de l'Hindustan SocialistRepublican Association (HSRA) – impliqués dans des assassinats et des attentats qui secouent la colonie indienne de1928 à 1936.

[Source : Pour un aperçu chronologique de l'évolution des mouvements révolutionnaires indiens, ainsi que de leurs activités et de larépression qu'ils subissent, de 1919 à 1946, voir : http://www.gatewayforindia.com/history/british_history4.htm#RevolutionaryMovement in India during 1920s and 1930s]

38- Notamment, sous l'influence du Komintern (l'Internationale Communiste, alignée sur Moscou). Pour en rester ànotre exemple indochinois, le Komintern pousse Ho Chi Minh à fonder, en 1930, le Parti Communiste Indochinois (ouPCI), de façon à y inclure des Laotiens et des Cambodgiens, en vue d'étendre la lutte à toute l'Indochine française.[Source : Jean Chesneaux – Fondements historiques du communisme vietnamien – In : L'Homme et la société, n° 14, 1969 –Sociologie et socialisme – pp. 83-98]

39- A propos des espoirs italiens déçus à Versailles : voir Alain Marzona – Les incidents franco-italiens de Fiume oul'expression des frustrations italiennes (novembre 1918 – juillet 1919) – In : Revue Historique des Armées, n° 254,2009 – pp. 29-38.

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En effet, sur le plan militaire 40 et dans la perspective d'une invasion éventuelle duvoisin tchèque, l'Anschluss de mars 1938 41 offre à la Wehrmacht de nouvelles basesde départ, plus favorables car permettant d'entrer directement en Moravie depuis laBasse-Autriche sans devoir franchir le même genre d'obstacles montagneux queceux rencontrés sur la frontière avec l'Allemagne, à l'ouest de la Bohême, que lesTchèques continuent de fortifier rapidement et à grands frais.

De cette façon, dans l'hypothèse Fall Grün, la Wehrmacht pourra encercler toute laBohême sans devoir affronter les principales défenses tchèques.

Elle refermera en Moravie les pinces d'une vaste tenaille dont la pince norddébouchera depuis la Silésie allemande, tandis que la pince sud surgira à partir de laBasse-Autriche.

Cette manœuvre permet de contourner le gros des fortifications tchèques, qui sontsituées sur la façade occidentale de la Bohême.

C'est ce secteur qui a reçu la priorité dans les travaux entrepris à partir de 1935,étant donné que l'Autriche est encore indépendante à cette époque et qu'elle peutêtre considérée comme suffisamment hostile aux Nazis pour ne pas autoriser latraversée de son territoire (ce qui eût permis d'envahir la Tchécosolovaquie par lesud).42

m/ Difficilement envisageable sans les avancées précédentes, la disparition de laTchécoslovaquie est donc une étape préliminaire à portée stratégique, dans laperspective d'un affrontement à venir avec les armées franco-britanniques (le futurFall Gelb).

Ce qui justifie sans doute que le Führer aille jusqu'à afficher sa volonté d'endécoudre vraiment pour la franchir.

1. Théoriquement, en cas de conflit, la Tchécoslovaquie devrait pouvoir compter surl'appui de la France, de la Grande-Bretagne et de l'URSS, ainsi que de plusieurs

40- A côté de l'évidente portée politique et symbolique de l'Anschluss pour le IIIème Reich hitlérien, son interprétationpurement militaire et sa signification dans la perspective de la confrontation à venir avec les Tchèques sur la frontièreorientale du Reich sont confirmées par le Führer lui-même, dans une lettre personnelle adressée à Mussolini, le11/03/1938 (partiellement publiée à l'époque dans les journaux allemands et italiens), où Hitler révèle que : ''Cesderniers mois, j'ai vu avec une préoccupation croissante se développer graduellement entre l'Autriche et laTchécoslovaquie des relations difficiles pour nous à tolérer même en temps de paix […] J'ai signalé […] quel'Allemagne n'était pas disposée à permettre à une puissance militaire ennemie de s'installer à ses frontières.''.[Source : pour le texte non publié dans la presse en 1938, voir : http://aufildesmotsetdelhistoire.unblog.fr/2014/03/16/le-13-mars-1938-proclamation-de-lanschluss/]

Contrairement au plan diffusé par Blomberg en juin 1937 (voir note n° 35 ci-avant), il n'est plus question, en mars1938, d'une invasion militaire de la Tchécoslovaquie simultanément à ou dans la foulée de celle de l'Autriche. Ladestruction de la Tchécoslovaquie est programmée pour l'étape suivante (voir section m/ ci-après).

41- La Wehrmacht pénètre en Autriche le samedi 12 mars 1938 à l'aube, selon les plans de l'OKW (dont c'est, enquelque sorte, le ''baptême du feu'', mais sans combats) et l'Anschluss lui-même est proclamé par Hitler, à Vienne,dans la soirée du 14 mars 1938. Au plan politique, l'annexion est avalisée ''par acclamation populaire'' (plus de 99 %des votes exprimés lui sont favorables) le 10 avril 1938, lors du référendum qui est couplé aux élections législativesallemandes. Les ordres aux forces armées allemandes sont donnés par la ''Directive d'opération n°1'' (OpérationOtto) de l'OKW, datée du 11/03/1938 et signée par Hitler lui-même. Cette directive est accompagnée d'une noted'«instructions spéciales» (''Dispositions spéciales n°1'') de l'OKW, datée du même jour et signée ''p.o.'' par Jodl (i.e.,''par ordre'', à la place de Keitel). L'ordre de l'invasion elle-même est donné le 11/03/1938 à 20h45, par la ''Directived'opération n°2'' de l'OKW, signée par Hitler. Pour cette première opération militaire du Haut Commandement''nouvelle formule'', c'est donc clairement l'OKW (i.e., Hitler, assisté de Keitel et Jodl) qui dicte les ordresopérationnels aux autres commandements impliqués (ici, l'OKH et l'OKL).[Source : texte des directives : http://aufildesmotsetdelhistoire.unblog.fr/2014/03/16/le-13-mars-1938-proclamation-de-lanschluss/]

42- Voir Milan Hauner – La Tchécoslovaquie en tant que facteur militaire – In : ''Revue des études slaves'', Tome 52,fascicule 1-2, 1979 – Munich 1938 : mythes et réalités – pp. 184-185.

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autres Etats, dont certains sont des voisins directs.43

Cependant, de façon pratique, elle va se retrouver assez rapidement seule face àson destin.Sous la pression des appeasers, l'Angleterre a exclu toute forme d'engagementmilitaire direct de sa part dans le cadre du contentieux germano-tchèque.44

La France a conclu deux alliances militaires, l'une avec la Tchécoslovaquie, l'autreavec la Pologne, mais il n'a jamais été possible d'articuler ou de fusionner cesdeux traités.Par ailleurs, depuis 1934, la Pologne a également noué des liens avecl'Allemagne 45, et celle-ci s'est engagée à ''rémunérer'' la passivité des Polonaisdans le règlement de la question tchèque.46

En 1938, la Tchécoslovaquie ne peut donc véritablement compter que sur deuxalliés, la France et l'URSS.Et dans cet ordre, parce qu'une intervention soviétique ne peut s'envisager qu'àla condition que la France elle-même décide préalablement d'intervenir (ce qu'elleest résolue à ne pas faire).47

De toute façon, faute d'une frontière commune, aucun de ces deux pays – s'il ledésirait – ne pourrait porter directement assistance aux Tchèques.

2. Parmi les pays frontaliers à la fois de la Tchécoslovaquie et de l'URSS, ni laPologne, ni la Hongrie ne sont disposées à accorder un droit de passage à l'ArméeRouge.Seule la Roumanie a accepté de le faire et elle a même commencé à aménagerses infrastructures routières et ferroviaires en ce sens.48

L'URSS pourrait aussi intervenir par la voie aérienne et, d'ailleurs, la propagandehitlérienne fait grand cas des bases aériennes que les Tchécoslovaquesenvisageraient d'accorder aux Soviétiques.49

Auprès des pays occidentaux, les Nazis tirent prétexte de cette éventualité pourdénoncer le danger d'une ''bolchevisation'' de la Tchécoslovaquie (sur le modèle

43- Selon les accords de la ''Petite Entente'' – une alliance militaire conclue en 1920, dans la foulée du Traité deTrianon et soutenue par la France – la Tchécoslovaquie peut théoriquement compter sur le soutien de la Yougoslavieet de la Roumanie, mais uniquement en cas de conflit avec la Hongrie (qui revendique une large portion de laSlovaquie et a des litiges frontaliers avec la Roumanie). Cette alliance militaire ne peut donc sortir ses effets quedans l'hypothèse où la Hongrie se joindrait directement à l'Allemagne pour agresser les Tchèques.[Source : Jean-Philippe Namont – La Petite Entente, un moyen d'intégration de l'Europe centrale ? – In : ''Bulletin de l'Institut PierreRenouvin'' – n° 30 – Automne 2009 – pp. 53-56]

44- Voir Ozer Carmi – L'Angleterre et la Petite Entente (Genève, Librairie Droz S.A. – 1974) – pp. 318-324.

45- Via le ''Pacte de non-agression'' germano-polonais du 26 janvier 1934.

46- Voir note n° 18 ci-avant.

47- La mise en oeuvre des obligations soviétiques d'assistance militaire vis-à-vis des Tchèques, au titre du ''Traitéd'assistance mutuelle'' conclu entre la Tchécoslovaquie et l'URSS le 16 mai 1935, est subordonnée à l'exécution parles Français des engagements qu'ils ont souscrits vis-à-vis des Soviétiques au titre du ''Pacte franco-russe'' du 2 mai1935. En outre, un protocole additionnel au Traité soviéto-tchécoslovaque prévoit que les mesures d'assistance desSoviétiques aux Tchèques n'entrent en vigueur que si la France décide d'apporter son aide à la Tchécoslovaquie.[Source : Anne Lumet – Le Pacte : Les relations russo-japonaises à l'épreuve des incidents de frontière (Paris, Publibook – 2004) – p.261]

48- Voir Viorica Moisuc – La Roumanie face à la crise tchécosslovaque en 1938 – In: ''Revue des études slaves'', Tome54, fascicule 3, 1982 – Munich 1938 : mythes et réalités. – pp. 284-285.

49- Une hypothèse réaliste puisque l'autorisation de survol, refusée par la Pologne, avait été accordée à l'URSS par laRoumanie et que, selon la lettre ouverte d'Adrien Thierry (l'Ambassadeur de France à Bucarest en 1938) publiée dansle Journal Le Monde du 18 novembre 1947, environ deux cents avions soviétiques se trouvaient en Tchécoslovaquieau moment où se tenait la Conférence de Munich.[Source : Viorica Moisuc – La France et la crise politique en Europe centrale en 1938 – In : ''Revue Internationale d'Histoire Militaire''– 2005. Article disponible sur : http://www.institut-strategie.fr/RIHM_83_9.htm#_ftnref2]

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de ce qui serait supposé se produire alors en Espagne) – une façon comme uneautre d'affaiblir la position tchèque et d'isoler encore un peu plus l'URSS ou de ladissuader d'intervenir aux côtés des pays qui professent ouvertement unanticommunisme non moins virulent que celui de l'Allemagne. Dans cesconditions, le risque d'une intervention soviétique est quasi inexistant.

3. Quant aux Français, ils ne pourraient intervenir qu'en lançant – à rebours de leurdoctrine militaire – une offensive à l'Ouest, sur la frontière allemande (en Sarreou dans les Vosges).En effet, ailleurs, le Reich et la France sont séparés par la Belgique et leLuxembourg, deux pays neutres que la France ne peut se permettre d'envahir.50

Mais une offensive dans les Vosges, à partir de la Ligne Maginot – un ensembleconçu pour la défense statique – n'est guère envisageable de façon pratique.Reste alors la Sarre, un front étroit sur lequel les Allemands s'emploient àaméliorer leurs fortifications face à cette éventualité.

4. L'Allemagne ne se lançant dans aucune offensive directe contre la France etn'envisageant certainement pas non plus de violer (à ce moment-là) la neutralitédu Benelux, il est exclu de voir les Britanniques revenir sur leur position etintervenir sur le continent aux côtés de leurs alliés français.

5. En dehors de quelques ''escarmouches'' en Sarre, la seule réactionéventuellement praticable à l'Ouest serait alors une campagne debombardements sur l'Allemagne, à charge de l'Armée de l'Air française (uneintervention de la RAF britannique étant à exclure).Mais en l'état de la flotte aérienne de bombardement française en 1938 et euégard aux longues distances à parcourir pour atteindre des cibles stratégiques àl'intérieur du Reich, une telle action offensive ne produirait guère d'effetssignificatifs sur l'adversaire, dont la chasse et la défense anti-aérienne nemanqueraient pas non plus d'infliger des pertes sérieuses aux assaillants.Sans parler des représailles aériennes allemandes prévisibles, sur la France etéventuellement sur l'Angleterre, si celle-ci est malgré tout contrainte d'interveniraux côtés de son allié français.51

6. Dès lors, Hitler sait que l'invasion de la Tchécoslovaquie en septembre 1938 apeu de chances de déboucher pour lui sur la situation défavorable d'unengagement sur deux fronts.Il peut donc prendre le risque de concentrer l'essentiel de ses forces à l'est del'Allemagne, contre la Tchécoslovaquie, tout en maintenant une couvertureminimum à l'ouest. Ce qui constitue précisément l'essence du plan Fall Grünarrêté depuis mai 1938.

7. Un tel plan permettra d'éradiquer l'une des pires menaces qui pèseraient dans ledos de la Wehrmacht si – en renversant l'hypothèse retenue pour Fall Grün –Hitler décidait, en 1938, d'en découdre avec l'armée française à l'Ouest. En effet, bien encadrée et équipée, l'armée tchèque ne doit pas être prise à la

50- Ce d'autant moins que l'accord militaire franco-belge de 1920 a pris fin en 1936, en conséquence des actionsentreprises, entre 1931 et 1935, par le Ministre belge des Affaires Etrangères, Paul Hymans, en faveur d'unepolitique de sécurité basée sur l'«indépendance» du Royaume (et non plus sur sa « neutralité garantie »).[Source : Fernand Van Langenhove – A propos des relations militaires franco-belges, 1936-1940 – In : ''Revue belge de philologie etd'histoire'', Tome 47 - fasc. 4, 1969 – Histoire (depuis l'Antiquité) – Geschiedenis (sedert de Oudheid) – pp. 1198-1215]

51- Voir Ozer Carmi – Ibid.

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légère.52

Ses véritables faiblesses sont le manque de mobilité (faute de disposer d'un parcsuffisant de véhicules de transport), ainsi que son aviation, réduite ettechniquement dépassée. Pour le reste, elle soutient largement la comparaison.En termes d'effectifs, même si Hitler prenait le risque politique de décréter unemobilisation générale en 1938 (ce qu'il ne fait pas dans la situation réelle),l'armée allemande ne pourrait aligner – en tout (i.e., pour ses deux fronts) – qu'àpeu près le double du nombre des divisions tchèques, malgré sa population prèsde cinq fois plus nombreuse. Mais il ne faut pas perdre de vue qu'en Allemagne,le service militaire obligatoire n'a été rétabli par Hitler qu'en mars 1935. Comptetenu de sa durée (deux années à partir de l'automne 1936), la conscription nepeut fournir immédiatement à la Wehrmacht les contingents de recrues forméesnécessaires à la mise sur pied de nouvelles grandes unités suffisammententraînées pour avoir une valeur combative.En outre, l'industrie d'armement tchèque produit d'excellents matériels, dont deschars qui surclassent très largement (en blindage et en puissance de feu) tous lespanzers allemands de l'époque. Ceux-ci sont cinq fois plus nombreux, mais laplupart ne sont encore que des espèces d'automitrailleuses faiblement blindées,sans réelle capacité antichar et inopérantes contre des positions enterrées.53

Même la petite aviation tchèque conserve une capacité de nuisance compte tenude la proximité géographique de ses bases avec les centres urbains et industrielsimportants de l'est de l'Allemagne ou du nord de l'Autriche.

8. Heureusement pour les Allemands, la doctrine militaire des Tchèques s'inspiredirectement du modèle français. Elle est donc purement défensive et reposeavant tout sur les fortifications édifiées à la frontière allemande (à l'instar de ceque les Français ont développé avec leur Ligne Maginot).Le risque d'une offensive tchèque est donc virtuellement nul. En tout cas, aussifaible que celui d'une offensive française à l'Ouest dans l'hypothèse Fall Grün.

9. Cependant, l'exécution de l'offensive allemande – i.e., le volet oriental de FallGrün – aurait toutes les chances de s'avérer une expérience douloureuse,coûteuse et meurtrière pour la Wehrmacht de 1938. Mieux vaut l'éviter sipossible.Autrement dit, Hitler peut se permettre de menacer très sérieusement d'envahirla Tchécoslovaquie (et en faire ostensiblement tous les préparatifs sans mêmedécréter la mobilisation générale dans son pays, puisqu'il sait ne pas encourir derisque réel de se retrouver engagé sur deux fronts), mais il a tout intérêt à ne pasdevoir le faire ''pour de bon''.

10. Au final, Fall Grün s'avère un ''bluff gagnant'' magistral :– en obtenant la Région des Sudètes par la négociation et au prix d'engagements

hypocrites, Hitler met la main sur les fortifications tchèques sans devoir lesprendre d'assaut ;

– les Tchèques sont ainsi privés définitivement d'une composante essentielle deleur système de défense, qu'ils n'ont même pas pu désarmer compte tenu de larapidité avec laquelle les Allemands prennent possession de leurs gainsterritoriaux ;

52- Voir Milan Hauner – Op. Cit. – pp. 183-184.

53- Voir Milan Hauner – Op. Cit. – p. 184.

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– l'armée tchèque existe toujours, mais elle est terriblement affaiblie (20 à 25 %de ses effectifs théoriques sont des conscrits d'origine allemande, plus de 15 %sont des Slovaques que Hitler va bientôt encourager à réclamer leurindépendance et 5 % sont des Hongrois) 54 ;

– elle peut encore moins être renforcée par ses alliés en mars 1939 qu'elle nepouvait l'être en septembre 1938 ;

– inversement, six mois après Munich, la Wehrmacht s'est renforcée et sesnouveaux équipements blindés (pas encore très performants, mais meilleursque les précédents) commencent à lui être livrés.

Dans ces conditions, la Bohême-Moravie est indéfendable et la capitulation sanscombats, en mars 1939, est la seule option.

11. Hitler peut donc foncer sans risque sur Prague le 15 mars 1939 et procéder à lamise à mort de la Tchécoslovaquie.Il peut ainsi recueillir les dividendes de sa stratégie à ''double détente'' :– la récupération intégrale de l'arsenal tchèque, dont des centaines d'excellents

chars (qui permettront d'équiper pas moins de trois divisions blindées, jouantainsi un rôle significatif dans la victoire allemande de mai 1940) ;

– l'appropriation d'industries performantes, notamment dans le domaine desarmements ;

– la disparition d'une menace militaire significative sur l'une de ses frontières ;– le contrôle à son profit de bases avancées qui auraient pu être utiles à ses

ennemis, mais sont, pour lui, autant de nouvelles bases de départ (notammenten Slovaquie), lesquelles vont s'avérer décisives dans la réussite de l'opérationsuivante (Fall Weiss, en septembre 1939, contre la Pologne) ;

– l'affaiblissement général de ses adversaires, plus désunis et discrédités quejamais.

12. Les Alliés ont définitivement perdu l'un des leurs, sans en retirer le moindreavantage, même temporaire.Ils ont gaspillé un important potentiel de dissuasion sans l'avoir jamais utilisé, nimême avoir menacé de leur faire.Leurs efforts de mobilisation – exécutés partiellement – ne débouchent sur riende concret et sont annulés. L'effet moral sur les troupes et la population estpénible et le doute s'installe.

13. Les Alliés n'ont en rien entamé la cohésion du camp adverse. L'Italie et laHongrie (sans oublier la nouvelle Slovaquie) sont plus que jamais arrimées aubateau hitlérien.Les Français et les Britanniques tardent toujours à reconsidérer leur stratégiepour définir des contre-mesures efficaces face aux menées hitlériennes. Parexemple, en adoptant des plans réellement offensifs contre l'Allemagne, quipourraient la dissuader de se risquer à attaquer la Pologne (la prochaine cibledésignée) en la persuadant qu'elle aurait cette fois à mener une véritable guerresur deux fronts.Ils ont aussi découragé l'URSS, qui se languit de pouvoir concrétiser les projetsd'alliance militaire avec les puissances occidentales. Les négociations ont traîné

54- Voir Milan Hauner – Op. Cit. – p. 188.

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en longueur (notamment, à cause d'un anticommunisme dogmatique, enparticulier de la part des Britanniques), au mépris de toute logique stratégique.Staline a compris qu'il ne pouvait guère compter sur des ''alliés'' occidentauxaussi faibles et peu déterminés. Dès lors, il va chercher à assurer sa propresécurité en se rapprochant de Hitler (qui n'attend que ça pour pouvoir jouer soncoup suivant).

n/ Le préliminaire n° 1 de Fall Gelb étant accompli – et une fois le ''Pacte Germano-soviétique'' acquis (ce qui est fait le 23 août 1939, à la surprise générale 55) – lesconditions sont réunies pour passer au second préliminaire (Fall Weiss), avec undouble objectif :

(1) Comme au cas précédent (Fall Grün) : éliminer le risque, pour Hitler, de seretrouver piégé dans l'impasse stratégique d'une guerre sur deux fronts, endétruisant la menace militaire directe que l'Armée polonaise 56 pourrait faire pesersur la frontière orientale du Reich (et sur la Prusse Orientale) en cas de mise àexécution de Fall Gelb (i.e., l'offensive allemande à l'Ouest, contre les arméesalliées).Autrement dit, l'exécution de Fall Weiss dégage le terrain pour Fall Gelb, mais ellene la conditionne pas.57

Ce qui est une autre façon de dire que l'opération Fall Weiss est uniquementdestinée à faciliter l'exécution de Fall Gelb, autrement dit que la guerre enPologne sera forcément suivie de la guerre à l'Ouest.58

(2) Récupérer des portions supplémentaires de territoire allemand dont le Reichavait été amputé par le Traité de Versailles (i.e., en ordre principal, Dantzig et le''couloir'' de Prusse Occidentale et Poméranie).

55- Voir Ian Kershaw – Op. Cit. - pp. 322-324.

56- Forte d'une quarantaine de divisions, l'Armée polonaise présente certains des défauts de l'Armée tchèque (trèsfaible motorisation, aviation insuffisante en qualité et en quantité) mais, contrairement à la Tchécoslovaquie, laPologne n'a pas de forces blindées dignes de ce nom, ce qui la désavantage fortement face à une Wehrmacht qui necesse de monter en puissance. Néanmoins, l'Armée polonaise est une force combattante solide (elle le prouverad'ailleurs lors de la Campagne de 1939 en infligeant de lourdes pertes aux Allemands, en hommes et en matériel).Elle pourrait faire des ravages si elle se lançait dans une offensive sur le sol allemand alors que les meilleures forcesde la Wehrmacht et de la Luftwaffe seraient aux prises avec les Alliés franco-britanniques à l'Ouest. Agissant à lamanière d'une infanterie montée, la puissante cavalerie polonaise (plus de 10 % des effectifs) dispose d'une mobiliténon négligeable. La longueur de la frontière commune (non fortifiée) entre la Pologne et le Reich complique la tâchedes défenseurs. Il n'y aurait pas suffisamment de troupes pour établir un cordon défensif solide et continu.

57- Voir la Directive de l'OKW intitulée ''Directive pour la Préparation Unifiée des Forces armées en vue de la Guerreen 1939-40'', signée par Hitler et diffusée par Keitel le 11 avril 1939. Son Annexe II (intitulée ''Fall Weiss'') stipuleque : ''[…] 1.) Political Conditions and Objectives […] The political leadership considers its task in this case to isolatePoland if possible, thereby limiting the war to Poland only. […] 2.) Military Conclusions […] The major objectives inthe build-up of the German Wehrmacht continued to be defined by the opposition of the Western democracies. CaseWhite is only a precautionary supplement to this preparation. It is by no means to be considered the necessaryprerequisite for a military confrontation with our Western opponents.''

[Source : David T. Zabecki – Germany at War : 400 Years of History (Santa Barbara, Ca (USA), ABC-CLIO LLC – 2014) – pp. 1568-1569 (Documents)]

Ces instructions sont complétées par Hitler le 31 août (donc après la conclusion du Pacte germano-soviétique) vial'émission de la ''Directive n°1 pour la conduite de la guerre'' qui stipule que : ''[…] 4. Should England and Franceopen hostilities against Germany, it will be the duty of the Armed Forces operating in the west […] to maintainconditions for the successful conclusion of operations against Poland.''

[Source : pour le texte de la Directive : http://der-fuehrer.org/reden/english/wardirectives/01.html]

58- Cette question reste débattue par certains historiens : voir François Delpla – Op. Cit. - p. 286.Le texte de la Directive hitlérienne citée dans la note précédente nous paraît toutefois devoir permettre de trancherce débat dans le sens que nous indiquons. Dans les faits (comme nous le verrons plus loin, au chapitre II), une foisque l'exécution de Fall Weiss paraît suffisamment bien engagée (à savoir que, même si l'Armée polonaise résisteencore, l'issue ne peut plus faire de doute), Hitler relance sans plus attendre les préparatifs finals de Fall Gelb, envue de son déclenchement quasi immédiat (1er novembre 1939).

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o/ Il est également possible d'identifier un objectif secondaire.En effet, après la conclusion victorieuse de Fall Weiss, un début de réalisation duprojet de Lebensraum peut s'envisager dans les territoires polonais conquis.L'incorporation au Reich (par voie d'annexion) des territoires ''récupérés'' (Dantzig,le ''couloir polonais'', certains districts du Wartheland) fait que les lois du Reich s'yappliquent immédiatement, notamment en matière raciale, ce qui ouvre la voie àl'expulsion des Juifs et autres Polonais. Ceux-ci peuvent dès lors être remplacés pardes populations allemandes, des ''colons'' chargés de ''regermaniser'' ces contréeset d'y asservir les populations ''résiduelles''.Les nombreux massacres et exactions commis contre les Juifs et l'intelligentsiapolonaise 59, par les Einsatzgruppen et la troupe chargée de les assister (donc, avecla complicité de l'OKH) 60, démontrent que cet objectif secondaire figure bel et bien,en bonne place, dans l'agenda polonais de Hitler 61.Même si l'OKH proclame vouloir sanctionner les auteurs de ces ''débordementsprogrammés'' 62, il sait fort bien qu'il n'en a pas les moyens, puisque ceux-cirelèvent de l'autorité exclusive du Reichsführer SS, Heinrich Himmler 63.En réalité, la posture de l'OKH oscille entre le déni pur et simple 64 ou l'aveuexplicite du cynisme de sa propre conception quant au sort des populations civilespolonaises 65, ou à propos des massacres de Juifs, ramenés par l'OKH à de simplesmanifestations d'« indiscipline » de la troupe 66.Si, pour n'importe quelle raison, l'atteinte de cet objectif secondaire revêt unesignification particulière aux yeux du Führer (ce que l'on est raisonnablement endroit de supposer, comme exposé ci-avant), alors il ne peut être atteint quemoyennant une conquête par les armes de toute la zone réservée aux Allemandsdans le cadre de l'accord de partage de la Pologne conclu avec Staline via le Pacte

59- Voir également note n° 78, ci-après.

60- JFH – 20/09/1939 : ''Action to be taken : Army Hqs. must be informed on the special instructions which will beissued to the Armies. The instructions will be officially announced. Local commanders will report before anything isdone. Summary Police courts. Reviewing authority is Reichsfuehrer-SS.''

61- JFH – 20/09/1939 : ''ObdH : […] 3.) Executive power : […] II. Large-scale resettlement. Former German territorywill be cleared of those who moved in after 1918. III. For every German moving into those territories, two people willbe expelled to Poland. IV. a) Ghetto plans exist in broad outlines. b) While operations are still in progress […] therewill be no major movements and resettlement of populations. c) What could be done at present is a survey and studyas to what population groups must be resettled and where. d) Nothing must occur which would afford foreigncountries an opportunity to launch any sort of atrocity propaganda based on such incidents.''

62- JFH – 10/09/1939 : ''[…] SS Artillery of the Armd. Corps herded Jews into a church and massacred them. Court-martial sentenced them to one year's penitentiary. Kuechler has not confirmed the sentence, because more severepunishment is due. Unit is offered to OKH. […] ObdH : a) Excesses behind the front. Announcement to troops.(Incidents at Bydgoszcz). Sharp measures.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''von Bock had very little Armorand so took an improvised Armd.Div. Organized in East Prussia that consisted of everything that could be found ;probably it included SS Artillery. Kuechler (Fourth Army, East Prussia) did not want this unit with him and offered toturn it to GHq Reserve, away from the front. This case, and similar incidents led to protracted exchange withHimmler which dragged into 1941 but never received any satisfactory action.'').

63- Voir note n° 60, ci-avant.

64- JFH – 11/09/1939 : ''OQu IV : Enemy propaganda campaign on German atrocities in Poland. How can we counterit ?''

65- P.ex., à propos des habitants de Varsovie, piégés dans la ville assiégée : JFH – 24/09/1939 : ''Von Manstein :Masses of refugees streaming westward toward our lines. Order to shoot has been given for the night. If therefugees are allowed to leave, it would be impossible to starve out the city. Moreover, the city's garrison would beenabled to take full advantage of the opportunities for street fightings, with all its uncalculable complications. Adecision must be made.'' || JFH – 26/09/1939 : ''von Bock, 1840 : Parlementaire Warsaw. Letter from Rommel.Twenty-four hour truce to spare population – turned down. […] Shelling continues, will even be stepped up.''

66- JFH – 05/10/1939 : ''Chappuis : […] e) Jewish massacres. - discipline !'').[En Pologne, le Général von Chappuis était le chef d'état-major du XIV. Armeekorps, relevant du Groupe d'Armées Sud de Rundstedtet Manstein - Source : http://www.lexikon-der-wehrmacht.de/Personenregister/C/ChappuisFriedrichWilhelmv.htm]

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germano-soviétique 67.Par conséquent, ce constat rend caduque la spéculation sur de prétenduesintentions allemandes de se limiter – dans le conflit avec la Pologne – à lareconquête de Dantzig et du ''corridor'' (un résultat qui, pour les partisans de cettethéorie, eût éventuellement pu être atteint par la négociation, avec ou sans unconflit armé limité, mais sans déboucher nécessairement sur une guerre européennegénéralisée).68

p/ L'atteinte du premier de ces objectifs est facilitée par plusieurs facteurs :

1. Les nouvelles bases de départ acquises pour la Wehrmacht en Slovaquiepermettent de lancer des éléments rapides (divisions blindées et motorisées) surles arrières du gros des armées polonaises qui se sont concentrées à l'ouest (pourcouvrir les approches directes de la capitale et permettre des contre-attaques aucentre).Ces forces mobiles vont constituer la pince sud d'une gigantesque tenaille qui vase refermer, à l'est de la Vistule et de Varsovie, lorsqu'elles seront rejointes parles groupements mobiles venus du nord, lancés depuis la Poméranie et la PrusseOrientale.

2. Les forces blindées allemandes ont nettement progressé, en puissance et enmobilité, grâce à la réception des matériels produits (en Allemagne et parl'industrie ex-tchèque) au cours des six mois écoulés, ou récupérés intacts lors dudésarmement de l'armée tchèque.Appelées à devenir l'élément-clé de la campagne suivante (Fall Gelb), lesformations motorisées reçoivent leur baptême du feu en Pologne, ce qui permetde les tester en situation réelle et de roder les nouvelles tactiques opérationnellesde la Wehrmacht, notamment pour ce qui concerne la collaboration inter-armeset le binôme (inédit) ''blindés – aviation tactique'' (l'essence même du Blitzkrieg).L'expérience acquise en Pologne par les unités d'active sera précieuse pourprocurer des cadres aguerris aux nouvelles grandes formations (en voie deconstitution grâce à l'afflux des nouveaux appelés, qui peut s'accélérer une foisque les Alliés ont déclaré la guerre en réaction à l'offensive allemande enPologne).

3. Même si le réarmement des Alliés est monté en puissance et que leur doctrinemilitaire a commencé d'évoluer vers une posture plus offensive vis-à-vis del'Allemagne, on est encore fort loin de sa mise à exécution (sans parler desdéfauts intrinsèques de celle-ci, conçue par référence à des tactiques inadaptéesface aux nouveaux concepts opérationnels adoptés par la Wehrmacht).Difficile, en effet, d'envisager une mise en action immédiate des franco-britanniques, alors que leur mobilisation générale n'est décrétée qu'après ledéclenchement de la Campagne de Pologne et que l'état de la collaboration ou de

67- Comment imaginer, en effet, que les Allemands eussent toléré que se constituât une sorte de ''zone tampon'', oùdes fugitifs polonais (juifs et non juifs) eussent pu s'abriter des persécutions, sans pour autant tomber aux mains desSoviétiques. L'extension de la politique nazie de ''nettoyage ethnique'' au reste du territoire polonais (i.e., celui dontl'Armée Rouge prend possession en 1939, selon les accords de partage germano-soviétiques) devra attendre leconflit suivant, à savoir la guerre contre l'URSS, en 1941.

68- De même, comment, dans ces conditions, serait-il possible de soutenir encore que les Nazis eussent accepté derestituer, volontairement (i.e., de façon négociée), les espaces où ils avaient commis de telles atrocités contre despopulations civiles innocentes, sans le moins du monde s'être souciés (à cette époque) d'opérer discrètement ou d'enfaire disparaître les traces ou les témoins ?...

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la coordination inter-alliées ne permet toujours pas de faire mouvement enBelgique et au Luxembourg (voire aux Pays-Bas).69

Dès lors, Hitler sait que, à condition d'aller vite, il peut se contenter, à la fois,d'une simple couverture sur sa frontière occidentale (pour parer à touteéventualité), mais aussi de ses seules forces d'active (ou à peu près).La mobilisation allemande n'est encore que fort partielle en septembre 1939.L'appel aux recrues de l'année 1939 a été réalisé dans le courant de l'été sous lecouvert de prétendues ''manœuvres d'automne'' – et non d'une guerre – ce quipermet de ne pas alarmer la population allemande ou les adversaires.Cela évite également de mobiliser dans l'armée les travailleurs spécialisés dontl'industrie a grand besoin, de façon à ne pas ralentir le rythme de la production, ycompris dans les secteurs sensibles (comme celui des armements p.ex.).

4. L'intervention de l'Armée Rouge – telle que stipulée dans les clauses secrètes del'accord conclu avec Staline – va précipiter l'effondrement de la résistance et ladestruction des forces armées polonaises.Dès ce moment (17/09/1939), c'est la Pologne (et non l'Allemagne) qui doit sebattre sur deux fronts, une mission impossible pour une armée déjà fortementébranlée et décimée par la brutalité des premières attaques allemandes.Cela ferme également aux Alliés toute possibilité de faire intervenir l'ArméeRouge à leur profit.Il devient clair que les projets d'une alliance militaire russo-occidentale sontenterrés.Hitler a pris tout le monde de vitesse et Staline a choisi la voie du pragmatisme.

5. En imaginant (une hypothèse purement théorique, puisque la Russie estdésormais alliée à l'Allemagne) que Staline joue un double jeu particulièrementretors (consistant p.ex. à profiter de l'accord conclu avec les Allemands – qui apour effet de positionner l'Armée Rouge beaucoup plus à l'Ouest, donc beaucoupplus près des frontières du Reich, un résultat auquel Staline n'aurait pu parvenirsans la guerre déclenchée par les Allemands, parce que les Polonais auraientpersisté dans leur refus d'accorder un droit de passage sur leur territoire), il n'y apas dans l'immédiat d'aggravation véritable des risques pour Hitler de subir uneattaque sur son front oriental lorsqu'il sera engagé à l'Ouest contre les Français etles Britanniques.En effet, d'une part, l'armée allemande veille à respecter scrupuleusement laligne de démarcation fixée par le Protocole germano-soviétique 70, qu'elle vabientôt fortifier 71.Les troupes allemandes qui ont franchi les limites fixées sont systématiquementrepliées 72, au grand dam des commandants d'unité de la Wehrmacht (ceux-ci

69- Voir Fernand Van Langenhove – Op. Cit.

70- JFH – 17/09/1939 : ''0200. Report that Russia has started moving forces across the frontier. 0700. Our troopsmust halt on the line Skole-Lwow-Wlodzimierz-Brest Litowsk-Bialystok.''

71- JFH – 19/10/1939 : ''ObdH : […] c) Organization of the East : Continuous tank-ditch, posts of platoon strength.''|| JFH – 21/10/1939 : ''Recommendations on defense of East Prussia.''

72- JFH – 20/09/1939 : ''Frictions with Russia : Lwow. Jodl (Talk with Col. Gen. von Brauchitsch) : Jointly withRussians. Joint settlement of question on the spot ! If Russians insist on their territorial claims, we evacuate.Decision : Russians ''Liberators of Lwow''. - German troops withdraw from Lwow. - Definitive demarcation line ;points of dispute left for later settlement. No political tension must develop. ''San line final''. Keep distance of 10kilometers.''

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sont dépités d'avoir subi des pertes en vain 73).En empêchant la poursuite, cela contribue également à faciliter la fuite decertains détachements polonais vers la Roumanie voisine pour échapper à lacapture 74.D'autre part, la Wehrmacht exerce une surveillance via des tournées d'inspectiondans les territoires polonais occupés par les Soviétiques, sous le couvert de lacélébration de la nouvelle ''amitié germano-russe'' (illustrée dans un célèbrereportage photographique, daté du 22/09/1939, où le Général Guderian tient lavedette 75) et via des ''échanges d'observateurs'' 76.De toute façon, eu égard à la teneur des clauses secrètes du Pacte négocié avecStaline, Hitler sait fort bien que ce qui intéresse son partenaire circonstanciel sesitue ailleurs, du côté des Pays Baltes ou en Scandinavie, voire dans les Balkans,et pas dans un soutien aux démocraties occidentales.77

6. L'atteinte du second objectif découle tout naturellement de la réalisation dupremier et des ''actions spéciales'' ne tardent pas à être entreprises sur lesarrières du front.78

Le Führer lui-même en donne la justification et en décrit les méthodes. Le plancomprend la mise en place d'une nouvelle administration, le Gouvernement-Général, dans la partie de la Pologne qui n'est pas directement rattachée au

73- JFH – 20/09/1939 : (par référence à la décision du 20/09, voir note n° 72, ci-avant) : ''A day of disgrace forGerman political leadership !'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''It was felt that Germany had capitulated toRussia in yielding ground fought for by her soldiers.'').

74- JFH – 11/09/1939 : ''Organized Polish units have begun crossing the border into [R]omania.''Relevons au passage la curieuse faute de dactylographie (un lapsus calami involontaire ?) commise dans le Journaldu Général Halder (mais corrigée dans la citation que nous avons reproduite ci-dessus) : dans le document original,le pays de destination des troupes polonaises est dactylographié ''Tomania'', ce qui est le nom donné par CharlieChaplin à la patrie du dictateur Adenoid Hynkel dans son film Le Dictateur (The Great Dictator, projeté pour lapremière fois sur les écrans new-yorkais le 15 octobre 1940).

75- URL: http://military.wikia.com/wiki/File:Bundesarchiv_Bild_101I-121-0011A-23,_Polen,_Siegesparade,_Guderian,_Kriwoschein.jpg

76- JFH – 26/10/1939 : ''Hollidt : […] 400 German officials will go to Russia. 1,000 Russian Officials will come to thearea of High Command East. Will stay in country for four weeks, will be watched by Himmler's men (espionage).''

77- JFH – 09/10/1939 : ''1100. Fuehrer conference : […] 11.) East. No change in the Russian attitude need beanticipated in the near future. Later on perhaps doubtful. In any event, Russia needs Germany's friendship toachieve her aims.''

78- JFH – 11/09/1939 : ''ObdH : 1.) Bydgoszcz : Himmler's special mission.'' || JFH – 19/09/1939 : ''Heydrich(Wagner) : […] b) House cleaning : Jews, intelligentsia, clergy, nobility. c) Army insists that ''house cleaning'' bedeferred until Army has withdrawn and the country has been turned over to civil administration. Early December.''Ce qui confirme que, dès le début de la Campagne de Pologne, le commandement de l'Armée de terre est informé dela nature exacte des opérations de ''nettoyage ethnique'' dans lesquelles le Reichsführer et son bras droit (Heydrich)sont personnellement impliqués.La référence à la ville de Bydgoszcz (Bromberg en allemand) renvoie à un ''incident'' particulier, connu sous le nomde ''Dimanche sanglant de Bydgoszcz'' (ou ''Bromberger Blutsontag'' pour les Allemands).Intégrée à l'empire allemand en 1871, la ville de Bydgoszcz – située sur la Vistule, dans le ''couloir polonais'' – avaitété cédée à la Pologne en 1919, en application du Traité de Versailles.Entre les deux guerres, la communauté allemande, nettement majoritaire au départ (près de 80% de la population,contre 20% de Polonais et moins de 1% de Juifs), était devenue minoritaire. En 1939, la localité comptait 143.000habitants, dont 2.000 Juifs et moins de 10.000 Allemands.Le dimanche 3 septembre 1939, dans des circonstances mal élucidées jusqu'à aujourd'hui, l'armée polonaise ouvre lefeu et massacre plusieurs centaines d'habitants de souche germanique (le bilan probable oscille, selon les sources,entre moins d'un millier et cinq à six mille victimes). La propagande de Goebbels s'empare de l'incident et le grossitdémesurément, parlant de ''58.000 victimes allemandes''. Le 5 septembre 1939 (i.e., une fois la ville occupée par laWehrmacht), les SS et leurs auxiliaires fusillent 300 à 400 otages civils polonais (dont des Juifs) sur la grand place deBydgoszcz. Des dizaines de milliers d'autres habitants polonais seront ensuite déportés à l'Est, fusillés ou internésdans des camps de concentration.[Sources : (1) http://www.circe.paris-sorbonne.fr/villes/derdowska/nations_suivre.htm || (2) Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 375]

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Reich.79

q/ Face à la passivité des Alliés et alors que l'essentiel de ses forces est encoreengagé à l'Est contre une armée polonaise qui vend chèrement sa peau, Hitlerexprime – avec la brusquerie qui le caractérise à certains moments – son souhait deconserver son avance et de lancer son prochain coup (Fall Gelb) sans plus attendre,comme si un seul mois (celui d'octobre 1939) pouvait suffire pour redéployer laWehrmacht sur le front occidental.80

1. Aux objectifs précédemment définis pour Fall Gelb (essentiellement, l'écrasementde l'armée française afin de contraindre l'Angleterre à conclure la paix avecl'Allemagne) s'ajoute celui d'entraîner dans la guerre une Italie toujoursréticente.81

2. Cependant, le Führer se heurte à la réalité des faits :- d'une part, même s'il lui en coûte certainement de devoir le reconnaître, il est

assez évident que son armée n'est pas prête 82 pour porter immédiatement uncoup décisif aux armées alliées, un morceau autrement plus difficile à avalerque la tenace, mais obsolète, armée polonaise ;

- d'autre part, les aléas climatiques saisonniers constituent un risque systémiquetrop important au mois de novembre (notamment parce qu'ils contrarieraientune intervention massive de la Luftwaffe, qui vient de démontrer en Pologne lecaractère indispensable de sa contribution au succès des tactiques duBlitzkrieg).83

3. Par ailleurs, depuis longtemps déjà, Hitler considère avec méfiance le corps desofficiers prussiens, toujours prompts à le critiquer, voire à intriguer contre lui, et ils'entoure de sa ''garde rapprochée'' pour les intimider.84

4. Sur le ''front intérieur'', il a également pu constater que l'enthousiasme du

79- JFH – 18/10/1939 : ''Wagner : Points in conference with Fuehrer on Poland : We have no intention of rebuildingPoland. […] Assembly area for future German operations. Poland is […] not to be turned into a model State byGerman standards. Polish intelligentsia must be prevented from establishing itself as a non governing class. Lowstandard of living must be conserved. Cheap slaves. All undesirable elements must be thrown out of Germanterritory. […] The administration in Poland will have complete authority except on military matters. Only onesupreme authority : Governor-General. Total disorganization must be created ! No cooperation of Reich GovernmentAgencies ! The Reich will give the Governor-General the means to carry out this devilish plan.''

80- JFH – 09/10/1939 : ''1100. Fuehrer conference : […] 3.) ''Directive'' will be issued still today. 4.) Mobilizeeverything to the last and as quickly as possible ! Transfer from the East. […] 9.) We must free all units suited forattack, including Fortress Brigades. 16.) […] Our aim must be to advance the date as far as possible.'' (commentépar Halder en ''footnote'' : ''Hinting at offensive on 1 November'').

81- JFH – 09/10/1939 : ''1100. Fuehrer conference : […] 5.) Aims of the operation : We must make the French andBritish give battle and beat them. […] 25.) An offensive is the only way to sweep Italy into action on our side. Italynow no longer interested in peace. Il Duce is eagerly waiting for the suitable moment to take the plunge. That is whyhe is not now making any offers of mediation.''

82- Voir Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 431.

83- JFH – 09/10/1939 : ''1100. Fuehrer conference : […] 14.) No offensive with inadequate forces. We cannot be toostrong for the offensive. […] 16.) We can start the offensive only with sufficient armor and mot. elements, and AirForce. […] 17). In case the Air Force cannot strike at all, we shall not launch an offensive. […] 20.) It is particularlyimportant that our Air Force should harass the French counter-movements and counter-offensive.''

84- JFH – 25/08/1939 : ''1215. Oster : Finance Minister Popitz (citing Hitler) : Those who would again to intriguebehind my back, better watch out. […] a) Conference at Reich Chancellery at 1730 : Reichstag and several Partynotables, Fuehrer accompanied by Himmler, Heydrich, Wolff, Goebbels and Bormann. Situation is very grave. […]The war will be tough, we may even fail, but ''As long as I am alive there will be no talk of capitulation.'' - SovjetPact widely misunderstood in Party. A pact with Satan to cast out the Devil. […] Personal impression of Fuehrer :worn, haggard, creaking voice, preoccupied. ''Keeps himself completely surrounded now by his SS advisers.''(commenté par Halder en ''footnote'' : ''Oster : C[hief] of S[taff], OKW-Abwehr'' – ''Finance Minister Popitz :Although Min. of Finance, he joined the group working against Hitler. Was hanged after the 2Oth July, 1944'')

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peuple allemand – pour une guerre qui, désormais, ne peut plus cacher son nomet menace d'être longue – est pour le moins limité, malgré les succès remportésen Pologne.85

5. Enfin, il n'a pas pu oublier non plus que, dans Mein Kampf, il avait lui-mêmesévèrement reproché à l'empereur Guillaume II de n'avoir pas su profiter de ladéclaration de guerre de 1914 et des premières victoires allemandes pourgalvaniser les masses et entretenir leur flamme guerrière, afin de pouvoirdéclencher immédiatement la répression qui eût permis au Kaiser de sedébarrasser, une bonne fois pour toutes, des Juifs ''corrupteurs du peuple'' et del'opposition socialiste qui le mèneraient plus tard à sa défaite et à sonabdication.86

Alors, de façon à réaffirmer son autorité et son contrôle total sur l'ensemble de lasituation sociale, politique et militaire en Allemagne, le Führer orchestre unenouvelle intrigue magistrale, dont les circonstances et l'interprétation ne laissentplaner aucun doute sur la fermeté de ses intentions.87

r/ Cette ''péripétie'' annonce aussi le second ''saut quantique'' évoqué dans notreintroduction.

Mais, cette fois, c'est dans le domaine de la planification opérationnelle (et nonplus stratégique) de Fall Gelb qu'il va intervenir.

En effet, il devient urgent de trouver des solutions tactiques :

1. L'état-major de l'OKH s'est empêtré dans ses propres contradictions et se nourritencore d'illusions quant à son influence et à son pouvoir véritables dans l'étatnazi 88. Mais, surtout, il peine à fournir au Führer les clés de son futur succèsmilitaire.

2. Initialement (i.e., au moment où il émettait les directives de l'OKW pour FallWeiss et Fall Gelb), Hitler pouvait estimer que sa "masse de manoeuvre" – telleque programmée dans ses plans de réarmement, d'entraînement des conscrits etd'équipement des unités mobiles 89 – serait suffisante pour mener une attaquepréliminaire en Pologne (Fall Weiss) et, immédiatement après, une offensivelimitée dans le temps et dans l'espace à l'Ouest (i.e., la version initiale de FallGelb). La rapidité d'exécution constituant un facteur-clé de la réussite du pland'ensemble (cf. les directives de l'OKW pour Fall Weiss et Fall Gelb, qui sonttotalement explicites sur ce point), notamment pour prendre de vitesse lesarmées alliées en cours de mobilisation.

3. La défaite de la Pologne était une condition nécessaire (parce qu'elle fragilise laposition stratégique française), mais non suffisante pour provoquer un retour de

85- En effet, si l'entrée de Hitler (le 19/09) dans la ville de Dantzig ''libérée'' n'a pas manqué de donner lieu, sur place,à des scènes de liesse, par contre, son retour à Berlin (le 27/09) à l'issue de son séjour sur le front polonais, estremarquablement discret et peu triomphal. [Voir Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 367]

86- Voir François Delpla – Op. Cit. – pp. 139-140.

87- I.e., l'attentat de Munich du 8 novembre 1939, que nous développerons au chapitre IX.

88- JFH – [undated entry on last page of vol. I of JFH (10/09/39?)] : ''ObdH : Strict seperation between the political(OKW) and military establishment (OKH) has proved a great drawback. OKH ought to have exact knowledge of thepolitical line and of its possible variations. Otherwise no planned action on our own responsibility is possible. TheHigh Command of the Army muts not be left at the mercy of the vagaries of politics ; else the Army will loseconfidence. (Breakdown of confidence !).''

89- Soit de l'ordre d'une centaine de divisions activées à l'automne 1939, dont 7 blindées et 4 motorisées, plusquelques régiments et bataillons blindés indépendants.

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l'Angleterre à la table des négociations de paix. Dans un premier temps, c'estmême l'inverse qui se produit, puisque la guerre est déclarée à l'Allemagne.90

C'est seulement après la "neutralisation" de la France que le Führer pourraenvisager de "pactiser" avec les Britanniques afin de poursuivre la constructiond'un nouvel ordre continental et mondial conforme à ses conceptions racistes.Et la défaite militaire de la France se doit d'être cinglante – ce qui implique ladestruction quasi immédiate de l'essentiel de sa capacité militaire – pour pouvoirla ravaler durablement dans la catégorie des nations ''de second ordre''. Ainsi, les Français ne pourront plus, ni nuire à l'Allemagne, ni la menacer, et ilsseront marginalisés dans la partie d'échecs mondiale que Hitler a entamée. Privéde sa métropole, l'empire français sera fragilisé. En poussant ce raisonnement à sa limite, il est possible d'envisager comment apu germer éventuellement, dès ce moment-là, dans l'esprit de Hitler, l'idée quel'amadouement des Britanniques pourrait passer par une forme de ''traitementdifférencié'' par rapport à ce qu'il envisageait de faire subir à la France. La based'une telle évaluation reposant sur l'idée que, s'il est indispensable d'infliger aussiune défaite aux Anglais – pour qu'ils prennent toute la mesure des rapports deforce – il n'est pas nécessaire de les humilier. Au contraire, mieux vaut lesménager un peu, afin de ne pas les blesser au plus profond de leur fierténationale, ce qui nourrirait leur volonté de revanche. Ainsi, ils pourront accepterplus facilement d'entrer dans la sorte de ''paix des braves'' que Hitler compte leurproposer sous la forme d'une offre de partenariat mondial, mutuellementprofitable, entre nations ''supérieures''.91

4. Au mois d'octobre 1939, Hitler ne peut ignorer que les conditions d'une victoirerapide et décisive de la Wehrmacht sur le front occidental ne sont pas réunies.Et ce constat va bien au-delà de la simple prise en compte des aléas climatiques– forcément plus défavorables à un stade aussi avancé de la saison – ou desinévitables difficultés logistiques associées au redéploiement accéléré de laWehrmacht.En effet, à l'Ouest, la disposition des forces en présence n'est pas favorable àla mise en œuvre des tactiques qui viennent d'être testées à l'Est (avec succès,malgré quelques ''défauts de jeunesse'', rapidement analysés et décryptés 92).α) En Pologne, fondamentalement, les schémas opérationnels de la Wehrmacht

90- Notons au passage que cette déclaration de guerre ne doit pas être pour déplaire à Hitler, puisqu'elle lui permet dedire à sa population – et à qui a envie de l'entendre – que l'Allemagne ne fait plus, à partir de maintenant, que de sedéfendre contre une agression. Un message politiquement exploitable tant vis-à-vis de sa propre opinion publiqueque vis-à-vis des autres nations, encore non-belligérantes à ce moment-là (les USA, les neutres, l'Italie, l'URSS,etc.). Hitler peut justifier ainsi qu'il ne fait que réagir aux manifestations d'extrême hostilité que l'Allemagne subit (etquoi de plus extrême qu'une déclaration de guerre, à ce stade ?), alors qu'elle n'aurait cherché qu'à préserver sesdroits sur des territoires dont personne – pas même les Alliés, s'ils voulaient avoir l'honnêteté intellectuelle de lereconnaître une bonne fois pour toutes – ne pourrait vraiment contester le caractère essentiellement ''allemand'' (entout cas, pas pour Dantzig et le corridor). Un bon moyen pour faire accepter la guerre auprès de la populationallemande (jusque là plutôt ''épargnée'', puisque les réservistes ne sont mobilisés qu'après la déclaration de guerrefranco-britannique) et de l'armée (celle de la ''base'', celle des appelés et des troupes qui vont devoir combattre surle front, pas celle des états-majors abrités dans leurs bunkers).

91- Nous pensons que c'est ce genre de spéculation qui a pu entrer dans la computation des ordres que Hitlerdonnera, en mai 1940, devant Dunkerque (i.e., son fameux Haltbefehl, dont l'analyse ne sera pas développée dans lecadre du présent dossier, car cet épisode se situe en dehors du cadre chronologique que nous nous sommes fixés.Pour une analyse éclairante et détaillée du Haltbefehl, nous renvoyons à l'article de François Delpla, disponible surson site web – URL : http://www.delpla.org/article.php3?id_article=44).

92- Nous reviendrons plus loin (au chapitre VI) sur l'un de ces épisodes controversés, connu sous le nom de ''Bataillede Kutno''.

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étaient basés sur la conception classique de la ''bataille d'encerclement'',consistant à effectuer des percées en des endroits précis du front pour formerles mâchoires d'une tenaille qui, en se refermant quelques dizaines dekilomètres au-delà de la ligne de démarcation initiale des deux armées, créentune grande poche dans laquelle les forces enveloppées, réduites àl'impuissance, finissent par succomber 93.Face à une défense statique et à la dispersion des chars adverses (relativementpeu nombreux, mais pas totalement absents), les blindés allemands, aidés parl'aviation tactique, ont su créer les brèches qui ont permis l'encerclement desarmées polonaises, vouées dès lors à une destruction certaine.La disposition unique des frontières germano-polonaises de 1939 a mêmepermis de donner une énorme ampleur à la plus vaste de ces tenailles, qui a vules forces allemandes parties de Prusse rejoindre, du côté de Brest-Litovsk,celles parties de Silésie et de Slovaquie.

β) A l'Ouest, les forces alliées rassemblées dans le nord de la France (y comprisles premiers éléments du Corps Expéditionnaire britannique 94) sont à la foishors d'atteinte des groupes d'assaut de la Wehrmacht – car le territoire belgeempêche tout contact direct – et échelonnées en profondeur le long du tracé dela frontière franco-belge ou à l'abri de la Ligne Maginot – donc, a priori, peuvulnérables à des manœuvres d'encerclement direct.Dans cette configuration – et sans même parler des pertes associées à ladéfense belge (qui ne manquera pas de s'opposer avec vigueur à la traverséedu territoire du Royaume), ni des attaques aériennes alliées (quiaccompagneront le mouvement offensif de la Wehrmacht en direction del'ouest), la tactique défensive développée par les Français pourrait se révélersuffisamment efficace pour conduire à un enlisement rapide de la ''guerre demouvement'' (l'essence même du Blitzkrieg, tel qu'il est prôné par l'état-majorallemand).Même dans l'hypothèse d'une victoire allemande (difficile à obtenir, mais pasimpossible), celle-ci serait probablement relative (p.ex. des gains territoriauxlimités), donc non décisive. Ce qui est exactement l'inverse de l'effet recherchépar Hitler, puisque cela ne sortirait pas la France de l'équation continentale.

5. Observons que la version initiale de Fall Gelb (i.e., celle qui serait mise enoeuvre si le ''Plan Jaune'' était lancé au mois de novembre, ainsi que Hitler l'aordonné) est très différente de sa version finale.A part la Sarre (et encore, de façon limitée), les autres fronts (Ardennes etVosges du nord ou de l'est) sont a priori considérés comme ''statiques'', donc unesimple force de couverture y peut suffire, ce qui laisse d'autant plus de forcesdisponibles pour des actions offensives en Belgique 95.

93- A noter au passage que, sur le plan tactique, l'Opération ''Barbarossa'' (i.e., l'invasion de l'URSS en juin 1941)ressemble beaucoup plus à la Campagne de Pologne que le ''Plan Jaune''. Ce qui n'est pas étonnant puisque, en1941, les Allemands imaginent que l'Armée Rouge va se battre durablement sur les frontières, là où elle sembles'être massivement positionnée et maintenue, ce qui l'expose à des manœuvres d'encerclement.

94- Le Ier Corps de la BEF (ou British Expeditionary Force, dont les premiers éléments ont débarqué en France audébut du mois de septembre 1939) commence à se déployer, pour prendre ses positions dans le nord de la France,dès le 03/10/1939.[Source : http://archives.ecpad.fr/wp-content/uploads/2013/03/Dossier-La-BEF.pdf]

95- Ce qui renvoie à l'idée que Hitler peut – par référence à cette version initiale de Fall Gelb – soutenir que les forcesdont il dispose en octobre 1939 (après la Campagne de Pologne) seraient suffisantes (et d'autant plus si l'attaque surles Pays-Bas est exclue du plan) pour lancer Fall Gelb dans la foulée de Fall Weiss, comme il l'a prévu a priori (cf.note n° 80 et point 1 ci-avant).

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La version d'origine est donc basée sur la percée (ou le contournement) desdéfenses statiques belges (autour de Liège) pour se diriger vers Anvers (de façonà priver les Alliés de cette base logistique importante), puis occuper la côte belgeet, après des ''batailles de rencontre'' dans les plaines du centre de la Belgique,se porter sur la frontière nord de la France, ce qui bloquerait la remontée desforces alliées vers la Ruhr. La ''grande explication'' se produirait alors dans lesFlandres et en Picardie (voire, pour partie, dans les Ardennes françaises), doncsans s'avancer très loin en territoire français.Dans une telle hypothèse, la Hollande pourrait même être laissée de côté (surtoutsi le passage par Maastricht n'est pas indispensable pour franchir la Meuse) : cepays est neutre et il serait hors d'atteinte pour les Alliés, puisque la Wehrmachtentrée en Belgique leur ferait obstacle (comme en 1914).Mais il serait difficile, dans ces conditions, de procéder à des destructionsmassives des forces alliées (françaises en particulier) sans subir soi-même delourdes pertes. Les belligérants seraient assez rapidement englués dans unscénario de guerre d'attrition et d'usure comparable aux tragiques affrontementsdu conflit précédent.

6. Hitler ne peut évidemment ignorer que cette sorte d'impasse stratégique –vers laquelle il semble vouloir se diriger délibérément par son insistance àprécipiter le lancement de Fall Gelb en novembre 1939 – résulte assez largementde ses propres actions passées.En effet, la situation de ''blocage'' des armées françaises sur la frontière franco-belge est la conséquence directe de la fin de la coopération militaire entre laFrance et la Belgique. Et Hitler lui-même a largement soutenu le revirementintervenu dans la politique étrangère belge (pour ne pas dire qu'il en est àl'origine, par sa décision de remilitariser la Rhénanie en mars 1936 96).Mais il y trouvait alors son intérêt, dans la mesure où cela limitait les optionsoffensives de la France sur la frontière occidentale du Reich au moment où ilprocédait à ses conquêtes orientales (en Autriche, en Tchécoslovaquie, puis enPologne).Après la Campagne de Pologne, son paradigme stratégique lui dicte à présentd'adopter une attitude inverse : il convient que les Alliés renouent le dialoguemilitaire avec la Belgique au plus vite.

7. Interrompu pendant des années, ce dialogue mettra probablement un certaintemps avant de retrouver ses ''automatismes'' d'antan, ce qui en réduiral'efficacité, mais pas la portée.Les militaires français ne devraient pas tarder à demander aux Belges de lesautoriser à franchir la frontière pour unir leurs forces aux leurs. L'éloignement dufutur champ de bataille des zones industrielles et urbaines du nord de la France(ce qui les mettrait ainsi à l'abri des inévitables destructions résultant descombats) devrait constituer une motivation supplémentaire.Mais les manœuvres (vraisemblablement décidées selon les hypothèsesantérieures, car le nombre d'options est réduit) se produiront sur un terrainmoins bien reconnu ou des positions moins bien préparées qu'elles ne l'eussentété si la coopération militaire franco-belge se fût poursuivie sans interruptiondepuis 1920.

96- Voir Fernand Van Langenhove – Op. Cit. – pp. 1211-1212.

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8. De tout cela, il résultera un déplacement – plus exactement, un rapprochementen direction de l'Allemagne – du futur front, mais aussi son affaiblissementstructurel.En se portant en Belgique (voire aux Pays-Bas), l'Armée française va nonseulement s'exposer ''à découvert'', mais elle va aussi briser la continuité de laligne de défense qu'elle offrait aux assaillants en campant sur sa frontière.L'allongement des lignes de ravitaillement et la coordination avec les arméeslocales vont ajouter de nouvelles complexités à la construction d'un système dedéfense cohérent et intégré.

9. Dans une guerre de mouvement, ceux de l'armée ennemie peuvent constituerautant d'opportunités pour son propre camp.Il faut donc les guetter pour pouvoir les exploiter le cas échéant.Dans ce cas précis – et s'il ne l'a pas déjà en tête depuis longtemps – Hitler netardera pas à découvrir la fragilité du système de défense des Alliés qui va sefaire jour dans les Ardennes, à la charnière des systèmes statiques (la LigneMaginot) et des groupes mobiles qui s'avanceront en Belgique et aux Pays-Bas.

10. Si le Führer avait éventuellement espéré que les Alliés adoptassent''spontanément'' et rapidement (i.e., dès le mois de septembre 1939, pendantque la Wehrmacht étrillait la Pologne) un plan analogue à celui qui deviendrasuccessivement le plan ''Escaut'', puis le plan ''Dyle'' et enfin le plan ''Dyle-Breda'', cet espoir est déçu.Force est de constater que, au début du mois d'octobre 1939, rien n'a encorevraiment bougé, on en est tout juste aux ''premiers frémissements''.

11. Alors, Hitler va un peu ''aider'' les Alliés à se décider en mettant la pression àtout le monde...

α) Sans jamais révéler qu'il ne s'agit que d'une ''fiction'' (puisqu'aucune attaquene peut s'envisager avec des chances sérieuses de succès à une date aussiprécoce), Hitler maintient officiellement ses ordres.97

Et même, il les durcit encore. La première date annoncée par l'OKW pour FallGelb était le 25/11 (soit 2 mois environ après la fin des combats principaux enPologne), mais Hitler réduit ce délai de moitié (ramenant la date au 01/11),pour le rallonger ensuite de quelques jours, fixant la ''date officielle'' au 12/11.A peine plus ''réaliste'' en termes de délai de préparation 98, cette date nouslivre toutefois un premier indice sur le véritable projet hitlérien, à savoir qu'il aplus que probablement déjà décidé – en octobre 1939 – de reporter Fall Gelbau printemps suivant et à une date bien précise 99.Au sein de l'état-major de l'OKH – qui ne comprend absolument pas quelle

97- Pouvant s'interpréter comme une ''répétition générale'', l'exercice peut s'avérer utile pour tester les procédures etfaire émerger les éventuels problèmes opérationnels.

98- Notons ici que la gestion du délai de préparation est également un facteur critique de la planificationopérationnelle. Même justifié par des facteurs ''objectifs'' (comme p.ex. la logistique ou la dégradation prévisible dela météo au fur et à mesure que la saison avance), l'allongement de ce délai accorde aux Alliés – sans contrepartiepour les Allemands – du temps supplémentaire afin de mieux préparer leurs armées récemment mobilisées.Comme le Général Ironside – le chef de l'état-major impérial britannique en 1939 – le reconnaîtra lui-même devantla presse, en avril 1940, il tremblait encore en pensant à ce qui eût pu arriver si les Allemands avaient attaqué dès ledébut de la guerre, au moment où les Alliés n'avaient virtuellement aucune armée [voir Fernand Van Langenhove –Op. Cit. – p. 1203].

99- A laquelle le 12 novembre fait référence indirectement, comme une sorte de ''private joke'', une idée que nousdévelopperons au chapitre X.

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partition Hitler est en train de lui faire jouer – c'est la panique.Brauchitsch et Halder sont au bord de la rébellion. L'hypothèse d'une offensiveà l'Ouest doit leur paraître très réaliste, puisque c'est à ce moment-là qu'ilsmanifestent le plus leur opposition à Hitler, sans passer à l'acte, mais en endiscutant de façon assez ferme, comme le montre le Journal de Halder.100

β) Tout cela (e.a., l'intensité des préparatifs militaires, les fuites prévisibles oudirigées vers les correspondants des ''comploteurs militaires'', en Allemagne ouà l'étranger, etc.101) concourt à donner, aux Alliés et aux pays neutres duBenelux, l'impression de l'imminence d'une offensive allemande de premièreimportance.De façon prévisible dans le cas particulier de la Belgique, cela va se traduireassez rapidement par un nouveau ''revirement'' de la politique étrangère et parl'abandon de la politique dite d'« indépendance » pour un retour à l'orthodoxiede la « neutralité garantie ».102

Hitler lui-même encourage cette évolution en déclarant publiquement quel'Allemagne se porte garante du respect de la neutralité de la Belgique et desPays-Bas.103

Concrètement, la coopération militaire entre les états-majors alliés, belges etfrançais en particulier, peut reprendre et s'intensifier 104. Elle accouchera bientôtdu Plan ''Dyle-Breda''.

γ) Sur les océans, à compter de la déclaration de guerre de septembre 1939, laKriegsmarine – qui avait prépositionné des unités dès la fin du mois d'août – alancé une vaste offensive sous-marine, en particulier dans l'Atlantique, contre lamarine marchande franco-britannique et la Royal Navy. En surface, le croiseurcuirassé Graf Spee, arrivé au large du Brésil le 30/09/1939, écume l'AtlantiqueSud d'octobre à novembre 105, tandis que son sister-ship, le Deutschland, opèredans l'Atlantique Nord. Cette offensive a des conséquences énormes aux USA, qui s'inquiètent de cesatteintes à la libre circulation maritime.106

Outre-Atlantique, une autre source de préoccupation réside dans des rumeurspersistantes faisant état d'une sorte de cinquième colonne germano-italiennequi pourrait être acheminée par l'Allemagne et l'Italie dans les pays d'Amériquedu Sud (en particulier, au Brésil et en Argentine, qui abritent sur leur sold'importantes communautés d'immigrants allemands et italiens) pour y installer

100- Voir ci-après, chapitre II, section b/ et, en particulier, la note n° 168.

101- A la fin du mois d'octobre, l'opposant antinazi Carl Goerdeler (voir ci-après chapitre II, section b/, note n° 170)se rend à Bruxelles pour remettre un message secret à l'ambassadeur allemand, enjoignant celui-ci de prévenir le Roides Belges, Léopold III, de l'« extrême gravité de la situation ».[Source : William Shirer – Le IIIe Reich - Des origines à la chute (Paris, Stock – Rééd. 2006) – p. 694]

102- En réalité, comme l'expose Fernand Van Langenhove (Op. Cit.), la politique étrangère de la Belgique n'a pasvéritablement changé. Elle s'est adaptée aux évolutions du contexte et des traités internationaux (Locarno, Pacterhénan), mais sans abandonner l'attachement de la Belgique au concept fondamental de sa neutralité. Par contre, ilest indéniable que la coopération militaire franco-belge a été interrompue en 1936, pour ne reprendre qu'en 1939.

103- Voir ci-après, chapitre II, note n° 145.

104- Les conférences mettant en présence des représentants des états-majors respectifs, interrompues depuis 1936,reprennent dès le début du mois de novembre 1939 [voir Fernand Van Langenhove – Op. Cit. – p. 1199].

105- Une façon de procéder qui renvoie directement à l'utilisation que Hitler fera du cuirassé Bismarck, en mai 1941,pour mettre la pression sur les Britanniques avant le déclenchement de l'Opération ''Barbarossa''.

106- Le 2 octobre 1939, réunis à Panama, les représentants de 21 Etats d'Amérique (dont les USA), décident d'établirune ''zone de sécurité'' le long de leurs côtes où tout acte de guerre sera considéré comme une déclaration d'hostilitéenvers le pays concerné. [Source : http://www.seconde-guerre.com/chronologie/chronologie-octobre-1939.html]

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des régimes favorables aux Nazis ou aux Fascistes.107

Dans ces conditions, il est aisé d'imaginer l'intensité des pressions quis'exercent, à l'automne 1939, sur les Britanniques et leurs alliés français, de lapart du Président Roosevelt et des USA, en vue de trouver sinon un compromisavec l'Allemagne, du moins des moyens efficaces de contrer sa politiqueagressive.108

12. A ce stade, le fait pour Hitler de disposer depuis de nombreux mois d'un plan enbonne et due forme (celui de Fall Gelb première mouture), dont la crédibilitéaugmente encore au fur et à mesure que l'OKH (mis sous pression continûmentpar Hitler) s'escrime à en peaufiner les détails, est incontestablement unavantage pour assurer le succès de son opération d'intoxication.

13. Dans sa mise en scène, Hitler a aussi le souci des détails ''véridiques''. Ainsi,les Britanniques sont appâtés aux Pays-Bas par les hommes du SD de Heydrich,avec un prétendu complot militaire destiné à destituer le Führer pour mettre unterme à la guerre avant qu'elle ne prenne une tournure vraiment ''fâcheuse''.109

Hitler charge aussi son fidèle architecte, Albert Speer, de lui aménager,ostensiblement et à grands frais, un complexe de commandement dans le décorgothique du château médiéval hessois de Kransberg, au nord-ouest de Francfortsur le Main.110

Et le Führer lui-même s'investit même ès qualité dans l'opération, en annonçantque ses obligations du moment (en tant que commandant suprême des forcesarmées) l'empêcheront de participer aux très symboliques et très festivescélébrations annuelles du ''Putsch de la Brasserie'' de 1923, à Munich, au début

107- Des préoccupations dont l'origine remonte aux conférences de Montevideo et Buenos Aires de 1938, résultant en''Déclarations'' à l'issue de la conférence de Lima de décembre 1938. A terme, ces réflexions stratégiques vont fairepencher la balance au sein de l'Administration américaine en faveur d'un engagement militaire prioritaire à l'Ouest.Cette décision résulte du constat que, même pour une puissance industrielle aussi développée que les USA, il n'estpas possible de répondre à tous les besoins du réarmement en même temps. C'est alors la ''Doctrine Monroe" quis'impose : le danger germano-italien (plus proche, car menaçant Panama, les Caraïbes et l'Amérique du Sud) estjugé supérieur au danger japonais dans le Pacifique (visant a priori des cibles éloignées, comme Guam ou lesPhilippines). En 1939, les USA ne sont pas en mesure (ni légalement, ni industriellement) de venir réellement en aideaux Alliés franco-britanniques, hormis la fourniture du matériel aéronautique auquel Roosevelt a accordé (depuis fin1938) une priorité dans le développement, de préférence à tous les autres équipements de l'armée US. Lesproductions aéronautiques visées dans le projet de Roosevelt excèdent largement les besoins US, de façon à pouvoirexporter, dès 1939, vers la France et le Royaume-Uni.[Sources : (1) Pour l'analyse géo-stratégique de l'Etat-major Général des USA : M.S. Watson – Chief of Staff : Prewar Plans andPreparations (Washington D.C., Center of Military History – United States Army – 1991) || (2) Pour la définition et l'interprétation dela Doctrine Monroe : Theodore Roosevelt – L’idéal américain (Paris, A. Colin – 1904, éd. Originale 1897) – chap. VII pp. 111-121. Citéen page 7 de la Brochure ''HLHCD401 - Histoire contemporaine : Introduction à l’histoire des relations internationales (XXe-XXIesiècles)'', destinée à la préparation des Travaux Dirigés 2011-2012 du Département d'Histoire de l'Université Paris-10 – Documentdisponible sur http://dep-histoire.u-paris10.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1348818744141]

108- Des incidents tels que celui du 9 octobre 1939 – i.e., l'arraisonnement du cargo américain City of Flint par lecroiseur cuirassé allemand Deutschland – ont un retentissement important dans l'opinion publique américaine. Finoctobre 1939, le Sénat US examine et vote le 27/10 les amendements du Neutrality Act, abrogeant l'embargo sur leslivraisons d'armes à l'étranger. Mais les opposants au projet n'ont pas manqué de dénoncer ce projet comme unpremier pas vers l'engagement des USA dans le conflit européen, ce que Roosevelt s'est empressé de démentir.[source : http://www.seconde-guerre.com/chronologie/chronologie-octobre-1939.html]

109- Les premiers contacts entre des agents du British Secret Intelligence Service (SIS) et des Allemands seprésentant comme des opposants à Hitler sont noués aux Pays-Bas dès le mois de septembre 1939, posant les basesde ce qui deviendra l'« Incident de Venlo » du 9 novembre 1939 sur lequel nous reviendrons au chapitre IX.

110- Acquis par l'Etat en 1939, le domaine de Kransberg commence d'être aménagé, sous la direction d'Albert Speer,par les équipes de l'Organisation Todt, dès le mois de septembre 1939. Désignées sous le nom de ''KomplexAdlerhorst-Ziegenberg'', ces installations sont destinées à accueillir le Quartier Général de campagne de Hitler pourFall Gelb. Mais Hitler ne l'utilisera pas en 1939-1940, lui préférant d'autres localisations, moins confortables, maisplus proches de la ligne de front (comme le Felsennest, dans l'Eiffel, par exemple).[Sources : (1) pour l'Adlerhorst : URL : https://de.wikipedia.org/wiki/Adlerhorst_(Führerhauptquartier) || (2) pour le Felsennest : URL: http://www.derbuhlert.com/information/article/69/felsennest ]

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du mois de novembre. Rudolf Hess est chargé de l'y remplacer 111. Relayée par lapresse 112, l'annonce de cette renonciation doit se percevoir comme le signequ'une chose vraiment très importante se prépare.

14. Habilement construite et menée, la manœuvre hitlérienne va pleinementréussir, une fois de plus 113. Et lorsqu'il sent que tout est en place pour luipermettre d'atteindre ses objectifs du moment (essentiellement, l'amélioration deson schéma tactique), le Führer décide – le 07/11/1939 – du report de l'offensive(tout aussi brusquement qu'il avait décidé, en octobre précédent, de la lancerpour le 12/11).Quinze jours plus tard, le 23 novembre, il fait étalage de toute son autoritédevant un parterre de deux cents généraux, qu'il subjugue par un exposé sansfard de la lutte implacable qui va se jouer bientôt à l'Ouest et, demain, à l'Est.114

s/ Dans les semaines, puis les mois suivants, Hitler ne relâche absolument pas lapression, ni sur le plan intérieur, ni sur le plan extérieur, et certainement pas sur leplan militaire.Matés ou débordés, les plus récalcitrants de ses généraux ont fini par s'aligner, afinde ne pas se retrouver définitivement sur le ''banc de touche'', voire pire encoredans l'état policier que Hitler dirige d'une main de fer.Mais, alors que les préparatifs de l'offensive se poursuivent intensément et que lesplans de Fall Gelb évoluent progressivement vers leur forme définitive, d'importantsdéveloppements surviennent sur la scène internationale.

1. Le 30 novembre 1939, l'URSS envahit la Finlande et – fait exceptionnel – laSociété des Nations se mobilise très rapidement en faveur de la Finlande.115

Alliée de l'URSS depuis l'été 1939, mais aussi soutien historique de la Finlandequ'elle avait aidée militairement à arracher son indépendance face à l'UnionSoviétique en 1918 116, l'Allemagne se retrouve dans une position délicate.

2. Depuis la révélation des accords germano-soviétiques et l'intervention de l'URSSen Pologne, les rouages de l'axe Rome-Berlin sont sérieusement grippés du faitde la politique pro-soviétique de Hitler.L'invasion de la Finlande exacerbe ces tensions. Début janvier 1940, Mussoliniadresse de graves reproches à ce sujet à son partenaire nazi.117

Mais le Führer ne cède rien, et ce d'autant moins que son partenariat économiqueavec l'URSS 118 délivre alors des fournitures stratégiques pour l'effort de guerreallemand, qui permettent de compenser les effets du blocus britannique.Comme il l'a exposé à son état-major au mois d'août précédent, en s'alliant à

111- Voir Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 418.

112- Ce qui se déduit de Ian Kershaw – Op. Cit. – pp. 417-418.

113- Nous y reviendrons de façon plus détaillée au chapitre IX.

114- Voir Ian Kershaw – Op. Cit. – pp. 423-428.

115- Sur l'attitude et le rôle de la SDN dans les conflits dont elle eut à connaître de 1920 à 1940, voir l'article deVictor-Yves Ghebali – La gestion des conflits internationaux par la Société des Nations : Rétrospective critique – In :''Revue Études internationales'', vol. 31 - n° 4, 2000 – pp. 675-690.

116- Un prince allemand (Friedrich Karl de Hesse) avait même été élu roi de Finlande le 9 octobre 1918, mais pour unmois seulement, parce que la fin de la Première Guerre mondiale avait mis un terme à la tentative d'établissementd'une monarchie finlandaise [cf. William Shirer – Op. Cit. - p. 708 (note de bas de page)].

117- Voir William Shirer – Op. Cit. – p. 708.

118- A ce sujet et sur l'implication personnelle de Staline dans les tractations commerciales germano-soviétiques : voirWilliam Shirer – Op. Cit. – pp. 709-710.

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Staline, Hitler a conclu ''un pacte avec Satan pour conjurer le Diable''.119

In fine, Mussolini se réalignera sur Hitler, mais il renâclera longtemps à s'engagerplus franchement aux côtés de l'Allemagne dans la guerre contre la France et laGrande-Bretagne.120

Il faut dire qu'en Italie, les adversaires d'une entrée en guerre sont largementsoutenus de l'intérieur.Le Pape Pie XII 121 et la Maison Royale 122, l'Etat-major 123 et la majorité desmembres du Grand Conseil Fasciste 124 se déclarent tous favorables au maintiende la politique de ''non-belligérance'' de l'Italie, telle que Mussolini lui-même l'a

119- Voir ci-avant, note n° 84.

120- Les effets de cette crise se font sentir jusqu'en mars 1940, lorsque Hitler et Mussolini se rencontrent au Brenner(leur première entrevue physique depuis celle de Munich, en 1938).En mars 1940, Hitler parvient à amadouer le Duce, mais sans le convaincre de décider l'entrée en guerre immédiatede l'Italie.A cette date (18/03/1940), Mussolini n'en rejette plus le principe, mais il en repousse l'échéance à l'été suivant.Le revirement de la position de Mussolini n'est pas sans rapport non plus avec la décision britannique du 3 mars 1940d'empêcher le transit du charbon destiné à l'Italie par les ports néerlandais.Hitler s'est empressé d'offrir de compenser la perte de ces approvisionnements maritimes par des livraisonsferroviaires.[Source : voir Ian Kershaw – Op. Cit. – pp. 441-443]

121- Pie XII donne le cadre théologique et diplomatique de ses prises de positions dans sa première encyclique(Summi Pontificatus du 20 octobre 1939). Il y confirme les condamnations de son prédécesseur (Pie XI, décédé le 10février 1939) contre les différentes formes de racisme et de nationalisme ou de lutte des classes, dénonçant « l'oublide cette loi de solidarité humaine et de charité, dictée et imposée aussi bien par la communauté d'origine et parl'égalité de la nature raisonnable chez tous les hommes, à quelque peuple qu'ils appartiennent ».Pie XII s'y dresse nettement – mais sans les nommer – contre le nazisme, le fascisme mais aussi le communisme etmême le libéralisme. Sans Dieu, ils sont responsables d'une guerre qui n'apportera pas de solution (« l'esprit de laviolence et de la discorde verse sur l'humanité la sanglante coupe de douleurs sans nom »).Cette encyclique cite la Pologne, mais elle ne nomme ni Hitler, ni Staline, quoique l’Allemagne nazie y soit clairementvisée.Cette dernière réagit : l'impression et la distribution du texte sont interdites et réprimées en Allemagne.Aux États-Unis, le 28 octobre 1939, le New-York Times reproduit l'intégralité de l'encyclique et titre : « Le papecondamne les dictateurs, les violateurs de traités, le racisme et demande d'urgence le rétablissement de laPologne ».En France aussi, les réactions sont positives : Albert Lebrun, le président de la République, et Edouard Daladier, lepremier ministre, saluent la publication de l'encyclique et les forces aériennes françaises en lâchent 88.000 copies surle Reich.[Source : Marc-André Charguéraud - Les Papes, Hitler et la Shoah, 1932-1945 - (Labor et Fides, 2002) – pp. 89-90]

122- Pour les efforts conjugués du Saint-Siège et du Roi d'Italie, Victor-Emmanuel III, en faveur de la ''non-belligérance'' de l'Italie : voir Jean Sigmann – Le Saint-Siège et la Seconde Guerre Mondiale – In : ''Annales –Économies, Sociétés, Civilisations'' – 22ème année, N° 4, 1967 – p. 855.

123- En particulier, l'influent chef d'état-major, le Maréchal Pietro Badoglio, s'oppose à une entrée en guerreprématurée aux côtés de l'Allemagne, au motif que l'économie et l'armée italiennes sont insuffisamment préparées.

124- Organe consultatif du Parti Fasciste italien, le Grand Conseil (ou Gran Consiglio del Fascismo) se réunit de plus enplus rarement depuis 1936. Néanmoins, lors de sa séance du 7 décembre 1939 (la dernière à se tenir avant celle du24 juillet 1943, où le Conseil statuera sur la destitution du Duce), il adopte (à l'unanimité moins une voix) unerésolution en faveur de la ''non-belligérance'' de l'Italie.[Source : Philippe Foro – L'Italie fasciste (Paris, Armand Colin – 2006) et Dictionnaire de l'Italie fasciste (Paris, Editions Vendémiaire –2015)]

Le texte du communiqué (publié par le Grand Conseil à l'issue de la réunion du 07/12/1939) stipule que : ''Le GrandConseil fasciste (…) affirme que les prodromes immédiats de la guerre, le caractère de siège statique pris par laguerre elle-même sur le front occidental, son développement en particulier dans le domaine économique avec leblocus et le contre-blocus, les changements intervenus dans la situation territoriale et dans les rapports de force dela Baltique aux Carpathes, justifient pleinement la décision prise par le Grand Conseil fasciste le 1er septembre deproclamer la non-belligérance de l'Italie, une décision […] que le Grand Conseil confirme à nouveau.''[Source : Ministère des Affaires Etrangères – Commission de publication des Documents diplomatiques français – DocumentsDiplomatiques français – 1939 (Editeur : P.I.E.-Peter Lang S.A. – Bruxelles, Presses Interuniversitaires Européennes, 2002) – p. 793(cf. note de bas de page n°1, où il est précisé que le texte du communiqué est repris et traduit de l'anglais du Keesing'sContemporary Archives, Weekly Diary of World Events, 1937-1940)]

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proclamée en septembre 1939.125

A l'extérieur, les Etats-Unis 126 sont très actifs pour obtenir que l'Italie reste endehors du conflit, voire accepte de jouer un rôle dans le rétablissement de la paixen Europe).

3. Face à l'agression soviétique de la Finlande et en exécution des délibérations duConseil de la Société des Nations, les Alliés franco-britanniques se proposentd'intervenir militairement en Scandinavie, en y débarquant des troupes destinéesà soutenir la petite armée finlandaise (qui fait mieux que se défendre contre lesSoviétiques, mais ne peut prétendre à la victoire finale face à un adversaire aussidémesurément supérieur).127

Une prise de contrôle de la Norvège (voire de la Suède) par la France et laGrande-Bretagne serait un revers stratégique majeur pour le Reich, avec deseffets catastrophiques sur l'économie de guerre nazie parce que la sidérurgieallemande serait privée de ses approvisionnements vitaux en minerai de fersuédois.128

Heureusement pour Hitler (mais, sans doute, celui-ci spécule-t-il aussi là-dessus),les Alliés mettent du temps à s'entendre pour organiser leur expéditionscandinave.129

t/ Donc, sans perdre complètement de vue la Norvège, Hitler ne se laisse pasdétourner de ses préparatifs occidentaux.Rapidement, la question n'est plus un ''if'' (l'offensive aura lieu), ni un ''where'' (lechamp de bataille initial recouvrira l'ensemble du Benelux), à peine un ''when''(même si cela aussi, c'est de la stratégie, celle de la ''désinformation'' de l'ennemi,et les reports successifs contribuent à créer toujours plus de flou ou de ''brouillard''autour du véritable plan hitlérien) et – semble-t-il – pas même un ''how'' (unesorte de version actualisée et mécanisée du ''Plan Schlieffen'' 130).Pourtant, la surprise finale se situera bien sur ce dernier plan (le seul dont le secretest totalement préservé) et elle aura des effets dévastateurs pour les Alliés.

125- Au grand soulagement de Mussolini, Hitler lui-même l'avait dégagé de ses obligations d'assistance militaireimmédiate à l'Allemagne (au titre du ''Pacte d'Acier'' conclu le 22 mai 1939) par un télégramme personnel daté du 1 er

septembre 1939.[Pour le texte du télégramme du Führer : voir William Shirer – Op. Cit. – p. 644]

126- Des relations personnelles s'étaient nouées entre le Président Franklin Delano Roosevelt (FDR) et le Secrétaired'Etat (Ministre des Affaires Etrangères) du Vatican, le Cardinal Eugenio Pacelli (le futur Pape Pie XII, intronisé le 12mars 1939), au cours du voyage exceptionnel que ce dernier avait effectué, en 1936, aux Etats-Unis, en sa qualité dechef de la diplomatie vaticane. A la fin de 1939, cela conduisit à la désignation de Myron Taylor en tant quereprésentant personnel de FDR auprès de Pie XII et à des échanges de correspondances officielles – fin décembre1939 et début janvier 1940 – entre la Maison Blanche et le Vatican, dont la presse italienne et étrangère, allemandeen particulier, se fit l'écho (plutôt courroucé en Allemagne).[Source : Maurice Pernot – La politique du Saint-Siège et le conflit européen – In : ''Politique étrangère'' – n°1 – 1940, 5ème année –pp. 47-59]

127- La décision de créer un Corps Expéditionnaire franco-britannique pour la Scandinavie est prise en janvier 1940.

128- L'industrie sidérurgique nazie dépend alors très fortement des importations de minerai de fer suédois, quidevraient représenter 11 des 15 millions de tonnes évaluées comme nécessaires pour la première année de guerre.[Source : William Shirer – Op. Cit. – p. 716]

129- Ce n'est que le 5 février 1940 que le Conseil de Guerre inter-allié décide de profiter de l'envoi programmé ducorps expéditionnaire destiné à la Finlande pour occuper au passage les mines de fer suédoises. En réalité, l'envoi detroupes ne fut jamais exécuté avant la fin du conflit russo-finlandais (12 mars 1940), ni même formellement sollicitépar la Finlande.[Source : William Shirer – Op. Cit. – p. 717 (note de bas de page)]

130- Indiscutablement, une présentation simplifiée en forme d'abus de langage (comme l'expose très nettementBenoît Lemay dans sa biographie de Manstein), qui est néanmoins passée dans le ''langage courant''.[voir Benoît Lemay – Erich von Manstein (Paris, Ed. Perrin – Coll. Tempus – 2010) – pp. 148-164]

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u/ Ainsi que cela se révélera ultérieurement, c'est en effet le schéma tactiqueretenu par Hitler qui est réellement non conventionnel, y compris après la percéeinitiale. Selon l'approche ''classique'', le concept de ''bataille décisive'' va de pair avec celuid'anéantissement des forces ennemies.Par référence au schéma mis en œuvre en Pologne, cela passerait par leurenveloppement et leur encerclement entre les mâchoires d'une puissante tenaille,constituée par le mouvement convergent de formations blindées pénétrant dans laprofondeur du système de défense adverse.Les troupes prises dans la nasse seraient irrémédiablement perdues (vouées à lamort ou à la capture), car elles seraient incapables de s'échapper une fois quel'infanterie d'accompagnement des divisions blindées aurait assuré l'étanchéité de lapoche.Cependant, dans la métaphore applicable à la version finale du ''Plan Jaune'', il estdavantage question d'autres outils, un ''marteau'' et une ''enclume'' (voire d'une''faucille'' 131), mais en aucun cas d'une ''tenaille''.132

Il ne s'agit pas, en effet, d'« extirper » quelque chose, mais plutôt de le « presser »ou de le « comprimer », en le martelant.Et c'est la pression exercée – simultanément ou alternativement – par chacun desgroupements mobiles de la Wehrmacht (l'un étant placé au nord des arméesennemies et l'autre au sud) qui doit faire s'écouler l'armée alliée dans une directiondonnée (en l'occurrence, forcément occidentale, c'est-à-dire vers la côte, puisque ladirection opposée est bloquée par les unités allemandes de couverture qui avancenten Belgique).Si l'on considère que la masse des forces alliées – bousculées, désorientées, maisirrésistiblement repoussées vers l'ouest depuis le centre et le nord de la Belgique –s'amalgame en une sorte de ''bubon'' ou de ''phlegmon'' dans les Flandres et le Pas-de-Calais, la pression du marteau qui frappe l'enclume va créer le pertuis par lequelles fugitifs se répandront vers la mer (de la même façon que les doigts resserrés surl'abcès en feraient gicler la sanie).Dans une telle praxie, le ''patient'' va souffrir, mais il ne meurt pas. Au contraire, lalibération des ''fluides'' et autres ''sérosités'' devrait provoquer une sorte desoulagement. Et c'est celui qui exerce la pression qui détermine la quantité et ledébit des ''humeurs'' qui s'écoulent...La subtilité d'un tel schéma tactique va bien au-delà de ce que les belligérantspourraient anticiper dans leurs pires cauchemars.

131- Via l'image du ''coup de faucille'' – le fameux Sichelschnitt – une appellation qui s'est généralisée depuis, pourévoquer le plan allemand de 1940. La genèse de cette expression renvoie à l'image du ''scythe-stroke'' (ou ''coup defaux'') utilisée par Winston Churchill pour évoquer l'action des forces blindées allemandes en 1940, dans l'un de sesdiscours les plus fameux (celui du ''We shall fight on the beaches...'', qu'il prononça à la Chambre des Communes le04/06/1940) : « […] the German eruption swept like a sharp scythe around the right and rear of the Armies of thenorth […] I have said that this armored scythe-stroke almost reach Dunkirk – almost but not quite. »[Pour le texte complet du discours du 04/06/1940, voir : http://www.winstonchurchill.org/resources/speeches/1940-the-finest-hour/we-shall-fight-on-the-beaches]

Dans son histoire de la Seconde Guerre Mondiale, l'historien militaire britannique John Keegan fait de ''Sichelschnitt''le nom de code adopté par l'Etat-major allemand pour le nouveau plan établi en février 1940, après l'entrevueManstein-Hitler du 17 février 1940 (sur laquelle nous reviendrons plus longuement ci-après, au chapitre VI).[Voir : John Keegan – La deuxième guerre mondiale (Paris, Ed. Perrin (Coll. Tempus) – 2010)]

132- A titre d'exemple, dans Hitler et la France (Paris, Ed. Perrin – 2014), l'historien Jean-Paul Cointet utilise uneimage associant – dans un même paragraphe – le « marteau », l'« enclume » et la « faucille », mais il n'est jamaisquestion d'une « tenaille » dans son évocation figurative.

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Force est de constater aussi que c'est ce schéma qui permet d'envisager lapossibilité d'un rembarquement sur la côte (à Dunkerque ou ailleurs), car unencerclement classique n'autoriserait pas cette manœuvre de repli.Et le fait que cette manœuvre a enflammé les esprits et les imaginations au pointque certains de ses contemporains ont cru bon de la revêtir sur-le-champ d'uneappellation spécifique et originale – pas forcément exacte au plan sémantique danssa description des faits sous-jacents, mais immédiatement reconnaissable – attesteà suffisance de son caractère unique et remarquable, ce que confirme aisément uneanalyse plus approfondie.

v/ Enfin, nous tenons à souligner que, dans l'entre-deux guerres, le recours aux''ruses'', ''tromperies'' et autres ''supercheries'' est devenu l'approche standard dugrand état-major allemand dans la recherche de la ''surprise stratégique''.133

Par l'emploi systématique de ''stratagèmes'' dans ses montages guerriers etpolitiques, Hitler porte ce système à son paroxysme.

Sa capacité extraordinaire à syncrétiser, en des ''ruses de guerre'' d'une redoutableefficacité, ses combinaisons diplomatiques et ses manœuvres militaires feintes ouréelles, devient un facteur-clé de la réussite de ses entreprises les plusaudacieuses.134

Ce faisant, il rompt avec les pratiques antérieures de l'armée impériale allemande(notamment au cours de la Première Guerre Mondiale 135), mais il renoue avec desprincipes déjà abondamment développés par Frédéric II dans ses ''Instructionsmilitaires du Roi de Prusse pour ses généraux'' de 1747.136

133- Voir Barton Whaley – Stratagem, Deception and Surprise in War (Center for International Studies, MassachussetsInstitute of Technology – 1969) – pp. 45-46.

134- Voir Barton Whaley – Op. Cit. – p. 46.Pour une discussion sur la pertinence et la qualité des conceptions stratégiques hitlériennes, ainsi que de leur miseen oeuvre, nous renvoyons nos lecteurs à un article de l'historien François Delpla, disponible sur son site (URL :http://www.delpla.org/article.php3?id_article=92 ). Nous adhérons aux idées développées dans cet article, hormis sur la question de voir en Hitler un ''clausewitzienextrême'', car il s'en démarque sur (au moins) un point essentiel, celui du recours à la ''surprise''.En effet, contrairement à Sun Tzu (qui en fait l'un des principes fondateurs de son ''Art de la guerre'', sous le nomexplicite de ''ruse''), Clausewitz range la ''surprise'' (donc, aussi celle obtenue par la ruse) au dernier rang de ses''principes de guerre'', et selon lui (De la guerre, Livre III, chapitre 9) : « Il serait erroné de croire que [la surprise]soit le meilleur moyen pour atteindre en guerre ce que l’on veut. L’idée en est très séduisante mais, en pratique, lafriction de la machinerie entière la fait échouer la plupart du temps. »

135- JFH – 18/01/1940 : ''OKW : No surprise. In contrast to 18.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''I.e., theGerman offensive on the Western front in March, 1918'') [Contexte : Dans cette entrée, le Général Halder évoque la perte del'effet de surprise subie par les stratèges allemands, en janvier 1940, lorsque les Alliés entrent en possession de documents détaillantune partie des plans de l'offensive à l'Ouest (cf. incident dit de ''Maasmechelen'', sur lequel nous reviendrons au chapitre II)].

Comme Barton Whaley l'expose dans son étude précitée (Op. Cit. – p. 44), l'Etat-major impérial allemand (y comprisvon Schlieffen et ses successeurs) ne dédaignait pas de recourir au camouflage et aux leurres, mais sa doctrinen'envisageait que très rarement d'utiliser la ''surprise''. Cette absence de recours aux ruses et stratagèmes connaîtcependant une exception notable sur le front occidental de la Première Guerre Mondiale, à savoir la dernière grandeoffensive allemande, lancée le 21 mars 1918 par le Général Ludendorff, pour laquelle il a recherché activement la''surprise''. L'entrée du Journal Halder fait donc directement référence à cette expérience singulière.Et s'agissant de l'application de ces concepts à Fall Gelb, Halder poursuit en nous livrant une description assezdétaillée : JFH – 18/01/1940 : ''OKW : […] Changed method : Keep them on edge. […] Fiction must be preservedthat we may start off any day. No massive build-up, a flowing assembly. Start of attack sets flowing assembly inmotion. Preceded by Air Force action. Strategic surprise as in invasion of Czecho-Slovakia. […] Smoothly running onthird day. Assembly of units in the rear must be telescoped. […] Conference with Chiefs […] : 1.) In view of the factthat the enemy in the past reacted drastically and with promptness to our successive attack alarms, the Fuehrer hascome to the conclusion that the original system […] no longer affords surprise. Our policy must be changed : 2.) […]new method […]''.

136- Une version en langue française du Traité de Frédéric II (datée de 1762), est disponible à l'adresse suivante :https://books.google.fr/books?id=Pp6UcDD5bnkC

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Au sein de son état-major, Hitler s'appuie davantage dans ce domaine sur l'OKW(voire l'Abwehr) que sur l'OKH (qu'il contrôle moins bien).

Il faudra d'ailleurs attendre l'année 1942 pour que l'OKH intègre formellement unesection spécialisée (baptisée ''Irreführung'') à ses structures.137

En 1938, le Lieutenant-général Waldemar Erfurth (le chef du département OQu V del'OKH, c'est-à-dire le responsable des archives et de la narration historique au seinde l'état-major allemand) écrivait que : « La surprise est la clé de la victoire. »138

Tromper l'ennemi sur la nature et la direction de son attaque, tout en l'attirantailleurs pour retarder son intervention à l'endroit décisif, est assurément uneexcellente façon de le surprendre pour mieux le vaincre.

w/ En différant son projet d'offensive de façon à pouvoir l'exécuter mieux encore, àun moment plus favorable (un report point trop lointain cependant, un semestretout au plus 139), le Führer a conservé la main, aidé en cela – à l'OKW ou ailleurs– par des officiers aussi agressifs et peu scrupuleux que lui-même, auprès desquelsil a trouvé la confirmation de la validité de ses fulgurantes intuitions stratégiques etle soutien technique indispensable à la concrétisation de ses projets.

x/ Dans la présentation que nous allons faire des préparatifs opérationnels de laCampagne occidentale, nous adopterons le point de vue de l'OKH.

Autrement dit, la principale source exploitée dans les pages suivantes sera leJournal du Général Halder, tel que nous l'avons présenté dans nos ''Remarquesliminaires''.

En effet, cette vision ''au ras de l'état-major'' permet de reconstruire assezfidèlement le déroulement des événements de cette période cruciale.

137- Voir Barton Whaley – Op. Cit. – p. 47 [NB : Irreführung se traduit littéralement par ''mystification'', tout unprogramme...].

138- General-leutnant Waldemar Erfurth – Überraschung im Kriege (Berlin, Mittler – 1938) – p. 199 [Cité par BartonWhaley – Op. Cit. – p. 48].

139- Plus tard, Hitler reconnaîtra lui-même la nécessité de ce report, notamment devant son état-major réuni le 27mars 1940 : JFH – 27/03/1940 : ''Fuehrer conference : […] In conclusion he expresses his satisfaction with the gooduse made by the Wehrmacht of the forced inactivity of the past six months and acknowledges the efficacy of thepreparations effected, which inspire him with faith in full success. (Never since 1870 has there been such a favorablebalance of political and military strength.)''.Nous analyserons au chapitre X le choix de la date de l'offensive.

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II. – La préparation de l'Offensive allemande à l'Ouest en 1939-1940.

Alors que la Campagne de Pologne s'achève à peine (fin septembre 1939), Hitlerlance donc immédiatement les préparatifs de la campagne suivante, à l'Ouest,contre les Alliés franco-britanniques. Ce qu'il présente comme l'acceptation d'unenouvelle ''prise de risques''.140

La neutralité des Pays-Bas, de la Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg nefait pas obstacle aux projets du Führer 141. Au contraire, celui-ci spécule sur un appeldes pays neutres à l'intervention des puissances militaires alliées pour la défense deleur territoire. Il en tire argument pour son appel à une action immédiate.142

Vis-à-vis de l'extérieur, Hitler masque ses intentions en réaffirmant sa (prétendue)ferme volonté de conclure la paix 143, une aspiration exprimée par la troupe après lacampagne de Pologne 144. Il prétend même vouloir offrir sa ''protection'' à laBelgique et aux Pays-Bas 145, ce qui n'a pas l'air de convaincre vraiment l'OKH 146.

Dès le 9 octobre, Hitler formalise ses projets au travers de sa Directive n° 6 147,bientôt complétée par la Directive n° 7 (dont le point 2 étend la zone des futuresopérations au territoire luxembourgeois 148).

a/ Au départ, deux conceptions s'opposent :

- d'un côté, Hitler et l'OKW envisagent une offensive allemande, dont le Führersouhaite le lancement quasi immédiat 149;

- mais, de l'autre, l'état-major de l'OKH (Brauchitsch et Halder) préconise unestratégie purement défensive 150;

- de son côté, l'OKL (le haut-commandement de la Luftwaffe, qui ne relève pas del'OKH) ne conteste pas le principe d'une offensive, mais ne croit pas qu'uneaction offensive soit envisageable avant le printemps 1940 151.

140- JFH – 25/09/1939 : ''von Stuelpnagel : Warlimont brought word on Fuehrer's plan of the attack in the West.'' ||JFH – 29/09/1939 : ''ObdH : Conference with Keitel on offensive in the West. […] If we want to make a reallyvaluable gain on the political chessboard, we must risk a daring move.''

141- JFH – 29/09/1939 : ''Keitel : […] We must start out from having the Army stand by against the event of aviolation of neutrality''.

142- JFH – 07/10/1939 : ''Fuehrer emphasizes : a) The Belgians will call the French to come to their aid. We must notwait for that.''

143- JFH – 30/09/1939 : ''Fuehrer conference : […] He is prepared for peace. Utmost determination.''

144- JFH – 02/10/1939 : ''Morale of the troops good. […] ''There will be no further operations.'' ''Peace will comesoon.'' ''It is the Generals that push the war.''

145- JFH – 03/10/1939 : ''von Etzdorf : German help for Belgium and Holland.'' (commenté par Halder en ''footnote'' :''Planned offer of German help in the event of a violation of their neutrality by British.'').

146- JFH – 03/10/1939 : ''ObdH : Belgium – Holland. Bluff ? (as part of the peace offensive)''.

147- Voir ''Directive n° 6 for the conduct of the war'' du 09/10/1939. [Source : http://der-fuehrer.org/reden/english/wardirectives/06.html]

148- Voir ''Directive n° 7 for the conduct of the war – For the prosecution of the war against the Western enemy'' du18/10/1939.[Source : http://der-fuehrer.org/reden/english/wardirectives/07.html]

149- JFH – 10/10/1939 : ''Fuehrer conference : 1.) He reads us a Memorandum giving the reasons for his decision tostrike a swift and shattering blow in the West […] 4.) Mobilize everything to the last and as quickly as possible ! […]16.) […] Our aim must be to advance the date as far as possible.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''Hinting atoffensive on 1 November.'').

150- Voir ci-après, note n° 155.

151- JFH – 04/10/1939 : ''ObdL states that attack could not be launched now. Reasons : Time unfavorable because ofthe weather. Tanks are not ready for operations. Political repercussions. Other date : next spring (not 1941 or1942)''.

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L'état-major de l'OKH met en avant les nombreuses insuffisances de la Wehrmacht(en hommes, matériels, équipements, munitions, capacités logistiques, etc.) pourjuger que l'armée allemande n'est absolument pas prête à se lancer dans unenouvelle grande offensive dès l'automne 1939. Ce jugement est conforté par latournée d'inspection effectuée par Halder au début du mois de novembre.152

Hitler a bien perçu l'opposition de l'OKH et il met ses généraux en garde.153

Dans le Journal de Halder, cette opposition apparaît également au travers d'échosde discussions ''animées'' entre Hitler et Brauchitsch 154, qui se rencontrent àplusieurs reprises sur ce thème et échangent des ''mémorandums'' :

- début octobre, Hitler adresse un mémorandum personnel à Brauchitsch 155;

- Brauchitsch se concerte avec Halder et l'OKH avant de revenir à la charge auprèsde Hitler 156, mais celui-ci reste inflexible 157, ce qui a pour effet de découragerBrauchitsch 158;

- en réalité, Brauchitsch s'est résigné à accéder aux demandes du Führer 159;

- mais il adresse néanmoins encore un ''contre-mémorandum'' 160 à Hitler pourrépondre à son Mémorandum d'octobre et plaider – en vain – un report del'offensive (fixée au 12 novembre depuis le 22/10) 161.Dans son rapport, Brauchitsch évoque la menace de troubles et de mouvementsd'insubordination dans la troupe, ce qui met Hitler en rage 162 et aggrave sessoupçons à l'égard de l'armée 163.

Finalement, après un dernier rappel en ''séance plénière'' 164, Hitler décide de

152- JFH – 03/11/1939 : ''Trip to front set for 2 and 3 Nov. […] Salient points : 1.) At the moment we cannot launchan offensive with a distant objective. […] 2.) None of the Higher Hqs. think that the offensive ordered by OKW hasany prospect of success.''

153- JFH – 10/10/1939 : ''Fuehrer conference : […] 13.) […] Through delays in the transfer of units and in the build-up of the Western front, the Army may cause the political leadership to miss the best date of the offensive.''

154- JFH – 04/10/1939 : ''Jodl : Very severe crisis is in the making. Report has been submitted to the Fuehrer onstatus of armaments. […] Bitter because soldiers do not obey him.'' (même si Halder ne le précise pas, il est clair quele ''him'' désigne ici Adolf Hitler lui-même).

155- JFH – 11/10/1939 : ''Op. Sec. : […] 5.) Fuehrer Memorandum.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''Hitler'spersonal memorandum to ObdH opposing the idea of a defensive war, as advocated by the latter.'').

156- JFH – 15/10/1939 : ''ObdH : Materials for Fuehrer report […]''.

157- JFH – 17/10/1939 : ''Summary of Conference ObdH-Fuehrer : Hopeless.''

158- JFH – 27/10/1939 : ''In the evening, conference with ObdH alone (he is tired and dejected).'' || JFH –05/11/1939 : ''ObdH : […] Any sober discussion […] is impossible with him.'' (même si Halder ne le précise pas, le''him'' désigne ici aussi Adolf Hitler).

159- JFH – 19/10/1939 : ''ObdH : […] Strictly military appraisal of the situation.'' (commenté par Halder en''footnote'' : ''ObdH ordered Gen. Halder to write a report in favor of an offensive solution, strictly confining himselfto military reasoning.'').

160- JFH – 05/11/1939 : ''ObdH's report to the Fuehrer : […] Memorandum–Countermemorandum.'' (commenté parHalder en ''footnote'' : ''A counter memorandum to Hitler's personal memorandum […] in which ObdH attempted toprove that any offensive was ruled out at that moment.'').

161- JFH – 22/10/1939 : ''Details : […] d) Fuehrer wants to attack on 12 November (Sunday)''.

162- JFH – 05/11/1939 : ''ObdH's report to the Fuehrer : […] He goes into a rage when told that front shows the samesymptoms as in 1917/1918.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''In order to deter Hitler, von Brauchitschdeliberately exaggerated what was merely slackness and bad behavior as a result of the prolonged alert, intoincipient mutiny reminiscent of 1918.'').

163- JFH – 05/11/1939 : ''ObdH's report to the Fuehrer : […] Army did not want to fight, and so build-up of armamentwas slow and lagging.''

164- JFH – 23/11/1939 : ''1200 : Fuehrer's address to Commanding Generals […] necessity for taking the offensive.''(commenté par Halder en ''footnote'' : ''Aimed against the proponents of defensive warfare.'').

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mettre les ''irréductibles'' au pas 165.

Ceux-ci se soumettent, mais ils n'en abandonnent pas pour autant toute velléitéd'indépendance vis-à-vis de l'OKW, comme en témoignent, p.ex., les dispositionsprises lors de l'aménagement du QG de campagne du ''Felsennest'', dans l'Eifel.166

b/ Par ailleurs, Halder fait des allusions, plus ou moins appuyées, à une sorte de''complot (militaire)'', à mettre en œuvre dans l'hypothèse où Hitler déciderait depasser immédiatement à l'offensive (alors qu'il est informé que l'armée n'est pas enétat d'exécuter de telles opérations 167).

Mais il ne s'agit en aucun cas d'une ''rébellion ouverte'' de l'OKH contre Hitler.168

L'opposition des généraux à Hitler se nourrit également de l'idée que celui-ci, endécidant d'attaquer à l'Ouest – donc, de poursuivre la guerre – manque à sa paroled'apporter la paix à l'Allemagne.

Ce manquement à la parole donnée pourrait délier les officiers allemands de leurpropre serment de fidélité et d'obéissance (selon la formule du Général Beck, leprédécesseur de Halder à l'OKH).169

A noter enfin que Halder fait état de sa rencontre, le 17 mars 1940, avec unopposant antinazi notoire, le Docteur Carl Goerdeler 170. Les références directes deHalder à Beck et Goerdeler montrent bien à quel camp vont les sympathies du chefd'état-major de l'OKH. Elles n'en font pas pour autant un authentique ''résistant''.Par ailleurs, Halder mentionne également le fait que Brauchitsch et lui-mêmerecevaient régulièrement des ''lettres anonymes'' de la part de citoyens se disant

165- JFH – 23/11/1939 : ''1800 : ObdH and myself ''Spirit of Zossen'' ; (Day of crisis !)'' (commenté par Halder en''footnote'' : ''With the approach of an explosion in the West, everything was being done to frustrate Hitler's desire tolaunch the offensive in the West. Hitler, through an efficient spy system or a sixth sense that made him aware of theatmosphere of tension and nervousness, must have known what was afoot and threatened he would suppress anyopposition in the Gen. Staff with brutal force. Upon their return to Zossen from the Berlin conference, they were metby the message that they were to return to the Chancellery immediately. ObdH went into Hitler's room, while Gen.Halder waited outside. After the conference he told the latter that he had been lectured on the ''Spirit of Zossen'', thestiff-necked attitude of the Gen. Staff which kept it from falling in with the Fuehrer.'').

166- JFH – 27/04/1940 : ''Thiele : possibilities for disrupting telephone connection between OKW and OKH inFelsennest.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''I.e., deliberate disruption, to make it impossible for OKW to callup during critical hours when OKW interference was not wanted.'').

167- Un argument qui s'affaiblit au fil du temps, compte tenu des nombreux reports – pendant plus de 6 mois – de ladate de l'offensive à l'Ouest, ce qui permet notamment, via l'allongement des délais, d'améliorer progressivement leniveau d'équipement et d'entraînement des troupes (mobilisation de nouvelles forces, remise à niveau des unités quiont participé à la Campagne de Pologne, livraison des matériels, etc.).

168- JFH – 14/10/1939 : ''ObdH : Three possibilities […]'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''Should read :Attacks, wait and see, fundamental changes. The latter refers to the possibility of political changes within Germany,i.e., removal of Hitler.''), mais Brauchitsch ajoute : ''None of these three possibilities offers prospects of decisivesuccess, least of all the last, since it is essentially negative and tends to render us vulnerable. […] it is our duty toset forth military prospects soberly and to promote every possibility to make peace.''

169- JFH – 20/11/1939 : ''Memo for ObdH : […] 7.) ''Broken word''.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''In thosedays, when the highest Army Commanders, with some exception, wanted or did their best to keep the war in theWest from breaking out in earnest, there was much talk of ''Wortbruch''. That is, that, inasmuch as Hitler had notkept his word (to bring Germany peace) the Generals were under no obligation to follow his orders. The originator ofthis formulation might have been Beck.'').

170- JFH – 14/10/1939 : ''1100 - 1330 Long conference with Dr., who, emphasizing the economic problems, stressesthe necessity of making peace before outbreak of open hostilities, and points to the possibility of a favorablecompromise.'' - Ce ''Dr.'' est identifié par Halder en ''footnote'' comme étant : ''Dr. Goerdeler, one of the chief figuresof the opposition movement in Germany.'' – Antinazi déclaré et proche du Général Ludwig Beck, Carl Goerdeler (1884- 1945) était l'ex-maire conservateur de Leipzig (de 1930 à 1937) et avait été Commissaire aux prix du Reich (de1931 à 1932 et de 1934 à 1935). Les comploteurs du 20 juillet 1944 envisageaient de faire de Goerdeler le nouveauChancelier du Reich, une fois Hitler assassiné et le régime nazi renversé. Arrêté le 12 août 1944, emprisonné ettorturé par les Nazis, Carl Goerdeler est condamné à mort et il est exécuté le 2 février 1945.

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inquiets des dérives du régime et appelant à des changements politiques(impossibles à satisfaire selon l'OKH) 171.

c/ Comme Hitler l'a correctement pressenti 172, l'OKH utilise bien comme unargument dilatoire le temps nécessaire au déploiement et à la préparation desunités sur leurs bases de départ et d'opérations 173.

Aussi bien pour des opérations ''défensives'' (l'OKH mettant en avant sa crainte devoir les Alliés franco-britanniques prendre l'initiative d'une offensive 174, ce quipourrait amener l'armée française à se porter vers le nord et la frontière allemande,à l'est de la Belgique, sur des positions menaçant directement le bassin industrielstratégique de la Ruhr) que pour des opérations ''offensives'' (à exécuter selon lesvœux de Hitler 175).

Ce temps est d'abord évalué à 7 jours par l'OKH 176, puis à 4 jours, même si l'état-major établit lui-même que, d'un point de vue purement ''technique'', il pourrait sesatisfaire de seulement 2 jours.

Toutefois, l'allongement du délai laisserait le temps aux ''comploteurs'' de l'OKHd'organiser une réaction éventuelle au sein des forces armées une fois que lesordres d'attaque seraient lancés par Hitler.177

Au début de janvier 1940, la ''durée de référence'' du préavis d'alerte est toujoursd'une semaine.178

d/ Implicitement, la durée et l'intensité des préparatifs ne devraient pas non plusmanquer d'attirer l'attention des adversaires et de leur adresser un ''signal fort'',indice que quelque chose de sérieux se prépare.179

171- JFH – 13/12/1939 : ''Notes for ObdH : […] 5.) Anonymous letters.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''BothObdH and Gen. Halder received many anonymous letters denouncing Hitler and pleading with the High Command todo something about him. The writers ranged from ultra-monarchists to Communists. With such divergence ofmotivations for their opposition it was realized that the writers would not have a common purpose after theoverthrow of Hitler and that their original animosities would prevent formation of any working coalition for thegovernment of Germany.'').

172- Cf. note n° 153 ci-avant.

173- JFH – 22/10/1939 : ''Keitel : There seem to be new difficulties about assembly order.''

174- JFH – 25/09/1939 : ''ObdH : Conference on report for Fuehrer : I. We must explain to him our ideas : a)Protection of the Ruhr. b) Preparations in the event of a French offensive.''

175- JFH – 10/10/1939 : ''Fuehrer conference : […] 2.) The possibility must be preserved to extend the safety zone ofthe Ruhr to the West, in the event of an enemy movement into Belgium. […] 5.) Aims of the operation : We mustmake the French and British give battle and beat them. […] 7.) Attack on such a wide front that the French andBritish would no be in a position to build up a solid front. […] 8.) Even if we do not gain a decisive victory, we havestill an opportunity to gain ground. In this event there would be little danger that we fritter away our strength indefensive warfare. […] 25.) An offensive is the only way to sweep Italy into action on our side.''

176- JFH – 15/10/1939 : ''ObdH : […] Alerting period before X-Day is seven days.'' (Le ''X-Day'' est le jour dudéclenchement de l'offensive proprement dite) || JFH – 17/10/1939 : ''Summary of conference ObdH-Fuehrer : […]Preliminary notice seven days.''

177- JFH – 07/01/1940 : ''1100 – von Salmuth : a) […] period of closing up to border might as well as be set at twodays.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''In order to be able to take suitable counter measures against Hitler ifOKW should unexpectedly issue marching orders, OKH thought it should insist on a four-day alert period forassembly of the troops deployed. Hitler who at that time pretended that he feared a sudden march of the French intoBelgium, pressed for a shorter period. Salmuth (C[hief] of S[taff], AGp.B), on being consulted by Gen. Halder, statedthat the shorter period (2 days) would suffice.'').

178- JFH – 01/01/1940 : ''1000 Conference with Keitel OKW : 3.) f) Decision based on weather situation possibly willbe made as early as 3 Jan. ; this would mean start of offensive as early as 11 or 12 Jan.''

179- JFH – 17/01/1940 : ''Gercke : Repercussions of the paralysis of railroads in consequence of short alert notices :Assembly of trains might easily give clues to target date. Concentration and direction of offensive might berecognized several days before the attack.''

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Outre que de tels signes viendraient confirmer des informations qui circulent déjàpar ailleurs 180 (au vu et au su des Allemands 181), des documents sont saisis par lesAlliés 182. Non correctement exploités, mais surtout non suivis d'effet (puisquel'offensive annoncée pour janvier 1940, décrite dans ces documents, ne se produitpas), ces renseignements ne feront qu'ajouter encore à la confusion des états-majors alliés, au plus grand bénéfice des Allemands.

Ainsi, les Alliés n'auraient pas dû manquer d'observer que le positionnement descorps blindés allemands ne leur a pas été divulgué 183, alors que, depuis laCampagne de Pologne, ils ne peuvent en ignorer l'existence. Mais ils sous-estimentencore l'importance de leur contribution aux succès remportés par la Wehrmacht,l'automne précédent, au cours de son ''galop d'essai'' oriental. Et ils ne semblentpas non plus mesurer combien la Wehrmacht a encore pu progresser depuis,notamment pour ce qui concerne la collaboration inter-armes.

Outre leur excellente infanterie (traditionnelle ou motorisée), les Allemands peuventdésormais compter sur un binôme (affûté en Pologne) ''blindés – aviation tactique'',d'une redoutable efficacité, qui leur permet de compenser une inférioritéstructurelle en artillerie, un domaine-clé où l'armée française les surclasse encorelargement 184.

Dans la phase finale des préparatifs, le temps de préparation sera réduit à 24heures 185, puis à quelques heures seulement (tant pour l'Armée de terre 186 que

180- JFH – 07/01/1940 : ''1000 – Keitel OKW : 1.) Jump-off date known to enemy.''

181- JFH – 07/01/1940 : ''1820 – Keitel OKW : a) Fuehrer is aware that the jump-off date is known to the enemy.''

182- Via la curieuse ''imprudence'' d'officiers allemands qui ''égarent'' leur avion le 10 janvier 1940, au-desus duterritoire belge (cf. incident dit ''de Maasmechelen''). Contraints d'atterrir, ces officiers sont rapidement capturés parles Belges, qui mettent ainsi la main sur une partie des plans d'opérations, à quelques jours du lancement de laphase finale d'une offensive alors programmée pour le 17 janvier 1940 (JFH – 10/01/1940 :''1500-1730 : Fuehrerconference : a) Target date : Wednesday, 17 January is A-Day.'').Dans son Journal, le Général Halder mentionne l'incident, mais avec retard (le 12 janvier 1940) et seulement defaçon très laconique (i.e., sans le commenter vraiment), tout en commettant une erreur sur la date (JFH –12/01/1940 : ''Greiffenberg : Case of the flyers landed in Belgium (on 11 January)''). Nous sommes tentés dedéduire du manque d'intérêt de Halder pour cette nébuleuse affaire que c'est vraisemblablement l'OKW (ou l'Abwehr)qui est à la manœuvre (et pas l'OKH).Nous nous interrogeons également sur le fait que l'état-major allemand ne semble pas vraiment s'alarmerd'apprendre que des renseignements importants sont tombés entre les mains des Alliés. En effet, il ne modifie enrien ses projets (tels qu'ils ont commencé de se préciser depuis la mi-novembre 1939). Mais le plus intéressant dansces documents n'est-il pas ce qui ne s'y trouve pas ?... En l'occurrence, ils ne dévoilent rien des projets allemands defaire porter leur effort offensif principal au centre de leur dispositif, c'est-à-dire sur Sedan, à travers le Luxembourget les Ardennes. Mais ils confortent sans aucun doute les Alliés dans l'idée qu'une offensive est imminente et qu'ellevisera la Belgique et les Pays-Bas, donc que le Plan ''Dyle-Breda'' (adopté par les Alliés en novembre 1939) devraitpouvoir constituer une riposte adéquate, face à la menace qui se précise. En outre, les Allemands peuvent observercomment et avec quelle rapidité les Hollandais et les Belges (qui croient réellement, dans un premier temps, àl'imminence d'une attaque allemande) sont capables de placer leurs forces en alerte. La mesure de leur temps deréaction est une information précieuse (JFH – 17/01/1940 : ''Liss : Belgians alert troops around Eben Emael districtand West of Maastricht. Demolitions being prepared by Dutch in Maastricht. Talk with Salmuth on repercussions ofthese Belgian measures ; also on Fortress Holland.'').A noter que les Allemands utiliseront, avec succès, un stratagème identique (i.e., la ''perte'' de plans opérationnelsvia un accident d'avion) sur le Front de l'Est, en 1942, dans le cadre de l'opération KREML, destinée à intoxiquer lesSoviétiques pour couvrir les préparatifs et le lancement de Fall Blau. Soit que KREML s'inspire de ce qui s'est passé àMaasmechelen pour Fall Gelb, soit qu'elle en est tout simplement la répétition.

183- JFH – 12/01/1940 : ''Greiffenberg : Case of the flyers landed in Belgium […] It must be assumed that at leastpart of the documents is in the hands of the Belgians. What material did they get ? Fuehrer has reserved decision.Should location of Hqs be changed ? What has been divulged ; Location of Hqs ; no armd. Units […]''.

184- JFH – 03/10/1940 : ''Sodenstern : […] French Artillery excellent. Own Artillery greatly inferior. Own Infantrybetter.''

185- JFH – 18/01/1940 : ''OKW […] Conference […] 2.) a) […] Build-up such that operations could be started atshortest notice (24 hours).''

186- JFH – 08/01/1940 : ''Op. Sec. : 1.) X-Hour ! three hours before jump-off.''

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pour la Luftwaffe 187).

Associée au secret le plus strict imposé par Hitler à partir de janvier 1940 (i.e.,après l'incident de Maasmechelen) 188, la faible durée du préavis est égalementdestinée à préserver l'effet de surprise.

En effet, il est raisonnable (ou prudent) de supposer que l'ennemi connaît lesintentions agressives des Allemands. Dans ces conditions, des préparatifs prolongésà proximité des frontières – forcément difficiles à soustraire aux observations del'ennemi 189 – l'aideraient à préparer sa défense. C'est pourquoi les dernierspréparatifs se feront dans la profondeur du dispositif allemand, et non sur lafrontière 190.

Notons bien que ce déploiement, sur des bases situées assez loin des premièreslignes, n'est certainement pas la moins intéressante des dispositions prises par lecommandement allemand. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

e/ D'un autre côté, les ''précautions défensives'' conduisent à un renforcementdes positions fixes sur la frontière (i.e. sur le West Wall), avec l'aide del'Organisation Todt 191. Ces constructions de ''fortifications'' mobilisent desressources en hommes, en matériel (y compris des moyens de transport) et enmatériaux, à prélever sur des capacités déjà jugées insuffisantes, ce qui conduitHitler à devoir effectuer certains arbitrages 192.

L'hypothèse d'une offensive alliée est envisagée sur le front de la Sarre (le reste dela Ligne Maginot étant considéré comme ''statique'' et non comme une base dedépart possible pour une offensive française de ''grand style'' 193) ou en Belgique, endirection de la frontière belgo-allemande et du sud des Pays-Bas, l'armée française

187- JFH – 20/01/1940 : ''Fuehrer conference : […] 1.) Hence : Air Force must deliver first blow ; orders not until thenight before.''

188- JFH – 16/01/1940 : ''Grosscurth : […] a) OKW order on measures to increase secrecy.'' || JFH – 17/01/1940 :''Greiffenberg : (Jodl) : […] 2.) In future the Fuehrer will divulge his plans only to a very few.'' || JFH – 20/01/1940 :''Fuehrer Conference : […] 2.) That plane accident has made everything very clear to the enemy. Takes the gravestview : Is convinced that we shall win the war, but are bound to lose it unless we learn to maintain secrecy.[...] Wemust have the fanatical determination to keep operational matters absolutely secret […] (''Offensive through Sedan'',date known). […] Number of those initiated into operational plans must be kept to an absolute minimum. And withinthis group, each individual must be told only what is essential for his function ; no over-all picture. Information mustbe given out at the latest possible moment. In giving instructions purpose must not be revealed. An order need notgive away the underlying intention. […] intentions must be known only to a very small group.''

189- JFH – 09/11/1939 : ''ObdH : […] Grouping too near the enemy (lets the enemy draw his own conclusions !)''

190- JFH – 17/01/1940 : ''Greiffenberg : […] « Flying start ». […] Greiffenberg : (Jodl) : 1.) Decision : Jump-off withtroops echelonned in great depth.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''Flying Start : I.e., assembly not directlybehind frontier, but in great depth, with Divs. moving into their places as they arrive at the front after opening of theoffensive. Requires meticulous coordination of railroad movements.'')

191- JFH – 04/11/1939 : ''Notes for ObdH : […] e) Todt has been given orders for a new West Wall. Hannecken has toallocate steel for the new West Wall.''

192- JFH – 16/12/1939 : ''Jacob : Steel only for ammunition, not for fortifications. Fuehrer now wants only : FischbachValley, Remich, Spicherer Heights […]'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''Spicherer Hoehen, a hillcrest west ofSaarbruecken. If taken by the French, it would have afforded them unobstructed observation of the Saar Valley, andso had to be protected by fortifications.''). – Le 6 août 1870, les ''Spicherer Höhen'' (ou ''Hauteurs de Spicheren''en français) furent le théâtre d'une bataille sanglante (Bataille de Forbach-Spicheren), se soldant par une défaitefrançaise. Cette victoire ouvrit la route de Metz aux Prussiens et elle marqua le début de l'invasion allemande. – Laville de Remich est située à proximité des trois frontières (France-Allemagne-Luxembourg). Son pont est un point defranchissement très important dans la vallée de la Moselle. – Les hauteurs de la vallée de Fischbach, situées dansles Vosges du nord, à l'est de Sarreguemines, commandent l'une des voies de pénétration vers la vallée du Rhinallemand (en direction de Karlsruhe à l'est, ou de Mannheim au nord). – Dans les trois cas, les positions à fortifiersont destinées à contrarier une offensive qui serait menée en territoire allemand à partir de la Sarre française.

193- JFH – 03/11/1939 : ''Salient points : […] 3.) […] I do not share Agp.A's anticipation that the enemy will becomeactive outside the Maginot Line soon, staging a vigorous counter-offensive, with distant objectives.''

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se portant en Belgique avec ou sans l'assentiment des Belges, réputés neutres,mais jugés a priori plutôt ''favorables'' à un tel mouvement en réaction à desmenaces d'invasion allemande.

f/ Les transports ferroviaires sont mis à contribution pour déplacer les unités quidoivent être redéployées vers l'Ouest après la campagne de Pologne et concentréessur leurs bases de départ.

La volumétrie importante de ces mouvements ne manque pas d'avoir desrépercussions sur les transports civils et les usagers d'un réseau congestionné, trèslargement réquisitionné, qui peine à satisfaire les besoins logistiques de l'industrieet de la Wehrmacht 194. Les difficultés rencontrées dans la situation des transportsperdurent pendant toute la période de préparation 195, mais les états-majors (celuide l'OKW aussi bien que l'OKH) ne souhaitent pas insister eux-mêmes sur ce pointvis-à-vis de Hitler (sans aucun doute de peur de ses réactions). Ils préfèrents'abriter derrière Göring 196, lui-même confronté à ces problèmes (tant pour laLuftwaffe que dans les activités économiques qu'il supervise au titre de sesfonctions ministérielles).

III. – Les opérations projetées par les Allemands.

a/ Des noms différents sont associés, d'une part, aux opérations offensives(reprises au titre du plan d'« Attaque » sous la désignation de Fall Gelb 197, ou ''PlanJaune'') et, d'autre part, aux opérations défensives (que Halder regroupe sousl'appellation Sofortfall 198, ou plan d'« Urgence »), même si les procédures relativesaux préparatifs militaires respectifs de ces deux types d'opérations finissent parêtre totalement unifiées 199.

Parallèlement, de nombreuses opérations ''spéciales'' et des ''coups de main''aéroportés sont planifiés et organisés 200 (contre des positions fortifiées – telles quele fort belge d'Eben-Emael 201 – ou pour s'emparer de certains ponts importants

194- JFH – 01/11/1939 : ''Note for ObdH : a) […] railroads are taxed to breaking point […]. New fronts impossible ![…] b) Difficulties in supply by rail.'' || JFH – 04/11/1939 : ''Notes for ObdH : […] d) In the event of an offensive,Gercke will not be able for a considerable time to move any civilian goods.'' || JFH – 09/01/1940 : ''Gercke : Railroadsituation very difficult. Backlog of 657 trains. Personnel reduced by sickness. We are having trouble with coal supply.For shifting troops in eight-week period we need 520 and 570 trains. Readied about 335 trains. […] Feasible ifpassenger traffic is restricted. We won't find out about the effects on the economy before conference with Goering on10 Jan.''

195- JFH – 09/02/1940 : ''Transport chief : Reich Railroad makes official admission that they would not be in aposition at the present to see us through in any large-scale offensive operation.''

196- JFH – 11/02/1940 : ''Gercke : Conference with Keitel on 10 Feb. OKW does not want to put the railroad problembefore the Fuehrer. Everyone tries to hide behind the Field Marshal. OKW yesterday sent him a letter on the situationdrawn up by Gercke on the truck situation supplied by Jodl. Keitel warns against putting the question directly to theFuehrer. But he is also afraid of handling the matter himself.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''[FieldMarshal :] I.e., Goering. The railroad situation was chronically bad.'').

197- Une appellation utilisée dès le 19/10/1939 par Halder, lors de l'émission de la première directive de l'OKH,intitulée Aufmarschanweisung Gelb (Nr. 1).

198- JFH – 27/12/1939 : ''Gercke : material needed for ''Immediate offensive'' released.'' (commenté par Halder en''footnote'' : ''Sofortfall. If ennemy attacks first […].'').

199- JFH – 25/01/1940 : ''[…] No difference between ''Emergency'' and ''Attack''.'' (commenté par Halder en''footnote'' : ''There is now to be no difference any more in the preparations for either case. All is geared toimmediate striking.'').

200- JFH – 22/10/1939 : ''Details : a) […] Airborne operation against bridges […]. Combined with coups de main. […]b) Eben-Emael. […] c) Airborne operation against Ghent.''

201- JFH – 21/10/1939 : ''Notes for ObdH : […] Fuehrer's ideas : Possibly only with assault groups. […] Eben-Emael50 gliders.''

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pour le franchissement des nombreux fleuves, rivières et canaux 202), ainsi que desopérations tactiques d'intoxication 203 ou de diversion 204. Ces opérations sontrevêtues d'appellations spécifiques, compilées dans une sorte de ''dictionnaire'', afind'éviter de les confondre entre elles 205.

Une offensive sur la Ligne Maginot sera simulée pour faire diversion dans le cadrede Fall Gelb et faire douter l'ennemi sur la direction du principal effort offensif de laWehrmacht.206

En réponse aux offres de Mussolini, Hitler envisage d'associer des troupes italiennesaux opérations allemandes, dans un rôle secondaire.207

Mais le Duce lui-même est d'avis que son armée n'est pas prête à s'associer à uneoffensive allemande dont le succès ne lui semble pas garanti 208. Il prétend mêmevouloir encore favoriser une issue diplomatique du conflit (notamment, afin d'éviterd'y entraîner les Etats-Unis).209

b/ En mars 1940, les plans opérationnels allemands à l'Ouest portent sur troisopérations distinctes 210:

- le plan ''Jaune'' (ou Fall Gelb, i.e. l'offensive principale à l'ouest, contre lesarmées franco-britanniques, incluant l'invasion de la Belgique et des Pays-Bas) 211 ;

- le plan ''Vert'' (ou Fall Grün, i.e. un projet d'attaque au travers de la Ligne

202- JFH – 05/11/1939 : ''Op. Sec. : […] 3.) Radio deception in connection with operation ''Student'' (commenté parHalder en ''footnote'' : ''Airborne operations to seize bridges in Holland and Belgium.'').

203- JFH – 07/10/1939 : ''Fuehrer emphasizes : […] c) Deception on fronts where we do not attack.'' || JFH –05/11/1939 : ''Op. Sec. : Warlimont outlines the ideas of the Fuehrer ! […] (Throw enemy command into confusion ![…])'' || JFH – 06/11/1939 : ''Fellgiebel : a) […] Spread radio rumors of landing at Antwerp, Brussels, Ghent,Brugge.''

204- JFH – 30/10/1939 : ''Jacob : […] c) Use of Engineer troops for deception maneuvers on the Saar and Mosellerivers.''

205- JFH – 31/01/1940 : ''Notes [after conference with ObdH] : […] 10.) List of Operations codes will be submitted ;must be also requested from Air Force.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''Both Army and Air Force had longlists of codes for the multitude of special operations that were to precede the launching of the offensive (e.g. EbenEmael, seizure of Meuse bridges by special troops in foreign uniforms, capture of dams and road blocks byparatroopers, etc.). The threatening confusion made it necessary to compile a veritable dictionary.'').

206- JFH – 31/01/1940 : ''Notes : […] 8.) Deception […] intention of all-out attack on Maginot line […]'' (commentépar Halder en ''footnote'' : ''The enemy was to be persuaded that Germany planned to make the decisive effort onthe Maginot Line front. To this end, OKH ordered not only intensive planning activities in its own Sections and inAGp. C, but also announcement of a conference of Landraete (the top government officials) of the districts thatwould be affected by such an offensive, as well as broadcasting of plans for traffic restrictions and large scale repairwork on the main roads through the area ; the object was to spread the idea among the population that majortroops and supply movements were impending.'').

207- JFH – 01/01/1940 : ''1000 - Conference with Keitel (OKW) : 3.) e) Italy : Mussolini has sent word that he willapproach the Fuehrer with proposals by middle of January. Use of Italians in German operations in the West : TheFuehrer is thinking of independent missions : Southern France, through Savoy, to the southwest.''

208- JFH – 10/01/1940 : ''OQu IV (Grosscurth) : 1.) Il Duce. […] Italy cannot enter the war now (Armed forces notready !) ; will join us only at the very last moment. (« Do not believe in my victory. »)''.

209- JFH – 11/01/1940 : ''OQu IV : Il Duce's letter : 1.) Proposal to seek ways to reach a peace. Restoration ofPoland. Question of frontiers left open. 2.) Warns against offensive in the West. Military successes are possible, butall the greater then the danger may spread. U.S.A.''.

210- JFH – 26/03/1940 : ''1700-1900 Conference at ObdH with Gen. Obst. von Leeb and Gen. Felber on « Gelb »,« Gruen » and « Braun ».''

211- Dans le Journal de Halder, le nom ''Fall Gelb'' (pourtant adopté par Halder en octobre 1939 - cf. note n° 197 ci-avant) n'est cité pour la première fois qu'à la fin du mois de janvier 1940 : JFH – 29/01/1940 : ''Op. Sec. : Draftorders : Operations ''Gelb'' and ''Emergency''. – Le nom du volet défensif des opérations (''Emergency'', ou Sofortfallen allemand) apparaît déjà à la fin du mois de décembre 1939 (cf. note n° 198 ci-avant).

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Maginot 212 et des Vosges 213, à partir de positions situées sur le cours supérieurdu Rhin 214, associant éventuellement des forces italiennes 215) ;

- et le plan ''Brun'' (ou Fall Braun, i.e. un projet d'offensive germano-italienne,depuis le sud de l'Allemagne et le cours supérieur du Rhin 216, pour se porter enFrance vers la vallée du Rhône en longeant la frontière suisse).

Fall Grün pouvait s'envisager comme une manoeuvre additionnelle ou de diversion(pour compléter ou faciliter l'exécution de Fall Gelb en fixant des forces ennemiessur un second front), voire de substitution (en cas d'échec ou de progrèsinsuffisants dans le cadre de Fall Gelb) 217. Fall Grün inclut des sous-opérationsspécifiques 218.

Une opération offensive particulière est également envisagée sur le secteur fortifiéde la Sarre (opération ''Tiger''), en complément de Fall Gelb ou intégrée à Fall Grün(ou Braun).

Mussolini et Hitler ont débattu de la participation italienne, notamment lors de leurrencontre au Brenner, le 18 mars 1940. Devant son état-major complet, Hitlerréaffirme sa confiance en Mussolini.219

Mais, en plus petit comité (i.e., devant les seuls Brauchitsch et Halder), et de façonplus ''réaliste'', Hitler remet les choses dans le ''bon ordre'' : ce sera Gelb, puiséventuellement Grün et enfin, peut-être, Braun.220

Cette vision apparaît mieux adaptée aux capacités de la Wehrmacht, qui ne peut se

212- Un projet dont l'étude opérationnelle débute à la fin du mois de janvier 1940 : JFH – 30/01/1940 : ''Notes forObdH : […] 10.) AGp. C : Draft plan for attack on Maginot line.''

213- JFH – 22/03/1940 : ''Siebert : brings material for the preparatory work on Vosges operation.''

214- JFH – 21/03/1940 : ''Letter from OKW : ''Fuehrer requests that C[ommander] in C[hief] AGp. C be directed todraw up a plan for an offensive operation from the Upper Rhine in the direction of the Plateau de Langres.'' - Theplan should be based on the assumption that about 30 to 35 Divisions are available for this operation, that parts ofthe French Armies are already beaten and that the bulk of the enemy reserves is tied down on the main front.''

215- JFH – 22/03/1940 : ''Winter (Op. Sec.) : Discussion of the factors in an operation in the Vosges Mts., i.e.,objectives, strength, and time requirements, and surprise. Participation of an Italian Army of 30-35 Divisions isassumed.''

216- JFH – 27/03/1940 : ''1415-1730 Fuehrer conference : […] operation on Upper Rhine (''Braun'').''

217- JFH – 26/03/1940 : ''Notes for conference with ObdH : […] 5.) Upper Rhine operation. a) Forces : 30 GermanDivs. and initially not more than 12 Italian Divs. b) Time required : […] Italian Army not mobilized […] Not likely tobe ready for operations before July […] c) Object of the operation : Two possibilities : 1.) […] to complete or continueon another front the job started in Belgium and Holland […] 2.) […] to contain enemy forces […] d) The suggestionmight made to change over to plan « Gruen » in the event that the results of the Belgian offensive are inconclusive,and to launch a strong Upper Rhine offensive within the framework of operation « Gruen ».''

218- JFH – 21/02/1940 : ''Winter : Reply to Leeb on attacks « Falke », « Geier », « Habicht ».'' (commenté par Halderen ''footnote'' : ''Codes of projected attacks across the Upper Rhine.'').

219- JFH – 27/03/1940 : ''1415-1730 Fuehrer conference : […] 4.) Afterwards the Fuehrer discourses on the generalsituation […]. He emphatically reiterates his confidence in Mussolini, and expresses his understanding for the factthat Italy is too weak to come in before France had been dealt a heavy blow.''

220- JFH – 27/03/1940 : ''Fuehrer conference : […] 5.) Afterwards conference of the Fuehrer with ObdH and Chief ofGen. Staff […] Regarding ''Gruen'' : At the moment, a decisive major offensive against the Maginot Line is ruledout by a lack of the requisite means. However, as the situation develops and the French forces are inflicted punishingblows, it would be possible to follow up with this attack even with comparatively weak forces reinforced by Italiantroops, within the general scope of operation ''Gruen''. Regarding ''Gelb'' : We must gain a better jump-off line inthe Saar for a subsequent offensive within scope of operation ''Gruen''. On the Upper Rhine we must drop the plan ofa feint attack. […] when the enemy attacks […] we must strike in the direction of the Plateau de Langres and destroythe enemy in northeastern France by an offensive from the sector of AGp. C, using also Italian forces. Regarding''Braun'' : For this offensive we may reckon with about 20 Italian Divs. […] Italy will need two weeks formobilization. During those two weeks it will become clear whether or not we have any prospects of a major success.[…] if everything goes according to plan we should be able to strike on the Upper Rhine about six weeks after X-Day.''

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permettre de disperser, dans d'autres opérations, les effectifs qu'elle a déjà bien dumal à rassembler pour Fall Gelb, où elle ne peut guère espérer mieux qu'une paritéglobale avec ses adversaires.221

De nouvelles directives sont rapidement adressées au Groupe d'armées C, afin declarifier ses missions sur les bases définies par Hitler.222

Les Allemands jugent insuffisant l'état de préparation des forces italiennes, ce quiest de nature à compromettre leur participation effective à Fall Braun (ou à FallGrün).223

En réalité, les Italiens souhaitent attendre de voir comment évolueront lesopérations allemandes (dans le cadre de Fall Gelb) avant de mobiliser leurs propresforces (ce qui prendra plusieurs semaines).

Ils ne s'engageront dans des actions offensives aux côtés des Allemands qu'à partirdu moment où le succès de Fall Gelb paraîtra bien engagé.224

IV. – Le facteur météo.

Tous (Hitler aussi bien que ses généraux) s'accordent pour dire que l'hypothèse''offensive'' (Fall Gelb) nécessitera un appui massif des forces aériennes de laLuftwaffe, notamment pour neutraliser l'aviation ennemie ou pour réaliser unepercée des lignes adverses.

Ce soutien est nécessaire pendant une période ininterrompue évaluée à – au moins– 8 à 10 jours.225

Donc, une offensive n'est envisageable que si la météo est favorable (existence deconditions anticycloniques stables, i.e. des hautes pressions pendant une dizaine dejours). Et ce facteur peut, à lui seul, justifier un report des opérations prévues.226

Par ailleurs, Hitler estime que le gel – inévitable en période hivernale – n'est pas unempêchement, mais peut, au contraire, faciliter les déplacements dans les zones''humides'', notamment aux Pays-Bas.227

221- JFH – 28/03/1940 : ''Strength estimates : a) For offensive operation : […] by May […] about 100 Divs. for theoffensive. Enemy : about 100. Nothing must be taken away from that force. b) For Leeb : […] For ''Braun'' we needat least 6 Divs. in addition to the 20 Italian Divs., leaving for ''Gruen'' 23 Divs., i.e., 10 more Divs. than originallyallotted. With that one cannot make any show in an offensive.''

222- JFH – 29/03/1940 : ''Heusinger : Material for the new directive to AGp. C on ''Gruen'' and ''Braun''. Mieth isskeptical about feasibility of launching offensives ''Gelb'', ''Gruen'', ''Braun'' simultaneously. His criticisms areobviated by the directive (Heusinger) to Leeb, which makes ''Gelb'' and ''Gruen'' mutually exclusive.''

223- JFH – 06/05/1940 : ''Mieth : Conference with Leeb on ''Braun'' […] - Plans for the event that we must do ''Braun''alone.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''I.e., without Italian participation.'').

224- JFH – 06/05/1940 : ''von Etzdorf : […] Italy's attitude : Mussolini will come after we have gained one or twospectacular successes in the West. […]''.

225- Par exemple, alors que la date de l'offensive est prévue pour le 17 janvier 1940 (i.e., juste avant l'incident dit de''Maasmechelen''), le Führer décrit explicitement ce qui correspond :- à des conditions météo ''favorables'' : JFH – 10/01/1940 : ''1500-1730 : Fuehrer conference : […] Reasons for

selecting this date : A high of rare intensity and permanence ; clouds from the East perhaps on 12 and 13 January,then again clear winter weather with 10 or 15 degrees below freezing in Belgium and Holland for 12 to 14 days.Get information on thickness of ice. […] Should the weather deteriorate in the meantime, date will be put up.'' ;

- ou à des conditions ''défavorables'' : JFH – 15/01/1940 : ''1245-1800, Fuehrer conference : a) Weather uncertainbecause of penetration of a center of low pressure. Impossible to forecast weather for a 8 to 10 days period. b)Minimum needed 8 days […]''.

226- JFH – 09/10/1939 : ''Warlimont : 1.) Date for offensive : 25 November. 2.) Must be put off in case of bad flyingweather.''

227- JFH – 20/01/1940 : ''Fuehrer conference : […] Timing : October would have been best. Enemy cannot do muchconstruction work during period of frost. Frozen Holland offers great advantages.''

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Facteur critique d'une décision à prendre en hiver, le facteur météo n'est plusréellement un obstacle majeur au printemps, même si du mauvais temps peutévidemment contrarier les indispensables opérations aériennes 228. Mais ilempêcherait aussi l'ennemi d'intervenir massivement dans les airs 229.

L'idée de réduire la durée des préparatifs ultimes de l'offensive est totalement enphase avec celle de chercher à tirer parti de chaque opportunité météo favorable.230

V. – Le plan d'attaque allemand et son évolution.

Au départ, Hitler présente ses intentions offensives comme très urgentes (puisqu'ila fixé l'échéance à novembre 1939), mais aussi éventuellement limitées à une''démonstration de force'' 231. C'est très éloigné de ses intentions réelles, mais c'estde nature à rassurer les plus timorés de ses généraux.

Ainsi que nous l'avons développé dans le premier chapitre, en septembre–octobre1939, il s'agit d'une manœuvre d'intoxication à destination de l'état-major et del'ennemi. Mais, en bon menteur, Hitler sait qu'il doit présenter ses volontés de façon''crédible'', alors il rentre dans les détails, en se référant à la première version deFall Gelb.

En termes d'objectifs, il s'agirait en gros d'effectuer une percée dans les environsde Liège, pour pousser ensuite vers Anvers 232, avec un parachutage à Gand 233

(pour couvrir les approches d'Anvers par le sud) et une sécurisation des îleshollandaises 234 (dont celles de Zélande, qui commandent l'embouchure de l'Escaut,donc l'accès au port d'Anvers). Mais un doute semble planer un certain temps sur lanécessité d'étendre l'invasion aux Pays-Bas 235.

228- JFH – 20/01/1940 : ''Fuehrer conference : […] Weather always keeps one guessing. Even now we must takeadvantage of any period of good weather.''

229- JFH – 05/11/1939 : ''ObdH's report to the Fuehrer : […] Impossible in bad weather. (Yes, but also the enemysuffers under bad weather.) […] Weather unfavorable also in spring.''

230- JFH – 20/01/1940 : ''Fuehrer conference : […] Weather always keeps one guessing. Even now we must keepadvantage of any period of good weather. Making the most of opportunities offered is better than waiting for the''perfect'' weather. Accordingly, every opportunity must be seized. Not likely before March. We must stand byprepared at all hours !''

231- JFH – 29/09/1939 : ''Keitel (OKW) : […] political pressure on France by means of a demonstration.''

232- JFH – 10/10/1939 : ''Fuehrer conference : […] 18.) […] In the North we must interrupt as soon as possible thecommunication between Antwerp and the British Expeditionary Corps. British landing at Antwerp unlikely. Attack onAntwerp from the West makes fall of the city a foregone conclusion.'' || JFH – 22/10/1939 : ''Second Army : […]Antwerp must be cut off from the north. Navy cannot cut off communications to Vlissingen. Second Army is givenmission to encircle the fortress from the north, north-east and east.''

233- Cf. note n° 200 ci-avant. Une opération abandonnée dans le plan final.

234- JFH – 25/10/1939 : ''Fuehrer conference : […] ObdH : […] Area north of the Meuse not needed ? Islands.'' || JFH– 14/11/1939 : ''Jodl : […] a) ''Dutch islands […]'' – Plus tard (i.e., en décembre 1939, autrement dit quand lespréparatifs du véritable Fall Gelb seront plus avancés, cet objectif insulaire sera davantage précisé : JFH –06/12/1939 : ''Notes for ObdH : […] Fuehrer is uncertain wether it should be Ghent or Dinant (Walcheren orCarignan).'' || JFH – 07/12/1939 : ''Notes for ObdH : […] Fuehrer is undecided between Ghent or Dinant ; Walcherenand Carignan have been dropped.'' – Il convient de noter que la capture du pont de Dinant permettrait de franchir laMeuse juste au nord de la frontière française, à proximité de Givet, en vue de contourner Sedan et Charleville par lenord ; tandis que Carignan est une petite localité sur la Chiers (un affluent de la Meuse), située au sud-est de Sedanet dans le prolongement direct de l'axe de progression Arlon-Tintigny, désigné le 9 novembre 1939 par Hitler commel'un des axes prioritaires de l'offensive (cf. note n° 244 ci-après). En résumé, Gand et Walcheren, ça vise Anvers.Dinant et Carignan, cela concerne une manœuvre autour de Sedan (objectif secret, désigné depuis le 09/11/1939).

235- JFH – 22/10/1939 : ''Col. Gen. Keitel, with Jodl : […] 2.) Re : Directive for assembly : Armeeabteilung North.IJssel inundation area will be first obstacle. Attempt not worthwhile.'' || JFH – 15/11/1939 : ''Memo for ObdH : 1.)Preliminary order issued to Agp. B. […] 2.) Order can be issued as soon as we have a definition of what the term''Fortress Holland'' comprises. (Jodl) […] Stapf : Air Force not satisfied with half-way solution ; wants to includeHolland.''

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Si la puissance de la réaction franco-britannique arrête la poussée allemande, uneoccupation partielle de la Belgique est évoquée 236. Après les hésitations initiales,les Pays-Bas finiront par être visés dans leur entièreté 237 et leur occupationdeviendra un objectif à part entière, dont l'atteinte devra précéder et conforterl'offensive principale se déroulant plus au sud 238.

Une fois prise, la ville d'Anvers pourrait éventuellement servir de pivot à unmouvement tournant, pour envelopper les armées alliées en progressant le longdes côtes et à travers les Flandres.239

Ensuite, le front projeté s'élargit progressivement 240, notamment autour de Liège(avec le passage du canal Albert et la prise des ponts de Maastricht au nord, enplus du passage de la Meuse au sud, du côté de Huy 241). Il est question de formerdeux groupes motorisés, l'un dirigé vers Gand, l'autre au sud-ouest de Namur 242.

En s'étendant vers le sud 243, la poussée gagne peu à peu les Ardennes et laProvince de Luxembourg, visant Arlon et Tintigny 244 (donc la Semois, c'est-à-dire lafrontière française), la Meuse devant être franchie entre Givet et Sedan.

Notons bien que lorsque les plans en arrivent à ce stade de leur développement, lapremière phase de la manœuvre d'intoxication est terminée. Hitler vient d'annoncer(le 07/11) le report de l'offensive prévue pour le 12 novembre.

Le nom de la ville de Sedan est donc cité dès le 9 novembre 1939, en tantqu'objectif où une ''exploitation'' doit être recherchée.245

En langage militaire, parler d'exploitation à partir d'un point donné, cela signifie quele plan d'opérations prévoit que l'objectif désigné n'est pas un ''but final'' en soi,mais plutôt une sorte de ''point de passage'' obligé, où il faut effectuer une percéeafin de pouvoir atteindre d'autres objectifs, situés au-delà. Toutefois, à ce stade dela préparation, ces objectifs ne sont pas encore précisés.

236- JFH – 07/10/1939 : ''Fuehrer emphasizes : […] b) […] an operation designed to gain a decision, even if we fallshort of the initial objectives and attain only a line which would afford better protection for the Ruhr.''

237- JFH – 15/11/1939 : ''Op : ObdH concerned lest Bock starts attacking also south of the Waal river without order.''(commenté par Halder en ''footnote'' : ''von Kleist's instructions were to push only through the southernmost tip ofHolland (Maastricht) and strike into Belgium, south of the Albert Canal. Something in ObdH's talk with von Bock musthave aroused the former's concern that von Bock might also strike with his forces opposite the border between CanalAlbert and Waal river. This would have been contrary to the plans of the Supreme Command (Hitler) which at thattime had not decided as yet to seize the whole of Holland.'') || JFH – 19/01/1940 : ''von Greiffenberg : 1.) Firstobjective : Holland in its entirety […]'' || JFH – 21/01/1940 : ''Fuehrer (with ObdH) : […] Holland now in first line.The whole country.''

238- JFH – 20/01/1940 : ''Fuehrer conference : […] Holland on full scale.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''[…]In this connection, Hitler stated that occupation of all Holland, too, was to be one of the ''actions'' anticipating themain offensive (''Vorwegmassnahme''), being designed to protect the right shoulder and flank of the Armies enteringBelgium.'').

239- Un mouvement qui n'est évidemment pas sans rappeler le Plan allemand de 1914.

240- JFH – 26/10/1939 : ''Jodl : […] Important change from original plans : Attempt to break through everywhere.''

241- JFH – 25/10/1939 : ''ObdH : […] Plan of operation : Wants main effort south of Liège, to the West'' – Cesmouvements seront davantage précisés en janvier : JFH – 19/01/1940 : ''von Greiffenberg : 1.) First objective : […]South of Namur-Meuse. In central sector : Get across Canal, then Antwerp and Namur.''

242- JFH – 27/10/1939 : ''[…] Fuehrer conference : Formation of two mot. assault groups (Ghent and southwest ofNamur).''

243- JFH – 28/10/1939 : ''Fuehrer conference. Outline of the dissimilar conditions obtaining north and south of Liège.North of Liège the difficulty is to overcome the first obstacles, south of Liège the problems are those of distance andthe barrier of the Meuse river. Conclusions : We must do the one thing without excluding the other.''

244- JFH – 09/11/1939 : ''Greiffenberg (Keitel – Jodl) : […] d) Fuehrer insists that Armd. Divs. must under allcircumstances strike in the direction Arlon – Tintigny.''

245- JFH – 09/11/1939 : ''ObdH : […] b) Agp. A – Follow up Sedan.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''Firstmention of the plan of a breakthrough at Sedan. AGp.A was then already under command of von Rundstedt.'').

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Pour réaliser cette percée, un corps blindé est constitué sur la base du XIX.Armeekorps du Général Heinz Guderian 246, ''le'' spécialiste allemand de l'armeblindée, qui a fait la démonstration de ses exceptionnels talents quelques semainesauparavant, en Pologne. Son unité est dotée de son propre système deravitaillement 247, de façon à lui assurer toute l'autonomie voulue (l'un desenseignements de la Campagne de Pologne, où certaines forces motorisées à courtde carburant avaient dû suspendre leur progression le temps d'être ravitaillées,notamment par la voie aérienne).

L'OKW souhaite pourvoir Guderian d'autant de renforts que nécessaire pour assurerle succès de sa manœuvre.248

Un plan d'attaque spécifique précise bientôt les missions et objectifs deGuderian 249, qui – bien que simple commandant de corps d'armée – estdirectement associé aux conférences du Grand Etat-major, sur le même pied queles commandants d'armées et de groupes d'armées 250.

Sedan ne cesse de gagner de l'importance, jusqu'à s'envisager comme le point depression principal des forces blindées 251, à forcer au quatrième jour de lacampagne 252.

Plus anecdotiquement, un ''cours sur Sedan'' est organisé pour les officiers del'état-major 253 (vraisemblablement, afin de leur rappeler les exploits accomplis là-bas par l'armée de von Moltke, le ''vainqueur de Sedan'', en 1870).

La directive hitlérienne n° 8 du 20 novembre 1939 envisage explicitement detransférer des forces du Groupe d'armées B (celui qui avancera vers la Hollande, lenord, le centre et l'ouest de la Belgique, sous le commandement de von Bock) versle Groupe d'armées A (celui de von Rundstedt, auquel Guderian est affecté pourpercer dans les Ardennes et sur la Meuse), dans l'éventualité où celui-ci serait en

246- JFH – 09/11/1939 : ''[…] Guderian gets one mot. Div., one Armd. Div.''

247- JFH – 12/11/1939 : ''Wagner : Build-up of a Gen Qu supply base for Guderian's Corps.''

248- JFH – 14/11/1939 : ''Jodl : […] d) What do we have to rush reinforcements to Guderian in case of abreakthrough ? (World War I shows that many opportunities for success remained unexploited because of lack offorces to consolidate initial success).''Pour le lancement de l'offensive, en mai 1940, le Panzerkorps de Heinz Guderian est renforcé (il comporte alors 3divisions blindées et un régiment d'élite motorisé – l'Infanterie-Regiment Grossdeutschland) et il est appuyé par deuxautres corps motorisés. D'une part, en second échelon, le XLI. Armeekorps (motorisiert) du Général Reinhardt, quicomprend 2 divisions blindées et une division d'infanterie motorisée. Et d'autre part, en troisième échelon, le XIV.Armeekorps (motorisiert) du Général von Wietersheim, fort de 2 divisions d'infanterie motorisée supplémentaires.Lors de la phase initiale de la percée, Guderian prendra la tête et les XLIème et XIVème Corps lui emboîteront le pas,car l'étroitesse du champ de bataille ardennais empêche d'engager les corps blindés de front. Renforcés par un corpsde défense antiaérienne (le I. Flakkorps), les trois corps motorisés constituent le Groupement von Kleist (ouPanzergruppe Kleist, du nom de son commandant), qui est intégré au Groupe d'armées A de von Rundstedt, auxcôtés de quatre autres Armées : les 12ème (11 divisions d'infanterie, sous le commandement du Général List), 16ème

(12 divisions d'infanterie, sous le commandement du Général Busch), 2ème (11 divisions d'infanterie, sous lecommandement du Général von Weichs) et 4ème (commandée par le Général von Kluge et comprenant 12 divisions,dont 2 blindées, chargée d'effectuer une percée à Dinant et au sud de Namur). Le Groupe d'armées A représenteainsi près de la moitié de la force d'attaque allemande, et il rassemble 10 divisions blindées et motorisées sur les 15engagées par la Wehrmacht.Sources : [https://de.wikipedia.org/wiki/Heeresgruppe_A] – [http://www.lexikon-der-wehrmacht.de/Gliederungen/Armeen]

249- JFH – 20/11/1939 : ''Memo for ObdH : […] 2.) AGp. A. Plan of attack for Guderian.''

250- JFH – 21/11/1939 : ''Conference with Cs-in-C of the Army Groups and Armies, and Guderian.''

251- JFH – 20/12/1939 : ''ObdH : […] b) […] Conference : […] Guderian at Sedan will not be strong enough for majoroperation. Arrangements must be made to assure follow-up of troops on roads […]''.

252- JFH – 15/01/1940 : ''1245-1800, Fuehrer conference : b) […] ; battle at the Meuse on the fourth day at theearliest.'' – 07/02/1940 : ''[…] Guderian wants to force crossing of the Meuse […] on A plus 4.''

253- JFH – 14/11/1939 : ''Chevallerie – Roehricht : Study courses on Sedan'' (commenté par Halder en ''footnote'' :''Special War Academy courses on the projected Sedan operation.'').

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mesure de remporter un succès décisif.254

Une éventualité qui s'envisage de plus en plus favorablement.255

Il devient alors question de livrer aux Français une ''Bataille de la Meuse''.256

Ce basculement du ''centre de gravité'' du dispositif allemand, du nord vers le sud,ne se fait pas sans certains ''grincements de dents'', notamment de la part de vonBock (qui réalise sans doute que le nouveau plan a pour effet d'amoindrir l'idée qu'ilse faisait de l'importance de son propre rôle dans la future offensive 257). Le Généralvon Bock est contraint de s'aligner assez rapidement 258, mais voyons dans sadémarche l'illustration des conflits de personnalités qui agitent périodiquement lecommandement allemand (notamment, en raison de l'ego démesuré de sesmembres).

VI. – Les apports de Manstein aux plans allemands.

Il existe des évaluations contradictoires quant à l'apport réel de Manstein au planfinal des opérations. Cependant, dans la mesure où celui-ci diffère largement desconceptions développées par Manstein, principalement pour ce qui concernel'exploitation de la percée une fois la Meuse franchie (ce que lui-même aspontanément reconnu dans ses mémoires et récits de campagne 259), il n'estcertainement pas possible de lui en accorder la ''paternité''.

En 1939, Manstein est le chef d'état-major du Général von Rundtstedt, lecommandant du Groupe d'armées A (ex-Groupe d'armées sud de la Campagne dePologne), redéployé à l'Ouest dès le mois d'octobre. Les premiers échanges entre leFührer et von Rundstedt, à propos des futures opérations sur la Meuse, sont loin derefléter une unanimité de vues 260. Un comble, c'est même l'OKH (que Mansteinn'apprécie pas particulièrement) qui s'efforce de clarifier les choses 261.

En décembre 1939, la première mention de Halder à un ''plan Manstein'' n'est pasnon plus sans ambiguïté, car elle l'associe directement à une bataille de la

254- Voir ''Directive n° 8 For the Conduct of the War'' du 20/11/1939 : ''[…] 3. a) All precautions will be taken toenable the main weight of attacks to be switched from Army Group B to Army Group A should the disposition ofenemy forces at any time suggest that Army Group A could achieve greater success.'' – Dès lors, les plans allemandsintègrent pleinement le fait que la décision puisse se faire ''au centre'', c'est-à-dire dans le secteur assigné au Grouped'armées A de von Rundstedt, et non ''au nord'', c'est-à-dire dans le secteur du Groupe d'armées B de von Bock.[Source : pour le texte de la directive : http://der-fuehrer.org/reden/english/wardirectives/08.html]

255- JFH – 21/01/1940 : ''1800 Fuehrer (with ObdH) : […] e) AGp.A. Things will be much easier because now they willhave no enemy opposition in cutting trough Luxembourg. Held by comparatively weak forces with big gaps.''(commenté par Halder en ''footnote'' : ''« through Luxembourg » : Against French border.'').

256- JFH – 08/01/1940 : ''Gen Qu Map Exercise : Comments : 1.) Build-up for « Battle of the Meuse ».''

257- JFH – 23/12/1939 : ''von Bock : Salmuth will bring a letter on the conduct of the operation ? Contents of thisletter in agreement with Bock's views, but he did not want to throw the weight of his personality against ObdH'sdecision.''

258- JFH – 16/01/1940 : ''Col. Gen. von Bock. [von Brauchitsch-Kesselring instead of Bock] 1.) Decision not atMaastricht, but on the Meuse river.''

259- Voir p.ex., à ce sujet, la biographie de Manstein par Benoît Lemay (Op. Cit.).

260- JFH – 07/12/1939 : ''AGp. A reiterates proposal to apply main effort on the southern wing from the start.'' || JFH– 20/12/1939 : ''ObdH : […] b) […] Conference Fuehrer/Rundstedt : Strength must be conserved for main effort inAGp. A ''Has AGp. A a double mission ?''[…] Operational intention, divergencies.''

261- JFH – 23/12/1939 : ''Conference with Col. Gen. von Rundstedt : […] 2.) Plan of operation : Full and limitedobjectives. von Rundstedt claims that the bulk of Fourth Army is aimed at Huy, only a small fraction at Givet. Attackon Rethel (?) to keep enemy from attacking from the south. An entirely different operation !'' – Pour rappel, unepercée à Givet permet de contourner Charleville-Mézières et Sedan par le nord. Le contrôle de Rethel (située sur laroute de Reims, à une quarantaine de km au sud-ouest de Charleville et Sedan) permet aussi bien de franchir l'Aisneet le canal des Ardennes que d'établir une position de blocage sur ces coupures humides.

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Campagne de Pologne qui marque, initialement, un échec relatif des Allemands, laBataille de Kutno 262 (ou Bataille de la Bzura pour les Polonais 263).

En effet, au moment où les pointes avancées de la Wehrmacht atteignaientVarsovie, le 8 septembre 1939, l'offensive allemande a été stoppée net par unevigoureuse contre-attaque polonaise sur ses flancs. Dès le 9 septembre 1939, leGroupe d'armées sud de von Rundstedt (dont Manstein était déjà, alors, le chefd'état-major) a été contraint de réorganiser son dispositif et de rameuter tous lesrenforts disponibles.

Disposant d'une supériorité écrasante en effectifs (près du double) et d'un appuiaérien massif, les Allemands ont fini par s'imposer, mais ils ont tout de même misdix jours pour réduire et encercler les forces polonaises (faisant 170.000prisonniers), subissant au passage de lourdes pertes en hommes (8.000 morts et4.000 prisonniers, soit l'équivalent d'une division entière !), ainsi qu'en matériel (50chars, 100 véhicules et 20 pièces d'artillerie détruits) 264. Ce qui confirme d'ailleursque la Campagne de Pologne était tout, sauf une ''promenade de santé'' pour uneWehrmacht encore bien juvénile...

Cet épisode – mal engagé, mais à l'issue finale ''heureuse'' pour Manstein etRundstedt – n'est pas passé inaperçu au sein de l'état-major de l'OKH 265 et, aumoment de faire le bilan de la Campagne de Pologne 266, afin d'en tirer desenseignements pour la suite des opérations, il n'aura pas manqué non plus d'êtrerappelé au Führer 267, qui avait d'ailleurs déjà pu vérifier certaines choses par lui-même lors de sa visite du champ de bataille de Kutno, au mois de septembre 268.

Quoi qu'il en soit, en février 1940, Hitler a plus que probablement déjà arrêtél'essentiel de son plan de campagne (en le développant selon les conceptions qu'il aimposées progressivement à son état-major depuis la mi-novembre 269).

Lorsque, le 17 février 1940, le Führer reçoit Manstein (nouvellement promu parl'OKH à la tête du 38ème Corps d'armée 270), il a probablement déjà eu vent desobjections et contre-propositions formulées par le Général au sujet des plansd'offensive à l'Ouest. Manstein lui-même n'a pas ménagé ses efforts pour les faireconnaître, en diffusant divers mémorandums au cours des mois précédents.

Même s'il n'existe aucun compte-rendu véritablement fiable de leurs échanges,nous pouvons raisonnablement supposer que, pour Hitler, cette rencontre est une

262- JFH – 27/12/1939 : ''Memo for ObdH : […] c) Manstein's plan for operations. Battle of Kutno.''

263- JFH – 22/04/1940 : ''Erfurth : a) […] Individual studies (Bzura, etc.) - Official history of the war'' (commenté parHalder en ''footnote'' : ''The battle on the Bzura river in the 1939 Polish campaign, which at one point looked citicalfor the Germans.'').

264- Source : p.ex. : https://en.wikipedia.org/wiki/Battle_of_the_Bzura

265- JFH – 25/10/1939 : ''ObdH : […] Groups on both wings very strong. Catastrophe similar to that on the Vistulabend.''

266- JFH – 05/10/1939 : ''Notes for ObdH : […] Experiences.'' || JFH – 23/10/1939 : ''Note for ObdH : Strategicanalysis of Polish Campaign, by Christmas.''

267- JFH – 26/10/1939 : ''Memo for ObdH : […] 4.) Fuehrer should be given reports on experiences of the campaign(our wishes). Reports based on Polish Campaign, which show performance of Infantry, importance of Officers corps,training, changeover from the West to the East.'' || JFH – 30/10/1939 : ''ObdH : […] Has the Fuehrer got our reportson campaign experiences ?'' || JFH – 04/11/1939 : ''Notes for ObdH : a) Strategic analysis of the Polish campaign.Interference by Fuehrer.''

268- JFH – 25/09/1939 : ''0715 : Leave by plane for the airdrome of AGp. South. Meet the Fuehrer on his way to thebattlefield on the Bzura river.''

269- Ce point sera plus abondamment développé au chapitre IX ci-après.

270- Voir Benoît Lemay, Op. Cit., p. 187.

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excellente occasion de se rassurer 271, en testant ou en confortant la validité de sespropres conceptions et intuitions stratégiques auprès d'un véritable spécialiste, ouen les affinant à la lumière des remarques et observations du technicien.

Dès lors, nous pouvons aisément imaginer certaines convergences de vues entreles deux hommes (au point que Manstein ait pu croire avoir exercé une formed'influence sur la pensée de son chef, qui a dû s'enthousiasmer de certaines de sesréflexions).

Le Führer est indubitablement séduit par les qualités intellectuelles de Manstein(surtout si elles soulignent, en les reflétant, le ''génie'' de ses propres pensées),mais il ne pourra jamais se départir d'un fond de méfiance à l'égard de cet officieraristocratique aux origines racialement douteuses (une double ''tare'',probablement rédhibitoire aux yeux de Hitler).

Et si, comme l'ont rapporté les autres témoins de l'entretien (Jodl et Schmundt) 272,Hitler déroge à son habitude en écoutant longuement Manstein sans l'interrompre,n'est-ce pas tout simplement pour ne pas perdre le fil de ses propresraisonnements, qu'il soumet ainsi (sans l'avouer ouvertement) à la critique d'unmilitaire professionnel afin de s'assurer qu'il n'est pas éventuellement passé à côtéde quelque chose d'important ?...

Constatons en effet que les enjeux ne sont pas de même nature pour lesinterlocuteurs en présence.

Pour Manstein (et en faisant abstraction de ses motivations politiques personnelles),il s'agit ni plus, ni moins que de concevoir et exécuter une campagne militairedestinée à abattre et humilier les ''ennemis héréditaires'' de l'Allemagne. Unevictoire contribuerait à sa gloire personnelle (en faisant p.ex. la démonstration deses talents de stratège et de commandant d'unité au combat) mais, en cas d'échec,il ne risque guère que de se voir relégué à un rôle subalterne ou de connaître ladisgrâce auprès de ses chefs et de ses pairs.

Pour le Führer, il en va tout autrement. Il doit gérer un conflit européen majeur (audéclenchement duquel il a largement contribué) et trouver (ou imaginer) lesmoyens d'y mettre un terme à son avantage avant qu'il ne devienne véritablementmondial (p.ex. si les Etats-Unis venaient à s'y engager). Et ce, de façon à pouvoirlancer, éventuellement et plus ou moins rapidement, la suite de son ''programme''(en l'occurrence, la consolidation ou l'extension du Lebensraum qu'il convoite à l'Estpour ''son'' Reich, ce qui pourrait mener à un affrontement direct avec l'URSS).

Dans cette perspective, le principal objectif hitlérien de la campagne occidentale estdonc d'obtenir une élimination directe (ou a minima la ''neutralisation'') de laformidable armée française, de façon à contraindre, non seulement la France (unefois vaincue), mais aussi l'Angleterre (en particulier, celle des Appeasershalifaxiens), que la défaite française priverait de son principal allié militairecontinental, à conclure la paix avec l'Allemagne nazie, ce qui mettrait les USA hors-jeu, au moins pour un bon moment, surtout si Roosevelt quitte la scène commeprévu (puisque – par principe – il ne pourra pas se représenter pour un troisièmemandat à l'élection présidentielle de novembre 1940).

Mais s'il prend le risque de se lancer dans une nouvelle campagne à l'Ouest, Hitler

271- Un désir d'autant plus pressant que Brauchitsch vient de lui communiquer (le matin même) les résultats mitigésdes derniers exercices sur cartes organisés, quelques jours auparavant, à l'OKH et au Groupe d'armées A.

272- Voir Benoît Lemay, Ibid.

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est condamné à réussir militairement, parce que son régime et son pouvoirpersonnel pâtiraient gravement d'un échec. Inversement, un succès (si possibleretentissant) les consoliderait. Ce serait également une occasion unique de créer lesconditions politico-militaires de ses futurs succès orientaux, en lui évitant le spectrede la ''guerre sur deux fronts'', dans l'hypothèse d'un conflit armé avec l'URSS.

Toutefois, la conception que Hitler se fait des conditions de sa réussite divergeassez fortement des conceptions militaires classiques, ainsi que le déroulement dela campagne le démontrera à suffisance au mois de mai suivant. Certaines de sesdécisions provoqueront l'étonnement des militaires (dont Manstein, déconcerté parcertains ordres hitlériens, dont il ne percevra absolument pas la dimension politiqueet qu'il se contentera de juger comme autant d'« erreurs », que son manque demodestie attribuera à l'abandon par Hitler des conceptions stratégiques qu'il luiavait soumises), parce qu'il s'agit de manœuvres habiles, sinon brillantes, mais surun autre terrain – celui de la politique et de la diplomatie – où se jouent, à cemoment-là, les véritables enjeux du conflit en cours.

Il est assez probable que l'adoption pure et simple du ''Plan Manstein'' eût pu setraduire par une plus grande efficacité sur le plan militaire pur (p.ex., sous la formed'une destruction plus complète et plus rapide de l'ensemble des arméesennemies).

Mais le plan de Hitler comporte d'autres dimensions dans le raisonnement, toutaussi subtiles et stratégiques (mais non ''militaires''), destinées à lui procurer les''souplesses'' dont il aura besoin :- soit pour adapter l'axe principal de l'attaque (en direction et en force), de façon à

prendre en compte les réactions de l'ennemi (p.ex. sa passivité face audéclenchement de l'offensive allemande aux Pays-Bas et en Belgique ; ou, aucontraire, sa conformité aux attentes d'une intervention en application du PlanDyle-Breda qui le verrait se porter vers le nord ; voire encore, son effondrementplus rapide que prévu) et le déroulement réel des opérations (p.ex. pour dirigerles efforts là où cela ''coince'', ou pour tirer le meilleur profit des brèches crééesen y enfournant toutes les forces nécessaires pour déborder l'ennemi et consacrersa déroute) ;

- soit pour se mettre en position de ''suspendre'' les opérations s'il le souhaite, afinde pouvoir négocier avec ses adversaires, le moment venu, en prenant le risque(calculé) que l'échec de ces négociations impacte négativement le déroulementultérieur des opérations militaires proprement dites (p.ex. parce que les ''pauses''auront permis aux forces ennemies de se ressaisir et d'organiser ou durcir leurdéfense), mais sans les compromettre réellement.

De ce point de vue, l'adoption d'un schéma de déploiement des corps blindés''dans la profondeur'' du territoire procure un avantage certain : ces corpspeuvent ainsi être aisément (re)dirigés là où il convient.

Si les Alliés exécutent leur plan ''Dyle-Breda'', les groupes blindés seront dirigés surle Luxembourg et les Ardennes, vers Sedan, Dinant et la Meuse.

S'ils s'abstiennent, les groupes peuvent être envoyés dans une autre direction, aunord ou au sud. Dans tous les cas, là où ces groupes sont positionnés (enl'occurrence, assez loin sur les arrières du front), l'ennemi ne peut déterminer où ilsvont être réellement dirigés.

Couplée avec le décalage temporel des opérations ''visibles'' par l'ennemi de la

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part des Groupes d'armées B (le premier à s'afficher dans une posture offensivesur les Pays-Bas, la Meuse autour de Liège et le centre de la Belgique) et A (quiéchelonne ses éléments blindés offensifs derrière un rideau d'infanterieapparemment essentiellement défensif, alors que les divisions blindées avancent,masquées par le premier échelon et le massif ardennais, pour surgir – aprèsquelques jours et de façon inattendue – sur la Meuse dans le secteur de Sedan-Carignan), cette subtilité achèvera de perdre les Alliés si, comme prévu, ilss'avancent en Belgique (volet ''Dyle'' du plan allié) et vers le Brabant hollandais(volet ''Breda'' du même plan).

Même si les Alliés se décident à réagir (p.ex. en préparant et en lançant une contre-attaque sur les flancs exposés des pointes blindées allemandes), il y a de grandeschances que cela se produise à contretemps, car ils seront pris de vitesse, etl'efficacité de leur réaction s'en trouvera réduite.273

VII. – Le plan final de Hitler.

Le 18 février après-midi, soit le lendemain de son entretien avec Manstein, Hitlertient une grande conférence afin de présenter la ''synthèse de ses plans''.

Pour commencer, le Führer rappelle les grandes lignes de l'évolution de sa penséeau cours des mois précédents 274. Ensuite, il trace les grandes lignes de ses''nouvelles directives''. Un mois après l'incident de Maasmechelen (qui pourrait avoirrévélé aux Alliés tout ou partie des plans allemands), certains s'attendentprobablement à une refonte des dits plans. Mais, en fait de nouveauté, et commeHitler le souligne lui-même, il semble que cela soit plutôt une sorte de ''retour à lacase départ''.

En réalité, le plus intéressant dans cet exposé – qui dure plusieurs heures 275 – c'estce qu'il ne dit pas. En effet, Hitler prend soin de présenter habilement une version''crédible'' de son plan, mais sans dévoiler réellement ses intentions. Il s'agit làaussi d'une superbe manœuvre de désinformation.

Tout est fait (dit) pour persuader les auditeurs (et probablement l'ennemi, au casoù des indiscrétions viendraient à filtrer) que l'offensive sera dirigée par le Grouped'armées B vers les Pays-Bas, le nord et le centre de la Belgique (donc selon leschéma auquel le Plan Dyle-Breda est supposé devoir répondre), en prévision de ouen réponse à une offensive française, avec des objectifs limités dans les autressecteurs (où il est essentiellement question d'effectuer des mouvements destinés àaméliorer les positions défensives des Groupes d'armées A et C).

Une percée sur la Meuse est évoquée, mais uniquement dans le secteur de la 4ème

Armée de von Kluge (donc au sud-ouest de Namur) et encore la perspective d'untel succès est-elle présentée comme ''douteuse''. Il n'est nullement dévoilé qu'un

273- JFH – 08/03/1940 : ''Conference Greiffenberg/Liss about study on movements incidental to operation Gelb. Verygood and sound job ! Envisage attacking tank spearheads appearing on the Meuse on the fourth day, and possibilityof enemy attack in force across the Meuse at the end of two weeks at the earliest.''

274- JFH – 18/02/1940 : ''Fuehrer conference, 1200 : Introductory : Original plan was to break through the enemyfront between Liège and the Maginot Line. Drawback was constriction between ''Fortress Belgium'' and Maginot Line.Extension of the attack northward of the Liège area was considered so as to obtain wider frontage. The centralfeature of that plan was to concentrate the main weight in the south and to use Antwerp instead of Liège as the pivotof the great wheeling movement. Now we have reverted to the original scheme.''

275- Exceptionnellement, eu égard à la longueur de l'exposé de Hitler, nous ne citerons pas in extenso la relationqu'en fait Halder dans son Journal (entrées du 18/02/1940, faisant suite à l'entrée citée dans la note précédente, quien est l'introduction), mais nous en résumons les principaux points dans les lignes suivantes, en les commentant.

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détachement blindé très conséquent (l'imposant Groupement ou Panzergruppe vonKleist, équivalant à une armée entière) a été constitué à l'arrière, au centre dudispositif et dans la profondeur de la zone de déploiement du Groupe d'armées A(de façon à pouvoir enfoncer le dispositif allié sur la Meuse, plus au sud, afin dedéboucher à l'ouest). S'il est question des forces blindées, c'est dans des termesassez vagues et généraux, mais leur extrême concentration n'est absolument pasévoquée. Les précisions données sur les mouvements et opérations des grandesformations (16ème, 12ème et 4ème Armées) concernent essentiellement des unitésd'infanterie (en réalité, la couverture et l'« ouvre-boîte » de la percée blindée, etnon un simple ''rideau défensif'') que les chars appuieront, en prenant à leurcompte les forces blindées ou les retranchements ennemis, selon le cas et selon lescaractéristiques respectives des différents modèles de tanks engagés, largementdétaillées dans l'exposé de Hitler (sans que cela se justifie vraiment, mais celatrahit une ''manie'' hitlérienne – le goût pour le matériel et la technique militaires,dont il mémorise les détails – et puis, ça ''meuble'').

Cependant, quoi qu'en dise le Führer ce jour-là, avec le véritable Fall Gelb, c'estbien évidemment sur la Meuse ardennaise que la percée principale de Guderiandevra se produire 276, et son groupement blindé va être doté de tous les moyensnécessaires 277. Ce que les ''initiés'' de l'OKW et de l'OKH ne peuvent ignorer, maisqu'ils se gardent eux aussi de souligner ''en public''.

La date de l'offensive n'a pas été fixée, mais la durée des préparatifs en cours nepermet pas d'envisager une opération avant la mi-mars 278. Le Führer ne paraît pasnon plus pressé de donner des indications très claires à ce sujet 279.

a/ Derniers ajustements sur la Meuse :

Dès lors que le ''nouveau plan'' vise une percée au centre et sur la Meuse, laquestion se pose de savoir dans quelle direction prolonger ensuite le mouvementvers l'ouest.

A cette fin, de nombreuses simulations sur cartes ont été exécutées.280

Mais certains résultats apparaissent mitigés, faisant surgir des doutes dans l'espritde quelques uns.281

Ces exercices ont aussi démontré la difficulté et la complexité de monter une

276- JFH – 21/02/1940 : ''Blumentritt : Review of the new intentions. Organization of the First and Second Armd.Echelons under Guderian. Third Echelon will follow up under Army Gp. […] C[ommander] in C[hief] AGp. A believesthat spearheading of offensive by Armor is no longer justified under present circumstances.''

277- JFH – 21/02/1940 : ''Sixt : a) Stepping up of striking power of Armd. Divs. Allocation of armored personnelcarriers. Armd. Eng. Co.'' || JFH – 23/02/1940 : ''Wagner : Tank wedge. 18,000 vehicles. A total of 45,000 vehiclesin the sectors of Twelfth and Sixteen Armies !''

278- JFH – 04/03/1940 : ''1130 Gercke : a) Keitel has been informed that the arrival of the Armd. Divs. for theextreme northern wing has been delayed. […] Accordingly 10 Mar. is the earliest date on which we can be ready forattack.''

279- JFH – 04/03/1940 : ''Gercke : Fuehrer conference. Nothing was said about the postponement of the target date.No report has been made to the Fuehrer on dates past the 7th.''

280- JFH – 25/12/1939 : ''Notes : a) […] Western direction of the central wedge. - Map maneuver'' || JFH –27/12/1939 : ''0900 Map maneuver conducted by von Stuelpnagel. The three possibilities of the offensive in theWest are worked out.'' || JFH – 08/01/1940 : ''Gen Qu Map exercise : Comments […]'' || JFH – 31/01/1940 : ''vonGreiffenberg : […] Map maneuvers in AGp. A.'' || JFH – 06/02/1940 : ''von Greiffenberg : Map maneuver to developplanning data for our strategy on the Meuse.'' || JFH – 07/02/1940 : ''Map maneuver at Hq AGp. A.'' || JFH –14/02/1940 : ''0900 to 1500 : Map maneuver, Hq Twelfth Army.''

281- JFH – 14/02/1940 : ''0900 to 1500 : Map maneuver, Hq Twelfth Army […] Guderian and Wietersheim plainlyshow lack of confidence in success. Guderian : has lost confidence. - The whole tank operation is planned wrong !''

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opération au-delà de la Meuse, dans la foulée directe de la percée, combinantsuffisamment les forces de l'infanterie et des blindés.282

Cependant, cela n'affecte pas réellement les préparatifs en cours. Des mesures sontprises immédiatement pour les ajuster ou les améliorer 283, mais ces doutes sontrelayés au plus haut niveau de la hiérarchie militaire 284.

En mars 1940, l'OKH n'envisage pas encore de mouvement de grande ampleur àl'ouest de la Meuse : il ne s'agit toujours que de s'assurer des têtes de pont sur lefleuve.285

Le 17 mars, Halder note que le Führer lui-même souhaite réserver sa décision surles mouvements à entreprendre au-delà de la Meuse.286

Deux journées supplémentaires d'exercices sur cartes – sur le thème de la ''Bataillede la Meuse'' – sont organisées 287.

Puis, le 26 mars, Halder donne une première indication sur l'objectif principal del'offensive projetée à l'ouest : la Basse-Seine 288.

Ce qui est confirmé le lendemain, lors d'une conférence des chefs de l'OKH avec leFührer 289.

282- JFH – 14/02/1940 : ''0900 to 1500 : Map maneuver, Hq Twelfth Army […] c) A plus 8 is the earliest possible datefor the front-wide attack. Technically it will not be possible before A plus 9. ''. Probablement faut-il voir dans lesrésultats de ces simulations – i.e., la nécessité d'effectuer une ''pause technique'' de 4 à 5 jours après lapercée (celle-ci étant prévue en A + 4, cela mène au A + 8 ou 9 dont parle Halder) – l'origine de l'insistance decertains membres du commandement allemand pour obtenir de Kleist et Guderian, en mai 1940, qu'ils marquent unepremière pause, sinon sur la Meuse et le Canal des Ardennes, du moins sur l'Oise et l'Aisne, avant de poursuivre leurprogression vers l'ouest. Les commandants d'unités céderont à ces injonctions partiellement et à contrecoeur(comme si leurs succès initiaux avaient dissipé les doutes qu'ils expriment ici).

283- JFH – 14/02/1940 : ''Conference with AGp. A (1500-1600) : a) We review the resources for rapid closing up ofInf. Divs. from the depth.''

284- JFH – 16/02/1940 : ''Memo for ObdH : 1.) Written report on change of assembly plan. Change in disposition offorces : Questions asked by Fuehrer. Have report returned. 2.) Report on List map maneuver. (Talk with Guderian,Wietersheim) 3.) von Kluge map maneuver. – Talked over with Salmuth. 4.) Results of the two maneuvers : a)Problem complex of tank operations. b) Disadvantages deriving from starting the operations before process of closingup is completed. c) Inner doubts on prospects of ultimate success.''. Brauchitsch (i.e., ObdH) rapportant directementà Hitler, et ce dès le lendemain (cf. JFH – 17/02/1940 : ''ObdH : […] 2.) 1200 Report to Fuehrer. Changed situation. -Armor in Eighteenth Army. - Closing up within a day. […]''), il est difficile de ne pas faire le lien entre ceci et laconversation Hitler-Manstein du 17 février 1940 après-midi : le Führer a besoin de se rassurer...

285- JFH – 06/03/1940 : ''Phone talk with Sodenstern : 1.) Order of Army Group on operations of Armor west of theMeuse. No distant objectives, only capture of bridgeheads. (It seems Army Gp. has caught on to our ideas)''.

286- JFH – 17/03/1940 : ''Fuehrer conference on 16 as well as that on 15 March produced no new viewpoints. Generalimpression : The Fuehrer now approves the preparations made and is manifestly confident of success. Interestingpoints : 1.) Decision reserved on further moves after the crossing of the Meuse. 2.) He reckons with the possibilitythat the French and British might adopt a passive attitude in the face of our invasion. This belief, he feels, is justifiedby the difficulties of prompt communication between the political and military authorities. 3.) He plays with the ideathat a mild bleeding of the enemy forces will suffice to break their will to resist.''.Commentaire : à ce stade (avancé) de ses préparatifs, peut-on vraiment croire que Hitler fût alors sincère sur cedernier point (autrement dit, pourrait-il s'en tenir à une ''démonstration de force'', puissante, mais limitée) ?... Entout cas, cela rejoint des réflexions qui l'animaient déjà en septembre 1939 (cf. note n° 231 ci-avant), en pleinemanœuvre d'intoxication. En sa qualité de stratège en chef, de commandant suprême et de chef de l'Etat, il se doitcependant d'envisager et d'évaluer toutes les possibilités, même celles qui paraissent a priori saugrenues.

287- JFH – 18/03/1940 : ''1530 to 2300 : Mieth map maneuver ''Battle of the Meuse.'' || JFH – 19/03/1940 : ''0900Continuation of Mieth's map maneuver. Battle on the Meuse.''

288- JFH – 26/03/1940 : ''Notes for conference with ObdH : […] 5.) Upper Rhine operation : […] If the operation isdesigned to contain enemy forces, it must be launched concurrently with our big offensive. […] On no account mustthe operation be allowed to divert our attention from the major operational objective […]. That objective is the lowerSeine.''

289- JFH – 27/03/1940 : ''Fuehrer conference : […] 5.) Afterwards conference of the Fuehrer with ObdH and Chief ofGen. Staff […] On continuance of the main offensive : It would be desirable to push the offensive all the way to theSeine, leaving Paris aside.''

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b/ Sur la frontière ''franco-allemande'' (Sarre – Vosges) :

Parallèlement à la ''Bataille de la Meuse'', une armée allemande fixera les forcesennemies retranchées sur et dans la Ligne Maginot (considérées commeimmobilisées et ne pouvant participer à une offensive contre l'Allemagne), de façonà protéger le flanc gauche du groupe blindé chargé de percer sur la Meuse dans lesecteur Sedan–Carignan 290. C'est la mission du Groupe d'armées C de von Leeb 291.

Ces préparatifs s'accompagnent de manœuvres d'intimidation 292 ou d'intoxicationde l'adversaire 293 (lequel n'est pas inactif non plus dans ce domaine 294).

c/ Le commandement de la percée :

Le 25 février 1940, l'OKH s'assigne la mission de décider qui – de Manstein, Weichsou Kleist – commandera le groupement blindé renforcé qui doit percer à travers leLuxembourg pour foncer sur la Meuse à Sedan 295, mais c'est le nom de Guderianqui émerge le 26 février, via l'OKW 296.

● Manstein a obtenu une promotion en janvier 1940 297, sous la forme d'uncommandement opérationnel 298, qui le voit prendre la tête du XXXVIII.Armeekorps basé à Stettin, en Poméranie, où il est muté au début du mois defévrier 299. Placé en réserve au début de la campagne, ce corps d'arméeparticipera, en juin 1940, à la seconde phase de la ''Bataille de France'', au seinde la 4ème Armée du Général von Kluge.Avant de quitter son poste auprès de von Rundstedt, Manstein confère avec l'OKH

290- Cf. note n° 245 ci-avant.

291- JFH – 23/02/1940 : ''Memo for ObdH : […] 10.) Intensification of the ''Containing attack'' by AGp. C.''

292- JFH – 08/03/1940 : ''Mieth : Report on proposals of AGp. C and feint attacks at Kadenbronn […] and southeast ofZweibruecken.'' || JFH – 12/03/1940 : ''1600 AGp. C : 60th Div. around Kaisersleutern. Will go into action X plus 2or X plus 3. Saarbruecken first. The other subsidiary attacks so that impression is maintained for some days afterSaarbruecken that they are the preliminaries to a major offensive.''

293- JFH – 06/03/1940 : ''Col. Schaefer : OKW deception measures. Intimations of German plans for an offensivefrom the Palatinate and the Upper Rhine. Lost letter.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''A plant, to misleadenemy intelligence''). A noter qu'une telle ''astuce'' (basée sur la soi-disant ''perte'' de documents ''secrets'')présente des similitudes évidentes avec l'incident dit ''de Maasmechelen'' que nous avons évoqué plus haut.

294- JFH – 06/03/1940 : ''Liss comes in with report from Xylander showing French forces in a disposition entirelydifferent from that originally assumed, i.e., deployed for an offensive with principal effort on the Moselle river. Theauthenticity of this report still needs to be checked.'' || JFH – 07/03/1940 : ''Xylander : Report on the informationobtained from Swiss sources (Bircher). Xylander's Swiss situation map is correct as far as the Rhine front isconcerned.''

295- JFH – 25/02/1940 : ''von Brauchitsch 1300 : […] 3.) Sodenstern : […] c) Who is to command the Armor wedge :Manstein, Kleist, Weichs ??''

296- JFH – 26/02/1940 : ''von Greiffenberg : Set-up of an Armd. Command Hq could be constituted as follows : […]Guderian in command.''

297- JFH – 14/01/1940 : ''Conference with ObdH : […] 4.) Personnel matters : a) […] If no offensive : Manstein andStuelpnagel, commanding generals […]''. || JFH – 19/01/1940 : ''Personnel matters : a) In new Corps Hq : […]Manstein.''

298- Un mouvement esquissé dès le mois de décembre 1939 [JFH – 13/12/1939 : ''Notes for ObdH : […] 2.)Appointments in the Gen. Army Office (Sodenstern – Buhle). Corps Hq (February) : Manstein – Stuelpnagel.''] etconfirmé quelques jours plus tard [JFH – 21/12/1939 : ''Notes for ObdH : […] 2.) Five new Corps Hqs (Manstein –Stuelpnagel)'']. In fine, possiblement une manoeuvre de l'OKH, puisque c'est Brauchitsch (en sa qualité deCommandant en chef de l'Armée de Terre ou ObdH) qui est compétent pour décider des nominations de ce type, maisque le supérieur de Manstein (i.e., von Rundstedt) semble n'être mis dans la confidence que tardivement [JFH –22/01/1940 : ''Notes for ObdH : […] 6.) Personnel changes : Manstein ? We must get Rundstedt's opinion.''], tandisque, de son côté, l'OKW semble éprouver des difficultés pour comprendre les raisons d'un tel transfert à ce stade despréparatifs de la campagne [JFH – 04/03/1940 : ''1100 ObdH : […] c) ''Upstairs'' they don't understand Manstein'stransfer. Does his successor have the necessary drive ?''].

299- JFH – 23/01/1940 : ''ObdH : […] 4.) Gen. Staff assignments, 5 Feb.'' || JFH – 26/01/1940 : ''von Ziehlberg :Manstein, Commanding General.''

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au sujet des opérations du groupe blindé sur la Meuse 300.

● Le Général von Weichs commande la 2ème Armée, chargée d'appuyer les arméesde première ligne du Groupe d'armées A (i.e., les 12ème et 16ème Armées,auxquelles la Panzergruppe Kleist ouvre la voie) et de s'insérer progressivemententre elles.

● C'est donc Guderian qui conserve le commandement de son ''super Groupeblindé''. Il relèvera de l'autorité du Général von Kleist, le commandant de laPanzergruppe homonyme au sein du Groupe d'armées A de von Rundstedt(auprès duquel Sodenstern a remplacé Manstein en qualité de chef d'état-major 301).

Il est évident que l'OKW suivra tout particulièrement (et de très près) le bondéroulement des opérations du ''détachement Guderian''.

d/ Les opérations aériennes :

L'offensive aérienne allemande visera la destruction des forces aériennes ennemiesau sol 302 et la protection ou l'appui tactique aux forces d'assaut 303, avant des'étendre éventuellement à la Grande-Bretagne (dont le bombardement estenvisagé, mais après le succès de la percée sur le front de la Meuse 304, l'un desobjectifs de la campagne à l'Ouest étant bien évidemment de s'assurer demeilleures bases pour des attaques dirigées contre le Royaume-Uni).

L'appui tactique au Groupe blindé de Guderian sur la Meuse sera assuré par leGroupe aérien de Wolfram von Richtofen (le VIII. Fliegerkorps), qui est associé auxconversations opérationnelles dès la mi-novembre 1939 305, soit au moment oùémerge le nouveau concept opérationnel de la campagne, et dont l'action aussiintense qu'efficace se révélera déterminante lors des combats de Sedan en mai1940.

La Luftwaffe est également associée à de nombreuses opérations aéroportées(largage des parachutistes du Général Student, principalement aux Pays-Bas 306;acheminement de troupes et de commandos sur des objectifs situés sur les arrièresdes lignes ennemies) 307. Ainsi qu'à des ravitaillements par voie aérienne des forcesblindées avancées 308.

300- JFH – 03/02/1940 : ''Gen. von Manstein : […] Role assigned to Armor on the Meuse.''

301- JFH – 31/01/1940 : ''Notes : […] 6.) Personnel matters : a) AGp. A, Sodenstern - Must go there at once''.

302- JFH – 10/01/1940 : ''1500-1730 : Fuehrer conference : […] b) Big bombing attack by Air Force against airfieldsalong the entire northern border. Also air attacks against pilot schools (70% of enemy fighter strength in the zone ofattack). […] Pounce again just before jump-off.''

303- JFH – 10/01/1940 : ''Op. Sec. : Army Gps. must now establish close contact with their air formations. Airdefense against enemy retaliation.'' || JFH – 25/01/1940 : ''Air Force : Large proportion of Air Force will becommitted in tactical support. Air units for Armd. Corps.''

304- JFH – 20/01/1940 : ''Fuehrer conference […] England thus will not be attacked from the air in the first days.From third day onward, small groups of Ju 88 can attack England.''

305- JFH – 17/11/1940 : ''Conference : Goering (?), Student, Richtofen.''

306- JFH – 01/01/1940 : ''1000 - Conference with Keitel (OKW) : 3.) a) […] ObdH : a) Airborne operations on a largescale. Airborne troops (paratroopers attached to Ground Forces as Assault Bns.).''

307- JFH – 20/01/1940 : ''Fuehrer conference : […] Fieseler Storch planes to drop Commandos and transportammunition and men.''

308- JFH – 11/03/1940 : ''Gen Qu (Mueller). Report on tour : […] 4.) Potential bases for supply by air : Hanau,Cologne, Muenster.'' || JFH – 20/03/1940 : ''Wagner : […] f) Possibilities of supply by air. Available from the fourthday onward a Group of 50 planes which can transport one issue of ammunition for a whole Btn. In one flight, 100tons of fuel, sufficient for 75 km for one Armd. Div.''

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Ces opérations nécessitent de disposer d'avions de transport en suffisance (alorsqu'il n'y a que 1.100 appareils du type Ju. 52 disponibles pour toute la forceaérienne 309).

VIII. – Le front scandinave.

Parallèlement aux préparatifs entrepris à l'Ouest, les menées alliées en Scandinaviesont suivies de près 310, faisant suite à la promesse franco-britannique d'appui etd'aide aux Finlandais agressés par l'URSS dans le courant de l'hiver 1939-40 311.

La Norvège est dans le collimateur de Hitler depuis octobre 312, mais c'est à partirde la mi-décembre 1939 qu'il envisage plus sérieusement l'hypothèse d'uneinvasion ''préventive'' du Danemark et de la Norvège (des pays neutres, eux aussi,tout comme la Suède), sous la forme d'une opération combinée, associantétroitement certains éléments de l'Armée et la Kriegsmarine 313.

Le Führer a les meilleures raisons de s'intéresser à ces deux territoires, comptetenu de leurs caractéristiques géo-stratégiques. Mais, à quelques mois dulancement de Fall Gelb, il est hors de question d'affecter des ressources tropimportantes à un nouveau théâtre d'opérations.

Au mois de janvier 1940, il n'est pas encore question de violer la neutraliténorvégienne, sauf dans l'hypothèse d'une initiative britannique 314 (dont laperspective semble devoir se préciser 315).

Les premiers préparatifs sont engagés et, comme le précise Keitel, c'est l'OKW quiconserve la haute main sur la planification opérationnelle, tant pour la Norvège quele Danemark 316.

Le 20 février 1940, Hitler demande à rencontrer le Général Falkenhorst 317, qui aexercé un commandement en Finlande au cours de la Première Guerre Mondiale etqu'il a décidé de placer à la tête des troupes allemandes destinées à la Norvège.

Eu égard aux spécificités du terrain norvégien, la force d'invasion comprendra unepart significative d'unités de montagne, à prélever dans les secteurs non prioritairespour Fall Gelb. Leur acheminement se fera par la voie aérienne ou maritime.

309- JFH – 12/02/1940 : ''Air Force : (Report by Lt. Col. Vorwald, Chief, Air Force Org. Sec.) […] Air transport : […].Increase possible only at the expense of bombers. Total in existence 1,100, in Transport Staffeln of Corps and inFlying Schools.''

310- JFH – 16/12/1939 : ''Note for ObdH : […] b) 3.) Our attitude toward Denmark and Norway similar to Russia'sattitude toward Finland.''

311- JFH – 30/11/1939 : ''30 november 1939. Start of the Russo-Finnish Conflict.''

312- JFH – 15/1O/1939 : ''Norway.''

313- JFH – 14/12/1939 : ''OquIV : a) (Reich Chancellery) Question of Norway. Preventive action ! - Combinedoperation Navy – Army. Simultaneous with operation against Denmark.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''I.e.,to forestall British action in Norway.'')

314- JFH – 01/01/1940 : ''1000 Conference with Keitel OKW : […] 3.) b) Scandinavia […] Sweden and Norway strictlyneutral. General Quisling, Norway, (one of Ribbentrop's acquisitions) has no followers. It is in our interest to keepNorway neutral. In case England threatens Norway's neutrality, our policy will change.''

315- JFH – 08/01/1940 : ''von Etzdorf : a) France and England : Assistance to Finland under their League of Nationsobligations. Land route via Narvik. Agreement of Norway and Sweden. Are we going to be informed ? Prerequisitewould be British promise of aid to Norway and Sweden in the event of a war with Russia. Iron deposits in NorthernLapland. No indications that the Fuehrer is demanding bases.''

316- JFH – 10/01/1940 : ''Keitel (on phone) : a) Memorandum on Norway. Planning staff at OKW. Through Denmark.''

317- JFH – 20/02/1940 : ''Central Branch informs us that the Fuehrer wants to talk to General von Falkenhorst, as anexpert on Finland.''

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A partir de là, l'invasion de la Norvège fait l'objet d'une préparation de plus en plusapprofondie 318, sous le nom de ''Opération Weserübung'' (littéralement, ''exercicede la Weser'') 319.

L'un des objectifs est de protéger l'approvisionnement – capital pour l'industrieallemande – en minerai de fer suédois, lequel transite par les ports norvégiens(dont celui de Narvik, au nord de la Norvège).

La Kriegsmarine entend bien mettre à profit les nouveaux mouillages en eauxprofondes qu'elle pourrait acquérir à l'abri des fjords norvégiens pour développerses opérations de surface et sous-marines dans l'Atlantique Nord. Tandis que laLuftwaffe fait valoir l'intérêt pour elle de disposer de bases au Danemark poursoutenir ses opérations en Mer du Nord 320, ce qui suppose d'envahir également cepays.

Pour l'OKH, ces opérations en Scandinavie ne doivent s'envisager qu'après avoirenregistré un succès offensif significatif à l'Ouest 321. Cependant, dès le début dumois de mars, Hitler demande d'accélérer les préparatifs de Weserübung 322. Tandisque lui-même déploie les habituels ''écrans de fumée'' diplomatiques, pour mieuxmasquer ses intentions véritables 323. Nous pouvons en effet ranger dans cettecatégorie des ''manœuvres diplomatiques'', l'entrevue du Führer et de Mussolini, auBrenner, le 18 mars 1940 324, qui produit si peu de résultats ''tangibles''.

Le 14 mars 1940, l'OKW confirme à l'OKH que le déclenchement de Weserübung(au jour ''X'') déterminera celui de Fall Gelb (au jour ''A'') : le jour ''A'' surviendra 7jours après le jour ''X'' (soit une alerte en ''X'' + 3 et 4 jours de mise en place desunités pour Gelb, selon le délai fixé par l'OKH 325).

Le décalage de 3 jours doit permettre de déterminer si on active Fall Gelb

318- JFH – 20/02/1940 : ''Op. Sec. : […] h) […] Reserves for Norway ?'' || JFH – 01/03/1940 : ''von Greiffenberg :Received from OKW : Order to contribute for Weseruebung […]'' || JFH – 02/03/1940 : ''Gen Qu : […] b) Operation''Weseruebung'' : Mountain equipment. - Supply.'' || JFH – 04/03/1940 : ''Greiffenberg : ''Weseruebung'' – Air Forceunits detached for this operation.''

319- JFH – 21/02/1940 : ''Heusinger : ''Weseruebung'' […] ''.

320- JFH – 21/02/1940 : ''[…] Denmark. Air Force wants Denmark.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''Air Forcewanted Denmark for extension of its air warning network and for advanced fighter bases.'').

321- JFH – 21/02/1940 : ''[…] Timing : Shortly after substantial conclusion of offensive in the West. Then as quicklyas possible !''

322- JFH – 03/03/1940 : ''1930 Gercke : Fuehrer demands that movements for operation ''Weseruebung'' startimmediately. Timetable : […] Ready for jump-off as of 13 Mar., so that landing in the northernmost parts would bepossible about 17 March.'' || JFH – 04/03/1940 : ''1100 ObdH : a) Speed up preparations for « Weseruebung ».''

323- Ainsi, pendant la tournée du Sous-Secrétaire d'Etat américain, Sumner Welles : JFH – 05/03/1940 : ''vonEtzdorf : Norwegian question. - Peace feelers Russia-Finland. Welles' tour. Conference with Fuehrer in a very coolatmosphere. The Fuehrer outlined his familiar ideas : We are the victims of aggression. Our aim is peace, the aim ofour enemies is annihilation. Welles will be sent off not without some hope.'' || JFH – 06/03/1940 : ''Siewert : 1.)Fuehrer report : Vague and confused. Over-all political situation. Britain and France have demanded troops transitthrough Norway and Sweden. Fuehrer wants to act. Preparations ready on 10 Mar. 15 Mar. set for start of operationWeseruebung. Thinks he can launch major operations in the West three days later. Goering's warnings regardingover-all weather situation.'' || JFH – 11/03/1940 : ''Gercke : a) ''Weseruebung''. Shipments start about 17 Mar. 20Mar. is X-Day.''

324- Selon ce qu'en rapporte Halder (avec un certain décalage, puisqu'il s'agit d'une entrée postérieure de 2 jours àl'entrevue elle-même), les sujets abordés n'apparaissent pas ''bouleversifiants'' et les résultats sont peu significatfis,tout au plus de l'ordre de la ''déclaration d'intention'' : JFH – 20/03/1940 : ''OQu IV : a) Brenner entrevue. Peaceoffer October. Military decision if Plutocracies do not yield on their own accord. b) Moscow. we aim at better relationsbetween Italy and Russia. c) Operational and tactical methods of the French.''

325- JFH – 14/03/1940 : ''Gercke : a) X-Day not before 22 March. b) Target date for ''Weseruebung'' : Seven daysbefore jump-off (A) in the West. Cancellation possible up to within three days before. Cancellation automatically callsoff all preparations also for A, since the plan is to launch offensive in West on ''Weseruebung'' plus 3, unless''Weseruebung'' provokes reaction setting in motion plans for operation « Emergency ».''

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(l'offensive) ou Sofortfall (les opérations défensives), selon les réactions del'ennemi à Weserübung.

Le cas échéant, si Weserübung n'a pas lieu, Fall Gelb pourra néanmoins êtredéclenchée selon son propre calendrier (moyennant un préavis de 5 joursmaximum, 3 jours minimum).326

Finalement, le déclenchement de Weserübung (i.e., l'invasion de la Norvège et duDanemark), le jour ''X'', intervient le 9 avril 1940.327

Parce qu'elle se produit 4 jours avant le débarquement des premières forces franco-britanniques à Narvik 328, l'opération Weserübung est parfois interprétée en tantqu'« attaque préventive ».

Notamment, au motif que les Allemands avaient percé le code secret britannique etauraient donc connu la date exacte de l'opération alliée via le déchiffrement descommunications radio interceptées 329.

Cette percée de leurs services d'écoute et de renseignements aurait permis auxAllemands de lancer immédiatement Weserübung, afin de prendre les Alliés devitesse.

Toutefois, cette interprétation est contredite par le fait que :• Weserübung a été préparée depuis longtemps ;• elle a été décidée unilatéralement par Hitler (en mars 1940, comme nous

l'avons vu) ;• sur le plan opérationnel, les préparatifs finals sont lancés 7 jours plus tôt (soit

dès le 2 avril 1940 330), en stricte conformité avec le calendrier des plans arrêtéspar Hitler, l'OKW et l'OKH 331.

Tout cela n'a alors rien à voir avec l'idée de réagir au mouvement des Alliés endirection de la Norvège, afin de leur ''couper l'herbe sous le pied''.

D'autant moins que les Allemands n'anticipent pas – à ce moment-là – une attaquebritannique sur le sol norvégien.332

Cependant, les observateurs allemands ont décelé le lancement d'opérations

326- JFH – 14/03/1940 : ''Gercke : […] Should the offensive in the West be done alone, there would be a five-dayalert, but only until such time when troops would have reached level of intensified preparedness ; thereafter, threedays would suffice.''

327- Ce qui est strictement conforme à ce que Hitler annonce à l'OKH à la fin de sa conférence du 27 mars : JFH –27/03/1940 : ''Target dates : Fuehrer tells me that he wants to start operation ''Weseruebung'' on 9 or 10 Apr.''Gelb'' will be launched 4-5 days later (probably Sunday, 14 Apr.)''.

328- JFH – 13/04/1940 : ''Reported British landing […]''.

329- Une thèse développée p.ex. par Barton Whaley, Op. Cit.

330- JFH – 02/04/1940 : ''Gercke 1500 : Gives codeword ''Weser'', 2 April = W – 7''.

331- A noter également que, tout en reconnaissant que la menace sur la Norvège s'est réduite après le 12 mars 1940(i.e., après la signature du Traité de Moscou, qui met un terme à la ''Guerre d'Hiver'' russo-finlandaise et vide de sasubstance – faute d'un conflit, puisqu'il vient de se régler – la proposition d'aide des Alliés à la Finlande, laquelle seserait plus que probablement traduite par une intervention franco-britannique en Norvège), le Haut Commandementde la Kriegsmarine souhaiterait engager les opérations en Norvège avant le 15 avril, de façon à pouvoir encorebénéficier de nuits d'une longueur suffisante, sous les latitudes nordiques, pour offrir une couverture à la flotte lorsde son approche finale des côtes norvégiennes.Hitler décide alors de lancer Weserübung après le début de la prochaine nouvelle lune (prévue pour le 7 avril), afinde profiter de la dernière fenêtre d'opportunité ainsi déterminée par la Kriegsmarine.[Source : Earl F. Ziemke, The German decision to invade Norway and Denmark, (Washington D.C., Center of Military History,Department of the Army – 2000) – URL : http://www.history.army.mil/books/70-7_02.htm ]

332- JFH – 06/04/1940 : ''OQu IV : a) […] British attack on Norway is not expected.''

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navales 333 et les signes d'une intervention alliée se précisent 334.

Le lancement de Weserübung est alors confirmé – par le code prévu – le 5 avril 335,soit en ''X'' – 4 (ces 4 jours correspondant au délai de mise en place des unités, telque fixé par l'OKH).

Et le 10 avril 1940, le Général Jodl annonce à Halder que la mobilisation destransports liée à Fall Gelb doit s'effectuer sous 3 jours. Ce qui place alors lelancement de Fall Gelb au samedi 13 avril 336, sous réserve de se voir confirmé parle nom de code ''ad hoc'' 337.

La confirmation attendue le 13/04 ne vient pas, mais le préavis d'alerte pour FallGelb est réduit par Hitler à 24 heures 338, avant d'être rétabli à 3 jours 339.

Les Allemands occupent le Danemark en 24 heures, sans rencontrer de résistancesignificative340. Mais, en Norvège, les difficultés s'accumulent rapidement 341 et leschoses s'aggravent du côté de Narvik 342. Acculées, les unités allemandes sontcontraintes d'y livrer des combats acharnés et indécis 343.

333- JFH – 08/04/1940 : ''von Etzdorf : […] c) Radio silence in England ; indication that the British Fleet is putting tosea.''

334- JFH – 08/04/1940 : ''Heusinger 1900 : a) Two ships in our convoy to Narvik have been sunk by Britishsubmarines. b) British naval formation sighted 120 miles west of Trondhjem. Our convoys have arrived outside theirports of destination.''Effectivement, les deux flottes suivent des routes convergentes et l'affrontement est inévitable, car la Royal Navy alancé deux opérations en direction de la Norvège. Tout d'abord, l'opération ''Wilfred'', initialement prévue pour le05/04, mais retardée au 08/04 en raison des difficultés survenues entre les Alliés à propos de l'opération ''RoyalMarine'' (le pendant rhénan de ''Wilfred'', qui était destiné à perturber le trafic fluvial sur le Rhin et la Moselle, maisqui a été annulé faute d'un accord à ce sujet entre Français et Britanniques). Wilfred consiste à mouiller des minesdans les eaux norvégiennes, en particulier devant Narvik, de façon à contraindre les navires allemands (qui viennentcharger le minerai de fer suédois à Narvik) à se dérouter vers les eaux internationales, où la Royal Navy pourra lesintercepter. Juste après le mouillage des mines doit débuter la seconde opération, le ''Plan R4'', qui prévoit ledébarquement de forces terrestres, notamment à Narvik (opération ''Stratford'') de façon à couper la voie ferréequi relie le port norvégien aux exploitations minières de Kiruna, en Suède. L'idée est de profiter de la réaction desAllemands à ''Wilfred'' (laquelle constitue objectivement une violation directe, par les Alliés, de la neutraliténorvégienne) : si les Allemands décident alors d'envahir la Norvège (pour protéger leurs approvisonnementsstratégiques) ou menacent de le faire, cela fournit aux Alliés le prétexte justifiant un débarquement sous le couvertd'une aide militaire à la Norvège neutre face à l'agression allemande (de la même façon que le mouillage des minesfournit un prétexte aux Allemands).[Source : Earl F. Ziemke, The German decision to invade Norway and Denmark (Washington D.C., Center of Military History,Department of the Army – 2000) – URL : http://www.history.army.mil/books/70-7_02.htm]

335- JFH – 05/04/1940 : ''[…] Code word ''Weser'' has been issued.''

336- JFH – 10/04/1940 : ''Jodl (1650) : […] Order putting into force the three-day transport, goes out at 1700. Thisfixes A-Day on Saturday, 13 Apr.''

337- Des codes communiqués aux états-majors depuis le 4 avril : JFH – 04/04/1940 : ''von Ziehlberg : […] Danzig orAugsburg.'' – Selon les commentaires livrés par Halder en ''footnote'' : le premier confirme l'attaque (''D'' pourDurchfuehrer), le second l'annule (''A'' pour Absage).

338- JFH – 13/04/1940 : ''Transp. Chief : […] d) Fuehrer has disapproved cancellation of the preparations(concentration) for ''Gelb''. Now 24 hours' notice for jump-off.''

339- JFH – 22/04/1940 : ''Gercke : […] Three-day preliminary alert period in force again.''

340- JFH – 10/04/1940 : ''von Etzdorf – OQu IV : […] Denmark : All went smoothly.''

341- JFH – 11/04/1940 : ''ObdH : […] Situation in Norway difficult. Communication link only by air. Supplies droppedfrom air.''

342- JFH – 14/04/1940 : ''Nolte : Situation at Narvik confused. ''Has held so far'' (OKW). German destroyers out ofaction. British have penetrated into the side fjord. […] all transport planes cracked up.''

343- JFH – 15/04/1940 : ''ObdH is told by Keitel that Narvik will be evacuated. We must not allow that. Talk with Jodl.Jodl : Town area of Narvik cannot be held. Mt. troops are taken back to surrounding mountains. - Question of theevacuation of the Narvik area not yet decided.'' || JFH – 17/04/1940 : ''Heusinger : Reports about Narvik from aNaval Staff Officer evacuated by plane. Destroyers had fired all their ammunition, and so their Artillery was of no useany longer. Have been beached. Crews of destroyers are almost completely on shore. They have taken overoperation and protection of the ore railroadline. Railroad bridge on Swedish border blasted. Transhipment possible.Morale of troops good.''

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Sur le plan politique, le coup d'état fomenté par Vidkun Quisling (le ''traître'' deservice à la solde des Allemands) échoue.344

Les développements – parfois critiques – de la campagne scandinave auraient puentraîner de nouveaux reports de Fall Gelb. Notamment, parce qu'une partiesignificative de la flotte d'appareils de transport de la Luftwaffe, indispensable pourl'offensive à l'Ouest, reste mobilisée en Norvège 345. Dans le cadre de Fall Gelb, celaaffecte principalement le Groupe d'armées B (celui qui est chargé de l'assaut sur lesPays-Bas, où les opérations aéroportées occupent une place très importante) 346.

Dès lors qu'il est exclu de mener séparément les actions offensives en Belgique etaux Pays-Bas 347, le retour des avions de Norvège va conditionner le lancement deFall Gelb.

Mais, finalement, sans impact réel sur l'échéance prévue par Hitler.

En effet, vers la fin du mois d'avril, la situation commence à s'améliorer pour lesAllemands en Norvège 348, ce qui relance immédiatement les préparatifs finals del'offensive à l'Ouest 349 et le calendrier se précise rapidement 350.

Les préparatifs s'achèvent sur fond de ''ballet diplomatique'' italo-américain.351

Au passage, Hitler ne manque pas d'en extraire des arguments supplémentaires 352

344- JFH – 11/04/1940 : ''ObdH : […] The King of Norway has refused any negotiations on formation of a Governmenton the lines of the German proposal ; has issued proclamation calling for resistance. […] OQu IV – Etzdorf : a)Situation report. Proposal to form a Cabinet headed by Quisling. […] 1800-1900 Foreign Office, State SecretaryWeizsaecker. a) Situation in Scandinavia. Blunder with Quisling.''

345- JFH – 14/04/1940 : ''1400 Gen. Obst. Von Brauchitsch comes from the Fuehrer. Results : […] 2.) ''Gelb'' : Withparatroops and transport planes diverted to the North, it will be several days before the Air Force can be ready againfor operations. In consequence, we shall have to wait until the 21st or 22nd. Goering pleads for 22nd.''

346- JFH – 29/04/1940 : ''Waldau : Report on Norway. Transfer of air units to that theater affects AGp. B (unitsremaining have only two-thirds of their striking power). - An alert period of no less than three days will be needed.''

347- JFH – 29/04/1940 : ''von Stuelpnaegel : […] Proposal to launch the offensives against Holland and Belgium notat the same time. (Rejected)''.

348- JFH – 25/04/1940 : ''Greiffenberg : Situation in Norway. Important advances on the right wing (Tynset).''

349- JFH – 30/04/1940 : ''Jodl : (in reply to inquiry) : Perhaps another five days or so.'' (commenté par Halder en''footnote'' : ''Until Hitler has made up his mind to launch new offensive.'').

350- JFH – 29/04/1940 : ''von Etzdorf : Next target date : Sunday, 5 May.'' || JFH – 01/05/1940 : ''Heusinger : Alert -to be ready for attack order as of 4 May, noon.''

351- JFH – 03/05/1940 : ''von Stuelpnaegel : It appears from a remark by Marras that the U.S. are trying to exertpressure on Italy ; we may expect a lively diplomatic offensive and an exchange of important notes between Romeand Berlin in the next few days.'' || JFH – 04/05/1940 : ''von Etzdorf : Exchange of letters Il Duce-Fuehreroccasioned by verbal communication of the U.S. Government : Extension of war is Germany's fault. Furtherextension is feared. In that eventuality, the U.S. will not be in a position to keep out any longer. President hopes thatItaly is aware of that. Il Duce : Allies to blame for extension of the war. Germany is against any extension, as isItaly.''

352 - JFH – 03/05/1940 : ''Fuehrer : […] Reviews the developments in Scandinavia. Operations completed in southernand central Norway ; now northern Norway is being cleaned up. Sorry the British did not send larger forces.Concerning the American statement : « I think the undertone of threat ringing through all of Roosevelt's utterancesis sufficient grounds for us to be on our guard and bring the war to a close as quickly as possible ».'' || JFH –05/05/1940 : ''Fuehrer conference : Review of the Italian situation : Il Duce has forwarded three letters to theFuehrer : 1.) Reynaud's letter ''a piece of craven whining'', to which Il Duce replied in a manner which formerlywould have been grounds for war. 2.) From the Pope, preaching a peace of justice. Reply : The Allies had a chance tomake such a peace, but they chose Versailles and so caused the conflict. 3.) On Roosevelt's steps in Rome […]Internal situation : Mussolini has on his hands a though struggle against the Crown, the nobility and the Church. Alsofinance and industry are for the most part against the war. In the Army, large sections of the Officer Corps opposethe war and side with King and Crown Prince (who is the most vicious German hater).'' – A noter que le Führersemble éprouver un malin plaisir à énumérer, devant son propre état-major, toutes les difficultés auxquelles son alliéMussolini est confronté, comme s'il voulait mettre en évidence le fait que lui, Hitler, a précisément réussi – au coursdes années précédentes – à les surmonter, une à une, de façon systématique, ce qui lui confère une totale libertéd'action.

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en faveur de son désir d'action immédiate 353.

Tout cela n'empêche pas quelques ''hésitations'' de dernière minute 354. Mais lesignal attendu finit tout de même par arriver dans la soirée du 9 mai 1940 :« Danzig ! ».355

Au final, Weserübung a toutes les apparences d'un succès stratégique, lequels'avère cependant fort coûteux pour la Kriegsmarine.

En effet, celle-ci y perd une part substantielle de ses capacités opérationnelles etsort très amoindrie de la campagne norvégienne, dans l'attente de la mise enservice de ses nouveaux ''super-cuirassés'', les Bismarck et Tirpitz, encoreinachevés en avril 1940.356

Mais, plus subtilement, ce ''triomphe hitlérien'' sème en réalité les graines de ladestruction future des espoirs nourris par Hitler d'obtenir un changement radical dela position britannique.357

En effet, le Führer spécule sur le fait que Chamberlain ne pourra se maintenir auposte de Premier Ministre dans l'hypothèse où les Alliés subiraient encore d'autresrevers face à la Wehrmacht, plus significatifs que la piteuse expédition norvégienne.Et l'objectif ultime de Fall Gelb est précisément de leur infliger une défaite rapide etcuisante, pour que ce changement politique lui permette de conclureimmédiatement la paix, principalement avec les Britanniques.

Cependant, Weserübung a des effets plus immédiats que le Führer ne se l'imaginealors sur la scène politique britannique où les manœuvres parlementaires deChamberlain créent les conditions de l'avènement de la Nemesis hitlérienne, sous laforme de la ''désignation surprise'' de Winston Churchill au poste de PremierMinistre, en date du 9 mai 1940.358

353- JFH – 04/05/1940 : ''Chief Op. Sec. : A-Day : Earliest day 6 May, postponement to 7 May probable ; if theoffensive starts on 6 May, order will come not later than 5 May.''

354- JFH – 07/05/1940 : ''von Greiffenberg : Stopping possible at 1200 (commenté par Halder en ''footnote'' : ''I.e., ifoffensive is called off.'') || JFH – 07/05/1940 : ''von Greiffenberg : […] Order for postponement of A-Day :(automatically 9 May, same X-hour) […] Keitel 1213 : Augsburg.'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''Code forcancellation of operation'') || JFH – 08/05/1940 : ''ObdH : Fuehrer nervous. Leaks ? Complication for politicalstrategy if bad weather delays start.''

355- JFH – 10/05/1940 : ''9 May 1940, 1800 : Leaving Zossen by special train for Godeberg. […] 2215 Nordhausen :Telephone signal ''Danzig'' (commenté par Halder en ''footnote'' : ''D for Danzig stands for « Durchfuehren ! », carryout the plan. The cancellaton code was ''Augsburg'', standing for « Absage ».'')

356- Le Bismarck sera mis en service en août 1940, et le Tirpitz en février 1941.

357 - JFH – 05/05/1940 : ''Fuehrer conference : […] Allies : Atmosphere is pessimistic. In the event of serious militaryreverses, we may expect either a complete change-over or extensive alterations. Chamberlain's Cabinet will not beoverthrown at the present moment. Only when Britain will have to bear the brunt of the war set off by him, will ananti-war party rise in the country.''

358- A la suite du ''fiasco norvégien'' (les troupes débarquées par les Alliés le 13 avril sont battues ou ne peuvent fairela décision, malgré de lourdes pertes, et leur retrait a été ordonné dès le 26 avril), un « débat norvégien » se tient, àpartir du 7 mai 1940 et pour 2 jours, au Parlement de Londres, où le Premier Ministre en exercice, le conservateurNeville Chamberlain, doit faire face à ses adversaires politiques.Plutôt que de remanier son gouvernement, Chamberlain en appelle à l'unité nationale et déclare le 8 mai vouloirformer un ''gouvernement d'union nationale'' (c'est-à-dire élargi aux Travaillistes), qu'il a l'intention de présider.Mais les leaders travaillistes conditionnent la participation de leur parti au changement de Premier Ministre.Dès lors, Chamberlain s'étant ainsi exclu lui-même et Lord Halifax (le favori de Chamberlain, du Roi et desConservateurs) choisissant de décliner le poste (en invoquant une sorte d'incompatibilité pratique entre l'exercice dela fonction de Premier Ministre et son appartenance à la Chambre des Lords), c'est finalement le nom de Churchill quiémerge dès le 9 mai 1940, en quelque sorte ''par défaut''...Le 10 mai 1940, Chamberlain essaie de se maintenir tout de même, mais – sous la pression des Travaillistes quimaintiennent leur demande de démission – il doit céder et il présente sa démission au Roi, tout en proposant ladésignation de Winston Churchill à la tête du nouveau gouvernement.

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La suite de l'histoire (que nous n'aborderons pas ici, ce n'est pas l'objet) montreracombien cette nomination va influencer le cours des événements futurs etempêcher Hitler de recueillir les fruits de son incontestable et foudroyante victoiremilitaire de mai – juin 1940.

IX. – L'impact de l'attentat du 8 novembre 1939.

Le 7 novembre 1939, Halder note dans son Journal que le QG du Führer doit êtretransféré au ''Nid d'Aigle'' (ou Adlerhorst), le nouveau complexe que Speeraménage à grands frais depuis le mois de septembre précédent, en Hesse, près deBad Nauheim, dans le massif du Taunus, à proximité d'un château médiévalimpressionnant.359

Le même jour (07/11), l'OKW informe l'OKH du report de l'offensive, du 12novembre à une date non précisément déterminée.360

Dans la foulée, le Général Jodl confirme que le transfert du ''Grand QuartierGénéral'' (i.e., les services de l'OKW et de l'OKH) – pourtant décidé la veille(06/11) 361 – n'est plus ''souhaitable'' 362, ce que le Général Brauchitsch confirmeaussitôt 363.

Halder note également que le Führer s'absente ''pour 2 jours'' (les 08 et 09/11).364

Le lendemain (08/11), Hasso von Etzdorf (l'agent de liaison de Halder avec leMinistère des Affaires Etrangères) précise à Halder que Hitler s'absente ''pour unvoyage'' et qu'il ne sera pas joignable.365

Des instructions ont également été données en ce sens à Ribbentrop.366

Quelle signification donner à cette insistance de Hitler pour annoncer son ''absence''(sans la justifier), alors qu'il est évident que, ce 8 novembre, Hitler devrait être –comme chaque année – au Bürgerbräukeller de Munich, pour y célébrerl'anniversaire de son putsch manqué de 1923 ?...

En effet, qui – dans son entourage ministériel ou militaire (y compris à l'OKH) – eûtpu l'ignorer ?...

Une explication – notamment pour les instructions données à (et par) Ribbentrop,telles que rapportées par von Etzdorf – peut résider dans la crise diplomatique qui a

359- JFH – 07/11/1939 : ''ObdH : […] d) Fuehrer Hq will be transferred to Nauheim within the next few days.''

360- JFH – 07/11/1939 : ''1300 OKW order to stop the mot. movements is received. […] 1600 Jodl : a) Restart in anyevent not before 9 November, evening. […] Gercke (back from Fuehrer) : Start of the offensive not before 15November (if later, 19).''

361- JFH – 06/11/1939 : ''Note for ObdH : a) Talk with Keitel. b) Transfer of Gen. Staff Tuesday night. ObdHWednesday night. Bulk, wednesday during the day.'' – Sachant que le 06/11 est un lundi, le ''mardi soir'' correspondau 07/11 et le ''mercredi'' au 08/11. Le fait de décider, ce jour-là, d'un tel transfert des états-majors (en vue de lesrapprocher de la future ligne de front) est totalement compatible (le 06/11) avec l'idée d'une offensive quidémarrerait le 12/11 (selon la prévision du moment). En effet, les états-majors seraient ainsi à pied d'oeuvre en ''X-Day'' – 4 (selon le système de calage des dates opérationnelles adopté par l'OKH), autrement dit dans les délais pourprésider aux derniers préparatifs de déploiement et de concentration des forces d'assaut.

362- JFH – 07/11/1939 : ''1600 Jodl : […] b) Transfer of GHq undesirable now.''

363- JFH – 07/11/1939 : ''Transfer of GHq cancelled at the request of ObdH.''

364- JFH – 07/11/1939 : ''Führer will not be in tomorrow and the following day ; […]''.

365- JFH – 08/11/1939 : ''Etzdorf : […] He is leaving on a trip, will not be in for anyone.'' (commenté par Halder en''footnote'' : ''« He » refers to Hitler.'').

366- JFH – 08/11/1939 : ''Etzdorf : […] Instructions for Ribbentrop on line to be taken on inquiries : […] 2.) Fuehreraway. Foreign Minister's instruction : Material to prove discriminatory pro-French attitude of Belgium now and also inpast. (''Give free rein to your imagination'').''

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éclaté à l'occasion de la visite du Roi des Belges à la Reine des Pays-Bas 367. Haldery fait d'ailleurs allusion dans son Journal 368.

Directement mis en cause par ces pays neutres, le Führer peut éventuellementjuger intéressant de n'y être ''pour personne'', de façon à ne pas devoir répondre àd'éventuelles questions embarrassantes, ou à ne pas devoir réagir lui-mêmeofficiellement, y compris p.ex. aux déclarations faites la veille par Halifax 369. Il ad'ailleurs chargé son attaché de presse (Otto Dietrich) de gérer cette affaire de lamanière qui lui convient 370.

Mais le 8 novembre 1939, c'est également le jour de l'attentat (presque réussi ouvolontairement raté, selon le pont de vue auquel on décide de se rallier) de JohannGeorg Elser, dont – curieusement – Halder ne souffle pas le moindre mot dans sonJournal.

Le silence de Halder et, indirectement, celui de Brauchitsch (via le Journal deHalder) – alors que tous deux sont activement impliqués dans certains ''complots''anti-hitlériens, comme nous l'avons vu – peut éventuellement s'expliquer par unevolonté d'extrême prudence (à rapprocher des témoignages faisant état de ladestruction par Halder de documents jugés compromettants, juste avant 371 oujuste après 372 l'attentat d'Elser ; sans oublier que l'OKH présume faire l'objet d'unesurveillance active de la part des services de sécurité de Hitler 373).

Ce serait alors, en quelque sorte, un ''silence embarrassé''...

Cependant, si Halder n'a pas détruit son Journal au même moment (alors que –ainsi que nous l'avons établi dans les pages précédentes, en citant le texte deHalder – ce document recèle bien des éléments compromettants, tant pourBrauchitsch que pour lui-même), c'est qu'il ne craint pas d'être trahi par ses notes(soit qu'il les juge trop peu incriminantes, soit qu'il souhaite à tout prix lesconserver et qu'il les a mises à l'abri des enquêteurs éventuels).

En toute hypothèse, un événement aussi important qu'une tentative d'assassinatsur la personne du Führer – chef de l'Etat et des Armées (qui plus est, à unmoment aussi crucial que la phase finale du déclenchement d'une opérationmilitaire majeure, qui n'a pas été ''annulée'', mais tout juste reportée de quelquesjours) – aurait mérité une entrée dans le Journal de Halder.

367- Le 7 novembre 1939, la Reine des Pays-Bas, Wilhelmine, et le Roi des Belges, Léopold III – qui, après le messagetransmis par Carl Goerdeler (cf. note n° 101, ci-avant), viennent de recevoir la confirmation de l'imminence d'uneoffensive allemande via le Colonel Gijsbertus Sas, l'attaché militaire des Pays-Bas à Berlin – lancent conjointement un''Appel à la paix'' et offrent leur médiation, une offre repoussée par la France et la Grande-Bretagne dès le 12novembre, et par l'Allemagne le 14 novembre.[Source : Louis R. Eltscher – Traitors or Patriots ? A Story of the German Anti-Nazi Resistance – (Bloomigton, IN (USA), iUniverse LLC,2013-2014) – p. 254]

368- JFH – 08/11/1939 : ''Etzdorf : Démarche treated with sarcasm and sneering.'' (commenté par Halder en''footnote'' : ''Refers to diplomatic steps by the Belgium and Dutch envoys, in connection with a political visit of theKing of the Belgians to the Queen of the Netherlands.'').

369- JFH – 08/11/1939 : ''Etzdorf : […] Instructions for Ribbentrop on line to be taken on inquiries : 1.) Any steps thesovereigns may wish to take have already been answered by Britain through Halifax. Speech held last night : (Waraims are : Building of a new world that knows no armed rivalry ; collaboration with all nations on the basis of mutualtolerance ; ways must be found to prevent the use of force, damages done by Germany must be repaired as far aspossible).''

370- JFH – 08/11/1939 : ''Etzdorf : […] They must be crushed ! Instruction to Dietrich is : Give news a veryinconspicuous spot (second page).''

371- Voir p. ex. Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 415 [renvoyant par sa note n° 230 à Hoffman – Widerstand – p. 178].

372- Voir p.ex. François Delpla – Op. Cit. – p. 308.

373- JFH – 07/03/1940 : ''Fellgiebel informs me of surveillance of OKH by political agencies . (How dignified !)''.

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Et si cette mention s'était limitée aux éléments purement factuels, elle n'aurait enaucun cas compromis son auteur (en tout cas, infiniment moins que bien d'autrespensées consignées dans son Journal).

Cette ''omission'' est donc un mystère par elle-même 374...

D'autre part, sans revenir ici sur les détails des préparatifs et motivationssupposées – car ''avouées'' – de Elser (des détails bien connus et abondammentdécrits par ailleurs 375), il convient néanmoins de se demander pourquoi, selon lessources communément admises 376, le Führer a dérogé à ses habitudes, ce 8novembre-là, en arrivant finalement à l'avance au Bürgerbräukeller, et en repartanttrès tôt, après un discours ''abrégé'' (diminué de près de la moitié de son temps deparole habituel).

Selon l'expression consacrée, le diable est parfois dans le détail et, ici, ce sont les''détails horaires'' qui font la différence puisque la bombe explose quelques minutesseulement après le départ du Führer.

Selon les mêmes sources, le facteur météorologique de cette soirée-là aurait renduproblématique un vol de retour de Munich à Berlin.

Mais nous devons constater aussi qu'il a fait de Hitler (le chef absolu de l'Etat nazi)un ''usager modèle'' de la Reichsbahn, soucieux d'en respecter scrupuleusement leshoraires.

Alors que, sans qu'il fût même possible d'invoquer une sorte d'« abus de pouvoir »(une accusation somme toute bien ''faible'' dans une dictature, convenons-en),Hitler et son escorte auraient fort bien pu différer le départ du train aussi longtempsqu'il leur fallait ou plaisait.

Cependant, ils ont absolument tenu à ne pas retarder le convoi et ils se sontprécipités vers la gare, en abandonnant la ''joyeuse assemblée'' des camarades duParti et la chaleureuse atmosphère de la magnifique brasserie bavaroise, pour luipréférer la froidure de quais ferroviaires battus par le vent d'hiver.

Il nous paraît aussi que l'explication selon laquelle Hitler eût désiré rallier au plusvite la Chancellerie de Berlin afin d'y rejoindre les membres de son état-major (defaçon à rester ''au plus près'' des préparatifs d'une offensive à l'Ouest) 377, estrendue caduque par le fait même que cette offensive a précisément déjà étéreportée par Hitler (une décision prise le 07/11/1939) et que – dans l'hypothèsed'une offensive (i.e., la motivation supposée de sa ''précipitation'') – ce n'estvraisemblablement plus à Berlin qu'il aurait dû se rendre, mais dans une tout autredirection, à savoir celle de Bad Nauheim, en Hesse, où l'attend son nouveau QG del'Adlerhorst.

374- Nous pensons qu'une explication pourrait être – par exemple – que Halder est totalement convaincu quel'attentat n'est qu'une manœuvre de plus du Führer qu'il déteste. Dès lors, écoeuré, Halder n'aurait pas jugéintéressant de mentionner ce que Brauchitsch et lui auraient considéré comme le plus parfait des ''non-événements'',afin de ne pas créditer les auteurs du ''complot'' de la moindre crédibilité, ce qui peut se concevoir comme une façonde protester contre l'indignité de Hitler et de ses complices.

375- Voir p.ex. François Delpla – Op. Cit. – p. 305 sqq. Ou Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 406 sqq.

376- Voir p. ex. Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 420 [renvoyant par sa note n° 248 à Domarus]. – Commentaire : Un ''orateurde salles'' aussi chevronné que Hitler ne peut ignorer combien la salle sera mieux échauffée (et réceptive à sespropos) s'il se fait un peu ''désirer'' auprès de son public en n'apparaissant qu'après l'heure dite, ce d'autant plus sisa participation avait pu paraître incertaine jusqu'à la dernière minute... Nous voyons mal Hitler sacrifier sans bonneraison le bénéfice de tels effets, extrêmement faciles à obtenir auprès de ses fidèles, dont l'accueil – forcémentchaleureux – eût pu représenter un soutien appréciable en ces heures décisives et tendues.

377- Voir p. ex. Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 420 [renvoyant par sa note n° 252 à Gruchman – Elser – pp. 9-10].

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La justification des agissements du Führer en liaison directe avec des décisionssuccessives de report de l'offensive nous paraît même ''hyper-sollicitée'' pourdécrire cette période cruciale.

Déjà, ce report sert de prétexte au fait que, finalement, Hitler ne demande plus àHess de le remplacer, ce soir-là, pour prononcer le traditionnel discourscommémoratif.378

En outre, nous l'avons dit, cette décision de report n'est prise que le 7 novembre,mais sans que la nouvelle date (proposée de façon imprécise : le 15 ou le 19) nerende la mobilisation du Führer, sur le sujet de l'offensive, plus urgente qu'elle nel'eût été s'il avait maintenu la date du 12 et donné son « go » le 7, voire le 8.

D'ailleurs, les échéances des 15 et 19/11 n'ont aucune ''solidité'' véritable. Et, dèsle 9 novembre, l'OKW confirme le report à la plus lointaine de ces deux dates (le 19novembre).379

Mais, significativement, c'est ce même 9 novembre 1939 que Hitler assigne samission ''particulière'' au Groupe d'armées A de von Rundstedt (et Manstein) : unepercée, suivie d'une exploitation, à Sedan.380

Et nous avons vu que cette réorientation de l'axe offensif principal (clé du futursuccès de la campagne) a de très nombreuses répercussions sur la préparation del'offensive, ce qui implique de facto son report au début de l'année suivante, voireau printemps 1940.

Dès lors que l'offensive a été reportée – au 15/11 (ou au 19/11) mais, en pratique,au printemps 1940 – et qu'un nouveau plan aux effets potentiellement dévastateursest en gestation dans l'esprit du Führer (avant d'être développé bientôt dans lesmoindres détails par l'OKW et l'OKH, conformément à ses nouvelles conceptions), iln'y a donc, réellement et absolument, aucune urgence pour Hitler de rejoindre l'unquelconque de ses quartiers-généraux ou de ses états-majors, en cette soirée du 8novembre 1939.

Enfin, l'exploitation immédiate – à des fins politico-diplomatiques – des retombéesde l'attentat du 8 novembre, y compris l'action d'éclat des services de Heydrich(i.e., la fameuse ''Affaire de Venlo'', qui éclate le 9 novembre 1939 avec la capturedes agents britanniques Stevens et Best, piégés par le SD sur la frontière germano-hollandaise – ce qui fournira en outre, ultérieurement, un casus belli à Hitler contreles Pays-Bas), nous engage encore dans une autre direction, où il est possible dedéceler les signes des habituelles manipulations et récupérationshitlériennes.

Il n'est pas facile de démêler un tel écheveau de décisions et de circonstancesapparemment fortuites ou non corrélées.

Toutefois, il nous semble qu'il y a bien plus à l'oeuvre dans cette sombre affaired'attentat manqué que la simple détermination obstinée d'un petit artisan bavarois,idéaliste et astucieux, au passé vaguement ''syndicaliste'' ou ''crypto-communiste'',reconverti en terroriste amateur buté, mais très malchanceux malgré les soinsméticuleux de sa préparation.381

378- Quant à elle, l'idée d'un tel remplacement de Hitler par Hess est parfaitement logique et totalement compatibleavec la perspective (valable jusqu'au 7 novembre) d'une offensive à déclencher le 12/11.

379- JFH – 09/11/1939 : ''Greiffenberg (Keitel – Jodl): a) Intention not to start off before 19 November (Keitel).''

380- Cf. note n° 245 ci-avant (JFH – 09/11/1939 : ''ObdH : […] b) Agp. A – Follow up Sedan.'').

381- Il paraît indiscutable (toutes les sources et les aveux de Elser lui-même le confirment) que Elser a été affilié –

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Il est vrai que le profil et les capacités manuelles de Elser sont déjà un peu pluscrédibles que celles du pauvre Marinus van der Lubbe, le ''déséquilibré hollandais''présenté comme l'incendiaire unique du Reichstag en 1933, mais qui n'avait pasvraiment convaincu dans ce rôle lors d'un procès public probablement impossible àéviter en 1933, dans un Etat allemand encore insuffisamment nazifié.Nous croyons cependant les SS de Heydrich et du SD – dans leur ''version'' de 1939– parfaitement capables d'avoir appris de leurs erreurs passées et d'avoir mis àprofit les six années écoulées pour s'améliorer, notamment dans le choix du boucémissaire de service ou dans sa manipulation par des agents à la solde du régime.Quant aux ''aveux'' de Elser (dont l'une des versions 382 – celle qui accréditel'hypothèse d'un acte commis par un homme seul – a été ''pieusement'' conservéedans les archives policières, au prétexte d'un procès qui n'eut jamais lieu),reconnaissons qu'ils sont strictement ce que la Gestapo souhaitaient qu'ils fussent,car elle avait évidemment les capacités de faire dire à Elser tout ''ce qu'il fallait''...

pendant au moins deux années (de 1928 à 1929) au RFB (i.e., le Roter Frontkämpfverbund). Le RFB était uneorganisation paramilitaire dépendant du Parti communiste allemand (Kommunistische Partei Deutschland ou KPD).Elle avait été créée en 1924, mais elle fut interdite par le Ministère de l'Intérieur prussien (et ensuite dans toutel'Allemagne) à la suite d'affrontements violents (des ''bagarres de rues'' avec les SA et le Stahlhelm) qui avaient faitplusieurs dizaines de morts le 1er mai 1929. Dès l'origine, le RFB avait été conçu par le KPD comme l'embryon de lafuture ''Armée Rouge'' allemande.

[Sources : (1) Constance Margain - La ligue des combattants du Front rouge (RFB) : une organisation du Parti communiste allemand- ANR PAPRIK@2F, 10 janvier 2014 – URL : http://anrpaprika.hypotheses.org/1419 || (2) André Narritsens – Brève histoire du poinglevé (Première partie – 30 novembre 2011, Deuxième partie – 7 décembre 2011) – URL : pour la 1ère partie :http://pcfaubervilliers.fr/spip.php?article692 – pour la 2ème partie : http://pcfaubervilliers.fr/spip.php?article695]

A noter que de nombreux membres du RFB se sont engagés ensuite dans les Brigades Internationales au cours de laGuerre Civile espagnole (1936-1939) et que, après la Seconde Guerre Mondiale, la milice RFB a servi de modèle auxmilices armées (intégrées aux Bewaffnete Organe der DDR, le terme recouvrant l'ensemble de l'armée et des forcesde sécurité) de la République Démocratique Allemande (Deutsche Demokratische Republik ou DDR – en français,RDA – désignée habituellement comme étant l'« Allemagne de l'Est » des années de la Guerre Froide). A cet égard,le parcours d'un homme comme Richard Staimer – le Gauleiter du RFB pour la Bavière du nord – est emblématique.

[voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Staimer]

Pour un ''adhérent de base'' (ce qui correspond au niveau auquel Elser pouvait prétendre, eu égard à ses origines età sa position sociale), une telle affiliation correspondrait – pour un militant nazi (ce que Elser n'est pas) – à uneaffiliation dans la SA, voire dans certaines ''sections de choc'' de la SS (surtout dans les années précédant la prise dupouvoir par les Nazis). Dans ses ''aveux'', Elser précise qu'il a adhéré au RFB en qualité de ''membre bienfaiteur'' (*),ce qui – s'agissant d'une organisation à caractère essentiellement révolutionnaire et violent, qui plus est financée parun parti communiste ardemment soutenu par Moscou – s'envisage tout de même assez malaisément au planconceptuel.

(*) Source : Bénédicte Savoy – Un attentat contre Hitler – Procès-verbaux des interrogatoires de Johann Georg Elser (Paris, Solin-Actes Sud, 1998) – page 64

De même, la description du RFB en tant que simple « organisation politique proche du parti communiste allemand »[cf. Bénédicte Savoy – Op. Cit. – note de bas de page, p. 64] est un doux euphémisme, assez étrange dans un ouvrage quiprétend vouloir délivrer au public des éléments indispensables à la bonne compréhension de la personnalité et desmotivations de Elser.

382- Notons bien qu'il a existé – au moins – quatre versions différentes des ''aveux'' de Elser, dont l'une estinconnue, deux sont concordantes et la dernière totalement contradictoire des deux précédentes :a) la version inconnue (en tout cas, à considérer comme telle puisque, a priori, elle n'est pas mieux documentée)

est celle que Elser a livrée à ses interrogateurs munichois, immédiatement après son arrestation à la frontièresuisse (08/11/1939) et avant son transfert à Berlin (celui-ci intervenant au plus tard le 19/11/1939).

[Source : Bénédicte Savoy – Op. Cit. – note de bas de page, p. 23]

b) les deux versions concordantes sont celles que Elser a livrées – au cours de leur détention commune –respectivement, au Capitaine Sigismund Payne Best de l'Intelligence Service britannique (à Sachsenhausen, où Bestétait également détenu, après sa capture à Venlo le 09/11/1939) et, plus tard, au pasteur Martin Niemöller (àDachau, où le pasteur était détenu depuis 1941).

[Source : (1) Bénédicte Savoy – Op. Cit. - pp. 9-10 (préface de Gilles Perrault) || (2) William Shirer – Op. Cit. – pp. 697-698]

c) enfin, la quatrième version (qui contredit les précédentes et a été considérée comme ''authentique'', notammentpour cette raison) est celle que Elser a livrée à Berlin, au siège de la Gestapo, vraisemblablement sous la torture,du 19 au 23 novembre 1939, au cours de ses interrogatoires par trois commissaires de la Police Criminelle (lescommissaires Kappler, Seibold et Schmidt).

[Source : (1) Pour le texte (en français) des aveux de Elser : Bénédicte Savoy – Op. Cit. - pp. 23-124 || (2) Pour l'identificationdes enquêteurs de la Kripo : Peter Koblank – Op. Cit. – Elser und die Kommissare – URL : http://www.georg-elser-arbeitskreis.de/texts/kommissare.htm]

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Mais ils peuvent tout aussi bien être ''très sincèrement faux'' (et donc, d'autant pluscrédibles) de la part d'un individu manipulé par le SD (éventuellement à son insu ousur une base ''volontaire'', parce qu'il aurait choisi de ''jouer le jeu'' avec les Nazis,pour n'importe quelle raison, y compris l'intimidation et la menace).Quant aux victimes de l'attentat, par ''chance'' (??), il n'y figure aucun''personnage-clé'' de la clique nazie, juste une employée de la brasserie et quelquesmilitants ou des amateurs de bière malchanceux.383

Tous les ''gros bonnets''384 étaient donc sortis aussi rapidement que leur chef, mais– bien sûr – sans avoir été prévenus qu'il eût été ''malsain'' pour eux de s'attarderdans les locaux du Bürgerbraükeller...Non, non, ils ont préféré accompagner le Führer à la gare, on se sait jamais, desfois qu'il se serait perdu en chemin dans le mauvais temps, ou de peur qu'il nes'ennuie ''tout seul'', sur les quais, à attendre son train...Ça fait tout de même pas mal de coïncidences, tout ça... Un peu trop,probablement...

Alors, pourquoi la clé de tout cela ne se situerait-elle pas tout simplementsur le terrain politico-diplomatique de l'époque (novembre 1939) ?...

En particulier, une réaction hitlérienne au discours de Halifax du 6 novembre1939.385

Une telle ''réaction'' permettrait alors de relier entre eux tous les événements de lasemaine :- Le report subit de l'offensive à une date plus lointaine, mais sans l'avouer

ouvertement afin de ne pas relâcher la pression, tant en interne (sur lesmilitaires) qu'en externe (sur le front politico-diplomatique).Ce report résultant de l'intuition qu'un nouveau plan est nécessaire pour frapperencore plus durement la coalition alliée.

- La (re)construction d'un contexte de politique intérieure ''porteur'' pour le Führer,vu comme un guide inspiré et béni par la Providence qui lui a permis d'échapper àun attentat sournois, ourdi par l'étranger.

383- Dans son édition datée du 10 novembre 1939, un quotidien suisse (la Feuille d'avis de Neuchâtel), citant leD.N.B. (Deutsche Nachrichten Bureau), donne le bilan (7 morts et 63 blessés), ainsi que la liste des victimes et leurfonction éventuelle dans le parti nazi. Il s'agit de Franz Lutz (un membre des troupes d'assaut de Hitler), de WilhelmKaiser (un négociant en gros à Solln, près de Munich, officier du corps motorisé national-socialiste, membre dessections d'assaut), d'une inconnue (vraisemblablement une caissière de la brasserie Bürgerbraükeller, et dans ce cas,il s'agirait de Maria Henle, de Munich), d'un certain Weber (''speaker'' de T.S.F. à la colonne automobile Deutschland),de Leonhard Reindl (un garçon de bureau), d'Emile Kasberger (lui aussi membre de la colonne automobileDeutschland) et d'une septième victime non encore identifiée. La même source indique que sur les 63 blessés relevésdans une salle ''dévastée'' (l'explosion a été très violente), 28 sont encore hospitalisés le 9 novembre 1939 au soir,dont 16 grièvement blessés, parmi lesquels 2 dans un état qualifié d'inquiétant par le D.N.B. Le reste des blessés apu regagner son domicile après avoir reçu des soins à l'hôpital.Une autre source [URL : http://www.georg-elser-arbeitskreis.de/] fait état de 8 morts, ajoutant les noms de EugenSchachta et de Michael Schmeidl aux précédents.

384- Ce soir-là, outre Hitler et à part Göring, tous les principaux chefs nazis étaient présents au Bürgerbraükeller, dontHess, Goebbels et Himmler.

385- Voir ci-avant, note n° 369. – Au même moment, d'intenses discussions se poursuivent au sein du Cabinetbritannique, à propos des ''buts de guerre'' (war aims) du conflit en cours. Le premier point étant de savoir s'il s'agitd'une guerre contre l'Allemagne, ou seulement d'une guerre contre Hitler et les Nazis. La position britannique rejointprogressivement la position française, plus dure, qui considère que la guerre ne peut se conclure qu'en mettant unterme à la menace représentée par la puissance militaire allemande (et pas seulement en s'opposant à l'agressivitéhitlérienne). Même Halifax durcit son point de vue, comme l'atteste son mémorandum du 8 novembre 1939, quistipule notamment : "the removal of Hitler and his entourage may not be a sufficient remedy against Germanmilitarist and expansionist ideas."[Source : Cab 67/2, WP (G)(39)77, 8th Nov. Draft memorandum on War Aims by Halifax]

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- L'inévitable répression à l'égard d'éventuels complices du ou des comploteurs (oude tous ceux qui apparaîtraient comme tels), faisant immédiatement planer unemenace mortelle vers ceux qui douteraient encore de la nécessité de poursuivre lalutte armée contre des puissances alliées vouées à la perte de l'Allemagne et deson chef bien-aimé : ne serait-il pas temps pour ces ''tièdes'' de venir grossir lesrangs des ''guerriers germaniques'' ?... Etc. etc.

Bref, nous nous trouvons bel et bien face à la possibilité d'une belle ''embrouillehitlérienne'', un peu comme celle de l'incendie du Reichstag 386, mais sans le procèspublic.387

Et, pour les ''distraits'', l'organe du Parti, le Völkischer Beobachter, en remet unecouche sur les ''bienfaits de la Providence'', dès le 10 novembre 388... On ne saitjamais, certains n'ont peut-être pas « tout bien saisi comme il faut »... Parce que,pour ce qui est de la ''fraîcheur'' de l'information, cela relevait plutôt de l'édition dela veille (09/11), a priori.

Quant à Elser – qui a parfaitement assumé son rôle, à chacune des étapes (et ycompris durant sa captivité), mais qui est définitivement réduit au silence, sur letard, par ses ''employeurs'' – il ne sera malheureusement plus là, le moment venu,pour apporter le moindre éclaircissement.

Une caractéristique qu'il partage d'ailleurs avec d'autres ''acteurs-victimes'' desmachinations hitlériennes.389

En cette première quinzaine de novembre 1939, Hitler est donc bel et bien à lamanœuvre, partout et à chaque instant, et il est finalement le principal bénéficiaire

386- Un parallèle également établi, dès le 09/11/1939, par des contemporains des événements, tel le journalisteaméricain William Shirer dont le journal (''Berliner Tagebuch'') est cité par Hélène Camarade, en page 346 de sonouvrage ''Ecritures de la résistance – Le Journal intime sous le Troisème Reich'' (Toulouse, Ed. des PressesUniversitaires du Mirail, 2007) : « 09.11.1939 – La presse nazie hurle que les Anglais, les services secretsbritanniques sont derrière cette affaire. […] La majorité d'entre nous sommes d'avis que cela ressemble fort à unnouvel incendie du Reichstag. »

387- Relevons au passage une autre analogie avec l'affaire du Reichstag : cette fois encore, c'est le Dr. Goebbels quise fait le ''témoin de moralité et de bonne foi'' de Hitler. En effet, au moment précis où se nouait un sombre dramedans un lieu hautement symbolique de l'histoire du mouvement, profané par l'action destructrice et meurtrière desplus infâmes forces ''réactionnaires'', Hitler devisait ''innocemment'' avec Goebbels des ''affaires religieuses'' du pays,dans le train de nuit qui filait vers Berlin. Pour tenir ce genre de rôle avec une sincérité non feinte, la crédulité deGoebbels à l'égard de son Führer adoré fait certainement merveille, une fois de plus...

388- Selon Ian Kershaw (Op. Cit., note n° 251 de la p. 420), la manchette de l'édition du 10 novembre 1939 duVölkischer Beobachter titrait : ''Die wunderbare Erretung des Führers'' (ce qui se traduit en français par ''Lesauvetage miraculeux du Führer''). Dans son édition datée du 10 novembre 1939, le quotidien suisse précité (laFeuille d'avis de Neuchâtel) cite un autre journal allemand (en le nommant Lokalanzeiger – donc, littéralement,''gazette locale'', mais sans précision de lieu, ni de date, peut-être le Berliner Lokalanzeiger, un quotidien berlinoisassez populaire en 1939), qui écrivait que : ''La Providence ne laissera pas éliminer par un acte ignoble l'hommequ'elle a choisi pour accomplir son plan mondial''. On invoque la ''Providence'', un ''miracle'', le ''sauveur dumonde''... Donc, pas de doute, tout ça c'est bien de la ''mystique hitlérienne''. Les rédacteurs allemands connaissentleur ''musique''...

389- Dans un document daté du 05/04/1945, le chef de la Gestapo, Heinrich Müller, ordonne au commandant du campde concentration de Dachau que Elser (interné sous le nom de code ''Eller'') soit liquidé sur place (à Dachau) enmaquillant sa mort comme étant liée à un bombardement aérien des Alliés sur Munich, tandis que Best et Niemöllerdoivent être transférés à l'abri du ''réduit alpin'' bavarois des SS (le fameux Alpenfestung). Müller précise dans sesordres au commandant de Dachau que les détenus Best et Stevens (l'autre agent de l'Intelligence Service capturé àVenlo, dont il faut comprendre qu'il a déjà été transféré là où Best va être acheminé) doivent être empêchés decommuniquer entre eux.[Source : Peter Koblank – Op.Cit. – Dokumente : Schnellbriefe de H. Müller (2 pages – recto & verso) : URL :http://www.mythoselser.de/texts/best-naaff04.htm (pour le recto) et http://www.mythoselser.de/texts/best-naaff05.htm (pour leverso)]

Concernant Elser, les instructions de Müller sont mises à exécution le 09/04/1945 (date à laquelle le PasteurBonhoeffer est également assassiné en Bavière, au camp de Flossenbürg).

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de toutes ces ''péripéties''.390

Il peut non seulement vitupérer – par propagande interposée – contre les complotset les méfaits de la ''Juiverie internationale'' (dont le bras armé est britannique dansce cas-ci), et en profiter pour serrer un tour de vis supplémentaire afin d'abattre le''dernier carré'' de ses ennemis politiques intérieurs, y compris les Juifs 391, mais,surtout, en bon stratège (qui, depuis des années, veille à assurer le succès de ses''coups'' militaires par d'habiles manœuvres politico-diplomatiques), il ne peutmanquer d'observer que les réactions prévisibles de ses adversaires occidentaux(éventuellement confirmées par ses propres moyens et réseaux de renseignement)contribuent à créer l'opportunité stratégique dont il a besoin.

En effet, même s'il les dément officiellement par des déclarations réitérées etappuyées en faveur du respect du statut de neutralité de la Belgique et des Pays-Bas, les menaces de plus en plus insistantes, et de moins en moins discrètes, qu'ilfait peser sur les deux petits Royaumes ont pour effet de provoquer ledéplacement vers le nord de la future ''ligne de front'', qui était restéedésespérément figée depuis août-septembre 1939 sur un lointain limes flamando-picard, difficilement atteignable pour la Wehrmacht, car abrité derrière le glacisbelge et ses fortifications. Sans parler du caractère ''inexpugnable'', en l'état, de lasolide défense française orientale appuyée sur la Ligne Maginot.

Pour exploiter la ''brèche'' qui commence à apparaître au centre du dispositifennemi, il ne lui reste plus qu'à mobiliser le commandement opérationnel de sesforces armées (OKW et OKH).

Et il s'y emploie très rapidement 392, avec des effets immédiats ''sur le terrain'' 393.

Il impose également des mesures de précautions draconiennes vis-à-vis du

390- Y compris sur le plan militaire, puisque c'est le 14 novembre 1939 que les Alliés concluent un accord secret avecla Belgique à propos du ''Plan Dyle'', qui autorise les forces françaises et britanniques à entrer en Belgique et à seporter sur une ligne de défense couvrant la Dyle et la Meuse, entre Anvers, Louvain, Wavre, Namur et Givet, en casd'attaque allemande. Ce qui est exactement la manoeuvre nécessaire à la réussite du nouveau plan allemand quicommence d'émerger à compter du 9 novembre 1939.

391- Sans perdre de vue que la survenance de l'attentat de Munich coïncide avec le premier anniversaire de la sinistre''Nuit de Cristal'', dont les violences avaient débuté dans la soirée du 8 novembre 1938 (soit, déjà, un an exactementaprès l'inauguration, le 08/11/1937, de la nauséeuse exposition ''Le Juif éternel'' (Der ewige jude), par Goebbels, àMunich).Mais rappelons aussi que la date du 8 novembre offre d'autres correspondances. Ainsi, c'est le 8 novembre 1918 quese sont déchaînées les premières grandes insurrections révolutionnaires allemandes et que (''la Juive'') RosaLuxemburg a été libérée. C'est également ce même 8 novembre 1918 que Kurt Eisner a proclamé la ''République desSoviets'' de et à Munich, et aussi que la délégation allemande, emmenée par le ''traître'' Matthias Erzberger, aentamé, à Compiègne, les négociations de l'Armistice du 11 novembre 1918.Enfin, le 8 novembre porte encore les stigmates de la révolution ''judéo-bolchevique'', dite d'octobre, car c'est le 8novembre 1917 – devenu un 26 octobre après le changement de calendrier (i.e. l'abandon du calendrier julien auprofit du calendrier grégorien) – que les Bolcheviks se sont emparés du pouvoir pour proclamer la ''Républiquesocialiste fédérative soviétique de Russie''.Toutes ces coïncidences avec les actions des Nazis n'ont évidemment rien de fortuit, et elles contribuent à renforcerl'image d'un Führer – rescapé d'un lâche et sournois attentat par la grâce d'une Providence attentive et bienveillante– que rien, ni personne ne peut abattre dans son combat personnel, acharné et rédempteur, contre les ''forces dumal'' de la ''Juiverie internationale''.

392- JFH – 14/11/1939 : ''Memo for ObdH : Change in the directive for border assembly. […] Jodl regarding new''directive'' : […] b) No preformed ideas on how mission should be accomplished. […] d) What do we have to rushreinforcements to Guderian in case of a breakthrough ?'' || JFH – 17/11/1940 : ''Jodl : a) […] If we fail to get acrossthe Albert Canal, withdraw mot. forces. Chances better on the southern wing. (Enemy expects attack on Holland,bulk of his operational forces in the North. Make all necessary preparations !)''.

393- JFH – 11/11/1939 : ''ObdH after talk with Keitel OKW : […] Guderian is moving, Staff is on the move. Guderianin front !'' || JFH – 17/11/1939 : ''Guderian : […] questions in his mind : 1.) ''On both sides'' of Arlon.''

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''secret'' 394, signe supplémentaire que c'est bien le fond véritable de sa pensée quiest en train d'émerger : « Comment nous doter des moyens d'obtenir une victoireréellement décisive sur nos ennemis et la ''Juiverie'', au printemps prochain ?... »

Cette mobilisation et son appui déclaré aux impulsions des plus agressifs de sesgénéraux (dont Guderian et Manstein – ce dernier étant l'un des plus ardentspartisans de la recherche d'une victoire militaire décisive contre les Alliés, et nond'un simple succès tactique qui ne ferait que prolonger ou envenimer le conflit sansy mettre un terme) vont lui permettre de gagner progressivement à sa nouvellestratégie les plus ''conservateurs'' (ou les plus ''hésitants'') de ses commandantsmilitaires (les Halder et consorts), dont les velléités de résistance s'effondrent dumême coup.

X. – La date de l'offensive.

La recherche systématique de correspondances significatives entre, d'une part, lesdates auxquelles surviennent – parfois à de longs intervalles de temps – desévénements-clés de l'histoire du IIIème Reich et, d'autre part, des événementshistoriques antérieurs importants, liés à l'histoire européenne et allemande ou àl'histoire du mouvement nazi et de ses dirigeants, s'impose, s'agissant depersonnages aussi cultivés et férus d'histoire que le Führer lui-même ou sesprincipaux affidés et chefs militaires.395

Et, lorsque de telles correspondances sont possibles, il convient de les souligner, carelles n'ont, le plus souvent, rien de fortuit.

Elles contribuent aussi à nous renseigner sur le fond de la pensée des hiérarquesnazis, souvent impénétrable car largement dissimulée, même pour les plus''loquaces'' d'entre eux.

Il est possible de voir dans la recherche de telles correspondances temporelles, unesorte de recours superstitieux de leur part à la mythologie germano-nazie.

Ainsi, le rappel d'une victoire peut, par exemple, être supposé devoir conjurer lesort ou favoriser le succès suivant qu'ils appellent de leurs voeux. Ou il peut êtrequestion de venger un affront subi, etc.

Toutes les combinaisons sont possibles, mais l'essentiel, c'est surtout de prendreconscience qu'elles existent. Sans prétendre à l'exhaustivité, nous avons résumé iciun certain nombre de ces correspondances.

a/ A noter que, en cette matière, les Nazis n'innovent pas vraiment. C'est mêmeplutôt le ''camp adverse'' qui leur a montré l'exemple, dès 1919.En effet, comment oublier que c'est le Président français lui-même, Raymond

394- JFH – 14/11/1939 : ''Memo for ObdH : […] Talk with Seiffert : men on leave, own circles.'' (commenté par Halderen ''footnote'' : ''[…] it could mean about leaks or careless talk by military personnel on leave within their families orclose friends.'') – A l'époque, le Général Ernst Seifert était le commandant militaire de Berlin. Nous pouvonsraisonnablement supposer que ces mesures de précaution visent, en premier lieu, les personnels militaires et lesemployés affectés au QG de Zossen, dans la banlieue de Berlin. Cette hypothèse trouve d'ailleurs une sorte deconfirmation, tardive, dans les propos tenus par le Führer, lors de sa conférence du 18/02/1940 : ''Fuehrerconference, 1200 : […] Discussion : 1.) Surprise may now be regarded as assured. It took the enemy ten to fourteendays to learn about some of our regrouping movements, which proves that the earlier leaks were in Berlin.''

395- Cf. Hitler – Mein Kampf – p.14 : « Cette sorte de pensée historique qui m’avait été enseignée à l’école étaitrestée mienne par la suite. L’histoire universelle était une source intarissable où je puisais la compréhension del’histoire immédiate en action, donc de la politique. Aussi je ne veux pas apprendre l’histoire, c’est elle qui doitm’instruire. »

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Poincaré, qui a souligné, dans son discours d'ouverture 396, que la Conférence dela Paix débutait le 18 janvier 1919 pour rappeler et effacer la proclamation del'Empire allemand, ou IIème Reich, dans la Galerie des Glaces du Château deVersailles, le 18 janvier 1871.Tandis que la signature du Traité de Versailles est intervenue le 28 juin 1919dans l'intention de commémorer ainsi, au jour près, le cinquième anniversaire del'assassinat, à Sarajevo, le 28 juin 1914, du prince héritier de l'empire austro-hongrois, l'Archiduc d'Autriche François-Ferdinand, un attentat qui avait mené toutdroit à la Première Guerre Mondiale dont les Alliés n'ont pas manqué d'imputer laresponsabilité à l'Allemagne impériale, contrainte de boire le calice de sa défaitehumiliante jusqu'à la lie.

b/ Au chapitre IX, nous avons déjà évoqué des correspondances relatives à la date du8 novembre, pour la période allant de 1918 à 1939, en liaison avec l'émergencedes nouveaux plans de campagne hitlériens pour Fall Gelb, sur fond dedéchaînement médiatico-répressif consécutif à l'attentat manqué auBürgerbräukeller de Munich.

c/ Eu égard aux développements ''nocturnes'' de ces événements (la révolutionallemande de 1918, le Putsch de 1923, la Nuit de Cristal de 1938), cescorrespondances ne s'arrêtent pas là et peuvent sans hésitation être étendues à lajournée du lendemain, donc au 9 novembre, ce qui nous amène alors :- à l'abdication du Kaiser Guillaume II, suivie d'une double proclamation de la

République allemande, à quelques heures d'intervalle, par le socialiste PhilippScheidemann, puis par le spartakiste Karl Liebknecht (09/11/1918) ;

- à la fusillade dans les rues de Munich, où la ''première révolution'' nazie prendfin brutalement et de façon sanglante, sous les balles de la police républicaineloyaliste (09/11/1923) ;

- à l'intensification et à l'extension, dans toute l'Allemagne, des violents pogromsantisémites et meurtriers de la sinistre Kristallnacht, faisant suite à l'annoncedu décès (le 09/11/1939) du diplomate nazi Ernst vom Rath, mortellement blessélors de l'attentat commis à Paris, le 7 novembre précédent, par le jeune Juifpolonais Herschel Grynszpan, pour venger la déportation de sa famille.

d/ Comme l'historien Edouard Husson l'a montré 397, les correspondances relativesaux 8 et 9 novembre conduisent également au 9 novembre 1941, à considérercomme la date probable d'une décision hitlérienne de procéder à l'exterminationsystématique et globale des Juifs dans le cadre de la monstrueuse ''solution finalede la question juive en Europe''.Au moment de décider de l'accélération du judéocide, toutes ces résonanceshistoriques n'ont pas pu laisser le Führer indifférent.

e/ Mais des ''réponses du berger à la bergère'' sont également envisageables...- En effet, c'est le 8 novembre 1942 que les Alliés débarquent sur les plages

396- Pour l'extrait correspondant du discours de Poincaré, voir l'article du Figaro du 10/11/2014, disponible à l'adressesuivante : http://www.lefigaro.fr/histoire/centenaire-14-18/2014/11/10/26002-20141110ARTFIG00257-les-discours-des-dirigeants-ouvrent-la-conference-de-la-paix-1919.php

397- Voir : « Nous pouvons vivre sans les Juifs ». Novembre 1941. Quand et comment ils décidèrent de la solutionfinale (Paris, Ed. Perrin, 2005) et Heydrich et la solution finale (Paris, Ed. Perrin, 2008 – ou 2012, pour l'édition revueet augmentée, dans la collection de poche ''Tempus'' du même éditeur).

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d'Afrique du Nord (invasion de l'Afrique du Nord française dans le cadre del'Opération ''Torch''). Au même moment (08/11/1942), le général britanniqueMontgomery contraint un Afrika Korps exsangue, épuisé par sa défaite à ElAlamein, à évacuer les dernières parcelles de terriroire égyptien qu'il contrôlaitencore, pour se replier en Lybie, par la passe de El Halfaya, avant de poursuivresa retraite éperdue vers la Tunisie.

- Au début du mois de novembre 1942, sur le front de l'Est, l'Armée Rouge achèveses derniers préparatifs et se positionne pour lancer sa grande offensive d'hiver,l'Opération ''Uranus'' (i.e., l'offensive qui va piéger la 6ème Armée allemandedans les ruines de Stalingrad), dont le déclenchement était initialement prévupour le 9 novembre 1942 (mais qui a été reporté au 17/11, puis au 19/11, pourdes ''raisons techniques'', liées à la disponibilité de l'appui aérien, ainsi qu'auretard pris dans le déploiement de certaines unités).

f/ Assurément, le régime nazi se soucie de sa propre mise en scène et, comme lemontrent les deux exemples suivants, une référence ''géographique'' peut sesuperposer à (ou compléter) la correspondance temporelle :

Exemple 1 – Cas d'une identité d'événement, de date et de lieu : ● Après son accession à la Chancellerie du Reich et les élections du 5 mars 1933,

Hitler procède à l'inauguration du premier Reichstag du IIIème Reich, le21 mars 1933, à Berlin.

● Significativement, cette inauguration est précédée le même jour (21/03/1933),à Potsdam, d'une cérémonie solennelle – à laquelle participent le PrésidentHindenburg et son nouveau chancelier, Adolf Hitler – pour commémorerl'inauguration du premier Reichstag du IIème Reich par le chancelier Bismarck,dans la même ville (Potsdam), le 21 mars 1871.

Exemple 2 – Cas de correspondances entre le lieu ou la date d'événements, qui serecombinent en correspondances de dates et de géographie :● L'armistice franco-allemand, qui met un terme à la ''Bataille de France'', est

conclu le 22 juin 1940, à Rethondes, en forêt de Compiègne :- le lieu renvoie à l'endroit où l'armistice de 1918 avait été signé le

11/11/1918 ;- la date renvoie au premier vote d'acceptation du Traité de Versailles par

l'Assemblée Nationale allemande (22/06/1919) 398.

● Exactement un an plus tard, le 22 juin 1941, Hitler déclenche ''Barbarossa'',l'offensive qui marque le début de la guerre à l'Est, contre l'URSS.

● Ce faisant, il a ancré la date du 22 juin dans une suite de correspondancesquasi parfaites (date – événement – géographie), en effet :- le 22 juin est la date de la traversée du Niemen par la Grande Armée de

Napoléon Ier, ce qui marque le début de sa désastreuse Campagne de Russie(22/06/1812) ;

- et le 22 juin est également la date de la gigantesque contre-offensive

398- Ce vote est acquis, le 22 juin 1919, par 237 voix contre 138, mais l'approbation est donnée sous réserve que lesAlliés renoncent aux articles 227 à 231 (sur les crimes de guerre et responsabilités allemandes). Toutefois cesdernières demandes de modifications sont rejetées le soir même par Wilson, Lloyd-George et Clémenceau. Après unenuit agitée, le Traité est définitivement approuvé le lendemain (23 juin 1919), lors d'un second vote, émis à mainlevée par une Assemblée nationale résignée. [Source : Jean-Marie Flonneau, Le Reich allemand : De Bismarck à Hitler 1848-1945 (Paris, Armand Colin – 2003)]

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soviétique de l'été 1944, l'Opération ''Bagration'' (22/06/1944), au coursde laquelle l'Armée Rouge écrase la Wehrmacht et achève de libérer leterritoire soviétique de toute occupation allemande.

g/ Pour en revenir aux préparatifs de Guerre à l'Ouest...

1. Nous allons le voir ci-après, de nombreux indices nous amènent à penser que leréférentiel historique hitlérien ''de prédilection'' est, en 1939, celui de la guerrefranco-prussienne de 1870-1871.Mais, comme nous l'établirons également, le référentiel sous-jacent est en réalitéplus vaste et remonte plus loin dans le temps.

2. Le premier indice important de cette correspondance générale avec la guerrefranco-allemande peut être relevé dans la date de la première grande offensivede la Seconde Guerre Mondiale, l'invasion de la Pologne (opération Fall Weiss).En effet, celle-ci débute le 1er septembre 1939, ce qui correspond àl'anniversaire de la grande victoire allemande de Sedan de 1870 399.Il n'est guère douteux que la détermination exprimée par Hitler, depuis leprintemps 1939, de tenir coûte que coûte l'échéance du 01/09/1939 en vue dulancement de l'agression de la Pologne 400, se voulait une référence directe à lavictoire de Sedan de 1870.Et ce, même sous une forme légèrement ''atténuée'' (i.e., lorsque le Führerenvisage de mettre Fall Weiss à exécution dès le 26/08/1939, une décisionfinalement annulée pour cause de signature de l'accord anglo-polonais du25/08/1939 401, qui relance – pour quelques jours – le ''ballet diplomatique'') 402.

3. Dans l'hypothèse (réaliste) où la France et l'Angleterre réagiraient à l'invasion dela Pologne en déclarant la guerre à l'Allemagne, la date de l'offensive allemandeétait parfaitement adaptée pour marquer le début d'un nouveau conflit franco-allemand, une sorte de ''belle'' dans une partie où chacun des camps a déjàremporté une manche.Ce qui renvoie alors aux propos de Keitel que nous rapportions plus haut (le''History three times'' noté par Franz Halder, dans son Journal, en date du 29septembre 1939).Et souhaiter favoriser une victoire dans cette nouvelle confrontation, en invoquantla victoire ''par excellence'' de l'Allemagne sur la France, prend tout son sens.

4. Concernant Fall Gelb, l'analyse est quelque peu perturbée par les nombreuxreports successifs de l'offensive. Il est en effet possible de dénombrer pas moins

399- Le 1er septembre 1870, sous les yeux du Chancelier Bismarck et de celui qui va devenir (quelques mois plus tard,à Versailles) l'empereur allemand (ou Deutscher Kaiser) Guillaume Ier, les forces de la coalition allemande –brillamment dirigées par le stratège prussien von Moltke – écrasent l'armée française qu'elles ont encerclée. Piégédans la citadelle de Sedan, l'empereur des Français, Napoléon III, n'a d'autre choix que de capituler. Capturé,l'Empereur est interné en Allemagne, à Kassel. La guerre n'est pas terminée, mais elle est perdue. Le Second Empireprend fin le 3 septembre dans l'humiliation d'une défaite sans appel.

400- Voir ci-avant, chapitre I, section d/.

401- Voir François Delpla – Op. Cit. – p. 295 et Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 359.

402- En effet, après avoir investi la forteresse de Metz pour assiéger l'armée du Maréchal Bazaine qui s'y estenfermée, von Moltke a posé les bases de la victoire de Sedan entre le 25 et 28 août 1870, lorsqu'il a choisi dediriger le gros de ses troupes vers le nord et la Meuse, à marches forcées et à l'insu des Français. Ces journées-làs'avéreront décisives pour la victoire finale, car c'est ce mouvement d'enveloppement qui surprend le Maréchal MacMahon, lequel pense erronément pouvoir faire halte sans danger à Sedan , avant de se porter en direction de Metzpour secourir Bazaine. De tels détails sont certainement connus du Führer qui a potassé ses classiques d'histoiremilitaire.

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de 29 dates successives.403

Les justifications de ces reports sont diverses, mais fréquemment liées auxconditions météorologiques (cf. le ''facteur météo'', abordé au chapitre IV). C'estdu moins la version ''officiellement'' invoquée vis-à-vis des états-majors.Notons au passage que la multiplicité des dates annoncées pour l'offensive estl'un des moyens usuels et efficaces pour créer les conditions de la ''surprisestratégique''.404

Pour notre part, nous sommes cependant d'avis que, en réalité, Hitler adéterminé assez tôt et très précisément la date réelle de son offensive (tout en lagardant pour lui) et que celle-ci est en correspondance directe avec celle qu'il afixée pour le déclenchement des hostilités.

5. En effet, si le premier indice important d'une correspondance générale avec laguerre franco-allemande de 1870 renvoyait à la victoire allemande initiale àSedan, il est logique de considérer que la date du 10 mai 1940 – retenue pour lelancement de Fall Gelb – s'impose pour les mêmes raisons, car il s'agit de la datecommémorative du Traité de Francfort du 10 mai 1871.Au regard de l'histoire et du droit international, c'est le Traité de Francfort qui estvéritablement considéré comme le ''Traité de Paix'' mettant fin à la guerre de 1870-1871, donc consacrant la victoire allemande. Il est très important en tant que tel, euégard notamment aux dispositions territoriales qu'il confirme formellement, parce quece traité posait les bases d'une reconnaissance internationale des nouvelles frontières,autrement dit de la restitution à l'Allemagne (i.e., au IIème Reich, proclamé àVersailles le 18 janvier 1871) des territoires lorrains et alsaciens obtenus par laFrance dans le cadre des traités de Westphalie de 1648.Un résultat effacé à Versailles en 1919, et donc une commémoration en forme derevanche à prendre sur la France en 1940.

6. Dès lors, en nous basant :- d'une part, sur la classification opérée par Barton Whaley, qui recense 18 dates

ou périodes différentes pour le lancement de Fall Gelb dans l'étude de cas qu'ily consacre 405

- et, d'autre part, sur les entrées du Journal du Général Haldernous avons résumé la situation dans un tableau de synthèse (voir pagesuivante).

Dans ce tableau :- Les 18 dates recensées par Barton Whaley sont référencées ''BW''. Les numéros

correspondent à l'ordre chronologique des prises de décision. Les '' ?'' associésaux dates sont de B. Whaley, pour renseigner qu'il ne s'agit que d'hypothèsesde sa part, ou que les dates ne sont pas connues de lui.

- Les 21 dates renseignées par Franz Halder sont référencées ''JFH''. Les numéroscorrespondent à l'ordre chronologique de leur apparition dans son Journal(ordre chronologique des entrées).

403- Voir François Delpla – Op. Cit. – p. 308. Et Ian Kershaw – Op. Cit. – p. 416. – Commentaire : nos propresanalyses recoupent ce nombre (voir notre tableau de synthèse).

404- Voir B. Whaley – Op.Cit. – pp. 176-179.

405- Voir B. Whaley – Op.Cit. – pp. A-191 – A-196 (''Case Study A 20'').

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''Fall Gelb'' - Recensement des dates proposées

Hypothèse Occurrence dans les sources Dates de prise de décision Dates visées pour Fall Gelb

1 BW # 01 27 septembre 1939 dès que possible

2 JFH # 02 10 octobre 1939 1er novembre 1939

3 BW # 02 15 octobre 1939 10 novembre 1939

4JFH # 04 22 octobre 1939

12 novembre 1939BW # 04 25 octobre 1939

5 BW # 05 JFH # 05 7 novembre 1939 15 novembre 1939

6 BW # 03 JFH # 03 17 octobre 1939 après le 15 novembre 1939

7 BW # 06 JFH # 06 9 novembre 1939 19 novembre 1939

8BW # 07 13 novembre 1939

22 novembre 1939JFH # 07 14 novembre 1939

9 JFH # 01 9 octobre 1939 25 novembre 1939

10 BW # 08 16 novembre 1939 26 novembre 1939

11JFH # 08

20 novembre 193927 novembre 1939

BW # 09 3 décembre 1939

12 BW # 10 27 novembre 1939 9 décembre 1939

13 BW # 11 ? ? 11 décembre 1939

14BW # 12 ? ?

17 décembre 1939JFH # 09 6 décembre 1939

15 BW # 13 12 décembre 1939 1er janvier 1940

16 BW # 14 JFH # 10 27 décembre 1939 9 - 14 janvier 1940

17 JFH # 11 1er janvier 1940 11 - 12 janvier 1940

18 BW # 15 JFH # 12 10 janvier 1940 17 janvier 1940

19 JFH # 1313 janvier 1940

19 janvier 1940

20 BW # 16 20 janvier 1940

21 JFH # 1420 janvier 1940

pas avant mars 1940

22 BW # 17 printemps 1940

23 JFH # 16 10 avril 1940 13 avril 1940

24 JFH # 15 27 mars 1940 14 avril 1940

25 JFH # 18 1er mai 1940 4 mai 1940

26 JFH # 17 30 avril 1940 5 mai 1940

27 JFH # 19 4 mai 1940 6 – 7 mai 1940

28 JFH # 20 7 mai 1940 9 mai 1940

29BW # 18 16 mars 1940 ??

10 mai 1940JFH # 21 9 mai 1940

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Les dates ainsi inventoriées peuvent être réparties en 3 catégories :◊ Les dates qui ne sont pas vraiment déterminées, car uniquement définies par

un intervalle de temps donné (borné ou non) : leur définition étant a prioritrop vague pour receler une signification, nous les éliminons d'office dansl'analyse.

◊ Les dates qui sont liées à des évolutions ''externes'' (via une corrélation avecd'autres opérations ou avec les conditions météo, etc.) : ces dates peuventêtre distinguées comme autant d'« options fermes » prises, à un moment oùà un autre, pour le déclenchement des hostilités.Leur caractère optionnel signifie toutefois qu'elles restent soumises à desfacteurs aléatoires ou externes à Fall Gelb. Comme elles ne peuvent êtrefixées librement, nous éliminons également ces dates.

◊ Restent alors les dates déterminées ''a priori'' par Hitler (doncindépendamment des autres facteurs, même si elles se situentéventuellement à l'intérieur d'intervalles de temps) : ce sont ces dates quinous paraissent susceptibles de revêtir une signification particulière dans laconception hitlérienne, par référence à des événements historiques.

Dans cette troisième catégorie, nous avons identifié 4 dates à analyser.Ces dates apparaissent en caractères gras dans le tableau ci-dessus (toutes lesautres dates sont à considérer comme ''éliminées'' de notre analyse).

7. Nous l'avons dit plus haut, seule la quatrième de ces dates est réellementsignificative selon nous et est susceptible de refléter le fond de la penséehitlérienne.Mais le Führer n'en dévoile rien jusqu'au dernier moment, conservant la surpriseet proposant successivement d'autres dates pour diverses raisons ''tactiques'',sans jamais révéler ses intentions véritables.Toutefois, par leurs propres correspondances historiques, les autres dates livrentelles-mêmes des indices sur les intentions finales du Führer, à condition dechercher à décoder cette espèce de ''jeu de piste''.Egrenées par Hitler au cours de l'automne, puis de l'hiver 1939-1940, toutes cesdates (sauf la dernière) peuvent s'envisager comme autant de leurres, en formede ''private jokes'' du Führer eu égard à leurs correspondances historiquescorrélées avec son objectif réel.Au final, l'ensemble de ces relations croisées constitue un ensemble cohérent, cequi confère une forme de solidité aux hypothèses que nous avons formuléesquant aux références historiques sous-jacentes utilisées par Hitler au momentd'élaborer ses projets de campagne et de fixer la date de Fall Gelb.

8. Analyse des dates :

(α) Tout d'abord, le 1er novembre 1939 (la première date annoncée par Hitlerlui-même, dès le 10/10/1939) : Cette date peut offrir plusieurs correspondances, auxquelles il est possibled'associer une signification au sens de la présente analyse :

i/ Correspondances avec le règne de Frédéric II (Guerre de 7 ans) :● 1er novembre 1758 : levée du premier siège de la ville de Kolberg, en

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Poméranie, au cours duquel les Russes ont été tenus en échec.406

● 1er novembre 1762 : reddition de la garnison française qui occupait la villede Kassel, en Hesse, après un siège de près d'un mois.Ce succès prussien marque la fin des opérations de la ''Guerre de 7 ans'' enEurope occidentale, un conflit où le Royaume de Prusse s'affirme en tant quenouvelle puissance européenne et au cours duquel son souverain, le premierRoi de Prusse 407, Frédéric II, a assis sa réputation de stratège hors pair.Comme il s'agit d'une victoire conclusive sur la France, cette seconderéférence a notre préférence.Deux autres éléments plaident en faveur d'une référence où intervient la villede Kassel :● Cette ville était la capitale du Royaume de Westphalie, dont le trône était

occupé par Jérôme Bonaparte, l'un des frères de Napoléon Ier.Ce royaume, créé en 1807, fut dissous à la suite de la défaite française à laBataille de Leipzig (16-19/10/1813). Sa disparition fut bien évidemmentcélébrée comme il se doit par le nationalisme allemand et prussien.

● En outre, comme nous l'avons vu ci-avant, c'est à Kassel que Napoléon IIIavait été interné après la défaite de Sedan.

ii/ Correspondance avec la guerre franco-prussienne de 1870-71 :● C'est le 1er novembre 1870 que débutent les premières dicussions entre

Bismarck et Thiers, à Versailles, où s'amorce le dialogue qui mènera àl'Armistice du 28 janvier 1871, donc au Traité préliminaire de paix du 26février 1871 (sur lequel nous aurons l'occasion de revenir plus loin).

● Comme cette rencontre prend fin le 5 novembre 1870 – une date quicorrespond elle-même à l'anniversaire de la Bataille de Rossbach(05/11/1757), l'une des plus brillantes victoires de Frédéric II, acquise face àl'armée française – cette seconde correspondance ''boucle'' en quelque sorteavec la précédente.

● Ainsi, toutes ces références se croisent et se recroisent, sans se contredire...

Finalement, la date du 1er novembre est abandonnée au profit du 12 novembre1939. Possiblement, une ''poussée de réalisme'' de la part du Führer dans la

406- A noter que la ville de Kolberg occupe une place particulière dans la propagande nazie en tant que symbole fortde la résistance allemande face aux envahisseurs. A telle enseigne que le Dr. Goebbels lui consacrera une super-production cinématographique à la fin du conflit (1944).Ce film aborde un autre siège de Kolberg, celui de 1807, où les troupes prussiennes, dirigées par von der Heyde,résistèrent longuement et victorieusement aux assiégeants français. Membre actif du Tugendbund, aux côtés de von Gneisenau et von Scharnhorst, Ferdinand von Schill – qui avaitcommandé avec succès un Freikorps portant son nom sur les arrières des armées françaises assiégeant Kolberg –prendra la tête d'une insurrection armée en 1809, dirigée contre les Bonapartistes de Westphalie, dans l'espoir quese produise un soulèvement général afin de bouter les occupants français hors d'Allemagne. Von Schill échoue etperd la vie lors des combats, mais il va être célébré comme un héros national à partir de 1830. Pas moins de 400biographies, romans, pièces de théâtre, opéras et recueils de poèmes, dédiés à von Schill, ont été publiés en langueallemande. Une douzaine de films allemands lui ont été consacrés, dont Die elf schillschen Offiziere, un film muet de1926, œuvre du réalisateur juif d'origine autrichienne, Rudolf Meinert (mort à Majdanek en 1943). [Source : http://self.gutenberg.org/articles/Ferdinand_von_Schill]

Au titre de nos recherches de correspondances : via von Schill, l'évocation de Kolberg rejoint ainsi celle de Kassel.

407- Pour des raisons politiques, les prédécesseurs de Frédéric II sur le trône prussien (son père Frédéric-GuillaumeIer, le ''roi-sergent'', et son grand-père Frédéric Ier) portaient le titre de ''Roi en Prusse'' (et non de Roi de Prusse). Lepremier Roi de Prusse est donc Frédéric II, dit ''Frédéric le Grand'', ou le ''Vieux Fritz''.L'histoire de la fondation du Royaume de Prusse offre une nouvelle correspondance, car le royaume est fondé le 18janvier 1701 (ce qui renvoie à la proclamation du IIème Reich en 1871 et à la Conférence de la Paix en 1919).

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conception de ses instructions : il se justifierait en effet d'accorder à la Wehrmacht,malmenée en Pologne, quelques jours de répit supplémentaires pour achever dereprendre des couleurs. D'ailleurs, l'OKW avait tout d'abord proposé la date du 25novembre pour Fall Gelb (voir tableau ci-avant), ce qui laissait environ deux moispour redéployer les unités de l'Est, après la conclusion de l'accord passé avec lesSoviétiques pour définir la ligne de démarcation des zones d'occupation respectivesen Pologne (21/09/1939).Mais, plus vraisemblablement, ce report traduit la recherche d'une ''meilleure date''au sens de la présente analyse, comme nous allons le voir ci-dessous.

(β) Ensuite, le 12 novembre 1939 (une date proposée le 22/10/1939) :● Cette date offre une correspondance significative au sens de la présente

analyse, mais, pour la relever, il est nécessaire d'examiner plus en détail lesdispositions des Traités de Westphalie de 1648.

● Une référence aussi lointaine ne doit cependant pas nous surprendre, car :- d'une part, en octobre 1939, Hitler lui-même se réfère explicitement à ces

traités dans ses ''directives'', au titre de ses motivations à entreprendreune guerre contre la France et l'Angleterre afin de restituer à l'Allemagne''ce qui lui revient'' au regard de l'histoire européenne des sièclesprécédents (voir ci-avant, point D/ de nos ''remarques liminaires'' et noten° 6) ;

- et, d'autre part, une telle référence prend tout son sens dans la mesure oùelle annonce et sous-tend également les références sous-jacentes au choixde la date finale de l'offensive. En effet, la rupture dans le schéma conceptuelde Fall Gelb, qui intervient début novembre (voir chapitre IX ci-avant) etentraîne le report de l'offensive au printemps 1940, ne se traduit nullement parl'abandon des références sous-jacentes présentes en novembre 1939, aucontraire.

● Permettant de prendre en compte certains ''arguments techniques'' (p.ex. ceuxque nous avons discutés ci-avant, au chapitre II), le report du 01/11 au 12/11reste compatible avec le ''au plus vite'', exprimé par Hitler comme étant saconception initiale de la vitesse avec laquelle les opérations Fall Weiss et Fall Gelbdoivent s'enchaîner.

Mais c'est également l'occasion de renforcer la signification sous-jacente de ladate de l'offensive, comme nous allons le voir maintenant :

i/ Pendant des siècles, l'histoire tumulteuse et complexe des relations entre lesgrands ''ensembles européens'' issus de la féodalité – i.e., les Royaumes deFrance, d'Espagne, du Portugal, d'Angleterre, de Suède et de Pologne, l'Empiredes Tsars de Russie et le Saint-Empire (romain germanique ou des Habsbourg),les Etats allemands (liés aux ou émancipés des précédents), les Provinces-Unies,etc. – est faite d'innombrables conflits, locaux ou généralisés, parfois prolongésdans les colonies, aux causes multiples et parfois ''familiales'' (des guerres desuccession) ou religieuses (l'affrontement meurtrier entre Réforme et Contre-Réforme).

ii/ Périodiquement, de grands ''traités'' sanctionnent les accords politiques entre lespuissances rivales et/ou alliées, au terme de ces guerres d'une durée variable,parfois très longues (Guerre de Trente Ans, Guerre de 7 Ans, Guerresnapoléoniennes, etc.).

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Il est alors question, entre vainqueurs et vaincus, de convenir des réparationsréciproques et des aménagements territoriaux (rectification des frontières,échanges de territoires et de possessions, etc.).Citons, à titre d'exemples, les Traités dits de Westphalie (1648) ou les Traités ditsde Paris (1814-1815).

iii/ Nous n'allons pas entrer, ici, dans le détail de toutes ces évolutions. Ce serait, àla fois, trop long et totalement hors sujet.Néanmoins, notre analyse n'a pu manquer de relever ce qui suit :- nous pouvons considérer qu'il existe un lien fort entre quatre grands traités

successifs (ci-après T1 à T4), étalés sur pas moins de quatre siècles ;- ce lien permet d'expliquer la persistance, au cours de toute cette période, de

revendications territoriales précises et contradictoires entre les deux puissanceseuropéennes rivales par excellence, la France et l'Allemagne ;

- ces revendications portent sur la détermination de leur frontière commune,dans les régions mieux connues sous le nom d'Alsace et de Lorraine.

iv/ Mais ce qui nous intéresse au titre de la présente analyse, c'est l'origine précisede ces revendications, qui ont teinté pendant des siècles les relations franco-allemandes et n'ont pas manqué de ressurgir lors de chacune de leursconfrontations successives, particulièrement entre 1870 et 1940.En effet, cette origine nous permet d'établir une correspondance directe avec laseconde date proposée par Hitler pour Fall Gelb (12/11/1939) car, au terme denotre analyse, nous avons pu déterminer que la ligne de partage territorialconflictuelle, en Alsace et en Lorraine, a été fixée le 12 novembre 1627.408

v/ Au 17ème siècle, la France de Louis XIV sort victorieuse des conflits regroupéssous le vocable de ''Guerre de Trente Ans'', qui ont déchiré l'Europe depuis 1618.Elle est alors en mesure d'imposer, au Saint-Empire et aux Princes allemands quisont dans le camp des ''vaincus'', la reconnaissance d'un nouveau tracé pour lafrontière du Royaume, en Alsace et en Lorraine.L'enjeu est de déterminer le sort d'un certain nombre de biens et possessionsecclésiastiques (dont l'Evêché de Strasbourg), ainsi que de cités-états et autresplaces-fortes, de la vallée du Rhin, des Vosges, du Palatinat et de la Moselle.Ce nouveau tracé est conforme à celui qui avait été fixé en octobre 1604 par laTransaction de Haguenau (i.e., T1) (conclue entre le Cardinal-évêque deMetz, Charles de Lorraine, et le Prince de Brandebourg, pour une durée de 15ans, prolongée pour 7 ans en 1619 – ce qui nous amène à novembre 1627).Le sort des biens ecclésiastiques est confirmé par l'Edit de Restitution du28/04/1629 et la Paix de Lübeck du 22/05/1629. Le reste, dans le traité ''pour lesplaces-fortes d'Alsace'' du 9 octobre 1634, conclu entre Louis XIII et la Suède.La Paix de Prague du 30 mai 1635 prévoit le retour à la situation territoriale du12 novembre 1627 (i.e., celle de la Transaction de Haguenau de 1604).Et lors des négociations ultérieures (entre la France, le Saint-Empire et lesPrinces allemands), les Français cherchent à imposer cette vue dès lesconférences des 07/01/1646 et 07/11/1647, en exigeant l'introduction d'unarticle prévoyant – à titre de dédommagement – la cession à perpétuité, à la

408- Dans la présente section, notre analyse s'appuie fortement sur l'ouvrage intitulé ''Histoire abrégée des traités depaix, entre les puissances de l'Europe depuis la Paix de Westphalie par feu M. de Koch. Ouvrage entièrementrefondu, augmenté et continué jusqu'au Congrès de Vienne et aux traités de Paris de 1815 ; par F. Schoell conseillerd'ambassade de S.M. le Roi de Prusse près la cour de France. Tome premier.'' (Publié chez Gide, à Paris, en 1817).

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France, par l'Empire, des évêchés de Metz, Toul et Verdun, de la Haute et de laBasse Alsace, ainsi que de Brisac, de Brisgau, des villes dites ''forestières'' et dePhilippsbourg. Le tout devant être sanctionné par un acte de cession en bonne etdue forme.Le Traité de Münster (i.e., T2) du 30 janvier 1648 (l'un des Traités dits deWestphalie) fait droit aux revendications françaises, et la délégation françaiseintroduit des mémoires en avril 1648 (dont ceux relatifs à la ville de Strasbourg,aux 10 villes impériales d'Alsace et à la préfecture de Haguenau), qui débouchentsur l'« Acte particulier de cession de l'Alsace (à la France) » du 24 octobre 1648.Ainsi sont posées les bases des différends frontaliers franco-allemands pour lessiècles futurs.Les guerres du XVIIIème siècle (dont la Guerre de 7 Ans, qui a favorisél'émergence de la nouvelle puissance prussienne) sont sans impact réel pour cequi nous préoccupe ici : la frontière franco-allemande reste, globalement, figéesur ses bases de 1627.

vi/ Au XIXème siècle :- Hormis quelques aménagements en Sarre, le Congrès de Vienne de 1815 et

les Traités de Paris (i.e., T3) (30/05/1814 et 20/11/1815) n'affectent pas letracé de la frontière en Alsace-Lorraine, tel que défini en 1648.

- Inversement, la défaite française de 1870-1871 débouche sur une rectificationdu tracé en faveur de l'Allemagne, ou plutôt du tout nouvel Empire Allemand,le IIème Reich, et ce, dès la signature du Traité préliminaire de paix (i.e.,T4), à Versailles, le 26 février 1871.Sur la base des territoires récupérés sur la France, un nouveau ''territoireimpérial'' allemand d'« Alsace-Lorraine » est créé (le Reichsland Elsaẞ –Lothringen, qui finira par devenir un état allemand à part entière).

- Il faudra attendre l'armistice du 11/11/1918 et le Traité de Versailles, en 1919,pour que la France récupère sa souveraineté sur l'Alsace et la Lorraine.

vii/ En postulant un lancement de Fall Gelb le 12/11/1939, Hitler fait donc le choixd'une date surchargée de significations symboliques :- d'une part, comme nous venons de l'établir, cette date pointe directement sur

l'origine des principales revendications territoriales de l'Allemagne vis-à-vis dela France, un thème – l'ajustement des frontières du Reich dans le sens de lareconstitution d'un espace national « germanique » historique – hitlérien parexcellence (cf. les Sudètes, Memel, Dantzig, le couloir polonais, etc.).

- d'autre part, cette date se situe dans une quinzaine (la première du mois denovembre) particulièrement riche en correspondances historiques diverses(que nous avons abondamment évoquées dans les sections précédentes, ainsiqu'au chapitre IX).De ce point de vue, le 12/11 est mieux positionné que sa première idée (le01/11) et il apporte même une nouvelle correspondance (se situant aulendemain de la commémoration de l'armistice infamant du 11/11/1918).

viii/ La décision de reporter l'offensive – prise le 07/11/1939, pour de bonnesraisons, relevant à la fois de la tactique et de la stratégie – n'emporte pas l'idéeque les références sous-jacentes fussent du même coup abandonnées, aucontraire.

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Et le Journal du Général Halder nous en fournit même la preuve.409

Sur le plan tactique, le report est d'abord annoncé pour des dates toutes aussipeu ''solides'' les unes que les autres. Elles ne sont finalement que des espècesde prétextes pour procéder à d'autres reports.Enfin, une sorte de ''date intercalaire'' semble émerger, suffisamment crédiblepour l'exploiter à d'autres fins : le 17 janvier 1940.En réalité (et même si cela ne sera confirmé que le 20/01/1940), le report denovembre vise une date plus lointaine (mais non déclarée pour en garder lesecret), située au printemps 1940, une saison autrement mieux adaptée auxnécessités opérationnelles de Fall Gelb.

(γ) Puis, le 17 janvier 1940 (une date proposée le 10/01/1940) :● Cette date n'est également qu'un leurre, ainsi que nous pensons l'avoir assez

clairement établi en analysant le rocambolesque incident dit ''de Maasmechelen'',survenu le 10/01/1940 (voir chapitre II, section d/ et note n° 182, page 45). Dèslors, nous ne nous y attarderons guère ici.

● Toutefois, notons bien que cette date reste totalement ''compatible'' au sens de laprésente analyse de correspondances. En effet, le mois de janvier est à peine moins ''chargé'' de significationssymboliques que le mois de novembre (pour s'en convaincre, il suffit de sereporter aux analyses de correspondances que nous avons exposées dans lespages précédentes), y compris au regard de l'hypothèse que nous avonsformulée pour une liaison forte de la date de l'offensive avec une volontéhitlérienne (déclarée) de remettre les choses ''en ordre'' vis-à-vis des Français,une bonne fois pour toutes.

● Précisément, à supposer que ses ennemis fussent au courant du ''fétichisme'' dedates associé par Hitler à ses plans d'opérations (une supposition parfaitementvraisemblable, eu égard, d'une part, à l'espèce de ''publicité'' accordée à cet étatd'esprit par le Führer lui-même – via certains de ses écrits et propos, notammentdevant un état-major où il ne compte pas que des ''amis'' – et, d'autre part, à lacapacité d'analyse des Alliés), leur proposer – via les indiscrétions ''ad hoc'' – unedate qui semble en relation avec toutes ces significations symboliques la faitparaître plus crédible encore (ou moins fausse).Nous imaginons fort bien Hitler capable d'aller jusqu'à ce genre de ''détails'' afinde peaufiner une opération d'intoxication de première importance pour lui.

(δ) Enfin, le 10 mai 1940 (une date jamais proposée avant le déclenchementréel des opérations, car annoncée le 09/05/1940 seulement – autrement dit, unsecret bien préservé) :● Cette date est – probablement – celle que le Führer doit déjà avoir en tête, dès

lors qu'il décide de renoncer à ce ''au plus vite'' auquel il semblait tant tenir enoctobre 1939, et qu'il reporte l'offensive.

● En effet, ainsi que nous l'avons proposé ci-dessus, la date du 10 mai 1940correspond à la commémoration du Traité de Francfort du 10 mai 1871.

● Là où nous avions recensé quatre traités, il convient donc d'en considérer uncinquième, qui n'est cependant, à bien des égards (et, en particulier, pour ceque nous avons mis en évidence concernant la rectification du tracé de la

409- JFH – 23/11/1939 : ''[…] Operation : Objectives. […] French frontiers of 1540 !'' (commenté par Halder en''footnote'': ''Evidently refers to the prospective Franco-German frontier in the event of a German victory againstFrance. It would give the fortresses of Metz, Toul and Verdun and the Lorraine iron-ore district to Germany.'')

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frontière franco-allemande en Alsace et en Lorraine), que la confirmation deséléments qui avaient déjà fait l'objet d'un accord dans le ''Traité préliminaire depaix'' du 26 février 1871.410

● Cette fois, Hitler ne va pas manquer le rendez-vous... Rien ne va le faire dévier deson chemin...

Remarques finales :

a) Rapidement, une autre correspondance : rappelons que c'est le 10 mai 1933qu'a lieu le grand autodafé dit ''des étudiants'', orchestré à Berlin parGoebbels.Avant d'avoir les moyens de rectifier ''Francfort'' par les armes, il est déjàpossible d'en détruire l'esprit par le feu...Mais l'idée est probablement déjà en germe dans les cerveaux nazis...

b) Nous l'avons vu (au chapitre VIII), à un moment donné, les dates deWeserübung et de Fall Gelb sont corrélées, ce qui place alors celle-ci au 13avril 1940.En termes militaires, la liaison entre ces deux opérations pouvait faire sens,dans la mesure où l'invasion de la Norvège neutre eût pu entraîner une réactiondes franco-britanniques nécessitant de les affronter immédiatement sur le frontoccidental.Evidemment, une telle éventualité eût ruiné toutes les constructions élaboréesde correspondances symboliques que nous avons évoquées, mais la conduiteefficace de la guerre eût pu l'imposer à Hitler.Et il aurait peut-être pu se consoler en célébrant son 51ème anniversaire (20avril 1940), au son du canon dans les Ardennes ou avec la percée à Sedan,voire avec un encerclement des forces alliées sur la côte...Compte tenu des difficultés rencontrées en Norvège, Fall Gelb devra toutefoisattendre que la situation se stabilise en Scandinavie, et c'est le schémaconstruit autour du 10 mai qui trouve à s'appliquer.

c) Enfin, pour terminer, mentionnons enore que le Führer lui-même n'hésite pas àréutiliser ses ''bonnes trouvailles'' : il choisit, en effet, la date du 10 mai 1941pour lancer son fidèle Rudolf Hess dans un vol acrobatique et une ultimetentative pour arracher in extremis, avant la grande explication à l'Est, unaccord de paix auprès des appeasers britanniques. 411

Pour les besoins de la présente analyse, notons que le choix de cette date estpertinent, aussi bien en tant qu'invocation superstitieuse du succès de l'annéeprécédente (le lancement réussi de Fall Gelb, le 10/05/1940) pour favoriser laréussite d'une manœuvre ''de la dernière chance'' aux conséquences immenses,mais aussi en tant que ''piqûre de rappel'' des enjeux européens à l'Ouest(l'Angleterre, en tant qu'alliée de la France, ayant cautionné et soutenu lesrevendications territoriales de celle-ci vis-à-vis de l'Allemagne en Alsace et en

410- Le Traité de Francfort et la Convention additionnelle du 12 octobre 1871 apportent quelques modifications, sousla forme de retouches mineures, à l'accord territorial de février 1871 (la France récupérant quelques superficiescomplémentaires – p.ex. dans le territoire de Belfort – en échange de quelques cessions mineures ailleurs).

411- Même si le débat se poursuit encore sur ce point (et ne pourrait, vraisemblablement, se préciser ou se clôturerque moyennant l'hypothétique, mais très attendue, ouverture des archives britanniques), précisons ici que nousadhérons totalement aux thèses développées par l'historien François Delpla, depuis de nombreuses années, surl'interprétation des préparatifs et du départ de Rudolf Hess à destination de l'Angleterre, le 10 mai 1941 (voir,notamment, François Delpla – Op. Cit. – pp. 343-350 et les travaux ultérieurs du même auteur sur ce sujet).

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Lorraine, alors que, dûment approuvé en son temps par toutes les parties, leTraité de Francfort s'imposait à tous les autres pays aussi).

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