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Amnesty International D D O O C C U U M M E E N N T T P P U U B B L L I I C C SOUDAN Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004 SF_ 04_COO_165

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Amnesty International

DDOOCCUUMMEENNTT PPUUBBLLIICC

SOUDAN Darfour : « Trop de personnes

tuées sans raison »

Index AI : AFR 54/008/2004 SF_ 04_COO_165

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Amnesty International

12 février 2004

SOUDAN

Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison »

Résumé

« Trop de personnes sont tuées sans raison », a déclaré en novembre 2003 un réfugié

soudanais aux délégués d’Amnesty International, dans l’est du Tchad, quand ils lui ont

demandé pourquoi il s’était enfui du Darfour.

Un conflit violent et invisible se déroule au Darfour, dans l’ouest du Soudan, au moment

même où l’annonce d’un accord de paix mettant un terme à vingt années de guerre civile

dans le sud du pays emplit les colonnes de la presse internationale. On connaît mal la

situation du Darfour, cette région isolée et marginalisée sujette aux sécheresses, non

seulement parce que la communauté internationale concentre son attention sur les

pourparlers de paix au Soudan qui se tiennent au Kenya, mais aussi parce que les

préoccupations en matière de sécurité et les restrictions imposées par le gouvernement

ont sévèrement limité l’accès à cette région à quiconque cherche à s’informer sur la

détérioration de la situation.

En février 2003, des membres de groupes ethniques ont formé le Mouvement/l’Armée de

libération du Soudan (MLS/ALS), un nouveau groupe armé d’opposition, et ont attaqué

les forces gouvernementales soudanaises. Le 25 avril, l’Armée de libération du Soudan

(ALS) a attaqué l’aéroport d’el Fasher, la capitale du Darfour septentrional, et aurait tué

environ 70 soldats gouvernementaux et détruit des avions. L'ALS a déclaré avoir lancé

ces attaques pour protester contre le gouvernement, qui n’aurait pas protégé les

populations paysannes des attaques de groupes nomades, et pour dénoncer le sous-

développement et la marginalisation de la région. Depuis lors, le conflit s’est aggravé et

le Mouvement Justice et Égalité (JEM, Justice and Equality Movement), un autre groupe

armé aux revendications proches de celles de l’ALS, a été formé dans le Darfour.

La majorité des victimes dans le Darfour sont des civils. L’étendue de la destruction de

vies et de biens dans cette région depuis le début du conflit est alarmante : en l’espace de

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quelques mois, des centaines de civils, voire des milliers, ont été tués lors d’attaques

délibérées et menées sans discernement. Des centaines de milliers de personnes ont été

déplacées dans la région à cause des attaques, et quelque 100 000 personnes se sont

réfugiées au Tchad. La situation humanitaire qui en résulte est désastreuse et pourrait

devenir absolument catastrophique si l’on ne prend pas immédiatement des mesures pour

résoudre la crise. Le 9 décembre, Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, a

déclaré qu’il était alarmé par la détérioration rapide de la situation humanitaire dans la

région du Darfour au Soudan, ainsi que par les informations selon lesquelles les atteintes

aux populations civiles – homicides, viols, incendies et pillages de villages entiers – sont

monnaie courante. Il s’est dit préoccupé par le fait que l’insécurité entrave le travail des

agences d’aide humanitaire ; parmi le million de civils touchés par le conflit, nombreux

sont ceux qui ne bénéficient pas d’une assistance humanitaire. Les attaques se sont

intensifiées depuis décembre 2003, ce qui a été à l’origine d’une nouvelle vague de

réfugiés en janvier 2004. Le 23 janvier, le Haut Commissariat des Nations unies pour les

réfugiés a indiqué que 18 000 autres personnes auraient franchi la frontière tchadienne.

En novembre 2003, des délégués d’Amnesty International se sont rendus dans l’est du

Tchad pour rencontrer des victimes soudanaises du conflit du Darfour qui se sont

réfugiées de l’autre côté de la frontière. Ce document contient quelques éléments

d’appréciation recueillis par la mission d’Amnesty International au Tchad, ainsi que des

renseignements relatifs au conflit réunis au cours des derniers mois. Le document décrit

les atteintes graves au droit international humanitaire et relatif aux droits humains

commises contre des civils, en toute impunité, tout au long de l’année 2003 par les forces

gouvernementales et par les milices armées par le gouvernement dans le Darfour. En

outre, le document souligne que le gouvernement soudanais a failli à son obligation de

protéger ses propres citoyens.

Le gouvernement soudanais et les milices alignées sur son orientation sont en premier

lieu responsables des graves violations des droits humains commises à l’égard des

populations civiles. Le gouvernement a bombardé aveuglément des villes et des villages

de civils soupçonnés d’être des sympathisants de l’opposition, tuant illégalement de

nombreux non-combattants. Toutefois, la majorité des meurtres de civils et des

destructions de biens dans le Darfour sont le fait des milices soutenues par le

gouvernement, généralement désignées comme « Arabes » ou Janjawid (hommes armés à

cheval). Les Janjawid ont tué, torturé, arrêté arbitrairement et détenu des civils. Ils ont

réduit en cendres des maisons, voire des villages entiers, et ont brûlé, pillé et détruit les

récoltes et le bétail. Il semble que les groupes politiques armés n’aient pris aucune

mesure pour protéger la population civile, notamment pour faire en sorte que les objectifs

militaires ne se situent pas près de zones à forte densité de population. Les civils sont

devenus les otages de la situation du Darfour.

Le présent rapport comporte des recommandations visant à améliorer la situation dans le

Darfour et à empêcher de nouveaux homicides illégaux de civils. Amnesty International

sollicite notamment un accès immédiat et sans restriction des organisations humanitaires

ainsi que l’arrêt des attaques perpétrées dans le Darfour par toutes les parties contre des

cibles civiles. En outre, l’organisation de défense des droits humains appelle le

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gouvernement soudanais à cesser de soutenir les Janjawid, à exercer sur eux un contrôle

strict et à faire en sorte qu’ils soient responsables de leurs actes au regard du droit

international humanitaire. Amnesty International renouvelle son appel pour que des

observateurs chargés de veiller au respect des droits humains enquêtent sur les

nombreuses attaques massives visant des civils dans le Darfour et pour qu’une

commission d’enquête internationale, indépendante et impartiale, soit mise en place afin

de mener une enquête sur la détérioration des droits humains dans cette région.

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Amnesty International

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SOUDAN Darfour : « Trop de personnes

tuées sans raison »

Index AI : AFR 54/008/2004 SF_ 04_COO_165

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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1. Introduction

« Trop de personnes sont tuées sans raison », un réfugié originaire du Darfour, interrogé

par des délégués d’Amnesty International à Adré, dans l’est du Tchad, en novembre

2003.

Un conflit violent et invisible se déroule au Darfour, dans l’ouest du Soudan, au moment

même où l’annonce d’un accord de paix mettant un terme à vingt années de guerre civile

dans le sud du pays emplit les colonnes de la presse internationale. On connaît mal la

situation du Darfour, cette région isolée et marginalisée sujette aux sécheresses, non

seulement parce que la communauté internationale concentre son attention sur les

pourparlers de paix au Soudan qui se tiennent au Kenya, mais aussi parce que les

préoccupations en matière de sécurité et les restrictions imposées par le gouvernement

ont sévèrement limité l’accès à cette région à quiconque cherche à s’informer sur la

détérioration de la situation.

En février 2003, des membres de groupes ethniques ont formé le Mouvement/l’Armée de

libération du Soudan (MLS/ALS), un nouveau groupe armé d’opposition, et ont attaqué

les forces gouvernementales soudanaises. Le 25 avril, l’Armée de libération du Soudan

(ALS) a attaqué l’aéroport d’el Fasher, la capitale du Darfour septentrional1, et aurait tué

1 Le Darfour, qui auparavant était un seul Etat, a été divisé en trois Etats en 1989. El Fasher est la capitale

du Darfour septentrional, Nyala est la capitale du Darfour méridional, et El Geneina est la capitale du

Darfour occidental..

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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environ 70 soldats gouvernementaux et détruit des avions. L’ALS a déclaré avoir lancé

ces attaques pour protester contre le gouvernement, qui n’aurait pas protégé les

populations paysannes des attaques de groupes nomades, et pour dénoncer le sous-

développement et la marginalisation de la région. Depuis lors, le conflit s’est aggravé et

le Mouvement Justice et Égalité (JEM, Justice and Equality Movement), un autre groupe

armé aux revendications proches de celles de l’ALS, a été formé dans le Darfour.

La majorité des victimes dans le Darfour sont des civils. L’étendue de la destruction de

vies et de biens dans cette région depuis le début du conflit est alarmante : en l’espace de

quelques mois, des centaines de civils, voire des milliers, ont été tués lors d’attaques

délibérées et menées sans discernement. Des centaines de milliers de personnes ont été

déplacées dans la région à cause des attaques, et quelque 100 000 personnes se sont

réfugiées au Tchad2. La situation humanitaire qui en résulte est désastreuse et pourrait

devenir absolument catastrophique si l’on ne prend pas immédiatement des mesures pour

résoudre la crise. Le 9 décembre, Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, a

déclaré qu’il était alarmé par la détérioration rapide de la situation humanitaire dans la

région du Darfour au Soudan, ainsi que par les informations selon lesquelles les atteintes

aux populations civiles – homicides, viols, incendies et pillages de villages entiers – sont

monnaie courante. Il s’est dit préoccupé par le fait que l’insécurité entrave le travail des

agences d’aide humanitaire ; parmi le million de civils touchés par le conflit, nombreux

sont ceux qui ne bénéficient pas d’une assistance humanitaire. Les attaques se sont

intensifiées depuis décembre 2003, ce qui a été à l’origine d’une nouvelle vague de

réfugiés en janvier 2004. Le 23 janvier, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les

réfugiés a indiqué que 18 000 autres personnes auraient franchi la frontière tchadienne.

En novembre 2003, des délégués d’Amnesty International se sont rendus dans l’est du

Tchad pour rencontrer des victimes soudanaises du conflit du Darfour qui se sont

réfugiées de l’autre côté de la frontière. Ce document contient quelques éléments

d’appréciation recueillis par la mission d’Amnesty International au Tchad, ainsi que des

renseignements relatifs au conflit réunis au cours des derniers mois. Le document décrit

les atteintes graves au droit international humanitaire et relatif aux droits humains

commises contre des civils, en toute impunité, tout au long de l’année 2003 par les forces

gouvernementales et par les milices armées par le gouvernement dans le Darfour. En

outre, le document souligne que le gouvernement soudanais a failli à son obligation de

protéger ses propres citoyens.

Selon les informations recueillies par Amnesty International, le gouvernement soudanais

et les milices alignées sur son orientation sont en premier lieu responsables des graves

violations des droits humains commises à l’égard des populations civiles. Le

gouvernement a bombardé aveuglément des villes et des villages de civils soupçonnés

d’être des sympathisants de l’opposition, tuant illégalement de nombreux non-

combattants. Toutefois, la majorité des meurtres de civils et des destructions de biens

dans le Darfour sont le fait des milices soutenues par le gouvernement, généralement

2 Selon les estimations des Nations unies, il y a eu environ 3 000 personnes tuées depuis le début du conflit

670 000 ont été déplacées à l'intérieur du Darfour et jusqu'à 95 000 étaient réfugiées au Tchad à la fin de

l'année 2003. Voir UN humanitarian chief worried by Darfur crisis, IRIN, 8 décembre 2003

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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désignées comme « Arabes » ou Janjawid (hommes armés à cheval). Les Janjawid ont

tué, torturé, arrêté arbitrairement et détenu des civils. Ils ont réduit en cendres des

maisons, voire des villages entiers, et ont brûlé, pillé et détruit les récoltes et le bétail. Il

semble que les groupes politiques armés n’aient pris aucune mesure pour protéger la

population civile, notamment pour faire en sorte que les objectifs militaires ne se situent

pas près de zones à forte densité de population.. Les civils sont devenus les otages de la

situation du Darfour.

Ce rapport comporte des recommandations visant à améliorer la situation dans le Darfour

et à empêcher de nouveaux homicides illégaux de civils. Amnesty International sollicite

notamment un accès immédiat et sans restriction des organisations humanitaires ainsi que

l’arrêt des attaques perpétrées dans le Darfour par toutes les parties contre des cibles

civiles. En outre, l’organisation de défense des droits humains appelle le gouvernement

soudanais à cesser de soutenir les Janjawid, à exercer sur eux un contrôle strict et à faire

en sorte qu’ils soient responsables de leurs actes au regard du droit international

humanitaire. Amnesty International renouvelle son appel pour que des observateurs

chargés de veiller au respect des droits humains enquêtent sur les nombreuses attaques

massives visant des civils dans le Darfour et pour qu’une commission d’enquête

internationale, indépendante et impartiale, soit mise en place afin de mener une enquête

sur la détérioration des droits humains dans cette région.

Informations générales

Les raids de groupes nomades contre des villages des régions rurales du Darfour ne sont

pas nouveaux. Les Des tribus sédentarisées de Four, Masaalit et Zaghawa 3 se plaignent

depuis des années d'être attaquées par des groupes nomades comme les Abala, Zeilat, ou

Mahamid, qui selon elles sont soutenus par le gouvernement central. Bien que certaines

attaques puissent paraître avoir été déclenchées pour des raisons de "vengeance" ou à

cause de la concurrence pour des zones de pâturage, le niveau des homicides et des

destructions de biens au cours d'attaques isolées s'est révélé extrêmement inquiétant4.

Au Darfour, des groupes nomades, semi-nomades et des agriculteurs coexistent depuis

longtemps et ont des relations interdépendantes. Les nomades ont l'habitude de se

déplacer vers le sud à la saison sèche pour faire paître leurs troupeaux sur les terres

agricoles après que les cultures ont été récoltées. Des accords coutumiers au niveau local

et des échanges entre ces différents groupes renforçaient généralement des relations

pacifiques. Certaines des premières escarmouches entre nomades et agriculteurs

concernant la terre et les itinéraires de déplacement semblent prendre racine dans les

problèmes de désertification et la réduction qui en résulte des zones de pâturage ainsi que

la culture de terres plus étendues.

3 Les Four et les Masaalit sont en majorité des cultivateurs sédentaires. Les Zaghawa élèvent des chameaux

mais cultivent aussi dans certaines régions. Beaucoup ont également du bétail. Des membres de ces groupes

sont aussi commerçants ou sont devenus citadins avec le temps. 4 Par exemple celle de Shoba près de Kabkabia, le 28 avril 2002, voir Des promesses en l'air ? Violations

des droits humains dans les territoires sous contrôle gouvernemental,(SF 03 COO 335)

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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D'une manière générale, les différences culturelles et ethniques entre communautés, qui

semblent de plus en plus manipulées dans le conflit en cours, ne sont pas figées. La

grande majorité des habitants du Darfour, qu'ils soient nomades ou sédentaires, sont des

musulmans sunnites. Les groupes nomades se composent principalement des Abala,

Mahamid, Zeilat, Beni Hussein, ainsi que les Rizeigat et les Ma'alia plus au sud du

Darfour. Cependant beaucoup de Zaghawa qui sont actuellement pris pour cible par les

attaques des nomades ont un genre de vie nomade. En même temps, des communautés

d'agriculteurs autres que les Four et les Masaalit, telles que les Dajo, Tunjur et Tama,

sont maintenant pris pour cible. Une autre division souvent évoquée se situe entre ceux

qui sont désignés ou se voient comme des 'Arabes', et ceux qui sont 'Noirs' ou 'indigènes

africains'. Les 'Arabes' se composent principalement de groupes nomades, qui

revendiquent des ancêtres 'Arabes' et parlent arabe, et les 'Noirs' ou 'Africains', qui ne

sont pas d'origine arabe et parlent leur propre dialecte. Cependant, Amnesty International

a plusieurs fois entendu dire que les Beni Hussein, considérés comme 'Arabes' ne

participent pas au conflit en cours. L'Organisation a également rencontré au Tchad des

membres du groupe Dorok qui ont déclaré avoir été attaqués par les milices arabes après

avoir refusé de se joindre à leurs forces, et qui se désignent eux-mêmes comme des

"Arabes noirs". Bref, les différences entre les groupes sont de plus en plus manipulées et

marquées à mesure que le conflit empire.

Au Darfour, les conflits étaient traditionnellement résolus par des conférences 'tribales' et

des accords de réconciliation entre les groupes. Mais ces querelles et affrontements sont

devenus beaucoup plus étendus au fil des ans. En 1989, après des affrontements violents

à grande échelle entre les groupes Four et Arabes, une conférence de paix s'est déroulée,

organisée par les dirigeants des groupes impliqués et le conflit a été réglé

momentanément. Cela s'est fait avec l'accord du nouveau gouvernement central d'Omar

Hassan el Béchir, qui a pris le pouvoir à la suite d'un coup d'Etat à Khartoum. Mais de

nouveaux affrontements se sont produits, et notamment des attaques à grande échelle

contre les Masaalit dans le Darfour occidental entre 1998 et 2001, entraînant beaucoup

d'entre eux à chercher refuge au Tchad de l'autre côté de la frontière. Un accord de paix

local a été obtenu par l'intermédiaire du sultan des Masaalit, et certains Masaalit sont

rentrés au Soudan tandis que d'autres restaient au Tchad. En 2002, une conférence de

réconciliation a été organisée par les autorités soudanaises entre les groupes arabes et non

arabes, mais elle a été critiquée comme insatisfaisante et n'a pas conduit à un règlement

durable.

La région du Darfour est également profondément affectée par la prolifération des armes

légères. Selon les autorités locales du Darfour, des armes de petit calibre sont entrées par

contrebande venant de région infestées par la guerre dans le Soudan méridional, la Libye

et l'Afrique centrale. On signale la présence au Darfour d'armes telles que les

kalachnikovs, les fusils G3 et autres.

Il ne fait aucun doute que le fait d'armer des milices, depuis 1986, au sein des groupes

Miseriya et Rizeigat, à l'initiative du précédent gouvernement soudanais de Sadik el-

Mahdi, et du gouvernement d'Omar Hassan el Béchir depuis 1989, dans le but de contrer

les rebelles du Soudan méridional, a également contribué à accroître l'insécurité au

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Darfour. Ces milices, appelées Murahaleen, semblent avoir reçu le feu vert pour attaquer

les villages soupçonnés de soutenir les rebelles du sud, enlevant les gens et pillant le

bétail et les biens en récompense. Un grand nombre de ceux qui ont été enlevés dans le

nord de l'Etat de Bahr el Ghazal ont par la suite été utilisés comme serviteurs, ouvriers

agricoles ou bergers, souvent sans aucun salaire et dans des conditions proches de

l'esclavage 5.

Le Darfour, comme d'autres régions du Soudan éloignées de Khartoum au centre et de la

riche région d'El Gezira, est historiquement marqué par la marginalisation et le sous-

développement. Le manque d'infrastructures et l'absence d'investissements en ressources

humaines et physiques ont conduit beaucoup de gens à se déplacer à la recherche d'un

avenir meilleur dans d'autres pays ou vers Khartoum et El Gezira. Le chômage

endémique, la prolifération des armes légères et l'exemple des milices attaquant et pillant

au Kordofan et dans le sud ont encouragé le banditisme, le vol à main armée et

l'insécurité en général.

En 2001, les gouverneurs de l'Etat du Darfour ont publié un décret imposant l'état

d'urgence dans la région, créant des tribunaux spéciaux pour juger les personnes

reconnues coupables de possession illégale ou de contrebande d'armes, de meurtre et de

vol à main armée. Les forces de sécurité, comme partout dans le nord du Soudan, ont des

pouvoirs immenses de détention arbitraire indéfinie sur les gens, et toute personne

soupçonnée de critiquer le gouvernement peut être emprisonnée sans inculpation pendant

des mois 6.

L'action d'Amnesty International pour le Darfour En janvier 2003, une délégation d'Amnesty International s'est rendue au Soudan, et

notamment à El-Fasher et Mellit dans le Darfour septentrional. Les délégués ont abordé

la question de l'insécurité et des attaques contre les civils dans la région, tant avec les

représentants de la communauté Four qu'avec les autorités locales . Les Four ont déclaré

que le gouvernement ne traduisait pas en justice les auteurs de meurtres et qu'en

s'abstenant de le faire, elles se rendaient complices de ce qu'ils appelaient "un nettoyage

ethnique" ou même "un génocide" contre leur peuple. Lorsque les délégués d'AI ont

présenté ces préoccupations aux autorités locales, celles-ci n'ont fait aucun commentaire

sur les allégations indiquant que les auteurs d'homicides n'étaient pas traduits en justice.

Mais les autorités ont indiqué que des dizaines de membres des forces de sécurité avaient

également été tués dans la région. Elles ont souligné que le conflit était de nature tribale,

qu'il résultait de la désertification et de la concurrence entre différents groupes ethniques

du fait de la réduction des ressources et des zones de pâturage. Elles ont défendu la

création de tribunaux spéciaux, moyen de dissuasion contre ceux qui commettaient des

meurtres et vols à main armée dans la région, et ont déclaré confisquer les armes aux

5 Sur la question des enlèvements et de l'esclavage au Soudan, voir Is there slavery in Sudan? par Anti-

Slavery International, et Slavery, Abduction and Forced Servitude in Sudan, Rapport du groupe

international de personnalités, 22 mai 2002. 6 Voir Soudan. Des promesses en l'air ? Violations des droits humains dans les territoires sous contrôle

gouvernemental,(SF 03 COO 335)

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

6

gens de la région. Cependant, les Four et d'autres groupes ont prétendu que les autorités

ramassaient leurs armes, les laissant sans aucun moyen de se défendre, alors que les

groupes nomades étaient autorisés à les conserver.

Le prétendu effet de dissuasion des tribunaux spéciaux du Darfour n'a pas empêché de

nouvelles attaques armées de se produire. En 2003, les attaques et vols à main armée

contre des villages de civils ont augmenté de façon spectaculaire. Bien que quelques

groupes de personnes aient été traduits devant les tribunaux spéciaux sur des chefs

d'inculpation de meurtre et vol à main armée, ces tribunaux, qui ignorent totalement les

normes internationales d'équité, n'ont pas établi la vérité ni permis justice et réparation

pour les victimes des attaques. Au contraire, on signale des cas de torture sur les

personnes accusées de ces attaques et le manque de défense appropriée dans ce procès ;

tout cela montre l'absence d'engagement de la part des autorités pour affronter

sérieusement les problèmes du Darfour. Le 17 mars 2003, 26 membres d'un groupe

nomade, dont un garçon âgé de 15 ans, ont été condamnés à mort après avoir été

reconnus coupables de l'attaque d'un village et d'homicides sur des villageois de Singita

au Darfour. Les avocats de la défense n'auraient été autorisés à poser que quatre questions

aux témoins et certains témoins oculaires auraient dit que les vrais agresseurs venaient

d'un autre groupe ethnique. La décision concernant leur appel ne serait pas encore prise.

En janvier 2003, Amnesty International a appelé le gouvernement à trouver une solution

à cette escalade de violence en respectant les droits humains et en amenant les dirigeants

des divers groupes ethniques à la table de négociations. En février, l'Organisation a

également appelé le gouvernement soudanais à créer une commission d'enquête

indépendante et impartiale pour étudier les causes complexes de la violence et des

atteintes aux droits humains au Darfour. Cette commission devait pouvoir accéder

librement à tous les secteurs, victimes et groupes de la région et faire des

recommandations pour améliorer la situation des droits humains qu'il fallait prendre en

compte immédiatement. Le gouvernement soudanais n'a pas répondu à cet appel et en

février, l'ALS puis le JEM ont pris les armes. En avril, Amnesty International a demandé

la création d'une commission internationale d'enquête sur la situation au Darfour.

L'Organisation a également demandé que soit étendu au Darfour le mandat de l'Equipe de

surveillance et de protection des civils, corps d'observateurs internationaux créé pour

enquêter sur les attaques contre les civils au Soudan méridional. On n'a toujours pas mis

en place d'enquête indépendante et impartiale sur les atteintes aux droits humains, ni

déployé d'observateurs internationaux au Darfour.

Entre juin et août 2003, les attaques contre les civils et les déplacements de population se

sont aggravés ainsi que le harcèlement et l'arrestation de ces personnes déplacées de

l'intérieur. La ville de Tina 7, qui avait été prise par l'ALS à la fin mars 2003 , a été

bombardée aveuglément de façon répétée, des civils ont été tués et d'autres se sont

réfugiés au Tchad. Les 5 et 6 août, Kutum a été attaquée par les Janjawid, et des civils ont

été tués au cours de ce qui semblaient être des exécutions orientées. De nombreux

habitants de Kutum ont tenté de fuir vers El-Fasher, certains ont été arrêtés à mi-chemin à

7 Tina est une ville du Darfour septentrional à la frontière entre le Soudan et le Tchad. La frontière est

formée par un oued, lit d'une rivière saisonnière qui sépare la Tina soudanaise de la Tina tchadienne.

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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Kafut par l'armée soudanaise. Des villages autour de la ville de Kabkabia ont été attaqués

sans discernement et incendiés, et notamment, une fois de plus, Shoba. Les personnes

déplacées par les attaques sont arrivées en masse à Kabkabia, mais ont été harcelées par

des soldats soudanais et n'ont reçu aucune aide. Amnesty International a demandé au

gouvernement soudanais de prendre des mesures immédiates pour protéger les civils des

attaques au Darfour et permettre aux agences humanitaires de se rendre librement et en

toute sécurité auprès des personnes déplacées. Des efforts limités ont été faits par les

autorités locales et les agences humanitaires ont pu dans certains cas avoir accès à des

personnes déplacées. Leurs représentants ont constaté une situation tragique sur le plan

humanitaire. Mais les efforts des organisations d'aide pour atteindre les personnes

déplacées dans les zones contrôlées par le gouvernement ou les groupes politiques armés

ou dans les secteurs reculés comme les montagnes, ont été sérieusement entravées par

l'insécurité et les restrictions imposées par le gouvernement sur leurs autorisations de

déplacement.

Carte du Darfour indiquant certains lieux mentionnés dans ce rapport ©AI

En septembre 2003, le gouvernement du Tchad, voisin du Soudan, et qui accueille un

grand nombre de réfugiés soudanais du Darfour, a annoncé qu'il offrait ses bons offices

pour un accord de cessez-le-feu entre l'ALS et le gouvernement soudanais. Cet accord a

créé une commission tripartite comprenant cinq membres des deux parties et cinq

représentants de l'armée tchadienne pour surveiller les violations du cessez-le-feu. Cet

accord a permis un échange de prisonniers entre l'ALS et le gouvernement soudanais.

Mais chacune des parties a accusé l'autre de violer le cessez-le-feu. La commission

tripartite se déplaçait par avion, signale-t-on , d'un endroit à l'autre, quand on lui signalait

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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des combats ou bombardements, mais la zone à couvrir était vaste et la commission ne

rendait pas compte publiquement des atteintes aux droits humains. Amnesty International

a continué à recevoir des informations relatant des bombardements aveugles sur des civils

de la part du gouvernement, des attaques par les forces du JEM, qui n'étaient pas partie

prenante à l'accord de cessez-le-feu, et des attaques continuelles des Janjawid contre des

villages de civils. Le cessez-le-feu a été prolongé jusqu'en décembre.

En décembre les négociations entre le gouvernement du Soudan et l'ALS qui avaient lieu

à N'Djamena au Tchad ont été rompues. Le gouvernement soudanais a rejeté les

prétentions de l'ALS jugées excessives, tandis que cette dernière prétendait que les

médiateurs tchadiens lui avaient demandé de quitter N'Djamena avant d'avoir pu exposer

ses exigences.

Depuis l'échec des négociations, les combats entre troupes gouvernementales et

opposition armée se sont intensifiés, selon nos informations, à Abu Gamra et Kulbus

entre décembre et janvier. Il en est de même des informations qui rapportent les attaques

mortelles délibérées sur des civils, notamment au Darfour occidental, autour d'El Geneina

et de Zalingei . Pendant ce temps, 30 000 nouveaux réfugiés auraient traversé la frontière

pour entrer au Tchad en décembre et 18 000 de plus en janvier 2004.

Les réponses apportées par le gouvernement du Soudan à la détérioration de la situation

au Darfour ont été ambiguës. Le président soudanais, Omar Hassan el Béchir, aurait

déclaré vouloir écraser militairement la rébellion8. D’autres représentants du

gouvernement soudanais ont reconnu la nature politique du conflit au Darfour 9,

indiquant ainsi que la répression n'était pas une solution.

Tout d'abord, l'ALS a déclaré qu'elle s'attaquerait seulement à des cibles

gouvernementales et non pas aux groupes nomades eux-mêmes déclarés responsables des

attaques contre les agriculteurs, afin d'éviter de donner un caractère tribal au conflit.

L'opposition armée, et en particulier le JEM, semble maintenant s'être résolue à s'engager

directement dans des combats contre les Janjawid. Le discours développé par les

Janjawid, tel qu'il nous a été rapporté par des réfugiés, montre que le conflit est en train

de prendre rapidement un aspect racial. Les agresseurs se décrivent comme "Arabes", les

civils attaqués sont appelés "Noirs"ou même "esclaves". En même temps, les Four et les

Zaghawa déclarent que ce sont des tentatives pour expulser tous les "Africains " du

Darfour.

Amnesty International s'inquiète encore de l'étendue des homicides dans la population

civile, et du fait que le gouvernement soudanais ne demande pas de comptes à ses milices

et à ses propres soldats qui tuent au nom de la "contre insurrection ". Ceci ne peut

qu'accroître au sein de la population le sentiment de désespoir et le désir de venger la

mort de parents, et peut-être de rejoindre l'opposition armée comme étant apparemment la

8 "Le Président soudanais s'engage à annihiler les rebelles du Darfour", Communiqué de l'AFP, 31

décembre 2003. 9 Déclaration sur la situation au Darfour, Ambassade de la République du Soudan au Royaume Uni, 19

janvier 2004.

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seule option possible. Les restrictions contre la liberté d'expression, de réunion et

d'association au Soudan, notamment au Darfour depuis le début du conflit10

ne permettent

pas actuellement aux civils d'exprimer pacifiquement leurs idées ou de s'élever contre la

violence à laquelle ils sont soumis. Au contraire, elles alimentent le découragement.

Les graves violations des droits humains décrites dans ce rapport ne représentent qu'une

partie de ce qui se passe au Darfour. Ce document repose sur les témoignages des

réfugiés soudanais qui ont pu traverser la frontière, parce qu'ils sont originaires de zones

proches de la frontière tchadienne. Des centaines de milliers de personnes sont piégées au

Darfour. Les quelques informations qui parviennent de cette région malgré les restrictions

gouvernementales sur les déplacements, les communications et les personnes

soupçonnées d'une attitude critique, confirment les craintes concernant la tragédie qui s'y

déroule sur les plans humanitaire et des droits humains .

2. Graves atteintes contre les droits humains et le droit humanitaire au Darfour 2.1 Graves atteintes commises par les forces armées et les milices progouvernementales 2.1.1 Exécutions extrajudiciaires et autres homicides illégaux Exécutions extrajudiciaires et autres homicides illégaux contre des civils au cours d'attaques au sol

Amnesty International a recueilli de nombreux témoignages concernant des attaques

contre des villages et homicides de civils perpétrés soit par les Janjawid, soit par les

Janjawid accompagnés et soutenus par des soldats gouvernementaux soudanais11

. Dans

certains cas, les soldats restaient en retrait des Janjawid, encerclant le village et

empêchant les gens de s'enfuir. Dans d'autres cas, ils participaient directement aux

attaques contre les civils. La nature des homicides commis par des soldats

gouvernementaux, et de ceux commis par les Janjawid en présence d'éléments de l'armée

soudanaise indiquent qu'il s'agissait d'exécutions extrajudiciaires. Dans d'autres

circonstances, lorsqu'on ne signale pas la présence de soldats au cours des attaques, les

homicides perpétrés par les milices favorables au gouvernement constituent au moins des

exécutions sommaires et illégales, qui sont une grave violation du droit humanitaire que

tous les groupes armés dans les conflits intérieurs sont tenus de respecter.

10

Voir Soudan. Des promesses en l'air ? Violations des droits humains dans les territoires sous contrôle

gouvernemental,(SF 03 COO 335) 11

Les délégués d'Amnesty International ont recueilli plus de cent témoignages de réfugiés soudanais en

neuf endroits différents le long de la frontière orientale du Tchad, répartis sur plus de 300 km. Ces

témoignages étaient cohérents, crédibles, et tous indiquaient une répétition quasi systématique des attaques.

Ils ne sont pas tous reproduits dans ce rapport. Amnesty International a recueilli les noms de centaines de

personnes tuées au Darfour.

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Le plus souvent, les attaques menées contre des villages dans les zones rurales ou les

villes se passent ainsi : les Janjawid, également appelés milices "arabes", quelquefois

accompagnés de soldats gouvernementaux, encerclent le village, soit au petit matin soit

dans la journée, et les villageois surpris n'ont pas le temps de s'enfuir ni de se défendre.

Quelquefois les attaques semblent avoir été bien préparées et se produisent les jours de

marché ou bien pendant ou après la prière à la mosquée, lorsque les gens sont rassemblés.

Beaucoup de villageois ont également été tués chez eux.

Ekuri Mohamed, 34 ans, étudiant d'une école coranique, du village d'Abou Gamra, près

de la ville de Kornoy, Darfour septentrional, a déclaré aux délégués d'Amnesty :

" Les Arabes et les soldats sont arrivés le jour du marché à Abu Jihad (un village

proche). Les soldats ont encerclé le marché et les Arabes y sont entrés pour prendre

l'argent et le bétail. Ils ont tué plusieurs personnes. J'ai vu les corps de ceux qui avaient

été tués. Certains ont été tués par balles, et d'autres à la baïonnette " Il a donné à AI les

noms de dix-neuf personnes tuées.

Kaltuma Abdallah Issa, une jeune fille âgée de 15 ans, d'Abu Jihad près de Kutum, a dit

: " J'étais avec mon père quand les Arabes sont soudain arrivés dans le village, vers 7

heures du matin. Ils tiraient dans toutes les directions. J'ai eu peur, j'ai couru me cacher et

j'ai reçu une balle dans la jambe gauche. Mon père Abdallah Issa a été tué près de notre

maison, et aussi mon oncle maternel Bahr Ahmed. Ces Arabes montaient des chevaux et

des chameaux et étaient accompagnés par les forces gouvernementales dans des

véhicules. "

Les délégués d’Amnesty International recueillent le témoignage de femmes originaires du

Darfour septentrional ©AI

Nur Ibrahim Aran, un des chefs du secteur d'Abu Jihad, a signalé qu'Abu Jihad a été

attaqué le 17 mai 2003, par des milices arabes à cheval et à dos de chameau et des forces

gouvernementales dans des véhicules. Il a déclaré que dans la région, 36 villages avaient

été incendiés et qu'au moins 76 personnes auraient été tuées. Les villages qui auraient été

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incendiés sont : Tabaldia I et II, Silah, Betenam, Gos Ajour, Naga, Abhournon, Mahamad

Nar, Arajab Issa, Kerim Djame, Abakar Hamad, Musa Halil, Faki Abdel Karim, Massour

Ismaïl, Jera Beth, Amsila, Musa Abderami, Mabouraka Arad, Tibez, Bahr Mahamad

Adam, Massour Ismaïl, Guiri Arad, Hamat Manant, Juma Adam, Madarassa et Shete

Zakariya.

Kutum, au nord du Darfour, à 80 km environ d'El Fasher, capitale du Nord Darfour, a

fait l'objet d'attaques répétées en 2003. A la fin juillet, la ville a été prise par l'ALS, qui

s'est retirée le 3 août. La ville avait été bombardée par l'aviation gouvernementale

auparavant. Les 5 et 6 août, la ville a été attaquée par les Janjawid. Les délégués d'AI ont

rencontré dans la ville tchadienne de Tina, une femme de Kutum qui avait voyagé

quarante jours à pied et à dos d'äne. Elle a confirmé les informations sur des exécutions

sommaires obtenues précédemment d'autres sources par AI :

"Les Janjawid sont arrivés le matin, ont cassé les boutiques et pris l'argent, le sucre et les

marchandises. Ils ont tué 32 personnes dans leurs maisons. Ils sont entrés dans les

maisons pour trouver les garçons et les hommes et les tuer. Ils ont tué aussi Ahmed Issa,

mon frère, commerçant, âgé de 18 ans, sur le marché. Ils ont coupé les arbres fruitiers de

mon jardin et les ont donnés à leurs chameaux."

Dahbaï Mohamed Adam, 38 ans, d'Abu Gamra, un village près de Kornoy, a expliqué

que les Arabes étaient entrés dans le village pour voler et incendier les maisons pendant

que les hommes étaient partis.

" Le mari de ma fille était resté. Il dormait dans sa maison, ils l'ont réveillé et battu à mort

avec un bâton et un fusil. "

Aïcha Ali, une femme de 23 ans, du village de Sasa, près de Kornoy, a déclaré:

"Les Arabes sont arrivés et m'ont demandé de partir. Ils ont battu les femmes et les petits

enfants. Ils ont tué une petite fille, Sara Bishara. Elle avait deux ans. Elle a reçu un coup

de couteau dans le dos."

Zeinab Nayah, 25 ans, de Nana, village proche de Kornoy, a vu son frère se faire tuer

dans son magasin par des membres des Janjawid en août. Elle a déclaré qu'on l'avait

battu avant de le tuer. Le village de Gorsella près de Kornoy a été attaqué à 5 heures du

matin un jour d'avril 2003. On nous a déclaré que 24 personnes avaient été abattues et

environ 80 maisons détruites. Le bétail a été volé. A Kornoy, Helia Hardja, 37 ans, a

rapporté l'assassinat de son enfant, Abakar Yusuf, 4 ans, et de son neveu, Sadiq Ali

Abdallah, 42 ans, par les milices arabes. "Ils étaient dans la cour devant la maison quand

les Arabes sont arrivés".

Un dimanche de juillet 2003, vers une heure de l'après-midi, Adar, village au nord du

Darfour, a été attaqué. Une femme a vu son fils, Ishaq Jur Masarda, 35 ans, traîné hors de

chez lui par des membres des milices.

"Ils lui ont attaché les pieds et les mains et l'ont égorgé devant tout le monde. Les Arabes

étaient en uniforme militaire, ils avaient des armes, des fusils, des chevaux et des

chameaux. Mon fils n'avait pas d'armes."

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Tina a été le théâtre de durs combats entre forces gouvernementales et groupes

d'opposition armés à plusieurs reprises en 2003. Zenaib Ahmed, 30 ans, a décrit une

attaque contre Tina en juillet : " C'était un vendredi de juillet. Il y a eu une bataille entre

les rebelles et les Janjawid soutenus par des forces gouvernementales. Je sortais pour aller

prier quand j'ai reçu des éclats d'obus à l'épaule gauche et dans les fesses. Mon frère était

là et m'a transporté à l'hôpital en ville. Je connais certaines personnes comme Zeidan

Omer et Adam Mohamed qui ont été exécutées. Quand j'étais à l'hôpital, les Arabes sont

entrés mais ils cherchaient les hommes, pas les femmes."

En août 2003, le village de Kishkish dans le secteur de Silaya, a été encerclé par les

Janjawid qui aurait tué de nombreux villageois . Mohamad Ishaq, cultivateur Jebel, âgé

de 50 ans, du village de Kishkish, a rapporté le vol de son bétail par les milices et

l'assassinat de son père Ishaq Abaker, 70 ans, dans sa propre maison, en août 2003.

Lorsque sa fille, Aïcha Ishaq, a tenté d'intervenir, les milices l'ont tuée elle aussi. Adam

Mohamad, du même village, a eu deux membres de sa famille tués par la milice : Ibrahim

Yahya Abdallahi, 60 ans, et Ahmed Abakar Yahya, 37 ans. Ismaïl Abu Ishaq, 50 ans,

Atum Khalif, 35 ans, et Dilak Mohamad Bas ont aussi été tués. Adam Abaker Adam a

rapporté que 4 membres de sa famille avaient été tués : Ibrahim Abdallah Adam, Omer

Adam et Adam Mohamed Abdallahi. Il a indiqué qu'il avait appris récemment qu'un autre

de ses parents, Abdallah Ahmed Abakar, qui avait survécu à l'attaque, avait été tué en

novembre dans le village.

De nombreux villages autour de Silaya, ville sous contrôle du gouvernement, où l'on dit

que les Janjawid sont basés , ont été attaqués en juillet et août 2003. Le village de Jafal,

où il y a environ 250 habitants du groupe ethnique Jebel, a été attaqué en août, une fois

un dimanche à 6 heures du matin et une fois un samedi une semaine plus tard. Selon un

témoin oculaire, la milice accompagnée de soldats a attaqué les gens en disant "Vous êtes

des opposants au régime, nous devons vous écraser. Comme vous êtes noirs, vous êtes

comme des esclaves. Alors toute la région du Darfour sera entre les mains des Arabes. Le

gouvernement est de notre côté. L'avion du gouvernement est avec nous, il nous donne

des munitions et de la nourriture." Pendant la première attaque, la milice aurait encerclé

le village et tiré sur les gens, tuant au moins 25 personnes, certaines dans leur maison.

Les villageois se sont enfuis. Lors de la seconde attaque, il n'y avait presque personne

dans le village. Les milices auraient incendié le village après avoir volé les biens qui

restaient dans les maisons.

A peu près à la même époque, Amir, un village près de Jafal comptant environ 350

habitants, a été attaqué. L'un des villageois a témoigné : "Le jour de l'attaque était le 7

juillet, un samedi. Ils sont arrivés. Ils étaient plus de 200 et avaient dix véhicules. Il y

avait des soldats de l'armée parmi eux. Nous avons été surpris par l'attaque, parce qu'il

était 8 heures du matin. Ils avaient des kalachnikovs, des bazookas, des fusils, et une

arme montée sur un véhicule. Ils ont tué 27 personnes."

Le 16 août, Garadai, un autre village du secteur, a été attaqué par les Janjawid, dans la

journée. Un des villageois a déclaré aux délégués d'Amnesty International :"Ce sont les

Janjawid qui ont incendié nos maisons et volé notre bétail et nos biens. Il y a longtemps

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qu'on vole du bétail, mais, brûler les maisons, c'est nouveau. Ils sont venus avec des

chameaux, des chevaux et beaucoup d'armes. Il y avait des Arabes de la région et d'autres

Arabes. Ils ont attaqué les femmes, les hommes et les enfants même s'ils n'avaient pas

d'armes. Je dirai qu'environ 240 personnes ont été tuées au cours de cette attaque. C'est

plus de la moitié de la population de Garadai, qui compte 400 habitants. Ils ont tué

surtout les jeunes hommes mais certaines vieilles personnes handicapées ont été tuées

parce qu'elles n'ont pu sortir de leur maison à temps. "

Alors que les attaques prennent pour cible principalement des gens appartenant aux

Zaghawa, Masaalit, Jebel ou Four, ou de plus petits groupes de cultivateurs, parfois des

groupes arabes ont été pris pour cible, apparemment parce qu'ils refusaient de prendre

parti dans le conflit. À la fin de juillet 2003, un groupe de Dorok, communauté arabe

vivant aux alentours de Silaya, a été attaquée par les Janjawid. Ahmed Issa Adam, 30 ans,

du village d'Abu Jihad, a dit aux délégués d'Amnesty International :" Les milices arabes

sont venues dans notre village pour inviter les Dorok à les rejoindre. Les Dorok ont

refusé en disant qu'ils partageaient la même religion que les gens de la région et que par

conséquent ils ne pouvaient pas combattre leurs voisins. Alors les milices arabes ont

considéré les Dorok comme des "Noirs" et leur ont tiré dessus. "Les personnes qui, selon

lui, ont été tuées, comprennent: Adam Mahmoud Ali, cultivateur, 35 ans; Fadl Abdel

Aziz, berger, 58 ans, Atiya Ibrahim Abdallah, berger, 27 ans; et aussi Matur Abdallah, 45

ans, Bahar Ahmat, 40 ans, Idris Abdallah, 70 ans, Adam Mohamad, 55 ans, et Mohamad

Abdallah, 35 ans.

A Birak, les délégués d'Amnesty International ont rencontré deux frères de Jizu , à trois

heures de marche de Silaya, qui avaient été blessés par balles au cours d'une attaque en

juillet. Leur village avait été attaqué un lundi, jour de marché, par les milices arabes, qui

avaient tué et cinq personnes. Ils ont aussi rencontré des Zaghawa du village d'Usha à

une heure de marche exactement de la ville de Silaya, qui ont rapporté avoir été attaqués

en juin. Ils ont déclaré que 400 personnes au moins avaient été tuées dans leur village sur

1700 habitants environ.

Les délégués d'Amnesty International se sont rendus dans plusieurs endroits autour

d'Adre au Tchad où des gens venus du Soudan s'étaient réfugiés. Ces derniers étaient

majoritairement d'origine Masaalit et fuyaient les attaques contre leurs villages dans les

secteurs ruraux autour d'El Geneina, capitale du Darfour occidental.

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Un groupe de réfugiés Masalit que les délégués d’Amnesty International ont rencontrés autour

d’Adré à l’est du Tchad ©AI

Le village de Murli, à 5 km environ d'El Geneina, a été attaqué deux fois entre juillet et

aoüt. Un villageois a déclaré aux délégués d'AI :

" C'était tôt le matin, les gens dormaient. Environ 400 hommes armés ont encerclé le

village, en uniformes militaires, les mêmes que porte l'armée, avec des véhicules et des

fusils. Un avion est venu plus tard, pour voir si l'opération avait réussi. Au moins 82

personnes ont été tuées au cours de la première attaque. Certains ont été abattus par balles

et d'autres, comme les enfants et les personnes âgées, ont été brûlés vifs dans leur

maison."

Un autre, qui a été blessé au pied, a dit : " Je suis resté dans le village après la première

attaque. Ensuite un autre groupe a attaqué de nouveau le jour du marché, vers deux

heures de l'après-midi, après la prière de 13 heures. Ils avaient entendu dire que certaines

personnes avaient survécu à la première attaque. Ils ont encerclé le marché des deux côtés

et abattu les gens. Ils frappaient ceux qui essayaient de fuir. Ils ont tué 72 personnes. J'ai

reçu une balle moi-même et je suis venu ici pour avoir des médicaments. Aux alentours

de Murli, près de cinq autres villages ont été attaqués; il s'agit de Kutumanda, Tandi,

Kandale, Uchuka et Bertenyu."

A Meramta, village d'environ 450 familles, à 25 km environ d'El Geneina, plus de 300

personnes auraient été tuées, la plupart par balles, au cours d'une attaque menée à l'aube

par les Janjawid et des soldats gouvernementaux le 28 juillet. Les femmes qui essayaient

de s'enfuir étaient frappées à coups de crosse de fusil. Les maisons ont ensuite été

détruites par le feu . Meramta aurait été attaquée au moins quatre fois. Au cours d'une

attaque, un jour d'octobre à midi, dix autres personnes ont été tuées et cinq blessées. Le

village serait aujourd'hui abandonné. Tukultukul, village proche de Meramta, a été

attaqué le 25 juillet, le même le jour, deux heures plus tard, à 8 heures du matin, par un

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groupe armé de Janjawid et de soldats gouvernementaux. Au moins huit personnes

auraient été tuées.

Les attaques contre des villages, comme Dongajul, Seratiya, Kulkute, Guinda, Haraza,

autour d'El Geneina, auraient continué en novembre, poussant d'autres civils à chercher

refuge au Tchad, dans la région d'Ade, au sud d'Adre.

Le village de Kasia a été attaqué trois fois entre le 28 juillet et le 1er août 2003, tant par

les milices arabes que les soldats gouvernementaux. Au cours de la première attaque, qui

s'est déroulée à 8 heures du matin, au moins 18 personnes auraient été tuées, et certaines

dans leur maison. La seconde attaque aurait fait quatre morts et le bétail a été enlevé. Au

cours de la troisième attaque, six civils environ auraient été tués et les maisons incendiées

.

Bauda, à 80 kilomètres au sud d'El Geneina, peuplé d'environ deux cents familles, a été

attaqué le 29 août à 10 heures du matin. Les agresseurs comprenaient des milices arabes

et des soldats . Yahya Mohamed, blessé à la jambe droite alors qu'il s'enfuyait, a déclaré

aux délégués d'AI que seize personnes avaient été abattues ce jour là. Le village a été

détruit par le feu. A Ambgadina, au nord d'El Geneina, neuf personnes au moins auraient

été tuées dans une attaque contre le village.

Quelquefois ceux qui sont attaqués connaissent leurs agresseurs. Le 10 août , Suani, un

village des environs d'El Geneina, et son marché , ont été attaqués dans l'après-midi par

les Janjawid et des soldats avec eux. "Nous connaissons les Janjawid", a déclaré un

villageois aux délégués d'AI , " ils étaient nos voisins avant, les Rizeigat et les

Mahariya". Ils ont tué neuf hommes qui s'enfuyaient, battu les femmes et emporté tous

les instruments de cuisson. Ils n'ont pas incendié le village.

Bien que dans beaucoup de cas les hommes eussent été spécialement pris pour cible dans

ces homicides, quelquefois des femmes et même des enfants ont aussi été tués

délibérément. A Abu Gamra, en septembre, une enfant, Khadija Idris, 17 ans, a été tuée

par la milice alors qu'elle essayait de les empêcher de voler son bétail. A Murli, près d'El

Geneina, au moins 9 femmes auraient été abattues au cours d'une attaque des Janjawid.

Parmi elles se trouvaient: Alima Adam, 25 ans, Kaltuma Sabu, 25 ans, Awa Abdallahi,

30 ans, Nafisa Adam, 40 ans et Dolma Ismaïl, 20 ans.

Parfois des personnes isolées ont été tuées alors qu'elles se trouvaient dans leurs champs

ou sur la route . El Mahdi Suleiman, 30 ans, Hassan Suleiman, 20 ans et Dilloh Ismaïl,

30 ans , de Hasan Basau, village du Nord Darfour, auraient été attaqués et tués par des

milices arabes alors qu'ils conduisaient leur bétail vers des pâturages dans le courant du

mois d'avril. En juin, une autre personne, le beau-père d'Arbab Ibrahim, a été tué par des

Arabes alors qu'il revenait du marché vers son village de Mejde dans la région

d'Habiela..

Les délégués d'Amnesty International ont recueilli de nombreux autres témoignages de

réfugiés qui se recoupent entre eux. Ils démontraient l'existence de violations répétées et

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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systématiques de la part des Janjawid et des soldats gouvernementaux. De nombreux

témoignages suggéraient de manière convaincante que les Janjawid et les soldats

gouvernementaux coopéraient.

Homicides illégaux dus à des bombardements aveugles ou délibérés

Les attaques menées au sol contre des villages ou des villes étaient souvent précédées ou

suivies de bombardements par l'aviation soudanaise. Selon les témoignages de réfugiés

soudanais au Tchad et de victimes au Soudan, il semblerait que des villages et villes du

Nord Darfour aient souffert le plus des bombardements aériens. C'est peut-être parce que

cette zone est celle où l'opposition armée est considérée comme la plus active et contrôle

certains endroits. Des bombardements ont également été signalés au Darfour occidental,

et au sud du Darfour septentrional autour de Kabkabia et du djebel Marra (montagnes).

La plupart des bombardements, décrits à Amnesty International par des témoins

oculaires, semblaient que ne tenir aucun compte de l'exigence de distinguer entre les

personnes et objectifs civils, et les cibles militaires, ni du principe de proportionnalité. Ce

sont là des règles essentielles du droit international humanitaire qui régit les conflits

armés. Dans certains cas, les bombardements sembleraient avoir pris délibérément pour

cible des civils et des objectifs civils.

Les bombardements se font généralement avec des boîtes remplies de shrapnels lâchées

par des avions Antonov. Par leur nature ces armes manquent de précision. Certains civils

ont signalé la présence d'hélicoptères de combat, volant à basse altitude et mitraillant les

villages et les civils. Ces deux types d'appareils ont été utilisés de façon répétée par le

gouvernement soudanais dans le conflit au sud du Soudan. Malgré la condamnation

internationale des bombardements délibérés sur des civils et des bombardements aveugles

utilisés par le gouvernement dans le sud, et les promesses du gouvernement de ne pas

attaquer les civils et les objectifs civils dans le cadre des négociations de paix concernant

plus largement le Soudan, les mêmes tactiques sont utilisées dans le conflit du Darfour.

Les bombardements ont eu pour effet de terroriser la population et d'encourager la

panique et le départ du village. La plupart des civils qui ont cherché refuge au Tchad ont

cité les bombardements continuels, que l'on entendait ou voyait depuis leur camp au

Tchad, comme la raison qui les empêchait de retourner dans leur pays.

Kornoy a été bombardée à plusieurs reprises depuis juin 2003, poussant la population à

fuir en masse vers le Tchad. Le 20 juin 2003, Kornoy a été bombardée . Amina Ishaq, 35

ans, a déclaré aux délégués d'AI :" J'ai perdu ma fille dans le bombardement du 20 juin,

vers 4 heures de l'après-midi. Elle s'appelait Nada Ismaïl, elle était près d'un puits. Quand

le bombardement s'est arrêté, nous l'avons retrouvée et avons ramassé les morceaux de

son corps ." Une autre a dit :" Il était 10 heures du matin, je faisais la cuisine. L'avion est

venu tout d'un coup et a complètement détruit ma maison. Je me suis enfuie au Tchad."

Nura Rahma Abdu, qui était enceinte à l'époque, a perdu son bébé, apparemment en

raison du choc et de la peur due au bombardement. "Quand l'avion est venu j'étais

enceinte de cinq mois. J'ai perdu mon bébé à cause du bombardement. Quand l'avion a

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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lâché des bombes j'étais devant la maison, j'ai vu que mon mari était à l'intérieur. J'ai

couru à la maison. La fumée de la bombe me faisait tousser, alors j'ai perdu du sang et

mon enfant. Je suis venue ici avec mon mari, il y a deux mois, parce que j'étais malade.

Je souffre encore et mon ventre est toujours gros alors que j'ai perdu le bébé."

Tina a été bombardée à plusieurs reprises dans le cadre des efforts du gouvernement pour

écraser l'opposition armée qui avait pris le contrôle de la ville, tuant des civils . Faiza

Idris Adam, écolière de 14 ans, a témoigné :" Il était neuf heures du matin, j'étais en

classe quand la ville a été bombardée, notre professeur nous enseignait l'histoire et la

géographie quand l'avion a bombardé notre école. C'était le 5 août ; il y a trois écoles à

Tina, la nôtre était dans le quartier de Jurga. Les élèves se sont enfuis . Saddam Omer, un

garçon de ma classe, âgé de 14 ans, est sorti, il a été touché et il est mort dans la cour de

l'école. J'ai vu son corps, ses parents sont venus le chercher. Il était intelligent, il était le

second dans notre classe, il adorait les maths et jouer au football." Les habitants de Tina

ont surtout été affectés par les bombardements. Les citadins indiquaient parfois que des

dizaines de leurs parents avaient été tués ou blessés dans les bombardements. Le 7 juillet,

un enfant , Abdelkader Musa, âgé de 15 ans, a été frappé par un éclat d'obus à la main

droite pendant qu'il gardait les chèvres près de sa maison à Tina :

"L'avion est arrivé et le feu de la bombe n'a coupé les doigts. Maintenant le sang coule

parfois entre mes doigts, et cela fait encore mal. Je suis élève en troisième et avant

j'écrivais de la main droite ." Quand sa mère a essayé de le conduire à l'hôpital, l'avion est

revenu. Tous les deux se sont enfuis à Tina au Tchad.

La plupart des villages autour de Tina ont également été bombardés. Khasan Abu

Gamra a été bombardé si souvent que ses habitants ont déclaré :" Les avions

bombardaient n'importe quand et n'importe où, quelquefois quatre fois par jour, le matin,

le soir. Ils bombardaient tellement que nous ne pouvions pas aller cultiver nos champs.

Beaucoup de personnes et d'animaux ont été tués à cause des bombardements. "A

Tumdubaï, à environ quatre heures de marche de Tina, les bombardements se

produisaient aussi plusieurs fois par jour. Khasan Basao a également été frappé par les

bombes.

Kutum a été bombardé pendant les combats entre les troupes gouvernementales et l'ALS,

à la fin juillet, avant l'attaque des Janjawid. Tandis que les rebelles étaient présents dans

le secteur à l'époque des bombardements, des civils et des bâtiments civils ont été frappés

par les bombes. En particulier, l'hôpital et la prison ont été bombardés. Une femme de

Kutum, rencontrée à Tina dans un camp de réfugiés, a déclaré aux délégués d'AI :" Dans

la prison, les gardiens et les prisonniers ont été tués par le bombardement. L'hôpital a

aussi été détruit et les malades tués. Je connaissais deux personnes qui étaient

hospitalisées à ce moment là et qui ont été tuées par les bombes. Ils s'appelaient

Mohamed Ali, cultivateur de 40 ans, et Amina Ishag, une jeune femme de 20 ans. C'est

très triste."

Les villages autour de Silaya, plus au sud du Nord Darfour, près de la frontière avec le

Tchad, ont aussi été bombardés pendant la période des attaques au sol. Les réfugiés de ce

secteur que nous avons rencontrés ont signalé que les bombardements continuaient

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encore en novembre. A Turlili, village au nord de Silaya, au moins huit personnes ont été

tuées dans les bombardements. Des animaux aussi..

2.1.2 Actes violents et de torture, notamment des viols, sur des civils

Les attaques au sol et les homicides de civils par le gouvernement et les milices qui lui

sont favorables ont souvent été accompagnés d'actes extrêmement violents, notamment

des coups de feu et des passages à tabac, et quelquefois le viol de femmes et jeunes filles.

Beaucoup de villageois ont signalé que les premières cibles des homicides semblaient

être les hommes. Bien que des femmes aient été abattues à certaines occasions, il semble

que la majorité d'entre elles étaient battues plutôt que tuées au cours des attaques .

Pendant une attaque à Kornoy, Jamal Adam Nusur, 20 ans, a été poursuivi et il aurait été

battu si sévèrement par les Janjawid qu'il est mort de ses blessures par la suite .

Kaltuma Abdallah, 15 ans, aurait été directement attaquée par les milices arabes à Abu

Jidad. Elle était dans sa maison quand ils sont arrivés. Elle s'est enfuie et a reçu un coup

de fusil. Sa tante a été tuée.

Adam Mohamed, 40 ans, et son frère, du groupe ethnique Tama, ont été attaqués le 14

novembre dans leur village de Tutursa. Adam Mohamed a été pris par surprise dans sa

maison par un certain nombre de membres des milices. Ils l'ont fouetté en disant :"Vous

êtes tous des opposants, on va vous éliminer. "Ils ont pris tout son argent. Il a réussi à

s'échapper et à marcher jusqu'au Tchad. Le même jour, ils ont encerclé la maison de Zara

Sheikh, une femme de 28 ans et lui ont réclamé de l'argent. Quand elle a dit qu'elle n'en

avait pas, ils l'ont battue à coups de fouet.

Quand Murli a été attaqué, Djamila Mohamed se serait enfuie à pied avec une autre

femme, Aïcha Harun . Les agresseurs les ont poursuivies à cheval, les ont arrêtées et

frappées avec des ronces sèches, et ont emporté leurs vêtements. Ensuite ils les ont laissé

partir. A Tuja, un village proche de Murli, Hawauu Hasan Tuja, une femme, s'enfuyait

lors d'une attaque des milices arabes, avec ses sept enfants. Les enfants ont réussi à

s'enfuir, mais elle rapporte qu'on l'a battue et qu'on a volé ses vêtements et ses affaires.

Dans certains cas, des femmes rencontrées sur la route ou dans la brousse en train de

ramasser du bois, de voyager ou de s'enfuir devant les attaques, ont été violées.

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Un groupe de femmes originaires du Darfour qu’Amnesty International a rencontrées au Tchad

©AI

Les délégués d'Amnesty International ont entendu des récits de viol de femmes et de

jeunes filles par les Janjawid. Il est difficile cependant, de savoir dans quelle mesure le

viol fait partie des actes de guerre au Darfour, parce que les femmes sont réticentes à le

rapporter de crainte d'être rejetées par leur communauté. Comme certaines femmes l'ont

dit aux délégués d'Amnesty International :

" Les femmes ne vous raconteront pas facilement qu’ une chose pareille leur est arrivée.

Dans notre culture, c'est une honte, et les femmes le cachent dans leur coeur pour que les

hommes n'en sachent rien. "

" Les femmes ne vous diront pas spontanément qu'elles ont été violées, c'est une honte

cachée. Cependant, si vous le leur demandez, certaines femmes vous le diront. Les

femmes aussi ont des droits et nous sommes heureuses si quelqu'un s'en préoccupe."

A Sasa, près de Kornoy, deux jeunes filles 12

, âgées respectivement de 15 et 14 ans,

auraient été violées par les milices arabes , selon une femme interrogée par les délégués

d'Amnesty International à Tina.

A Murli, trois filles âgées de 10, 15 et 17 ans, qui avaient fui lors d'une attaque, ont été

retrouvées par les agresseurs dans la brousse et auraient été violées. On dit qu'elles sont

encore au Soudan où elles reçoivent de l'aide des guérisseurs traditionnels. Deux autres,

âgées de 20 et 25 ans, auraient aussi été violées par les attaquants sur la route alors

qu'elles rentraient au village après avoir été chercher de l'eau. Ces cas ont été rapportés à

12

Les noms de celles qui auraient été violées ne sont pas donnés afin de protéger leur identité.

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Amnesty International par deux femmes qui venaient du même village que ces jeunes

filles et qui les connaissaient.

Un homme de Suani a déclaré :" Beaucoup de femmes ont été battues pendant l'attaque,

avec des bâtons et des crosses de fusil. Certaines ont été blessées et sont allées à l'hôpital

d'El Geneina. Mais il faut de l'argent pour aller à l'hôpital. Il y a aussi dix femmes de

notre village que les Arabes ont utilisées de force comme épouses."

2.1.3 Destruction de villages , de récoltes, et pillage de bétail et de biens

Les attaques au sol ont pour but non seulement de tuer des gens, mais aussi de détruire

leurs biens et jusqu'à leurs moyens de subsistance. Dans une région minée par la

sécheresse et le sous-développement, la destruction des maisons et des récoltes entraîne

de terribles conséquences sur les moyens de s'en sortir pour la population locale. Cela

signifie que le gîte et la nourriture, les produits de base ainsi que les droits sociaux et

économiques sont enlevés à la population. Les déplacements provoqués par les attaques

directes sur des villages de civils ajoutent encore à la pression sur la population des villes

au Darfour et au Tchad où d'autres se réfugient.

Les témoignages de témoins oculaires des destructions survenues au Darfour ont été

recueillis auprès de groupes de réfugiés dispersés sur plus de 300 km de l'autre côté de la

frontière orientale du Tchad. Ces témoignages étaient crédibles, cohérents, et pris dans

leur ensemble, formaient sur une grande échelle un tableau de destruction ou de pillage

quasi systématique des moyens de subsistance des personnes attaquées. Ces éléments,

ainsi que d'autres informations recueillies par Amnesty International, dénotent une

stratégie militaire de la part des Janjawid, soutenus par l'armée gouvernementale, pour

déplacer de force la population installée au Darfour. Ces témoignages suggèrent que cette

stratégie vise peut-être à prendre le contrôle de la terre ou à punir des gens soupçonnés de

soutien ou de sympathie à l'égard des groupes politiques armés au Darfour.

Les gens qui habitent dans les zones rurales du Darfour vivent principalement

d'agriculture de subsistance et d'élevage de moutons et de chèvres. Certains groupes

possèdent aussi des chameaux. Le bétail et les chameaux constituent souvent dans cette

région semi-désertique la principale richesse que les gens peuvent avoir. Dans certains

cas, on leur a aussi volé leurs couvertures, vêtements, ustensiles de cuisine ainsi que les

récipients et les jerrycans utilisés pour contenir l'eau. Lorsque les gens possèdent peu de

choses, le pillage de leurs biens rend les actes essentiels de la vie encore plus difficiles :

aller chercher de l'eau, préparer des repas où se protéger du froid de la nuit.

De plus, en prétextant l'insécurité et la nécessité de la contre-insurrection, le

gouvernement soudanais a restreint les déplacements des gens au Darfour, et notamment

des marchands et des véhicules commerciaux, qui sont les fournisseurs traditionnels de

produits tels que nourriture, vêtements, couvertures et médicaments dans les villages

isolés de la campagne.

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Les habitants de Turlili ont expliqué de quelle manière les destructions et le pillage les

avaient affectés :

" D'abord les Arabes ont brûlé les maisons et pris nos animaux. Ensuite ils ont emporté

nos ustensiles de cuisine, notre millet dans les champs, et même nos couvertures. C'est

ce qui nous a poussés à venir ici. Ils ont emporté le millet, nous n'avons pas pu

moissonner nos récoltes. Leurs chameaux ont mangé aussi nos récoltes. En général nous

récoltons en septembre et les femmes cultivent des légumes après la moisson. Comment

allons-nous vivre maintenant ?"

Un chef local du secteur d'Abu Gamra , entre Tina et Kornoy, a décrit l'étendue des

destructions dans son village :

" Les Arabes et les forces gouvernementales sont arrivés des deux côtés du village avec

des véhicules, à cheval et sur des chameaux, lourdement armés. Je me suis caché pour

voir combien ils étaient. Les Arabes ont encerclé le village avec plus de mille chevaux.

Ils avaient aussi un hélicoptère et un avion Antonov. Ils ont lâché sur le village plus de

200 obus. Nous avons compté 119 personnes tuées par le bombardement. Ensuite les

Arabes ont incendié toutes nos maisons et pris toutes les marchandises dans le marché.

Un bulldozer a détruit les maisons. Les voitures appartenant aux marchands ont été

incendiées et les groupes électrogènes volés. Ils ont dit qu'ils voulaient conquérir tout le

territoire et que les Noirs n'avaient pas le droit de rester dans la région."

D'autres villageois des alentours de Tina ont dit que les bombardements avaient détruit

les puits. A Khasan Basao ils ont déclaré que certains puits pour l'eau avaient été

empoisonnés et sentaient le soufre. Ils ont aussi déclaré que des mines avaient été posées

autour du village.

Le Soudan a signé le traité d'interdiction des mines en 1997 et le 13 octobre 2003 il a

ratifié la Convention sur l'interdiction de l'utilisation, du stockage, de la production et du

transfert de mines anti-personnel et leur destruction (Convention d'Ottawa). Amnesty

International appelle le gouvernement soudanais à mettre en oeuvre intégralement les

dispositions de la Convention d'Ottawa, et notamment dans la législation et la pratique

internes au pays.

2.1.4 Enlèvements, arrestations, torture et exécution de prisonniers

Les attaques au sol des Janjawid ont été parfois suivies d'enlèvements de civils. On

ignore tout du lieu où se trouvent les personnes enlevées citées ci-dessous ou du

traitement qu'elles ont subi . Amnesty International est préoccupée du fait que ces gens

ont peut-être "disparu".

Deux femmes du village de Fuja auraient été enlevées par des membres d'une milice

arabe alors qu'elles étaient en route vers le Tchad en août 2003. Il s'agit de Hawa Sabun

Ishak, 25 ans, et Hura Sabun, 40 ans. Leurs proches, réfugiés au Tchad, n'ont eu aucune

nouvelle d'elles depuis lors. Ils ne savent pas si elles sont encore vivantes.

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Trois hommes du groupe ethnique Dorok auraient été enlevés par les Janjawid après

l'attaque du village d'Abu Jidad au début août : Ahmed Ibrahim Abdallah, 28 ans, Abud

Fadl, 27 ans et Musa Ahmed, 25 ans. À ce jour, on ignore tout du lieu où ils se trouvent.

Le maire d'Abu Gamra, Kitir Mohamed Adam, a parlé aux délégués d'Amnesty

International de l'enlèvement de deux jeunes filles par les Janjawid au cours de l'attaque

contre Abu Gamra, le jour du marché.

" Cet homme a été abattu alors qu'il essayait d'échapper aux milices sur son cheval. Sa

fille et une autre femme s'enfuyaient aussi mais l'une d'elles a vu son père se faire abattre

et elle est revenue pour le secourir. Le père a donné à sa fille un fusil qu'il avait pour que

les deux femmes puissent se défendre. Les Arabes ont pris le fusil aux femmes, les ont

frappées et forcées à monter sur leurs chevaux. Ils les ont emmenées. Elles s'appelaient

Hawa Abdel Rahman Kitir, 28 ans, et Fatima Ahmed Issa, 32 ans."

A Garadai, près de Silaya, l'enlèvement d'une trentaine d'hommes par les Janjawid a été

signalé. Les villageois de Garadai sont sans nouvelles d'eux depuis lors : " Nous ignorons

où ils les ont emmenés. Peut-être pour les tuer ou pour leur soutirer des renseignements ."

Ils nous ont donné leurs noms :

- Abdallah Adam, 40 ans, commerçant

- Abdallah Aker, 42 ans, commerçant

- Musa Isa, cultivateur, 30 ans

- Ahmed Ishak, cultivateur, 37 ans

- Abdallah Ahmed Ibrahim , cultivateur, 40 ans

- Mohamed Ibrahim Adam, cultivateur, 50 ans

- Dini Mohamed, cultivateur, 35 ans

- Yahya Izrik, cultivateur

- Mohamed Abu Adam, cultivateur, 25 ans

- Adam Abdu, cultivateur, 45 ans

- Musa Yaqub, cultivateur, 45 ans

- Mohamed Abaker, cultivateur, 60 ans

A Jizu près de Silaya, une douzaine d'hommes, tous cultivateurs, ont également été

enlevés après une attaque. On les aurait attachés et forcés à marcher devant les chevaux

des Janjawid. Voici leurs noms :

- Abdallah Ali, 35 ans

- Jir Abdallah, 25 ans

- Bachir Suleiman, 27 ans

- Yahya Abdel Rahman, 25 ans

- Abakar Issa, 25 ans

- Mamad Khalil, 45 ans

- Mohamed Suleiman, 45 ans

- Abdallah Abdallah, 45 ans

- Anwar Ibrahim, 50 ans

- Taher Ahmed Mohamed, 25 ans

- Bishara Abdallah, 35 ans

- Din Ibrahim, 25 ans

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A Turlili au nord de Silaya, 12 personnes auraient été enlevées, et notamment Abaker

Adam Omar, 40 ans, et Abdel Aziz Hassan, 27 ans.

Idris Suleiman, 30 ans aurait été enlevé par les Janjawid avec d'autres personnes du

village d'Usha, au sud de Silaya. Les autres personnes enlevées étaient:

- Mohamed Suleiman 50 ans, commerçant

- Mohamed Dein, 40 ans, commerçant

- Adam Abo, 60 ans, commerçant

- Yahya Issa, 35 ans, cultivateur

- Yahya Omar, 36 ans, cultivateur

- Bahar Amer

- Abdel Karim Yaqub

- Dahab Mohamed

- Mohamed Nigui

- Et trois femmes dont on ne connaît pas le nom.

Les délégués d'Amnesty International ont appris qu'un autre groupe de 22 personnes

avaient été enlevées par les Janjawid sur le marché de Suani près d'El Geneina et

torturées. L'une d'entre elles, Arabi Anjol, a été exécutée sommairement d'une manière

qui semble avoir été totalement délibérée. Amnesty International craint que d'autres

personnes enlevées qui sont nommés dans ce rapport n’aient pu subir le même sort.

Deux des hommes qui se trouvaient parmi les 22 qui ont été enlevés et sont parvenus à

s'échapper ont raconté leurs épreuves aux délégués d'Amnesty International :

" Le 12 août, les Arabes ont encerclé le marché. Ils voulaient se venger, c'est pour cela

qu'ils nous ont fait ça. D'abord les gens ont commencé à fuir et les Arabes ont dit qu'ils ne

nous feraient pas de mal. Alors nous avons cessé de fuir. Ils ont choisi certaines

personnes au hasard et les ont attachées au milieu du marché devant tout le monde. Ils

nous ont forcés à nous accroupir avec des pierres derrière les genoux. Ils nous ont laissés

sous le soleil et ont commencé à nous battre. L'un d'entre nous, Arabi Anjol, a eu le bras

cassé de cette façon."

" Au coucher du soleil, ils nous ont forcés à partir avec eux, en courant devant leurs

chevaux. Ils nous ont conduits à leur camp militaire où il y avait des soldats et un

bâtiment avec des canons à l'intérieur. Le camp est dirigée par quelqu'un de l'armée

soudanaise et par un autre. Ils nous ont laissés dehors et nous ont battus à coups de

pierres et de crosses de fusil . Ils disaient :" Nous sommes les Arabes, nous avons la

priorité, vous êtes les Noirs"; " le gouvernement nous donne des armes et vous ne pouvez

pas rester au Soudan, nous vous tuerons et nous prendrons vos biens". Il nous ont posé

des questions . Arabi Anjol, qui avait le bras cassé, ne répondait pas. Alors ils l'ont mis à

part et l'ont tué de deux coups de fusil. Ensuite ils ont parlé à leurs chefs d'El Geneina.

On nous a transférés à El Geneina et le chef des Janjawid nous a demandé si nous avions

des armes. Nous avons dit que non et il nous a laissé partir."

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"Il y a cinq d'entre nous qui souffrent encore à cause des tortures, notamment un qui a été

frappé à l'oeil, nous pensons qu'ils sont à l'hôpital d'Al-Jeneina. Les autres sont encore

avec leur famille à El-Jenina. Nous avons entendu dire qu'il y a eu une inculpation contre

eux; ils seront jugés par les autorités, nous ne savons pas pourquoi."

Les forces gouvernementales régulières, et notamment l'armée, les services du

renseignement militaire et les forces de sécurité ont procédé à de nombreuses arrestations

au Darfour depuis le début du conflit. Des gens appartenant aux ethnies Four, Zaghawa et

Masaalit, en particulier les chefs de village, ont été pris pour cible. Ces arrestations ont

fait l'objet de nombreuses actions urgentes d'Amnesty International au cours de ces

derniers mois. Un grand nombre des personnes arrêtées ont été détenues au secret et

torturées. Par exemple, Adam Hassan Abdel Rahman a été arrêté le 2 mai 2003 dans la

ville de Tina au Soudan et emmené par avion dans les bureaux du renseignement militaire

à El-Fasher13

. Il aurait été détenu au secret sans inculpation pendant quatre mois. On

l'aurait battu et torturé à l'électricité. Selon nos informations il était mal nourri et n'avait

qu'une tasse d'eau par jour et il se trouvait dans une cellule avec 25 autres, sans toilettes.

Trois personnes seraient mortes dans ce même lieu de détention , Sheri' Abdel Rahman,

de Tine, Abdel Rahim Taharja, avocat à Kutum, et Hagar Yusuf Hagar, qui serait mort de

maladie sans avoir vu un médecin . Hamed a été libéré le 13 septembre 2003 dans le

cadre d'un accord entre le gouvernement soudanais et l'ALS obtenu grâce aux bons

offices des Tchadiens.

Les réfugiés soudanais rencontrés au Tchad ont raconté d'autres arrestations aux délégués

d'Amnesty International. AI a cherché à obtenir des autorités soudanaises une liste

complète des personnes détenues en lien avec le conflit au Darfour, mais n'a reçu aucune

réponse.

A Kutum, l'arrestation des gens a été signalée avant que les combats se déroulent entre

troupes gouvernementales et groupes armés d'opposition à la fin juillet. Al-Hadi Adam

aurait été arrêté par le gouvernement et on reste sans nouvelles de lui.

Autour de Silaya, d'autres personnes ont été arrêtées dans les mois précédant les combats.

Parmi elles Adam Abdallah aurait été enchaîné et frappé lors de son arrestation ; Abaker

Adum, fermier âgé de 37 ans, qui a été arrêté sur la route de Silaya, et Ismaïl Yahya,

cultivateur de 40 ans qui a été arrêté sur la route de Silaya en juillet. Leurs amis n'ont plus

entendu parler d'eux. Ils suggèrent qu'ils sont peut-être détenus à la prison d'El Geneina .

Un commerçant, Ishaq Abdallah, a aussi été arrêté en juin 2003 au village de Kongok, au

nord-est d'El Geneina après que les Arabes se seraient plaints au gouvernement qu'il

révélait leurs secrets. Personne ne l'a vu depuis.

Dans le cadre du cessez-le-feu de septembre avec les bons offices des autorités

tchadiennes, le gouvernement et l'ALS ont échangé leurs prisonniers. Ceux qui étaient

détenus par le gouvernement n'étaient pas des prisonniers de guerre ; beaucoup n'étaient

pas des combattants, ils étaient simplement détenus parce que soupçonnés de sympathiser

13

Voir Craintes pour la sécurité/Craintes de torture et mauvais traitements, Action Urgente d'Amnesty

International, 23 juillet 2003, (Index AI: AFR 54/064/2003)

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avec les idées de l'opposition armée, parce qu'ils appartenaient au même groupe ethnique

ou jouissaient d'une position en vue au sein de leur communauté. Cependant , l'ALS

prétend que 28 personnes arrêtées n'ont pas été libérées et craint qu'elles n'aient fait

l'objet d'exécutions extrajudiciaires. Parmi elles se trouveraient :

-Mohammad Adam Musa ( qui aurait une jambe cassée )

- Abaker Tikki Jamus

- Mustafa al-Tom Hari

- Saleh Omar Shaikh al-Din

- Ibrahim Khater Arja

- El-Damarja Hamed

- Hamed Bijja Ambedda

- El-Sadeq Ali Abdallah

- Mohammad Jiddu Karkur

- Abdel Majed Hamed

- Ibrahim Jaber Musa

- Yaqub Yunus Har

- Ahmad Issa Nahar

- Ibrahim Ahmad Ismaïl

- Abdel Rahman Sharif Ali

- Suleiman Ismaïl Omar

- Khater Ismaïl Abdallah

- Tukar Ahmad Yaqub

- Yahya Bashir Bush

- Omar Musa Ibrahim

- Ahmad Yaqub Mohammad

- Hassan Baqeira Arba

- Bashir Ali Aqid

- Mukhtar Ishaq Saleh

- Musa (nom de famille inconnu)

2.2 Atteintes aux droits humains par les groupes politiques armés 2.2.1 Signalements d'homicides illégaux et de pillages

Le réseau d'information de l'ONU, IRIN, a signalé le 30 juillet que "les rebelles de l'ALS

attaquaient et pillaient régulièrement les villages, emportant la nourriture et parfois tuant

les gens", selon des organisations humanitaires. "Le 19 juillet, ils ont attaqué la ville de

Tawila, à 60 kilomètres d'El Fasher, tuant deux policiers et deux civils. [...] des

agresseurs armés inconnus ont attaqué une réserve de céréales, un dispensaire et un

marché local dans le village de Mado de la région de Saya, pillant la nourriture, les

meubles et les médicaments [...]14

. »

Le 2 janvier 2004 , " l'opposition armée aurait attaqué le village de Sharaya, au Darfour

méridional, tuant entre 4 et 6 policiers et soldats, et pillant le marché local ", selon IRIN.

Le gouverneur du Darfour occidental a déclaré que "il n'y avait pas de troupe armée dans

14

"L'insécurité serait généralisée au Darfour", IRIN, 30 juillet 2003

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le voisinage et les quelques policiers et personnels de sécurité ont été pris par surprise et

ne s'attendaient pas à une telle attaque par une aussi grande bande de hors-la-loi

lourdement armés15

. »

Amnesty International a reçu très peu d'informations concernant les homicides de civils

par l'opposition armée, l'ALS et le JEM. C'est peut-être parce qu'ils ne se sont pas

produits sur une grande échelle, ou parce que l'Organisation n'a pas rencontré leurs

victimes, ou parce que les civils ne signalaient que les atteintes commises par ceux qu'ils

considèrent comme les agresseurs. Amnesty International a demandé aux autorités

soudanaises de fournir des informations concernant les violations commises par

l'opposition armée, et notamment tout cas de soldat gouvernemental qui aurait été capturé

puis libéré, mais n'a pas reçu de réponse qui contienne des exemples précis de telles

atteintes. Cependant, dans certains cas, les groupes politiques armés semblent avoir mis

en danger des vies civiles. Après avoir pris le contrôle de certaines villes ou villages il

semble qu'ils n'aient pas pris les précautions de base pour limiter les effets sur les civils

d'attaques par les forces gouvernementales et leurs alliés. Ces précautions supposent

notamment de veiller à ce que des objectifs militaires ne soient pas situés près des zones à

forte densité de population. Mais cette lacune apparente de la part de l'opposition armée

ne change en rien l'obligation du gouvernement et des forces qui le soutiennent de ne pas

se livrer à des attaques directes, indiscriminées ou disproportionnées sur la population

civile ou des objectifs civils. Tina et Kornoy ont été bombardées à plusieurs reprises par

l'aviation soudanaise lorsqu'elles ont été prises par l'opposition armée, alors que les civils

étaient encore présents dans ces villes . Kutum a été également violemment bombardée à

la fin juillet et en août. Quand l'ALS s'est retirée de Kutum le 3 août, elle a déclaré partir

pour que les civils ne soient pas bombardés par le gouvernement soudanais. Deux jours

plus tard, les Janjawid attaquaient Kutum et tuaient des gens délibérément.

2.2.2 Arrestations et détentions par des groupes d’opposition armés

Amnesty International a demandé aux autorités soudanaises des informations sur le

nombre de soldats gouvernementaux arrêtés et libérés par l'opposition armée et la façon

dont ils avaient été traités pendant leur détention par l'ALS. Mais le gouvernement

soudanais n'a fourni aucune information sur ces questions.

Amnesty International a appris que six personnes 16

avaient été arrêtées et torturées par le

mouvement Justice et Egalité (JEM). Le 18 septembre, des membres armés du JEM ont

encerclé la maison où demeuraient six hommes à Jirjira, au sud de Tina, Darfour

septentrional. L'un a été frappé à la tête à coups de crosse de fusil et les autres attachés

avec des chaînes. Ils ont tous été frappés sur la tête et le corps . Les membres du JEM

auraient alors placé un mélange d'acide, de piment et d'essence dans la bouche, le nez et

les oreilles de deux d'entre eux. Tous les six ont été transférés dans un endroit situé en

brousse jusqu'à la mi-octobre. Les deux hommes torturés auraient perdu les cheveux,

vomi du sang et perdu en partie la vue des suites de torture. Les quatre autres sont

parvenus à s'échapper pendant les combats autour de Kulbus. Des représentants du JEM

15

"Six membres des forces de sécurité soudanaises tués au Darfour par des rebelles", AFP, 4 janvier 2004. 16

Le nom des personnes qui auraient été arrêtées n'est pas donné pour protéger leur identité.

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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ont déclaré à Amnesty International en décembre qu'ils avaient été faits prisonniers parce

qu'ils étaient des "agents du gouvernement " mais ils ont nié avoir connaissance du fait

qu'ils aient été torturés. En décembre, les deux "prisonniers" restants ont été libérés après

avoir reçu des médicaments.

3. La responsabilité des autorités soudanaises dans les graves violations des droits humains commises au Darfour Les témoignages nombreux et concordants des réfugiés soudanais du Darfour , ainsi que

d'autres informations recueillies par Amnesty International sur la situation des droits

humains au Darfour, montre clairement la responsabilité du gouvernement soudanais

dans des attaques mortelles contre des civils. Le bombardement de civils et des objectifs

civils est effectué par l'aviation soudanaise. De plus, de nombreux témoins oculaires

d'attaques au sol contre des villages du Darfour ont clairement signalé la présence

conjointe et la coordination entre des éléments de l'armée soudanaise et les Janjawid dans

ces attaques. Amnesty International tient le gouvernement soudanais pour responsable

des graves atteintes aux droits humains commises par ses forces armées et les milices

armées qui sont ses alliés au Darfour.

Même si certains représentants du gouvernement ont nié qu'il existe des liens entre le

gouvernement et les Janjawid , de nombreuses informations montrent qu'au moins

certains éléments de l'armée soudanaise au Darfour collaborent avec les Janjawid pour

commettre de graves violations des droits humains. Bien des personnes attaquées au

Darfour pensent que les autorités soudanaises utilisent les Janjawid comme supplétifs

dans leur stratégie contre-insurrectionnelle au Darfour. Le droit international tient les

parties à un conflit responsables des abus commis par les forces irrégulières placées sous

leur "contrôle général" .

De plus, le gouvernement soudanais n'a ni condamné les atteintes aux droits humains

graves et nombreuses commises au Darfour et signalées par des militants locaux de la

société civile, chefs de village, journalistes et organisations non gouvernementales, ni

mené d’enquête transparente sur ces atteintes. Amnesty International considère que par

son silence, le gouvernement soudanais excuse ou encourage de nouvelles atteintes.

L'impunité avec laquelle les milices des Janjawid ont agi au Darfour est un autre signe

qui montre la réticence du gouvernement à rendre des comptes sur sa responsabilité dans

la crise des droits humains au Darfour.

Amnesty International pense qu'il existe des preuves claires de la coopération entre

Janjawid et forces gouvernementales ; le gouvernement devrait soit cesser de soutenir les

Janjawid soit les soumettre à un strict contrôle hiérarchique et faire en sorte qu'ils rendent

des comptes pour les graves atteintes aux droits humains qu'ils ont perpétrées. Dans un

cas comme dans l'autre, le gouvernement doit prendre des mesures appropriées

concernant toutes les atteintes aux droits humains ou au droit humanitaire qui ont été

signalées, qu'elles soient le fait des Janjawid ou d'autres milices associées au

gouvernement, des forces gouvernementales, ou de différentes forces coopérant entre

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elles. Tous ces cas devraient faire sans retard l'objet d'enquêtes indépendantes et leurs

auteurs devraient être traduits en justice.

3.1 Bombardements et attaques par les forces du gouvernement

L'armée soudanaise possède des avions Antonov et des hélicoptères de combat. Dans ce

document, Amnesty International a décrit de nombreux cas de bombardements directs ou

aveugles sur des civils. Il y a de nombreux autres cas qui ne sont pas repris dans ce

rapport mais qui ont été signalés par différents observateurs ou groupes de la société

civile qui suivent la situation au Darfour. Chacun de ces cas mérite une enquête complète,

indépendante et impartiale, qui devrait conduire à rendre des comptes ceux qui ont

commis ou ordonné de graves violations du droit humanitaire international.

Plus convaincants encore sont les témoignages concordants d'innombrables civils

attaqués, dans différentes parties du Darfour, à la fois par les Janjawid et par des éléments

de l'armée soudanaise. À tout le moins, le gouvernement soudanais devrait enquêter sur

ces graves allégations. Lorsque des soldats commettent de tels crimes, cela constitue une

violation du droit international humanitaire et relatif aux droits humains. La collusion

entre certains soldats et des milices 'irrégulières' indique une stratégie militaire qui vise à

déplacer de force une partie d'une population considérée comme sympathisant avec

l'opposition armée. Le gouvernement soudanais doit expliquer aux Soudanais du Darfour

et à la communauté internationale les cas signalés de présence et de participation de

membres de sa propre armée dans les attaques contre des villages.

3.2 Informations montrant les liens entre les milices Janjawid ou 'arabes' et le gouvernement

Comme nous l'avons dit plus haut, le conflit semble prendre une tournure raciale. Les

groupes politiques armés prétendent que les "Noirs" ont fait l'objet de discrimination de

la part du gouvernement. Le discours utilisé par les Janjawid et rapporté par les civils

qu'ils ont attaqués montre qu'ils croient agir comme des forces armées contre-

insurrectionnelles dans le conflit du Darfour. Leurs paroles montrent qu'ils sont confiants

dans l'appui du gouvernement à leurs actions.

Un cultivateur réfugié du village de Kishkish a rapporté aux délégués d'Amnesty

International les termes utilisés par la milice : " Vous êtes noirs et vous êtes des

opposants. Vous êtes nos esclaves, la région du Darfour est entre nos mains et vous êtes

nos bergers." Ils auraient dit également :"Vous êtes des esclaves, on vous tuera. Vous êtes

comme de la poussière, on vous écrasera" . Un autre aurait dit à un civil attaqué :"Vous

êtes dans les champs, le reste est pour nos chevaux. Nous avons le gouvernement de notre

côté à droite et vous vous êtes à gauche. Il n'y a rien pour vous."

Un civil de Jafal a confirmé cela en rapportant les paroles des Janjawid :"Vous êtes les

opposants au régime, nous devons vous écraser. Comme vous êtes Noirs, vous êtes

comme des esclaves. Ensuite toute la région du Darfour sera entre nos mains. Le

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gouvernement est de notre côté. L'avion du gouvernement est de notre côté pour nous

donner des munitions et de la nourriture."

D'autres informations données par les victimes du conflit montrent que les actions

militaires des Janjawid sont bien organisés, et souvent coordonnées avec des éléments de

l'armée gouvernementale soudanaise. Plusieurs personnes du même village ont dit aux

délégués d'Amnesty International:

" Le chef des Arabes ... donne des auxiliaires à l'armée ... le commandant en chef des

Janjawid est basé à El Geneina. Il y a un camp militaire appelé Guedera où ils entraînent

des hommes. Ce n'est pas un secret. Ils s'organisent à El Geneina, et puis les avions vont

dans ce camp."

Un villageois de Meramta, près d'El Geneina, a expliqué : " Ici l'avion ne nous

bombarde pas. Il donne des munitions aux Janjawid, des armes et de la nourriture. Ils ont

des camps où ils se retrouvent : Guedera et Dedengita, à environ 25 kilomètres du village.

Ces camps existent depuis quatre mois, avant il n'y avait rien. Des hélicoptères viennent

aussi les approvisionner."

Plusieurs sources ont indiqué la présence de dirigeants des Janjawid à El Geneina au

Darfour occidental. Ils auraient là un bureau, et on les verrait parader dans les rues de la

ville avec des armes. Il y aurait douze camps militaires des Janjawid autour de la même

ville ce qui empêcherait les personnes déplacées qui fuient la campagne peu sûre de venir

en ville .

Toutes les victimes d'attaques ont décrit les Janjawid comme étant bien armés et bien

équipés. Ils sont en majorité vêtus d'uniformes militaires et souvent accompagnés de

soldats à bord de véhicules militaires. Les types d'armes décrits par les réfugiés sont des

kalachnikovs, des bazookas, des fusils tels que les G3 ou les FAL belges. Amnesty

International est préoccupée du niveau d'armement de ces troupes irrégulières.

Après l'échec des négociations sur le Darfour au Tchad, le président du Soudan Omar El

Béchir a déclaré à la télévision soudanaise sous contrôle de l'Etat :" Nous utiliserons

l'armée, la police, les moudjahidin, les cavaliers pour nous débarrasser de la rébellion."17

.

Certains représentants du gouvernement soudanais ont déclaré à Amnesty International

que le terme moudjahidin désignait les Forces de défense populaire, forces paramilitaires

créées par le gouvernement qui ont combattu aux côtés de ses troupes dans le sud.

A une autre occasion, le Commissaire à l'aide humanitaire, le docteur Salaf El Din, a

semblé confirmer que le gouvernement avait appelé les groupes ethniques du Darfour à

soutenir le combat du gouvernement contre les rebelles. Ses paroles ont été rapportés

ainsi :"Certains s'engagent et d'autres pas. Ceci ne signifie pas que le gouvernement prend

parti contre un groupe". 18

.

17

"Soudan: Des milliers de personnes fuiraient devant la reprise des combats au Darfour", IRIN, 4 janvier

2004. 18

L'escalade de la crise au Darfour, IRIN, 31 décembre 2003.

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3.3 Ni condamnation ni enquête sur les violations de la part du gouvernement

Selon les informations dont dispose Amnesty International, le gouvernement n'a pas,

excepté dans trois occasions, condamné les attaques contre des civils et les graves

violations des droits humains commises par ses soldats ou par l'aviation soudanaise au

cours du conflit. Le silence des autorités au sujet des atrocités commises par les Janjawid

suggère que leurs actes sont excusés, sinon encouragés, par le gouvernement. Les

personnes qui s'expriment ouvertement contre les violations des droits humains au

Darfour sont arrêtées, détenues au secret et torturées. Des journaux ou journalistes qui ont

rapporté l'activité militaire au Darfour ont été suspendus ou interrogés. Le niveau de la

répression est tel que les gens ont peur de parler ouvertement. L'impunité qui en résulte

pour des exécutions délibérées, homicides illégaux, mutilations, tortures, enlèvements et

arrestations arbitraires de civils, ne peut que contribuer à perpétuer les atrocités au

Darfour.

Le gouvernement n'a annoncé qu'à deux occasions que des enquêtes seraient menées sur

des cas particuliers d'homicides signalés.

Le niveau des atrocités commises à Kutum, en particulier les exécutions sommaires par

les Janjawid prenant pour cible des marchands très connus, ont fait scandale au Soudan.

Selon la radio soudanaise, le gouverneur du Darfour septentrional a refusé d'admettre

qu'il y ait un lien quelconque entre le gouvernement et les Janjawid, et a annoncé la

création d'une commission d'enquête sur cette affaire. Cette commission d'enquête, selon

nos informations, était composée de cinq membres. Amnesty International ignore si les

membres de cette commission ont pu librement rencontrer les victimes et témoins des

attaques. Cinq mois plus tard, les conclusions ou recommandations de cette commission

n'ont toujours pas été rendues publiques.

A Habila, au Darfour occidental, un bombardement aurait tué 26 personnes en août 2003,

notamment des civils et des soldats de l'armée gouvernementale dans une garnison

voisine. Le 10 septembre 2003, le Ministre de la défense a déclaré que ce bombardement

était une erreur, que les victimes étaient des martyrs, et il a créé une commission formée

de militaires pour enquêter sur cet incident. Amnesty International regrette qu'on n'ait pas

mis en place une enquête indépendante. Les conclusions de ces investigations n'ont pas

été rendues publiques non plus.

Une déclaration de l'Ambassade de la République du Soudan au Royaume-Uni, en date

du 19 janvier 2004, condamnait les atteintes commises au Darfour. Selon celle-ci, "Des

groupes d'hommes en armes menacent la vie, la liberté et les biens de civils innocents et

sont impliqués dans des vols à main armée, enlèvements, kidnappings, nombreux

homicides indiscriminés, terrorisant les civils, hommes, femmes et enfants . [...] Les

bandes infâmes de Janjawid sont les plus connues de ces groupes et le gouvernement fera

tout le nécessaire pour imposer la loi et l'ordre dans les zones concernées par ces

activités." Amnesty International appelle le gouvernement à tenir ses engagements et ses

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obligations en vertu du droit international et d'ouvrir sans retard des enquêtes

transparentes et impartiales concernant les atteintes commises aussi bien par les Janjawid

que par ses forces armées.

4. La menace d'une crise humanitaire

Le nombre de civils affectés par ce conflit ne se limite pas à ceux qui ont été tués ou

blessés par les attaques. Ceux qui ont survécu aux attaques et ont fui sont confrontés à de

nouvelles atteintes contre leur droit à une protection adéquate et à l'assistance

humanitaire. Le niveau d'insécurité dans cette région, l'éloignement des secteurs au

Darfour et au Tchad où des civils se sont réfugiés, et les restrictions du gouvernement

soudanais concernant l'aide et l'assistance, tous ces facteurs alimentent la crise

humanitaire dans la région. Selon les rapports les plus récents de l'ONU et des

organisations humanitaires, plus de 1 100 000 civils du Darfour sont affectés par la

guerre .

4.1 La situation des réfugiés soudanais au Tchad 4.1.1 Une insécurité continuelle pour ceux qui recherchent un abri sûr

Des civils qui s'enfuyaient au Tchad ont été attaqués sur la route . Les 100 000 d'entre

eux qui ont trouvé refuge de l'autre côté de la frontière avec le Tchad ont dû faire face à

des attaques transfrontalières par des milices arabes soudanaises. Ces agressions portent

gravement atteinte au respect du caractère exclusivement civil et humanitaire de l'asile.

Des civils que les délégués d'Amnesty International ont rencontrés ont raconté à quel

point leur voyage vers le Tchad avait été dangereux .

Sarfa Adam, de Basao, a déclaré:

" Les enfants de ma soeur avaient des animaux ; ils ont emmené les animaux au Tchad à

travers la frontière. Les Arabes étaient 300, à cheval, ils les ont attaqués. Ils en ont tué

trois: Ahmed Suleiman, 30 ans, son frère Hassan Suleiman, 20 ans, et Dio Ismaïl, 30

ans."

Osman Yahya Kitir, de Garadai, a déclaré:

"Certains d'entre nous sont venus ici, d'autres ont fui vers la ville de Silaya au Soudan.

Nous sommes revenus au village pour enterrer nos morts, et tous les survivants avaient

fui. Il nous a fallu trois jours pour venir au Tchad. Nous devions nous cacher pendant la

journée et voyager la nuit. Il y avait des soldats et des milices arabes le long de la route .

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Un réfugié soudanais handicapé qui a fui l’attaque de son village au Darfour ©AI

Certains des civils qui s'enfuyaient au Tchad ont été victimes d'attaques transfrontalières

par les Janjawid, qui ont tué des gens et volé des animaux .

Des réfugiés de Kolkol près d'Adre ont déclaré aux délégués d'Amnesty International :

"Les Arabes nous ont attaqués au Soudan et ils ont pris notre bétail. Ils sont venus aussi

ici au Tchad, ils ont pris 442 vaches et tué une femme. Son nom était Aïcha Idris."

Le HCR a signalé plusieurs attaques du même type à travers la frontière.19

De plus, le 29 janvier 2004, l'aviation soudanaise aurait bombardé Tina sur la frontière

tchadienne. Des bombes seraient tombées du côté tchadien de la frontière, tuant deux

civils et en blessant au moins dix parmi la population réfugiée .

4.1.2 Situation humanitaire critique des réfugiés soudanais au Tchad

Bien que les réfugiés soudanais au Tchad aient insisté sur le point qu'ils avaient plus de

chance que ceux qui étaient restés au Soudan, ils se trouvaient dans une situation difficile

au Tchad. L'est du Tchad est une région reculée, souvent affectée par la sécheresse, qui a

peu d'infrastructures et où les organisations humanitaires ne sont guère présentes.

Certains des réfugiés qui se trouvaient au Tchad depuis avril ou mai 2003 n'ont pu être

atteints avant le mois d'août en raison de la saison des pluies. Tant que les oueds étaient

pleins d'eau, les villes tchadiennes de Tina, Birak et Adre étaient coupées du reste du

pays .

Bien que les réfugiés aient été bien accueillis par la population locale, qui partage avec

eux ses moyens limités de subsistance depuis plus de sept mois au moment de la

19

Bulletin d'information du HCR, 9 décembre 2003.

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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rédaction de ce rapport, la plupart d'entre eux vivent quand même dans des conditions

précaires . Les délégués d'Amnesty International se sont rendus sur huit sites où les

réfugiés se trouvaient : Tina 1, Tina 2, Birak, Adre, Birkengi, Nakuluta, Kolkol et Agan.

A Tina 1, les réfugiés habitaient dans des cabanes faites de toiles et de bâtons trouvés sur

place. En d'autres endroits, ils habitaient dans des abris précaires faits des branchages

qu'ils avaient pu trouver dans cette région semi-désertique.

Abris de fortune pour les réfugiés ©AI

Abris de réfugiés faits de branches sèches à Adré ©AI

Au moment de la mission d'Amnesty International sur le terrain en novembre 2003, une

aide était distribuée par le HCR seulement aux plus vulnérabless et géographiquement

accessibles parmi la population réfugiée . Les délégués d'Amnesty International ont vu

que les réfugiés étaient obligés de creuser profondément le sable pour trouver de l'eau,

qui était boueuse. Beaucoup de réfugiés arrivaient au Tchad avec les seuls vêtements

qu'ils portaient sur eux au moment de leur fuite. Les conditions climatiques extrêmes

signifient qu'il fait très chaud dans la journée et froid la nuit. De plus, les réfugiés

arrivaient dans des endroits où il n'y a pas de toilettes ni d'autres installations sanitaires.

L'infrastructure médicale réduite sur les zones frontalières du Tchad, malgré les efforts de

l'organisation Médecins sans frontières (MSF) pour installer ces équipements et des

centres d'accueil, rend la situation compliquée. En décembre 2003, environ 20 000

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nouveaux réfugiés seraient arrivés au Tchad. Le 23 janvier 2004, on signalait que 18 000

nouveaux réfugiés avaient traversé la frontière 20

.

De nombreux réfugiés ont aussi souligné les difficultés rencontrées par leurs enfants, et

surtout l'absence de possibilités de scolarisation.

Groupe de garçons réfugiés autour d’Adré ©AI

A Tina 2, les réfugiés ont montré aux délégués d'Amnesty International une grande hutte

qu'ils avaient construite comme école pour leurs enfants. Ils étaient ennuyés que leurs

enfants aient manqué l'école depuis des mois en raison du conflit au Darfour. Cependant,

ils signalaient que les autorités locales étaient réticentes pour contribuer à la scolarisation

de leurs enfants, apparemment parce que les systèmes éducatifs du Soudan et du Tchad

étaient trop différents. Dans les camps autour d'Adré, les parents et les écoliers qui

avaient fui au Tchad ont également évoqué la préoccupation due au manque de

possibilités de scolarisation. Ils ont tous souligné qu'ils considéraient la scolarisation des

enfants et des étudiants comme prioritaire.

20

Bulletin d'information du HCR, 23 janvier 2004

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Une grande hutte construite par les réfugiés à Tine 2 pour servir d’école à leurs enfants ©AI

Le HCR a été gêné dans ses efforts d'assistance par le manque d'infrastructures et le

nombre énorme de réfugiés. À la mi-janvier 2004, l'agence a commencé à réinstaller les

réfugiés soudanais sur des sites suffisamment éloignés de la frontière trop peu sûre, en

accord avec les normes internationales du droit des réfugiés 21

, et pour organiser

correctement l'enregistrement de ces personnes. Deux camps ont été construits, Farchana,

à 55 kilomètres de la ville frontière d'Adré, capable d'accueillir entre 10 000 et 12 000

réfugiés, et Saranh, dans le secteur d'Iriba au nord de Tina, avec une capacité pouvant

atteindre 20 000 personnes, ainsi que Kounoungo, près de Guereda, qui pouvait contenir

8 000 personnes 22

. D'autres sites devront être trouvés et équipés pour accueillir plus de

100 000 réfugiés et fournir une protection et une assistance adéquates à ceux qui sont

arrivés au cours de ces derniers jours.

La réinstallation sur des sites à 50 kilomètres de la frontière est essentielle pour la

sécurité des réfugiés. Amnesty International pense que la communauté internationale doit

faire un effort urgent et massif pour finir de réinstaller tous les réfugiés avant le début de

la prochaine saison des pluies en mai 2004. Pour sauver d'autres vies, il faut surmonter

les difficultés qu'on signale pour trouver des sites au Tchad disposant d'eau, ainsi que les

obstacles logistiques dûs à l'éloignement de ce secteur, à l'afflux continu et au nombre

très important de réfugiés.

4.2 Refus de protection et d'assistance aux personnes déplacées au Darfour

Au Darfour même, des centaines de milliers de personnes déplacées ont afflué dans les

villes, qui n'ont pas la capacité suffisante pour faire face à tant de nouveaux arrivants, et

d'autres ont cherché refuge dans la brousse ou dans des zones contrôlées par l'opposition

armée. En dehors des quelques estimations faites par les organisations humanitaires dans

21

La Convention de l'OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique

(Convention de l'OUA) demande aux gouvernements des pays d'accueil d'installer les réfugiés à une

distance raisonnable de la frontière pour des raisons de sécurité. (Article 2(6)) 22

"Enfin un refuge sûr pour les Soudanais sur des sites tchadiens", HCR, 19 janvier 2004.

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les secteurs ruraux ou les villes du Darfour septentrional, signalées comme étant sous le

contrôle de l'opposition armée pendant le cessez-le-feu dans cette région, les personnes

déplacées n'ont reçu aucune assistance .

Ceux qui ont cherché refuge dans des villes du Darfour ont parfois été repoussés par les

forces gouvernementales ou forcés de retourner dans leur village. Amnesty International

a reçu des informations concordantes et crédibles selon lesquelles les personnes

déplacées au Darfour ont été harcelées et se sont vu refuser la protection de l'armée

soudanaise, des Janjawid ou des autorités locales

De nombreux civils se sont enfuis vers la ville de Kabkabiya entre juin et août 2003. On

a signalé que 300 villages auraient été attaqués ou incendiés et détruits dans ce secteur.

De nombreuses personnes déplacées vivaient semble-t-il en plein air ou dans l'école de

Kabkabiya, n'ayant pratiquement aucun accès à l'aide humanitaire. Par exemple, des

centaines de personnes avaient fui après une attaque contre Shoba, village Four situé à 7

km au sud de Kabkabiya, le 25 juillet , par des milices armées portant des uniformes de

l'armée gouvernementale , au cours de laquelle au moins 51 habitants de Shoba, et

notamment beaucoup d'anciens, avaient été tués. Un barrage routier mis en place par des

soldats gouvernementaux les aurait empêchés pendant deux jours de retourner à Shoba

pour porter assistance aux blessés et enterrer leurs morts. En décembre 2003, des camps

de personnes déplacées de l'intérieur autour de Kabkabiya auraient été attaqués par les

Janjawid.

Des milliers de civils ont fui Kutum au début août 2003 et se sont réfugiés dans les

villages voisins ou en des lieux inconnus ou encore ont tenté de se rendre à El Fasher,

capitale du Darfour septentrional , à 80 kilomètres environ au sud-est de leur ville. Bien

que certains aient déclaré être parvenus à El Fasher, la plupart auraient été bloqués à

Kafut, un village à mi-chemin entre les deux villes, parce que l'armée soudanaise arrêtait

les civils qui voulaient encore se réfugier à El Fasher. On signale que des civils vivaient

sous les arbres, sans aucun moyen de subsistance, privés de nourriture, d'abris et de

vêtements, jusqu'à ce qu'une première estimation de leur situation soit autorisée par le

Gouverneur du Darfour septentrional .

Entre la fin septembre et le début octobre 2003, environ 24 villages habités par les Dajo

autour de Nyala auraient été attaqués et incendiés. Amnesty International a recueilli les

noms d'au moins 42 personnes tuées et 20 autres blessées au cours de ces attaques. On

signale qu'environ 3 000 personnes auraient fui pour se rapprocher de la ville de Nyala,

dans des endroits appelés Diraige et El Nil. Les autorités locales auraient posé comme

condition pour leur porter assistance qu'ils retournent dans leurs villages, même si ces

derniers avaient été incendiés et se trouvaient dans des secteurs peu sûrs soumis aux

attaques.

Amnesty International a reçu également des allégations selon lesquelles des personnes

déplacées venant de villages attaqués autour de Kutum auraient été forcées par les

autorités locales de prétendre qu'elles habitaient dans les maisons de gens qui avaient fui

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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la ville de Kutum au moment où un représentant de USAID se trouvait dans cette ville en

octobre 2003.

Les organismes humanitaires au Darfour ont été gênés dans leurs efforts pour parvenir

jusqu'aux personnes déplacées soit par l'insécurité soit par les restrictions

gouvernementales.

Neuf ouvriers soudanais transportant une aide en nourriture par camions auraient été tués

en octobre lors d'une attaque par un groupe armé non identifié 23

.

Quatre Soudanais travaillant pour Medair, une organisation d'aide internationale, et un

fonctionnaire gouvernemental ont été enlevés le 11 novembre alors qu'ils étaient, nous

dit-on, en train de distribuer des kits aux personnes déplacées. Ils ont été remis aux

autorités locales du Tchad par l'opposition armée des JEM. Les JEM ont dit qu'ils avaient

"porté secours" au groupe, qui avait tout d'abord été enlevé par des milices armées ou des

bandits 24

.

Les médias ont signalé que malgré les promesses gouvernementales de faciliter l'accès

des agences humanitaires, on leur refusait les autorisations pour voyager à destination de

ce secteur. 25

.

Pour éviter une crise humanitaire il est crucial que les organisations apportant de l'aide

puissent se rendre auprès des personnes déplacées de l'intérieur sans entraves et en toute

sécurité. Lors de la rupture des négociations pour un cessez-le-feu en décembre et de la

reprise des combats à grande échelle, les agences d'aide dépendant de l'ONU ont quitté El

Geneina, la capitale du Darfour occidental. Les autorités soudanaises ont imposé un

couvre-feu à El Geneina et Nyala.

Le 2 janvier, plusieurs milliers de personnes déplacées vivant autour de la ville de

Mornay ont été attaquées par les Janjawid et des soldats gouvernementaux. Ces gens

auraient alors quitté Mornay pour se rendre à El Geneina, à quelque 85 kilomètres de là.

D'autres villes et villages de la région d'El Geneina auraient été attaqués dans la même

période, et notamment Mestero, Beida, Habila . El-Geneina serait environnée de postes

militaires, et les personnes nouvellement déplacées ne seraient pas autorisées à pénétrer

dans la ville.

Le 15 janvier, les autorités locales de Nyala auraient fermé les camps où les personnes

déplacées de l'intérieur par le conflit vivaient autour de la ville, après avoir tenté de les

déplacer de force vers d'autres camps situés à une vingtaine de kilomètres de la ville26

.

Ces autres camps seraient situés dans des zones qui ne sont pas sûres en raison des

combats qui se poursuivent et ce serait la raison pour laquelle les personnes déplacées ne

23

"Des convoyeurs de l'aide humanitaire tués au Soudan", BBC en ligne, 28 octobre 2003. 24

"Incertitude autour des enlèvements au Darfour", IRIN, 25 novembre 2003. 25

"L'escalade de la crise au Darfour", IRIN, 31 décembre 2003. 26

MSF s'inquiète pour des personnes déplacées à la suite de la fermeture forcée de camps par les autorités

au Soudan, MSF, 15 janvier 2004.

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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voulaient pas y être réinstallées, craignant pour leur propre sécurité. De plus, ces

nouveaux camps seraient moins accessibles aux agences humanitaires présentes à Nyala

et mal équipés en eau, nourriture, abris et latrines pour accueillir les gens. Le

déplacement forcé de personnes déplacées contrevient aux dispositions du droit

humanitaire international.

L'ONU recommande actuellement un accord de cessez-le-feu humanitaire au Darfour qui

pourrait protéger les travailleurs humanitaires et apporter une aide vitale aux victimes du

conflit.

5. Droit international humanitaire et relatif aux droits humains

Le droit international relatif aux droits humains considère les exécutions extrajudiciaires

et autres homicides illégaux comme de graves violations des droits humains. Le Soudan a

ratifié de nombreux traités internationaux et régionaux en matière de droits humains, et

notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Charte

africaine des droits de l'homme et des peuples (Charte africaine) qui garantissent le droit

à la vie et interdisent les homicides illégaux, la torture et les mauvais traitements. Selon

le PIDCP, ces droits sont non-dérogeables et doivent toujours être protégés. Aucune

circonstance exceptionnelle quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de l'état

d'urgence, ne peut être invoquée par un gouvernement pour justifier la violation de ces

droits. De même, la Charte africaine n'autorise pas les Etats à déroger à leurs obligations

relatives au traité même sous l'état d'urgence.

Le droit international humanitaire, qui comprend les Conventions de Genève de 1949

auquel le Soudan est un Etat partie, régit la conduite des hostilités et offre certaines

protections aux civils et à ceux qui ne prennent pas une part active aux hostilités. L'article

3 commun aux quatre Conventions de Genève s'applique " dans le cadre d'un conflit armé

qui n'a pas un caractère international " et à " chaque partie au conflit ". Il prévoit la

protection des personnes qui ne prennent pas une part active aux hostilités, et notamment

des membres des forces armées qui ont déposé les armes ou qui sont d'une autre façon

hors de combat. Il exige que ces personnes soient traités humainement, interdisant

explicitement " la violence contre la vie et les personnes, en particulier les meurtres de

toutes sortes ", et de procéder à des exécutions en l'absence de certaines garanties

judiciaires. La destruction et le pillage de biens civils et moyens de subsistance sont

interdits par les Conventions de Genève.

Les parties à un conflit armé sont tenues de respecter le droit humanitaire international.

Elles sont responsables des violations de ce droit par leurs propres forces armées. En

particulier, les groupes politiques armés et les milices sont tenus de respecter le droit

humanitaire international. Les forces armées régulières des gouvernements sont tenues de

respecter aussi bien le droit humanitaire que le droit international relatif aux droits

humains. De plus, les Etats sont également responsables des violations du droit

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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international humanitaire et relatif aux droits humains commises par les autres forces qui

sont sous leur contrôle et leur autorité.

Le droit coutumier international codifié à l'article 13 (2) du Protocole additionnel II aux

Conventions de Genève (15) prévoit d'une manière générale que la population civile et

chaque civil individuellement doit bénéficier de la protection contre les dangers dus aux

opérations militaires. Il est interdit de faire de civils l'objectif d'attaques directes, et

d'actes ou menaces de violence, dont le but premier est de répandre la terreur dans la

population civile. De plus, l'article 13, par inférence, protège les civils des attaques

aveugles ou disproportionnées. (16) Le statut de civil est perdu seulement lorsqu'une

personne prend une part active aux hostilités et non pas seulement sur la base du soutien

ou de l'adhésion.

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale comprend une liste de crimes de

guerre (commis dans le cadre d'un conflit armé interne) tombant sous sa juridiction. Ces

crimes de guerre comprennent entre autres : les meurtres de toutes sortes, mutilations,

traitements cruels, torture et prise d'otages, commis contre ceux qui ne prennent pas une

part active au conflit, le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la

population civile ou des objectifs civils. De plus il définit comme crime de guerre le fait

de "Lancer intentionnellement une attaque en sachant que cette attaque provoquera

accessoirement la perte de vies ou des blessures sur des civils ou des dommages sur des

objectifs civils ou indiscriminés, des dommages graves et durables à l'environnement

naturel qui seraient clairement excessifs par rapport à l'avantage militaire général concret

et direct que l'on attend " et "Attaquer ou bombarder , de quelque manière que ce soit ,

des villes, villages, habitations ou bâtiments qui sont sans défense et qui ne sont pas des

objectifs militaires ". À travers le Statut de Rome et d'autres instruments, la communauté

internationale a affirmé que les individus peuvent être tenus pénalement responsables de

crimes de guerre.

De plus, le viol et les autres formes de violences sexuelles par des combattants dans la

conduite d'un conflit armé sont maintenant reconnus comme crimes de guerre, et tout

récemment par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, que le gouvernement

soudanais a signé en septembre 2000.

Dans le contexte du conflit au Darfour, les forces soudanaises et les groupes d'opposition

armés doivent être guidés à la fois par les normes du droit humanitaire et par celles

relatives aux droits humains. L'obligation de protéger les civils signifie également que

toutes les parties au conflit ont une obligation de faire en sorte que les gens ne soient pas

forcés de quitter leur domicile .

Un gouvernement qui est responsable du déplacement intérieur sur une grande échelle de

ses propres citoyens, ou qui le tolère, viole ses propres obligations en vertu de la Charte

des Nations Unies qui exige de tous les Etats membres des Nations Unies de "favoriser le

respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour

tous" (Articles 55 et 56) . Les droits des personnes déplacées comprennent l'ensemble des

droits inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Les normes de

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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protection de la liberté de déplacement, à l'article 12 (1) du Pacte international relatif aux

droits civils et politiques, auquel le Soudan est partie, indiquent une protection générale

contre les déplacements forcés.

Lorsque les déplacements forcés sont commis sur une grande échelle ou de façon

systématique, ou, comme le confirme l'article 7 du Statut de Rome, lorsqu'ils sont opérés

dans le cadre d'une attaque générale et systématique dirigée contre une population civile,

c'est un crime contre l'humanité.

Les personnes qui ont été déplacées à l'intérieur de leur pays restent protégées par les lois

de celui-ci, et le gouvernement du Soudan aurait la responsabilité première de leur fournir

assistance et protection. Selon le droit relatif aux droits humains, qui reste valable dans

tous les cas de déplacement à l'intérieur, les personnes déplacées doivent bénéficier, en

toute égalité, des mêmes droits humains fondamentaux que les autres citoyens soudanais,

en vertu du droit national et international .

Les personnes déplacées au Soudan sont également protégées par le droit international

humanitaire. L'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 est la pierre

angulaire de la protection des civils, et notamment des personnes déplacées de l'intérieur,

et il est également applicable aux situations de conflits non internationaux 27

. Il interdit

"en quelque lieu et moment que ce soit" certains actes, y compris les violences contre la

vie et les personnes, et en particulier les mutilations, traitements cruels et torture, la prise

d'otages et les traitements humiliants et dégradants ainsi que les exécutions sommaires ,

pour ne citer que certains des points. Il est important de noter que les dispositions

obligatoires des règles minimales de l'article 3 commun sont expressément contraignantes

pour les deux parties à un conflit.

Outre l'interdiction pour le gouvernement du Soudan de déplacer arbitrairement des gens,

il existe aussi des obligations qui découlent du droit humanitaire de ne pas causer de mal

aux civils, et notamment aux personnes déplacées de l'intérieur.

L'article 4 du Protocole additionnel II aux Conventions de Genève prévoit des garanties

fondamentales non dérogeables de traitement humain qui s'appliquent aux personnes

déplacées de l'intérieur et aux autres victimes du conflit interne au Soudan. Il interdit

absolument un certain nombre d'atteintes dont il existe d'abondantes preuves dans ce

conflit.

Le Soudan a l'obligation, en vertu des traités qu'il a ratifiés et du droit coutumier, de

protéger les droits de chacun sur son territoire. L'implication active des forces

gouvernementales dans des violations des droits humains constitue non seulement un

non-respect de ses obligations mais aussi un mépris total des traités internationaux qu'il a

ratifiés.

27

L'Article 3 Commun s'applique automatiquement : "En cas de conflit armé... chaque partie au conflit

sera tenue d'appliquer..." Il étend la protection aux "personnes qui ne prennent aucune part active aux

hostilités, et notamment aux membres des forces armées qui ont déposé les armes et à ceux mis hors de

combat par maladie, blessure, détention ou par une autre cause..."

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6. Conclusion

Au Darfour les civils souffrent terriblement. Lorsque Amnesty International a demandé à

certains ce qui atténuerait leur souffrance, voici ce qu'ils ont dit :

" Ce conflit se déroule maintenant entre le gouvernement et les civils. Mais les gens sont

tout simples, ils n'ont rien, on les tue alors qu'ils sont désarmés. Le problème est qu'on dit

aux gens de partir. Trop de gens sont tués sans raison. Nous demandons au

gouvernement et à l'ALS de trouver une autre solution, sans imposer la guerre aux gens,

et nous avons besoin de développement."

" Auparavant il y avait un conflit entre les cultivateurs et les nomades. Comme le

gouvernement donne maintenant des armes aux Arabes, ces derniers commettent des

fautes. La population locale ne peut pas l'accepter. Même les enfants arabes ont des

armes. Il faut que la communauté internationale voie ce qui se passe au Darfour et il faut

que nous obtenions justice pour les victimes. Egalement nous avons besoin de liberté,

liberté de déplacement, liberté de penser, liberté de parler."

Les graves atteintes aux droits humains décrites dans ce rapport ne peuvent plus rester

ignorées, et le contexte d'un conflit armé ne peut plus les justifier ni les excuser. Le

gouvernement soudanais doit reconnaître franchement l'étendue de la crise humanitaire et

de celle affectant les droits humains au Darfour et prendre des mesures immédiates pour

y mettre un terme. Il ne doit pas laisser le Soudan sombrer dans une autre guerre civile où

des atrocités sont commises contre les civils comme au Soudan méridional. Il doit

montrer à la communauté internationale que son engagement déclaré en faveur de la paix

et des droits humains dans le cadre des négociations de paix pour le Soudan est une

réalité.

Les dirigeants des groupes politiques armés doivent aussi prendre toutes les mesures

possibles pour respecter les droits humains des civils au Darfour et affirmer publiquement

leur engagement à respecter toujours le droit international humanitaire.

7. Recommandations

Au gouvernement soudanais

- Condamner publiquement tous les cas graves d'atteintes au droit

international humanitaire et relatif aux droits humains commises par ses forces

armées et les milices alignées sur ces dernières ; diligenter des enquêtes

indépendantes et impartiales sur tous les cas de ce genre qui sont signalés.

- Prendre immédiatement des mesures pour apporter une protection

adéquate aux civils du Darfour contre les attaques délibérées et indiscriminées.

- Veiller à ce que les organisations humanitaires puissent avoir accès sans

restrictions et en toute sécurité à toute la région du Darfour et à toutes les victimes du

conflit, et notamment aux personnes déplacées de l'intérieur .

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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- Interrompre tout soutien et approvisionnement aux forces armées irrégulières, et

notamment aux milices arabes et aux Janjawid, ou les soumettre à un strict contrôle

hiérarchique, en indiquant clairement que les violations des droits humains et du droit

humanitaire ne seront pas tolérées et en les obligeant à rendre des comptes sur ce point.

- Autoriser la création d'un groupe d'observateurs des droits humains intégré au

corps de surveillance du cessez-le-feu dans la région, qui ait les moyens d'enquêter

librement sur les attaques contre des civils.

- Accepter une Commission internationale d'enquête sur la crise complexe des

droits humains du Darfour , qui devrait rendre des comptes publiquement et faire des

recommandations pour assurer la protection des droits humains dans la région, en accord

avec le droit international humanitaire et relatif aux droits humains et qui soient mises

en oeuvre immédiatement.

- Fournir ou faciliter l'obtention des informations sur toutes les personnes enlevées

par les Janjawid et toutes les personnes arbitrairement détenues par les forces de sécurité

soudanaises en lien avec le conflit .

- Mettre fin aux arrestations arbitraires et détentions au secret, et libérer

immédiatement les personnes qui sont détenues uniquement en raison de l'expression

pacifique de leurs opinions .

- Inculper les prisonniers politiques d'un délit pénal identifiable et les traduire en

justice, en respectant toutes les normes internationales d'équité et sans appliquer la peine

de mort ni d'autres châtiments cruels, inhumains ou dégradants, ou les libérer .

- Suspendre immédiatement, pour la durée de l'enquête, tout membre des forces

armées soudanaises soupçonné d'avoir commis ou ordonné des violations des droits

humains.

- Enquêter sans retard et de manière indépendante sur tous les signalements de

violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains au Darfour par

des membres de ses forces armées , des Janjawid, ou de toute autre milice alignée sur le

gouvernement, et traduire en justice toute personne soupçonnée de violations, en des

procès respectant les normes internationales d'équité.

- Organiser une réparation intégrale, et notamment des dommages et intérêts, la

restitution de biens, la réadaptation, la garantie et la certitude que cela ne se reproduira

pas pour les proches des civils illégalement tués ou disparus dans le contexte du conflit et

pour les victimes de torture, et notamment de viol, et d'autres violations des droits

humains.

- Ratifier et appliquer sans retard les Protocoles additionnels I et II aux

Conventions de Genève de 1949.

Aux groupes armés du Darfour, et notamment l'ALS, le JEM, et les Janjawid et milices 'arabes' :

- S'engager publiquement à respecter en toute occasion le droit international

humanitaire applicable à toutes les parties aux conflits armés internes, et à

respecter et protéger la vie et les moyens de subsistance des civils dans toutes les

zones qu'ils contrôlent .

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- Faire en sorte que leurs combattants ne commettent pas de violations des

droits humains contre des civils et retirer tout combattant soupçonné d'atteintes

contre des civils des situations où pareilles violations pourraient se reproduire.

- S'engager publiquement à garantir l'accès sans restriction et sans danger

des organisations humanitaires et observateurs internationaux des droits humains

à toutes les zones du Darfour.

Aux autorités tchadiennes

- Veiller à la sécurité des réfugiés soudanais à la frontière avec le Soudan,

notamment par des efforts accrus pour réinstaller au Tchad tous les réfugiés, en

collaboration avec le HCR, dans des secteurs plus sûrs éloignés de la frontière,

avant le début de la saison des pluies en mai 2004 .

- Faire en sorte que tous les réfugiés soudanais puissent entrer sur le

territoire tchadien et qu'aucun réfugié soudanais ne soit forcé de retourner vers des

secteurs où il risquerait de subir des violations des droits humains.

- Apporter une attention particulière aux groupes vulnérables au sein de la

population réfugiée, tels que les femmes et les enfants, mettre à la disposition des

victimes de torture et de viol une aide médicale et psychologique, et répondre aux

besoins de scolarisation des enfants réfugiés.

- Condamner publiquement les cas de violations graves des droits humains

commises par tout acteur au Darfour, qui seraient portées à leur attention .

- Traiter en priorité, dans toutes les conversations avec le gouvernement

soudanais ou les groupes d'opposition armés au Darfour, des violations des droits

humains contre les civils et de la situation humanitaire de la population du

Darfour.

Au HCR de l'ONU

- Accroître les efforts pour réinstaller au Tchad tous les réfugiés, en

collaboration avec le gouvernement du Tchad, dans des secteurs plus sûrs éloignés

de la frontière, avant le début de la saison des pluies en mai 2004 .

- Contribuer à garantir que tous les réfugiés soudanais aient accès à la

protection du Tchad et ne soient pas renvoyés vers des secteurs où ils risqueraient

de subir des violations des droits humains.

- Apporter une attention particulière aux groupes vulnérables au sein de la

population réfugiée, tels que les femmes et les enfants, mettre à la disposition des

victimes de torture et de viol une aide médicale et psychologique, et répondre aux

besoins de scolarisation des enfants réfugiés.

Aux Nations unies

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- Faire pression pour obtenir un accès humanitaire sans réserve des agences

des Nations Unies et des autres organisations apportant une aide à tous les civils et

personnes déplacées affectées par le conflit dans tous les secteurs du Darfour.

- Condamner publiquement les cas de violations graves des droits humains

commises par tout acteur au Darfour, qui seraient portées à leur attention, et faire

part de ces préoccupations aux parties au conflit .

- Veiller à ce que les droits humains soient au centre de toute médiation ou

négociation visant à résoudre le conflit. Cette médiation ou ces négociations

devraient prendre en compte la question des violations passées, la réparation aux

victimes, et la protection des droits humains à l'avenir. Les façons de régler la

crise humanitaire au Darfour doivent être intégrées à ces négociations .

- Soutenir la création d'un corps d'observateurs des droits humains au

Darfour, avec les moyens d'enquêter librement sur les attaques contre des civils

par toutes les parties en cause et de rendre compte publiquement de ses

conclusions .

- Soutenir la création d’une Commission internationale d'enquête

indépendante et impartiale sur la crise complexe des droits humains au Darfour.

Aux médiateurs des négociations de paix au Soudan, et notamment les USA, le Royaume-Uni, la Norvège, l'Italie, le Kenya et les pays qui interviennent comme donateurs au Soudan, comme l'Union européenne et le Canada : - Condamner publiquement les cas de violation grave du droit international

humanitaire et relatif aux droits humains commises par toute partie au Darfour,

qui seraient portées à leur attention.

- Encourager toutes les parties au conflit du Darfour à mettre fin aux violations du

droit international humanitaire et relatif aux droits humains dans la région.

- Encourager toutes les parties à convenir d'un dispositif pour protéger les civils de

violations des droits humains au Darfour.

- Veiller à ce que les droits humains soient au centre de toute médiation ou

négociation visant à résoudre le conflit. Cette médiation ou ces négociations

devraient prendre en compte la question des violations passées, la réparation aux

victimes, et la protection des droits humains à l'avenir. Les façons de régler la

crise humanitaire au Darfour doivent être intégrées à ces négociations .

- Soutenir la création d'un corps d'observateurs des droits humains au Darfour qui

puisse enquêter librement sur les attaques à l’encontre de civils par quelque partie

que ce soit et rendre compte publiquement de ses conclusions .

- Soutenir la création d’une Commission internationale d'enquête indépendante et

impartiale sur la crise complexe des droits humains au Darfour.

- Faire en sorte qu'un accord final mettant fin à la guerre civile dans le sud

contienne également des garanties concernant les droits humains et un mécanisme

solide de surveillance des droits humains dans tous les secteurs du Soudan, et

notamment au Darfour.

- En accord avec les principes de la responsabilité internationale et du partage des

charges, fournir toute l'assistance nécessaire aux autorités tchadiennes et aux

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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agences qui offrent protection et assistance aux réfugiés au Tchad et aux

personnes déplacées de l'intérieur au Darfour.

A l'Union Africaine - Condamner publiquement les cas de violation grave du droit international

humanitaire et relatif aux droits humains commises par toute partie au Darfour,

qui seraient portées à son attention.

- Encourager le gouvernement soudanais à respecter en toutes occasions les droits

humains internationalement reconnus du peuple soudanais.

- Veiller à ce que les droits humains soient au centre de toute médiation ou

négociation visant à résoudre le conflit. Cette médiation ou ces négociations

devraient prendre en compte la question des violations passées, la réparation aux

victimes, et la protection des droits humains à l'avenir. Les façons de régler la

crise humanitaire au Darfour doivent être intégrées à ces négociations .

- Soutenir la création d'un corps d'observateurs des droits humains au Darfour, avec

les moyens d'enquêter librement sur les attaques contre des civils par toutes les

parties en cause et de rendre compte publiquement de ses conclusions .

- Soutenir la création d’une Commission internationale d'enquête indépendante et

impartiale sur la crise complexe des droits humains au Darfour.

La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, 1 Easton

Street, Londres WC1X ODW, Royaume Uni, sous le titre Sudan – Darfur : « Too many people killed for no

reason ». Seule la version anglaise fait foi.

La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par

le Service Régions et Commissions de la Section Française d’Amnesty International – avril 2004

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SOUDAN. Darfour : « Trop de personnes tuées sans raison » Index AI : AFR 54/008/2004

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Table des matières

1. INTRODUCTION .................................................................................................................................... 0

INFORMATIONS GENERALES ........................................................................................................... 3 L'ACTION D'AMNESTY INTERNATIONAL POUR LE DARFOUR .............................................................. 5

2. GRAVES ATTEINTES CONTRE LES DROITS HUMAINS ET LE DROIT HUMANITAIRE AU

DARFOUR .................................................................................................................................................... 9

2.1 GRAVES ATTEINTES COMMISES PAR LES FORCES ARMEES ET LES MILICES

PROGOUVERNEMENTALES .............................................................................................................. 9 2.1.1 Exécutions extrajudiciaires et autres homicides illégaux ........................................... 9 2.1.2 Actes violents et de torture, notamment des viols, sur des civils ...........................18 2.1.3 Destruction de villages , de récoltes, et pillage de bétail et de biens .....................20 2.1.4 Enlèvements, arrestations, torture et exécution de prisonniers ..............................21

2.2 ATTEINTES AUX DROITS HUMAINS PAR LES GROUPES POLITIQUES ARMES ................................. 25 2.2.1 Signalements d'homicides illégaux et de pillages .......................................................25 2.2.2 Arrestations et détentions par des groupes d’opposition armés ............................26

3. LA RESPONSABILITE DES AUTORITES SOUDANAISES DANS LES GRAVES

VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS COMMISES AU DARFOUR ..............................................27

3.1 BOMBARDEMENTS ET ATTAQUES PAR LES FORCES DU GOUVERNEMENT ................................... 28 3.2 INFORMATIONS MONTRANT LES LIENS ENTRE LES MILICES JANJAWID OU 'ARABES' ET LE

GOUVERNEMENT .......................................................................................................................... 28 3.3 NI CONDAMNATION NI ENQUETE SUR LES VIOLATIONS DE LA PART DU GOUVERNEMENT ............. 30

4. LA MENACE D'UNE CRISE HUMANITAIRE ...................................................................................31

4.1 LA SITUATION DES REFUGIES SOUDANAIS AU TCHAD ............................................................... 31 4.1.1 Une insécurité continuelle pour ceux qui recherchent un abri sûr .........................31 4.1.2 Situation humanitaire critique des réfugiés soudanais au Tchad ............................32

4.2 REFUS DE PROTECTION ET D'ASSISTANCE AUX PERSONNES DEPLACEES AU DARFOUR.............. 35

5. DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE ET RELATIF AUX DROITS HUMAINS ..................38

6. CONCLUSION ........................................................................................................................................41

7. RECOMMANDATIONS .........................................................................................................................41

AU GOUVERNEMENT SOUDANAIS .................................................................................................. 41 AUX GROUPES ARMES DU DARFOUR, ET NOTAMMENT L'ALS, LE JEM, ET LES JANJAWID ET MILICES

'ARABES' : ................................................................................................................................... 42 AUX AUTORITES TCHADIENNES ..................................................................................................... 43 AU HCR DE L'ONU ..................................................................................................................... 43 AUX NATIONS UNIES .................................................................................................................... 43 A L'UNION AFRICAINE.................................................................................................................. 45