au-delà des idées reçues - cerimes

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PHOTOS:AUTEUR Karaté et EPS, au-delà des idées reçues PAR P. GIRODET, Y. RIBEYRE Comparativement à d'autres sports de combat, le karaté est peu programmé en EPS. Un cycle est proposé à des étudiants STAPS pour dépasser les représentations classiques, et montrer en quoi l'activité peut se révéler tout à fait intéressante pour solliciter et développer les ressources des élèves en EPS. L ors de l'année universi- taire 2007-2008, l'UFR STAPS de Clermont- Ferrand a programmé le karaté parmi les pra- tiques optionnelles de Licence 2. Nous avons proposé à 23 étu- diants (dont seulement 2 avaient déjà une pratique antérieure des arts martiaux) de vivre 12 séances de 2 heures. L'un des principaux objectifs était de discerner les capacités et compétences pouvant être développées en utilisant le karaté comme activité-support en EPS. Ces séances ont également permis de tester la mallette péda- gogique élaborée par la Fédéra- tion Française de Karaté et Disci- plines Associées (FFKDA) à destination des éducateurs. Le tableau ci-contre présente un résumé du contenu du cycle et de ses objectifs. Au cours des séances, une part importante était réservée aux échanges avec les étudiants. En fin de cycle, ces derniers ont rempli un questionnaire (ano- nyme), afin d'évaluer leur per- ception du karaté comme acti- vité-support pour l'EPS et leur sensation de compétence person- nelle acquise lors du cycle. L'en- cadré p.56 présente la synthèse des réponses. Les questions A, B et ^ proposaient un cnoix entre 4 items afin de permettre un traite- ment statistique des réponses. En revanche, la question D, totale- ment ouverte, donnait aux étu- diants la possibilité de s'expri- mer librement, sans orienter leurs réponses par un vocabulaire prédéfini, le but étant de laisser émerger spontanément les élé- ments auxquels ils avaient été le plus sensibles. Les échanges avec les étudiants ainsi que certaines réponses au questionnaire ont permis d'iden- tifier plusieurs idées reçues, par- fois contradictoires, qui pour- raient conduire à penser que le karaté et l'EPS sont peu compa- tibles. Il nous a donc semblé utile de structurer la suite de l'exposé 54 POUR VOUS ABONNER AUX REVUES EP.S ET EPS 1 • TEL 01 55 56 71 28 EMAIL [email protected] Revue EP.S n°334 Novembre-Décembre 2008 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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Karaté et EPS, au-delà des idées reçues

PAR P. GIRODET, Y. RIBEYRE

Comparativement à d'autres sports de combat, le karaté est peu programmé en EPS. Un cycle est proposé à des étudiants STAPS pour dépasser les représentations classiques, et montrer en quoi l'activité peut se révéler tout à fait intéressante pour solliciter et développer les ressources des élèves en EPS.

L ors de l 'année universi­taire 2007-2008, l 'UFR STAPS de C l e r m o n t -Ferrand a programmé le kara té pa rmi les pra­

tiques optionnelles de Licence 2. Nous avons proposé à 23 étu­diants (dont seulement 2 avaient déjà une pratique antérieure des arts martiaux) de vivre 12 séances de 2 heures. L'un des principaux objectifs était de discerner les

capacités et compétences pouvant être développées en utilisant le karaté comme activité-support en EPS. Ces séances ont également permis de tester la mallette péda­gogique élaborée par la Fédéra­tion Française de Karaté et Disci-p l ines Assoc i ées ( F F K D A ) à destination des éducateurs. Le tableau ci-contre présente un résumé du contenu du cycle et de ses objectifs.

Au cours des séances, une part impor tan te était réservée aux échanges avec les étudiants. En fin de cyc l e , ces dern iers ont rempli un quest ionnaire (ano­nyme), afin d 'évaluer leur per­ception du karaté comme acti­vité-support pour l 'EPS et leur sensation de compétence person­nelle acquise lors du cycle. L'en­cadré p .56 présente la synthèse des réponses. Les questions A, B

et ^ proposaient un cnoix entre 4 items afin de permettre un traite­ment statistique des réponses. En revanche, la question D, totale­ment ouverte, donnait aux étu­diants la possibilité de s'expri­mer l i b r e m e n t , sans o r i e n t e r leurs réponses par un vocabulaire prédéfini, le but étant de laisser émerger spontanément les élé­ments auxquels ils avaient été le plus sensibles. Les échanges avec les étudiants ainsi que certaines réponses au questionnaire ont permis d'iden­tifier plusieurs idées reçues, par­fois contradictoires , qui pour­raient conduire à penser que le karaté et l 'EPS sont peu compa­tibles. Il nous a donc semblé utile de structurer la suite de l'exposé

54 POUR VOUS ABONNER AUX REVUES EP.S ET EPS 1 • TEL 01 55 56 71 28 EMAIL [email protected] Revue EP.S n°334 Novembre-Décembre 2008 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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en discutant chacune des princi­pales idées reçues, sur la base des proposi t ions faites pendant le cycle, afin d'en montrer le carac­tère erroné.

« Le karaté serait une discipline réservée à des spécialistes et donc difficile à enseigner par un professeur d'EPS»

D'une part, la figure du « maître » très présente dans l ' imaginaire

des arts martiaux, et souvent sur­valorisée, sous-entend que pour être crédible, l'enseignant devrait être capable de démontrer les techniques avec un niveau d'exé­cution élevé. D'autre part, en rai­son de son origine historique, le karaté utilise une terminologie technique en j apona i s , langue perçue comme difficile d 'accès par les occidentaux. Il en résulte souvent l ' i m p r e s s i o n que les techniques sont difficiles à com­prendre ou que leur exécution

correcte nécessite une connais­sance culturelle particulière. Après le cycle de 12 séances, il ressort que les étudiants se sen­tent en majorité plutôt capables de proposer un cycle de karaté en EPS (question C).

Techniques de percussion choi­sies Pour le cycle, seulement quatre techniques d'attaque (photos 1 à 4 , p . 56) et les t e chn iques de défense correspondantes ont été

retenues afin de concilier les trois objectifs suivants. Accessibilité Les techniques ne doivent pas nécessiter des qualités physiques ou de coordinat ion exception­nelles, et donc être exécutables par des débutants à l'issue d'un temps d'apprentissage réduit. Variété Pour p ropose r des s i tua t ions motrices enr ichissantes et des situations d 'opposit ions stimu­lantes , les techniques doivent

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Réponses au questionnaire de fin de cycle

(Licence 2, 2007-2008)

Question A : «À l'issue de cette formation, le karaté vous semble-t-il utilisable comme une activité-support pour l'EPS?» •Pas du tout :0% •En partie seulement: 0% •Assez bien: 58 % •Très bien: 42% Question B : «À l'Issue de cette formation, vous sentez-vous capable d'utiliser le karaté comme une activité-support dans un cycle d'EPS?» •Pas du tout :0% •Assez capable: 53% •Capable: 37% •Très capable: 10% Question C : « Pensez-vous que la malle pédagogique proposée par la FF Karaté est utile pour

des séances d'EPS?» •Pas du tout: 0% •Adaptée: 16% •Bien adaptée:53% •Très bien adaptée : 31 % Question D (ouverte) : « D'après ce que vous avez expérimenté lors de cette formation, quelles sont les principales aptitudes et capacités qui peuvent être développées par un cycle EPS utilisant le karaté comme activité-support?» Pour donner une représentation chiffrée des réponses, nous les avons regroupées lorsqu'elles présentaient des similarités suffisantes, en distinguant celles à dominante motrice de celles évoquant d'autres dimensions. Les réponses ont ensuite été classées de façon décroissante en fonction du nombre de citations (occurrences),

Réponses à dominante motrice •Précision gestuelle, coordination motrice: 11 occurrences •Maîtrise des appuis et techniques de déplacement : 7 •Temps de réaction, prise d'information, anticipation : 6 •Équilibre: 6

•Vitesse d'exécution gestuelle : 4 •Souplesse: 3 •Perception et gestion de la distance et de l'espace: 3 Réponses évoquant d'autres dimensions

•Respect (partenaires, enseignant, lieu d'entraînement) : 13 •Contrôle de soi: 6 •Harmonie «corps-esprit», sensation de maîtrise corporelle : 6 •Valeurs éducatives, code moral, fair-play : 6

•Savoir travailler ensemble (partenaire et non adversaire) : 3

permettre d utiliser les deux prin­cipaux types d'armes (poings et pieds) et les deux grandes catégo­ries de trajectoires (directe et cir­culaire). Sécurité Les techniques doivent être aisé­ment contrôlables. Les percus­sions directes les plus simples avec le poing (Tsuki*) ou le pied (Mae-Geri) répondent bien à cet objectif car cont rô ler le coup équivaut à limiter l'allonge. Les techniques circulaires sont plus difficiles à contrôler en raison du moment c inét ique acquis : les plus facilement contrôlables sont celles pour lesquelles l'articula­t ion i n t e r m é d i a i r e ( coude ou genou) arrive en extension en fin de mouvement. Les techniques répondant le mieux à ce critère sont le coup de pied circulaire (Mawashi -Ger i ) et le coup de poing circulaire de revers (Ura-ken-Uchi), qui du point de vue du con t rô l e se révè le donc p lus avantageux que le crochet. Alors que presque tous les élèves é t a i en t d é b u t a n t s , le n iveau d ' exécu t ion s 'es t r ap idement révélé satisfaisant et suffisant pour aborder des situations d'op­position en toute sécurité.

« La pratique du karaté nécessiterait a priori des aptitudes et des qualités physiques exceptionnelles»

Il est par exemple courant de pen­ser que faire du karaté c'est, entre au t res , « donner des coups de pied sautés ou tournants en levant la jambe très haut», et qu'irrémé­diablement pour pouvoir s'initier, il est indispensable de posséder des qualités de souplesse et d'ex-plosivité desquelles dépendent le niveau technique et de perfor­mance du pratiquant. En réalité, on peut tout à fait pro­poser des situations d'opposition variées et s t imulantes à partir d'un répertoire technique simple et limité (photos ci-dessus). Parmi les techniques proposées, celle qui demande la plus grande amplitude articulaire est le coup de pied c i rcu la i re (Mawash i -geri), or l'angle d'ouverture entre les deux cuisses pour réaliser une telle technique ne dépasse pas 90° au total, ce qui revient res­pectivement à une abduction de 45° par hanche (photo 3), réali­sable sans difficulté par la plupart des individus.

De plus, en EPS lors d'un premier

cycle de sport de combat, le souci de maintenir un niveau satisfaisant de maîtrise et de sécurité nécessite de limiter les armes et cibles auto­risées, et entre autres d'interdire la réalisation des coups de pieds au niveau de la tête.

Il faut souligner par ailleurs que ce choix d'un répertoire technique simple et accessible, a pour effet de décentrer les élèves d'objectifs stricts de réalisation de formes ges-tue l les . Au-de là , le kara té en milieu scolaire offre un intérêt par­ticulier pour développer et enrichir les aspects de traitement de l'infor­mation, gestion de l'incertitude et acceptation de l'opposition.

« Le karaté serait une activité très spécifique et donc difficile à intégrer dans une approche EPS» Au sein de la grande famille des sports de combat de percussion, et plus particulièrement des sports de combat pieds-poings, chaque discipline revendique et affirme ses particularités. Ainsi, il semble naturel de penser que chacune d'entre elles est très spécifique. Le karaté se démarque avec ses postures et ses formes de corps

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Lex ique

T e r m e s g é n é r a u x Karaté : de Kara (vide) et Te (main), soit « art de combat à main nue ». Karatédo : le suffixe Do à la même signification que dans les noms des autres arts martiaux japonais (voie au sens de voie d'accomplissement). Il revendique la dimension d'épanouissement individuel et collective de cette pratique. Kimono ou Karatégi? Bien que très employé, le terme Kimono n'est pas le nom correct pour un vêtement d'entraînement que l'on désigne par le nom de la discipline suivi du suffixe Gi: Karatégi pour le karaté, Judogi pour le Judo. Tatami : tapis de 1 ou 2 m 2 et d'une épaisseur de 2 à 5 cm, disposés sur le sol pour amortir les chutes dans les arts martiaux japonais (judo, aïkido, kendo, etc.).

C o m p o s a n t e s d e l ' en t ra înement Kumite : exercices de combat. On différencie : -le combat libre-souple (Ju-Kumite) ; - les assauts conventionnels, qui limitent l'échange à une seule action offen­sive et défensive, notamment: Ippon-Kumite (départ en garde sans déplace­ment préalable à l'attaque), Jiyu-Ippon-Kumite (avec travail de déplacement et d'approche préalable à l'attaque).

Kihon : répétition des techniques ou de séquences de techniques dans le vide.

T e c h n i q u e s d e f r a p p e

Tsuki: coup de poing direct. On différencie Oï-Tsuki (sur un pas, frappe avec la main correspondant à la jambe avant) et Gyaku-Tsuki (frappe avec la main contraire à la jambe avant). Uraken-Uchi : frappe circulaire du revers de poing. Maegeri : frappe directe vers l'avant avec le pied. Mawashi-Geri : frappe circulaire avec le pied.

» . . J

5 • Touche pleine. On recherche le max imum de

pénétrat ion afin de trouver l 'organisation corporelle

optimale.

6 • Touche de surface. Concept de «sk in - touch»:

le segment f rappant effleure la surface de la cible.

7 • Contrôle total . Pour la sécurité en EPS le

contrôle peut être effectué à environ 10 c m («épaisseur

d'un poing ») de la cible.

8 • Exercice sur petite cible. Objectif : précision.

9 • Exercice avec cerceau (malle pédagogique FFKDA).

Object i f : maîtrise de la trajectoire.

très codifiées et passe donc pour une activité fermée sur elle-même avec des apprentissages peu ou pas transférables. Cela rendrait finalement cette activité incompa­tible avec une approche EPS où l 'on cherche à développer des compétences plus larges et plus ouvertes par groupe d ' A P S A , voire des compétences générales ou encore méthodologiques. Pourtant, après avoir vécu seule­ment un cycle en formation ini­t ia le , la majorité des étudiants trouvent le karaté adapté à l'en­seignement de l 'EPS (question A). La richesse de leurs réponses à la question D montre par ailleurs qu'ils ont nettement dépassé une conception technique et formelle de l 'enseignement de l 'activité, mais qu ' i l s raisonnent déjà de manière plus globale et transver­sale. Ainsi ils réfléchissent en termes de capacités organisatrices des conduites motrices de l'élève : précision,coordination,déplace­ment, anticipation, équilibre, per­ception de l ' espace , etc. De la même façon, ils mettent en avant un certain nombre de connais­sances l iées aux savoi r - fa i re sociaux ou à la connaissance de soi : respect des partenaires et de l ' ense ignan t , cont rô le de so i , équilibre personnel, etc. Les élé­

ments cités sont précisément ceux sur lesquels l 'EPS s 'appuie en milieu scolaire. En cela, ils s'ins­c r iven t dans les o r i en ta t ions actuelles des programmes.

«Le karaté serait une activité dangereuse et violente » Au cours des discussions avec les étudiants, il est apparu que dans l'imaginaire de beaucoup de per­sonnes, frapper est perçu comme une action beaucoup plus vio­lente que le fait de saisir ou proje­ter. Les sports de combat de per­cussion ont donc souvent une image plus violente que ceux de préhension et présagent pour cer­tains de plus de risque de bles­sures, ce qui au bout du compte rendrait ces activités incompa­tibles avec les objectifs de l 'EPS. De plus, dans le cas spécifique du karaté, cette dimension de vio­l ence est a ccen tuée par les images caricaturales véhiculées par fo is par les f i lms et les démonstrations d'arts martiaux, images qui pourraient laisser sup­poser que les pratiquants passent leur temps à «casser des planches en poussant des cris». Pourtant, l'une des spécificités du karaté est de concilier l'appren­

tissage de l'engagement physique et le contrôle de ses actes. Ainsi, de la même manière qu'en judo, on ne commence pas directement par du combat debout et des pro­jections, il existe en karaté une progression dans la variété des armes et des cibles autorisées, la distance d 'affrontement , l 'en­c h a î n e m e n t des coups et des déplacements p roposés . Nous refusons de proposer aux débu­tants des situations totalement ouvertes dans lesquelles « tous les coups sont pe rmis » , qui engendreraient souvent approxi­mations, voire agressivité ou dan­ger. De p lus , la phase initiale d 'apprent issage des différents coups se réalise sur cibles avec un travail important d 'affinement des sensations proprioceptives et extéroceptives du toucher grâce à une alternance dans les formes de contac t r e c h e r c h é e s : t ouche pleine (photo 5), touche de sur­face (photo 6) ou contrôle total (photo 7). S'y ajoute un travail sur l'équilibre, la perception de la vitesse, de la distance, ainsi que sur la précision (photo 8) et les trajectoires (photo 9), conduisant à une véritable amélioration du contrôle du geste visant à suppri­mer toute forme de dangerosité ou de violence.

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Découverte des parades de base avec frites en mousse (malle pédagogique FFKDA)

Gants de karaté.

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«Le karaté serait une activité détachée de la réalité de la situation d'opposition» Lors du dépouillement du ques­tionnaire il est également apparu que le karaté est parfois victime d 'une autre image caricaturale, paradoxalement complètement opposée à l ' image de violence que nous venons d'évoquer. Il est perçu par certains comme une activité où les pratiquants « pas­sent leur temps à faire semblant de toucher et à faire des gestes dans le vide ».

Pourtant de nombreux exercices en karaté confrontent les prati­quants aux trois contraintes envi­ronnementa les majeures de la situation d 'opposi t ion définies par Audiffren et Meignan [1] : l'incertitude événementielle, l'in­certitude temporelle et la pression temporelle. Les assauts conven­tionnels illustrent parfaitement la combinaison de ces trois facteurs en les faisant varier à volonté, de façon à diminuer ou augmenter la complexité informationnelle [2]. Le pratiquant se pose en perma­nence les questions : « Quel coup va déclencher mon adversaire ? A quel m o m e n t et avec que l l e vitesse ? », et en ayant très peu de temps pour analyser et réagir. Autrement dit, il vivra bien tota­l emen t l ' o p p o s i t i o n dans sa

dimension de duel pe rmanent d ' e space - t emps et d ' in forma­tions. L'un des objectifs de fin de cycle pour les étudiants consistait d'ailleurs à savoir gérer ces diffé­rents paramètres de la situation d 'opposi t ion pour l 'adapter au mieux aux caractéristiques des élèves. C'est-à-dire proposer une situation dans laquelle l'élève est capable de maintenir un niveau d ' engagemen t physique élevé tout en maîtrisant la complexité informationnelle.

«Le karaté serait une activité peu ludique et pauvre en situations pédagogiques» L ' o r i g i n e mar t i a l e du ka ra t é génère une image austère, impré­gnée de rigueur, avec un ensei­gnement directif laissant peu de place aux situations ludiques ou interactives. Le fait est que le karaté dans sa version ancienne n'était pas un jeu sportif ou une activité purement éducative, et il n'était donc pas conçu pour l 'enseignement aux enfants. Mais depuis plusieurs dizaines d'années le karaté s'est développé dans une dimension sportive et éducative. Au niveau fédéral, la formation des cadres a intégré les apports modernes en pédagogie et didactique notam­ment pour développer l'enseigne­

ment adapté aux enfants [3] et diverses publications existent sur le sujet [4j. Lors du cycle proposé (tableau p.55) les étudiants ont pu expé r imen te r de nombreuses situations pédagogiques et ont appris à en construire de nouvelles à partir des variables et paramètres étudiés. Les photos p.57 illustrent certaines de ces situations pour l'apprentissage des techniques de percussion (photos 8 et 9) et de parades ou blocages (photo 10).

«Le karaté nécessiterait un matériel spécifique ce qui rendrait difficile la mise en place de cycles EPS» Nous avons parfois tendance à penser que le karaté ne peut être enseigné si nous ne disposons pas d'une surface (Tatamis) et d'une tenue (Kara tégi ) spéc i f iques , d'une paire de gants par élève, de cibles pour l 'apprentissage des attaques, etc.

Or, ce matériel n 'est générale­ment pas à la disposition des pro­fesseurs d 'EPS. Il est cependant tout à fait possible de s'en passer ou de trouver des substituts. Cette question a d'ailleurs fait l'objet de la séance 9 et a été abordée à plusieurs reprises au cours du cycle.

Des propositions sont présentées selon le type de matériel à dispo­sition dans le tableau p .58 .

Le cycle proposé aux étudiants avait pour objectif non pas

u n i q u e m e n t de les in i t ie r au karaté à travers la découverte de quelques techniques et principes de base, mais aussi de leur mon­trer l ' intérêt de l 'act ivi té pour solliciter de manière originale les r e s s o u r c e s et c a p a c i t é s des élèves. L'accent était également mis sur la notion de progression et les possibil i tés de variables pédagogiques spécifiques per­mettant d 'adapter les situations aux caractéristiques des élèves de façon à assurer efficacement la sécuri té et les apprent issages . Enfin, la présentation de l'article sous cette forme visait à remettre en cause certaines grandes idées reçues sur le karaté qui occultent souvent ses vér i t ab les a tou t s pédagogiques et didactiques pour l'enseignement de l'EPS •

Pascal Girodet BEES 2e degré karaté,

ceinture noire 5e dan Master STAPS

« Sport et Performance » Chargé de mission FFKDA

Chargé d'enseignement à l'UFR STAPS et à la DRJS

Clermon t-Ferrand [email protected]

Yann Ribeyre Professeur agrégé d EPS

LP Camille Claudel Clermont-Ferrand (63) BEES Ier degré karaté

ceinture noire 2e dan [email protected]

Les étudiants STAPS L2 de Clermont-Ferrand. Au centre, l 'enseignant, P. Girodet, expert en Karaté. À droite, la mallette pédagogique FFKDA.

* Les termes techniques sont définis dans le lexique p . 5 7

Références bibliographiques [1] AUDIFFREN ( M . ) , MEIGNAN ( L . ) , «Prise

de décision et sports de combat» In Ren­contres chercheurs/praticiens : Actes des journées nationales du CE1PEPS, Dossier EPS n e 35 . Ed. Revue EP.S, 1997. [2] HEUSER (F.), CHAMINADE (D.), «Orga­

nisation et graduation de l'incertitude dans l'opposition ». Revue EP.S n°326,2007. [3] F F K D A , Pédagogie enfants, D V D FFKDA, Paris, 2008 disponible sur www.ffkarate.fr [ 4 ] SAUVAGE (P.), Cours de karaté pour enfants. Ed. De Vecchi, Paris, 2007.

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